Parfois présentée comme « l'arche de Noé » de la biodiversité, la banque de semences de Svalbard (voir épisode 6) est très controversée. Son implantation, à des centaines de kilomètres du continent, en terre polaire et isolée, inquiète et interroge.
A la découverte de Svalbard - Un projet mythique, mais controversé 7/8
1. A la découverte de…
Svalbard
Un projet mythique, mais
controversé
2. Parfois présentée comme « l'arche de Noé » de la biodiversité, cette
banque de semences implantée à Svalbard est très controversée. Son
implantation d'abord, à des centaines de kilomètres du continent, en
terre polaire et isolée, inquiète et interroge. Quel cataclysme les
dirigeants du monde anticipent-ils pour construire un conservatoire de
graines là où rien ne pousse ?
3. « La raison pour laquelle cet endroit a été choisi est que c'est l'un des lieux les plus
stables du monde aujourd'hui, explique Roland Von Bothmer. Il n'y a pas presque pas
d'activité sismique, la terre est très solide, et même s'il y a des changements
climatiques dans le futur, cet endroit sera l'un des derniers endroits du monde à être
affecté. En cas de montée des eaux, nous sommes installés au-dessus de la hauteur
maximale envisagée. Nous nous préparons au pire mais nous ne souhaitons pas
alimenter la psychose; notre rôle premier est d'être là en cas de catastrophe dans les
banques de graines qui nous envoient leurs semences. »
Roland Von Bothmer, scientifique en charge du projet, professeur en génétique et sélection des plantes.
4. Au-delà de l'aspect « cataclysmique » du projet, de nombreux scientifiques et acteurs de la
société civile se sont élevés contre le « Svalbard seed Vault », depuis sa création, à l'instar
d'Andrew Kimbrell, directeur du Centre pour la sécurité alimentaire, basé aux Etats-Unis.
Sur le site de l'organisation, il développe : « Je suis persuadé que les projets de grande
envergure ne sont définitivement pas le bon échelon pour la conservation des graines, et
nous militons pour une protection des semences et de la biodiversité « in situ ». S'il faut
conserver des graines quelque part, en dehors des champs, il faut tenter de le faire le plus
localement possible. » Les plantes et les semences sont étroitement liées à l'environnement
qui les entoure, et tout un courant des experts de la biodiversité juge illusoire de vouloir
conserver les graines du monde si loin de leur milieu d'origine.
Une critique que réfute partiellement Roland Von Bothmer. «
Ce n'est pas une condamnation de la réserve de Svalbard elle-
même mais du système des banques de graines dans leur
ensemble. Nous ne sommes ici qu'au stade ultime de la chaîne
et mon plus grand souhait, c'est que nous n'ayons jamais à
nous servir du matériel collecté ici. Mais je pense que nous
avons besoin des banques de conservation pour avoir un accès
facile et simplifié au matériel végétal, indispensable à la
sélection qui permet d'adapter les plantes aux mutations
environnementales et aux maladies. Donc il faut combiner les
deux, la préservation dans les champs, et la conservation dans
les banques. »
5. Enfin, ce projet astronomique est financé à la fois par les états, la Norvège en tête, mais également par des
fondations et des sociétés privées, qui prennent en charge une partie des frais d'acheminement des graines
pour les pays en voie de développement. Parmi ces partenaires privés, la fondation Bill et Melinda Gates,
étroitement liée financièrement au géant américain des biotechnologies végétales Monsanto, connu surtout pour
sa production et sa distribution massive d'OGM dans le monde. Figurent aussi parmi les donateurs les sociétés
Syngenta et Dupont/Pioneer Hi-bred, deux semenciers internationaux, qui participent également au business
des OGM de maïs et de soja. Les défenseurs de l'environnement accusent régulièrement ces entreprises de
contribuer à appauvrir la biodiversité mondiale, en commercialisant des semences OGM brevetées, et d'avoir un
impact négatif sur la paysannerie. Ces compagnies utilisent-elles la réserve de Svalbard comme un outil
marketing, visant à faire taire les critiques de leur action sur le terrain ? Ont-elles accès au véritable trésor que
le conservatoire recèle, c'est à dire à terme une base de données centralisée et incomparable sur les semences
du monde entier ?
En tentant de répondre à ces questions, le Centre de sécurité
alimentaire a d'ailleurs noté l'opacité entourant le contrat qui
régie la réserve de Svalbard et ses liens avec ses partenaires
privés. « Il n'y aucun accès possible pour quiconque, réplique
Roland Von Bothmer, qui se veut rassurant. Le seul moyen
d'avoir accès aux semences conservées ici est de passer par les
banques de semences dans les pays d'origine. Dans cette
affaire, il en va de la réputation de la banque végétale
scandinave et des pays qui sont impliqués dans ce projet. Si on
commence à faire ce genre de chose, tout le système va
s'écrouler. »