Les sportifs ont-ils plus de chances d’être recrutés que les pantouflards ? Il semble en tout cas que les recruteurs croient aux nombreuses vertus de l’exercice physique...
1. Le coup du sportif, ça marche !
Les sportifs ont-ils plus de chances d’être recrutés que les pantouflards ? Il
semble en tout cas que les recruteurs croient aux nombreuses vertus de
l’exercice physique. Va-t-il falloir s’y mettre ?
Dans la course à l’emploi, les sportifs partent souvent avec une longueur d’avance.
Car le sport, c’est un peu comme une garantie, celle des valeurs qu’il véhicule :
« globalement, on aime bien les sportifs, concède Claude Baratay, gérant du cabinet
de conseil RH Bream & Laania. Parce que sport rime avec endurance, connaissance
de ses limites, esprit d’équipe et acceptation de la souffrance ». Pour certains
recruteurs, a fortiori ceux qui sont eux-mêmes sportifs, c’est carrément
déterminant : « un esprit sain dans un corps sain, j’y crois fortement. Je suis à
l’inverse choqué par les gens qui ne font jamais de sport. C’est aussi une question
d’équilibre », estime Bertrand Bouchez-Quartier, médaillé aux championnats d’aviron
de 2004 en Angleterre et directeur commercial France-Espagne pour la société
Protective Packaging Limited.
Sportif du dimanche, méfie-toi !
Sportif tout court, c’est donc déjà bien. Pour Claude Baratay, inutile d’être un
champion ; ce qui compte, c’est une pratique régulière. D’ailleurs, il estime qu’il n’est
pas nécessaire de mentionner ses résultats sur son CV : « il suffit de préciser dans
quelle cour on joue : niveau local, régional, national… »
Mais d’autres se fient plutôt à l’expression qui dit que ce ne sont pas les efforts qui
comptent, mais les résultats. « Le sport m’a beaucoup apporté professionnellement :
c’est grâce à l’aviron que j’ai construit un réseau solide à mon arrivée en Angleterre
et grâce à lui encore que j’ai été recruté par Protective Packaging, explique Bertrand
Bouchez-Quartier. Aujourd’hui, en tant que recruteur, je suis extrêmement sensible
aux candidats qui font du sport de haut niveau. Par-contre, s’ils jouent au tennis
avec Pompon le week-end, ça m’intéresse beaucoup moins ».
Sport ≠ loisir
Dans la même veine, « attention à ne pas confondre sport et loisir », prévient Claude
Baratay. Le ski par exemple, est un loisir, à moins que vous le pratiquiez de manière
intensive. Petits matchs avec les copains le dimanche, jogging, natation… c’est un
peu ce que tout le monde fait et là encore on est à la frontière entre sport et loisir.
N’en faites pas trop non plus : si vous mentionnez 7 ou 8 activités sportives
différentes, on risque de se demander où vous trouvez le temps de travailler. Quant
aux sports dits extrêmes (escalade, parapente, kitesurf…), ce sont des activités à
double-tranchant : soit on va apprécier votre amour du risque, soit on va penser que
les arrêts maladie vont pleuvoir...
Du sport sinon rien ?
Et si je suis passionné par la philatélie ou la musique, demanderez-vous. Car tout
type d’investissement n’est-il pas, quel qu’il soit, révélateur de saines valeurs ? Là
encore, les avis sont partagés. « Être président ou trésorier d’une association par
exemple, sont aussi de bonnes preuves de ses capacités d’engagement », note
Claude Baratay.
2. Il n’empêche, pour d’autres, il manquera là-dedans l’aspect « je me fais mal pour
accéder à quelque chose », que souligne Bertrand Bouchez-Quartier. Et ne perdons
pas de vue que le sport est l’activité la plus populaire qui soit, qui « parle »
facilement au plus grand nombre. La notion de dynamisme est ainsi spontanément
rattachée au sport, alors qu’elle l’est beaucoup moins au chant, même si vous faites
36 spectacles par an.
Un critère discriminant ?
Si la fameuse distinction sport individuel/sport co semble n’avoir aucune importance,
pensez en revanche à l’image sociale que véhicule chaque sport. Le golf n’aura pas le
même impact que le foot, ce dernier ayant une image populaire tandis que le
premier fait automatiquement penser que vous faites partie d’un certain milieu. Ce
qui peut être vrai ou faux. Mais c’est comme ça, c’est ancré dans les mentalités.
Enfin, n’oubliez pas que le recruteur vous voit avec ses préjugés, comme tout le
monde. Si vous avez une attitude un peu « molle » et qu’en prime vous ne faites pas
de sport, vous avez de fortes chances de passer pour un sacré feignant. Là encore,
ça peut être complètement faux. Mais c’est à vous de le démontrer.
« Des valeurs concrètes transposables au monde du travail »,
Fulcran Fezard, responsable du service contrôle de gestion à Sup de Co Montpellier
et épéiste de haut niveau
L’escrime a donné plus d’un coup de pouce à Fulcran lors de ses
recherches d’emploi. Il partage son expérience et nous livre quelques
conseils.
En quoi le sport vous a-t-il aidé lors de vos recherches d’emploi ?
De plusieurs façons et quasi-systématiquement. Il s’est notamment révélé
déterminant lors de mon tout premier recrutement. Le DRH m’a informé après-
coup qu’à ses yeux mes résultats sportifs étaient révélateurs de valeurs concrètes
transposables au monde du travail : capacité à s’investir et à franchir des
obstacles, très bonne connaissance de soi, bonne gestion du temps (je poursuivais
ma « carrière » d’épéiste pendant mes études et sans emploi du temps aménagé),
etc. Résultat, j’ai été préféré à un autre candidat expérimenté alors que j’étais
jeune diplômé.
Et pour votre poste actuel ?
J’ignore si dans ce cas ça a été décisif, mais j’en ai beaucoup parlé avec le
secrétaire général de l’établissement, lui-même ancien sportif, lors du dernier
entretien. Je sentais qu’il connaissait l’investissement que représente le sport de
haut niveau.
Comment parlez-vous de l’escrime dans votre CV ?
3. Je mentionne dans la rubrique « activités extraprofessionnelles » que je pratique
l’escrime depuis X années, dont 15 à haut niveau. Puis je précise mes principaux
titres : une coupe du monde, de nombreuses sélections en équipe de France en
catégorie cadets, juniors et seniors, et mes trois titres de champion de France. Je
pense qu’il est important de préciser son niveau véritable : participer à un circuit
national, c’est bien. Mais finir 200ème sur 300, c’est pas pareil que faire partie du
gratin.
Comment le sport vient-il sur le tapis lors des entretiens d’embauche ?
Je ne l’ai jamais abordé moi-même car les recruteurs l’ont toujours fait. Autrement,
je l’aurais glissé au cours de l’échange, par exemple en expliquant que j’ai
développé telle qualité grâce à l’escrime. Mais si on sent que ça n’accroche pas,
mieux vaut ne pas insister, peut-être l’interlocuteur n’est-il pas sensible à ça…
Existe-t-il des « techniques » pour relier sport et travail dans son discours
?
Non, ça se fait tout seul. Quand on s’investit dans un sport on l’a en soi et on
l’exprime naturellement. Les recruteurs pensent quant à eux assez spontanément
que tu vas faire appel à tes qualités « de sportif » dans ton travail. Parfois on peut
même sentir de l’admiration, et cela met particulièrement à l’aise.
Le fait que l’escrime soit peu répandue joue-t-il en votre faveur ?
Oui, j’en suis convaincu. Qui dit rare dit original, donc ça interpelle forcément. Il y
a aussi le côté « noble » de l’escrime, souvent davantage perçue comme un Art,
qui plaît beaucoup. C’est aussi très rapide et physique, les gens le savent. La
curiosité que cela suscite fait prendre une autre tournure aux entretiens.
Priscilla Franken – Décembre 2009.