Témoignage d'une journaliste qui nous a suivis dans notre mission de Motivation : " Faire l'humour au bureau "

1. In vivoIn vivo
Ils sont deux cents ce lundi après-midi.
Deux cents comptables appartenant à
un grand groupe d’assureurs en muta-
tion, réunis dans un amphithéâtre… Ça
ne va pas être de la tarte de les dérider !
Ils attendent sagement que ce monsieur
bien propre sur lui, qu’on leur a présenté
commeétant« consultantenorganisation
de l’entreprise », leur parle sociologie
et management. Beaucoup d’entre eux,
studieux, ont un carnet sur les genoux et
se tiennent prêts à noter. Ils pensent à un
énième sursaut managérial, de ceux que
bon nombre d’entreprises tentent parfois
pour recoller des pots brisés, souvent liés
à des restructurations ou à des rachats
de groupe. Mais très vite, ce jour-là, les
stylos se baissent, et leurs propriétaires
abandonnent l’idée de noter quoi que ce
soit venant de cet être étrange, qui fait
montre d’un humour totalement absurde
sous couvert d’un grand sérieux. Ils ne
savent pas qu’ils ont affaire à Humour
ConsultingGroupetsonindéboulonnable
fondateur, Serge Grudzinski.
Celui-ciressembleàunchefd’entreprise,
ou à un sociologue des organisations, ou à
un clown… Peut-être parce que ce sexagé-
naireàl’airdébonnaireesttoutçaàlafois.
Ce qu’il fait sur scène requiert une rare
complémentarité de talents : comique et
spécialiste du monde de l’entreprise. Fraî-
chement sorti de Polytechnique, Serge
Grudzinski a commencé sa carrière en
costume trois pièces et cravate Hermès,
avenue Marceau (dans le VIIIe
arrondisse-
mentdeParis)– c’estluiquiledit –comme
consultantenstratégied’entreprise.Çan’a
pasduré,car,commeilleconfessedansun
éclatderiresonore,sondestinétait« d’être
con ».Etçafaitvingt-deuxansqueçadure !
« Ce qui est génial, c’est qu’artiste ça dure
toute la vie. Quand on a le talent du rire,
on ne peut l’ignorer », analyse-t-il. Il a des
tics-tocs à la de Funès, les yeux rieurs de
Robin Williams et ne peut s’empêcher
d’imiter les politiciens les plus caricatu-
raux lorsqu’il parle. Pourtant, nombreux
sontlesdirigeantsd’entreprisesduCAC 40
à lui faire confiance, « soit parce qu’ils sont
visionnaires et qu’ils trouvent l’idée originale,
soit parce que c’est leur dernier recours »,
raconteChrisEsquerre(voirCausette #49),
qui fut le premier collaborateur de Serge
Grudzinski, il y a plus de dix ans. Peut-
être aussi parce que Grudzinski est loin
d’être con, justement…
objectif : faire un tabac
Il « répare » les petits et grands maux des
entreprisesenproposantunshowcomique
surmesure,danslequelilparleàces« spec-
tateurs » particuliers d’eux-mêmes et de
leurprofession.C’estpourlui« lameilleure
façon de provoquer le grand rire, celui qui
part de la tête et qui arrive au cœur, le plus
sincère des rires, celui où l’on rit de soi et des
travers de sa profession ».
En vrai show man qu’il est et qui n’aime
pas déplaire, sa plus grande crainte est de
« ne pas faire un tabac » ! En vingt-deux
ans, ce n’est pratiquement jamais arrivé,
car la préparation en amont est très fine.
Ludovic, qui a remplacé Chris auprès de
Serge, auditionne un panel de salariés aux
fonctions et personnalités diverses, afin
de saisir tous les rouages de l’entreprise
et des métiers qui la composent. Les sala-
riés se confient, racontent les problèmes
de la boîte, les leurs, leurs objectifs ou
leurs désillusions. Passé l’audit, Serge et
Ludovic se réunissent et ce dernier pré-
sente tout ce qu’il a récolté et interprété.
À trois jours de la représentation ! Et c’est
là que l’on réalise que Serge Grudzinski
est bien plus qu’un comique : il a une capa-
cité d’absorption impressionnante et une
maîtrise des codes des plus grandes entre-
prisesàfairepâlirlesmeilleursconsultants.
Ce passionné, une fois qu’il a compris sur
le bout des doigts les tenants et aboutis-
sants de la société à qui il va s’adresser,
potasse son numéro en solo.
un rire communicatif qui explose
Causette s’est faufilée dans l’amphithéâtre
pour voir comment Serge s’y prend pour
restituer une situation complexe. On ne
va pas se mentir, on a le trac pour lui : nous
aussi on espère que « ce soit un tabac ».
Ouf ! les gens se marrent. Peut-être parce
que Serge ne fait pas d’humour potache
visant un public large, non : « Il restitue
comme s’il avait fait partie de l’entreprise
depuis toujours. Tout le monde voit une illus-
tration de son métier, et rien que ça, ça leur
fait du bien. Les gens ont l’impression qu’il
connaît vraiment leur profession. C’est un
one-man-show sur mesure de leur boîte », se
souvient Chris Esquerre.
Mais son plus, auquel il tient, c’est une
extrême bienveillance. « Il y a beaucoup
d’accumulationsd’émotionsnégatives.Jetraite
par le rationnel, en leur filant de l’émotion
positive.Laplusgrandeémotionenprivé,c’est
l’amour ; en public, c’est le rire ! Je fais ça par
passion : faire du gentillet, ça me fait chier. Le
bite-couilles,çafonctionnetoujoursentrepotes,
mais c’est un rire superficiel qui ne dure pas.
Ça ne m’intéresse pas. Moi, ce que je cherche,
c’est le rire qui transcende, qui dure », s’em-
balle ce fan de Coluche, qui dit l’aimer
« poursapuissancedescèneetsonintelligence.
Il peignait comme un impressionniste, alors
qu’un Bigard peint au rouleau ! »
Bon, nous, on n’a pas compris tous les
ressorts du spectacle – pourtant, on avait
assisté très sérieusement à la réunion de
préparation… –, mais on est bluffées du
rirecommunicatifquiserépandetexplose
dans la salle. « Je leur parle d’eux et de leur
quotidien. Ils ne savent pas qu’on a réalisé
un audit en amont, donc, sous couvert
­d’humour, je vais répéter des phrases qui
viennent vraiment d’eux, sans jamais nom-
mer personne, évidemment. Ils sont touchés
au plus près. Et il n’y a pas de meilleur rire
que celui qui parle de soi ! » Il faut croire
que Serge en connaît un rayon puisqu’à
la sortie un employé confie : « Cette
approche complètement décalée, bourrée
d’humour, cette proximité dans le respect,
pour parler de choses graves... c’est un vrai
freinàlasinistroseenvironnantedanslaquelle
nous baignons tous depuis un moment. J’ai
vraiment apprécié cette légèreté. » Chris
Esquerre, lui, parle carrément de « thé-
rapie » par le rire : « Ce qu’il fait est un
exutoire, en plus d’un spectacle comique. Ça
les concerne, c’est leur vie en entreprise, donc
leur vie tout court. »
« Quelle thérapie »!
Et Serge qui, fier comme un gosse, nous
envoie les différents mails qu’il a reçus
quelques semaines après le show, dans
lesquels on peut lire : « Un peu d’humanité,
cela fait du bien », « Le one-man-show a été
magnifique, tout en nous expliquant avec
beaucoup d’humour tous les métiers de la
comptabilité, également le sujet plus doulou-
reux de l’externalisation », « L’intervention
de l’humoriste était carrément géniale, inno-
vante et drôle », « Quelle thérapie ! », « For-
midable »… pour nous convaincre encore
un peu plus que ce qu’il fait est peut-être
plus utile qu’être « consultant en stratégie
d’entreprise avenue Marceau ». Et tant
pis s’il ne remplit jamais l’Olympia, son
rêve à moitié avoué.
“ Ce qu’il fait est un exutoire, en plus
d’un spectacle comique. Ça les concerne,
c’est leur vie en entreprise, donc leur vie
tout court ”
Chris Esquerre, ancien collaborateur de Serge Grudzinski
Avant le show, il auditionne un panel de
salariés pour saisir les rouages de l’entreprise
©HUMOURCONSULTINGGROUP
Faire
l’humour
au bureau
Il y a des jours où passer les portes de son entreprise, c’est comme faire son entrée
à Pandémonium, la capitale des enfers. Entre tensions, réorganisations, coupes budgétaires,
conflits avec la direction… la boule au ventre est présente et le burn-out guette.
Via sa boîte Humour Consulting, Serge Grudzinski propose une solution sur mesure pour
dédramatiser des situations professionnelles qui n’ont souvent rien de drôle. Place au show !
Par Pauline Marceillac
Lors d’une convention devant
quatre cents personnes, en 2013.
Serge Grudzinski
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