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Quand je serai libre
« Quand je serai libre ».
LES MOTS VIENNENT, PRESQUE chuchotés, après réflexion, mais il
est évident que Lars Vilks les a souvent prononcés auparavant.
L'artiste et professeur Lars Vilks est assis avec une tasse de café à la
main. Nous avons parlé de l'avenir. Les mots restent dans l'air
pendant quelques secondes, ce qui semble être une éternité. Quand
il deviendra libre. S'il deviendra libre. Que fera-t-il alors ?
Trois morceaux de sucre et du lait. Il tourne lentement la cuillère
dans la tasse. Il porte une chemise en jean. Cela fait de nombreuses
années que je n'ai pas vu quelqu'un porter une chemise en jean.
Nous sommes assis dans la salle de conférence qui se décline dans
une gamme de couleurs blanc-gris-noir. Nous ne sommes pas seuls.
Son compagnon permanent, son garde du corps, est constamment
présent. Même ici, dans cette petite salle de conférence. Vilks semble
néanmoins remarquablement calme et décomplexé quand il parle de
la façon dont sa vie a fondamentalement changé ce jour-là en 2007.
Lorsqu'il se tenait sur la place de la ville allemande de Cassel avec un
groupe d'étudiants en art à l’exposition d'art La Documenta.
Documenta est l'une des plus grandes expositions d'art
contemporain au monde et a lieu tous les cinq ans. En 2007,
l’exposition a été visitée par plus de 750 000 visiteurs. Il y avait plein
de monde. Partout.
Le téléphone portable sonna alors qu'il était en train de parler à
ses compagnons de voyages. C’était les médias qui l'avaient atteint
en premier et lui demandaient ce qu’il ressentait du fait d'avoir reçu
une fatwa, une condamnation à mort prononcée par al-Qaïda. Vilks
se trouvait en plein milieu de cette multitude de gens.
« Que répond-t-on à cela ? » dit calmement Vilks. « Je n'avais
alors que de vagues notions sur ce que pourraient en être les
conséquences et, comment elles s'avèreraient plus tard ».
sida 95
LARS VILKS A toujours le fichier audio. Il n'est plus un homme libre
aujourd'hui. Sa vie quotidienne est bouleversée et contrôlée. Sans la
protection de l'État suédois, ses jours seraient comptés. La fatwa, sa
condamnation à mort, est très réelle. La liberté est censurée. Tout est
organisé avec une précision infime. Vilks est toujours seul. Mais en
même temps, il n'est jamais seul.
La raison de la Fatwa était les chiens de rond-point de Vilks,
désormais largement connus. Les chiens de rond-point, en réalité il
s’agissait seulement de l'un des trois croquis, qui été publié dans un
texte de Lars Ströman, rédacteur en chef du quotidien Nerikes
Allehanda le 28 août 2007100
. L'article avait été publié à propos de ce
dessin de Mahomet qui avait provoqué des protestations parmi les
musulmans en Suède et en Iran. L'Association d'art de Tällerud,
l’École de Gerleborg de Bohuslän et finalement, également le Musée
Moderne de Stockholm, tous ont refusé d’exposer les illustrations.
La raison pour laquelle Lars Vilks a eu des difficultés à exposer
ses dessins était la soi-disant crise des caricatures que le Danemark a
connue. Le 30 septembre 2005, le Jyllands-Posten a publié 12 dessins
représentant le prophète Mahomet. Cela a immédiatement suscité
des critiques de la part des communautés et organisations
musulmanes du Danemark. Des démonstrations et des
manifestations violentes contre les intérêts danois mais aussi contre
les intérêts suédois ont eu lieu après le Nouvel An 2006, après qu'une
délégation danoise-musulmane ait voyagé à travers le monde arabe.
Les artistes ont été menacés de meurtre et cinq ans après sa
publication, en 2010, une attaque terroriste contre le Jyllands-Posten
a été entravée, où notamment le citoyen suédois Munir Awad,
gendre d’Helena Hummasten Benaouda, qui était la présidente de
l'Association d'études Ibn Rushd, était impliqué.
Arla a été l'une des entreprises gravement touchées par le
boycott musulman du Danemark. Les 4 et 5 février 2006, plusieurs
ambassades nordiques ont été attaquées et mises à feu à Beyrouth et
à Damas.
Aussi bien la tentative d'attentat contre Jyllands-Posten que les
attaques qui ont ensuite été dirigées contre Lars Vilks étaient liées
sida 96
à la sphère des Frères Musulmans en Suède. Quel en était le crime ?
L'interdiction de représenter le Prophète Mahomet prévaut dans
l'Islam. Une interdiction d'imagerie qui n'a pas non plus de véritable
soutien dans le Coran mais qui est une interprétation sévère de la
Sourate 12 :40 :
« Ce que vous adorez à côté de Lui n'est rien d'autre que des noms
que vous avez inventés, vous et vos ancêtres ; Dieu ne vous a pas
donné la permission pour cela. Personne ne juge sauf Dieu ; Il vous
ordonne de l'adorer seul. C'est la vraie foi éternelle, mais la plupart
des gens n'ont aucune connaissance [de cela] ».
LORSQUE LE PROPHÈTE MAHOMET a obtenu une position de
divinité, l'interdiction de représentation en image l'a également
concerné après sa mort. Ceci est renforcé par l'interdiction du
blasphème dans la sourate 33 : 57 ;
« Allah condamne ceux qui blasphèment et Le blessent ainsi que Son
messager, et Il les exclut de Sa grâce dans cette vie et dans celle à
venir ; Il a une punition dégradante qui leur réserve ».
CES DEUX CRIMES sont également des violations de l'un des
documents ou traités les plus importants négociés par les pays
musulmans. L'un des objectifs que les Frères Musulmans ont avec
leur établissement dans des démocraties comme la Suède, est d'y
incorporer les Droits de l'Homme Musulman.
En 1990, l'Organisation of Islamic Cooperation, ou Organisation
de la Coopération Islamique101
, a adopté la soi-disant Déclaration du
Caire sur les Droits de l'Homme en Islam, la Déclaration du Caire102
,
reposant sur la charia comme seule base. Plusieurs pays musulmans
ont estimé que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de
l'Homme ne tenait pas compte des circonstances culturelles et
religieuses.
sida 97
La raison de l'attitude réservée à l'égard de la Déclaration des
Droits de l'Homme des Nations Unies est qu'elle repose sur une
vision séculière tacite, tandis que les pays ayant l'islam comme base
ont le Coran comme source qui, par exemple, inclut l'interdiction du
blasphème et de l’imagerie.
Une différence fondamentale et essentielle entre la Déclaration
des Nations Unies et la Déclaration du Caire est la vision de la liberté
religieuse, de la liberté d'expression et de l'apostasie. Selon la
Déclaration du Caire, il est en pratique interdit de renoncer à sa foi
islamique. En outre, la liberté d'expression ne doit pas être utilisée
contre la religion. Selon l'article 22A de la Déclaration du Caire ;
« chacun a le droit d'exprimer librement son opinion d'une manière
qui ne contrevienne pas aux principes de la charia ». Depuis 2015, le
Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies a imposé
l'obligation d'assimiler la critique des religions à la discrimination
contre les personnes. Cela est devenu possible lorsque l'Arabie
saoudite a pris le contrôle du Conseil en étant élu comme le pays
chargé de la présidence.
En Suède, c'est principalement le Comité des Droits de l'Homme
Musulman qui influence l'opinion publique pour une introduction,
mais toutes les organisations du réseau des Frères Musulmans
défendent la question dans les forums où elles agissent.
Nous discuterons plus loin de la façon dont la vie quotidienne de
Vilks a changé. Dès qu’il est rentré chez lui en Suède et est arrivé à
Helsingborg, Säpo l'a contacté. Ils ont eu une longue conversation et
Vilks a demandé à la police ce qu'ils pensaient qu'il devrait faire dans
la situation présente.
La réponse de la police a été :
« Change de nom, change d'identité et déménage ».
RIEN DE PLUS. LARS VILKS a expliqué que ce n'était pas une option
pour lui, mais la police lui a expliqué que : « chez lui, il ne pouvait pas
de toute façon y retourner ». Son logement doit nécessairement, et
tout d’abord, être contrôlé par des chiens renifleurs de bombes.
Heureusement que Vilks, en plein milieu de la nuit, a réussi à rentrer
en contact
sida 98
avec un ami, chez qui il a pu séjourner pendant quelques jours,
jusqu'à ce que la police l'autorise à rentrer chez lui. Si son ami ne
l’avait pas aidé, Vilks se serait retrouvé à la rue.
Depuis lors, les menaces contre sa vie, sa santé et ses biens
n'ont jamais cessé. Au contraire, elles sont manifestées par vagues.
Bien que Vilks n'ait pas formulé de critiques particulièrement
explicites et ne se soit pas non plus exprimé à travers son talent
artistique pour pouvoir être accusé de blasphémer sur l'islam, la
menace a augmenté successivement et sans relâche. Cependant, il
est évident que les menaces varient lorsque Vilks, dans ses
conférences, utilise les œuvres d’autres personnes, et problématise
la vision de l'islam sur la liberté d'expression. Les menaces contre
Vilks se sont également intensifiées en raison d'événements en
dehors de son control. Des événements dans son environnement.
Lars Vilks et moi avons analysé comment les menaces et les
interventions de Säpo ont augmenté au fil des ans. Depuis la
publication de la fatwa en 2007, Vilks souligne trois dates et
événements spécifiques qui ont eu des conséquences sur son
existence.
L'Américaine Colleen LaRose, mieux connue sous son
pseudonyme Jihad Jane, a été condamnée en 2014 à dix ans de
prison pour avoir planifié le meurtre de Lars Vilks. Elle s'était
convertie à l'islam et depuis 2008, elle faisait partie de cercles
extrémistes islamiques sur divers forums Internet. Son but ultime
était d'attaquer les ennemis de l'islam et de devenir une martyre.
LaRose a été arrêtée en 2010 et incarcérée en cellule d’isolement, 23
heures par jour, jusqu'à ce que sa condamnation tombe en 2014. Elle
a échappé à une peine à perpétuité pour avoir coopéré avec les
autorités américaines. Vilks n'avait toujours pas de protection
policière à l'époque.
Par la suite les menaces et les tentatives d’attentats ont défilé à
un rythme accéléré. Le 11 mai 2010, lors d'une conférence sur la
liberté d'expression à l'Université d'Uppsala, Vilks a montré le film
Allah Ho Gaybar, qui représente des homosexuels sous des masques
de Mahomet. Un homme de 18 ans a violemment attaqué Vilks en
même temps que quelqu'un d’autre lui jetait des œufs. Un gardien de
sécurité
sida 99
a dû s’interposer entre l’agresseur et Vilks. Les œufs ont atterri sur le
garde de Säpo et ont ruiné son costume. Vilks s’en est sorti indemne.
Mais au lieu d'œufs, cela aurait pu être autre chose – par exemple
une grenade à main.
Le 1er décembre 2010, Taimour Abdulwahab s’est fait exploser
en pleine période d’achats des fêtes de Noël, rue Bryggargatan à
Stockholm. Quelque chose n'avait par contre pas fonctionné avec sa
ceinture d'explosifs et lui seul a été tué. Une explosion de voiture qui
avait été organisée dans les environs immédiats n'a pas non plus fait
de morts. Dans un e-mail à TT*, Abdulwahab a cité les dessins de Lars
Vilks et la présence des soldats suédois en Afghanistan comme les
raisons de l'attaque.
La dernière tentative d'attentat contre Vilks, connue des
médias, a eu lieu à Copenhague en 2015. Cela a commencé avec
l'attaque du Centre culturel de Krudttønden le 14 février 2015 et s'est
terminée le lendemain matin, après que l’agresseur, Omar Abdel
Hamid El-Hussein, ait été abattu à Nørrebro. L'agression a eu lieu lors
d'une réunion-débat intitulée Art, blasphème et liberté d'expression,
organisée par le comité Lars Vilks. L'ambassadeur de France au
Danemark, François Zimeray, était présent. Au beau milieu du
discours de l'activiste de Femen, Inna Shevchenko, l'agresseur a tiré
30 à 40 coups de feu dans la salle, à travers une vitre. Une personne
privée et le cinéaste Finn Nørgaard, ont été tués et trois policiers ont
été blessés.
LE 15 MAI 2010, deux frères, les citoyens suédois Mentor et Mensur
Alija de Landskrona, ont tenté d'incendier la demeure de l'artiste Lars
Vilks. Les frères ont été condamnés par le tribunal de première
instance et en Cours d’appel à trois ans respectivement deux ans de
prison pour l'attentat.
Bien que l'attaque contre le domicile de Vilks, selon le
procureur, manquait de motif, les résultats de l’enquête témoignent
de tout autre chose. Lors de l'attaque, une fenêtre a été brisée et un
liquide inflammable a été déversé
* TT — Agence Télégramme des Journaux
sida 100
dans la cuisine. Un rideau a commencé à brûler et le feu s'est
propagé à un placard de cuisine, au mur et au plafond, mais s'est
éteint de lui-même. Les preuves contre les hommes comprenaient
deux vestes endommagées par le feu, un couteau, deux bouteilles en
plastique et un briquet, ainsi qu'une paire de sous-vêtements imbibés
d'essence et un couteau pliant.
Dans l'une des vestes que la police a retrouvées sur les lieux du
crime, il y avait la clé de la maison de l’un des frères. À l'aide d'un
ordinateur saisi, le procureur a pu prouver que Mentor Alija avait
recherché l'adresse de l'artiste sur Google et avait effectué de
nombreuses autres recherches liées au djihadisme. Mais une
découverte a relié les frères Alija aux Frères Musulmans.
Dans la poche intérieure de la veste, liée à l'attaque, une poche
en plastique blanc du Skånetrafiken* a été retrouvée contenant le
permis de conduire de Mensur Alijas et sa carte de membre de
l'Association Islamique de Landskrona.
L'Association Islamique, ou Congrégation, à Landskrona, est à
son tour, membre des Associations Islamiques Unies de Suède103
,
FIFS, dont Mohammed Temsamani en est aujourd'hui le président.
Temsamani était un travailleur électoral au sein du personnel du
président égyptien Muhammad Mursi pendant la campagne
électorale égyptienne en 2011. Muhammad Mursi était le candidat
officiel des Frères Musulmans à la présidentielle.
L'Association Islamique de Landskrona était également le point
d’appui de l'imam Fekri Hamad avant qu’il ne déménage à Västerås.
Hamad a ensuite été placé en garde à vue par Säpo parce qu'il était
considéré comme un « danger pour la sécurité du royaume ». Dans
ce contexte, le Dr Magnus Ranstorp, de l'École supérieure de la
Défense nationale suédoise, considérait que Fekri Hamad et l'imam
Abo Raad étaient un couple radar dans le milieu djihadiste en Suède.
De la même manière que le SUDC, le Centre suédois Uni de
Dawa est un centre où les Frères Musulmans islamiques rencontrent
le groupement salafiste et djihadiste de Suède, l'Association
Islamique de Landskrona est une plaque tournante
* Skånetrafiken — Compagnie de transports en commun de Skåne
sida 101
où les Frères Musulmans rencontrent le culte de la violence. Et bien
que le procureur de l’affaire affirmât qu’il n’y avait pas de motif
apparent, Lars Vilks, lui, était plus que convaincu qu'il y en avait
certainement un. La mise à exécution de la Fatwa émise en 2007, par
al-Qaïda. L'histoire des frères Alija est une autre histoire similaire de
ce qui se passe lorsque les différents milieux islamiques se
rencontrent et quelles sont les conséquences de l'idéologie que les
Frères Musulmans, l'État islamique et al-Qaïda partagent en
commun. Et ces groupements se rencontrent à plusieurs niveaux en
Suède. Dans le SUDC. Dans certaines mosquées locales comme celle
de Landskrona en 2015.
Nous continuons de discuter. Le café est fini depuis longtemps
et la conversation s’oriente vers la liberté d'expression et de la
presse, dans une perspective plus large. La régulation de la parole
libre et le concept d'art qu’on retrouve dans l'islamisme, le fascisme,
le nazisme et le communisme. Identique mais différent. L'islamisme
se dissimule derrière la religion islam. Ou bien se cache derrière pour
éviter les contrôles et les critiques.
Être antiraciste, c’est bien et moralement très honorable, tout
comme d’être antinazi et antifasciste. L'anticommuniste est
également louable. Mais on ne peut pas être anti-islamiste – on sera
alors plutôt nommé islamophobe. Bien que ces idéologies, en réalité
et à tous autres égards, se ressemblent comme deux gouttes d'eau.
Je transmets le message du juge en chef de la Cour suprême de
Casablanca adressé personnellement à Lars Vilks, quelques années
plus tôt. Le Maroc venait juste de supprimer la législation sur le
blasphème de sa constitution après que le Conseil des imans,
ensemble avec la Cour royale et le parlement, avaient réinterprété le
Coran. Le blasphème et l'interdiction de l'imagerie n'étaient pas
compatibles avec l'islam. L'islam, et surtout le Maroc, doit se
développer avec son temps et ses fidèles.
sida 102
Le message adressé à Lars Vilks :
« Beaucoup d'entre nous sont en colère contre lui pour ce qu'il a fait.
Mais M. Vilks peut être absolument en sécurité ici au Maroc.
Personne ne sera autorisé à toucher à une seule mèche de ses
cheveux sur sa tête ».
Lars Vilks rit un peu, tout en écoutant :
« Vous et moi savons qu'il suffira qu'une seule personne soit en
désaccord. Celui qui a, à la fois la capacité et les ressources
suffisantes. Et ça va très loin. Regardez la Suède, regardez-moi », dit-
il.
Nous parlons des menaces transmises et de la chance qu'il a eu cette
nuit-là. Par pure coïncidence, il n'était pas chez lui lorsque les frères
Alija ont essayé d’incendier sa maison.
Vilks rit encore :
« Il y avait un peu de Laurel et Hardy dans tout ça - deux personnes au
milieu de la nuit essayant d'incendier une maison couverte de
d’ardoises en éternit, et tout se termine avec l'un d'eux qui renverse
accidentellement toute l'essence sur lui-même. Puis il tâtonne avec le
briquet et parvient à s'enflammer ».
DE L’HUMOUR. C’EST l'humour et la curiosité de son environnement
qui caractérisent Lars Vilks. Et le courage et la capacité d'isoler un
événement et de le voir comme une œuvre d'art à notre époque. Ce
n'est pas sans que je sois contagionné par l'humour de Lars Vilks. Je
me représente la scène d'une attaque terroriste menée avec la
même précision que Laurel et Hardy. Il y a quelque chose de comique
dans le procès et dans le jugement contre les frères Alija. Un frère
s’asperge d’essence au point que même ses sous-vêtements sont
trempés. Le personnel de santé a dû mettre
sida 103
les sous-vêtements de Mentor Alija dans un sac en plastique scellé en
raison de l'odeur d'essence et du risque d'incendie.
Les frères Alija comme Laurel et Hardy. Là, se termine cette
partie de notre conversation et nous passons à parler d'autre chose
qui nous engage tous les deux.
Une demi-heure plus tard, nous avons terminé, et Lars Vilks et
son entourage se préparent à repartir. Il me serre la main longtemps
et j'ai l'impression que nous avons créé un lien entre nous.
Il sort dehors, un homme que je reverrai sûrement. Où et
quand, je n’en ai aucune idée mais on se l’est promis. J'ai rarement
rencontré quelqu'un qui est si libre dans ses pensées.
Mais en même temps, je sais qu'il ne sera plus jamais libre. Lars
Vilks paie le prix de notre mode de vie. Il a sacrifié sa liberté physique
pour faire partie de ceux qui ont mis une limite : ici mais pas plus loin.
Lars Vilks est toujours seul. Et jamais seul. Les mots résonnent encore
à mes oreilles :
"Quand je serai libre".

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Quand je serai libre

  • 1. sida 94 Quand je serai libre « Quand je serai libre ». LES MOTS VIENNENT, PRESQUE chuchotés, après réflexion, mais il est évident que Lars Vilks les a souvent prononcés auparavant. L'artiste et professeur Lars Vilks est assis avec une tasse de café à la main. Nous avons parlé de l'avenir. Les mots restent dans l'air pendant quelques secondes, ce qui semble être une éternité. Quand il deviendra libre. S'il deviendra libre. Que fera-t-il alors ? Trois morceaux de sucre et du lait. Il tourne lentement la cuillère dans la tasse. Il porte une chemise en jean. Cela fait de nombreuses années que je n'ai pas vu quelqu'un porter une chemise en jean. Nous sommes assis dans la salle de conférence qui se décline dans une gamme de couleurs blanc-gris-noir. Nous ne sommes pas seuls. Son compagnon permanent, son garde du corps, est constamment présent. Même ici, dans cette petite salle de conférence. Vilks semble néanmoins remarquablement calme et décomplexé quand il parle de la façon dont sa vie a fondamentalement changé ce jour-là en 2007. Lorsqu'il se tenait sur la place de la ville allemande de Cassel avec un groupe d'étudiants en art à l’exposition d'art La Documenta. Documenta est l'une des plus grandes expositions d'art contemporain au monde et a lieu tous les cinq ans. En 2007, l’exposition a été visitée par plus de 750 000 visiteurs. Il y avait plein de monde. Partout. Le téléphone portable sonna alors qu'il était en train de parler à ses compagnons de voyages. C’était les médias qui l'avaient atteint en premier et lui demandaient ce qu’il ressentait du fait d'avoir reçu une fatwa, une condamnation à mort prononcée par al-Qaïda. Vilks se trouvait en plein milieu de cette multitude de gens. « Que répond-t-on à cela ? » dit calmement Vilks. « Je n'avais alors que de vagues notions sur ce que pourraient en être les conséquences et, comment elles s'avèreraient plus tard ».
  • 2. sida 95 LARS VILKS A toujours le fichier audio. Il n'est plus un homme libre aujourd'hui. Sa vie quotidienne est bouleversée et contrôlée. Sans la protection de l'État suédois, ses jours seraient comptés. La fatwa, sa condamnation à mort, est très réelle. La liberté est censurée. Tout est organisé avec une précision infime. Vilks est toujours seul. Mais en même temps, il n'est jamais seul. La raison de la Fatwa était les chiens de rond-point de Vilks, désormais largement connus. Les chiens de rond-point, en réalité il s’agissait seulement de l'un des trois croquis, qui été publié dans un texte de Lars Ströman, rédacteur en chef du quotidien Nerikes Allehanda le 28 août 2007100 . L'article avait été publié à propos de ce dessin de Mahomet qui avait provoqué des protestations parmi les musulmans en Suède et en Iran. L'Association d'art de Tällerud, l’École de Gerleborg de Bohuslän et finalement, également le Musée Moderne de Stockholm, tous ont refusé d’exposer les illustrations. La raison pour laquelle Lars Vilks a eu des difficultés à exposer ses dessins était la soi-disant crise des caricatures que le Danemark a connue. Le 30 septembre 2005, le Jyllands-Posten a publié 12 dessins représentant le prophète Mahomet. Cela a immédiatement suscité des critiques de la part des communautés et organisations musulmanes du Danemark. Des démonstrations et des manifestations violentes contre les intérêts danois mais aussi contre les intérêts suédois ont eu lieu après le Nouvel An 2006, après qu'une délégation danoise-musulmane ait voyagé à travers le monde arabe. Les artistes ont été menacés de meurtre et cinq ans après sa publication, en 2010, une attaque terroriste contre le Jyllands-Posten a été entravée, où notamment le citoyen suédois Munir Awad, gendre d’Helena Hummasten Benaouda, qui était la présidente de l'Association d'études Ibn Rushd, était impliqué. Arla a été l'une des entreprises gravement touchées par le boycott musulman du Danemark. Les 4 et 5 février 2006, plusieurs ambassades nordiques ont été attaquées et mises à feu à Beyrouth et à Damas. Aussi bien la tentative d'attentat contre Jyllands-Posten que les attaques qui ont ensuite été dirigées contre Lars Vilks étaient liées
  • 3. sida 96 à la sphère des Frères Musulmans en Suède. Quel en était le crime ? L'interdiction de représenter le Prophète Mahomet prévaut dans l'Islam. Une interdiction d'imagerie qui n'a pas non plus de véritable soutien dans le Coran mais qui est une interprétation sévère de la Sourate 12 :40 : « Ce que vous adorez à côté de Lui n'est rien d'autre que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres ; Dieu ne vous a pas donné la permission pour cela. Personne ne juge sauf Dieu ; Il vous ordonne de l'adorer seul. C'est la vraie foi éternelle, mais la plupart des gens n'ont aucune connaissance [de cela] ». LORSQUE LE PROPHÈTE MAHOMET a obtenu une position de divinité, l'interdiction de représentation en image l'a également concerné après sa mort. Ceci est renforcé par l'interdiction du blasphème dans la sourate 33 : 57 ; « Allah condamne ceux qui blasphèment et Le blessent ainsi que Son messager, et Il les exclut de Sa grâce dans cette vie et dans celle à venir ; Il a une punition dégradante qui leur réserve ». CES DEUX CRIMES sont également des violations de l'un des documents ou traités les plus importants négociés par les pays musulmans. L'un des objectifs que les Frères Musulmans ont avec leur établissement dans des démocraties comme la Suède, est d'y incorporer les Droits de l'Homme Musulman. En 1990, l'Organisation of Islamic Cooperation, ou Organisation de la Coopération Islamique101 , a adopté la soi-disant Déclaration du Caire sur les Droits de l'Homme en Islam, la Déclaration du Caire102 , reposant sur la charia comme seule base. Plusieurs pays musulmans ont estimé que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de l'Homme ne tenait pas compte des circonstances culturelles et religieuses.
  • 4. sida 97 La raison de l'attitude réservée à l'égard de la Déclaration des Droits de l'Homme des Nations Unies est qu'elle repose sur une vision séculière tacite, tandis que les pays ayant l'islam comme base ont le Coran comme source qui, par exemple, inclut l'interdiction du blasphème et de l’imagerie. Une différence fondamentale et essentielle entre la Déclaration des Nations Unies et la Déclaration du Caire est la vision de la liberté religieuse, de la liberté d'expression et de l'apostasie. Selon la Déclaration du Caire, il est en pratique interdit de renoncer à sa foi islamique. En outre, la liberté d'expression ne doit pas être utilisée contre la religion. Selon l'article 22A de la Déclaration du Caire ; « chacun a le droit d'exprimer librement son opinion d'une manière qui ne contrevienne pas aux principes de la charia ». Depuis 2015, le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies a imposé l'obligation d'assimiler la critique des religions à la discrimination contre les personnes. Cela est devenu possible lorsque l'Arabie saoudite a pris le contrôle du Conseil en étant élu comme le pays chargé de la présidence. En Suède, c'est principalement le Comité des Droits de l'Homme Musulman qui influence l'opinion publique pour une introduction, mais toutes les organisations du réseau des Frères Musulmans défendent la question dans les forums où elles agissent. Nous discuterons plus loin de la façon dont la vie quotidienne de Vilks a changé. Dès qu’il est rentré chez lui en Suède et est arrivé à Helsingborg, Säpo l'a contacté. Ils ont eu une longue conversation et Vilks a demandé à la police ce qu'ils pensaient qu'il devrait faire dans la situation présente. La réponse de la police a été : « Change de nom, change d'identité et déménage ». RIEN DE PLUS. LARS VILKS a expliqué que ce n'était pas une option pour lui, mais la police lui a expliqué que : « chez lui, il ne pouvait pas de toute façon y retourner ». Son logement doit nécessairement, et tout d’abord, être contrôlé par des chiens renifleurs de bombes. Heureusement que Vilks, en plein milieu de la nuit, a réussi à rentrer en contact
  • 5. sida 98 avec un ami, chez qui il a pu séjourner pendant quelques jours, jusqu'à ce que la police l'autorise à rentrer chez lui. Si son ami ne l’avait pas aidé, Vilks se serait retrouvé à la rue. Depuis lors, les menaces contre sa vie, sa santé et ses biens n'ont jamais cessé. Au contraire, elles sont manifestées par vagues. Bien que Vilks n'ait pas formulé de critiques particulièrement explicites et ne se soit pas non plus exprimé à travers son talent artistique pour pouvoir être accusé de blasphémer sur l'islam, la menace a augmenté successivement et sans relâche. Cependant, il est évident que les menaces varient lorsque Vilks, dans ses conférences, utilise les œuvres d’autres personnes, et problématise la vision de l'islam sur la liberté d'expression. Les menaces contre Vilks se sont également intensifiées en raison d'événements en dehors de son control. Des événements dans son environnement. Lars Vilks et moi avons analysé comment les menaces et les interventions de Säpo ont augmenté au fil des ans. Depuis la publication de la fatwa en 2007, Vilks souligne trois dates et événements spécifiques qui ont eu des conséquences sur son existence. L'Américaine Colleen LaRose, mieux connue sous son pseudonyme Jihad Jane, a été condamnée en 2014 à dix ans de prison pour avoir planifié le meurtre de Lars Vilks. Elle s'était convertie à l'islam et depuis 2008, elle faisait partie de cercles extrémistes islamiques sur divers forums Internet. Son but ultime était d'attaquer les ennemis de l'islam et de devenir une martyre. LaRose a été arrêtée en 2010 et incarcérée en cellule d’isolement, 23 heures par jour, jusqu'à ce que sa condamnation tombe en 2014. Elle a échappé à une peine à perpétuité pour avoir coopéré avec les autorités américaines. Vilks n'avait toujours pas de protection policière à l'époque. Par la suite les menaces et les tentatives d’attentats ont défilé à un rythme accéléré. Le 11 mai 2010, lors d'une conférence sur la liberté d'expression à l'Université d'Uppsala, Vilks a montré le film Allah Ho Gaybar, qui représente des homosexuels sous des masques de Mahomet. Un homme de 18 ans a violemment attaqué Vilks en même temps que quelqu'un d’autre lui jetait des œufs. Un gardien de sécurité
  • 6. sida 99 a dû s’interposer entre l’agresseur et Vilks. Les œufs ont atterri sur le garde de Säpo et ont ruiné son costume. Vilks s’en est sorti indemne. Mais au lieu d'œufs, cela aurait pu être autre chose – par exemple une grenade à main. Le 1er décembre 2010, Taimour Abdulwahab s’est fait exploser en pleine période d’achats des fêtes de Noël, rue Bryggargatan à Stockholm. Quelque chose n'avait par contre pas fonctionné avec sa ceinture d'explosifs et lui seul a été tué. Une explosion de voiture qui avait été organisée dans les environs immédiats n'a pas non plus fait de morts. Dans un e-mail à TT*, Abdulwahab a cité les dessins de Lars Vilks et la présence des soldats suédois en Afghanistan comme les raisons de l'attaque. La dernière tentative d'attentat contre Vilks, connue des médias, a eu lieu à Copenhague en 2015. Cela a commencé avec l'attaque du Centre culturel de Krudttønden le 14 février 2015 et s'est terminée le lendemain matin, après que l’agresseur, Omar Abdel Hamid El-Hussein, ait été abattu à Nørrebro. L'agression a eu lieu lors d'une réunion-débat intitulée Art, blasphème et liberté d'expression, organisée par le comité Lars Vilks. L'ambassadeur de France au Danemark, François Zimeray, était présent. Au beau milieu du discours de l'activiste de Femen, Inna Shevchenko, l'agresseur a tiré 30 à 40 coups de feu dans la salle, à travers une vitre. Une personne privée et le cinéaste Finn Nørgaard, ont été tués et trois policiers ont été blessés. LE 15 MAI 2010, deux frères, les citoyens suédois Mentor et Mensur Alija de Landskrona, ont tenté d'incendier la demeure de l'artiste Lars Vilks. Les frères ont été condamnés par le tribunal de première instance et en Cours d’appel à trois ans respectivement deux ans de prison pour l'attentat. Bien que l'attaque contre le domicile de Vilks, selon le procureur, manquait de motif, les résultats de l’enquête témoignent de tout autre chose. Lors de l'attaque, une fenêtre a été brisée et un liquide inflammable a été déversé * TT — Agence Télégramme des Journaux
  • 7. sida 100 dans la cuisine. Un rideau a commencé à brûler et le feu s'est propagé à un placard de cuisine, au mur et au plafond, mais s'est éteint de lui-même. Les preuves contre les hommes comprenaient deux vestes endommagées par le feu, un couteau, deux bouteilles en plastique et un briquet, ainsi qu'une paire de sous-vêtements imbibés d'essence et un couteau pliant. Dans l'une des vestes que la police a retrouvées sur les lieux du crime, il y avait la clé de la maison de l’un des frères. À l'aide d'un ordinateur saisi, le procureur a pu prouver que Mentor Alija avait recherché l'adresse de l'artiste sur Google et avait effectué de nombreuses autres recherches liées au djihadisme. Mais une découverte a relié les frères Alija aux Frères Musulmans. Dans la poche intérieure de la veste, liée à l'attaque, une poche en plastique blanc du Skånetrafiken* a été retrouvée contenant le permis de conduire de Mensur Alijas et sa carte de membre de l'Association Islamique de Landskrona. L'Association Islamique, ou Congrégation, à Landskrona, est à son tour, membre des Associations Islamiques Unies de Suède103 , FIFS, dont Mohammed Temsamani en est aujourd'hui le président. Temsamani était un travailleur électoral au sein du personnel du président égyptien Muhammad Mursi pendant la campagne électorale égyptienne en 2011. Muhammad Mursi était le candidat officiel des Frères Musulmans à la présidentielle. L'Association Islamique de Landskrona était également le point d’appui de l'imam Fekri Hamad avant qu’il ne déménage à Västerås. Hamad a ensuite été placé en garde à vue par Säpo parce qu'il était considéré comme un « danger pour la sécurité du royaume ». Dans ce contexte, le Dr Magnus Ranstorp, de l'École supérieure de la Défense nationale suédoise, considérait que Fekri Hamad et l'imam Abo Raad étaient un couple radar dans le milieu djihadiste en Suède. De la même manière que le SUDC, le Centre suédois Uni de Dawa est un centre où les Frères Musulmans islamiques rencontrent le groupement salafiste et djihadiste de Suède, l'Association Islamique de Landskrona est une plaque tournante * Skånetrafiken — Compagnie de transports en commun de Skåne
  • 8. sida 101 où les Frères Musulmans rencontrent le culte de la violence. Et bien que le procureur de l’affaire affirmât qu’il n’y avait pas de motif apparent, Lars Vilks, lui, était plus que convaincu qu'il y en avait certainement un. La mise à exécution de la Fatwa émise en 2007, par al-Qaïda. L'histoire des frères Alija est une autre histoire similaire de ce qui se passe lorsque les différents milieux islamiques se rencontrent et quelles sont les conséquences de l'idéologie que les Frères Musulmans, l'État islamique et al-Qaïda partagent en commun. Et ces groupements se rencontrent à plusieurs niveaux en Suède. Dans le SUDC. Dans certaines mosquées locales comme celle de Landskrona en 2015. Nous continuons de discuter. Le café est fini depuis longtemps et la conversation s’oriente vers la liberté d'expression et de la presse, dans une perspective plus large. La régulation de la parole libre et le concept d'art qu’on retrouve dans l'islamisme, le fascisme, le nazisme et le communisme. Identique mais différent. L'islamisme se dissimule derrière la religion islam. Ou bien se cache derrière pour éviter les contrôles et les critiques. Être antiraciste, c’est bien et moralement très honorable, tout comme d’être antinazi et antifasciste. L'anticommuniste est également louable. Mais on ne peut pas être anti-islamiste – on sera alors plutôt nommé islamophobe. Bien que ces idéologies, en réalité et à tous autres égards, se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Je transmets le message du juge en chef de la Cour suprême de Casablanca adressé personnellement à Lars Vilks, quelques années plus tôt. Le Maroc venait juste de supprimer la législation sur le blasphème de sa constitution après que le Conseil des imans, ensemble avec la Cour royale et le parlement, avaient réinterprété le Coran. Le blasphème et l'interdiction de l'imagerie n'étaient pas compatibles avec l'islam. L'islam, et surtout le Maroc, doit se développer avec son temps et ses fidèles.
  • 9. sida 102 Le message adressé à Lars Vilks : « Beaucoup d'entre nous sont en colère contre lui pour ce qu'il a fait. Mais M. Vilks peut être absolument en sécurité ici au Maroc. Personne ne sera autorisé à toucher à une seule mèche de ses cheveux sur sa tête ». Lars Vilks rit un peu, tout en écoutant : « Vous et moi savons qu'il suffira qu'une seule personne soit en désaccord. Celui qui a, à la fois la capacité et les ressources suffisantes. Et ça va très loin. Regardez la Suède, regardez-moi », dit- il. Nous parlons des menaces transmises et de la chance qu'il a eu cette nuit-là. Par pure coïncidence, il n'était pas chez lui lorsque les frères Alija ont essayé d’incendier sa maison. Vilks rit encore : « Il y avait un peu de Laurel et Hardy dans tout ça - deux personnes au milieu de la nuit essayant d'incendier une maison couverte de d’ardoises en éternit, et tout se termine avec l'un d'eux qui renverse accidentellement toute l'essence sur lui-même. Puis il tâtonne avec le briquet et parvient à s'enflammer ». DE L’HUMOUR. C’EST l'humour et la curiosité de son environnement qui caractérisent Lars Vilks. Et le courage et la capacité d'isoler un événement et de le voir comme une œuvre d'art à notre époque. Ce n'est pas sans que je sois contagionné par l'humour de Lars Vilks. Je me représente la scène d'une attaque terroriste menée avec la même précision que Laurel et Hardy. Il y a quelque chose de comique dans le procès et dans le jugement contre les frères Alija. Un frère s’asperge d’essence au point que même ses sous-vêtements sont trempés. Le personnel de santé a dû mettre
  • 10. sida 103 les sous-vêtements de Mentor Alija dans un sac en plastique scellé en raison de l'odeur d'essence et du risque d'incendie. Les frères Alija comme Laurel et Hardy. Là, se termine cette partie de notre conversation et nous passons à parler d'autre chose qui nous engage tous les deux. Une demi-heure plus tard, nous avons terminé, et Lars Vilks et son entourage se préparent à repartir. Il me serre la main longtemps et j'ai l'impression que nous avons créé un lien entre nous. Il sort dehors, un homme que je reverrai sûrement. Où et quand, je n’en ai aucune idée mais on se l’est promis. J'ai rarement rencontré quelqu'un qui est si libre dans ses pensées. Mais en même temps, je sais qu'il ne sera plus jamais libre. Lars Vilks paie le prix de notre mode de vie. Il a sacrifié sa liberté physique pour faire partie de ceux qui ont mis une limite : ici mais pas plus loin. Lars Vilks est toujours seul. Et jamais seul. Les mots résonnent encore à mes oreilles : "Quand je serai libre".