1. Protégez-Vous Août 2008 ‹ 7
ENCOUVERTURE
ENQUÊTE›Vendeurs de purificateurs d’eau 8
›Quand est-ce nécessaire? 14
NOTRE ENQUÊTE RÉVÈLE
DES TECHNIQUES DE VENTE
DOUTEUSES BASÉES SUR
UN DISCOURS ALARMISTE
TRUFFÉ DE FAUSSETÉS ET
D’INCOHÉRENCES.
C
haque année, au Salon national de l’habitation
de Montréal, des vendeurs de purificateurs
d’eau font de la prospection intensive auprès
des visiteurs. En échange de vos coordonnées,
on vous promet une analyse de l’eau de votre
robinet. Nous avons donc invité quatre représentants d’autant
d’entreprises à venir tour à tour faire leur démonstration dans
notre résidence témoin. Notre enquête révèle des techniques
de vente douteuses basées sur un discours alarmiste truffé de
faussetés et d’incohérences. Et le prix à payer est fort: jusqu’à
14 000 $ pour un système jugé la plupart du temps inutile par
les experts que nous avons consultés.
Par ailleurs, selon une étude réalisée en 2005 pour le
compte du ministère québécois du Développement durable,
de l’Environnement et des Parcs, les systèmes domestiques
de traitement de l’eau sont installés principalement pour des
raisons «esthétiques» (odeur, goût, couleur, dureté) et très mar-
ginalement pour des raisons de santé. Un autre volet de cette
enquête (dans 14 maisons alimentées en eau non potable) a
révélé que certains dispositifs n’améliorent en rien la potabilité
de l’eau parce qu’ils ont été soit mal choisis, soit mal installés
ou mal entretenus. Notre article expose les cas où l’installation
d’un système se justifie et fait le tour des principaux types d’ap-
pareils sur le marché.
Photo:RéjeanPoudrette
Purificateurs d’eau
JETERSON ARGENT
PAR LES FENÊTRES?
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2. Le spectacle des vendeurs avait pour but
premier de diaboliser l’eau du robinet.
encouverture
Photos:iStockphoto
P
ayer près de 14 000 $ pour
un système de filtration
qui remplace de l’eau pota-
ble par de l’eau potable, ça
vous intéresse? C’est pour-
tant ce que nous a proposé le vendeur
de produits RainSoft, qui s’annonçait
comme un technicien venu tester la
qualité de l’eau de notre résidence
témoin.
Au Salon national de l’habitation,
tenu en mars à Montréal, l’arme de
prédilection des vendeurs de purifica-
teurs d’eau consistait à s’inviter chez
nous pour tester l’eau du robinet. Nous
avons accepté l’offre des distributeurs
des produits Culligan, Eagle, EcoWater
et RainSoft.
Du plomb dans l’eau
ou dans l’aile?
Leur démonstration avait pour but
premier de diaboliser l’eau du robinet.
Rien de surprenant à cela, sauf que les
arguments fournis dépassent souvent
l’entendement. «Pourquoi pensez-vous
qu’il y a une explosion de cancers?»
demande le représentant d’Eagle,
avant d’ajouter: «À chaque gorgée,
vous buvez 640 produits chimiques.»
Faux. Avant de recevoir les ven-
deurs, nous avons fait faire une ana-
lyse complète de l’eau de notre maison
témoin par un laboratoire indépendant.
Résultat: une eau parfaitement potable.
Aucune trace de plomb, de mercure,
de cyanure, d’arsenic, de nitrates, de
phosphates ou de coliformes fécaux.
On a bien détecté la présence de
cuivre et de trihalométhanes (des déri-
vés du chlore), mais à des taux respec-
tivement 25 et six fois inférieurs au
maximum permis.
Parmi tous les vendeurs rencontrés,
seul le représentant de Culligan n’a pas
fait piètre figure. Pourtant, son dépliant
criard («Pour une analyse d’eau gra-
tuite, il suffit de dire... ‘‘Hé! Monsieur
Culligan’’») n’annonçait rien de bon.
Au Salon, c’est le seul qui a souligné
que l’eau de Montréal était
potable. Et une fois dans
notre maison, c’est le seul
qui percevait l’achat d’un
adoucisseurd’eaucommeun
luxe et non une nécessité. Et
son dispositif adoucisseur-
filtres-osmose inversée était,
à 3300 $, le moins cher du
lot. Ce n’est pas donné – c’est
même inutile selon les experts
que nous avons interrogés –, mais
c’est quand même 10 600 $ de moins
qu’un ensemble similaire vendu par
RainSoft, qui offre un système financé
sur 10 ans, soit «seulement 116 $ par
mois».
Peur de quoi?
En abordant les vendeurs au Salon
de l’habitation, nous avions jeté un
doute sur la qualité de notre eau pota-
ble, surtout en ce qui concerne la pré-
sence de plomb et de vieux tuyaux
peut-être contaminés dans cette mai-
son centenaire. En revanche, nous
avions spécifié que la dureté de l’eau
n’était pas un problème.
Qu’ont découvert les quatre visi-
teurs? Rien. Simplement parce que
leur laboratoire portatif ne vérifie que
Les vendeurs de purificateurs d’eau nous conjurent
d’éviter de boire l’eau du robinet, qui contiendrait
des centaines de produits chimiques nocifs. On nage
en plein délire.
par Stéphan Dussault
Tempête
dansunverred’eau
8 › www.protegez-vous.ca
Enquête›Vendeurs à l’épreuve
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3. la dureté de l’eau, un facteur qui peut
entartrer les tuyaux des électroménagers
qui consomment de l’eau chaude, comme
la laveuse et le lave-vaisselle, et imposer
l’utilisation de plus de détergent. Cela
dit, une eau dure n’a aucun impact sur la
santé, qui était notre seule préoccupation.
Pour avoir un véritable portrait de la qua-
lité de l’eau du robinet, il faut être prêt à
payer quelques centaines de dollars pour
la faire analyser par un laboratoire.
Surtout qu’avec une teneur en miné-
raux de 6,4 grains par gallon (gpg), il
s’agit d’une eau «modérément dure» selon
la Société canadienne d’hypothèques et
de logement (SCHL). Rien à voir avec
le discours de trois des vendeurs
passés chez nous, qui qualifient une
eau de «dure» à partir de 3,5 gpg.
Or, à ce taux, il n’est pas nécessaire
d’adoucir l’eau, ajoute-t-on à la Ville
d’Ottawa, qui a publié un document
sur le sujet. «Une eau qu’il n’est sur-
tout pas souhaitable d’adoucir», tran-
che Raymond Desjardins, professeur
à l’École Polytechnique de Montréal
et directeur du Centre de recherche,
développement et validation des tech-
nologies et procédés en traitement des
eaux (CREDEAU). L’ingénieur souli-
gne qu’une eau douce est plus «agres-
sive» et va dissoudre davantage de
produits toxiques pendant son parcours
jusqu’au robinet.
Et à écouter les vendeurs, l’eau douce
génère tellement d’économies que l’adou-
cisseur se paie presque tout seul: plombe-
rie qui ne s’écaille pas (?), diminution des
coûts d’eau chaude, fin de l’achat d’eau
embouteillée, vêtements qui durent plus
longtemps, utilisation trois fois moindre
de détergents, vie prolongée du lave-
vaisselle, de la laveuse et du chauffe-eau.
La distributrice des produits EcoWater
nous a promis des économies de 1150 $
par an.
Malheureusement, il s’agit le plus sou-
vent du maximum possible d’économies
par rapport à une eau très dure. Disons
poliment que ce ne sont pas tous les
citoyens qui ont un chauffe-eau dont les
éléments sont très encrassés, ni qui rédui-
ront de 60 % l’usage de détergents ou qui
conserveront leur lave-vaisselle 26 ans au
lieu de 13 grâce à une eau douce.
Bref, avant de payer un système de
3300 à 13 900 $, prenez le temps de véri-
fier les arguments des vendeurs; certains
ne manquent pas de fantaisie! Un exem-
ple parmi 100: nous avons demandé au
vendeur d’Eagle ce qu’il entendait par la
«turbidité» de l’eau, qui se définit simple-
ment par le caractère trouble de l’eau. «La
turbidité, c’est un genre de bactérie, a-t-il
répondu. Je l’ai cherché dans le diction-
naire pour savoir c’est quoi.»
Vous voulez voir les vendeurs
de purificateurs d’eau en
pleine action? Nous les avons
filmés lors de leur visite à
notre maison témoin.
Rendez-vous sur notre site Web
www.protegez-vous.ca.
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.ca
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4. encouverture
Eau dure, eau douce
U
ne eau dure contient beaucoup de minéraux, du calcium
et du magnésium en l’occurrence. Une eau trop dure
encrasse les électroménagers qui utilisent de l’eau chaude,
comme le lave-vaisselle et la laveuse, diminue leur durée de vie
et exige davantage de détergent pour un même résultat. Selon
la SCHL, vous pouvez envisager l’achat d’un adoucisseur «si votre
eau affiche une teneur supérieure à 121 mg/L» (plus de 7,1 gpg).
Pour connaître la dureté de l’eau, il suffit de contacter votre
municipalité.
Eau douce de 0 à 17 mg/L de 0 à 1 gpg
Légèrement douce de 17,1 à 60 mg/L de 1,1 à 3,5 gpg
Modérément dure de 61 à 120 mg/L de 3,6 à 7 gpg
Dure de 121 à 180 mg/L de 7,1 à 10,5 gpg
Très dure plus de 180 mg/L plus de 10,5 gpg
gpg: grain par gallon mg/L: milligramme par litre
Source: SCHL.
1 Mesure de la dureté
Le vendeur prélève un échantillon d’eau du robinet dans son
éprouvette et utilise des réactifs. Il ajoute une goutte à la fois
jusqu’à ce que l’eau passe du rouge au bleu. Chaque goutte ajou-
tée équivaut à un grain de dureté, ou un grain par gallon (gpg).
Les résultats des quatre tests varient de 7 à 11 gpg. La dureté
véritable de notre eau se situait à 6,5 gpg.
«Vous conviendrez avec moi que huit grains de dure-
té sur une échelle de zéro à 10,5, c’est assez élevé.»
v Très mauvais départ. Deux des quatre vendeurs ont
laissé entendre que la dureté maximale se situait autour
de 10. Or, on peut aisément mesurer une teneur de
25 gpg dans l’eau d’un puits privé. Alors, pourquoi
parler de huit grains sur 10 autrement que pour noircir
le portrait?
«L’important, ce n’est pas d’avoir un, sept, huit ou
20 grains de dureté; le mieux, c’est d’en avoir zéro.»
v «Au contraire, l’eau actuelle de votre robinet atteint
un bon point d’équilibre, répond l’ingénieur Raymond
Desjardins, professeur à l’École Polytechnique
de Montréal et directeur du Centre de recherche, déve-
loppement et validation des technologies et procédés en
traitement des eaux (CREDEAU). Car une eau trop douce
tend à dissoudre davantage d’éléments fixés aux tuyaux,
comme le plomb. Or, votre eau est assez dure pour lais-
ser des minéraux autour des tuyaux, ce qui diminue les
contacts entre la tuyauterie et l’eau, et elle est assez
douce pour ne pas endommager ces tuyaux ou générer
de grands inconvénients domestiques, comme rendre le
lavage difficile.»
«Oh! Vous avez 11 grains de dureté. C’est
extrêmement dur ça.»
v Surpris de ce résultat, nous avons fait analyser un
autre échantillon d’eau après le départ du vendeur. La
dureté de notre eau se situait encore à 6,5 gpg. Et puis,
11 gpg, «c’est la dureté de l’eau de Paris», dit Raymond
Desjardins. Et à Paris, on ne semble pas se formaliser de
cette eau jugée moyennement dure.
Petite trousse de laboratoire en main, les quatre vendeurs invités tour à tour chez nous branchent un adoucisseur d’eau
portatif sur le robinet du lavabo et commencent leur spectacle de 90 minutes, qui consiste en plusieurs tests pour démontrer
la piètre qualité de notre eau. Nous avons découpé leur présentation en 10 actes. Pour chacune des prétentions, nous avons
demandé à un expert de distinguer le vrai du faux.
10étapes
La vente d’un purificateur
en
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Enquête›Vendeurs à l’épreuve
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5. Photo:Fotosearch
Photo:RéjeanPoudrette
Photo:iStockphoto
3 Lavage des vêtements
On ajoute des gouttes de détergent dans un échantillon d’eau du robinet et un
autre d’eau adoucie. Il faut quatre fois plus de détergent dans l’eau du robinet
pour obtenir de la mousse.
«Si ça ne mousse pas, qu’est-ce qu’on fait? On rajoute du
détergent, et donc de l’argent.»
v Il est vrai qu’une eau douce nécessite moins de détergent. Et
pourquoi l’eau dure ne mousse-t-elle pas? lui avons-nous demandé.
«Dans votre eau, il y a du chlore, et le chlore, ça empêche de mous-
ser», répond le vendeur d’Eagle. Rien de plus faux. En fait, ce sont
les ions de magnésium et de calcium de l’eau dure qui réagissent
avec le détergent, diminuant son effet moussant et nettoyant.
Le vendeur trempe une débarbouillette dans de l’eau adoucie. Il en ressort une
bonne quantité de savon.
«De l’eau dure, ça n’a aucune capacité de rinçage, c’est aussi
simple que cela. Dans les maisons qu’on visite, on se rend
compte que 80 % des gens ont des problèmes de peau.»
v «Montrez-moi des études solides démontrant cela!» lance
Pierre Payment, microbiologiste, professeur à l’INRS-Institut Armand-
Frappier et spécialiste des effets de l’eau sur la santé. «Des études
semblent faire un lien entre l’eau dure et des problèmes de peau,
mais la preuve reste à faire. Prenons l’exemple de la hausse des cas
d’asthme. On a longtemps pensé qu’elle était associée à un affaiblis-
sement du système immunitaire dû à notre trop grande propreté.
Or, la vraie cause est l’utilisation croissante de nettoyants en vapori-
sateur. La propreté ressortait toujours dans les résultats, mais c’était
le nettoyant, le vrai problème, pas la propreté. Le même principe
s’applique à l’eau dure. La vraie cause se trouve peut-être ailleurs, on
ne le sait pas encore.»
En attendant, il y a des façons plus économiques que l’achat d’un
adoucisseur pour limiter les problèmes de peau, comme l’utilisation
de crèmes sans savon pour le lavage des mains.
4 Lavage des mains
Le vendeur nous fait laver une main avec l’eau du robinet et une autre avec l’eau
adoucie. Dans le deuxième cas, la main est plus douce, presque graisseuse, et ne
sent pas le savon.
v Il reste à déterminer si cela vaut l’installation d’un adoucisseur de
plusieurs milliers de dollars.
2 Test de précipitation
Le vendeur ajoute un précipitant à un échantillon d’eau
du robinet et à un autre d’eau adoucie. Ce précipitant
sépare les minéraux de l’eau. Après une quinzaine de
minutes, les minéraux forment un dépôt gluant au fond.
Dégoûtant!
«C’est épouvantable, n’est-ce pas? Et on ne
parle que de deux gorgées d’eau. Imaginez
tout un verre d’eau. Les minéraux responsa-
bles de la dureté de votre eau sont inorga-
niques, donc difficilement assimilables par le
corps humain. Ça fait de l’arthrite, des pier-
res aux reins, des calculs biliaires et ainsi de
suite. Pour avoir les bons minéraux d’une
feuille de laitue, il faudrait boire 40 litres
d’eau. De l’eau, il faut que ça soit pur.»
v Ce test n’a pour but que de vous faire
peur. L’eau dure n’est pas mauvaise à boire, au
contraire. Dire qu’une eau est calcaire signifie
qu’elle contient du calcium, recommandé
pour la santé.
«Il n’existe pas de bons et de mauvais
minéraux, ajoute Raymond Desjardins,
c’est pourquoi vous ne trouverez nulle
part dans le monde de norme pour limi-
ter la dureté de l’eau.»
On n’obtient pas forcément une eau
moins dure en payant le gros prix.
Le taux de dureté de l’eau de cette
bouteille est de 307 mg/L, compara-
tivement à 110 mg/L pour l’eau du
robinet de notre maison témoin.
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6. Photo:GettyImages/Glowimages
Photo:iStockphotoPhoto:iStockphoto
8 Problèmes de santé
Les vendeurs nous ont tous fait valoir les bienfaits d’une eau douce et
dépourvue de produits chimiques. Encore là, il faut séparer le vrai du faux.
«Le ministère de l’Environnement a détecté 700 produits
chimiques dans l’eau du robinet, à Montréal comme partout
au Québec. Le chlore en détruit seulement 60. Qu’est-ce
qu’il advient des 640 autres, l’essence, le plomb, l’alumi-
nium et plein d’autres choses? Oui, on les consomme.»
v Il faut surtout savoir à quelle concentration ces produits
sont présents, rétorque Raymond Desjardins. «Les études
démontrent que vous courez 70 fois plus de risques d’être
frappé par la foudre que de développer une maladie grave à
cause de l’eau traitée par la ville. Alors, si vous voulez investir
pour prévenir des problèmes de santé, pensez d’abord à ache-
ter des pneus de bonne qualité, à faire de l’exercice, à cesser
de fumer et à mieux manger!»
«Il y a 300 municipalités au Québec qui fonctionnent encore
avec un système d’aqueduc en bois, qui est très cancérigène.»
v «Voyons donc! Une canalisation en bois n’est pas
cancérigène! répond le microbiologiste Pierre Payment.
Premièrement, il reste très peu de ces canalisations en fonction
au Québec. Et deuxièmement, il n’est pas plus dangereux de
boire de l’eau qui est passée par ce type de tuyau que de boire
de l’eau de source.»
«On peut faire un test complet de votre eau, pour voir s’il y a
des produits chimiques. On peut aussi installer un système de
purification qui va tout éliminer.»
v Dit autrement, on ne sait pas si votre eau est bonne, mais
on va vous installer un système de plusieurs milliers de dollars
pour s’en assurer.
«L’eau ici est de moindre qualité qu’ailleurs en Amérique.
Les normes sont beaucoup moins sévères ici, pas juste en
Amérique, partout dans le reste du Canada»
v «Le Québec n’est peut-être pas la locomotive en matière
de normes, mais il n’est certainement pas le wagon de queue,
dit Raymond Desjardins. Le Québec est l’une des quatre seules
provinces à avoir des normes en matière de qualité de l’eau.»
«Le chlore détruit la flore intestinale tranquillement,
sans qu’on s’en aperçoive, même aux taux qu’on a
actuellement.»
v «Le peu de chlore qui reste dans l’eau se transforme en
sel de table dès le contact avec la langue. Il n’y a aucun chlore
qui se rend dans l’estomac», explique Raymond Desjardins.
«Prendre 10 minutes de douche dilate les pores de la
peau. Et l’absorption du chlore par inhalation, ça équivaut
à huit heures passées dans une piscine.»
v Ce n’est pas le chlore qui est dangereux, ce sont les
trihalométhanes (THM), soit du chlore transformé au contact
de la matière organique contenue dans l’eau. Le chloroforme
est le plus important des quatre THM. Or, des chercheurs de
l’Université Laval ont démontré en 2002 que, même sous la
douche, il faudrait 6000 fois plus de chloroforme avant de
risquer de développer un cancer.
6 Goût de l’eau
Le vendeur nous fait goûter l’eau du robinet et
l’eau adoucie. Le résultat est peu spectaculaire.
Après deux gorgées de chaque verre, nous ne
savons plus lequel est lequel. On passe rapide-
ment à l’étape suivante!
7 Goût des aliments
Deux quartiers d’une même pomme sont lavés, l’un avec l’eau du robinet
et l’autre avec l’eau adoucie. Dans ce dernier cas, la pomme sent davantage
et a plus de goût.
«C’est que les mauvais minéraux de l’eau prennent la place
des bons minéraux de l’aliment et tuent les valeurs gustatives
et nutritives.»
v Il est vrai qu’une eau douce modifie le goût
des aliments. Mais l’explication fait sourire Raymond
Desjardins. «Il n’y a pas de bons ou de mauvais
minéraux, répète-t-il. Du calcium, c’est du
calcium, qu’il se retrouve dans l’eau ou
dans le lait.»
5 Lavage de la vaisselle
Avec le même savon à mains, le vendeur lave deux verres
fins, un avec l’eau du robinet, l’autre avec l’eau adoucie.
Le dernier verre est dépourvu de cerne.
«Avec l’eau RainSoft, vos verres vont avoir
l’apparence du cristal.»
v Il est vrai qu’une eau douce tache moins
puisqu’il n’y a plus de minéraux pour se déposer sur
la vaisselle. Avec une telle efficacité, notre lave-
vaisselle pourrait-il fonctionner à l’eau froide? lui
a-t-on demandé. «Oui, c’est garanti.» Andy Wisecup,
directeur principal, Produits nettoyants, chez
Whirlpool, est moins catégorique. «La température
de l’eau du lave-vaisselle doit être d’au moins 120 ˚F
[49 ˚C]», répond-il, ajoutant que certains détergents
ne réussiront pas à se dissoudre dans l’eau froide, et
seront donc inefficaces.
12 › www.protegez-vous.ca
Dit autrement, on ne sait pas si votre eau est bonne, mais
on va vous installer un système de plusieurs milliers de dollars
Il est vrai qu’une eau douce modifie le goût
des aliments. Mais l’explication fait sourire Raymond
Desjardins. «Il n’y a pas de bons ou de mauvais
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7. 9 Revue de presse
Chaque vendeur avait en main des reportages traitant
des problèmes d’eau.
Un représentant s’est même servi d’un texte de
Protégez-Vous publié en 2006. Peu importe si l’article
conclut que, «compte tenu de la qualité élevée de
l’eau du robinet, l’achat d’un filtre pour robinet est difficile à
justifier». Le vendeur n’a surligné en jaune que la première phrase du texte, qui affirme
que les gens achètent des filtres «pour une question de goût ou parce qu’ils doutent de
la qualité de l’eau du robinet.» Que les doutes soient fondés ou non ne semble avoir
aucune importance.
«Ils ont fait un test avec l’osmose inversée. Ils ont mis 600 résidences à
l’étude; 300 avaient l’osmose inversée et les 300 autres n’en avaient pas.
Ceux qui buvaient l’eau du robinet sont pratiquement tous tombés malades,
et parmi ceux qui ont bu l’eau de l’osmose inversée, presque personne
n’est tombé malade.»
v Le vendeur est mal tombé: il a cité l’étude conduite par Pierre Payment il
y a une quinzaine d’années! Or, «l’affirmation du vendeur est loin de la réalité.
En résumé, nous avons remarqué 25 % moins de cas de gastroentérites chez
ceux utilisant l’osmose inverse. Ça peut paraître beaucoup, mais il faut aussi
savoir que l’eau est responsable de seulement 5 % des gastroentérites. Dans
la vaste majorité des cas, ce sont les gens qui se la transmettent entre eux.»
10 Parlons d’argent!
Après une heure écoulée autour du lavabo, le vendeur
passe à la salle à manger pour présenter ses produits.
Vous trouvez les systèmes de purification chers?
C’est que vous n’avez pas calculé toutes les écono-
mies qu’ils engendrent!
Au total, EcoWater promet des économies annuel-
les de 1150 $, RainSoft, de 475 $ et Eagle, de 360 $.
Le vendeur de Culligan a souligné des économies
potentielles ici et là, sans plus. Et pour finir, l’argu-
ment massue: si nous signons la journée même, Eagle
et RainSoft nous donnent des produits pour l’entre-
tien ménager et pour le corps censés durer cinq ans.
«Grâce à l’eau douce, vous pourrez met-
tre trois fois moins de détergent dans la
laveuse et le lave-vaisselle.»
v C’est vrai. Cela dit, la quantité varie en
fonction de la dureté de l’eau.
«Vos vêtements vont durer 15 % plus
longtemps avec l’eau douce.»
«Vos vêtements vont durer 30 % plus
longtemps avec notre eau.»
v Qui croire? Surtout que ces données sont
déjà imprimées sur leurs fiches. Donc, on ne
semble pas tenir compte de la dureté de l’eau
de la résidence visitée.
«Les électroménagers durent de 30 à
70 % plus longtemps avec de l’eau
douce», dit-il.
v Toutefois, les vendeurs ont été incapa-
bles d’estimer l’économie que nous pouvions
espérer en fonction de la dureté de notre eau.
Selon l’ingénieur Raymond Desjardins, l’impact
de l’eau de notre maison témoin sur la durée
de vie de nos électroménagers est minime.
«L’eau dure encrasse le chauffe-eau.
Donc, il chauffe pour rien des sédi-
ments au fond du chauffe-eau. En
moyenne, on parle d’une baisse de
21 % des coûts d’électricité du chauffe-
eau avec une eau douce.»
v Puisque notre chauffe-eau vient d’être
remplacé, nous demandons à quoi se réfère
cette moyenne et à quelle vitesse le
chauffe-eau se remplit de sédi-
ments. Nos questions sont
demeurées sans réponse.‹
«Il n’y aura jamais de sel dans ton eau. Tout le sel servant à régénérer
l’adoucisseur d’eau est rejeté aux égouts pendant la nuit».
v Ce n’est pas l’avis de la SCHL, qui s’est intéressée à la question. «Si vous
ne souhaitez pas ajouter de sodium à votre régime alimentaire, ou si vous
suivez une diète prescrite par un médecin, vous devrez prévoir une canalisa-
tion d’eau froide distincte et un autre robinet qui ne passera pas par l’adou-
cisseur», écrit l’organisme fédéral.
Quant aux rejets de sel, des villes américaines ont voté des lois pour inter-
dire les adoucisseurs d’eau, surtout celles qui utilisent les eaux usées pour
irriguer des champs. Selon les modèles, un adoucisseur peut nécessiter entre
80 et 240 kg de sel par an pour réussir à emprisonner le calcium et le magné-
sium de l’eau dure. Sans compter les milliers de litres d’eau nécessaires à ce
processus. Cela dit, le sel peut être remplacé par du chlorure de potassium,
moins nocif pour l’environnement, mais il est au moins deux fois plus cher
que le sel.
«Si un enfant mange un tube de dentifrice, il va tomber malade parce
que le fluor peut tuer quelqu’un. Les villes, elles, mettent ça dans l’eau.»
«Le fluor, c’est un petit peu moins toxique que l’arsenic, mais beaucoup
plus toxique que le plomb. Pourtant, il n’existe pas une seule étude qui
démontre que consommer de l’eau fluorée aide à prévenir la carie den-
taire. Carrément ridicule.»
v «C’est totalement faux, assure Pierre Payment. On recense un grand
nombre d’études qui montrent les bienfaits de l’ajout de fluorures à l’eau.
De toute façon, Montréal n’a jamais ajouté de fluorures à l’eau. Et des villes
comme Laval ont cessé cet ajout. De façon générale, l’hygiène s’est amélio-
rée au fil des ans, et des villes voient moins l’intérêt d’ajouter ce produit
à l’eau.»
Photo:iStockphoto
l’eau du robinet, l’achat d’un filtre pour robinet est difficile à
justifier». Le vendeur n’a surligné en jaune que la première phrase du texte, qui affirme
v Le vendeur est mal tombé: il a cité l’étude conduite par Pierre Payment il
y a une quinzaine d’années! Or, «l’affirmation du vendeur est loin de la réalité.
En résumé, nous avons remarqué 25 % moins de cas de gastroentérites chez
ceux utilisant l’osmose inverse. Ça peut paraître beaucoup, mais il faut aussi
savoir que l’eau est responsable de seulement 5 % des gastroentérites. Dans
la vaste majorité des cas, ce sont les gens qui se la transmettent entre eux.»
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8. encouverture
Photos:GettyImagesStock4B-RF,FotosearchetiStockphoto
D
e façon générale au
Québec, l’eau potable
est de très bonne qualité.
Elle est réglementée et
surveillée si elle passe par
le réseau d’aqueduc, et elle est naturel-
lement filtrée par le sol si elle provient
d’une source souterraine. Un système
de traitement à la maison n’est donc
pas nécessaire, et s’avère même super-
flu pour la majorité de la population.
Quelques situations peuvent toutefois
en justifier l’installation.
Ainsi, bien que sans danger pour la
santé humaine, la présence excessive de
certains minéraux, comme le fer ou le
manganèse, peut causer quelques sou-
cis en modifiant la couleur, l’odeur et le
goût de l’eau au point où sa consomma-
tion est désagréable. Même chose s’il y a
une trop forte concentration de calcium
et de magnésium: l’eau, alors très dure,
entartre les chauffe-eau et réduit l’effica-
cité des savons. En ce qui concerne le
plomb, il pourrait être présent dans les
maisons construites avant 1967 encore
munies de leurs anciennes conduites
d’eau; dans ce cas, il est prudent de faire
faire des analyses. Par ailleurs, même
dotées d’un réseau d’aqueduc, certai-
nes municipalités sont frappées d’avis
d’ébullition ou de non-consommation
fréquents, parfois depuis de nombreuses
années; cette situation exaspérante peut
amener des citoyens à s’équiper de façon
autonome après s’être renseignés sur le
problème en cause et sur les solutions
appropriées.
Quant au chlore, il transmet à l’eau
un goût et une odeur qui déplaisent à
de nombreuses personnes. Un système
de traitement éliminerait certes ces
désagréments, mais sachez qu’on peut
y parvenir sans dépenser un sou en
laissant simplement reposer l’eau pour
que le chlore s’évapore (voyez PV juillet
2006).
La situation est bien différente pour
les 13 % de la population du Québec qui
ne sont pas reliés à un réseau d’aqueduc
et qui demeurent seuls responsables de la
qualité de leur eau. Les eaux de surface
systèmes de traitement de l’eau
Type Cible Fonctionnement
Adoucisseur Eau dure
L’eau passe dans un lit de résine et y échange ses
ions de calcium et de magnésium contre des ions
de sodium ou de potassium.
Distillateur
Micro-organismes, minéraux,
composés chimiques inorganiques
et organiques non volatils et
certains métaux
L’eau est bouillie, puis la vapeur produite est
condensée et recueillie.
Filtre
Selon le type de filtre, couleur,
chlore, goût, odeur, métaux, micro-
organismes, minéraux, composés
chimiques organiques
Selon le type de filtre, les contaminants sont
retenus soit mécaniquement, soit par leur charge
électrique ou encore ils se fixent dans les pores
d’un médium filtrant.
Par osmose
inverse
Métaux, minéraux, composés
chimiques organiques, sels
L’eau est poussée à travers une membrane
semi-perméable dont les pores sont très petits;
les impuretés retenues sont évacuées avec l’eau
résiduelle, ce qui entraîne un gaspillage important
d’eau.
Aux ultraviolets Micro-organismes
Une lampe émet des rayons ultraviolets qui
inactivent les micro-organismes.
Sources: Société canadienne d’hypothèques et de logement et Santé Canada.
14 › www.protegez-vous.ca
Les systèmes domestiques de traitement de l’eau ont leur
utilité, mais seulement dans certains cas particuliers.
par Marie-Josée Boudreau
›Systèmes de traitement de l’eau
Pour qui, pour quoi?
14-15 Systèmes Eau 2008-08v4.indd 14 03/07/08 12:21:01
9. Prenez d’abord le temps de connaître avec
précision la nature du problème.
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eau
ortant
Pour en
savoir plus
Sur l’eau potable
Santé Canada
www.hc-sc.gc.ca
(cliquez sur «Santé de l’envi-
ronnement et du milieu de
travail», «Rapports et publi-
cations», puis sur «Qualité de
l’eau»)
Ministère du Développement
durable, de l’Environnement
et des Parcs
1-800-561-1616
www.menv.gouv.qc.ca
(cliquez sur «Eau», puis sur
«Eau potable»)
Sur les appareils de traitement
Société canadienne
d’hypothèques et de
logement
1-800-668-2642
www.cmhc-schl.gc.ca
(cliquez sur «Consommateurs»,
«Entretien d’un logement»,
puis sur «Eau et eaux usées»)
National Sanitary Foundation
International (NSF)
(en anglais seulement)
www.nsf.org
(cliquez sur «Consumer», puis
sur «Drinking Water»)
sont très souvent conta-
minées, et les activités
agricoles ou une fuite de
fosse septique, par exemple,
peuvent mener à une conta-
mination des eaux souter-
raines. La vigilance est donc
de mise, et le ministère du
Développement durable, de l’Environnement
et des Parcs recommande aux propriétaires de
puits de faire analyser leur eau au moins deux
fois par année, au printemps et à l’automne,
par un laboratoire accrédité (voyez la liste sur
le site Internet du ministère). Advenant une
contamination, il est important de prendre la
situation au sérieux. Quelques correctifs sim-
ples pourraient remédier au problème, alors
que dans certains cas l’installation d’un sys-
tème de traitement de l’eau s’imposera.
Que choisir?
Si vous croyez que la qualité de votre eau
justifie l’investissement dans un système de trai-
tement, prenez d’abord le temps de connaître
avec précision la nature du problème. Cette
étape est essentielle afin de choisir le bon type
d’appareil.
Si vous êtes relié au réseau d’aqueduc,
votre municipalité peut vous fournir un rap-
port détaillé sur la qualité de son eau. Dans
le cas contraire, ou dans celui du plomb qui
est un problème spécifique
à une maison, un labora-
toire accrédité dressera le
portrait de votre situation
pour quelques centaines de
dollars. Et ne vous fiez pas
aveuglément aux entrepri-
ses qui vendent les systèmes:
avec elles, l’analyse de votre eau relève parfois
du spectacle (voyez notre enquête page 8).
Une fois le problème bien défini, il reste à
choisir le bon appareil. Il en faut parfois plus
d’un type, car aucun ne peut à lui seul retirer
toutes les substances contenues dans l’eau.
Selon la combinaison choisie et les caractéris-
tiques des appareils, la facture peut passer de
quelques centaines à quelques milliers de dol-
lars. Vous trouverez la description des princi-
paux types d’appareils de traitement de l’eau
dans le tableau ci-contre, ainsi que leurs fonc-
tions. Notez qu’il en existe quelques autres un
peu moins courants, dont les filtres aux sables
verts et les systèmes de désinfection par chlo-
ration, par ozonation ou par iodation (voyez
«Pour en savoir plus»).
De plus, sachez que Santé Canada, à défaut
de réglementer les appareils domestiques de
traitement de l’eau, conseille fortement de
choisir ceux qui satisfont aux normes de NSF
International, la seule garantie de rendement
pour l’élimination de contaminants précis.‹
Protégez-Vous Août 2008 ‹ 15
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