1. Liberté
L’histoirede la semaineJeudi 25 avril 201312
I
ls seront 600 gamins, ce mercredi 1er
mai,
sur les pelouses du stade René-Douchy
de la Grâce-de-Dieu. 600 enfants à se dis-
puter la coupe du tournoi de La Butte, la
grandefêtedufootballdanscequartierpopu-
laire du sud de Caen. Cure de jouvence
annuelle et début des festivités pour le club
qui célèbre cette année son soixantième
anniversaire. Six décennies d’une vie riche et
mouvementée.
Audébutétaitunebandedecopains,desado-
lescents du Caen d’après-guerre, sur cette
rive droite qui n’a pas encore vu pousser les
barres d’HLM de ce qui deviendra la Grâce-
de-Dieu.JacquesHarengetsesamis,notam-
ment Jean Buet, font La Route ensemble, un
mouvement des Scouts de France. Nous
sommes en 1953 et les jeunes s’ennuient
dansceCaenquiserelèvetoutjustedesbom-
bardements de 1944. Quoi de mieux qu’un
ballon rond pour occuper les week-ends ?
““OOnn aa oorrggaanniisséé uunn pprreemmiieerr mmaattcchh,, aauu mmooiiss ddee
mmaarrss,, se souvient Jacques Hareng, 17 ans à
l’époque. OOnn aavvaaiitt jjoouuéé ddaannss llaa nneeiiggee..”” Les
jeunes du quartier se retrouvent pour des
parties acharnées, sur le terrain de foot de
l’ancien camp de prisonniers allemands. ““IIll
ééttaaiitt ddrraaiinnéé aavveecc ddeess bbooîîtteess ddee ccoonnsseerrvvee
rreettoouurrnnééeess..””
Des fondateurs mineurs
Rapidement, les footballeurs du dimanche
décident de se constituer en association.
Mineurs, ils font appel à des adultes de leur
connaissance pour former le bureau. ““OOnn eesstt
aalllléé vvooiirr JJaaccqquueess PPrreessttaavvooiinnee,, qquuii ééttaaiitt pprréé--
ssiiddeenntt dd’’uunn cclluubb ddee rraaddiioo--aammaatteeuurrss,, raconte
Jacques Hareng. IIll aa ddiitt oouuii ttoouutt ddee ssuuiittee eett
sseerraa llee pprreemmiieerr pprrééssiiddeenntt..”” Une dizaine de
personnes lui emboîtent le pas, dont MM.
DenisetLebarbier.Le13septembre1953naît
officiellement l’Union sportive caennaise de
La Butte, du nom du talus sur lequel sera
construit, plus tard, le lycée Fresnel. Le pre-
mier match officiel des Buttistes les oppose
au Stade Malherbe, et Jacques Hareng s’en
souvient encore…””AA uunn mmoommeenntt,, oonn eenn aavvaaiitt
nneeuuff oouu ddiixx ddaannss llaa mmuusseettttee.. UUnn ddee nnooss ddiirrii--
ggeeaannttss,, qquuii tteennaaiitt llee mmaaggaassiinn CCoooopp dduu qquuaarr--
ttiieerr,, nnoouuss aa pprroommiiss ll’’aappéérroo ssii oonn mmaarrqquuaaiitt uunn
bbuutt……”” Ni une, ni deux : voilà le ballon au fond
des filets malherbistes. Ça finira à 13-1, mais
l’histoire est en marche.
Très vite, de nombreux habitants du secteur
rejoignent La Butte. Pour jouer au foot, mais
pas seulement. Si bien que l’association
changedestatutetintègreleréseaudesMJC,
les Maisons des jeunes et de la culture. On y
pratiquera le judo, le hand, le basket, mais
aussi la radio amateur chère à Jacques Pres-
tavoine, le théâtre ou la danse folklorique.
Pour accueillir toutes ces activités, un bâti-
ment est construit, en 1959, rue Lavoisier. A
cette bonne nouvelle succède une mauvaise
surprise, deux ans plus tard. ““OOnn aa vvuu ddeess
bbuullllddoozzeerrss ddéébbaarrqquueerr ssuurr nnoottrree tteerrrraaiinn !! PPeerr--
ssoonnnneenneennoouussaavvaaiittaavveerrttiiss””,raconteJacques
Hareng, toujours incrédule cinquante ans
plus tard. Résultat, plusieurs équipes de foot
seront mises en sommeil pendant deux ans.
L’équipe fanion s’entraînera au stade Hélitas,
le midi. Mais les Buttistes avaient de la res-
source.
1969, année héroïque
Le terrain vague de la rue Robillard fera l’af-
faire. ““OOnn ll’’aa mmeessuurréé eett oonn ss’’yy eesstt iinnssttaalllléé..”” Et
tant pis si les habitants du quartier, qui en
avaient l’habitude, le traversaient même par-
fois pendant les matches ! Le dimanche, 150
personnes se pressaient autour de la main
courante et les voisins de la rue Roger-
Dechambre observaient les matches depuis
leurs fenêtres. Aujourd’hui encore, les caté-
gories de jeunes s’entraînent sur ce terrain.
L’année 1969 sera héroïque à la Grâce-de-
Dieu. Un conflit éclate au sein de la fédéra-
tion nationale des MJC. Le gouvernement
d’alors souhaite la scinder en deux, suite aux
événements de mai 68. Les mouvements de
jeunesse inquiètent. A Caen, La Butte résis-
tera pendant plus de six mois. ““OOnn nnoouuss aa vviirréé
ddeess llooccaauuxx,, oonn vvoouullaaiitt ccaasssseerr llaa mmaacchhiinnee””. Il
faudra l’intervention du directeur de l’école
Lechatelier, redoutant que la situation ne
““ddééggéénnèèrree”” sur la rive droite, pour que les
choses s’apaisent. La Butte prendra le statut
d’association sportive en 1973.
L’existence de La Butte a constamment été
marquée par ce sentiment de devoir se bat-
tre plus que d’autres pour obtenir des avan-
cées. Certainement était-ce dans les gênes
de cette association issue d’un mouvement
engagé politiquement, contre la guerre d’Al-
gérie ? ““NNoouuss ééttiioonnss ssuurrttoouutt llee cclluubb dd’’uunn
qquuaarrttiieerr ppooppuullaaiirree,, analyse Jacques Hareng.
NNoouuss aavvoonnss ééttéé lleess ddeerrnniieerrss àà aavvooiirr ddee ll’’ééccllaaii--
rraaggee eett llee ssttaaddee nn’’aa ttoouujjoouurrss ppaass ddee ttrriibbuunneess
mmaallggrréé ddee nnoommbbrreeuusseess pprroommeesssseess..”” Histori-
quement, la rive droite a toujours été ancrée
à gauche. Président de 1970 à 1996, le fonda-
teur de La Butte a vécu de nombreuses pas-
ses d’armes avec la municipalité d’alors.
Notamment avec Jean-Marie Girault, adjoint
aux Sports avant de devenir maire de Caen.
““EEnn 11998822,, jj’’aaii mmêêmmee ééccrriitt àà MMiitttteerrrraanndd..”” Sol-
licité à six reprises par l’opposition munici-
pale, le président finira par se présenter sur
la liste de Louis Mexandeau, en 1995.
2000 adhérents en 1994
Malgré ces difficultés, le club de la Grâce-de-
Dieu n’a pas cessé de se développer. Les sec-
tions se sont succédé à intervalle régulier. De
300 adhérents à l’époque de la MJC, il est
passé à 1000 licenciés en devenant un club
sportif et a atteint un pic en 1994, franchis-
sant la barre symbolique des 2000 adhérents.
Il a vu passer des générations de sportifs, et
a même connu un certain Denis Brogniart !
L’animateur de Koh Lantah fut moniteur de
natation à la piscine de la Grâce-de-Dieu,
lorsqu’il était étudiant en STAPS à Caen.
Désormais, c’est Franck Doré qui préside aux
destinées des 10 sections (24 activités) de La
Butte. ““LL’’aavveennttuurree ccoonnttiinnuuee,, sourit celui-ci.
NNoouuss ccoommppttoonnss cceettttee aannnnééee 11..880000 aaddhhéérreennttss,,
ccee qquuii ffaaiitt ddee nnoouuss llee pplluuss ggrrooss cclluubb ddee llaa vviillllee,,
aavveecc ll’’AAvvaanntt--GGaarrddee..”” La situation financière,
longtemps compliquée au point que les diri-
geantsontparfoiscrudevoirdéposerlebilan,
a été remise à niveau. Et les enfants du quar-
tier se retrouvent toujours à La Butte pour
jouer au foot.
NICOLAS CLAICH ■
La Butte, une aventure de 60 ans
LES GRANDES DATES
1953. Fondation du club.
1959. Construction du premier
bâtiment, rue Lavoisier.
1963. Installation rue Robillard.
1969. Conflit MJC.
1970. Jacques Hareng prend
la présidence.
1973. Prend les statuts
d’association sportive.
1994. 2000 adhérents.
■ Franck Doré (à gauche) a pris la relève du fondateur de La Butte, Jacques Hareng. Depuis 60 ans, le club de la Grâce-de-Dieu incarne la rive droite de Caen.
Le traditionnel tournoi de foot du 1er
mai, ce mercredi, marque le début des célébrations du 60e
anniversaire de La
Butte de Caen. Avec ses 1800 adhérents, l’association omnisports de la rive droite est aujourd’hui la plus importante
de la ville.