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Satellites, Lumière et Croissance Economique
Yann ARNAUD ∗
, Université Clermont-Auvergne & CERDI, France
Juin 2019
Le 4 octobre 1957, Spoutnik 1 est devenu le premier satellite artificiel de l’histoire spatiale à atteindre
l’orbite de la Terre. Soixante ans plus tard, la NASA recense plus de 2630 sondes actives gravitant
autour de notre atmosphère et ce chiffre ne cesse de s’accroître tous les ans. Ces engins spatiaux sont de
véritables témoins de l’activité terrestre. Leurs photographies et leurs mesures renseignent régulièrement
la communauté scientifique dans de nombreux domaines spécifiques, dont la science économique peut
tirer parti.
Les satellites ont considérablement amélioré notre façon de vivre. En effet, ces appareils ont permis
initialement aux outils de télécommunication (portables, télévisions, GPS, internet, etc.) de fonctionner
en permanence aux quatre coins du globe. Ensuite, leurs observations de la Terre ont donné l’opportunité
aux météorologues de prévoir le temps plusieurs semaines à l’avance, aux géomètres d’obtenir des mesures
précises pour l’altimétrie et l’océanographie, et aux pays en conflit de pratiquer l’espionnage militaire.
Aujourd’hui, ils jouent un rôle prépondérant dans l’étude des phénomènes astronomiques et dans la
compréhension des effets du changement climatique.
Bien que non exhaustives, ces différentes fonctions attestent du rôle omniscient des satellites dans notre
société moderne. D’un point de vue économique, les outils embarqués par les satellites peuvent mener des
études poussées pour mesurer la croissance économique des pays et des villes. Leur position privilégiée par
rapport à la Terre nous apporte des informations précises sur le développement économique de certaines
régions du monde.
J. Vernon Henderson, Adam Storeygard, David N. Weil [1] ont étudié la lumière émise par les pays de
plusieurs régions du monde. En collectant les données et les photographies d’une trentaine de satellites
météorologiques de la US Air Force, les auteurs ont tenté de remplacer les mesures du Produit Intérieur
Brut (PIB), indicateur communément utilisé pour estimer la richesse économique d’un pays. À l’aide de
leurs régressions économétriques, ils ont démontré la croissance du revenu en fonction de la croissance
de la lumière durant la période 1992-2008. Ils se sont tout particulièrement intéressés aux pays dont les
données étaient manquantes ou erronées.
"There is clearly a strong relationship between lights growth and measured income growth, although
there are a number of interesting outliers."
Leurs résultats montrent que les données satellitaires peuvent être un moyen de corriger les estima-
tions de croissance du PIB établies par les comptes nationaux. Ils prennent comme premier exemple le
Myanmar. Les données du WDI (World Development Indicator) indiquent une croissance du PIB de 10%
par an pendant la période 1992-2006 dans ce pays. En appliquant leurs calculs, les auteurs prévoient
pour leur part une croissance annuelle de 6.5%. Ensuite, ils utilisent dans un second temps les données
du Burundi qui, inversement, a connu une croissance négative de 0.71%, alors que l’estimation des trois
auteurs plancherait sur une croissance annuelle de 1.1%. En intégrant le contexte politico-économique de
ces deux pays, les résultats sont crédibles et laissent penser que le PIB est incorrectement mesuré. La
veilleuse nocturne permettant de mesurer la croissance de la lumière serait un outil fiable pour estimer la
croissance économique des revenus. Cependant, les auteurs insistent sur le fait que la collecte des données
∗yann.arnaud63@gmail.com
1
d’éclairage est parfois trompeuse. En effet, certaines activités très productives comme la fabrication de
biens de haute technologie produisent peu de lumière, alors que ce secteur représente un poids économique
important dans la plupart des pays. De plus, des phénomènes naturels tels que les nuages et l’humidité
peuvent altérer la lumière et corrompre les résultats.
Des travaux complémentaires sur les éclairages ont été apportés par ces mêmes auteurs [1]. Ils ont
cherché à comprendre comment les précipitations peuvent contribuer à l’activité économique dans les
villes africaines entre 1995 et 2007. Grâce aux données satellitaires, les auteurs ont réuni un échantillon
de 541 villes et ont collecté les données pluviométriques dans un rayon de 30km autour de celles-ci. Dans
ces relevés, ils ont constaté qu’une augmentation de la pluie jusqu’à trois ans auparavant la période en
cours, entraine une augmentation de l’éclairage dans ces villes.
"We find that increased rainfall in the current and up to three years previously leads to increased city
lights [. . . ] and country growth trends."
Dans ces pays, la pluie est un facteur essentiel au développement de l’agriculture rurale. Elle élève
la production, booste la consommation et permet, ceteris paribus, une hausse sensible des revenus. Par
coutume, ceux-ci sont ensuite dépensés dans les milieux urbains, ce qui tend à améliorer la prospérité
économique des villes. Les relevés pluviométriques corroborent le fait que la lumière est un signal de
croissance pour le cas des pays peu développés.
L’analyse de William D. Nordhaus et Xi Chen [2] s’inscrit dans le prolongement de l’étude précédente.
Les données satellitaires sont un bon substitut aux agrégats de mesure des richesses lorsque les informa-
tions sont manquantes et/ou erronées dans les pays peu développés. Au terme de leur étude, les pays
étudiés sont classés en plusieurs catégories (A, B, C et D). Les pays de catégorie A sont caractérisés par
des données fiables et de qualité. Inversement, les pays répertoriés en D possèdent de fortes erreurs de
mesure ou des omissions. Voici certaines de leurs conclusions :
"First, for grade A and B countries, there is no reason to use luminosity data [. . . ] where standard
data are available. For D and E and most C countries, the uncertainties in the estimates of the weights
are too large at present to allow their use in construction of reliable time-series estimates based on light."
Les relevés satellitaires sont seulement pertinents pour les pays dont on possède peu de données.
Étudier ces informations pour les pays développés aurait tout autre objectif (affiner les résultats, tester
des hypothèses, etc.).
Une autre étude réalisée en Suède montre que les données d’éclairage de nuit ne sont pas toujours
précises pour mesurer l’activité économique. Charlotta Mellander, Kevin Stolarick, Zara Matheson et José
Lobo [3] arguent seulement en faveur d’une corrélation entre le niveau de lumière des agglomérations et
la densité de population. Ils ajoutent également le nombre d’établissements et d’employés. Cependant, ils
constatent que le lien est plus faible entre lumière et salaire. Ils se sont aperçus que l’éclairage nocturne
n’estimait pas correctement le niveau des salaires selon les régions. Par exemple, la luminosité dans les
grandes villes comme Stockholm surestime les revenus, car la saturation de la lumière a tendance à
exagérer les résultats. À l’inverse, la faible luminosité des zones rurales sous-estime le poids de ceux-ci.
Les auteurs expliquent que les images satellites minimisent la productivité dans ces régions du fait de
l’étendue des zones naturelles et de la faiblesse de la technologie. De nos jours, les capteurs satellites ne
sont pas encore tous en capacité de détecter les éclairages intérieurs, ce qui explique en partie les erreurs
de prédictions.
"Nor can the satellite’s sensors pick up the light emitted from offices in buildings, or distinguish between
buildings with offices staffed by highvalued software developers and one crowded with textile workers"
Les papiers cités précédemment présentent tous l’objectif d’améliorer la précision des indicateurs de
richesse existant, voire de les remplacer. La lumière émise est un moyen crédible pour corriger les esti-
mations provenant des comptes nationaux. Elle peut également aider les pays en développement à mieux
comprendre l’évolution de l’urbanisation, les transitions démographiques et la croissance de l’activité
industrielle. Ces données sont importantes pour les dirigeants des pays les moins développés qui peinent
2
à établir des politiques économiques par manque d’informations. Dans un autre cadre, ces évaluations
peuvent aussi permettre de détecter les potentiels tricheurs gonflant volontairement les chiffres de crois-
sance.
Bien que l’existence des satellites nous semble profondément ancrée dans notre société, ces études
n’auraient jamais vu le jour sans leurs apparitions et leurs technologies de pointe. Le rôle des sondes
dépasse le cadre de la télécommunication et de la météorologie. La science économique peut s’appuyer
sur les données satellitaires pour mieux saisir les paramètres de la croissance. Mais, au-delà de l’éclairage
de nuit et des précipitations, de nombreuses variables plus pertinentes, dépassant présentement notre
imagination, pourront être étudiées à l’avenir à l’aide d’une technologie plus performante.
Références
[1] HENDERSON, Vernon, STOREYGARD, Adam, et WEIL, David N. Measuring economic growth
from outer space. NBER Working Paper 15199. 2009
[2] CHEN, Xi et NORDHAUS, William D. Using luminosity data as a proxy for economic statistics.
Proceedings of the National Academy of Sciences, 2011, vol. 108, no 21, p. 8589-8594.
[3] MELLANDER, Charlotta, LOBO, José, STOLARICK, Kevin, et al. Night-time light data : A good
proxy measure for economic activity ?. PloS one, 2015, vol. 10, no 10.
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  • 1. Satellites, Lumière et Croissance Economique Yann ARNAUD ∗ , Université Clermont-Auvergne & CERDI, France Juin 2019 Le 4 octobre 1957, Spoutnik 1 est devenu le premier satellite artificiel de l’histoire spatiale à atteindre l’orbite de la Terre. Soixante ans plus tard, la NASA recense plus de 2630 sondes actives gravitant autour de notre atmosphère et ce chiffre ne cesse de s’accroître tous les ans. Ces engins spatiaux sont de véritables témoins de l’activité terrestre. Leurs photographies et leurs mesures renseignent régulièrement la communauté scientifique dans de nombreux domaines spécifiques, dont la science économique peut tirer parti. Les satellites ont considérablement amélioré notre façon de vivre. En effet, ces appareils ont permis initialement aux outils de télécommunication (portables, télévisions, GPS, internet, etc.) de fonctionner en permanence aux quatre coins du globe. Ensuite, leurs observations de la Terre ont donné l’opportunité aux météorologues de prévoir le temps plusieurs semaines à l’avance, aux géomètres d’obtenir des mesures précises pour l’altimétrie et l’océanographie, et aux pays en conflit de pratiquer l’espionnage militaire. Aujourd’hui, ils jouent un rôle prépondérant dans l’étude des phénomènes astronomiques et dans la compréhension des effets du changement climatique. Bien que non exhaustives, ces différentes fonctions attestent du rôle omniscient des satellites dans notre société moderne. D’un point de vue économique, les outils embarqués par les satellites peuvent mener des études poussées pour mesurer la croissance économique des pays et des villes. Leur position privilégiée par rapport à la Terre nous apporte des informations précises sur le développement économique de certaines régions du monde. J. Vernon Henderson, Adam Storeygard, David N. Weil [1] ont étudié la lumière émise par les pays de plusieurs régions du monde. En collectant les données et les photographies d’une trentaine de satellites météorologiques de la US Air Force, les auteurs ont tenté de remplacer les mesures du Produit Intérieur Brut (PIB), indicateur communément utilisé pour estimer la richesse économique d’un pays. À l’aide de leurs régressions économétriques, ils ont démontré la croissance du revenu en fonction de la croissance de la lumière durant la période 1992-2008. Ils se sont tout particulièrement intéressés aux pays dont les données étaient manquantes ou erronées. "There is clearly a strong relationship between lights growth and measured income growth, although there are a number of interesting outliers." Leurs résultats montrent que les données satellitaires peuvent être un moyen de corriger les estima- tions de croissance du PIB établies par les comptes nationaux. Ils prennent comme premier exemple le Myanmar. Les données du WDI (World Development Indicator) indiquent une croissance du PIB de 10% par an pendant la période 1992-2006 dans ce pays. En appliquant leurs calculs, les auteurs prévoient pour leur part une croissance annuelle de 6.5%. Ensuite, ils utilisent dans un second temps les données du Burundi qui, inversement, a connu une croissance négative de 0.71%, alors que l’estimation des trois auteurs plancherait sur une croissance annuelle de 1.1%. En intégrant le contexte politico-économique de ces deux pays, les résultats sont crédibles et laissent penser que le PIB est incorrectement mesuré. La veilleuse nocturne permettant de mesurer la croissance de la lumière serait un outil fiable pour estimer la croissance économique des revenus. Cependant, les auteurs insistent sur le fait que la collecte des données ∗yann.arnaud63@gmail.com 1
  • 2. d’éclairage est parfois trompeuse. En effet, certaines activités très productives comme la fabrication de biens de haute technologie produisent peu de lumière, alors que ce secteur représente un poids économique important dans la plupart des pays. De plus, des phénomènes naturels tels que les nuages et l’humidité peuvent altérer la lumière et corrompre les résultats. Des travaux complémentaires sur les éclairages ont été apportés par ces mêmes auteurs [1]. Ils ont cherché à comprendre comment les précipitations peuvent contribuer à l’activité économique dans les villes africaines entre 1995 et 2007. Grâce aux données satellitaires, les auteurs ont réuni un échantillon de 541 villes et ont collecté les données pluviométriques dans un rayon de 30km autour de celles-ci. Dans ces relevés, ils ont constaté qu’une augmentation de la pluie jusqu’à trois ans auparavant la période en cours, entraine une augmentation de l’éclairage dans ces villes. "We find that increased rainfall in the current and up to three years previously leads to increased city lights [. . . ] and country growth trends." Dans ces pays, la pluie est un facteur essentiel au développement de l’agriculture rurale. Elle élève la production, booste la consommation et permet, ceteris paribus, une hausse sensible des revenus. Par coutume, ceux-ci sont ensuite dépensés dans les milieux urbains, ce qui tend à améliorer la prospérité économique des villes. Les relevés pluviométriques corroborent le fait que la lumière est un signal de croissance pour le cas des pays peu développés. L’analyse de William D. Nordhaus et Xi Chen [2] s’inscrit dans le prolongement de l’étude précédente. Les données satellitaires sont un bon substitut aux agrégats de mesure des richesses lorsque les informa- tions sont manquantes et/ou erronées dans les pays peu développés. Au terme de leur étude, les pays étudiés sont classés en plusieurs catégories (A, B, C et D). Les pays de catégorie A sont caractérisés par des données fiables et de qualité. Inversement, les pays répertoriés en D possèdent de fortes erreurs de mesure ou des omissions. Voici certaines de leurs conclusions : "First, for grade A and B countries, there is no reason to use luminosity data [. . . ] where standard data are available. For D and E and most C countries, the uncertainties in the estimates of the weights are too large at present to allow their use in construction of reliable time-series estimates based on light." Les relevés satellitaires sont seulement pertinents pour les pays dont on possède peu de données. Étudier ces informations pour les pays développés aurait tout autre objectif (affiner les résultats, tester des hypothèses, etc.). Une autre étude réalisée en Suède montre que les données d’éclairage de nuit ne sont pas toujours précises pour mesurer l’activité économique. Charlotta Mellander, Kevin Stolarick, Zara Matheson et José Lobo [3] arguent seulement en faveur d’une corrélation entre le niveau de lumière des agglomérations et la densité de population. Ils ajoutent également le nombre d’établissements et d’employés. Cependant, ils constatent que le lien est plus faible entre lumière et salaire. Ils se sont aperçus que l’éclairage nocturne n’estimait pas correctement le niveau des salaires selon les régions. Par exemple, la luminosité dans les grandes villes comme Stockholm surestime les revenus, car la saturation de la lumière a tendance à exagérer les résultats. À l’inverse, la faible luminosité des zones rurales sous-estime le poids de ceux-ci. Les auteurs expliquent que les images satellites minimisent la productivité dans ces régions du fait de l’étendue des zones naturelles et de la faiblesse de la technologie. De nos jours, les capteurs satellites ne sont pas encore tous en capacité de détecter les éclairages intérieurs, ce qui explique en partie les erreurs de prédictions. "Nor can the satellite’s sensors pick up the light emitted from offices in buildings, or distinguish between buildings with offices staffed by highvalued software developers and one crowded with textile workers" Les papiers cités précédemment présentent tous l’objectif d’améliorer la précision des indicateurs de richesse existant, voire de les remplacer. La lumière émise est un moyen crédible pour corriger les esti- mations provenant des comptes nationaux. Elle peut également aider les pays en développement à mieux comprendre l’évolution de l’urbanisation, les transitions démographiques et la croissance de l’activité industrielle. Ces données sont importantes pour les dirigeants des pays les moins développés qui peinent 2
  • 3. à établir des politiques économiques par manque d’informations. Dans un autre cadre, ces évaluations peuvent aussi permettre de détecter les potentiels tricheurs gonflant volontairement les chiffres de crois- sance. Bien que l’existence des satellites nous semble profondément ancrée dans notre société, ces études n’auraient jamais vu le jour sans leurs apparitions et leurs technologies de pointe. Le rôle des sondes dépasse le cadre de la télécommunication et de la météorologie. La science économique peut s’appuyer sur les données satellitaires pour mieux saisir les paramètres de la croissance. Mais, au-delà de l’éclairage de nuit et des précipitations, de nombreuses variables plus pertinentes, dépassant présentement notre imagination, pourront être étudiées à l’avenir à l’aide d’une technologie plus performante. Références [1] HENDERSON, Vernon, STOREYGARD, Adam, et WEIL, David N. Measuring economic growth from outer space. NBER Working Paper 15199. 2009 [2] CHEN, Xi et NORDHAUS, William D. Using luminosity data as a proxy for economic statistics. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2011, vol. 108, no 21, p. 8589-8594. [3] MELLANDER, Charlotta, LOBO, José, STOLARICK, Kevin, et al. Night-time light data : A good proxy measure for economic activity ?. PloS one, 2015, vol. 10, no 10. 3