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)384 (
La hiérarchie des normes communautaires
et la place des actes atypiques
Par
Magdi SHOUAIB
Professeur à la Faculté
de droit université de Zagazig
)385 (
L'arrêt de la C.J.E. " les verts(1
)" rendu le 23 avril 1986 a marqué une
étape importante vers la formulation d'une hiérarchie des règles
juridiques européennes. Le concept d'une hiérarchie des normes
structure depuis les années 1920 par Hans Kelsen en vertu de laquelle
chaque acte juridique tire sa légitimité de celui situé à l'étage supérieur,
délimite ses conditions, déduction, semble actuellement avoir gagné
l'ensemble des Etats de droit. Mais, bien que la transposition de l'idée
de hiérarchie des normes au sein de l'ordre juridique communautaire
soit avérée, elle n'a pourtant pas été bien mise en évidence. En effet, à
côté des actes mentionnés à l'article 189 du Traité CEE, entre lesquels il
est difficile de déterminer un ordre hiérarchique, il existe pour chaque
organe communautaire d'autre formes d'action. Considérés par
certains(2
) comme des actes innommés, ils sont aussi qualifiés par Mme
Agnès Gautier d'actes atypiques(3
). Cette situation trouve en réalité sa
justification dans le fait que l'idée de hiérarchie des normes est absente
au sein du droit européen (I). Nous pouvons même nous demander si
cette situation n'exige pas enfin que cette idée de hiérarchie des normes
soit nécessaire pour qu'il y ait au sein de la Communauté européenne un
ordre juridique qui assure la prééminence de certaines règles juridiques
par rapport à d'autres (II).
1
" Parti Ecologiste" contre le Parlement Europeen, affaire n0 284/89, rendu le 23 avril 1986
Rec. p. 1339 et s .
2
V. à ce propos, Jean-Victor Louis, L'ordre juridique communautaire, la Commission des
Communautés Européennes, Bruxelles: Ed. Perspectives européennes, 1988, 4ème
éd., p.86.
3
Agnès Gautier "Le Conseil d'Etat et les actes hors nomenclature de la Communauté
Européenne" RTDE 1995, n031, p.24.
)386 (
I- Absence de hiérarchie des normes et les actes atypiques
Il semble bien que les institutions européennes ont bien utilisées des
moyens juridiques les plus divers (A) au sujet desquels il apparaît difficile
de toujours dire quelle place occupent dans la hiérarchie des normes
communautaires (B).
A- La diversité des actes utilisés
Il était difficile de mentionner dans l'article 189 du traité, institué par la
communauté économique européenne, toutes les formes d'action à
travers lesquelles les institutions européennes ont utilisé les différentes
normes prévues par l'article 189, à savoir les règlements, les directives
et les décisions (1); elles ont également utilisé d'autres modes
d'interventions qui ne rentrent pas dans les normes précédentes (2).
1- Actes prévus ne répondant pas à la nomenclature
En effet, les rédacteurs des textes ne pouvaient, à l'époque, prévoir
d'une manière exhaustive tous les modes d'intervention qui peuvent
être utilisés par les institutions et c'est la raison pour laquelle ils leur ont
ouvert des possibilités, aussi bien à travers les mesures d'ordre intérieur
(a), que par le biais de règles qui ne sont pas obligatoires (b).
a- Les actes concernant l'organisation interne
En principe, cette sorte d'acte qui concerne l'organisation interne de
l'institution ne peut produire d'effets qu'au sein même de ses organes.
Autrement dit, ils ne peuvent produire d'effets juridiques en dehors de
ces derniers. Pourtant, il peut arriver que les règlements internes
d'institutions européennes tels que le Parlement, le Conseil et la
Commission, peuvent parfois se voir conférer une valeur juridique hors
du cadre institutionnel. Cet état de fait a été mis en évidence par la Cour
)387 (
de J. des C.E. dans son arrêt "Royaume-Uni" contre le Conseil (4
) où la
Cour a annulé une directive de cette dernière car elle constitue une
violation du règlement interne du Conseil (5
) lui-même. On se trouve
alors en présence des hypothèses où des actes qui ne sont pas
mentionnés dans l'article 189 peuvent prévaloir sur les actes prévus par
cet article. Ce cas de figure illustre un des résultats de l'absence d'une
hiérarchie entre les actes communautaires.
Soulignons l'existence aussi des différents actes concernant
l'organisation interne des organes communautaires aux appellations
variées, comme, à titre d'exemple "circulaire", "lettres de classement de
la Commission" dans le domaine de la concurrence(6
), qu'il est difficile de
4
V. Affaire n0 68/86 Rec. p.855 et ss. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la directive en
question avait été adoptée définitivement par la voie de la procédure écrite, ce à quoi
s'opposait le Royaume-Uni, alors que l'art. 6 paragraphe 1 du règlement intérieur du Conseil
exigeait l'accord de tous les membres pour recourir à la procédure écrite. Les juges se sont
donc basés sur le principe patere legem quam fecisti pour imposer au Conseil de respecter la
règle qu'il s'était lui-même fixée.
5
V. l'arrêt du Tribunal de Première Instance e.a. BASF e.a. du 27 février 1992 (affaires jointes
n0T 79/89 et 84/79 Rec. p.II. 315 et ss.).
Le Tribunal (V. point n078) établissant la distinction entre les dispositions qui ne concernent
que les particuliers, parce qu'il s'agit de modalités de fonctionnement interne des institutions,
qui ne sont pas susceptibles d'affecter leurs situations juridiques et celles dont la violation
peut être invoquée parce qu'elles sont créatrices de droit et facteurs de sécurité juridique
pour ces personnes.
A l'opposé, dans l'arrêt Nakajima All. Précision c.o. Ltd C. Conseil du 7 mai 1991 (affaire n0
Rec. p.I. 2069 et ss.) la Cour avait estimé que le règlement intérieur d'une institution
communautaire ayant pour objet d'organiser le fonctionnement interne des services, les règles
qu'il établit, notamment pour l'organisation des délibérations et la prise de décision, avaient dès
lors essentiellement pour fonction d'assurer le bon déroulement des débats, dans le plein respect
des prérogatives de chacun des membres de l'institution. Il en résulte que les personnes
physiques ou morales ne sauraient se prévaloir, à l'appui d'un recours en annulation d'une
prétendue violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers
6
La Cour de Justice des Communautés Européennes a légitimé l'existence de ces lettres de
classement dans ses arrêts dits "des parfums" du 10 juillet 1980 Procureur de la Réoublique c.
Giry et Guerlain SA (affaires jointes n0 253/78 et 1 à 3/79 Rec. p. 2327 et ss.), Anne Marty SA
c. Estée Lauder ( affaire n0 37/79 Rec. p. 2481 et ss.), Lancôme SA et Cosparfrance Nederland
BV c. Etas BV et Alert Supermart BV ( affaire n0 99/79 Rec. p. 2511 et ss.) ou l'arrêt NV
L'Oréal et SA L'Oréal c. PVBA " De Nieuwe AMCK" du 11 décembre 1980 (affaire n031/81
Rec. p.3775). Cette jurisprudence a été récemment confirmée par le TPI dans ses arrêts du 8
)388 (
situer par rapport aux normes mentionnées dans l'article 189. Compte
tenu de cette difficulté à classer ces différents actes, certains ont préféré
utilisé la terminologie allemande qui réserve le terme " Entscheidung"
aux décisions qui rentre dans les normes prévues dans l'article 189 et
l'expression de " Beschluss" aux autres actes pris en dehors de cet
article(7
).
Rentre également dans cette catégorie d'acte de nature interne, la
possibilité offerte à la Commission et au Conseil de conclure entre eux
des pactes interinstitutionnels(8
) relatifs à leur rapport de travail
consacrant ainsi le Code de bonne conduite. Ces accords doivent être
signés par les présidents des institutions, à savoir, le Parlement, la
Commission et le Conseil. Ils constituent un moyen pour résoudre des
dissensions, éviter des conflits mais peuvent être aussi considérés
comme une brèche dans laquelle viendrait s'engouffrer de nouveaux
actes aux Traités déjà existants et sans passer par une reconnaissance
juridique comme c'est le cas pour les recommandations ou les avis qui
ne figurent pas dans l'article 189 et qui sont dépourvus de toute force
juin 1995 Langnese ( affaire n0 T 7/93 Rec. p. II. 1533 et ss.) et Schöller ( affaire n0 T 9/93
Rec. p. II. 1611 et ss.).
7
V. art. 209 CEE, 183 EURATOM et 78 septisimo CECA.
Dénommés "règlements" sans plus de précision dans les texts français et italiens du Traité de
Rome, ils sont qualifies de règlements internes dans les textes allemands et nérlandais. Ils étaint
à l'origine différents des règlements de l'alinéa 2 de l'art. 189, en ce sens qu'ils n'ont pas de
portée générale, n'obligeant dans toutes leurs dispositions que les institutions qu'ils concernent
et n'étant pas soumis aux mêmes conditions de forme, la publication au JO n'étant faite qu'à titre
d'information (V. Mémento pratique Francis Lefebvre Communauté Européenne, 1991, p.
24/25 et Pierre-Henri Teitgen, Cours de droit institutionnels, commentaire, structure et
fonctionnement de CE, Les cours de droit, Paris II- Panthéon/Assas, 1976/1977. p. 190/191.
8
Une des variétés a d'ailleurs été expressément prévue par l'art. 15 du Traité de fusion (ex. art.
162 CEE) au terme duquel le Conseil et la Commission procèdent à des consultations
réciproques et organisent d'un commun accord les modalités de leur collaboration. Comme par
exemple la Déclaration commune relative à la procédure budgétaire du 30 juin 1982 (V. JOCE
n0 C 194 du 28 juillet 1982 avec commentaire William Nicoll " L'accord interinstitutionnel sur
la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire" Rev. Du Marché Commun
n0 319, juillet/ août 1988, p. 373 et ss.).
)389 (
obligatoire à l'égard des personnes prises en considération par ces actes.
Pourtant, étant donné que ces actes constituent une déclaration
caractère politique, il peut de ce fait être obligatoire l'égard des
institutions, au moins vis-à-vis du public.
b)- Les actes sans conséquences juridiques
L'avis et les recommandations mentionnés dans l'alinéa 5 de l'article 189
sont dépourvus de force obligatoire. Il nous paraît malgré tout opportun
de les étudier au même titre que les règlements internes.
Bien que l'article ait expressément mentionné que ces normes d'actes,
c'est-à-dire les recommandations et les avis, ne lient pas, la Cour a
toutefois déclaré dans l'arrêt Salvatore Grimaldi contre Fonds des
Maladies Professionnelles du 13 décembre 1989 que: " Les
recommandations ne peuvent être considérées comme des actes
dépourvus de tout effet juridique, les juges nationaux étant tenus de la
prendre en considération en vue de la solution de litiges qui leur sont
soumis, notamment lorsqu'elles éclairent l'interprétation de dispositions
nationales prises dans le but d'assurer leur mise en œuvre ou encore
lorsqu'elles ont pour objet de compléter des dispositions
communautaires ayant un caractère contraignant".
De plus, ces recommandations influent de manière importante sur
l'orientation à donner à certaines conduites à tenir et au contenu de
certaines règles juridiques(9
) dont on annonce ainsi l'adoption.
9
Par exemple, lorsqu'elle constate des distorsions de concurrence liées à des parités de
législation, la Commission peut recommander aux Etats membres de prendre les mesures
nécessaires, et si cette recommandation n'était pas suivi d'effets, elle peut transmettre au
Conseil une proposition de directive (V. Pierre Constantinho et Marianne Dony, Le Droit
communautaire, Paris: A. Colin, coll.,1995, p.78).
)390 (
Les institutions ont d'autant plus beaucoup appelé à se référer aux
recommandations et avis comme le montre le deuxième tiret de l'article
155 qui accorde à la Commission la faculté de formuler des
recommandations ou avis sur les matières du présent Traité si ce dernier
le prévoit expressément ou si la Commission le juge nécessaire. Ainsi,
nous avons mis en évidence que l'existence des actes précédemment
cités est due au fait que l'idée de la hiérarchie des normes juridiques est
absente du droit européen.
Le problème repose actuellement sur le fait que ces actes se sont d'une
part multiplié, et d'autre part ont pris une place à valeur juridique qui ne
leur est pas officiellement reconnue.
2- les actes non prévus dans les textes et ne se classant dans aucune
catégorie prévue
Il apparaît que dès la mise en place du Traité, les institutions ont pris
conscience que les textes en place les limitaient trop dans leurs
initiatives, et par conséquent elles ont été amenées à faire appel à
d'autres actes qui ne figuraient pas dans les normes prévues.
Par conséquent, est apparu un certain désordre quant à la
reconnaissance des actes prévus ou non. Bien que les actes non prévus
soient dépourvus de caractère juridique puisqu'ils interviennent avant la
prise d'une véritable décision, et en ce sens sont des actes préparatoires
(a), et bien qu'ils se limitent à émettre de simples orientations ou
intentions, ils n'en contribuent pas moins à manifester un certain
désordre.
)391 (
a- Les actes préparatoires
La Commission est l'institution qui fait appel principalement à des actes
non prévus au préalable dans les textes car elle est habilitée à prendre
des initiatives et à les exécuter. Elle les utilise sous des dénominations
diverses et variées telles que "livres blancs" ou "livres verts" qui
constituent une sorte d'étude concernant des questions précises
auxquelles s'ajoutent la démarche à suivre pour y répondre. Le Conseil
en a fait de même mais en utilisant des procédures différentes. En effet,
en se basant sur les articles 54 paragraphe 1 ou 63 paragraphe 1
concernant la suppression d'entraves à la liberté d'établissement, l'autre
relatif à la libre prestation de service. Le Conseil a établi la liste des
restrictions à la liberté, en vue de sa suppression et programmé leur
démantèlement. Ces programmes sont alors l'occasion pour le Conseil
d'agir de manière efficace pour adopter des directives sectorielles.
Le recours aux résolutions par le Conseil pour élaborer ces
programmes se justifie d'après Claude Albert Morand (10
) pour
plusieurs raisons.
Premièrement, le Conseil y voit un moyen pratique pour prendre des
décisions à caractère révocable et de prévoir une marge d'action pour
l'avenir.
Deuxièmement, ces programmes présentent un contenu trop abstrait
pour être pris par le biais de règlement mentionné par l'article 189. P.
Pescatore(11
) ajoute que le Conseil peut faire appel dans certains cas aux
résolutions si il juge que les recours aux moyens prévus dans l'article 189
10
Claude Albert Morand, op. cit. p. 640/641
11
V. Commentaire article par article du traité instituant la CEE, op. cit. p. 948.
)392 (
présentent certaines difficultés en raison de la matière ou des intérêts
opposés.
Les actes prévisionnels servent aussi à délimiter les aspects généraux
d'une action à venir et peuvent même, dans certains cas, être assimilés
au rôle rempli en France par les lois cadres en précisant une répartition
dans le temps des actions communautaires. Cet état de fait a permis à
M. Jean-Victor Louis(12
) de constater que cette pratique donne à ces
programmes généraux un caractère obligatoire malgré qu'ils ne soient
pas consacrés parmi les modes prévus dans l'article 189. D'ailleurs, la
Cour de justice des Communautés Européennes a toujours eu
conscience du réel caractère de ces documents apparemment
préparatoires de futures mesures obligatoires; elle était aussi consciente
que ces mesures pouvaient parfois produire des effets juridiques bien
qu'elles ne soient pas directement applicables. C'est ainsi qu'elle a
affirmé dans l'arrêt Commission des Communautés Européennes rendue
le 31 mars 1971(13
) (dits AETR), que les délibérations du Conseil avaient
pour but de définir une ligne de conduite obligatoire pour les institutions
communautaires et pour les Etats membres destinés à se répercuter
ultérieurement sur la teneur des règlements. Soulignons également que
la Cour s'est ensuite référée expressément à la résolution de la Haye
12
Op. cit. p. 278. L'auteur, après avoir insisté sur la lourdeur de la procédure initiale avec le
délai imposé à la Commission pour le dépôt de ses propositions, la consultation du Comité
Economique et Social et du Parlement et le contenu des programmes qui doit, pour chaque
catégorie d'activité ou de service, fixer les conditions de la liberté d'établissement et de la
liberté des services, a rejeté l'opinion selon laquelle ils ne constituaient que de simples
instructions de service.
13
Affaire n0 22/70 Rec. p. 263 et ss. Avec conclusions A. Dutheillet de la Mothe et Grands
arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes n0 13. V. également Infra p.14.
)393 (
comme base d'action en constatation de manquement lors de litiges
dans des affaires concernant la pêche.
La Cour a même déclaré, à l'occasion de contentieux relatifs à certains
règlements que les opérateurs concernés étaient supposés s'être bien
informés des intentions communautaires à travers plusieurs actes
préparatoires comme par exemple la communication proposition. Cette
jurisprudence est inacceptable d'après Mme Marie-Angèle Hermitte(14
)
car elle exige des destinataires de prévoir les intentions des institutions
communautaires. Mais il ne faut pas oublier que les actes préparatoires
procédés du Conseil ou de la Commission n'aboutissent pas toujours à
l'adoption de normes. Certains n'ont pour objet que de révéler
l'intention des institutions communautaires concernant tel ou tel point
et n'entraîne pas forcément qu'ils ne soient dénués de toute valeur
juridique.
b- Les actes qui se limitent à des intentions ou des orientations
C'est dans cette catégorie que l'on peut trouver le plus grand nombre
d'actes atypiques. La Commission, le Conseil et même parfois le
Parlement Européen nomment parfois "résolutions" ou
"communications" des actes qui ont pour but d'informer le public des
orientations de chaque institution vis-à-vis de telle ou telle politique
communautaire et de leur plan d'action; il se peut que le Conseil désigne
ces actes sous le terme de "codes de conduite".
Il paraît que ce type de document aurait une visée plutôt politique et
morale que juridique puisqu'il ne se range dans aucun processus
décisionnel. Ce point peut être mis en évidence à travers la comparaison
14
V. "Spéculateurs et technocrates de la non- rétroactivité des lois à la confiance légitime",
RTDE, 1984, n03, p.459/462.
)394 (
faite par Mme Brigitte Laloux(15
) entre deux résolutions du Conseil. La
première date du 25 juillet 1983 et concerne le programme-cadre 1984-
87(16
) qui se fonde sur des articles du Traité; la seconde date du 14
janvier 1974 relatif au domaine de la science et de la technologie (17
). De
cette comparaison, on constate que les actes pris par les institutions
européennes et qui ne rentrent pas au sens strict dans les normes
juridiques prévues par le texte, ne s'éloignent pas sur le plan de la forme
de celle des actes juridiques.
D' après Mme Brigitte Laloux, il arrive souvent, surtout dans les
domaines qui ne dépendent pas de la compétence communautaire, que
ces résolutions soient adoptées sous forme de résolution des Ministres
représentant les Etats membres au sein du Conseil ou, à défaut, sous
forme d'actes mixtes mêlant les deux dénominateurs(18
).
De plus, au regard des normes juridiques communautaires, on peut de
temps à autre constater dans le Journal Officiel des Communautés
Européennes certains actes prenant la forme de décision émanant des
représentants des Gouvernements mais qui ne sont pas vraiment des
15
" En lisant le Traité de 1957: comment son application a suscité des développements qu'il
n'avait pas prévu, Rev. du Marché commun n0 309, spécial 30ème
anniversaire du traité de
Rome, août/septembre 1987, p.447, note (56).
16
JOCE n0 C208 du 4 août 1987.
17
JOCE n0C7 du 29 janvier 1974.
18
V. parmi les exemples cités par Mme Brigitte Laloux (op.cit. p.448) la résolution du Conseil
et des représentants des Gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 17
mai 1977 (JOCE n0 C139 du 13 juin 1977) concernant la réalisation d'une politique et d'un
programme d'action des Communautés Européennes en matière d'environnement. Ce fut
aussi le cas de la résolution des Ministres responsables des affaires culturelles réunis au sein
du Conseil du 13 juin 1985 (JOCE n0 C 153 du 22 juin 1985) sur les manifestations de la
production audiovisuelle européenne dans les pays tiers ou la résolution des Ministres de
l'Education réunis en Conseil le 6 juin 1974 (JOCE n0C98 du 20 août 1974). Plus près de nous,
on peut encore citer les conclusions du Conseil des Ministres de l'Education réunis en Conseil
(JOCE n0 C 336 du 19 décembre 1992).
)395 (
décisions au sens strict. D'après Pierre Henri Teitgen(19
), ces résolutions,
bien qu'elles constituent une des sources de droit communautaire, elles
restent avant tout, au fond, des conventions internationales soumises
aux conditions d'approbation et de rectification propres à chaque Etat
membre.
Quelle que soit leur nature, il est indéniable que ces résolutions ont joué
un rôle non négligeable dans la détermination des orientations
préparatoires de certaines politiques menées par les institutions
européennes(20
).
Ce n'est qu'après cette présentation indispensable des divers modes
d'intervention qui ne se conforment pas tout à fait avec les modes
consacrés par les textes et qui sont malgré tout utilisé par les institutions
européennes que l'on peut présenter les inconvénients rencontrés pour
déterminer le rang de la hiérarchie auquel ces normes appartiennent.
19
Pierre Henri Teitgen, Cours de droit institutionnel, op. cit., pp. 201-206.
20
Sans évoquer ici la célèbre résolution du 11 mai 1966 intervenue en matière de financement
de la Politique Agricole Commune après la "crise de la chaise vide" provoquée par la France,
on peut rappeler la résolution du Conseil auquel se joignirent les représentant des
Gouvernements des Etats membres en date du 22 mars 1971 (JOCE n0 C 28 du 27 mars 1971)
ayant déterminé l'ensemble des actions à mener et des mesures à prendre en vue de la mise
en place progressive de l'Union Economique et Monétaire de la Communauté ou celle du 25
mai de cette même année (JOCE n0 C 58 du 10 juin 1971) ayant défini avec beaucoup de
précision la nouvelle orientation de la Politique Agricole Commune tant pour le prix que pour
les actions à mener dans le domaine structurel.
Plus modestement, le Professeur Guy Isaac (Droit communautaire général, Paris: A.Colin,
1996, p. 139) a aussi cité l'exemple de la résolution ayant établi un programme en vue de
l'élimination des entraves techniques aux échanges (JOCE n0 C 76 du 17 juin 1969) ou plus
récemment celle concernant un deuxième programme de la CEE pour une politique de
protection et d'information des consommateurs.
)396 (
B- L'impossibilité de délimiter exactement une position pour l'ensemble des
catégories d'actes nécessaires à la construction communautaire aboutit à
une contestation des actes atypiques
En effet, ce n'est pas la multitude des modes d'intervention adoptée par
les institutions européennes, en marge de la disposition 189 du Traité de
Rome, qui peuvent porter atteinte à la sécurité juridique au sein des
règles communautaires, mais bien plutôt l'impossibilité de les ranger par
rapport aux modes dotés d'une force obligatoire (1). Pourtant, seule
cette inclusion dans le cadre déterminé au préalable par le Traité de
Rome serait de nature à éviter les dangers inhérents à l'adoption des
actes atypiques (2).
1- Les justifications de la non hiérarchisation de ces actes
Afin de pouvoir classer les actes atypiques, il faudrait tout d'abord
résoudre deux difficultés; la première serait de pouvoir ordonner entre
elles les normes communautaires (a) et la seconde serait de déterminer
une différence entre, d'une part, les mesures qui instituent les règles de
base, et d'autre part, celles qui les exécutent (b).
a- L'absence d'arrangement entre les normes empêche tout classement
des actes atypiques
A l'origine, comme l'a souligné Mme Valérie Nicolas(21
), le
système juridique communautaire originellement basé sur des règles
hiérarchisées, a été dénaturé de sa cohérence. En effet, la supériorité du
droit initial regroupant les trois Traités institutifs, ceux qui ont apporté
une modification ou un complément ainsi que les actes d' adhésion
21
Valérie Nicolas, "Le désordre normatif", op.cit., p.35.
)397 (
successifs des nouveaux Etats membres par rapport au droit dérivé, n'a
pas été mise en cause.
Certains auteurs, tel que Guy Isac(22
) n'ont pas hésiter à classer l'acte dit
"Bechluss" du Conseil par lequel il exerce son pouvoir de révision
autonome du Traité comme, à titre d'exemple, la décision du Conseil
datée du 30 mars 1981 qui a accru le nombre de juges d'avocats
généraux à la Cour de justice des Communautés Européennes ou celle
rendue le 1er
décembre 1971 qui a défini les nouvelles missions du fond
social au sommet de la hiérarchie communautaire au-dessus même des
règlements(23
) ou directives. C'est au sein du droit dérivé ou parfois
secondaire que peut apparaître un certain nombre de confusion.
Quelques auteurs(24
) ont pensé que les normes énoncées dans l'article
189 étaient hiérarchisés par ordre décroissant d'importance plaçant
ainsi au sommet les règlements puis s'ensuivant les directives, les
décisions et en dernière position les recommandations et avis. Mais
cette hiérarchie est démentie par la pratique qui montre en effet que ce
prétendu classement n'est pas respecté. En effet, on ne peut affirmer
que cette classification correspond bien à la réalité que s'il existe
vraiment des différences importantes entre les diverses normes
mentionnées dans l'article 189, et qu'elles ne se limitent pas au simple
fait que les règlements sont directement applicables par les Etats
membres alors que les directives ne le sont pas; puisque force est de
constater qu'apparaissent des pseudo règlements presque similaires à
22
Guy Isac, op.cit. p. 124 et 139. V. également, sur cette question du pouvoir autonome de
modification des Traités, Jean-Victor Louis, Les règlements des Communautés Européennes,
op. cit., p. 182 et suivantes.
23
Sur la question de la subordination des règlements au Traité, V. Jean-Victor Louis, Les
règlements de la Communauté Européenne, op. cit. p. 70 et ss.
24
Ibid. p. 144/145.
)398 (
des directives et, qu'en revanche, ils sont de plus en plus détaillés(25
).
Reste à savoir si les règlements ou directives mutuellement adoptés par
le Conseil et le Parlement détiennent une autorité supérieure par
rapport aux autres actes. En réalité, le fait est que, bien que certains
règlements ou directives soient adoptés par codécision, cela ne
constitue pas une raison suffisante pour leur conférer une valeur
juridique supérieure aux autres(26
). Eu égard à la difficulté de classer
hiérarchiquement les actes expressément prévus par les Traités, on
imagine de surcroît la difficulté à ordonner les autres actes(27
)
La seule alternative possible est celle proposée par Robert Kovar(28
) qui
consiste à créer un nouvel ensemble nommé droit complémentaire qui
engloberait les actes pris par les institutions ne s'attachant pas aux
modes d'intervention figurant dans les textes des Traités.
Une autre solution aurait pu être envisagée si l'ordre juridique de la
communauté européenne avait acceptée de reconnaître la distinction
connue au sein des Etats de droit entre les lois et les règlements.
b- La confusion entre les deux actes législatifs et administratifs rend
difficile la classification des actes atypiques
Il était envisageable pour incorporer les actes atypiques dans la
hiérarchie des règles juridiques communautaires de leur accorder la
mission de mettre en application les différents principes de base posés
par les normes mentionnées dans les textes. Mais malheureusement,
25
V., sur ce double phénomène, Claude Blumann, La fonction législative communautaire,
Paris: LGDJ, 1995, p.108/110.
26
V. " La hiérarchie des normes communautaires", Rev. du Marché Unique Européen n0 3,
1995, p.221.V. également J.L. Dewost "Le processus de décision dans les Communautés
Européennes. Bilan et perspectives" Administration n017, septembre 1982, p.30 à 38.
27
Sur la question annexe de la position des accords liant la Communauté Européenne dans la
hiérarchie des normes, V. Jean-Paul Piétri RTDE, 1976, p.199/210.
28
V Robert Kovar, Commentaire article par article du Traité, op. ,cit., p.949.
)399 (
cette possibilité se heurte à un inconvénient, celui du manque d'ordre et
de logique préétablie caractérisant les rapports qui lient les divers
instruments juridiques(29
). Ce grand désordre est en effet dû au fait que
les rédacteurs des Traités communautaires n'ont pas pris le soin de
différencier le pouvoir règlementaire du pouvoir législatif, ni même
d'une manière générale le pouvoir législatif du pouvoir exécutif. Il
semble que les auteurs des Traités ont délibérément éviter d'utiliser le
terme de "loi" dans les Traités constitutifs parce qu'ils craignent de
rendre difficile la ratification des traités par les législateurs frileux à
l’éventualité de perdre leurs privilèges au profit des institutions
communautaires. Le principe de la séparation des pouvoirs a eu une
lecture différente de son contenu initial proposé par Montesquieu. En
effet, les fondateurs de la Communauté ont confié, d'une part, le
pouvoir exécutif à la Haute Autorité dans le Traité CECA ainsi qu'aux
Commissions dans les deux autres communautés et, d'autre part, ils ont
l'exercice du pouvoir juridictionnel à la Cour sans toutefois prévoir la
mise en place d'un véritable pouvoir législatif.
Certains auteurs comme C.F. Ophüls(30
) ont considéré comme similaires
certains actes à des normes législatives comparant ainsi les règlements
qui constituent la quasi législation des communautés aux lois étatiques,
les directives correspondant aux lois cadre des Constitutions fédérales et
enfin les décisions aux actes administratifs.
29
V. " Les Conseils" in Droit des Communautés Européennes, Bruxelles, 1969, p.239, où
l'auteur reprend, mot pour mot, l'idée qu'il avait émise en 1964 dans son article "Les Conseils
des Communautés Européennes" in Annuaire Français de Droit International, p.666.
30
V. "Les règlements et les directives dans le Traité de Rome", Cahiers de droit européen n0 1,
1966, p.10.
)400 (
Pour Pierre-Yves Monjal(31
) le droit communautaire connaît plutôt une
sorte d'horizontalité normative puisqu'il n'existe,ni un domaine législatif
dans lequel une loi communautaire serait adoptée,ni un domaine
exécutif au sein duquel un règlement d'exécution serait édicté; le
premier domaine aurait pour mission de fixer les règles fondamentales,
le second de les exécuter.
Il apparaît donc que la distinction entre les mesures qui se fondent sur
les règles de base et les procédés qui concernent leur mise en œuvre
passe dorénavant au sein même des règles mentionnées(32
). Force est de
constater que l'on trouve, dès lors, des règlements de base et des
règlements d'exécution; il en est de même pour les directives.
En reconnaissant qu'il est relativement difficile de préciser exactement
quel est le critère qui distingue les deux concepts des règlements de
base et d'exécution, Claude Blumann(33
) estime nécessaire de
reconnaître qu'il existe malgré tout une sorte d'asymétrie entre les deux
notions de règlements de base et d'exécution. Les premières se
caractérisent d'après lui par l'unicité et de ce fait on ne relève qu'un
règlement de base par matière ce qui explique la richesse de son
contenu(34
); en revanche, on note une grande diversité de règlements
d'exécution adoptés soit par le Conseil, soit par la Commission, voire
31
Pierre-Yves Monjal, Recherches sur la hiérarchie des normes communautaires, collection
"Bibliothèques de droit international et communautaire, tome 112, LGDJ 2000, pp. 531 et
suivantes.
32
Sur cette esquisse de hiérarchie, V. Louis Cartou "Actes juridiques communautaires
unilatéraux" in Encyclopédie Dalloz, 1992, p.7.
33
Claude Blumann , op. cit.pp.20 et s.
34
L'auteur cite, par exemple, les règlements de base n0 888/87 du 16 mars 1987 (JOCE n0 L du
27 mars 1987) sur l'organisation du marché des produits vitivinicoles qui comporte plus de 60
pages.
)401 (
même par les Etats membres chargés de l'exécution du droit
communautaire.
Une telle situation ne contribue certes pas à faciliter le classement des
actes atypiques qui paradoxalement tiennent un rôle non négligeable
dans la détermination de l'ordre juridique, renforçant ainsi, en fin de
compte la confusion au sein des normes communautaires.
2- Les conséquences inhérentes à la non classification
Le nombre grandissant d'actes atypiques que l'on ne peut classer au sein
des normes communautaires, entraîne des conséquences négatives
aussi bien sur les rapports existants entre les institutions
communautaires (a) que sur leurs relations avec les Etats membres de la
Communauté (b).
a- Les actes atypiques et le renforcement des équilibres entre les
institutions
L'une des questions majeures inhérentes à l'utilisation par le Conseil ou
par la Commission des mesures qui ne sont pas prévues dans les Traités
est de savoir si cette pratique permet aux institutions dans certaines
hypothèses de se borner à adopter un acte moins contraignant par
rapport à celui basé sur un article du Traité(35
).
Cette question peut paraître logique puisque la seule lecture de l'article
189 du Traité donne l'impression que l'action des institutions
communautaires se trouve canalisée à l'intérieur de "conteneurs"
35
C'était également l'interrogation de M. Alain Gérard et de Mme Denise de Ripainsel-Laudy
("La notion juridique de la directive utilisée comme instrument de rapprochement des
législations dans la Communauté Economique Européenne" in Les instruments de
rapprochement des législations dans la Communauté Economique Européenne, Bruxelles: éd.
De l'Université, coll. Thèses et Travaux Juridiques, 1976, p.40 et ss.) se demandant s'il était
loisible au Conseil de recourir à une directive quand le Traité l'autorise à intervenir par voie de
règlement.
)402 (
spécifiques(36
). Pour Jean-Victor Louis(37
), le principe de l'attribution de
compétences entraîne nécessairement l'impossibilité de procéder de la
même manière par voie détournée en faisant appel par exemple à des
directives qui ne sont en réalité que des règlements masqués. Pourtant,
il n'a pas manqué de souligner que ni le Conseil, ni la Communauté ne se
sont toujours préoccupés de la forme des actes, ne sachant choisir face
au dilemme suivant, à savoir: délimiter un acte et sa forme par le fond
ou assurer par la forme une certaine portée à un contenu donné.
Ainsi se dégagent deux types d'actes; les uns qui ont toujours fait l'objet
d'un règlement et d'autres qui sont adoptés sous la forme de
décisions(38
).
Eu égard à la liberté reconnue aux institutions communautaires
concernant le choix entre une large variété de mesures, encouragée de
plus par la formulation très souple de certains textes des Traités, il est
aisé d'imaginer la position des mesures qui ne sont pas prévues dans les
dispositions communautaires.
Le Conseil et la Commission se voient alors dotés d'une large liberté
d'action en vertu de laquelle ils peuvent agir sous quelle que forme que
ce soit, au risque de mettre en péril l'équilibre des rôles entre eux. En ce
sens, Pierre-Henri Teitgen avait déjà souligné les risques qui peuvent se
36
Expression employée par M. Antonio Tizzano (op.cit. p.222) pour parler de types d'actes
prédéterminés et définis analytiquement par le Traité. L'auteur admettant lui-même que la
prévision de l'un ou de l'autre acte n'est pas liée à leur degré de force normative, mais à leurs
fonctions et aux finalités que l'on entend poursuivre.
37
V. Les règlements de la Communauté Européenne, op. cit. p.276.
38
Ibid. p.182. Ainsi, il cite des exemples manifestes, notamment le règlement n0 7 adopté le
18 décembre 1959 (JOCE n0 L 4 du 30 janvier 1961) concernant la Politique Agricole Commune
et portant en fait modification autonome du Traité où le Conseil a pris des actes sous la forme
de règlements en raison de leur importance objective pour le fonctionnement de la
Communauté et pour tenter d'éliminer les doutes en ce qui concerne la portée des actes
déterminés.
)403 (
produire lorsque le Conseil édicte soit par voie de déclaration des
procédés qui selon les dispositions communautaires ne devraient être.
adoptés que sur proposition de la Commission. Ainsi, cette dernière se
trouve privée de toute initiative et de possibilité d'élaboration ou de
modification puisqu'elle n'a plus qu'à accepter un fait déjà accompli.
Cette singulière situation se rencontre aussi dans la relation entre le
Conseil et le Parlement lorsque le Conseil demande l'avis du Parlement
concernant une disposition qu'il s'est déjà engagé à adopter par une
décision interne.
De son côté, la Commission peut par le biais de moyens aussi flexibles
que les recommandations retrouver un pouvoir d'orientation qui ne lui
était pas à l'origine destiné(39
). Comme l'a déjà souligné Charles-Albert
Morand(40
), les faits démontrent que le Conseil et la Commission ont
bien conscience d'édicter des règles juridiques lorsqu'ils adoptent des
mesures dénuées de toute force obligatoire ce qui met leurs
destinataires dans une situation fort embarrassante.
b- Les actes atypiques et le renforcement de l'insécurité juridique pour
les Etats membres à la Commission européenne
Le Conseil d'Etat français a toujours fait preuve de prudence quant à
l'adoption grandissante de mesures communautaires externes à la
nomenclature de l'article 189. La réticence du Conseil d'Etat se traduit,
d'une part, par son refus de reconnaître une valeur juridique supérieure
39
Selon les termes de MM. Panayotis Soldatos et Georges Vandersanden, Les
recommandations sources indirectes du rapprochement des législations nationales dans le
cadre de la CEE, op.cit. p. 102.
M. Charles Chaumont (Les organisations internationales, Paris: Les cours de droit 1960-61,
p.178), préférait parler de compétences d'injonction, alors que M. Dumon ("L'afflux européen
dans les droits internes", Cahiers de droit Européen, 1965, p.43) reconnaissait aux
recommandations un rôle d'impulsion.
40
Charles-Albert Morand, Recommandations, résolutions et avis, op.cit. p.626.
)404 (
aux actes non inclus dans les textes communautaires sur le droit interne
prétextant l'absence de mention par les textes du Traité(41
) constitutifs.
D'autre part, dans l'étude effectuée par le Conseil d'Etat concernant le
droit communautaire et le droit français adopté par son Assemblée
Générale et remise au Premier Ministre le 12 février 1982 (42
), il s'était
demandé si les décisions émanant des Etats membres à la Communauté
prises au sein du Conseil s'incluaient dans la loi communautaire et si
ensuite ces décisions étaient éventuellement ou non saisies par les
règles institutionnelles d'application et d'interprétation du Traité. L'avis
du Conseil d'Etat a été clairement souligné dans son Rapport public paru
en 1992, dans lequel le Conseil a rappelé la multiplicité d'actes de nature
imprécise tels que les communications, les résolutions, les Beschlusses,
les codes de conduite ou les instructions et a estimé qu'ils n'étaient pas
pour autant dénués de toute importance. La preuve étant que les
administrations les considèrent comme générateurs des obligations et
certains Ministères s'appuyant sur eux lors de procédure contentieuse
ou pour soutenir des propositions de textes normatifs. Le Conseil d'Etat
conclue son rapport par le souhait d'un meilleur encadrement et par la
nécessité de limiter autant que possible le recours à des normes non
prévues par les règles communautaires.
En commentant cet aspect du rapport du Conseil d'Etat, Agnès
Gautier(43
) a de manière pertinente, modéré le combat en s'appuyant
sur deux exemples parmi ceux abordés dans le rapport du conseil d'Etat.
41
Idée émise par le Professeur Joël Rideau ("Droit communautaire et droit administratif, la
hiérarchie des normes" ADJA du 20 juin 1996, n0 spécial, p.11.
42
V. Notes et études Documentaires, 1982, n0 4679 à 4681 spécialement p.28/29.
43
Agnès Gautier, Le Conseil d'Etat français et les actes "hors nomenclature" de la Communauté
Européenne, RTDE, 1995, p.23/27.
)405 (
Le premier exemple concerne la résolution en date du 4 août 1990 prise
par les membres de la Communauté Européenne qui avait été prise
comme fondement la circulaire du Ministre de l'Education Nationale
français en date du 24 septembre 1990, prescrivant la suspension de
toute forme de coopération technique, scientifique ou universitaire avec
l'Irak en raison de l'invasion du Koweit(44
). Le deuxième exemple est
relatif à la résolution prise par le Conseil des Ministres Européens le 29
mai 1990 et à sa déclaration du 19 décembre 1991 concernant la
protection de la dignité des hommes et des femmes au travail, laquelle a
été prise comme base pour adopter en France la loi n0 92-1179 du 2
novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les
relations de travail. Dans ces deux exemples, Agnès Gautier a bien
montré que les administrations chargées de l'application des circulaires
et de la loi ont bien discerné les différences entre les termes utilisés par
les institutions communautaires et n'ont par conséquent fait aucune
confusion entre les actes qui ne sont pas prévus dans la nomenclature
des textes.
L'utilisation des actes atypiques par les institutions communautaires met
donc les Etats membres dans une situation délicate car ils ne savent
qu'elle attitude avoir face à des recommandations exerçant sur eux une
véritable pression politique en les poussant à adopter certaines mesures
ou à modifier certains textes législatifs voire même à ratifier dans un
44
Le recours en annulation dirigé contre cette circulaire ayant abouti à l'arrêt du Conseil d'Etat
du 23 septembre 1992 Groupement d'Information et de Soutien des Travailleurs Immigrés
(GISTI) et Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) (Rec.
Lebon, p. 346/347) avec conclusions du Commissaire du Gouvernement Daniel Kessler in
AJDA, 1992, p. 752 et ss. Déniant tout caractère contraignant à la résolution communautaire
en cause, simplement qualifiée de communication par les intervenants autres que le
Ministère.
)406 (
délai déterminé des accords internationaux(45
), ou les obligeant à
informer le Conseil des mesures prises(46
).
Soulignons en ce sens que l'Etat français a depuis longtemps reconnu
aux programmes généraux une nature juridique lui conférant une force
obligatoire(47
).
En règle générale, et comme l'a déjà déclaré Charles- Albert Morand(48
),
les traités communautaires contiennent certains articles qui consacrent
une obligation de fidélité confédérale; ces obligations donnent la
possibilité aux institutions d'être plus exigeantes que les organisations
internationales traditionnelles vis-à-vis des mesures auxiliaires qu'elles
rendent obligatoires aux Etats.
En somme, nous sommes face à une situation des plus étrange. En effet,
les actes atypiques qui, au départ, devaient combler les lacunes
concernant les normes prévues dans la disposition 189 du Traité, ont au
contraire renforcé la difficulté de les inclure au sein d'une hiérarchie des
normes communautaires et aggraver le désordre au sein de leur
nomenclature. Ceci prouve la nécessité de classer les normes
45
Comme ce fut notamment le cas de la recommandation du Conseil n0 78/584 du 26 juin
1978 (JOCE n0 L 194 du 19 juillet 1978) vis-à-vis des conventions sur la sécurité des transports
maritimes.
46
Des formules diplomatiques venant toutefois donner un aspect moins contraignant. Comme
dans le cas de la recommandation du 2 février 1962 au sujet de l'aménagement du monopole
des bananes où, après avoir recommandé au Gouvernement italien de faire importer une
certaine quantité de bananes, la Commission l'a prié de lui faire connaître, dans les meilleurs
délais, et si possible avant le 15 mars 1962, les mesures qu'il avait prises en la matière.
47
V. l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'application de certains Traités
internationaux (J.O. Assemblée Nationale, documents 2
ème
session ordinaire 1963-1964, p.566)
:"En matière de droit d'établissement et de prestations de service, les obligations de la France
sont déjà déterminées par deux programmes généraux et un échéancier de libération très
précis, que le Parlement ne saurait remettre en cause sans méconnaître nos engagements
internationaux, ce qui en l'occurrence justifie le recours aux ordonnances prévues par l'article
38 de la Constitution."
48
Charles- Albert Morand, op. cit. p. 629
)407 (
européennes dans une structure pyramidale dont l'absence constitue
leur raison d'être.
II- L'acte atypique et la nécessité d'une hiérarchie des normes
Parallèlement aux modes d'intervention prévus dans l'ordre juridique
communautaire, d'autres modes ont été inventé dans la pratique par les
institutions sans que ces derniers ne soient mentionnés dans les textes.
L'utilisation croissante de ce type d'actes dits "atypiques" est devenue
courante car ils ont contribué à combler certains manquements ou
lacunes. Cependant, ces nouveaux actes ont en même temps
déséquilibré en quelque sorte l'ordre juridique communautaire.
Consciente du fait que le recours des institutions aux actes atypiques dû
à l'absence d'une hiérarchie des normes au sein du droit
communautaire, la Cour de justice s'est alors penchée sur ce problème
(A) avant qu'enfin plusieurs projets ayant pour objet la réforme des
structures mêmes de la Communauté ne s'y intéressent (B).
A- L'apport jurisprudentiel dans l'adoption d'une hiérarchie impliquant
les actes
Dans l'exercice de son rôle en tant que juge de la légalité, la Cour de
justice européenne a, de son côté, essayé d'établir autant que faire se
peut un ordre pyramidal des normes communautaires(49
). De ce fait,
certains auteurs sont allés jusqu'à la comparer avec une Cour
constitutionnelle surtout lorsqu'elle se doit d'examiner des lois dérivées
au Traité(50
).
49
M. Pierre-Yves Monjal (op.cit. p.692 et ss.), tout en reconnaissant les efforts accomplis pour
passer d'un désordre originaire à un ordre jurisprudentiellement construit, n'en omet pas pour
autant de souligner les insuffisances
50
V., au sujet de cette assimilation, Nicola Catalano, Manuel de droit des Communautés
Européennes, op. cit. p. 76 et ss.
)408 (
Ainsi, la Cour se trouve chargée d'une fonction structurante en matière
d'agencement des normes juridiques. Bien que la Cour a su en effet
élargir son contrôle de légalité des actes émanant des organes
communautaires et qui ne sont pas prévus dans les textes du Traité
constitutif (1), elle n'a pourtant pas réussi à leur conférer un rang au sein
d'un ordre juridique (2).
1- L'élargissement des cas de recours
Afin de contrôler la légalité des actes procédant du Conseil et de la
Commission communautaires, hormis les avis et les recommandations,
la Cour de justice s'est basée sur le premier alinéa de l'article 173. A ce
propos, la Cour a déclaré que son contrôle s'étend à des textes multiples
et variés (a) dès qu'ils ont une portée juridique (b).
2- Le contrôle de la Cour ne se limite pas à la qualification
La Cour de justice a estimé que la qualification donnée aux normes par
les organes communautaires n'est pas une règle décisive de l'examen de
la légalité d'un acte. On peut trouver au sein du contentieux des
mesures prises par la Haute Autorité de la Communauté Européenne du
Charbon et de l Acier des exemples qui illustrent cette politique
soutenue par la Cour(51
). Dans son arrêt rendu le 16 juillet 1956
opposant la Fédération Charbonnière de Belgique à la Haute Autorité,
appelée aussi "Fédéchar", la Cour s'est attachée à vouloir comprendre
dans quelle mesure des actes pouvaient être qualifiés de lettres par la
51
Cette attitude jurisprudentielle de la Cour rejoint d'ailleurs la conception de Mme C.
Constantinides-Megret (Le droit de la Communauté Economique Européenne et l'ordre
juridique des Etats membres, Paris: LGDJ, 1967, p. 24) pour qui la nature juridique d'un acte
communautaire est déterminée non par le choix de sa forme juridique, mais par son contenu
matériel
)409 (
Haute Autorité et malgré tout être soumis au contrôle de la légalité(52
).
De même, en ce qui concerne l'arrêt Société des Usines de la Sarre
contre la Haute Autorité rendu le 10 décembre 1957(53
), la Cour a
confirmé sa précédente jurisprudence en affirmant que les décisions ou
recommandations procédant de cette dernière et qui sont fondées sur
l'article 14 du Traité CECA, font l'objet d'un contrôle de légalité même si
elles ne répondent pas aux exigences formelles. Soulignons également
que les juges luxembourgeois se sont demandés si l'avis émanant de la
même autorité sur la base du paragraphe 4 de l'article 54 du Traité n'est
pas en réalité une décision camouflée.
Ainsi, la Cour ne se limite pas à la seule considération de la forme qui
reste, à elle seule, d'après cette dernière, insuffisante pour déterminer
la réelle nature de l'acte.
Cette attitude de la Cour lui a permis en réalité d'exercer son contrôle de
légalité sur les normes communautaires sans qu'elle se limite à la
qualification de ces actes donnés par les institutions communautaires ne
peuvent, d'après cette jurisprudence, soustraire ces actes à la censure
en leur donnant une fausse qualification.
Cette réalité a été confirmé dans plusieurs arrêts rendus par la Cour de
justice, comme à titre d'exemple celui de la confédération nationale des
producteurs de fruits et légumes et autres contre Conseil de la
Communauté Economique Européenne et fédération nationale de la
boucherie en gros et du commerce en gros des viandes et autres contre
Conseil de la Communauté Economique Européenne du 14 décembre
52
V. affaire n0 8/55 Rec. c. 199/209.
53
V. affaires jointes n0 1/57 et 14/57 Rec. p. 201/224.
)410 (
1962(54
), et l'arrêt rendu le 15 mars 1967(55
) qui oppose la société
anonyme cimenterie CBR Cementsbedrijven N.V. et autres contre
Commission de la Communauté Economique Européenne, où la Cour ne
s'est pas limitée à la qualification donnée par les institutions aux actes
faisant l'objet du contentieux; par conséquent, elle a considéré que les
communications n'étaient en réalité qu'une décision n'échappant pas de
ce fait à la censure. On peut citer également l'arrêt République Française
contre Commissions des Communautés Européennes en date du 13
novembre 1991(56
) relatif au code de bonne conduite.
De cette manière, la Cour a su étendre son contrôle à des actes non
prévus dans les textes ce qui signifie que la plupart des actes atypiques
peuvent faire l'objet d'un contrôle de légalité devant les juges
européens.. C'est en ce sens que l'on trouve la formule suivante
mentionnée dans la plupart des arrêts que l'on vient de citer:"Le recours
en annulation est ouvert à l'égard de toute disposition prise par les
institutions, quelle qu'en soit la nature ou la forme, qui vise à produire
des effets de droit".
Ce dernier élément a été pris en considération par la Cour comme une
exigence nécessaire afin qu'elle puisse exercer son contrôle de légalité
sur des actes atypiques.
a- Le contrôle de légalité et la portée juridique de l'acte
La Cour a confirmé qu'elle ne peut exercer son contrôle de la légalité
que sur les mesures susceptibles de produire des effets juridiques quelle
que soit la qualification donnée aux actes par les institutions.
54
V. respectivement affaires jointes n0 16 et 17-65 et n0 19 à 22/62 Rec. p.901 et ss.
55
V. affaires jointes n0 8 à 11/66 Rec. p.93 et ss.
56
V. affaires n0 303/90 Rec. p.I. 5315 et ss.
)411 (
Cette exigence posée par la Cour afin que le recours soit recevable se
dégage des arrêts rendus dans le cadre de la Communauté Européenne
du Charbon et de l'Acier. A ce propos, la Cour a bien souligné dans son
arrêt société anonyme usines Emile Henricot contre Haute Autorité
datant du 5 décembre 1963(57
) que l'exercice de son pouvoir de
censure ne s'affecte que sur des mesures qui visent à produire des effets
juridiques. Par conséquent, les actes qui ne sont pas susceptibles de
produire des faits de droit s'excluent de son contrôle de légalité.
En effet, c'est à l'occasion de la contestation de la part de la Commission
de la Communauté Européenne de la légalité d'une délibération
procédant du Conseil fixant certaines conclusions relatives à l'attitude à
suivre par les Etats membres dans la négociation sur l'Accord Européen
de transport Rotier que la Cour, à travers son arrêt rendu le 31 mars
1971, a bien transformé sa jurisprudence déjà cité au sein de la
Communauté Economique Européenne(58
). Dans cet arrêt, la Cour a bien
déclaré qu'au terme du dernier alinéa de l'article 189, seules les
recommandations ou avis dépourvus de toute force obligatoire ne
peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant elle. Les juges
luxembourgeois ont également fait référence à l'article 173 qui, d'après
eux, considère comme acte susceptible de recours en annulation, toute
mesure procédant d'organe communautaire et visant à produire des
effets de droit(59
). Enfin, la Cour a pris le soin d'affirmer dans l'attendu
41 de son arrêt, que toute disposition prise par les institutions peut,
57
V. affaires jointes n0 23,24 et 52/63 Rec. p. 439 et ss. Et Grands arrêts de la Cour de Justice
des Communautés Européennes, tome 1, n06, p.22 et ss.
58
V. affaire n0 22/70 Rec. p.263 et ss.; Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés
Européennes, tome 1, n0 13, p.51 et ss.
59
M. René Joliet: Le droit constitutionnel des Communautés Européennes, le contentieux,
Faculté de Droit, d'Economie et de Sciences Sociales de Liège, 1981, p.66).
)412 (
quelle que soit sa nature ou sa forme, faire l'objet de contrôle de légalité
en vue de l'annuler, à condition qu'elle vise toutefois à produire des
effets juridiques.
La Cour de justice européenne se voit donc dans l'obligation
d'exercer son contrôle de légalité sur les résolutions ou conclusions
prises par le Conseil à partir du moment où elle juge qu'elles ont
dépassé le stade préparatoire Cette tendance a été clairement confirmé
par la Cour à travers son arrêt rendu le 5 juin 1973 intitulé "Commission
des Communautés Européennes contre Conseil des Communautés
Européennes"(60
) et l'arrêt International Business Machines Corporation
contre Commission des Communautés Européennes rendu le 11
novembre 1981(61
). La Cour a bien souligné dans ce dernier arrêt que le
contrôle de la légalité a pour but d'assurer, conformément à l'article
164, le respect des droits dans l'interprétation et l'application des
dispositions juridiques et par conséquent, il sera contraire à cet objectif
d'interpréter d'une manière restrictive les conditions nécessaires afin
que le recours en annulation dirigé contre une mesure communautaire
soit recevable.
A la lumière de cette jurisprudence, on peut dire que, d'une manière
générale, les actes atypiques, quelle que soit leur nomination ou leur
origine (l'institution qui les a pris), les codes de conduite du Conseil(62
),
les instructions internes de service(63
), les lettres de classement de la
60
V. affaire n0 81/72 Rec. p.575 et ss., et spécialement p.584.
61
V. affaire n0 60/81 Rec. p.2639 et ss.
62
V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 13
novembre 1991 (affaire n0 C 303/90 Rec.p. I 5313).
63
V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 9 octobre
1990 ( affaire n0C 366/88 Rec. p. I 3571 et ss.).
)413 (
Commission(64
), les communications de la Commission(65
), voire même
une simple déclaration du porte-parole d'un Commissaire (66
), d'une
décision verbale(67
) ou des mesures prises par le Parlement Européen
(68
), etc…, font l'objet d'un contrôle de légalité par la Cour de justice
européenne et peuvent par conséquent être censurés par cette
dernière, à partir du moment où ces actes visent à produire des effets de
droit(69
).
Cependant, si la Cour a su parfaitement élargir les cas d'ouverture de
recours en annulation de manière à s'assurer la possibilité de contrôler
64
V. la jurisprudence citée Supra note 12, et notamment les arrêts dits des "parfums" du 10
juillet 1980.
65
V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 16 juin
1993 ( affaire n0 C 325/91 Rec. p. I 3283 et ss., avec commentaire du Professeur Maurice-
Christian Bergeres in Recueil Dalloz-Sirey, 1994, Jurisprudence, p.61/66.
66
V. Arrêt du tribunal de Première Instance Société anonyme à participation ouvrière
compagnie nationale Air France c. Commission des Communautés Européennes du 24 mars
1994 (affaire n0 T 3/93 Rec. p II 121 et ss.).
67
V. Arrêt Nelly Kohler c. Cour des Comptes des Communautés Européennes du 9 février 1984
(affaires jointes n0 316/82 et 40/83 Rec. p. 641 et ss.).
68
V. Arrêt Grand Duché du Luxembourg c. Parlement Européen du 10 avril 1984 (affaire n0
108/83 Rec. p. 1945) avec commentaire de M. Jean-Claude Masclet (Les grands arrêts du droit
communautaire, Paris: PUF Que sais-je? N0 3014, 1995, p.65/66, n038) à propos d'une
résolution parlementaire, ou l'Arrêt Parti Ecologiste "Les Verts" c. Parlement Européen du 23
avril 1986 (affaire n0 294/83 Rec. p. 1339; Grands arrêts de la Cour de Justice des
Communautés Européennes, tome I, n0 57, p. 295 et ss. ) au sujet d'une décision du Parlement
Européen relative au financement de la campagne électorale de partis politiques.
69
Parmi les relativement rares exemples a contrario de recours jugés irrecevables en raison du
caractère non décisoire de l'acte en cause, on peut citer l'arrêt Sucrimex SA et Wetzucker
Gmbh c. Commission des Communautés Européennes du 27 mars 1980 (affaire n0 133/79 Rec.
p. 1299 et ss.) à propos d'une manifestation d'opinion écrite émanant d'une institution
communautaire. Le Tribunal de Première Instance a suivi la même voie, par exemple dans son
arrêt Nederlandse Associatie van de Farmaceutische Industrie "Nefarma" et Bond van
Groothandelaren in het Farmaceutische Bedrijf c. Commission des Communautés
Européennes du 13 décembre 1990 (affaire T 113/89 Rec. p.II 798 et ss.) ayant affirmé que
l'acte de nature indéterminée adopté par une institution dans un domaine dans lequel elle n'a
pas compétence pour instituer des obligations à simple valeur d'avis. On peut encore citer
l'arrêt Parlement Européen c. Conseil et Commission des Communautés Européennes du 30
juin 1993 (affaires jointes n0 C 181/91 et C 248/91 Rec. p. I 3685) à propos d'une décision des
représentants des Etats membres en matière d'aide humanitaire en faveur du Bangladesh ou
encore, tout dernièrement, l'arrêt du Tribunal de Première Instance du 16 avril 1997 cité in
Europe, juin 1997, p. 13/14, n0 187, à propos de proposition de règlements.
)414 (
la légalité des actes atypiques, marquant ainsi une étape importante à
leur hiérarchisation, cette jurisprudence reste malgré tout insuffisante
pour déterminer leur place au sein d'une structure pyramidale des règles
juridiques.
3- L'établissement d'une suprématie
En vue d'une hiérarchisation des normes communautaires, qu'elles
soient prévues ou non par les Traités, la Cour de justice européenne n'a
jamais tenté de déterminer la nature juridique des normes
communautaires en fonction de leur auteur (a); cependant, elle a
toujours admis une sorte de suprématie aux règles de base sur celles
chargées de leur mise en œuvre (b).
a- Le rejet du critère organique
C'est dans l'affaire Salumficio di Cornuda SPAcontreAdministration des
Finances de l'Etat(70
) que la Cour a bien montré qu'elle ne prend pas en
considération l'auteur de l'acte comme un élément influant sur la
détermination de la valeur juridique de ce dernier ni pour parvenir à
rétablir une sorte d'ordonnancement entre les différentes normes. Dans
cette affaire, la Cour a bien déclaré l'absence totale d'aucune sorte de
hiérarchie entre deux décisions fondées sur le même règlement,
coexistantes, toute deux adoptées le même jour, le 28 juillet1966 et
procédant d'institutions différentes.
La première décision a été prise par le Conseil selon laquelle ce dernier
autorise l'Italie d'accroître, dans le domaine de la viande bovine, les
prélèvements applicables à certains importateurs en provenance des
pays tiers. L'autre décision a été adoptée, quant à elle, par la
70
V. Affaire n0 130/78 Rec. p. 867 et ss. citée in Jueisclasseur, fascicule n0 411, p. 13.
)415 (
Commission et impose au gouvernement italien la nécessité de
supprimer les mesures de sauvegarde prises pour les gros bovins et les
veaux. (71
)
Cette jurisprudence a été confirmée dans l'arrêt société Jean Lion et
autre contre Fonds d'intervention et de Règlementation du marché du
sucre en date du 28 octobre 1982(72
) où les juges luxembourgeois ont
bien affirmé l'inexistence d'aucun rapport hiérarchique entre les deux
règlements procédant pourtant de la même institution, à savoir: la
Commission. En ce qui concerne le premier règlement n0-3016/78
datant du 20 décembre 1978(73
) ainsi que celui n0- 878/77 du 26 avril
1977(74
), ils ont pour objectif de fixer certaines règles relatives à
l'application des taux de change dans le secteur du sucre. Dans cette
affaire, la Cour a souligné que, même si ces deux règlements se fondent
sur des base juridiques différentes, ils se situent pourtant au même
niveau d'exécution par rapport au règlement n0 3330/74 procédant du
Conseil et qui comporte une réglementation commune du marché dans
le secteur du sucre.
On remarque donc, à travers ces précédents arrêts, que la Cour refuse
de se baser sur le critère organique, en l'occurrence l'auteur de l'acte,
pour conférer une certaine suprématie à certaines règles par rapport à
d'autres. Il serait par conséquent vivement souhaitable que les actes
atypiques soient inclus dans une hiérarchie afin de contraindre la
Commission à ne pas user de ce moyen pour effacer les privilèges du
71
Ibid, p. 867 et ss.
(120)
72
V. affaires jointes n0 292 et 293/81 Rec. p. 3887, et Cahiers de droit européen n0 5-
6, 1983, p.566.
73
. JOCE n0 359 du 22 décembre 1978.
74
JOCE n0 L 106 du 29 avril 1977.
)416 (
Conseil en faisant appel aux actes atypiques qui s'opposent aux
décisions arrêtées par ce dernier.
Toutefois, le risque reste restreint dans la mesure où les juges
luxembourgeois restent impartiaux quant à l'application des règles de
base par les textes d'application.
b- L'adoption d'un critère matériel
Si, comme nous venons de le montrer, la Cour de justice a refusé de se
baser sur un critère formel pour conférer à certains actes une
suprématie par rapport à d'autre, elle a aussi bien compris que c'est
seulement à travers un critère matériel que l'on peut parvenir à faire
prévaloir un acte communautaire sur un autre. Autrement dit, la Cour a
parfaitement conscience que l'ordre juridique communautaire ne peut
fonctionner d'une manière en quelque sorte harmonieuse qu'en
admettant la supériorité des normes fixant les principes sur celles
chargées de les appliquer. Le recours par les juges luxembourgeois à la
règle selon laquelle les mesures édictant les principes a une valeur
prééminente par rapport à celles chargées de leur mise en œuvre, a été
mis en évidence par la Cour de justice à travers les arrêts Einfuhr und
Vorratsstelle für Getreide und Enttermittel contre Köster et autre(75
) et
l'arrêt Otto Scheer contre Einfuhr und Vorrastelle für Getreide und
Enttermittel(76
).La Cour a en effet bien reconnu l'existence d'une
différence entre les mesures de base et celles chargées de leur
exécution. A ce propos, elle a déclaré que :"tant le système législatif du
Traité, reflété notamment par l'article 155, dernier tiret, que la pratique
75
V. affaire n0 25/70 Rec. p. 1161 et ss concl. Dutheillet de Lamothe.: Grands arrêts de la Cour
de Justice des Communautés Européennes, tome I, n0 9, p.33/35, et Claude Blumann, op. cit.,
p.162/163.
76
V. affaire n0 30/70 Rec. p. 1197 et ss.
)417 (
constante des institutions communautaires établissent, conformément
aux conceptions juridiques reçues dans tous les Etats membres, une
distinction entre les mesures qui trouvent directement leur base dans le
traité même et le droit dérivé destiné à assurer leur exécution". Ainsi, la
Cour affirme clairement, qu'à partir du moment où l'acte à adopter ne
dépasse pas le cadre d'une stricte application, c'est-à-dire n'empiète pas
sur "les éléments essentiels de la matière à régler", sa légalité ne peut
pas être contestée Par cette jurisprudence, la Cour contribue ainsi à
enrichir la nomenclature des normes communautaires en établissant
une hiérarchie entre les actes de base et les actes d'exécution, selon
laquelle le premier se trouve conféré d'une sorte de suprématie par
rapport au deuxième. En appliquant cette jurisprudence, la Cour a
déclaré, dans les arrêts Rey Soda contre Cassa Conguaglio Zucchero
rendu le 30 octobre 1975(77
) et l'arrêt Effem contre Hauptzallam
Lüneburg en date du 9 mars 1976(78
) que les mesures d'exécutions prises
par la Commission sont illégales car elles violent le règlement de base
édicté par le Conseil.
Partant du même principe qui confère une suprématie aux normes de
base par rapport aux mesures d'exécution, la Cour a estimé légale la
pratique du Conseil consistant à renforcer son pouvoir normatif(79
) en se
bornant, dans un premier temps, à édicter des actes, conformément aux
procédures prévues par le Traité et qui sont caractérisés, en général, par
leur lourdeur. A travers ces actes, le Conseil arrête les principes
généraux et constants d'un règlement. Puis, dans un deuxième temps, il
77
V. affaire n0 23/75 Rec. p. 1279, rendu sur demande de décision préjudicielle formée par le
Pretore d'Abbiatengrasso.
78
V. affaire n0 95/75 Rec. p. 3613.
79
Conformément l'expression du Professeur Guy Isaac, op. cit. p. 131.
)418 (
procède à son exécution par le biais de d'autres actes pris par lui-même
mais cette fois conformément à des procédures moins lourdes(80
).
La Cour a souligné enfin que la primauté des textes de base sur les textes
d'exécution doit être observée dans tous les cas, même lorsqu'ils
émanent du Conseil lui-même. En ce sens, la Cour n'a pas hésité à se
référer au principe patere Legem pour affirmer dans son arrêt "Deutsche
Tradax Gmbh und Vorrastelle für Getreide und Enttermittel" rendu le 10
mars 1971(81
) que le Conseil ne pouvait lui-même déroger dans l'acte
d'application aux actes de base dont il est l'auteur(82
).
La logique impose donc que cette jurisprudence s'applique sur les actes
atypiques afin d'éviter que ce dernier ne puisse dénaturer, sous prétexte
de l'appliquer, une mesure arrêtée en vertu d'un mode d'action non
prévu. Malgré l'effort effectué par les juges luxembourgeois, qui a au
moins le mérite de surmonter certaines difficultés que nous venons de
présenter relatives aux actes atypiques, cet effort reste cependant
insuffisant pour bien déterminer le rang des mesures sui generis au sein
d'une hiérarchie de normes communautaires. Ceci justifie donc la
nécessité d'établir cette nomenclature des normes communautaires par
le biais d'une réforme des Traités.
80
V. affaire n0 378/00, Commission c/ Parlement et Conseil, 21 janvier 2003, Rec. p. 937; aff.
N0 257/01, Commission c/ Conseil, 18 janvier 2005, Rec. p. 345.
81
V. affaire n0 38/70 Rec. p. 145 et ss. Jurisprudence confirmée dans l'arrêt Commission des
Communautés Européennes c. Conseil des Communautés Européennes du 5 juin 1973 (affaire
n0 81/72 Rec. p. 575) où la Cour de Justice des Communautés Européennes que par sa
décision du 21 mars 1972 en matière de rémunération des fonctionnaires des Communautés,
le Conseil s'était lié par la période définie par lui.
A contrario, il est possible de citer l'arrêt Espagne du 20 septembre 1988 (affaire n0 203/86
Rec. p.4563).
82
Seul M. Claude Blumann (op. cit. p.23, note 2) pour avoir perçu, dans cet arrêt, une primauté
des règlements d'exécution du Conseil sur ceux de la Commission.
)419 (
B- Les efforts institutionnels avortés pour élaborer une hiérarchie
Les responsables chargés de mettre en place la politique communautaire
ainsi que la doctrine ont véritablement commencé à porter leur
attention sur la nécessité de mettre en place, au sein des normes
communautaires, une hiérarchie fondée principalement sur leur
respective importance et ce à partir des années 80(83
). Bien que bon
nombre de réflexions ait été mené soit à l'initiative des institutions
européennes elles-mêmes ou soit à l'initiative des Etats membres (1), il
est à noter qu'aucune jusqu'à présent n'a été transposée aux traités (2).
1- Projets de réforme institutionnelle
Le projet de Traité élaboré en 1984 par le Parlement Européen mérite
une attention toute particulière car il est le premier à avoir commencé à
traiter avec précision (a) la question de la hiérarchisation des normes.
Cependant, il n'est pas dépourvu d'intérêt d'examiner les autres
contributions concernant ce sujet (b).
a- Le projet de réforme de 1984
La Commission Institutionnelle(84
) du Premier Parlement Européen a
élaboré un texte en vue de mettre en place une réforme générale de la
procédure législative communautaire. Ce texte propose un projet ayant
pour objectif de résoudre la question concernant l'ordonnancement des
normes communautaires.
Dans ce projet dénommé Spinelli, on trouve dans le Titre II relatif aux
actes de l'Union, l'article 34 qui propose les prémices de la définition de
la loi communautaire qui a pour objectif de délimiter les règles
83
Antonio Tizzano, La hiérarchie des normes communautaires", op.cit. p.220.
84
Assistée de quatre spécialistes éminents du Droit constitutionnel et du droit
communautaire: les Professeurs J. P. Jacques de Strasbourg, F. Capotorti de Rome, M. Hilf de
Bielefeld et F. Jacobs de Londres.
)420 (
s'appliquant à l'action commune tout en soulignant les distinctions qui
existent entre les lois organiques, ordinaires et budgétaires. On trouve
également l'article 36 qui confère conjointement au Parlement et au
Conseil l'exercice du pouvoir législatif. Quant à la Commission, son rôle
se limite à l'initiative selon l'article 37 de ce projet. Mais ce qui nous
intéresse dans ce projet, c'est l'article 40 qui, tout en conférant à la
Commission le pouvoir de prendre les règlements et décisions
indispensables à l'application de la loi tout en respectant les procédures
prévues par cette dernière, l'article semble pourtant d'une certaine
façon refuser d'envisager l'adoption par la Commission d'autres actes sui
generis. Même si cette possibilité n'est pas exclue, les actes atypiques
auraient perdu de leur importance car la Commission se trouve disposée
d'un pouvoir règlementaire d'après l'article 37 du projet; par
conséquent, elle peut, par le biais de ce pouvoir, récupérer une grande
partie du pouvoir décisionnel sans pour autant avoir besoin de recourir
aux actes atypiques pour arriver au même objectif. Mais la notion
majeure de ce projet réside, d'après Claude Blumann(85
), dans la
distinction entre les domaines intégrés et les domaines non intégrés.
Dans les domaines intégrés, l'action communautaire aurait correspondu
à une compétence pleine et entière de l'Union et où donc cette notion
de loi aurait pu être substituée aux anciens règlements dotés d'effets
directs, tandis que les directives auraient été amenées à disparaître.
Dans les domaines non intégrés, tels que la culture, la sécurité ou les
droits fondamentaux, les Etats membres seraient intervenus
conjointement avec l'Union et cette dernière aurait agi uniquement en
85
Claude Blumann, op. cit. p. 111 et s.
)421 (
adoptant des engagements, des résolutions ou des accords formules
plus souples, non prévus par les Traités, qui auraient enfin été consacrés
dans l'ordre juridique communautaire. D'autres contributions, moins
complètes ont été élaborées, proposant des solutions avoisinant celles
suggérées par la Commission Spinelli.
b- D'autres projets de Traité
L'idée de hiérarchie de normes communautaires a occupé une place
importante dans la quasi-totalité des projets de réformes
institutionnelles élaborés par les Etats membres ou par les institutions
communautaires elles-mêmes(86
).
Partant du constat que le système communautaire en vigueur ne répond
plus aux besoins croissants de l'Union, les recours permanents aux actes
atypiques de la part des institutions communautaires ainsi que la
difficulté progressive de distinguer clairement les règlements et les
directives, a conduit la délégation italienne à la Conférence
Intergouvernementale à présenter une note de réflexion datant du 20
septembre 1990, stipulant la nécessité de remplacer les actes identifiés
selon leur nom juridique et organisé de manière rigide par des actes
différenciés selon leurs fonctions constitutionnelles, législatives ou
règlementaires. Cette proposition basée sur la fonction des actes permet
donc de distinguer ces derniers selon la forme des mesures; ceci conduit
à soutenir que seules les normes de rang constitutionnel auraient été
86
V., sur l'évolution progressive de l'idée de hiérarchie des normes au fur et à mesure des
négociations, Jim Cloos, Gaston Reinesch, Daniel Vignes et Joseph Weyland, Le Traité de
Maastricht, genèse, analyse, commentaire, Bruxelles: Bruylant, coll. Organisation
internationales et relations internationales n0 28, 1993, p.369 et ss., ou Yves Doutriaux, Le
Traité sur l'Union Européenne, Paris: A. Colin, coll. U. Science Politique, 1992, p.40 et ss.
)422 (
soumises en vue de leur adoption à des procédures rigides(87
) alors que
les règles qui dépendent du domaine législatif, c'est-à-dire n'ayant pas
une valeur constitutionnelle mais une valeur législative, auraient pu être
adoptées conformément à des procédures souples. Cette distinction va
donc dans le sens d'instaurer une hiérarchie de normes
communautaires. C'est en ce sens que va également le mémorandum
franco-allemand du 6 décembre 1990(88
) où le président français
François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl acceptaient
de suivre cette hiérarchisation.
De même pour la résolution du Parlement Européen relative à la nature
des normes communautaires présentée le 4 avril 1991 dénommée
Rapport Bourlanges(89
), il a bien été mis en évidence la nécessité de
prévoir une possibilité de permettre, en dehors du pouvoir
règlementaire conféré à la Commission, au Conseil et au Parlement, de
prendre les autres actes par une décision conjointe. La rédaction
proposée des articles 189, 190 et 191 du Traité ont souligné la
distinction qui existe, d'une part, entre les actes législatifs et les actes
règlementaires, et d'autre part, les actes voisins des directives actuelles
(lois, cadres et actes règlementaires) et les actes s'apparentant aux
actuels règlements (lois et actes règlementaires).
La Commission de la Conférence Intergouvernementale souhaitant
apporter sa participation à la réforme des articles 155 et 189 du Traité, a
87
A savoir codécision intégrale ou avis conforme, éventuellement avec la participation
d'instances parlementaires nationales ou régionales.
88
V.Yves Doutriaux, op. cit., p. 48/49 et Vlad Constantinesco, Robert Kovar et Denys Simon,
Traité sur l'Union Européenne, commentaire article par article, Paris : Economica, 1995, p.11,
note 2.
89
V. JOCE n0 C129 du 20mai 1991.
)423 (
associé la hiérarchie des normes et la procédure législative, renforçant
ainsi l'idée de codécision.
Malgré l'enthousiasme qu'a suscité cette proposition, il n'en reste pas
moins qu'elle n'a pas été retenue et ne figure donc pas dans la version
révisée du Traité.
2- Les réformes institutionnelles
Finalement, la question de l'élaboration d'une hiérarchie des normes
communautaires et donc la reconnaissance d'un statut juridique pour les
actes atypiques reste encore une fois sans réponse. En effet, le Traité de
Maastricht (a) une fois ratifié a renvoyé le traitement de ce problème à
une nouvelle conférence intergouvernementale prévue pour 1996 (b)
qui n'a pas non plus réussi à résoudre la difficulté que pose notre sujet.
a- Le Traité de Maastricht
Lors de cette première Conférence Intergouvernementale et après avoir
pris connaissance des divers avis des Etats membres à travers leurs
représentants au Conseil et d'autres institutions communautaires – la
Commission et le Parlement-, concernant la possibilité de pouvoir
élaborer un ordonnancement des actes, le débat a de nouveau repris, et
plus particulièrement sur la codécision et les matières susceptibles d'en
faire l'objet. En vue de consolider le pouvoir de l'Union Européenne, la
Commission a manifesté sa volonté de mettre fin au pouvoir
règlementaire en introduisant au système communautaire la possibilité
d'adopter des lois législatives au sens strict du terme c'est-à-dire en
suivant la méthode appliquée au sein de l'Etat fédéral qui envisage deux
types de lois: les lois fédérales et les lois étatiques.
Cette proposition de réforme qui a été jugée par les Etats membres trop
ambitieuse, n'a pas obtenu en fin de compte un avis favorable. Si une
)424 (
réforme radicale de la hiérarchie reste encore inenvisageable, il n'en
reste pas moins qu'une orientation favorable peut être émise en vue
d'améliorer le fonctionnement de l'institution car, plusieurs Etats
membres sont persuadés que l'idée de hiérarchie joue un rôle important
dans la limitation, d'une manière souple, du champ d'application de la
codécision. Mais cela n'a pas empêché le Royaume-Uni de souligner
l'absence de hiérarchie des normes au sein des pays anglo-saxons,
relativisant ainsi l'importance de cette hiérarchisation. La réforme finale
du Traité n'est finalement réduite qu'à un essai de sauvegarder quelque
chose de l'idée de hiérarchie tout en s'appuyant sur un caractère
matériel ou objectif pour définir les catégories d'actes à soumettre à la
codécision, comme le font les nouveaux articles 189 A, B et C.
Mais, si le nouveau Traité n'a pas eu un effet décisif concernant la
hiérarchie des normes communautaires, comme nous l'avons montré, il
reste à souligner que l'importance de cette dernière a bien été prise en
considération par la plupart des Etats membres. Ainsi, la déclaration n0
16 annexée au dernier moment(90
) à l'Acte Final de la Conférence
Intergouvernementale fait à Maastricht le 7 septembre 1991, a pris le
90
V., par exemple, M. Jean Bouluois (Droit institutionnel de l'Union Européenne, Paris:
Montchrétien, 6
ème
éd., p.235) qui ne voit pas bien en quoi la hiérarchie des actes existants
n'est pas appropriée- position dont nous nous sommes désolidarisés tout au long de cet
article- et pour qui on voit encore moins rapport à quoi elle devrait le devenir, sinon par un
sacrifice à une sorte de nominalisme qui permettrait d'utiliser les termes de loi ou de
dispositions constitutionnelles.C'est également l'avis de M. Jean-Claude Piris ( "Après
Maastricht, les institutions communautaires sont-elles plus efficaces, plus démocratiques et
plus transparentes?", RTDE, 1994, p.29), pour qui il n'est pas évident que l'instauration d'une
typologie nouvelle soit juridiquement nécessaire, compte tenu de la distinction déjà existante
entre l'acte communautaire de base et l'acte d'exécution consacrée par la jurisprudence, ni
quelle soit politiquement indispensable, d'autres voies étant plus aisées pour démocratiser
davantage le processus de décision. Pour M. Claude Blumann (op. cit.p. 114), à l'inverse, la
déclaration n016 représente plutôt un vœu montrant que les Etats membres ne sont
insensibles aux difficultés actuelles.
)425 (
soin d'apaiser les tensions en déclarant que la prochaine Conférence
Intergouvernementale qui serait convoquée en 1996, étudierait de
nouveau dans quelle mesure il sera possible de réexaminer
l'ordonnancement des normes communautaires dans le but d'élaborer
une hiérarchie adaptée à la diversité des actes.
b- La Conférence Intergouvernementale de 1996.
Lors de l'ouverture de la Conférence Intergouvernementale relative à la
réforme du Traité de l'Union Européenne de 1996, il est apparu que la
question dominant le débat concernant l'élaboration d'une hiérarchie
des normes communautaires était de savoir s'il fallait ou non introduire
dans le Traité, la notion de loi communautaire; elle permettrait de réunir
les actes adoptés en codécision. Mais, l'introduction de cette notion
ferait échouer la tentative de réforme tant cette dernière est associée,
dans la plupart des Etats, à celle de souveraineté parlementaire(91
).
La difficulté demeure aussi bien lors de la Conférence
Intergouvernementale de 1996 que celle de 1991 concernant la
détermination d'une éventuelle frontière qui séparerait la loi du
règlement d'exécution.
Les raisons de cette difficulté résident en effet, d'une part, dans la
crainte d'élargir l'espace normatif de la Commission chargée de
l'exécution et, d'autre part, dans la difficulté de situer la loi
communautaire proposée par rapport aux différentes catégories d'actes
déjà existantes.
91
D'autant plus, ainsi que l'a souligné Pierre-Yves Monjal (" La CIG de 1996 et la hiérarchie
des normes", op. cit. p. 715), que, compte tenu de la portée symbolique du concept de loi
communautaire, interviendrait un jour la nécessité de la Constitution de l'Union comme acte
fondateur. Ce qui préfigure toute une réflexion sur le post nationalisme et le post étatisme
)426 (
Bien que la question d'ordre "quasi-épistémologique" concernant la
distinction entre la notion d'acte et de norme ne dépend pas du ressort
de la Conférence Intergouvernementale, il n'empêche qu'une nouvelle
nomenclature devait être adoptée, et obligatoirement limitée à un
nombre restreint d'actes à finalité normative. Cet état de fait se traduit
sur le plan pratique par la position de la délégation italienne qui, au
travers d'une communication émise le 23 février 1995 ainsi que dans
une autre présentée à la Chambre des Députés à Rome le 23 mai 1995,
faisait part de sa proposition de continuer à soutenir son idée première
à savoir le classement des normes selon trois niveaux : constitutionnel,
législatif et règlementaire.
La position des autres Etats membres n'est pas aussi tranchée; en effet,
les Pays-Bas se limitent à considérer que l'efficacité des normes et la
démocratie appellent nécessairement l'élaboration d'une hiérarchie des
actes communautaires; les autres Etats membres, à savoir l'Autriche,
l'Espagne, la France ou l'Allemagne ne se montrèrent que plus ou moins
enthousiastes face à la proposition italienne d'une nouvelle
nomenclature(92
). De même, le Parlement Européen ne se montre guère
plus intéressé. En effet, d'une part, le rapport Herman(93
) reste flou en
n'émettant pas une position catégorique et, d'autre part, le paragraphe
32 de la résolution du 17 mai 1995(94
), concernant le fonctionnement du
Traité sur l'Union Européenne en vue de la Conférence
Intergouvernementale de 1996, se suffisait à émettre de contenir la
valeur des actes soumis au Parlement et au conseil par le biais de
92
V., sur les positions adoptées par les différents Etats, Pierre-Yves Monjal, op. cit. p. 703/704.
93
V. Parlement Européen 179-622 A3 64/94, notamment p.12.
94
JOCE n0 C 151/65 du 19 juin 1995.
)427 (
l'élaboration d'une hiérarchie des normes. Les autres institutions
communautaires(95
) ne se sont pas plus exprimées sur la question d'une
nouvelle nomenclature. Dans son rapport définitif du 5 décembre 1995,
le groupe de réflexion présidé par le Secrétaire d'Etat aux Affaires
Européennes espagnol, Carlos Westendorp les 2 et 3 juin 1995 n'ont pu
eux aussi trouver un accord pour résoudre cette question. Par
conséquent, il semble naturel que les conclusions du Conseil Européen
de Turin datant du 29 mars 1996(96
) se limitent à suggérer deux voies de
réflexion savoir: la simplification de la procédure législative et
l'élargissement de la codécision. Il semble que les changements
qu'entraînent les conclusions sont si importantes qu'ils provoquent
inexorablement un blocage et conduisent donc à une impasse qui se
traduit par l'impossibilité de proposer un ordonnancement précis et
exhaustif des instruments de la communauté Européenne. Une seule
idée claire et unanime survit, celle développée par Denys de Béchillon
qui consiste à affirmer que la valeur juridique d'un acte et donc son rang
dans la hiérarchie dépend non pas de la nature de l'acte de l'organe dont
elle procède, mais bien plutôt de l'étendue du pouvoir de cet organe lors
de l'édiction.
Force est de constater que malheureusement, l'espoir de l'instauration
définitive d'une hiérarchie des actes ainsi que la reconnaissance officielle
de la place des actes non prévus par les Traités, autrement dit, la
reconnaissance juridique des actes atypiques judicieusement utilisés
95
V.à ce propos; Paragraphe 19 du Rapport de la Cour Européenne de Justice sur certains
aspects de l'application du Traité d'Union Européenne de mai 1995;.Titre "Démocratie et
efficacité" du Rapport du Conseil du 20 avril 1995;.Paragraphe n0 56 du rapport de la
Commission du 10 mai 1995 sur le fonctionnement du Traité de l'Union Européenne, Europe.
96
Agence Europe du 30 mars 1996, n0 6699.
)428 (
pourtant pour combler les lacunes avérées de la nomenclature de
l'article 189, semble de plus en plus lointain. Un tel contexte ne fait
qu'augmenter le désordre normatif, lequel contribue par conséquent à
la multiplication des actes atypiques. Cette situation apparaît
insurmontable et contraire au développement du concept de droit au
niveau de la Communauté Européenne.

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  • 1. )384 ( La hiérarchie des normes communautaires et la place des actes atypiques Par Magdi SHOUAIB Professeur à la Faculté de droit université de Zagazig
  • 2. )385 ( L'arrêt de la C.J.E. " les verts(1 )" rendu le 23 avril 1986 a marqué une étape importante vers la formulation d'une hiérarchie des règles juridiques européennes. Le concept d'une hiérarchie des normes structure depuis les années 1920 par Hans Kelsen en vertu de laquelle chaque acte juridique tire sa légitimité de celui situé à l'étage supérieur, délimite ses conditions, déduction, semble actuellement avoir gagné l'ensemble des Etats de droit. Mais, bien que la transposition de l'idée de hiérarchie des normes au sein de l'ordre juridique communautaire soit avérée, elle n'a pourtant pas été bien mise en évidence. En effet, à côté des actes mentionnés à l'article 189 du Traité CEE, entre lesquels il est difficile de déterminer un ordre hiérarchique, il existe pour chaque organe communautaire d'autre formes d'action. Considérés par certains(2 ) comme des actes innommés, ils sont aussi qualifiés par Mme Agnès Gautier d'actes atypiques(3 ). Cette situation trouve en réalité sa justification dans le fait que l'idée de hiérarchie des normes est absente au sein du droit européen (I). Nous pouvons même nous demander si cette situation n'exige pas enfin que cette idée de hiérarchie des normes soit nécessaire pour qu'il y ait au sein de la Communauté européenne un ordre juridique qui assure la prééminence de certaines règles juridiques par rapport à d'autres (II). 1 " Parti Ecologiste" contre le Parlement Europeen, affaire n0 284/89, rendu le 23 avril 1986 Rec. p. 1339 et s . 2 V. à ce propos, Jean-Victor Louis, L'ordre juridique communautaire, la Commission des Communautés Européennes, Bruxelles: Ed. Perspectives européennes, 1988, 4ème éd., p.86. 3 Agnès Gautier "Le Conseil d'Etat et les actes hors nomenclature de la Communauté Européenne" RTDE 1995, n031, p.24.
  • 3. )386 ( I- Absence de hiérarchie des normes et les actes atypiques Il semble bien que les institutions européennes ont bien utilisées des moyens juridiques les plus divers (A) au sujet desquels il apparaît difficile de toujours dire quelle place occupent dans la hiérarchie des normes communautaires (B). A- La diversité des actes utilisés Il était difficile de mentionner dans l'article 189 du traité, institué par la communauté économique européenne, toutes les formes d'action à travers lesquelles les institutions européennes ont utilisé les différentes normes prévues par l'article 189, à savoir les règlements, les directives et les décisions (1); elles ont également utilisé d'autres modes d'interventions qui ne rentrent pas dans les normes précédentes (2). 1- Actes prévus ne répondant pas à la nomenclature En effet, les rédacteurs des textes ne pouvaient, à l'époque, prévoir d'une manière exhaustive tous les modes d'intervention qui peuvent être utilisés par les institutions et c'est la raison pour laquelle ils leur ont ouvert des possibilités, aussi bien à travers les mesures d'ordre intérieur (a), que par le biais de règles qui ne sont pas obligatoires (b). a- Les actes concernant l'organisation interne En principe, cette sorte d'acte qui concerne l'organisation interne de l'institution ne peut produire d'effets qu'au sein même de ses organes. Autrement dit, ils ne peuvent produire d'effets juridiques en dehors de ces derniers. Pourtant, il peut arriver que les règlements internes d'institutions européennes tels que le Parlement, le Conseil et la Commission, peuvent parfois se voir conférer une valeur juridique hors du cadre institutionnel. Cet état de fait a été mis en évidence par la Cour
  • 4. )387 ( de J. des C.E. dans son arrêt "Royaume-Uni" contre le Conseil (4 ) où la Cour a annulé une directive de cette dernière car elle constitue une violation du règlement interne du Conseil (5 ) lui-même. On se trouve alors en présence des hypothèses où des actes qui ne sont pas mentionnés dans l'article 189 peuvent prévaloir sur les actes prévus par cet article. Ce cas de figure illustre un des résultats de l'absence d'une hiérarchie entre les actes communautaires. Soulignons l'existence aussi des différents actes concernant l'organisation interne des organes communautaires aux appellations variées, comme, à titre d'exemple "circulaire", "lettres de classement de la Commission" dans le domaine de la concurrence(6 ), qu'il est difficile de 4 V. Affaire n0 68/86 Rec. p.855 et ss. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la directive en question avait été adoptée définitivement par la voie de la procédure écrite, ce à quoi s'opposait le Royaume-Uni, alors que l'art. 6 paragraphe 1 du règlement intérieur du Conseil exigeait l'accord de tous les membres pour recourir à la procédure écrite. Les juges se sont donc basés sur le principe patere legem quam fecisti pour imposer au Conseil de respecter la règle qu'il s'était lui-même fixée. 5 V. l'arrêt du Tribunal de Première Instance e.a. BASF e.a. du 27 février 1992 (affaires jointes n0T 79/89 et 84/79 Rec. p.II. 315 et ss.). Le Tribunal (V. point n078) établissant la distinction entre les dispositions qui ne concernent que les particuliers, parce qu'il s'agit de modalités de fonctionnement interne des institutions, qui ne sont pas susceptibles d'affecter leurs situations juridiques et celles dont la violation peut être invoquée parce qu'elles sont créatrices de droit et facteurs de sécurité juridique pour ces personnes. A l'opposé, dans l'arrêt Nakajima All. Précision c.o. Ltd C. Conseil du 7 mai 1991 (affaire n0 Rec. p.I. 2069 et ss.) la Cour avait estimé que le règlement intérieur d'une institution communautaire ayant pour objet d'organiser le fonctionnement interne des services, les règles qu'il établit, notamment pour l'organisation des délibérations et la prise de décision, avaient dès lors essentiellement pour fonction d'assurer le bon déroulement des débats, dans le plein respect des prérogatives de chacun des membres de l'institution. Il en résulte que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir, à l'appui d'un recours en annulation d'une prétendue violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers 6 La Cour de Justice des Communautés Européennes a légitimé l'existence de ces lettres de classement dans ses arrêts dits "des parfums" du 10 juillet 1980 Procureur de la Réoublique c. Giry et Guerlain SA (affaires jointes n0 253/78 et 1 à 3/79 Rec. p. 2327 et ss.), Anne Marty SA c. Estée Lauder ( affaire n0 37/79 Rec. p. 2481 et ss.), Lancôme SA et Cosparfrance Nederland BV c. Etas BV et Alert Supermart BV ( affaire n0 99/79 Rec. p. 2511 et ss.) ou l'arrêt NV L'Oréal et SA L'Oréal c. PVBA " De Nieuwe AMCK" du 11 décembre 1980 (affaire n031/81 Rec. p.3775). Cette jurisprudence a été récemment confirmée par le TPI dans ses arrêts du 8
  • 5. )388 ( situer par rapport aux normes mentionnées dans l'article 189. Compte tenu de cette difficulté à classer ces différents actes, certains ont préféré utilisé la terminologie allemande qui réserve le terme " Entscheidung" aux décisions qui rentre dans les normes prévues dans l'article 189 et l'expression de " Beschluss" aux autres actes pris en dehors de cet article(7 ). Rentre également dans cette catégorie d'acte de nature interne, la possibilité offerte à la Commission et au Conseil de conclure entre eux des pactes interinstitutionnels(8 ) relatifs à leur rapport de travail consacrant ainsi le Code de bonne conduite. Ces accords doivent être signés par les présidents des institutions, à savoir, le Parlement, la Commission et le Conseil. Ils constituent un moyen pour résoudre des dissensions, éviter des conflits mais peuvent être aussi considérés comme une brèche dans laquelle viendrait s'engouffrer de nouveaux actes aux Traités déjà existants et sans passer par une reconnaissance juridique comme c'est le cas pour les recommandations ou les avis qui ne figurent pas dans l'article 189 et qui sont dépourvus de toute force juin 1995 Langnese ( affaire n0 T 7/93 Rec. p. II. 1533 et ss.) et Schöller ( affaire n0 T 9/93 Rec. p. II. 1611 et ss.). 7 V. art. 209 CEE, 183 EURATOM et 78 septisimo CECA. Dénommés "règlements" sans plus de précision dans les texts français et italiens du Traité de Rome, ils sont qualifies de règlements internes dans les textes allemands et nérlandais. Ils étaint à l'origine différents des règlements de l'alinéa 2 de l'art. 189, en ce sens qu'ils n'ont pas de portée générale, n'obligeant dans toutes leurs dispositions que les institutions qu'ils concernent et n'étant pas soumis aux mêmes conditions de forme, la publication au JO n'étant faite qu'à titre d'information (V. Mémento pratique Francis Lefebvre Communauté Européenne, 1991, p. 24/25 et Pierre-Henri Teitgen, Cours de droit institutionnels, commentaire, structure et fonctionnement de CE, Les cours de droit, Paris II- Panthéon/Assas, 1976/1977. p. 190/191. 8 Une des variétés a d'ailleurs été expressément prévue par l'art. 15 du Traité de fusion (ex. art. 162 CEE) au terme duquel le Conseil et la Commission procèdent à des consultations réciproques et organisent d'un commun accord les modalités de leur collaboration. Comme par exemple la Déclaration commune relative à la procédure budgétaire du 30 juin 1982 (V. JOCE n0 C 194 du 28 juillet 1982 avec commentaire William Nicoll " L'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire" Rev. Du Marché Commun n0 319, juillet/ août 1988, p. 373 et ss.).
  • 6. )389 ( obligatoire à l'égard des personnes prises en considération par ces actes. Pourtant, étant donné que ces actes constituent une déclaration caractère politique, il peut de ce fait être obligatoire l'égard des institutions, au moins vis-à-vis du public. b)- Les actes sans conséquences juridiques L'avis et les recommandations mentionnés dans l'alinéa 5 de l'article 189 sont dépourvus de force obligatoire. Il nous paraît malgré tout opportun de les étudier au même titre que les règlements internes. Bien que l'article ait expressément mentionné que ces normes d'actes, c'est-à-dire les recommandations et les avis, ne lient pas, la Cour a toutefois déclaré dans l'arrêt Salvatore Grimaldi contre Fonds des Maladies Professionnelles du 13 décembre 1989 que: " Les recommandations ne peuvent être considérées comme des actes dépourvus de tout effet juridique, les juges nationaux étant tenus de la prendre en considération en vue de la solution de litiges qui leur sont soumis, notamment lorsqu'elles éclairent l'interprétation de dispositions nationales prises dans le but d'assurer leur mise en œuvre ou encore lorsqu'elles ont pour objet de compléter des dispositions communautaires ayant un caractère contraignant". De plus, ces recommandations influent de manière importante sur l'orientation à donner à certaines conduites à tenir et au contenu de certaines règles juridiques(9 ) dont on annonce ainsi l'adoption. 9 Par exemple, lorsqu'elle constate des distorsions de concurrence liées à des parités de législation, la Commission peut recommander aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires, et si cette recommandation n'était pas suivi d'effets, elle peut transmettre au Conseil une proposition de directive (V. Pierre Constantinho et Marianne Dony, Le Droit communautaire, Paris: A. Colin, coll.,1995, p.78).
  • 7. )390 ( Les institutions ont d'autant plus beaucoup appelé à se référer aux recommandations et avis comme le montre le deuxième tiret de l'article 155 qui accorde à la Commission la faculté de formuler des recommandations ou avis sur les matières du présent Traité si ce dernier le prévoit expressément ou si la Commission le juge nécessaire. Ainsi, nous avons mis en évidence que l'existence des actes précédemment cités est due au fait que l'idée de la hiérarchie des normes juridiques est absente du droit européen. Le problème repose actuellement sur le fait que ces actes se sont d'une part multiplié, et d'autre part ont pris une place à valeur juridique qui ne leur est pas officiellement reconnue. 2- les actes non prévus dans les textes et ne se classant dans aucune catégorie prévue Il apparaît que dès la mise en place du Traité, les institutions ont pris conscience que les textes en place les limitaient trop dans leurs initiatives, et par conséquent elles ont été amenées à faire appel à d'autres actes qui ne figuraient pas dans les normes prévues. Par conséquent, est apparu un certain désordre quant à la reconnaissance des actes prévus ou non. Bien que les actes non prévus soient dépourvus de caractère juridique puisqu'ils interviennent avant la prise d'une véritable décision, et en ce sens sont des actes préparatoires (a), et bien qu'ils se limitent à émettre de simples orientations ou intentions, ils n'en contribuent pas moins à manifester un certain désordre.
  • 8. )391 ( a- Les actes préparatoires La Commission est l'institution qui fait appel principalement à des actes non prévus au préalable dans les textes car elle est habilitée à prendre des initiatives et à les exécuter. Elle les utilise sous des dénominations diverses et variées telles que "livres blancs" ou "livres verts" qui constituent une sorte d'étude concernant des questions précises auxquelles s'ajoutent la démarche à suivre pour y répondre. Le Conseil en a fait de même mais en utilisant des procédures différentes. En effet, en se basant sur les articles 54 paragraphe 1 ou 63 paragraphe 1 concernant la suppression d'entraves à la liberté d'établissement, l'autre relatif à la libre prestation de service. Le Conseil a établi la liste des restrictions à la liberté, en vue de sa suppression et programmé leur démantèlement. Ces programmes sont alors l'occasion pour le Conseil d'agir de manière efficace pour adopter des directives sectorielles. Le recours aux résolutions par le Conseil pour élaborer ces programmes se justifie d'après Claude Albert Morand (10 ) pour plusieurs raisons. Premièrement, le Conseil y voit un moyen pratique pour prendre des décisions à caractère révocable et de prévoir une marge d'action pour l'avenir. Deuxièmement, ces programmes présentent un contenu trop abstrait pour être pris par le biais de règlement mentionné par l'article 189. P. Pescatore(11 ) ajoute que le Conseil peut faire appel dans certains cas aux résolutions si il juge que les recours aux moyens prévus dans l'article 189 10 Claude Albert Morand, op. cit. p. 640/641 11 V. Commentaire article par article du traité instituant la CEE, op. cit. p. 948.
  • 9. )392 ( présentent certaines difficultés en raison de la matière ou des intérêts opposés. Les actes prévisionnels servent aussi à délimiter les aspects généraux d'une action à venir et peuvent même, dans certains cas, être assimilés au rôle rempli en France par les lois cadres en précisant une répartition dans le temps des actions communautaires. Cet état de fait a permis à M. Jean-Victor Louis(12 ) de constater que cette pratique donne à ces programmes généraux un caractère obligatoire malgré qu'ils ne soient pas consacrés parmi les modes prévus dans l'article 189. D'ailleurs, la Cour de justice des Communautés Européennes a toujours eu conscience du réel caractère de ces documents apparemment préparatoires de futures mesures obligatoires; elle était aussi consciente que ces mesures pouvaient parfois produire des effets juridiques bien qu'elles ne soient pas directement applicables. C'est ainsi qu'elle a affirmé dans l'arrêt Commission des Communautés Européennes rendue le 31 mars 1971(13 ) (dits AETR), que les délibérations du Conseil avaient pour but de définir une ligne de conduite obligatoire pour les institutions communautaires et pour les Etats membres destinés à se répercuter ultérieurement sur la teneur des règlements. Soulignons également que la Cour s'est ensuite référée expressément à la résolution de la Haye 12 Op. cit. p. 278. L'auteur, après avoir insisté sur la lourdeur de la procédure initiale avec le délai imposé à la Commission pour le dépôt de ses propositions, la consultation du Comité Economique et Social et du Parlement et le contenu des programmes qui doit, pour chaque catégorie d'activité ou de service, fixer les conditions de la liberté d'établissement et de la liberté des services, a rejeté l'opinion selon laquelle ils ne constituaient que de simples instructions de service. 13 Affaire n0 22/70 Rec. p. 263 et ss. Avec conclusions A. Dutheillet de la Mothe et Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes n0 13. V. également Infra p.14.
  • 10. )393 ( comme base d'action en constatation de manquement lors de litiges dans des affaires concernant la pêche. La Cour a même déclaré, à l'occasion de contentieux relatifs à certains règlements que les opérateurs concernés étaient supposés s'être bien informés des intentions communautaires à travers plusieurs actes préparatoires comme par exemple la communication proposition. Cette jurisprudence est inacceptable d'après Mme Marie-Angèle Hermitte(14 ) car elle exige des destinataires de prévoir les intentions des institutions communautaires. Mais il ne faut pas oublier que les actes préparatoires procédés du Conseil ou de la Commission n'aboutissent pas toujours à l'adoption de normes. Certains n'ont pour objet que de révéler l'intention des institutions communautaires concernant tel ou tel point et n'entraîne pas forcément qu'ils ne soient dénués de toute valeur juridique. b- Les actes qui se limitent à des intentions ou des orientations C'est dans cette catégorie que l'on peut trouver le plus grand nombre d'actes atypiques. La Commission, le Conseil et même parfois le Parlement Européen nomment parfois "résolutions" ou "communications" des actes qui ont pour but d'informer le public des orientations de chaque institution vis-à-vis de telle ou telle politique communautaire et de leur plan d'action; il se peut que le Conseil désigne ces actes sous le terme de "codes de conduite". Il paraît que ce type de document aurait une visée plutôt politique et morale que juridique puisqu'il ne se range dans aucun processus décisionnel. Ce point peut être mis en évidence à travers la comparaison 14 V. "Spéculateurs et technocrates de la non- rétroactivité des lois à la confiance légitime", RTDE, 1984, n03, p.459/462.
  • 11. )394 ( faite par Mme Brigitte Laloux(15 ) entre deux résolutions du Conseil. La première date du 25 juillet 1983 et concerne le programme-cadre 1984- 87(16 ) qui se fonde sur des articles du Traité; la seconde date du 14 janvier 1974 relatif au domaine de la science et de la technologie (17 ). De cette comparaison, on constate que les actes pris par les institutions européennes et qui ne rentrent pas au sens strict dans les normes juridiques prévues par le texte, ne s'éloignent pas sur le plan de la forme de celle des actes juridiques. D' après Mme Brigitte Laloux, il arrive souvent, surtout dans les domaines qui ne dépendent pas de la compétence communautaire, que ces résolutions soient adoptées sous forme de résolution des Ministres représentant les Etats membres au sein du Conseil ou, à défaut, sous forme d'actes mixtes mêlant les deux dénominateurs(18 ). De plus, au regard des normes juridiques communautaires, on peut de temps à autre constater dans le Journal Officiel des Communautés Européennes certains actes prenant la forme de décision émanant des représentants des Gouvernements mais qui ne sont pas vraiment des 15 " En lisant le Traité de 1957: comment son application a suscité des développements qu'il n'avait pas prévu, Rev. du Marché commun n0 309, spécial 30ème anniversaire du traité de Rome, août/septembre 1987, p.447, note (56). 16 JOCE n0 C208 du 4 août 1987. 17 JOCE n0C7 du 29 janvier 1974. 18 V. parmi les exemples cités par Mme Brigitte Laloux (op.cit. p.448) la résolution du Conseil et des représentants des Gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 17 mai 1977 (JOCE n0 C139 du 13 juin 1977) concernant la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés Européennes en matière d'environnement. Ce fut aussi le cas de la résolution des Ministres responsables des affaires culturelles réunis au sein du Conseil du 13 juin 1985 (JOCE n0 C 153 du 22 juin 1985) sur les manifestations de la production audiovisuelle européenne dans les pays tiers ou la résolution des Ministres de l'Education réunis en Conseil le 6 juin 1974 (JOCE n0C98 du 20 août 1974). Plus près de nous, on peut encore citer les conclusions du Conseil des Ministres de l'Education réunis en Conseil (JOCE n0 C 336 du 19 décembre 1992).
  • 12. )395 ( décisions au sens strict. D'après Pierre Henri Teitgen(19 ), ces résolutions, bien qu'elles constituent une des sources de droit communautaire, elles restent avant tout, au fond, des conventions internationales soumises aux conditions d'approbation et de rectification propres à chaque Etat membre. Quelle que soit leur nature, il est indéniable que ces résolutions ont joué un rôle non négligeable dans la détermination des orientations préparatoires de certaines politiques menées par les institutions européennes(20 ). Ce n'est qu'après cette présentation indispensable des divers modes d'intervention qui ne se conforment pas tout à fait avec les modes consacrés par les textes et qui sont malgré tout utilisé par les institutions européennes que l'on peut présenter les inconvénients rencontrés pour déterminer le rang de la hiérarchie auquel ces normes appartiennent. 19 Pierre Henri Teitgen, Cours de droit institutionnel, op. cit., pp. 201-206. 20 Sans évoquer ici la célèbre résolution du 11 mai 1966 intervenue en matière de financement de la Politique Agricole Commune après la "crise de la chaise vide" provoquée par la France, on peut rappeler la résolution du Conseil auquel se joignirent les représentant des Gouvernements des Etats membres en date du 22 mars 1971 (JOCE n0 C 28 du 27 mars 1971) ayant déterminé l'ensemble des actions à mener et des mesures à prendre en vue de la mise en place progressive de l'Union Economique et Monétaire de la Communauté ou celle du 25 mai de cette même année (JOCE n0 C 58 du 10 juin 1971) ayant défini avec beaucoup de précision la nouvelle orientation de la Politique Agricole Commune tant pour le prix que pour les actions à mener dans le domaine structurel. Plus modestement, le Professeur Guy Isaac (Droit communautaire général, Paris: A.Colin, 1996, p. 139) a aussi cité l'exemple de la résolution ayant établi un programme en vue de l'élimination des entraves techniques aux échanges (JOCE n0 C 76 du 17 juin 1969) ou plus récemment celle concernant un deuxième programme de la CEE pour une politique de protection et d'information des consommateurs.
  • 13. )396 ( B- L'impossibilité de délimiter exactement une position pour l'ensemble des catégories d'actes nécessaires à la construction communautaire aboutit à une contestation des actes atypiques En effet, ce n'est pas la multitude des modes d'intervention adoptée par les institutions européennes, en marge de la disposition 189 du Traité de Rome, qui peuvent porter atteinte à la sécurité juridique au sein des règles communautaires, mais bien plutôt l'impossibilité de les ranger par rapport aux modes dotés d'une force obligatoire (1). Pourtant, seule cette inclusion dans le cadre déterminé au préalable par le Traité de Rome serait de nature à éviter les dangers inhérents à l'adoption des actes atypiques (2). 1- Les justifications de la non hiérarchisation de ces actes Afin de pouvoir classer les actes atypiques, il faudrait tout d'abord résoudre deux difficultés; la première serait de pouvoir ordonner entre elles les normes communautaires (a) et la seconde serait de déterminer une différence entre, d'une part, les mesures qui instituent les règles de base, et d'autre part, celles qui les exécutent (b). a- L'absence d'arrangement entre les normes empêche tout classement des actes atypiques A l'origine, comme l'a souligné Mme Valérie Nicolas(21 ), le système juridique communautaire originellement basé sur des règles hiérarchisées, a été dénaturé de sa cohérence. En effet, la supériorité du droit initial regroupant les trois Traités institutifs, ceux qui ont apporté une modification ou un complément ainsi que les actes d' adhésion 21 Valérie Nicolas, "Le désordre normatif", op.cit., p.35.
  • 14. )397 ( successifs des nouveaux Etats membres par rapport au droit dérivé, n'a pas été mise en cause. Certains auteurs, tel que Guy Isac(22 ) n'ont pas hésiter à classer l'acte dit "Bechluss" du Conseil par lequel il exerce son pouvoir de révision autonome du Traité comme, à titre d'exemple, la décision du Conseil datée du 30 mars 1981 qui a accru le nombre de juges d'avocats généraux à la Cour de justice des Communautés Européennes ou celle rendue le 1er décembre 1971 qui a défini les nouvelles missions du fond social au sommet de la hiérarchie communautaire au-dessus même des règlements(23 ) ou directives. C'est au sein du droit dérivé ou parfois secondaire que peut apparaître un certain nombre de confusion. Quelques auteurs(24 ) ont pensé que les normes énoncées dans l'article 189 étaient hiérarchisés par ordre décroissant d'importance plaçant ainsi au sommet les règlements puis s'ensuivant les directives, les décisions et en dernière position les recommandations et avis. Mais cette hiérarchie est démentie par la pratique qui montre en effet que ce prétendu classement n'est pas respecté. En effet, on ne peut affirmer que cette classification correspond bien à la réalité que s'il existe vraiment des différences importantes entre les diverses normes mentionnées dans l'article 189, et qu'elles ne se limitent pas au simple fait que les règlements sont directement applicables par les Etats membres alors que les directives ne le sont pas; puisque force est de constater qu'apparaissent des pseudo règlements presque similaires à 22 Guy Isac, op.cit. p. 124 et 139. V. également, sur cette question du pouvoir autonome de modification des Traités, Jean-Victor Louis, Les règlements des Communautés Européennes, op. cit., p. 182 et suivantes. 23 Sur la question de la subordination des règlements au Traité, V. Jean-Victor Louis, Les règlements de la Communauté Européenne, op. cit. p. 70 et ss. 24 Ibid. p. 144/145.
  • 15. )398 ( des directives et, qu'en revanche, ils sont de plus en plus détaillés(25 ). Reste à savoir si les règlements ou directives mutuellement adoptés par le Conseil et le Parlement détiennent une autorité supérieure par rapport aux autres actes. En réalité, le fait est que, bien que certains règlements ou directives soient adoptés par codécision, cela ne constitue pas une raison suffisante pour leur conférer une valeur juridique supérieure aux autres(26 ). Eu égard à la difficulté de classer hiérarchiquement les actes expressément prévus par les Traités, on imagine de surcroît la difficulté à ordonner les autres actes(27 ) La seule alternative possible est celle proposée par Robert Kovar(28 ) qui consiste à créer un nouvel ensemble nommé droit complémentaire qui engloberait les actes pris par les institutions ne s'attachant pas aux modes d'intervention figurant dans les textes des Traités. Une autre solution aurait pu être envisagée si l'ordre juridique de la communauté européenne avait acceptée de reconnaître la distinction connue au sein des Etats de droit entre les lois et les règlements. b- La confusion entre les deux actes législatifs et administratifs rend difficile la classification des actes atypiques Il était envisageable pour incorporer les actes atypiques dans la hiérarchie des règles juridiques communautaires de leur accorder la mission de mettre en application les différents principes de base posés par les normes mentionnées dans les textes. Mais malheureusement, 25 V., sur ce double phénomène, Claude Blumann, La fonction législative communautaire, Paris: LGDJ, 1995, p.108/110. 26 V. " La hiérarchie des normes communautaires", Rev. du Marché Unique Européen n0 3, 1995, p.221.V. également J.L. Dewost "Le processus de décision dans les Communautés Européennes. Bilan et perspectives" Administration n017, septembre 1982, p.30 à 38. 27 Sur la question annexe de la position des accords liant la Communauté Européenne dans la hiérarchie des normes, V. Jean-Paul Piétri RTDE, 1976, p.199/210. 28 V Robert Kovar, Commentaire article par article du Traité, op. ,cit., p.949.
  • 16. )399 ( cette possibilité se heurte à un inconvénient, celui du manque d'ordre et de logique préétablie caractérisant les rapports qui lient les divers instruments juridiques(29 ). Ce grand désordre est en effet dû au fait que les rédacteurs des Traités communautaires n'ont pas pris le soin de différencier le pouvoir règlementaire du pouvoir législatif, ni même d'une manière générale le pouvoir législatif du pouvoir exécutif. Il semble que les auteurs des Traités ont délibérément éviter d'utiliser le terme de "loi" dans les Traités constitutifs parce qu'ils craignent de rendre difficile la ratification des traités par les législateurs frileux à l’éventualité de perdre leurs privilèges au profit des institutions communautaires. Le principe de la séparation des pouvoirs a eu une lecture différente de son contenu initial proposé par Montesquieu. En effet, les fondateurs de la Communauté ont confié, d'une part, le pouvoir exécutif à la Haute Autorité dans le Traité CECA ainsi qu'aux Commissions dans les deux autres communautés et, d'autre part, ils ont l'exercice du pouvoir juridictionnel à la Cour sans toutefois prévoir la mise en place d'un véritable pouvoir législatif. Certains auteurs comme C.F. Ophüls(30 ) ont considéré comme similaires certains actes à des normes législatives comparant ainsi les règlements qui constituent la quasi législation des communautés aux lois étatiques, les directives correspondant aux lois cadre des Constitutions fédérales et enfin les décisions aux actes administratifs. 29 V. " Les Conseils" in Droit des Communautés Européennes, Bruxelles, 1969, p.239, où l'auteur reprend, mot pour mot, l'idée qu'il avait émise en 1964 dans son article "Les Conseils des Communautés Européennes" in Annuaire Français de Droit International, p.666. 30 V. "Les règlements et les directives dans le Traité de Rome", Cahiers de droit européen n0 1, 1966, p.10.
  • 17. )400 ( Pour Pierre-Yves Monjal(31 ) le droit communautaire connaît plutôt une sorte d'horizontalité normative puisqu'il n'existe,ni un domaine législatif dans lequel une loi communautaire serait adoptée,ni un domaine exécutif au sein duquel un règlement d'exécution serait édicté; le premier domaine aurait pour mission de fixer les règles fondamentales, le second de les exécuter. Il apparaît donc que la distinction entre les mesures qui se fondent sur les règles de base et les procédés qui concernent leur mise en œuvre passe dorénavant au sein même des règles mentionnées(32 ). Force est de constater que l'on trouve, dès lors, des règlements de base et des règlements d'exécution; il en est de même pour les directives. En reconnaissant qu'il est relativement difficile de préciser exactement quel est le critère qui distingue les deux concepts des règlements de base et d'exécution, Claude Blumann(33 ) estime nécessaire de reconnaître qu'il existe malgré tout une sorte d'asymétrie entre les deux notions de règlements de base et d'exécution. Les premières se caractérisent d'après lui par l'unicité et de ce fait on ne relève qu'un règlement de base par matière ce qui explique la richesse de son contenu(34 ); en revanche, on note une grande diversité de règlements d'exécution adoptés soit par le Conseil, soit par la Commission, voire 31 Pierre-Yves Monjal, Recherches sur la hiérarchie des normes communautaires, collection "Bibliothèques de droit international et communautaire, tome 112, LGDJ 2000, pp. 531 et suivantes. 32 Sur cette esquisse de hiérarchie, V. Louis Cartou "Actes juridiques communautaires unilatéraux" in Encyclopédie Dalloz, 1992, p.7. 33 Claude Blumann , op. cit.pp.20 et s. 34 L'auteur cite, par exemple, les règlements de base n0 888/87 du 16 mars 1987 (JOCE n0 L du 27 mars 1987) sur l'organisation du marché des produits vitivinicoles qui comporte plus de 60 pages.
  • 18. )401 ( même par les Etats membres chargés de l'exécution du droit communautaire. Une telle situation ne contribue certes pas à faciliter le classement des actes atypiques qui paradoxalement tiennent un rôle non négligeable dans la détermination de l'ordre juridique, renforçant ainsi, en fin de compte la confusion au sein des normes communautaires. 2- Les conséquences inhérentes à la non classification Le nombre grandissant d'actes atypiques que l'on ne peut classer au sein des normes communautaires, entraîne des conséquences négatives aussi bien sur les rapports existants entre les institutions communautaires (a) que sur leurs relations avec les Etats membres de la Communauté (b). a- Les actes atypiques et le renforcement des équilibres entre les institutions L'une des questions majeures inhérentes à l'utilisation par le Conseil ou par la Commission des mesures qui ne sont pas prévues dans les Traités est de savoir si cette pratique permet aux institutions dans certaines hypothèses de se borner à adopter un acte moins contraignant par rapport à celui basé sur un article du Traité(35 ). Cette question peut paraître logique puisque la seule lecture de l'article 189 du Traité donne l'impression que l'action des institutions communautaires se trouve canalisée à l'intérieur de "conteneurs" 35 C'était également l'interrogation de M. Alain Gérard et de Mme Denise de Ripainsel-Laudy ("La notion juridique de la directive utilisée comme instrument de rapprochement des législations dans la Communauté Economique Européenne" in Les instruments de rapprochement des législations dans la Communauté Economique Européenne, Bruxelles: éd. De l'Université, coll. Thèses et Travaux Juridiques, 1976, p.40 et ss.) se demandant s'il était loisible au Conseil de recourir à une directive quand le Traité l'autorise à intervenir par voie de règlement.
  • 19. )402 ( spécifiques(36 ). Pour Jean-Victor Louis(37 ), le principe de l'attribution de compétences entraîne nécessairement l'impossibilité de procéder de la même manière par voie détournée en faisant appel par exemple à des directives qui ne sont en réalité que des règlements masqués. Pourtant, il n'a pas manqué de souligner que ni le Conseil, ni la Communauté ne se sont toujours préoccupés de la forme des actes, ne sachant choisir face au dilemme suivant, à savoir: délimiter un acte et sa forme par le fond ou assurer par la forme une certaine portée à un contenu donné. Ainsi se dégagent deux types d'actes; les uns qui ont toujours fait l'objet d'un règlement et d'autres qui sont adoptés sous la forme de décisions(38 ). Eu égard à la liberté reconnue aux institutions communautaires concernant le choix entre une large variété de mesures, encouragée de plus par la formulation très souple de certains textes des Traités, il est aisé d'imaginer la position des mesures qui ne sont pas prévues dans les dispositions communautaires. Le Conseil et la Commission se voient alors dotés d'une large liberté d'action en vertu de laquelle ils peuvent agir sous quelle que forme que ce soit, au risque de mettre en péril l'équilibre des rôles entre eux. En ce sens, Pierre-Henri Teitgen avait déjà souligné les risques qui peuvent se 36 Expression employée par M. Antonio Tizzano (op.cit. p.222) pour parler de types d'actes prédéterminés et définis analytiquement par le Traité. L'auteur admettant lui-même que la prévision de l'un ou de l'autre acte n'est pas liée à leur degré de force normative, mais à leurs fonctions et aux finalités que l'on entend poursuivre. 37 V. Les règlements de la Communauté Européenne, op. cit. p.276. 38 Ibid. p.182. Ainsi, il cite des exemples manifestes, notamment le règlement n0 7 adopté le 18 décembre 1959 (JOCE n0 L 4 du 30 janvier 1961) concernant la Politique Agricole Commune et portant en fait modification autonome du Traité où le Conseil a pris des actes sous la forme de règlements en raison de leur importance objective pour le fonctionnement de la Communauté et pour tenter d'éliminer les doutes en ce qui concerne la portée des actes déterminés.
  • 20. )403 ( produire lorsque le Conseil édicte soit par voie de déclaration des procédés qui selon les dispositions communautaires ne devraient être. adoptés que sur proposition de la Commission. Ainsi, cette dernière se trouve privée de toute initiative et de possibilité d'élaboration ou de modification puisqu'elle n'a plus qu'à accepter un fait déjà accompli. Cette singulière situation se rencontre aussi dans la relation entre le Conseil et le Parlement lorsque le Conseil demande l'avis du Parlement concernant une disposition qu'il s'est déjà engagé à adopter par une décision interne. De son côté, la Commission peut par le biais de moyens aussi flexibles que les recommandations retrouver un pouvoir d'orientation qui ne lui était pas à l'origine destiné(39 ). Comme l'a déjà souligné Charles-Albert Morand(40 ), les faits démontrent que le Conseil et la Commission ont bien conscience d'édicter des règles juridiques lorsqu'ils adoptent des mesures dénuées de toute force obligatoire ce qui met leurs destinataires dans une situation fort embarrassante. b- Les actes atypiques et le renforcement de l'insécurité juridique pour les Etats membres à la Commission européenne Le Conseil d'Etat français a toujours fait preuve de prudence quant à l'adoption grandissante de mesures communautaires externes à la nomenclature de l'article 189. La réticence du Conseil d'Etat se traduit, d'une part, par son refus de reconnaître une valeur juridique supérieure 39 Selon les termes de MM. Panayotis Soldatos et Georges Vandersanden, Les recommandations sources indirectes du rapprochement des législations nationales dans le cadre de la CEE, op.cit. p. 102. M. Charles Chaumont (Les organisations internationales, Paris: Les cours de droit 1960-61, p.178), préférait parler de compétences d'injonction, alors que M. Dumon ("L'afflux européen dans les droits internes", Cahiers de droit Européen, 1965, p.43) reconnaissait aux recommandations un rôle d'impulsion. 40 Charles-Albert Morand, Recommandations, résolutions et avis, op.cit. p.626.
  • 21. )404 ( aux actes non inclus dans les textes communautaires sur le droit interne prétextant l'absence de mention par les textes du Traité(41 ) constitutifs. D'autre part, dans l'étude effectuée par le Conseil d'Etat concernant le droit communautaire et le droit français adopté par son Assemblée Générale et remise au Premier Ministre le 12 février 1982 (42 ), il s'était demandé si les décisions émanant des Etats membres à la Communauté prises au sein du Conseil s'incluaient dans la loi communautaire et si ensuite ces décisions étaient éventuellement ou non saisies par les règles institutionnelles d'application et d'interprétation du Traité. L'avis du Conseil d'Etat a été clairement souligné dans son Rapport public paru en 1992, dans lequel le Conseil a rappelé la multiplicité d'actes de nature imprécise tels que les communications, les résolutions, les Beschlusses, les codes de conduite ou les instructions et a estimé qu'ils n'étaient pas pour autant dénués de toute importance. La preuve étant que les administrations les considèrent comme générateurs des obligations et certains Ministères s'appuyant sur eux lors de procédure contentieuse ou pour soutenir des propositions de textes normatifs. Le Conseil d'Etat conclue son rapport par le souhait d'un meilleur encadrement et par la nécessité de limiter autant que possible le recours à des normes non prévues par les règles communautaires. En commentant cet aspect du rapport du Conseil d'Etat, Agnès Gautier(43 ) a de manière pertinente, modéré le combat en s'appuyant sur deux exemples parmi ceux abordés dans le rapport du conseil d'Etat. 41 Idée émise par le Professeur Joël Rideau ("Droit communautaire et droit administratif, la hiérarchie des normes" ADJA du 20 juin 1996, n0 spécial, p.11. 42 V. Notes et études Documentaires, 1982, n0 4679 à 4681 spécialement p.28/29. 43 Agnès Gautier, Le Conseil d'Etat français et les actes "hors nomenclature" de la Communauté Européenne, RTDE, 1995, p.23/27.
  • 22. )405 ( Le premier exemple concerne la résolution en date du 4 août 1990 prise par les membres de la Communauté Européenne qui avait été prise comme fondement la circulaire du Ministre de l'Education Nationale français en date du 24 septembre 1990, prescrivant la suspension de toute forme de coopération technique, scientifique ou universitaire avec l'Irak en raison de l'invasion du Koweit(44 ). Le deuxième exemple est relatif à la résolution prise par le Conseil des Ministres Européens le 29 mai 1990 et à sa déclaration du 19 décembre 1991 concernant la protection de la dignité des hommes et des femmes au travail, laquelle a été prise comme base pour adopter en France la loi n0 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail. Dans ces deux exemples, Agnès Gautier a bien montré que les administrations chargées de l'application des circulaires et de la loi ont bien discerné les différences entre les termes utilisés par les institutions communautaires et n'ont par conséquent fait aucune confusion entre les actes qui ne sont pas prévus dans la nomenclature des textes. L'utilisation des actes atypiques par les institutions communautaires met donc les Etats membres dans une situation délicate car ils ne savent qu'elle attitude avoir face à des recommandations exerçant sur eux une véritable pression politique en les poussant à adopter certaines mesures ou à modifier certains textes législatifs voire même à ratifier dans un 44 Le recours en annulation dirigé contre cette circulaire ayant abouti à l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 septembre 1992 Groupement d'Information et de Soutien des Travailleurs Immigrés (GISTI) et Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) (Rec. Lebon, p. 346/347) avec conclusions du Commissaire du Gouvernement Daniel Kessler in AJDA, 1992, p. 752 et ss. Déniant tout caractère contraignant à la résolution communautaire en cause, simplement qualifiée de communication par les intervenants autres que le Ministère.
  • 23. )406 ( délai déterminé des accords internationaux(45 ), ou les obligeant à informer le Conseil des mesures prises(46 ). Soulignons en ce sens que l'Etat français a depuis longtemps reconnu aux programmes généraux une nature juridique lui conférant une force obligatoire(47 ). En règle générale, et comme l'a déjà déclaré Charles- Albert Morand(48 ), les traités communautaires contiennent certains articles qui consacrent une obligation de fidélité confédérale; ces obligations donnent la possibilité aux institutions d'être plus exigeantes que les organisations internationales traditionnelles vis-à-vis des mesures auxiliaires qu'elles rendent obligatoires aux Etats. En somme, nous sommes face à une situation des plus étrange. En effet, les actes atypiques qui, au départ, devaient combler les lacunes concernant les normes prévues dans la disposition 189 du Traité, ont au contraire renforcé la difficulté de les inclure au sein d'une hiérarchie des normes communautaires et aggraver le désordre au sein de leur nomenclature. Ceci prouve la nécessité de classer les normes 45 Comme ce fut notamment le cas de la recommandation du Conseil n0 78/584 du 26 juin 1978 (JOCE n0 L 194 du 19 juillet 1978) vis-à-vis des conventions sur la sécurité des transports maritimes. 46 Des formules diplomatiques venant toutefois donner un aspect moins contraignant. Comme dans le cas de la recommandation du 2 février 1962 au sujet de l'aménagement du monopole des bananes où, après avoir recommandé au Gouvernement italien de faire importer une certaine quantité de bananes, la Commission l'a prié de lui faire connaître, dans les meilleurs délais, et si possible avant le 15 mars 1962, les mesures qu'il avait prises en la matière. 47 V. l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'application de certains Traités internationaux (J.O. Assemblée Nationale, documents 2 ème session ordinaire 1963-1964, p.566) :"En matière de droit d'établissement et de prestations de service, les obligations de la France sont déjà déterminées par deux programmes généraux et un échéancier de libération très précis, que le Parlement ne saurait remettre en cause sans méconnaître nos engagements internationaux, ce qui en l'occurrence justifie le recours aux ordonnances prévues par l'article 38 de la Constitution." 48 Charles- Albert Morand, op. cit. p. 629
  • 24. )407 ( européennes dans une structure pyramidale dont l'absence constitue leur raison d'être. II- L'acte atypique et la nécessité d'une hiérarchie des normes Parallèlement aux modes d'intervention prévus dans l'ordre juridique communautaire, d'autres modes ont été inventé dans la pratique par les institutions sans que ces derniers ne soient mentionnés dans les textes. L'utilisation croissante de ce type d'actes dits "atypiques" est devenue courante car ils ont contribué à combler certains manquements ou lacunes. Cependant, ces nouveaux actes ont en même temps déséquilibré en quelque sorte l'ordre juridique communautaire. Consciente du fait que le recours des institutions aux actes atypiques dû à l'absence d'une hiérarchie des normes au sein du droit communautaire, la Cour de justice s'est alors penchée sur ce problème (A) avant qu'enfin plusieurs projets ayant pour objet la réforme des structures mêmes de la Communauté ne s'y intéressent (B). A- L'apport jurisprudentiel dans l'adoption d'une hiérarchie impliquant les actes Dans l'exercice de son rôle en tant que juge de la légalité, la Cour de justice européenne a, de son côté, essayé d'établir autant que faire se peut un ordre pyramidal des normes communautaires(49 ). De ce fait, certains auteurs sont allés jusqu'à la comparer avec une Cour constitutionnelle surtout lorsqu'elle se doit d'examiner des lois dérivées au Traité(50 ). 49 M. Pierre-Yves Monjal (op.cit. p.692 et ss.), tout en reconnaissant les efforts accomplis pour passer d'un désordre originaire à un ordre jurisprudentiellement construit, n'en omet pas pour autant de souligner les insuffisances 50 V., au sujet de cette assimilation, Nicola Catalano, Manuel de droit des Communautés Européennes, op. cit. p. 76 et ss.
  • 25. )408 ( Ainsi, la Cour se trouve chargée d'une fonction structurante en matière d'agencement des normes juridiques. Bien que la Cour a su en effet élargir son contrôle de légalité des actes émanant des organes communautaires et qui ne sont pas prévus dans les textes du Traité constitutif (1), elle n'a pourtant pas réussi à leur conférer un rang au sein d'un ordre juridique (2). 1- L'élargissement des cas de recours Afin de contrôler la légalité des actes procédant du Conseil et de la Commission communautaires, hormis les avis et les recommandations, la Cour de justice s'est basée sur le premier alinéa de l'article 173. A ce propos, la Cour a déclaré que son contrôle s'étend à des textes multiples et variés (a) dès qu'ils ont une portée juridique (b). 2- Le contrôle de la Cour ne se limite pas à la qualification La Cour de justice a estimé que la qualification donnée aux normes par les organes communautaires n'est pas une règle décisive de l'examen de la légalité d'un acte. On peut trouver au sein du contentieux des mesures prises par la Haute Autorité de la Communauté Européenne du Charbon et de l Acier des exemples qui illustrent cette politique soutenue par la Cour(51 ). Dans son arrêt rendu le 16 juillet 1956 opposant la Fédération Charbonnière de Belgique à la Haute Autorité, appelée aussi "Fédéchar", la Cour s'est attachée à vouloir comprendre dans quelle mesure des actes pouvaient être qualifiés de lettres par la 51 Cette attitude jurisprudentielle de la Cour rejoint d'ailleurs la conception de Mme C. Constantinides-Megret (Le droit de la Communauté Economique Européenne et l'ordre juridique des Etats membres, Paris: LGDJ, 1967, p. 24) pour qui la nature juridique d'un acte communautaire est déterminée non par le choix de sa forme juridique, mais par son contenu matériel
  • 26. )409 ( Haute Autorité et malgré tout être soumis au contrôle de la légalité(52 ). De même, en ce qui concerne l'arrêt Société des Usines de la Sarre contre la Haute Autorité rendu le 10 décembre 1957(53 ), la Cour a confirmé sa précédente jurisprudence en affirmant que les décisions ou recommandations procédant de cette dernière et qui sont fondées sur l'article 14 du Traité CECA, font l'objet d'un contrôle de légalité même si elles ne répondent pas aux exigences formelles. Soulignons également que les juges luxembourgeois se sont demandés si l'avis émanant de la même autorité sur la base du paragraphe 4 de l'article 54 du Traité n'est pas en réalité une décision camouflée. Ainsi, la Cour ne se limite pas à la seule considération de la forme qui reste, à elle seule, d'après cette dernière, insuffisante pour déterminer la réelle nature de l'acte. Cette attitude de la Cour lui a permis en réalité d'exercer son contrôle de légalité sur les normes communautaires sans qu'elle se limite à la qualification de ces actes donnés par les institutions communautaires ne peuvent, d'après cette jurisprudence, soustraire ces actes à la censure en leur donnant une fausse qualification. Cette réalité a été confirmé dans plusieurs arrêts rendus par la Cour de justice, comme à titre d'exemple celui de la confédération nationale des producteurs de fruits et légumes et autres contre Conseil de la Communauté Economique Européenne et fédération nationale de la boucherie en gros et du commerce en gros des viandes et autres contre Conseil de la Communauté Economique Européenne du 14 décembre 52 V. affaire n0 8/55 Rec. c. 199/209. 53 V. affaires jointes n0 1/57 et 14/57 Rec. p. 201/224.
  • 27. )410 ( 1962(54 ), et l'arrêt rendu le 15 mars 1967(55 ) qui oppose la société anonyme cimenterie CBR Cementsbedrijven N.V. et autres contre Commission de la Communauté Economique Européenne, où la Cour ne s'est pas limitée à la qualification donnée par les institutions aux actes faisant l'objet du contentieux; par conséquent, elle a considéré que les communications n'étaient en réalité qu'une décision n'échappant pas de ce fait à la censure. On peut citer également l'arrêt République Française contre Commissions des Communautés Européennes en date du 13 novembre 1991(56 ) relatif au code de bonne conduite. De cette manière, la Cour a su étendre son contrôle à des actes non prévus dans les textes ce qui signifie que la plupart des actes atypiques peuvent faire l'objet d'un contrôle de légalité devant les juges européens.. C'est en ce sens que l'on trouve la formule suivante mentionnée dans la plupart des arrêts que l'on vient de citer:"Le recours en annulation est ouvert à l'égard de toute disposition prise par les institutions, quelle qu'en soit la nature ou la forme, qui vise à produire des effets de droit". Ce dernier élément a été pris en considération par la Cour comme une exigence nécessaire afin qu'elle puisse exercer son contrôle de légalité sur des actes atypiques. a- Le contrôle de légalité et la portée juridique de l'acte La Cour a confirmé qu'elle ne peut exercer son contrôle de la légalité que sur les mesures susceptibles de produire des effets juridiques quelle que soit la qualification donnée aux actes par les institutions. 54 V. respectivement affaires jointes n0 16 et 17-65 et n0 19 à 22/62 Rec. p.901 et ss. 55 V. affaires jointes n0 8 à 11/66 Rec. p.93 et ss. 56 V. affaires n0 303/90 Rec. p.I. 5315 et ss.
  • 28. )411 ( Cette exigence posée par la Cour afin que le recours soit recevable se dégage des arrêts rendus dans le cadre de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. A ce propos, la Cour a bien souligné dans son arrêt société anonyme usines Emile Henricot contre Haute Autorité datant du 5 décembre 1963(57 ) que l'exercice de son pouvoir de censure ne s'affecte que sur des mesures qui visent à produire des effets juridiques. Par conséquent, les actes qui ne sont pas susceptibles de produire des faits de droit s'excluent de son contrôle de légalité. En effet, c'est à l'occasion de la contestation de la part de la Commission de la Communauté Européenne de la légalité d'une délibération procédant du Conseil fixant certaines conclusions relatives à l'attitude à suivre par les Etats membres dans la négociation sur l'Accord Européen de transport Rotier que la Cour, à travers son arrêt rendu le 31 mars 1971, a bien transformé sa jurisprudence déjà cité au sein de la Communauté Economique Européenne(58 ). Dans cet arrêt, la Cour a bien déclaré qu'au terme du dernier alinéa de l'article 189, seules les recommandations ou avis dépourvus de toute force obligatoire ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant elle. Les juges luxembourgeois ont également fait référence à l'article 173 qui, d'après eux, considère comme acte susceptible de recours en annulation, toute mesure procédant d'organe communautaire et visant à produire des effets de droit(59 ). Enfin, la Cour a pris le soin d'affirmer dans l'attendu 41 de son arrêt, que toute disposition prise par les institutions peut, 57 V. affaires jointes n0 23,24 et 52/63 Rec. p. 439 et ss. Et Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes, tome 1, n06, p.22 et ss. 58 V. affaire n0 22/70 Rec. p.263 et ss.; Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes, tome 1, n0 13, p.51 et ss. 59 M. René Joliet: Le droit constitutionnel des Communautés Européennes, le contentieux, Faculté de Droit, d'Economie et de Sciences Sociales de Liège, 1981, p.66).
  • 29. )412 ( quelle que soit sa nature ou sa forme, faire l'objet de contrôle de légalité en vue de l'annuler, à condition qu'elle vise toutefois à produire des effets juridiques. La Cour de justice européenne se voit donc dans l'obligation d'exercer son contrôle de légalité sur les résolutions ou conclusions prises par le Conseil à partir du moment où elle juge qu'elles ont dépassé le stade préparatoire Cette tendance a été clairement confirmé par la Cour à travers son arrêt rendu le 5 juin 1973 intitulé "Commission des Communautés Européennes contre Conseil des Communautés Européennes"(60 ) et l'arrêt International Business Machines Corporation contre Commission des Communautés Européennes rendu le 11 novembre 1981(61 ). La Cour a bien souligné dans ce dernier arrêt que le contrôle de la légalité a pour but d'assurer, conformément à l'article 164, le respect des droits dans l'interprétation et l'application des dispositions juridiques et par conséquent, il sera contraire à cet objectif d'interpréter d'une manière restrictive les conditions nécessaires afin que le recours en annulation dirigé contre une mesure communautaire soit recevable. A la lumière de cette jurisprudence, on peut dire que, d'une manière générale, les actes atypiques, quelle que soit leur nomination ou leur origine (l'institution qui les a pris), les codes de conduite du Conseil(62 ), les instructions internes de service(63 ), les lettres de classement de la 60 V. affaire n0 81/72 Rec. p.575 et ss., et spécialement p.584. 61 V. affaire n0 60/81 Rec. p.2639 et ss. 62 V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 13 novembre 1991 (affaire n0 C 303/90 Rec.p. I 5313). 63 V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 9 octobre 1990 ( affaire n0C 366/88 Rec. p. I 3571 et ss.).
  • 30. )413 ( Commission(64 ), les communications de la Commission(65 ), voire même une simple déclaration du porte-parole d'un Commissaire (66 ), d'une décision verbale(67 ) ou des mesures prises par le Parlement Européen (68 ), etc…, font l'objet d'un contrôle de légalité par la Cour de justice européenne et peuvent par conséquent être censurés par cette dernière, à partir du moment où ces actes visent à produire des effets de droit(69 ). Cependant, si la Cour a su parfaitement élargir les cas d'ouverture de recours en annulation de manière à s'assurer la possibilité de contrôler 64 V. la jurisprudence citée Supra note 12, et notamment les arrêts dits des "parfums" du 10 juillet 1980. 65 V. arrêt République Française c. Commission des Communautés Européennes du 16 juin 1993 ( affaire n0 C 325/91 Rec. p. I 3283 et ss., avec commentaire du Professeur Maurice- Christian Bergeres in Recueil Dalloz-Sirey, 1994, Jurisprudence, p.61/66. 66 V. Arrêt du tribunal de Première Instance Société anonyme à participation ouvrière compagnie nationale Air France c. Commission des Communautés Européennes du 24 mars 1994 (affaire n0 T 3/93 Rec. p II 121 et ss.). 67 V. Arrêt Nelly Kohler c. Cour des Comptes des Communautés Européennes du 9 février 1984 (affaires jointes n0 316/82 et 40/83 Rec. p. 641 et ss.). 68 V. Arrêt Grand Duché du Luxembourg c. Parlement Européen du 10 avril 1984 (affaire n0 108/83 Rec. p. 1945) avec commentaire de M. Jean-Claude Masclet (Les grands arrêts du droit communautaire, Paris: PUF Que sais-je? N0 3014, 1995, p.65/66, n038) à propos d'une résolution parlementaire, ou l'Arrêt Parti Ecologiste "Les Verts" c. Parlement Européen du 23 avril 1986 (affaire n0 294/83 Rec. p. 1339; Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes, tome I, n0 57, p. 295 et ss. ) au sujet d'une décision du Parlement Européen relative au financement de la campagne électorale de partis politiques. 69 Parmi les relativement rares exemples a contrario de recours jugés irrecevables en raison du caractère non décisoire de l'acte en cause, on peut citer l'arrêt Sucrimex SA et Wetzucker Gmbh c. Commission des Communautés Européennes du 27 mars 1980 (affaire n0 133/79 Rec. p. 1299 et ss.) à propos d'une manifestation d'opinion écrite émanant d'une institution communautaire. Le Tribunal de Première Instance a suivi la même voie, par exemple dans son arrêt Nederlandse Associatie van de Farmaceutische Industrie "Nefarma" et Bond van Groothandelaren in het Farmaceutische Bedrijf c. Commission des Communautés Européennes du 13 décembre 1990 (affaire T 113/89 Rec. p.II 798 et ss.) ayant affirmé que l'acte de nature indéterminée adopté par une institution dans un domaine dans lequel elle n'a pas compétence pour instituer des obligations à simple valeur d'avis. On peut encore citer l'arrêt Parlement Européen c. Conseil et Commission des Communautés Européennes du 30 juin 1993 (affaires jointes n0 C 181/91 et C 248/91 Rec. p. I 3685) à propos d'une décision des représentants des Etats membres en matière d'aide humanitaire en faveur du Bangladesh ou encore, tout dernièrement, l'arrêt du Tribunal de Première Instance du 16 avril 1997 cité in Europe, juin 1997, p. 13/14, n0 187, à propos de proposition de règlements.
  • 31. )414 ( la légalité des actes atypiques, marquant ainsi une étape importante à leur hiérarchisation, cette jurisprudence reste malgré tout insuffisante pour déterminer leur place au sein d'une structure pyramidale des règles juridiques. 3- L'établissement d'une suprématie En vue d'une hiérarchisation des normes communautaires, qu'elles soient prévues ou non par les Traités, la Cour de justice européenne n'a jamais tenté de déterminer la nature juridique des normes communautaires en fonction de leur auteur (a); cependant, elle a toujours admis une sorte de suprématie aux règles de base sur celles chargées de leur mise en œuvre (b). a- Le rejet du critère organique C'est dans l'affaire Salumficio di Cornuda SPAcontreAdministration des Finances de l'Etat(70 ) que la Cour a bien montré qu'elle ne prend pas en considération l'auteur de l'acte comme un élément influant sur la détermination de la valeur juridique de ce dernier ni pour parvenir à rétablir une sorte d'ordonnancement entre les différentes normes. Dans cette affaire, la Cour a bien déclaré l'absence totale d'aucune sorte de hiérarchie entre deux décisions fondées sur le même règlement, coexistantes, toute deux adoptées le même jour, le 28 juillet1966 et procédant d'institutions différentes. La première décision a été prise par le Conseil selon laquelle ce dernier autorise l'Italie d'accroître, dans le domaine de la viande bovine, les prélèvements applicables à certains importateurs en provenance des pays tiers. L'autre décision a été adoptée, quant à elle, par la 70 V. Affaire n0 130/78 Rec. p. 867 et ss. citée in Jueisclasseur, fascicule n0 411, p. 13.
  • 32. )415 ( Commission et impose au gouvernement italien la nécessité de supprimer les mesures de sauvegarde prises pour les gros bovins et les veaux. (71 ) Cette jurisprudence a été confirmée dans l'arrêt société Jean Lion et autre contre Fonds d'intervention et de Règlementation du marché du sucre en date du 28 octobre 1982(72 ) où les juges luxembourgeois ont bien affirmé l'inexistence d'aucun rapport hiérarchique entre les deux règlements procédant pourtant de la même institution, à savoir: la Commission. En ce qui concerne le premier règlement n0-3016/78 datant du 20 décembre 1978(73 ) ainsi que celui n0- 878/77 du 26 avril 1977(74 ), ils ont pour objectif de fixer certaines règles relatives à l'application des taux de change dans le secteur du sucre. Dans cette affaire, la Cour a souligné que, même si ces deux règlements se fondent sur des base juridiques différentes, ils se situent pourtant au même niveau d'exécution par rapport au règlement n0 3330/74 procédant du Conseil et qui comporte une réglementation commune du marché dans le secteur du sucre. On remarque donc, à travers ces précédents arrêts, que la Cour refuse de se baser sur le critère organique, en l'occurrence l'auteur de l'acte, pour conférer une certaine suprématie à certaines règles par rapport à d'autres. Il serait par conséquent vivement souhaitable que les actes atypiques soient inclus dans une hiérarchie afin de contraindre la Commission à ne pas user de ce moyen pour effacer les privilèges du 71 Ibid, p. 867 et ss. (120) 72 V. affaires jointes n0 292 et 293/81 Rec. p. 3887, et Cahiers de droit européen n0 5- 6, 1983, p.566. 73 . JOCE n0 359 du 22 décembre 1978. 74 JOCE n0 L 106 du 29 avril 1977.
  • 33. )416 ( Conseil en faisant appel aux actes atypiques qui s'opposent aux décisions arrêtées par ce dernier. Toutefois, le risque reste restreint dans la mesure où les juges luxembourgeois restent impartiaux quant à l'application des règles de base par les textes d'application. b- L'adoption d'un critère matériel Si, comme nous venons de le montrer, la Cour de justice a refusé de se baser sur un critère formel pour conférer à certains actes une suprématie par rapport à d'autre, elle a aussi bien compris que c'est seulement à travers un critère matériel que l'on peut parvenir à faire prévaloir un acte communautaire sur un autre. Autrement dit, la Cour a parfaitement conscience que l'ordre juridique communautaire ne peut fonctionner d'une manière en quelque sorte harmonieuse qu'en admettant la supériorité des normes fixant les principes sur celles chargées de les appliquer. Le recours par les juges luxembourgeois à la règle selon laquelle les mesures édictant les principes a une valeur prééminente par rapport à celles chargées de leur mise en œuvre, a été mis en évidence par la Cour de justice à travers les arrêts Einfuhr und Vorratsstelle für Getreide und Enttermittel contre Köster et autre(75 ) et l'arrêt Otto Scheer contre Einfuhr und Vorrastelle für Getreide und Enttermittel(76 ).La Cour a en effet bien reconnu l'existence d'une différence entre les mesures de base et celles chargées de leur exécution. A ce propos, elle a déclaré que :"tant le système législatif du Traité, reflété notamment par l'article 155, dernier tiret, que la pratique 75 V. affaire n0 25/70 Rec. p. 1161 et ss concl. Dutheillet de Lamothe.: Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes, tome I, n0 9, p.33/35, et Claude Blumann, op. cit., p.162/163. 76 V. affaire n0 30/70 Rec. p. 1197 et ss.
  • 34. )417 ( constante des institutions communautaires établissent, conformément aux conceptions juridiques reçues dans tous les Etats membres, une distinction entre les mesures qui trouvent directement leur base dans le traité même et le droit dérivé destiné à assurer leur exécution". Ainsi, la Cour affirme clairement, qu'à partir du moment où l'acte à adopter ne dépasse pas le cadre d'une stricte application, c'est-à-dire n'empiète pas sur "les éléments essentiels de la matière à régler", sa légalité ne peut pas être contestée Par cette jurisprudence, la Cour contribue ainsi à enrichir la nomenclature des normes communautaires en établissant une hiérarchie entre les actes de base et les actes d'exécution, selon laquelle le premier se trouve conféré d'une sorte de suprématie par rapport au deuxième. En appliquant cette jurisprudence, la Cour a déclaré, dans les arrêts Rey Soda contre Cassa Conguaglio Zucchero rendu le 30 octobre 1975(77 ) et l'arrêt Effem contre Hauptzallam Lüneburg en date du 9 mars 1976(78 ) que les mesures d'exécutions prises par la Commission sont illégales car elles violent le règlement de base édicté par le Conseil. Partant du même principe qui confère une suprématie aux normes de base par rapport aux mesures d'exécution, la Cour a estimé légale la pratique du Conseil consistant à renforcer son pouvoir normatif(79 ) en se bornant, dans un premier temps, à édicter des actes, conformément aux procédures prévues par le Traité et qui sont caractérisés, en général, par leur lourdeur. A travers ces actes, le Conseil arrête les principes généraux et constants d'un règlement. Puis, dans un deuxième temps, il 77 V. affaire n0 23/75 Rec. p. 1279, rendu sur demande de décision préjudicielle formée par le Pretore d'Abbiatengrasso. 78 V. affaire n0 95/75 Rec. p. 3613. 79 Conformément l'expression du Professeur Guy Isaac, op. cit. p. 131.
  • 35. )418 ( procède à son exécution par le biais de d'autres actes pris par lui-même mais cette fois conformément à des procédures moins lourdes(80 ). La Cour a souligné enfin que la primauté des textes de base sur les textes d'exécution doit être observée dans tous les cas, même lorsqu'ils émanent du Conseil lui-même. En ce sens, la Cour n'a pas hésité à se référer au principe patere Legem pour affirmer dans son arrêt "Deutsche Tradax Gmbh und Vorrastelle für Getreide und Enttermittel" rendu le 10 mars 1971(81 ) que le Conseil ne pouvait lui-même déroger dans l'acte d'application aux actes de base dont il est l'auteur(82 ). La logique impose donc que cette jurisprudence s'applique sur les actes atypiques afin d'éviter que ce dernier ne puisse dénaturer, sous prétexte de l'appliquer, une mesure arrêtée en vertu d'un mode d'action non prévu. Malgré l'effort effectué par les juges luxembourgeois, qui a au moins le mérite de surmonter certaines difficultés que nous venons de présenter relatives aux actes atypiques, cet effort reste cependant insuffisant pour bien déterminer le rang des mesures sui generis au sein d'une hiérarchie de normes communautaires. Ceci justifie donc la nécessité d'établir cette nomenclature des normes communautaires par le biais d'une réforme des Traités. 80 V. affaire n0 378/00, Commission c/ Parlement et Conseil, 21 janvier 2003, Rec. p. 937; aff. N0 257/01, Commission c/ Conseil, 18 janvier 2005, Rec. p. 345. 81 V. affaire n0 38/70 Rec. p. 145 et ss. Jurisprudence confirmée dans l'arrêt Commission des Communautés Européennes c. Conseil des Communautés Européennes du 5 juin 1973 (affaire n0 81/72 Rec. p. 575) où la Cour de Justice des Communautés Européennes que par sa décision du 21 mars 1972 en matière de rémunération des fonctionnaires des Communautés, le Conseil s'était lié par la période définie par lui. A contrario, il est possible de citer l'arrêt Espagne du 20 septembre 1988 (affaire n0 203/86 Rec. p.4563). 82 Seul M. Claude Blumann (op. cit. p.23, note 2) pour avoir perçu, dans cet arrêt, une primauté des règlements d'exécution du Conseil sur ceux de la Commission.
  • 36. )419 ( B- Les efforts institutionnels avortés pour élaborer une hiérarchie Les responsables chargés de mettre en place la politique communautaire ainsi que la doctrine ont véritablement commencé à porter leur attention sur la nécessité de mettre en place, au sein des normes communautaires, une hiérarchie fondée principalement sur leur respective importance et ce à partir des années 80(83 ). Bien que bon nombre de réflexions ait été mené soit à l'initiative des institutions européennes elles-mêmes ou soit à l'initiative des Etats membres (1), il est à noter qu'aucune jusqu'à présent n'a été transposée aux traités (2). 1- Projets de réforme institutionnelle Le projet de Traité élaboré en 1984 par le Parlement Européen mérite une attention toute particulière car il est le premier à avoir commencé à traiter avec précision (a) la question de la hiérarchisation des normes. Cependant, il n'est pas dépourvu d'intérêt d'examiner les autres contributions concernant ce sujet (b). a- Le projet de réforme de 1984 La Commission Institutionnelle(84 ) du Premier Parlement Européen a élaboré un texte en vue de mettre en place une réforme générale de la procédure législative communautaire. Ce texte propose un projet ayant pour objectif de résoudre la question concernant l'ordonnancement des normes communautaires. Dans ce projet dénommé Spinelli, on trouve dans le Titre II relatif aux actes de l'Union, l'article 34 qui propose les prémices de la définition de la loi communautaire qui a pour objectif de délimiter les règles 83 Antonio Tizzano, La hiérarchie des normes communautaires", op.cit. p.220. 84 Assistée de quatre spécialistes éminents du Droit constitutionnel et du droit communautaire: les Professeurs J. P. Jacques de Strasbourg, F. Capotorti de Rome, M. Hilf de Bielefeld et F. Jacobs de Londres.
  • 37. )420 ( s'appliquant à l'action commune tout en soulignant les distinctions qui existent entre les lois organiques, ordinaires et budgétaires. On trouve également l'article 36 qui confère conjointement au Parlement et au Conseil l'exercice du pouvoir législatif. Quant à la Commission, son rôle se limite à l'initiative selon l'article 37 de ce projet. Mais ce qui nous intéresse dans ce projet, c'est l'article 40 qui, tout en conférant à la Commission le pouvoir de prendre les règlements et décisions indispensables à l'application de la loi tout en respectant les procédures prévues par cette dernière, l'article semble pourtant d'une certaine façon refuser d'envisager l'adoption par la Commission d'autres actes sui generis. Même si cette possibilité n'est pas exclue, les actes atypiques auraient perdu de leur importance car la Commission se trouve disposée d'un pouvoir règlementaire d'après l'article 37 du projet; par conséquent, elle peut, par le biais de ce pouvoir, récupérer une grande partie du pouvoir décisionnel sans pour autant avoir besoin de recourir aux actes atypiques pour arriver au même objectif. Mais la notion majeure de ce projet réside, d'après Claude Blumann(85 ), dans la distinction entre les domaines intégrés et les domaines non intégrés. Dans les domaines intégrés, l'action communautaire aurait correspondu à une compétence pleine et entière de l'Union et où donc cette notion de loi aurait pu être substituée aux anciens règlements dotés d'effets directs, tandis que les directives auraient été amenées à disparaître. Dans les domaines non intégrés, tels que la culture, la sécurité ou les droits fondamentaux, les Etats membres seraient intervenus conjointement avec l'Union et cette dernière aurait agi uniquement en 85 Claude Blumann, op. cit. p. 111 et s.
  • 38. )421 ( adoptant des engagements, des résolutions ou des accords formules plus souples, non prévus par les Traités, qui auraient enfin été consacrés dans l'ordre juridique communautaire. D'autres contributions, moins complètes ont été élaborées, proposant des solutions avoisinant celles suggérées par la Commission Spinelli. b- D'autres projets de Traité L'idée de hiérarchie de normes communautaires a occupé une place importante dans la quasi-totalité des projets de réformes institutionnelles élaborés par les Etats membres ou par les institutions communautaires elles-mêmes(86 ). Partant du constat que le système communautaire en vigueur ne répond plus aux besoins croissants de l'Union, les recours permanents aux actes atypiques de la part des institutions communautaires ainsi que la difficulté progressive de distinguer clairement les règlements et les directives, a conduit la délégation italienne à la Conférence Intergouvernementale à présenter une note de réflexion datant du 20 septembre 1990, stipulant la nécessité de remplacer les actes identifiés selon leur nom juridique et organisé de manière rigide par des actes différenciés selon leurs fonctions constitutionnelles, législatives ou règlementaires. Cette proposition basée sur la fonction des actes permet donc de distinguer ces derniers selon la forme des mesures; ceci conduit à soutenir que seules les normes de rang constitutionnel auraient été 86 V., sur l'évolution progressive de l'idée de hiérarchie des normes au fur et à mesure des négociations, Jim Cloos, Gaston Reinesch, Daniel Vignes et Joseph Weyland, Le Traité de Maastricht, genèse, analyse, commentaire, Bruxelles: Bruylant, coll. Organisation internationales et relations internationales n0 28, 1993, p.369 et ss., ou Yves Doutriaux, Le Traité sur l'Union Européenne, Paris: A. Colin, coll. U. Science Politique, 1992, p.40 et ss.
  • 39. )422 ( soumises en vue de leur adoption à des procédures rigides(87 ) alors que les règles qui dépendent du domaine législatif, c'est-à-dire n'ayant pas une valeur constitutionnelle mais une valeur législative, auraient pu être adoptées conformément à des procédures souples. Cette distinction va donc dans le sens d'instaurer une hiérarchie de normes communautaires. C'est en ce sens que va également le mémorandum franco-allemand du 6 décembre 1990(88 ) où le président français François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl acceptaient de suivre cette hiérarchisation. De même pour la résolution du Parlement Européen relative à la nature des normes communautaires présentée le 4 avril 1991 dénommée Rapport Bourlanges(89 ), il a bien été mis en évidence la nécessité de prévoir une possibilité de permettre, en dehors du pouvoir règlementaire conféré à la Commission, au Conseil et au Parlement, de prendre les autres actes par une décision conjointe. La rédaction proposée des articles 189, 190 et 191 du Traité ont souligné la distinction qui existe, d'une part, entre les actes législatifs et les actes règlementaires, et d'autre part, les actes voisins des directives actuelles (lois, cadres et actes règlementaires) et les actes s'apparentant aux actuels règlements (lois et actes règlementaires). La Commission de la Conférence Intergouvernementale souhaitant apporter sa participation à la réforme des articles 155 et 189 du Traité, a 87 A savoir codécision intégrale ou avis conforme, éventuellement avec la participation d'instances parlementaires nationales ou régionales. 88 V.Yves Doutriaux, op. cit., p. 48/49 et Vlad Constantinesco, Robert Kovar et Denys Simon, Traité sur l'Union Européenne, commentaire article par article, Paris : Economica, 1995, p.11, note 2. 89 V. JOCE n0 C129 du 20mai 1991.
  • 40. )423 ( associé la hiérarchie des normes et la procédure législative, renforçant ainsi l'idée de codécision. Malgré l'enthousiasme qu'a suscité cette proposition, il n'en reste pas moins qu'elle n'a pas été retenue et ne figure donc pas dans la version révisée du Traité. 2- Les réformes institutionnelles Finalement, la question de l'élaboration d'une hiérarchie des normes communautaires et donc la reconnaissance d'un statut juridique pour les actes atypiques reste encore une fois sans réponse. En effet, le Traité de Maastricht (a) une fois ratifié a renvoyé le traitement de ce problème à une nouvelle conférence intergouvernementale prévue pour 1996 (b) qui n'a pas non plus réussi à résoudre la difficulté que pose notre sujet. a- Le Traité de Maastricht Lors de cette première Conférence Intergouvernementale et après avoir pris connaissance des divers avis des Etats membres à travers leurs représentants au Conseil et d'autres institutions communautaires – la Commission et le Parlement-, concernant la possibilité de pouvoir élaborer un ordonnancement des actes, le débat a de nouveau repris, et plus particulièrement sur la codécision et les matières susceptibles d'en faire l'objet. En vue de consolider le pouvoir de l'Union Européenne, la Commission a manifesté sa volonté de mettre fin au pouvoir règlementaire en introduisant au système communautaire la possibilité d'adopter des lois législatives au sens strict du terme c'est-à-dire en suivant la méthode appliquée au sein de l'Etat fédéral qui envisage deux types de lois: les lois fédérales et les lois étatiques. Cette proposition de réforme qui a été jugée par les Etats membres trop ambitieuse, n'a pas obtenu en fin de compte un avis favorable. Si une
  • 41. )424 ( réforme radicale de la hiérarchie reste encore inenvisageable, il n'en reste pas moins qu'une orientation favorable peut être émise en vue d'améliorer le fonctionnement de l'institution car, plusieurs Etats membres sont persuadés que l'idée de hiérarchie joue un rôle important dans la limitation, d'une manière souple, du champ d'application de la codécision. Mais cela n'a pas empêché le Royaume-Uni de souligner l'absence de hiérarchie des normes au sein des pays anglo-saxons, relativisant ainsi l'importance de cette hiérarchisation. La réforme finale du Traité n'est finalement réduite qu'à un essai de sauvegarder quelque chose de l'idée de hiérarchie tout en s'appuyant sur un caractère matériel ou objectif pour définir les catégories d'actes à soumettre à la codécision, comme le font les nouveaux articles 189 A, B et C. Mais, si le nouveau Traité n'a pas eu un effet décisif concernant la hiérarchie des normes communautaires, comme nous l'avons montré, il reste à souligner que l'importance de cette dernière a bien été prise en considération par la plupart des Etats membres. Ainsi, la déclaration n0 16 annexée au dernier moment(90 ) à l'Acte Final de la Conférence Intergouvernementale fait à Maastricht le 7 septembre 1991, a pris le 90 V., par exemple, M. Jean Bouluois (Droit institutionnel de l'Union Européenne, Paris: Montchrétien, 6 ème éd., p.235) qui ne voit pas bien en quoi la hiérarchie des actes existants n'est pas appropriée- position dont nous nous sommes désolidarisés tout au long de cet article- et pour qui on voit encore moins rapport à quoi elle devrait le devenir, sinon par un sacrifice à une sorte de nominalisme qui permettrait d'utiliser les termes de loi ou de dispositions constitutionnelles.C'est également l'avis de M. Jean-Claude Piris ( "Après Maastricht, les institutions communautaires sont-elles plus efficaces, plus démocratiques et plus transparentes?", RTDE, 1994, p.29), pour qui il n'est pas évident que l'instauration d'une typologie nouvelle soit juridiquement nécessaire, compte tenu de la distinction déjà existante entre l'acte communautaire de base et l'acte d'exécution consacrée par la jurisprudence, ni quelle soit politiquement indispensable, d'autres voies étant plus aisées pour démocratiser davantage le processus de décision. Pour M. Claude Blumann (op. cit.p. 114), à l'inverse, la déclaration n016 représente plutôt un vœu montrant que les Etats membres ne sont insensibles aux difficultés actuelles.
  • 42. )425 ( soin d'apaiser les tensions en déclarant que la prochaine Conférence Intergouvernementale qui serait convoquée en 1996, étudierait de nouveau dans quelle mesure il sera possible de réexaminer l'ordonnancement des normes communautaires dans le but d'élaborer une hiérarchie adaptée à la diversité des actes. b- La Conférence Intergouvernementale de 1996. Lors de l'ouverture de la Conférence Intergouvernementale relative à la réforme du Traité de l'Union Européenne de 1996, il est apparu que la question dominant le débat concernant l'élaboration d'une hiérarchie des normes communautaires était de savoir s'il fallait ou non introduire dans le Traité, la notion de loi communautaire; elle permettrait de réunir les actes adoptés en codécision. Mais, l'introduction de cette notion ferait échouer la tentative de réforme tant cette dernière est associée, dans la plupart des Etats, à celle de souveraineté parlementaire(91 ). La difficulté demeure aussi bien lors de la Conférence Intergouvernementale de 1996 que celle de 1991 concernant la détermination d'une éventuelle frontière qui séparerait la loi du règlement d'exécution. Les raisons de cette difficulté résident en effet, d'une part, dans la crainte d'élargir l'espace normatif de la Commission chargée de l'exécution et, d'autre part, dans la difficulté de situer la loi communautaire proposée par rapport aux différentes catégories d'actes déjà existantes. 91 D'autant plus, ainsi que l'a souligné Pierre-Yves Monjal (" La CIG de 1996 et la hiérarchie des normes", op. cit. p. 715), que, compte tenu de la portée symbolique du concept de loi communautaire, interviendrait un jour la nécessité de la Constitution de l'Union comme acte fondateur. Ce qui préfigure toute une réflexion sur le post nationalisme et le post étatisme
  • 43. )426 ( Bien que la question d'ordre "quasi-épistémologique" concernant la distinction entre la notion d'acte et de norme ne dépend pas du ressort de la Conférence Intergouvernementale, il n'empêche qu'une nouvelle nomenclature devait être adoptée, et obligatoirement limitée à un nombre restreint d'actes à finalité normative. Cet état de fait se traduit sur le plan pratique par la position de la délégation italienne qui, au travers d'une communication émise le 23 février 1995 ainsi que dans une autre présentée à la Chambre des Députés à Rome le 23 mai 1995, faisait part de sa proposition de continuer à soutenir son idée première à savoir le classement des normes selon trois niveaux : constitutionnel, législatif et règlementaire. La position des autres Etats membres n'est pas aussi tranchée; en effet, les Pays-Bas se limitent à considérer que l'efficacité des normes et la démocratie appellent nécessairement l'élaboration d'une hiérarchie des actes communautaires; les autres Etats membres, à savoir l'Autriche, l'Espagne, la France ou l'Allemagne ne se montrèrent que plus ou moins enthousiastes face à la proposition italienne d'une nouvelle nomenclature(92 ). De même, le Parlement Européen ne se montre guère plus intéressé. En effet, d'une part, le rapport Herman(93 ) reste flou en n'émettant pas une position catégorique et, d'autre part, le paragraphe 32 de la résolution du 17 mai 1995(94 ), concernant le fonctionnement du Traité sur l'Union Européenne en vue de la Conférence Intergouvernementale de 1996, se suffisait à émettre de contenir la valeur des actes soumis au Parlement et au conseil par le biais de 92 V., sur les positions adoptées par les différents Etats, Pierre-Yves Monjal, op. cit. p. 703/704. 93 V. Parlement Européen 179-622 A3 64/94, notamment p.12. 94 JOCE n0 C 151/65 du 19 juin 1995.
  • 44. )427 ( l'élaboration d'une hiérarchie des normes. Les autres institutions communautaires(95 ) ne se sont pas plus exprimées sur la question d'une nouvelle nomenclature. Dans son rapport définitif du 5 décembre 1995, le groupe de réflexion présidé par le Secrétaire d'Etat aux Affaires Européennes espagnol, Carlos Westendorp les 2 et 3 juin 1995 n'ont pu eux aussi trouver un accord pour résoudre cette question. Par conséquent, il semble naturel que les conclusions du Conseil Européen de Turin datant du 29 mars 1996(96 ) se limitent à suggérer deux voies de réflexion savoir: la simplification de la procédure législative et l'élargissement de la codécision. Il semble que les changements qu'entraînent les conclusions sont si importantes qu'ils provoquent inexorablement un blocage et conduisent donc à une impasse qui se traduit par l'impossibilité de proposer un ordonnancement précis et exhaustif des instruments de la communauté Européenne. Une seule idée claire et unanime survit, celle développée par Denys de Béchillon qui consiste à affirmer que la valeur juridique d'un acte et donc son rang dans la hiérarchie dépend non pas de la nature de l'acte de l'organe dont elle procède, mais bien plutôt de l'étendue du pouvoir de cet organe lors de l'édiction. Force est de constater que malheureusement, l'espoir de l'instauration définitive d'une hiérarchie des actes ainsi que la reconnaissance officielle de la place des actes non prévus par les Traités, autrement dit, la reconnaissance juridique des actes atypiques judicieusement utilisés 95 V.à ce propos; Paragraphe 19 du Rapport de la Cour Européenne de Justice sur certains aspects de l'application du Traité d'Union Européenne de mai 1995;.Titre "Démocratie et efficacité" du Rapport du Conseil du 20 avril 1995;.Paragraphe n0 56 du rapport de la Commission du 10 mai 1995 sur le fonctionnement du Traité de l'Union Européenne, Europe. 96 Agence Europe du 30 mars 1996, n0 6699.
  • 45. )428 ( pourtant pour combler les lacunes avérées de la nomenclature de l'article 189, semble de plus en plus lointain. Un tel contexte ne fait qu'augmenter le désordre normatif, lequel contribue par conséquent à la multiplication des actes atypiques. Cette situation apparaît insurmontable et contraire au développement du concept de droit au niveau de la Communauté Européenne.