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Lettre ouverte à Michael Birnbaum,
responsable du bureau bruxellois du Washington Post
Monsieur Birnbaum,
J’ai pris connaissance, grâce à un de mes correspondants, de l’article que vous avez rédigé, le 15 mars, relatif à
la réouverture de musée de Tervueren et à la confrontation de la Belgique à son « violent » passé colonial..
Comme j’imagine que ce n’est ni à Berlin, ni à Moscou qu’on peut connaître, en détails, le passé colonial de la
Belgique, j’ai décidé, pour votre information, de demander à quelques journalistes américains de cette
époque, ayant été sur place, de vous en informer chacun en quelques phrases. Après cela je vous
entretiendrai du musée au sein duquel j’ai été conseiller scientifique une petite trentaine d’années.
Dans son livre " Black and White, from the Cape to the Congo " publié en 1949 chez Harper & Brothers
à New York, Martin Flavin, lauréat du prix Pulitzer, consacre plus de 200 pages au Congo belge dont il parle
comme :
... une vaste expérience où une poignée de Belges, réussissent courageusement, charitablement,
humainement à tirer de la sauvagerie toute une humanité d'outre-mer.
Un article du journaliste américain Jones, V.G. paru dans le magazine " True " en 1951 :
... Nous avons trouvé en voie de solution, au Congo, de nombreux problèmes qui sont encore au stade d'une
discussion académique aux Etats-Unis. L'aide sociale pour une population de couleur, notamment l'assistance
médicale et professionnelle, l'organisation des loisirs, se réalisent au Congo, alors qu'elles forment encore le
matériel de dossiers d'études dans les grands faubourgs noirs des villes industrielles américaines. Celles-ci sont
également peuplées d'une multitude d'hommes dont le standing intellectuel moyen et les revenus sont
largement inférieurs à ceux de la communauté blanche. Ce que nous avons vu à Léo est une des plus grandes
expériences sociales du monde en ce qui concerne les populations de races différentes, expérience qui
mériterait d'être mieux connue aux Etats-Unis.
Les écrits d'un correspondant américain du " New York Times " de passage à Léopoldville en 1951. W.
White écrivait :
...Léopoldville est vivante, heureuse, ce qui contraste avec la léthargie ou la tension d'autres territoires
africains aux prises avec des problèmes insolubles de races ou de politique. Il n'y a aucune trace de friction
entre Blancs et Noirs, ceux-ci gagnant quelquefois plus de 6.000 francs par mois. L'administration belge est
indifférente aux problèmes politiques mais généreuse économiquement envers les indigènes ... La politique
des Belges, qui sont des gens infiniment pratiques, est un moyen terme entre le " Malanisme " et le libéralisme
nord africain prématuré.
Dans un très long article de 42 pages du " National Geographic Magazine " intitulé " White Magic in
the Belgian Congo ", le journaliste américain M.W. Robert Moore mettait en lumière en 1952 :
... les progrès impressionnants accomplis par la colonisation belge dans tous les domaines en vue d'améliorer
la situation matérielle et sociale des indigènes. Le but primordial de cette politique est de développer une
1
combinaison systématique de mécanisation et de main d'oeuvre qui se traduira par des salaires plus élevés, un
pouvoir d'achat accru et de meilleures conditions de vie pour les Congolais.
Le texte suivant est dû à deux journalistes américains du magazine " The Reporter ", Olivia et Oden
Meeker, et date de 1952 :
...D'après le système belge, l'accent est mis sur l'efficacité, la rationalisation des industries du pays, le
maintien d'une réserve de travailleurs sains, bien dirigés et suffisamment prospères, ainsi que le progrès
prudent et graduel des africains dans les domaines éducatif, social et politique. Bref, tout se résume à une
question de confiance dans les bonnes intentions des Belges lorsqu'ils annoncent un progrès prudent, mais un
progrès dans la direction d'une association avec les Africains. Jusqu'ici ils n'ont pas fait montre d'une hâte que
l'on pourrait remarquer, mais ils n'ont pas failli non plus à leur parole.
La citation suivante est la conclusion d'un important reportage réalisé en 1952 par Wolfgang
Langewiesche, journaliste au " Saturday Evening Post ".
...Les Belges ont fait de cette partie de l'Afrique une contrée puissante, moderne, en plein essor, - riche en un
mot. Le sceau de l'âge de la machine est sur elle... Et tout cela, les Belges l'ont réalisé en cinquante brèves
années puisque pratiquement la colonisation du Congo n'a commencé qu'en 1900. Et aujourd'hui, un superbe
réseau de voies fluviales, de routes et de voies aériennes a ouvert de nouveaux territoires à la civilisation.
...Comme secret de cette réussite, on pense immédiatement à l'uranium, mais celui-ci ne compte que pour peu
de choses dans ce vaste pays. Les Belges ont découvert de nombreux autres minéraux de valeur comme le
cuivre, l'or, l'étain, le zinc, le cobalt, le wolfram, le cadmium ou le manganèse ; ils y ont même trouvé des
diamants industriels. Où ils n'ont rien trouvé, ils ont planté. Dans ce domaine encore, le Congo semble jouir
d'un talent particulier pour produire exactement ce que le monde achètera à n'importe quel prix ; le
caoutchouc, l'huile de palme, la quinine, le thé, le café... Mais toutes ces richesses sont la conséquence et non
la cause de cette réussite. Ce qui fait la puissance du Congo, c'est son peuple, - son peuple blanc. De tous les
pays colonisateurs de l'Afrique, seuls les Belges ont colonisé l'esprit de l'Afrique. Ils ont montré à l'indigène
comment il fallait travailler - non pas seulement à sa manière, avec des muscles, mais à la façon des Belges,
avec tout son être. Il y a cinquante ans, les Congolais ne connaissaient pas la roue. Aujourd'hui, ils conduisent
des tracteurs et des camions, des locomotives et des bateaux, se servent de la machine à écrire comme aussi
de la machine à calculer et connaissent le code morse... Les Belges ne veulent pas forcer l'indigène à travailler
sous la contrainte. Ils désirent changer sa mentalité en développant ses besoins, en lui donnant le goût de
l'argent et de tout ce qu'il permet d'acheter. Ce n'est qu'au Congo que l'homme blanc initie patiemment
l'homme noir à ses méthodes. Ce n'est qu'au Congo qu'un Blanc ne peut conduire un taxi parce qu'un Noir en
est capable. Voici la formule belge : la plus grande richesse de l'Afrique, c'est son peuple. La plus grande
richesse de l'homme blanc, c'est sa technique industrielle. Assemblons les deux. Les Belges croient que le
temps et leur travail opiniâtre et persévérant leur apportera le succès, mais ils sentent qu'on les observe.
" On ", signifiant tantôt l'opinion mondiale, tantôt les Nations Unies, tantôt les Américains. Ils sentent qu
" on " n'apprécie pas leur oeuvre. Si " on " demande : les indigènes ont-ils le droit de vote ? Y a-t-il beaucoup
d'autochtones qui soient docteurs en philosophie ? Quand les Congolais auront-ils leur propre gouvernement ?
Sur ces points, les réponses ne sont pas particulièrement brillantes. Les Belges estiment que leur formule est la
meilleure : montrer au peuple noir comment produire la nourriture et bâtir des maisons vaut mieux que leur
enseigner la manière de présenter une thèse. Ils estiment que donner des droits politiques à un peuple
2
insuffisamment évolué n'est qu'un expédient et qu'il est préférable de lui accorder une place dans le coeur. Ils
espèrent que l'histoire leur laissera le temps d'achever l'oeuvre remarquable qu'ils ont commencée sur l'âme
africaine.
La citation qui suit est tirée d'un rapport de mission de Allyne, S.C. président d'une firme américaine
après une tournée d'inspection au Congo belge au cours de l'année 1954. Ayant été favorablement
impressionné par ce qu'il a vu, il a cependant la conviction que les Belges sont trop modestes et ne font pas
assez connaître aux Etats-Unis tout ce qui a été réalisé au Congo :
... il suffit d'examiner la courbe du développement des affaires au Congo pour avoir la conviction que tous les
espoirs sont permis en ce qui concerne l'avenir de ce pays.
Adlai Stevenson est candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis quand, ayant parcouru
l'Afrique, il écrit un article dans le magazine " Look " dont un extrait suivant :
... nulle part, j'ose le dire, je n'ai vu des Africains accomplir des travaux aussi complexes et à un salaire aussi
favorable qu'à Léopoldville et à Elisabethville. Dans cette dernière ville, 20% des africains vivent dans des
maisons construites par la société locale et ces maisons sont à eux. ... La manière d'agir des Belges cadre avec
leur politique qui est de donner à l'Africain un enjeu dans la communauté avec un peu d'éducation avant de
l'exposer à des idées dangereuses et au pouvoir politique.
Eextrait du livre de 400 pages " The Story of a journey " de Suart Cloete paru en 1955 à Boston chez
l'éditeur Houghton Mifflin Cy
: ... personne n'oserait prétendre que le Congo ne connaîtra, de ce côté, aucune difficulté. Et pourtant, d'après
ce que j'ai constaté, le Noir ne pourrait pas être mieux traité qu'ici !
Murray Richards qui est avocat à San Francisco publie en 1956 un article dont je souligne l’extrait
suivant :
...Les débats de conscience et les peines qui ont fait suite (...) aux Etats-Unis à la décision de la Cour Suprême
proscrivant toute ségrégation de notre population noire fournissent un contraste saisissant avec le
programme que les Belges ont entrepris tranquillement et méthodiquement en Afrique. ... Les hommes de
couleur américains et les Noirs congolais sont très différents mais le problème de base reste le même. ... Le
gouvernement général du Congo s'est approché de ces problèmes avec une maturité considérable et avec un
réalisme bien différent de la pruderie politique américaine où on essaie en fait de contrôler les étapes de
l'intégration afin qu'elle ne se réalise pas trop rapidement.... Au Congo, à l'université, la ségrégation a disparu.
Au Congo, chaque travailleur doit être logé par son employeur et le logement familial est le seul favorisé. Mais
dans les villes, la propriété privée des habitations est encouragée grâce au " Fonds d'Avance " . ... Le système
congolais prône une déségrégation graduelle verticale des races, s'effectuant par le haut. Les Américains
feraient bien d'être moins intransigeants et moins impulsifs à ce point de vue. Ils ne devraient pas refuser
d'étudier les mérites d'une telle conception du problème verticale et graduelle, et de reconsidérer leurs
tactiques hérodiennes à la lumière de ce que le Congo belge peut leur apprendre.
Partie d'un article du journal américain " Minneapolis Tribune " écrit en 1956 par le journaliste Carl T.
Rowan :
... Peu d'Occidentaux reviennent du Congo sans être impressionnés par l'absence apparente de haines raciales
3
et de tensions politiques et par ce qu'ils appellent d'autre part la " générosité économique " de
l'administration belge. Sans doute, certains outsiders déclarent que cette politique vise seulement à perpétuer
la domination de l'homme blanc en Afrique en refusant à l'indigène la faculté de s'exprimer politiquement
quitte à acheter son consentement au moyen de bénéfices économiques et sociaux. Et pourtant, en évoquant
l'Afrique dans son ensemble, il ne faut pas regarder longtemps pour s'apercevoir que les enfants congolais
sont mieux nourris, que leurs regards sont plus vifs, leur éducation supérieure. Le paternalisme belge n'a
jamais mis de frein à ce que les Congolais lisent des journaux et des magazines non congolais, achètent des
postes de radio, apprennent qu'il y avait eu une conférence afro-asiatique et d'autres nouvelles concernant
l'Afrique occidentale.
Mac Gregor a été Consul général des Etats-Unis au Congo jusqu'en 1956. A son départ, il fait un
discours dans lequel il dit :
... Celui qui a vécu assez longtemps dans cette partie du monde ne peut manquer d'être impressionné par les
évidences de la noble tâche accomplie. .... J'ai, de toute ma carrière, rarement rencontré un peuple aussi
entièrement dévoué à sa tâche que les Belges au Congo. La mission civilisatrice de la Belgique dans cette
partie de l'Afrique occidentale est un fait que le peuple américain comme tous les peuples bien pensants, doit
reconnaître avec enthousiasme et gratitude.
Dans le " News Chicago " du 02.01.1957 on pouvait lire cet article de John Mac Dermott :
... L'avenir de l'Afrique dépend dans une large mesure de la possibilité de coopération et de compréhension
entre Noirs et Blancs. A l'heure actuelle, cette possibilité semble bien lointaine encore. Le Congo belge fait une
double exception : les progrès qui y ont été réalisés sont un signe d'espoir. ... C'est au Congo belge que l'on se
rapproche le plus de la solution équitable à donner aux problèmes du continent noir. Là, le Noir est de plus en
plus instruit et trouve des occasions de plus en plus nombreuses pour améliorer sa vie économique. La
politique belge semble y consister à y rendre le Congo aux Noirs dans le sens politique et économique. Il a été
dit que le Congo est le seul pays africain où le Noir souriait quand il rencontrait un Blanc. C'est tout à fait vrai
Roy Ottley qui est rédacteur pour les questions sociales à la " Chicago Tribune "écrit un violent
réquisitoire contre les pays européens colonisateurs:
...Les attitudes adoptées par l'Europe dans le domaine racial reflètent directement le fait que certains de ces
pays possèdent des colonies noires, pierres angulaires de leur bien-être économique. Près de 100 millions de
nègres vivent à l'ombre du drapeau de ces nations qui sont la Belgique, la France, L'Italie, la Hollande et la
Grande Bretagne. Le traitement réservé au nègre colonisé forme l'un des pires aspects de l'histoire
européenne : cruauté, travail forcé, maintien des masses indigènes dans l'ignorance et même, extermination
de populations entières. Tout cela sous le couvert de la sordide hérésie anthropologique qui veut que le nègre
ne soit pas réellement humain.
Il transpose sur les autres l'histoire de son propre peuple, et le Révérend Léonard Robinson a estimé en sa
conscience d'homme honnête qu'il ne pouvait laisser passer cet article tendancieux. Ce missionnaire
adventiste américain a vécu de très nombreuses années au Congo belge lui répond au journal :
Cher Monsieur Ottley,
... Il est urgent, je le sens, que nous Américains, nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour développer
de bonnes relations entre notre pays et l'Afrique. Le Vice-président Nixon l'a déclaré il y a trois jours :
" L'importance de l'Afrique pour la stabilité et la solidité du monde libre est trop grande pour que nous la sous-
4
estimions. Les ennemis de la liberté présentent une image tronquée des relations raciales ". Les Belges, avec le
progrès phénoménal dont ils ont doté le Congo donnent au monde l'exemple éclatant d'une administration
dont la politique repose sur l'égalité et la coopération entre les races blanche et noire. J'ai choisi deux raisons
d'écrire longuement sur le Congo belge. La première ...est que j'ai eu le privilège de vivre vingt années dans ce
pays fascinant et que je crois être fondé à en parler avec plus d'autorité. La seconde est contenue dans le
rapport ... du sénateur Théodore Francis Green suivant lequel : " le Congo belge est un des territoires les plus
productifs de l'Afrique actuelle ". Je pense aussi qu'en énumérant des faits intéressant le Congo, modèle de
paix, de progrès et de prospérité, vos opinions largement faussées auront quelque chance d'être rectifiées. Au
Congo belge et au Ruanda-Urundi, beaucoup d'Africains dirigeants et influents sont de mes amis intimes. Ils
m'ont souvent eux-mêmes déclaré qu'ils ne désiraient absolument pas de tenter en dehors des Belges le
développement économique et politique de leur pays. Ils m'ont dit qu'historiquement ils n'avaient jamais
connu le sentiment national, que seuls les Belges avaient unis les nombreuses tribus divisées jadis hostiles et
que seuls ils les avaient éveillées à la conscience d'être Congolais. Le retrait des Belges signifierait la
résurrection des antiques conflits féodaux et la désintégration du Congo en un éparpillement de petites
tribus.... Je ne ressens qu'admiration pour les Belges et leur oeuvre étonnante. En moins d'une génération, ils
ont merveilleusement développé un pays 84 fois plus étendu que le leur. Dans ce territoire plus vaste que 26
de nos états pris à l'Est du Mississipi, les indigènes jouissent maintenant de tous les avantages de l'éducation
interraciale aux niveaux moyen et supérieur. L'augmentation des centres médicaux s'est opérée à un rythme
étourdissant. Ils vont des hôpitaux ultramodernes, des maternités, des léproseries et des laboratoires aux
petits dispensaires des villages. Sur le plan social, la gentille attention accordée au Congolais par son frère
belge est appréciée. L'absence de la barrière de couleur est salutaire. Tout Congolais éduqué et évolué peut
manger dans les mêmes restaurants, dormir dans les mêmes hôtels, boire dans les mêmes cafés et envoyer ses
enfants dans la même école que son frère blanc. Les conditions économiques sont très prospères. Un sixième
environ de la population indigène travaille au côté des Blancs tandis que les cinq sixièmes vivent en tribu,
cultivent et s'occupent de nourrir leurs frères citadins. Ils sont tous payés en proportion. Beaucoup d'entre eux
reçoivent un salaire plus important que ne l'étaient mes émoluments de missionnaire. Ils ont été entraînés à
toutes sortes de travaux. Les trains, au Congo, qu'ils soient à vapeur ou électriques, sont conduits par des
Noirs. Sur le fleuve et sur les lacs, de nombreux steamers sont commandés par des capitaines congolais....
Dans les ateliers de réparation de la base stratégique de Kamina, 90% des mécaniciens qualifiés sont des
indigènes. Ayant été le proche témoin de la constante évolution du peuple congolais, je puis croire avec
quelque raison que l'avenir réserve pour les relations entre Noirs et Blancs la coopération la plus complète au
plus grand profit de leur progrès commun et de leur mutuel intérêt.
Enfin, David Read qui est membre du Board of Editors de la revue " US News and World Report " écrit
après un voyage en Afrique en 1959 :
... Dans les territoires anglais et français l'accent est mis sur le développement politique et l'enseignement
supérieur dispensé à l'indigène. Les Belges, par contraste, ont d'abord concentré leurs efforts sur le
développement économique et l'augmentation des standards de vie de la masse. Ils laissaient pour après la
politique et le large accès à l'enseignement universitaire. En un sens, le Congo est considéré comme mieux
préparé au self-government que nombre d'autres territoires qui approchent maintenant de leur
indépendance. La proportion des indigènes sachant lire et écrire est élevée et il possède une importante classe
de techniciens et d'artisans autochtones. Néanmoins, il n'y a encore qu'une poignée d'hommes qualifiés en
mesure d'occuper des postes supérieurs.
5
Voiià, Monsieur Birnbauw, comment vos compatriotes et confrères définissaient, sans flagornerie, la
colonisation belge en Afrique centrale, juste avant l’indépendance du Congo. Et pourtant le mot colonialisme
existait depuis plus de 50 ans et la colonie avait dû subir deux guerres mondiales et une crise économique très
grave. Je n’ajouterai rien, tout a été dit.
Le musée de Tervueren, qui avait le même âge que le mot colonialisme, avait subi les mêmes épreuves, ce qui
pourrait expliquer en grande partie la remarque du directeur Gryseels (the permanent exhibit had not
changed for 60 years) si elle était correcte. Avant 1960, le personnel du musée était environ le quart de ce
qu’il est aujourd’hui et ne comptait que 12 scientifiques, mais l’institution recevait un apport financier des
grandes entreprises coloniales et dépendait du ministère des colonies. Tout cela est absolument bouleversé
en 1960 avec un problème supplémentaire, le reclassement des scientifiques et des techniciens de retour du
Congo dans des structures administratives en débandade sous la tutelle successive de différents ministères..
Gryseels, à l’époque, est à l’école gardienne et ne peut pas avoir de souvenir personnel de ces situations.
Le directeur Cahen se débrouille très bien et augmente sensiblement le nombre de personnes occupées au
musée sans pouvoir résoudre tous les problèmes de trésorerie. Faisons remarquer en passant que l’entrée du
musée est toujours gratuite comme l’avait exigé Léopold II. Au départ du directeur Cahen, Gryseels va
débuter ses études supérieures, mais il n’a jamais consulté les services scientifiques du musée, car vu les
études qu’il a faites, il aurait inévitablement été dirigé vers le centre où j’étais conseiller scientifique..
La succession de Lucien Cahen est difficile et ce ne sont pas les deux directeurs faisant fonction successifs qui
vont résoudre les problèmes, bien que ce soit à cette époque-là que nous introduirons l’informatique dans le
musée.
La direction de Thys van den Audenaerde va faire changer les choses notamment l’extension du CAPA,
l’entrée payante, l’organisation des ateliers et celle de plus nombreuses expositions temporaires. Des projets
de rénovation du musée sont engagés, des plans sont même dessinés, mais le financement n’arrivera jamais.
Durant les périodes Cahen et Thys, ma présence au musée (1971-1999) me permet d’affirmer que 8 salles ont
été rénovées. À la fin de cette période, Gryseels qui travaille outre-mer connaît l’Asie et l’Afrique, surtout la
ville, dans les bureaux climatisés d’une grande Institution internationale. Il ne connaît rien des peuples de la
brousse congolaise.
Nommé à la tête du Musée Royal de l’Afrique Centrale, le Directeur Gryseels a reçu de l’État belge, le
personnel et les fonds nécessaires à la rénovation du musée qu’il a appelé, de manière étonnante,
Africamuseum, le mot museum étant réservé, en langue française, aux musées d’histoire naturelle. Est-ce un
pressentiment ?
Dans le titre de votre article vous affirmez que le pays est confronté à son passé colonial violent. Je souligne le
mot en espèrant que les propos de vos confrères vous ont rassuré quant au poids et à la nature de la violence
durant la période de la colonie (1908-1960).
La période précédente (1879-1885-1908), celle de l’État Indépendant du Congo (le mot colonialisme n’existe
pas encore), ne concerne en rien l’état Belgique même si la gouvernance y est entièrement belge et située en
Belgique, car sur place, les acteurs de terrain sont de 19 nationalités différentes. En réalité, les pionniers
trouvent au Bas Congo où ils arrivent, une société dans laquelle un esclavagisme-soft est pratiqué et où
l’alcoolisme est assez développé. Mais la situation qu’ils trouvent au Haut Congo au-delà du Stanley-Pool les
surprend car elle est nettement différente : un esclavagisme-hard accompagné d’anthropophagie constitue la
6
norme dans une société où la traite des Noirs est très active à l’Est du Lualaba. Aucun historien, à ma
connaissance, n’a analysé en détail cette situation, décrite néanmoins par différents auteurs comme Glave,
Schweinfurth, Hinde, Coquilhat notamment, laquelle va susciter une justice répressive sévère dont
l’application sera reprochée à l’État. Cette situation qui décrit le quotidien des ethnies de l’époque est assez
délicate à expliquer aux Congolais de la diaspora qui la nieraient de toute façon. Le nouveau musée a préféré
être muet sur ces mœurs existant avant la colonisation.
Les pionniers ont eu, à l’époque, sous leurs yeux l’évidence (Louise Fleming) qu’en deux générations il était
possible d’amener la population à un niveau similaire à celui de certaines populations européennes encore
fallait-il éradiquer l’esclavagisme-hard et l’anthropophagie auxquels sont venues s’ajouter deux endémies
mortelles responsables, dans les zones de transit, d’une mortalité effrayante.
Pour rappel, les Belges ont, des interventions de l’ONU en Afrique, des souvenirs précis et douloureux,
comme des massacres inutiles d’Européens (ambulanciers et médecins) et de Katangais au Shaba et plus
récemment de l’assassinat de para-commandos belges au Rwanda dont les compagnons de régiment ont
détruit, par dégoût, leurs bérêts bleus de l’ONU. Pour ma part, je m’en tiens aux critiques de Pierre Ryckmans,
ancien Gouverneur du Congo et représentant de notre pays à l’ONU dans les années 50. Les témoignages ci-
dessus des journalistes américains, dispensent, à mon sens, l’état belge des moindres excuses.
Voilà, Monsieur Birnbaum, la réflexion que votre article me suggère. Il y avait très peu de colons belges ; les
Belges du Congo étaient, pour la plupart, des contractuels exerçant leur métier là-bas comme ils peuvent
l’exercer aujourd’hui dans des pays d’Amérique latine sans y être appelés des colons. Beaucoup d’entre eux
sont rentrés en 1960 car leur emploi n’était plus garanti.
Ing. A.-B. Ergo MSc.
7

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  • 1. Lettre ouverte à Michael Birnbaum, responsable du bureau bruxellois du Washington Post Monsieur Birnbaum, J’ai pris connaissance, grâce à un de mes correspondants, de l’article que vous avez rédigé, le 15 mars, relatif à la réouverture de musée de Tervueren et à la confrontation de la Belgique à son « violent » passé colonial.. Comme j’imagine que ce n’est ni à Berlin, ni à Moscou qu’on peut connaître, en détails, le passé colonial de la Belgique, j’ai décidé, pour votre information, de demander à quelques journalistes américains de cette époque, ayant été sur place, de vous en informer chacun en quelques phrases. Après cela je vous entretiendrai du musée au sein duquel j’ai été conseiller scientifique une petite trentaine d’années. Dans son livre " Black and White, from the Cape to the Congo " publié en 1949 chez Harper & Brothers à New York, Martin Flavin, lauréat du prix Pulitzer, consacre plus de 200 pages au Congo belge dont il parle comme : ... une vaste expérience où une poignée de Belges, réussissent courageusement, charitablement, humainement à tirer de la sauvagerie toute une humanité d'outre-mer. Un article du journaliste américain Jones, V.G. paru dans le magazine " True " en 1951 : ... Nous avons trouvé en voie de solution, au Congo, de nombreux problèmes qui sont encore au stade d'une discussion académique aux Etats-Unis. L'aide sociale pour une population de couleur, notamment l'assistance médicale et professionnelle, l'organisation des loisirs, se réalisent au Congo, alors qu'elles forment encore le matériel de dossiers d'études dans les grands faubourgs noirs des villes industrielles américaines. Celles-ci sont également peuplées d'une multitude d'hommes dont le standing intellectuel moyen et les revenus sont largement inférieurs à ceux de la communauté blanche. Ce que nous avons vu à Léo est une des plus grandes expériences sociales du monde en ce qui concerne les populations de races différentes, expérience qui mériterait d'être mieux connue aux Etats-Unis. Les écrits d'un correspondant américain du " New York Times " de passage à Léopoldville en 1951. W. White écrivait : ...Léopoldville est vivante, heureuse, ce qui contraste avec la léthargie ou la tension d'autres territoires africains aux prises avec des problèmes insolubles de races ou de politique. Il n'y a aucune trace de friction entre Blancs et Noirs, ceux-ci gagnant quelquefois plus de 6.000 francs par mois. L'administration belge est indifférente aux problèmes politiques mais généreuse économiquement envers les indigènes ... La politique des Belges, qui sont des gens infiniment pratiques, est un moyen terme entre le " Malanisme " et le libéralisme nord africain prématuré. Dans un très long article de 42 pages du " National Geographic Magazine " intitulé " White Magic in the Belgian Congo ", le journaliste américain M.W. Robert Moore mettait en lumière en 1952 : ... les progrès impressionnants accomplis par la colonisation belge dans tous les domaines en vue d'améliorer la situation matérielle et sociale des indigènes. Le but primordial de cette politique est de développer une 1
  • 2. combinaison systématique de mécanisation et de main d'oeuvre qui se traduira par des salaires plus élevés, un pouvoir d'achat accru et de meilleures conditions de vie pour les Congolais. Le texte suivant est dû à deux journalistes américains du magazine " The Reporter ", Olivia et Oden Meeker, et date de 1952 : ...D'après le système belge, l'accent est mis sur l'efficacité, la rationalisation des industries du pays, le maintien d'une réserve de travailleurs sains, bien dirigés et suffisamment prospères, ainsi que le progrès prudent et graduel des africains dans les domaines éducatif, social et politique. Bref, tout se résume à une question de confiance dans les bonnes intentions des Belges lorsqu'ils annoncent un progrès prudent, mais un progrès dans la direction d'une association avec les Africains. Jusqu'ici ils n'ont pas fait montre d'une hâte que l'on pourrait remarquer, mais ils n'ont pas failli non plus à leur parole. La citation suivante est la conclusion d'un important reportage réalisé en 1952 par Wolfgang Langewiesche, journaliste au " Saturday Evening Post ". ...Les Belges ont fait de cette partie de l'Afrique une contrée puissante, moderne, en plein essor, - riche en un mot. Le sceau de l'âge de la machine est sur elle... Et tout cela, les Belges l'ont réalisé en cinquante brèves années puisque pratiquement la colonisation du Congo n'a commencé qu'en 1900. Et aujourd'hui, un superbe réseau de voies fluviales, de routes et de voies aériennes a ouvert de nouveaux territoires à la civilisation. ...Comme secret de cette réussite, on pense immédiatement à l'uranium, mais celui-ci ne compte que pour peu de choses dans ce vaste pays. Les Belges ont découvert de nombreux autres minéraux de valeur comme le cuivre, l'or, l'étain, le zinc, le cobalt, le wolfram, le cadmium ou le manganèse ; ils y ont même trouvé des diamants industriels. Où ils n'ont rien trouvé, ils ont planté. Dans ce domaine encore, le Congo semble jouir d'un talent particulier pour produire exactement ce que le monde achètera à n'importe quel prix ; le caoutchouc, l'huile de palme, la quinine, le thé, le café... Mais toutes ces richesses sont la conséquence et non la cause de cette réussite. Ce qui fait la puissance du Congo, c'est son peuple, - son peuple blanc. De tous les pays colonisateurs de l'Afrique, seuls les Belges ont colonisé l'esprit de l'Afrique. Ils ont montré à l'indigène comment il fallait travailler - non pas seulement à sa manière, avec des muscles, mais à la façon des Belges, avec tout son être. Il y a cinquante ans, les Congolais ne connaissaient pas la roue. Aujourd'hui, ils conduisent des tracteurs et des camions, des locomotives et des bateaux, se servent de la machine à écrire comme aussi de la machine à calculer et connaissent le code morse... Les Belges ne veulent pas forcer l'indigène à travailler sous la contrainte. Ils désirent changer sa mentalité en développant ses besoins, en lui donnant le goût de l'argent et de tout ce qu'il permet d'acheter. Ce n'est qu'au Congo que l'homme blanc initie patiemment l'homme noir à ses méthodes. Ce n'est qu'au Congo qu'un Blanc ne peut conduire un taxi parce qu'un Noir en est capable. Voici la formule belge : la plus grande richesse de l'Afrique, c'est son peuple. La plus grande richesse de l'homme blanc, c'est sa technique industrielle. Assemblons les deux. Les Belges croient que le temps et leur travail opiniâtre et persévérant leur apportera le succès, mais ils sentent qu'on les observe. " On ", signifiant tantôt l'opinion mondiale, tantôt les Nations Unies, tantôt les Américains. Ils sentent qu " on " n'apprécie pas leur oeuvre. Si " on " demande : les indigènes ont-ils le droit de vote ? Y a-t-il beaucoup d'autochtones qui soient docteurs en philosophie ? Quand les Congolais auront-ils leur propre gouvernement ? Sur ces points, les réponses ne sont pas particulièrement brillantes. Les Belges estiment que leur formule est la meilleure : montrer au peuple noir comment produire la nourriture et bâtir des maisons vaut mieux que leur enseigner la manière de présenter une thèse. Ils estiment que donner des droits politiques à un peuple 2
  • 3. insuffisamment évolué n'est qu'un expédient et qu'il est préférable de lui accorder une place dans le coeur. Ils espèrent que l'histoire leur laissera le temps d'achever l'oeuvre remarquable qu'ils ont commencée sur l'âme africaine. La citation qui suit est tirée d'un rapport de mission de Allyne, S.C. président d'une firme américaine après une tournée d'inspection au Congo belge au cours de l'année 1954. Ayant été favorablement impressionné par ce qu'il a vu, il a cependant la conviction que les Belges sont trop modestes et ne font pas assez connaître aux Etats-Unis tout ce qui a été réalisé au Congo : ... il suffit d'examiner la courbe du développement des affaires au Congo pour avoir la conviction que tous les espoirs sont permis en ce qui concerne l'avenir de ce pays. Adlai Stevenson est candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis quand, ayant parcouru l'Afrique, il écrit un article dans le magazine " Look " dont un extrait suivant : ... nulle part, j'ose le dire, je n'ai vu des Africains accomplir des travaux aussi complexes et à un salaire aussi favorable qu'à Léopoldville et à Elisabethville. Dans cette dernière ville, 20% des africains vivent dans des maisons construites par la société locale et ces maisons sont à eux. ... La manière d'agir des Belges cadre avec leur politique qui est de donner à l'Africain un enjeu dans la communauté avec un peu d'éducation avant de l'exposer à des idées dangereuses et au pouvoir politique. Eextrait du livre de 400 pages " The Story of a journey " de Suart Cloete paru en 1955 à Boston chez l'éditeur Houghton Mifflin Cy : ... personne n'oserait prétendre que le Congo ne connaîtra, de ce côté, aucune difficulté. Et pourtant, d'après ce que j'ai constaté, le Noir ne pourrait pas être mieux traité qu'ici ! Murray Richards qui est avocat à San Francisco publie en 1956 un article dont je souligne l’extrait suivant : ...Les débats de conscience et les peines qui ont fait suite (...) aux Etats-Unis à la décision de la Cour Suprême proscrivant toute ségrégation de notre population noire fournissent un contraste saisissant avec le programme que les Belges ont entrepris tranquillement et méthodiquement en Afrique. ... Les hommes de couleur américains et les Noirs congolais sont très différents mais le problème de base reste le même. ... Le gouvernement général du Congo s'est approché de ces problèmes avec une maturité considérable et avec un réalisme bien différent de la pruderie politique américaine où on essaie en fait de contrôler les étapes de l'intégration afin qu'elle ne se réalise pas trop rapidement.... Au Congo, à l'université, la ségrégation a disparu. Au Congo, chaque travailleur doit être logé par son employeur et le logement familial est le seul favorisé. Mais dans les villes, la propriété privée des habitations est encouragée grâce au " Fonds d'Avance " . ... Le système congolais prône une déségrégation graduelle verticale des races, s'effectuant par le haut. Les Américains feraient bien d'être moins intransigeants et moins impulsifs à ce point de vue. Ils ne devraient pas refuser d'étudier les mérites d'une telle conception du problème verticale et graduelle, et de reconsidérer leurs tactiques hérodiennes à la lumière de ce que le Congo belge peut leur apprendre. Partie d'un article du journal américain " Minneapolis Tribune " écrit en 1956 par le journaliste Carl T. Rowan : ... Peu d'Occidentaux reviennent du Congo sans être impressionnés par l'absence apparente de haines raciales 3
  • 4. et de tensions politiques et par ce qu'ils appellent d'autre part la " générosité économique " de l'administration belge. Sans doute, certains outsiders déclarent que cette politique vise seulement à perpétuer la domination de l'homme blanc en Afrique en refusant à l'indigène la faculté de s'exprimer politiquement quitte à acheter son consentement au moyen de bénéfices économiques et sociaux. Et pourtant, en évoquant l'Afrique dans son ensemble, il ne faut pas regarder longtemps pour s'apercevoir que les enfants congolais sont mieux nourris, que leurs regards sont plus vifs, leur éducation supérieure. Le paternalisme belge n'a jamais mis de frein à ce que les Congolais lisent des journaux et des magazines non congolais, achètent des postes de radio, apprennent qu'il y avait eu une conférence afro-asiatique et d'autres nouvelles concernant l'Afrique occidentale. Mac Gregor a été Consul général des Etats-Unis au Congo jusqu'en 1956. A son départ, il fait un discours dans lequel il dit : ... Celui qui a vécu assez longtemps dans cette partie du monde ne peut manquer d'être impressionné par les évidences de la noble tâche accomplie. .... J'ai, de toute ma carrière, rarement rencontré un peuple aussi entièrement dévoué à sa tâche que les Belges au Congo. La mission civilisatrice de la Belgique dans cette partie de l'Afrique occidentale est un fait que le peuple américain comme tous les peuples bien pensants, doit reconnaître avec enthousiasme et gratitude. Dans le " News Chicago " du 02.01.1957 on pouvait lire cet article de John Mac Dermott : ... L'avenir de l'Afrique dépend dans une large mesure de la possibilité de coopération et de compréhension entre Noirs et Blancs. A l'heure actuelle, cette possibilité semble bien lointaine encore. Le Congo belge fait une double exception : les progrès qui y ont été réalisés sont un signe d'espoir. ... C'est au Congo belge que l'on se rapproche le plus de la solution équitable à donner aux problèmes du continent noir. Là, le Noir est de plus en plus instruit et trouve des occasions de plus en plus nombreuses pour améliorer sa vie économique. La politique belge semble y consister à y rendre le Congo aux Noirs dans le sens politique et économique. Il a été dit que le Congo est le seul pays africain où le Noir souriait quand il rencontrait un Blanc. C'est tout à fait vrai Roy Ottley qui est rédacteur pour les questions sociales à la " Chicago Tribune "écrit un violent réquisitoire contre les pays européens colonisateurs: ...Les attitudes adoptées par l'Europe dans le domaine racial reflètent directement le fait que certains de ces pays possèdent des colonies noires, pierres angulaires de leur bien-être économique. Près de 100 millions de nègres vivent à l'ombre du drapeau de ces nations qui sont la Belgique, la France, L'Italie, la Hollande et la Grande Bretagne. Le traitement réservé au nègre colonisé forme l'un des pires aspects de l'histoire européenne : cruauté, travail forcé, maintien des masses indigènes dans l'ignorance et même, extermination de populations entières. Tout cela sous le couvert de la sordide hérésie anthropologique qui veut que le nègre ne soit pas réellement humain. Il transpose sur les autres l'histoire de son propre peuple, et le Révérend Léonard Robinson a estimé en sa conscience d'homme honnête qu'il ne pouvait laisser passer cet article tendancieux. Ce missionnaire adventiste américain a vécu de très nombreuses années au Congo belge lui répond au journal : Cher Monsieur Ottley, ... Il est urgent, je le sens, que nous Américains, nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour développer de bonnes relations entre notre pays et l'Afrique. Le Vice-président Nixon l'a déclaré il y a trois jours : " L'importance de l'Afrique pour la stabilité et la solidité du monde libre est trop grande pour que nous la sous- 4
  • 5. estimions. Les ennemis de la liberté présentent une image tronquée des relations raciales ". Les Belges, avec le progrès phénoménal dont ils ont doté le Congo donnent au monde l'exemple éclatant d'une administration dont la politique repose sur l'égalité et la coopération entre les races blanche et noire. J'ai choisi deux raisons d'écrire longuement sur le Congo belge. La première ...est que j'ai eu le privilège de vivre vingt années dans ce pays fascinant et que je crois être fondé à en parler avec plus d'autorité. La seconde est contenue dans le rapport ... du sénateur Théodore Francis Green suivant lequel : " le Congo belge est un des territoires les plus productifs de l'Afrique actuelle ". Je pense aussi qu'en énumérant des faits intéressant le Congo, modèle de paix, de progrès et de prospérité, vos opinions largement faussées auront quelque chance d'être rectifiées. Au Congo belge et au Ruanda-Urundi, beaucoup d'Africains dirigeants et influents sont de mes amis intimes. Ils m'ont souvent eux-mêmes déclaré qu'ils ne désiraient absolument pas de tenter en dehors des Belges le développement économique et politique de leur pays. Ils m'ont dit qu'historiquement ils n'avaient jamais connu le sentiment national, que seuls les Belges avaient unis les nombreuses tribus divisées jadis hostiles et que seuls ils les avaient éveillées à la conscience d'être Congolais. Le retrait des Belges signifierait la résurrection des antiques conflits féodaux et la désintégration du Congo en un éparpillement de petites tribus.... Je ne ressens qu'admiration pour les Belges et leur oeuvre étonnante. En moins d'une génération, ils ont merveilleusement développé un pays 84 fois plus étendu que le leur. Dans ce territoire plus vaste que 26 de nos états pris à l'Est du Mississipi, les indigènes jouissent maintenant de tous les avantages de l'éducation interraciale aux niveaux moyen et supérieur. L'augmentation des centres médicaux s'est opérée à un rythme étourdissant. Ils vont des hôpitaux ultramodernes, des maternités, des léproseries et des laboratoires aux petits dispensaires des villages. Sur le plan social, la gentille attention accordée au Congolais par son frère belge est appréciée. L'absence de la barrière de couleur est salutaire. Tout Congolais éduqué et évolué peut manger dans les mêmes restaurants, dormir dans les mêmes hôtels, boire dans les mêmes cafés et envoyer ses enfants dans la même école que son frère blanc. Les conditions économiques sont très prospères. Un sixième environ de la population indigène travaille au côté des Blancs tandis que les cinq sixièmes vivent en tribu, cultivent et s'occupent de nourrir leurs frères citadins. Ils sont tous payés en proportion. Beaucoup d'entre eux reçoivent un salaire plus important que ne l'étaient mes émoluments de missionnaire. Ils ont été entraînés à toutes sortes de travaux. Les trains, au Congo, qu'ils soient à vapeur ou électriques, sont conduits par des Noirs. Sur le fleuve et sur les lacs, de nombreux steamers sont commandés par des capitaines congolais.... Dans les ateliers de réparation de la base stratégique de Kamina, 90% des mécaniciens qualifiés sont des indigènes. Ayant été le proche témoin de la constante évolution du peuple congolais, je puis croire avec quelque raison que l'avenir réserve pour les relations entre Noirs et Blancs la coopération la plus complète au plus grand profit de leur progrès commun et de leur mutuel intérêt. Enfin, David Read qui est membre du Board of Editors de la revue " US News and World Report " écrit après un voyage en Afrique en 1959 : ... Dans les territoires anglais et français l'accent est mis sur le développement politique et l'enseignement supérieur dispensé à l'indigène. Les Belges, par contraste, ont d'abord concentré leurs efforts sur le développement économique et l'augmentation des standards de vie de la masse. Ils laissaient pour après la politique et le large accès à l'enseignement universitaire. En un sens, le Congo est considéré comme mieux préparé au self-government que nombre d'autres territoires qui approchent maintenant de leur indépendance. La proportion des indigènes sachant lire et écrire est élevée et il possède une importante classe de techniciens et d'artisans autochtones. Néanmoins, il n'y a encore qu'une poignée d'hommes qualifiés en mesure d'occuper des postes supérieurs. 5
  • 6. Voiià, Monsieur Birnbauw, comment vos compatriotes et confrères définissaient, sans flagornerie, la colonisation belge en Afrique centrale, juste avant l’indépendance du Congo. Et pourtant le mot colonialisme existait depuis plus de 50 ans et la colonie avait dû subir deux guerres mondiales et une crise économique très grave. Je n’ajouterai rien, tout a été dit. Le musée de Tervueren, qui avait le même âge que le mot colonialisme, avait subi les mêmes épreuves, ce qui pourrait expliquer en grande partie la remarque du directeur Gryseels (the permanent exhibit had not changed for 60 years) si elle était correcte. Avant 1960, le personnel du musée était environ le quart de ce qu’il est aujourd’hui et ne comptait que 12 scientifiques, mais l’institution recevait un apport financier des grandes entreprises coloniales et dépendait du ministère des colonies. Tout cela est absolument bouleversé en 1960 avec un problème supplémentaire, le reclassement des scientifiques et des techniciens de retour du Congo dans des structures administratives en débandade sous la tutelle successive de différents ministères.. Gryseels, à l’époque, est à l’école gardienne et ne peut pas avoir de souvenir personnel de ces situations. Le directeur Cahen se débrouille très bien et augmente sensiblement le nombre de personnes occupées au musée sans pouvoir résoudre tous les problèmes de trésorerie. Faisons remarquer en passant que l’entrée du musée est toujours gratuite comme l’avait exigé Léopold II. Au départ du directeur Cahen, Gryseels va débuter ses études supérieures, mais il n’a jamais consulté les services scientifiques du musée, car vu les études qu’il a faites, il aurait inévitablement été dirigé vers le centre où j’étais conseiller scientifique.. La succession de Lucien Cahen est difficile et ce ne sont pas les deux directeurs faisant fonction successifs qui vont résoudre les problèmes, bien que ce soit à cette époque-là que nous introduirons l’informatique dans le musée. La direction de Thys van den Audenaerde va faire changer les choses notamment l’extension du CAPA, l’entrée payante, l’organisation des ateliers et celle de plus nombreuses expositions temporaires. Des projets de rénovation du musée sont engagés, des plans sont même dessinés, mais le financement n’arrivera jamais. Durant les périodes Cahen et Thys, ma présence au musée (1971-1999) me permet d’affirmer que 8 salles ont été rénovées. À la fin de cette période, Gryseels qui travaille outre-mer connaît l’Asie et l’Afrique, surtout la ville, dans les bureaux climatisés d’une grande Institution internationale. Il ne connaît rien des peuples de la brousse congolaise. Nommé à la tête du Musée Royal de l’Afrique Centrale, le Directeur Gryseels a reçu de l’État belge, le personnel et les fonds nécessaires à la rénovation du musée qu’il a appelé, de manière étonnante, Africamuseum, le mot museum étant réservé, en langue française, aux musées d’histoire naturelle. Est-ce un pressentiment ? Dans le titre de votre article vous affirmez que le pays est confronté à son passé colonial violent. Je souligne le mot en espèrant que les propos de vos confrères vous ont rassuré quant au poids et à la nature de la violence durant la période de la colonie (1908-1960). La période précédente (1879-1885-1908), celle de l’État Indépendant du Congo (le mot colonialisme n’existe pas encore), ne concerne en rien l’état Belgique même si la gouvernance y est entièrement belge et située en Belgique, car sur place, les acteurs de terrain sont de 19 nationalités différentes. En réalité, les pionniers trouvent au Bas Congo où ils arrivent, une société dans laquelle un esclavagisme-soft est pratiqué et où l’alcoolisme est assez développé. Mais la situation qu’ils trouvent au Haut Congo au-delà du Stanley-Pool les surprend car elle est nettement différente : un esclavagisme-hard accompagné d’anthropophagie constitue la 6
  • 7. norme dans une société où la traite des Noirs est très active à l’Est du Lualaba. Aucun historien, à ma connaissance, n’a analysé en détail cette situation, décrite néanmoins par différents auteurs comme Glave, Schweinfurth, Hinde, Coquilhat notamment, laquelle va susciter une justice répressive sévère dont l’application sera reprochée à l’État. Cette situation qui décrit le quotidien des ethnies de l’époque est assez délicate à expliquer aux Congolais de la diaspora qui la nieraient de toute façon. Le nouveau musée a préféré être muet sur ces mœurs existant avant la colonisation. Les pionniers ont eu, à l’époque, sous leurs yeux l’évidence (Louise Fleming) qu’en deux générations il était possible d’amener la population à un niveau similaire à celui de certaines populations européennes encore fallait-il éradiquer l’esclavagisme-hard et l’anthropophagie auxquels sont venues s’ajouter deux endémies mortelles responsables, dans les zones de transit, d’une mortalité effrayante. Pour rappel, les Belges ont, des interventions de l’ONU en Afrique, des souvenirs précis et douloureux, comme des massacres inutiles d’Européens (ambulanciers et médecins) et de Katangais au Shaba et plus récemment de l’assassinat de para-commandos belges au Rwanda dont les compagnons de régiment ont détruit, par dégoût, leurs bérêts bleus de l’ONU. Pour ma part, je m’en tiens aux critiques de Pierre Ryckmans, ancien Gouverneur du Congo et représentant de notre pays à l’ONU dans les années 50. Les témoignages ci- dessus des journalistes américains, dispensent, à mon sens, l’état belge des moindres excuses. Voilà, Monsieur Birnbaum, la réflexion que votre article me suggère. Il y avait très peu de colons belges ; les Belges du Congo étaient, pour la plupart, des contractuels exerçant leur métier là-bas comme ils peuvent l’exercer aujourd’hui dans des pays d’Amérique latine sans y être appelés des colons. Beaucoup d’entre eux sont rentrés en 1960 car leur emploi n’était plus garanti. Ing. A.-B. Ergo MSc. 7