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EFFETS DE LA CRISE SUR L’ÉCONOMIE MONDIALE
la guerre entre la Russie et l’Ukraine est un événement majeur, peut-être l’incident
international le plus dangereux depuis la crise des missiles de Cuba ;
Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine sont déjà préoccupantes et elles pourraient
s’accentuer si cette guerre s’intensifie et s’installe dans la durée. Outre la flambée des prix induite
par la guerre, les sanctions inédites contre la Russie engendrent de fortes inquiétudes sur les
marchés financiers mondiales. Ces sanctions vont durement affecter l’économie russe et engendrer
des contrecoups négatifs pour l’économie mondiale.
les principales sanctions et mesures de l’UE contre la Russie :
 Réduction de l’accès de la Russie aux marchés européens des capitaux
 Interdiction de vente d’avions et d’équipements aux compagnies aériennes
russes
 Gel des avoirs de Vladimir Poutine et d’oligarques russes
 Exclusion du système bancaire Swift de plusieurs banques russes
 Gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie
 Fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation russe
 Interdiction de diffusion dans l’UE des médias Russia Today et Sputnik
 Embargo sur le charbon russe
 Fermeture des ports de l’UE aux bateaux russes
 Fermeture des routes de l’Union aux transporteurs russes
 Livraison d’armes aux Ukrainiens
1 Vers une flambée historique des prix des matières premières
La Russie et l’Ukraine jouent un rôle majeur dans l’approvisionnement mondial de matières
premières pétrolières et agricoles. Premier producteur mondial de combustibles la Russie assure 10%
de l’approvisionnement mondial en combustible dont 11% du pétrole et ses produits dérivés et 13%
des houilles, cokes et briquettes (des produits de charbons et de gaz). Par ailleurs, une contribution
de 5,23% à l’approvisionnement mondial de céréales, la Russie occupe la 4ème place mondiale.
Plusieurs spécifiquement, le pays occupe la 1ère place mondiale dans l’approvisionnement en blé
(16,3%), la 3ème place dans l’exportation mondiale d’orge (11%) et la 8ème place dans l’exportation
de maïs moulu. La Russie est également prépondérante dans l’exportation des métaux non ferreux,
du fer et de l’acier, des engrais bruts et spécifiques ainsi que les huiles, graisses et cires d’origine
animale ou végétale. Pour l’ensemble de ces produits, le pays est dans le top 10 des exportateurs
mondiaux. Quoique moins prépondérant, l’Ukraine n’est pas en reste. Ce pays occupe une place
importante dans l’approvisionnement mondial de céréales (7ème et 4,7%) en particulier l’orge non
mondée (4ème et 10,4%), le maïs non moulu (4ème et 11,5%) et le blé (6ème et 7,7%). L’Ukraine
occupe également la 5ème
place des exportateurs d’huiles, graisses et cires d’origine animale ou
végétale.
La guerre russo-ukrainienne engendre ainsi des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement
d’hydrocarbures avec des conséquences immédiates sur les prix. En effet, en treize (13) jours
seulement après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, le prix du baril
de pétrole a déjà bondi de 29%, passant de 92,8 dollars à 119,3 dollars.
La flambée des prix touche également des matières premières agricoles et par conséquent les
denrées alimentaires qui subissaient déjà une hausse des prix. En effet, la crise russo-ukrainienne
survient dans un contexte de pression inflationniste causé par la reprise mondiale post-Covid-19 et
l’insuffisante de l’offre au niveau mondial. Les prix mondiaux des produits alimentaires ont augmenté
de 11% en décembre 2021 et février 2022. Cette hausse atteint 20% pour l’huile de palme, 10,6%
pour le maïs, 7,4% pour le riz et 3,6% pour le blé.
.Les conséquences de cette flambée des prix mondiaux, dans un contexte déjà inflationniste, pourrait
avoir des conséquences dramatiques dans les pays en développement avec un risque accrue
d’insécurité alimentaire. Plusieurs décennies de lutte inlassable contre la pauvreté et l’extrême
pauvreté dans ces pays pourraient ainsi être anéanties par cette nouvelle crise mondiale qui ne se
joue pas à leurs portes.
2 Panique sur les marchés financiers internationaux
La crise en Ukraine et ses conséquences politiques créent de l’incertitude sur les marchés financiers
qui se traduit par une forte volatilité des prix des actifs russes. Les sanctions que les Etats-Unis et les
pays européens ont décidé d’infliger à la Russie afin de l’obliger à reculer ont visé le système
bancaire russe, y compris la banque centrale de la Fédération de Russie. Elles ont immédiatement
engendré une forte dépréciation du rouble et la baisse des prix de plusieurs actifs russes et
ukrainiens. L'indice de référence de la Russie, le MOEX, a chuté de 25 % en une semaine et a
enregistré une chute de 40 % le 25 février selon Global Sovereign Advisory (2022). Sur le marché des
obligations, les eurobonds ukrainiens et russes 2029 ont perdu 30 à 40 points de pourcentage de leur
prix par rapport au début de l'année. La volatilité des prix des actifs a également touché les marchés
financiers mondiaux en réaction au conflit et aux sanctions annoncées. Les actions d'Europe centrale
et orientale ont subi de lourdes pertes, les indices polonais et hongrois ont perdu environ 8 % en une
semaine selon Global Sovereign Advisory. les indices américains NASDAQ et S&P 500 ont enregistré
une baisse de 4,7% et 2% respectivement entre de début de la guerre, le 24 février, et le 11 mars
2022. Pour ce qui concerne les indices européens le CAC40 a perdu 4% de sa valeur tandis qu’Euro
Stoxx 50 a chuté de 3,7% sur la même période.
De fortes volatilités sont également à prévoir sur les marchés secondaires. En effet, la multiplication
des sanctions financières à l’encontre de la Russie pourraient pousser les investisseurs à exécuter des
ordres de vente forcés, ce qui amplifierait la volatilité sur les marchés secondaires. l’évolution des
indices mondiaux montre que les entreprises et les banques américaines et européennes les plus
exposées à la Russie ont enregistré les ventes les plus importantes. En outre, les sanctions en Russie
et l’instabilité générale dans la région ont conduit les investisseurs à réduire leur exposition aux
crédits des pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) et, par conséquent, à rechercher des actifs
alternatifs.
De manière générale, l’incertitude causée par cette crise va impacter négativement les décisions
d’investissement dans le monde. Le manque de visibilité pour les investisseurs est un facteur de
blocage. Dans un contexte où l’évolution de la guerre, les détendeurs de titres préfèrent s’en
débarrasser pour éviter des pertes drastiques de valeur. Dans ce contexte, les taux d’intérêt sur les
marchés financiers vont s’accroître ; ce qui entraverait le financement de l’économie dans les pays en
développement. Ceci est d’autant plus probable que les banques centrales au niveau mondial ne
résisteront pas longtemps avant d’augmenter les principaux taux directeurs pour tenter de contenir
les pressions inflationnistes.
3 Effets sur la croissance mondiale A l’échelle macroéconomique
la Russie et l’Ukraine ont un poids relativement faible dans l’économie mondiale ainsi que dans le
commerce international. la Russie et l’Ukraine comptent respectivement pour 1,9% et 0,2% du PIB
mondial en moyenne sur la période 2016-2020 et respectivement pour 1,7% et 0,3% du commerce
mondial (importations et exportations) sur la même période. Les Etats-Unis dominent largement le
PIB mondial (24,5%), suivis de l’Union européenne (21,5%), de la Chine (16%) et du Japon (6%).
Quant au commerce mondial, il est dominé par l’Union européenne (32,3%) suivie de la Chine
(12,1%) et des Etats-Unis (11,1%). La décomposition du commerce entre exportations et
importations ne révèle pas un poids global plus important pour la Russie et l’Ukraine. Ces deux pays
représentent respectivement 1,3% et 0,3% des importations mondiales et respectivement 2,1% et
0,3% des exportations mondiales.
De même, la Russie et l’Ukraine compte peu dans la finance mondiale de par le niveau de leurs actifs
et des leurs engagements au niveau mondial. Les actifs les engagements mondiaux sont largement
dominés par les Etats-Unis. Ils sont suivis par le Royaume Uni, le Luxembourg, l’Allemagne et le Japon
dans le top 5 des actifs mondiaux. Le Russie et l’Ukraine sont loin derrière avec 1,1% et 0,1% des
actifs mondiaux et 0,7% et 0,1% des engagements mondiaux. Ces pays ont aussi un poids limité dans
les réserves internationales (or compris), respectivement 3,8% et 0,2%. Il en résulte que le conflit
entre l’Ukraine et la Russie ne représente pas une grande menace pour la stabilité du système
financier mondial.
De son côté, le FMI a déjà annoncé qu’il réviserait à la baisse ses perspectives de croissance pour
2022 en raison de la guerre. Même si aucun chiffre n’est encore avancé, le FMI estime que les
conséquences de la crise sont déjà suffisamment graves pour qu’il revoit encore à la baisse ses
prévisions de croissance pour le monde alors qu’il venait de le faire en janvier 2022. En effet, la
persistance des effets de la COVID avait poussé le FMI à baisser ses prévisions pour la croissance
mondiale de 4,9% à 4,4%. Dans certains pays comme la France, il est attendu une perte de croissance
économique de 1%. L’Allemagne, première puissance européenne, pourrait en perdre davantage en
raison de sa plus forte dépendance aux gaz russe. L’Organisation de Coopération et de
Développement Economiques (OCDE) table, sur la base de ses simulations, sur une baisse de la
croissance mondiale d’environ 1 point. En s’appuyant sur la hausse des prix des principales matières
premières exportées par la Russie et l’Ukraine, les perturbations sur les marchés financiers en raison
de la forte incertitude ainsi que la dépréciation du rouble, l’OCDE estime, à l'aide de son modèle
macroéconomique mondial NiGEM, que le taux de croissance mondiale baisserait de 1,08 point de
pourcentage en 2022 en raison du conflit russo-ukrainien La zone euro perdrait 1,4 point de taux de
croissance tandis la croissance américaine serait en recul de 0,9 point de pourcentage.
Quant à l’inflation, elle augmenterait de 2,5 points de pourcentage au niveau mondial en raison de la
crise en Ukraine. Si la hausse des prix est attendue pour être plus importante dans les pays en
développement, elle n’est pas négligeable dans les pays développés. L’OCDE estime par ailleurs que
les politiques budgétaires expansionnistes en réponse à la crise permettront de limiter l’impact
négatif sur la croissance. En revanche, elles augmenteraient légèrement l’inflation.
La crise pourrait en revanche favoriser une transition plus rapide vers les énergies renouvelables. Les
pays fortement dépendant des énergies fossiles étaient déjà engagés dans un processus de transition
lent. La guerre en Ukraine révèle la fragilité de certains pays européens en particulier l’Allemagne qui
a déjà indiqué sa volonté d’accélérer sa transition énergétique pour réduire sa dépendance vis-à-vis
de la Russie.
L’effet sur l’Afrique
Sur les 54 pays que compte l’Afrique, 11 sont de grands exportateurs d’énergie et les
autres sont des importateurs nets d’énergie, ou en quasi-autosuffisance. Pour illustrer
les effets de la guerre sur l’Afrique, nous nous concentrerons sur six grandes économies.
Trois sont des exportateurs d’énergie : l’Algérie, l’Angola et le Nigeria. Deux sont proches
de l’autosuffisance énergétique : l’Égypte et l’Afrique du Sud. Le Maroc, pour sa part,
est fortement tributaire des importations d’énergie et de denrées alimentaires. Ces six
économies représentent ensemble plus de 60 % du PIB africain.
Les exportateurs de pétrole tireront de gros bénéfices de la hausse des cours du pétrole
et du gaz de ces dernières semaines, sachant que les exportations de pétrole de l’Algérie
représentent 18,9 % de son PIB, celles de l’Angola 36,5 % et celles du Nigeria 10,3 %.
Ainsi, une augmentation de 20 à 30 % des cours du pétrole et du gaz, correspondant à ce
qui a été observé ces derniers mois, si elle se maintient, entraînera une hausse de 4 à 6
% du revenu national de l’Algérie. Si ces pays sont également dépendants, à des degrés
divers, d’importations de denrées alimentaires (le Nigeria étant le moins dépendant), le
coût supplémentaire de la hausse des prix des denrées alimentaires serait éclipsé par les
gains réalisés sur les exportations d’énergie.
Les effets de la guerre sur les importateurs d’énergie africains, qui ont également tendance
à être des importateurs de produits alimentaires, sont fortement négatifs. Le Maroc est la
plus grande économie africaine la plus susceptible de subir un choc négatif important du
fait de la guerre, car ses importations de pétrole, de gaz et de charbon représentaient 6,4
% du PIB en 2019, soit environ le double de celles de l’Égypte et de l’Afrique du Sud, qui
réalisent également d’importantes exportations d’énergie. Le Maroc est également un gros
importateur de céréales. Le coût des céréales importées en tant que part du PIB s’élevait à
1,4 % en 2019, mais en raison d’une mauvaise récolte attendue en 2022, les importations
pourraient être deux fois plus importantes, soit trois fois plus importantes que celles de
2021. Cela signifie que l’effet combiné de la hausse des cours du pétrole et des céréales,
s’il se maintient, pourrait coûter au Maroc entre 1 et 2 % du revenu national cette année.
Au-delà de l’impact sur la balance extérieure du Maroc, la flambée des cours du pétrole
et des denrées alimentaires aggravera le déficit budgétaire déjà élevé, estimé à 6,5 % du
PIB cette année, dans la mesure où le gaz butane est subventionné. La hausse des prix
intensifiera également les pressions inflationnistes, comme dans le cas de l’essence et des
autres carburants dont les prix sont libéralisés. Avec les syndicats qui font pression sur les
autorités pour qu’elles ajustent les salaires afin de compenser la hausse des prix, l’inflation
semble destinée à être encore plus élevée.
La plupart des importateurs d’énergie africains sont des économies pauvres et peu
industrialisées, avec des secteurs agricoles importants. Ils ne sont pas relativement aussi
dépendants des importations d’énergie et de céréales que le Maroc, mais ils ont moins
de marge de manœuvre budgétaire pour réagir. De plus, une proportion plus importante
de leur population est proche des seuils de pauvreté et plus exposée aux chocs des prix
alimentaires que ce n’est le cas au Maroc.
Il convient de noter que, selon l’ampleur et la durée des sanctions contre la Russie et la
réaction de cette dernière, l’Afrique pourrait voir se présenter de nouvelles opportunités
d’exportation vers l’Europe (son marché le plus important) et la Russie, avec une réorientation
des exportations européennes vers la Russie et des exportations russes vers l’Europe.
Parmi les secteurs qui pourraient être ainsi affectés figurent les fruits et légumes et le poisson
en Russie, et les engrais en Europe. Les exportations marocaines d’engrais, par exemple,
qui représentent 4,5% du PIB en 2019, concurrencent celles de la Russie sur les marchés
européens, alors que les exportations marocaines de fruits et légumes et de poisson,
qui représentent 2,6% du PIB du Maroc, concurrencent les exportations européennes en
Russie. Un autre exemple est celui de l’Afrique du Sud, dont les exportations de fruits et
légumes représentent 1,1 % du PIB.
Les effets de la guerre au niveau sectoriel sur l’Afrique, qui sont négatifs pour la plupart
des pays, seront probablement amplifiés par l’effet de la détérioration des conditions
macroéconomiques. La hausse des cours du pétrole et des taux directeurs à l’échelle
internationale pour lutter contre l’inflation, le creusement des écarts sur les actifs à risque
en raison de la persistance de l’incertitude, et le ralentissement de l’économie européenne,
se répercuteront éventuellement sur l’Afrique. Les pays africains qui ont accès aux marchés
internationaux pourraient voir leurs coûts d’emprunt augmenter de 1 ou 2 %. Cela ne
devrait pas poser de problème aux pays ayant une faible dette extérieure et des déficits
courants gérables, dont le Maroc. Cela étant, de nombreux pays d’Afrique, en particulier
ceux qui sont tributaires des financements publics, ont atteint des niveaux élevés de dette
extérieure dans le sillage de la pandémie et sont désormais particulièrement exposés.
Les responsables politiques du monde entier suivent de près l’évolution de la situation. À
présent que l’invasion a été lancée, on ne peut qu’espérer que la guerre sera aussi courte et
aussi peu sanglante que possible. Quel que soit le scénario, un régime de sanctions contre
la Russie et des mesures de rétorsion de la part de cette dernière sont susceptibles de
persister au cours des années à venir. Les importateurs d’énergie et de denrées alimentaires
en Afrique resteront exposés à ces vents contraires.

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la crise ukrainienne.docx

  • 1. EFFETS DE LA CRISE SUR L’ÉCONOMIE MONDIALE la guerre entre la Russie et l’Ukraine est un événement majeur, peut-être l’incident international le plus dangereux depuis la crise des missiles de Cuba ; Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine sont déjà préoccupantes et elles pourraient s’accentuer si cette guerre s’intensifie et s’installe dans la durée. Outre la flambée des prix induite par la guerre, les sanctions inédites contre la Russie engendrent de fortes inquiétudes sur les marchés financiers mondiales. Ces sanctions vont durement affecter l’économie russe et engendrer des contrecoups négatifs pour l’économie mondiale. les principales sanctions et mesures de l’UE contre la Russie :  Réduction de l’accès de la Russie aux marchés européens des capitaux  Interdiction de vente d’avions et d’équipements aux compagnies aériennes russes  Gel des avoirs de Vladimir Poutine et d’oligarques russes  Exclusion du système bancaire Swift de plusieurs banques russes  Gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie  Fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation russe  Interdiction de diffusion dans l’UE des médias Russia Today et Sputnik  Embargo sur le charbon russe  Fermeture des ports de l’UE aux bateaux russes  Fermeture des routes de l’Union aux transporteurs russes  Livraison d’armes aux Ukrainiens 1 Vers une flambée historique des prix des matières premières La Russie et l’Ukraine jouent un rôle majeur dans l’approvisionnement mondial de matières premières pétrolières et agricoles. Premier producteur mondial de combustibles la Russie assure 10% de l’approvisionnement mondial en combustible dont 11% du pétrole et ses produits dérivés et 13% des houilles, cokes et briquettes (des produits de charbons et de gaz). Par ailleurs, une contribution de 5,23% à l’approvisionnement mondial de céréales, la Russie occupe la 4ème place mondiale. Plusieurs spécifiquement, le pays occupe la 1ère place mondiale dans l’approvisionnement en blé (16,3%), la 3ème place dans l’exportation mondiale d’orge (11%) et la 8ème place dans l’exportation de maïs moulu. La Russie est également prépondérante dans l’exportation des métaux non ferreux, du fer et de l’acier, des engrais bruts et spécifiques ainsi que les huiles, graisses et cires d’origine animale ou végétale. Pour l’ensemble de ces produits, le pays est dans le top 10 des exportateurs mondiaux. Quoique moins prépondérant, l’Ukraine n’est pas en reste. Ce pays occupe une place importante dans l’approvisionnement mondial de céréales (7ème et 4,7%) en particulier l’orge non mondée (4ème et 10,4%), le maïs non moulu (4ème et 11,5%) et le blé (6ème et 7,7%). L’Ukraine occupe également la 5ème place des exportateurs d’huiles, graisses et cires d’origine animale ou végétale. La guerre russo-ukrainienne engendre ainsi des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement d’hydrocarbures avec des conséquences immédiates sur les prix. En effet, en treize (13) jours seulement après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, le prix du baril de pétrole a déjà bondi de 29%, passant de 92,8 dollars à 119,3 dollars.
  • 2. La flambée des prix touche également des matières premières agricoles et par conséquent les denrées alimentaires qui subissaient déjà une hausse des prix. En effet, la crise russo-ukrainienne survient dans un contexte de pression inflationniste causé par la reprise mondiale post-Covid-19 et l’insuffisante de l’offre au niveau mondial. Les prix mondiaux des produits alimentaires ont augmenté de 11% en décembre 2021 et février 2022. Cette hausse atteint 20% pour l’huile de palme, 10,6% pour le maïs, 7,4% pour le riz et 3,6% pour le blé. .Les conséquences de cette flambée des prix mondiaux, dans un contexte déjà inflationniste, pourrait avoir des conséquences dramatiques dans les pays en développement avec un risque accrue d’insécurité alimentaire. Plusieurs décennies de lutte inlassable contre la pauvreté et l’extrême pauvreté dans ces pays pourraient ainsi être anéanties par cette nouvelle crise mondiale qui ne se joue pas à leurs portes. 2 Panique sur les marchés financiers internationaux La crise en Ukraine et ses conséquences politiques créent de l’incertitude sur les marchés financiers qui se traduit par une forte volatilité des prix des actifs russes. Les sanctions que les Etats-Unis et les pays européens ont décidé d’infliger à la Russie afin de l’obliger à reculer ont visé le système bancaire russe, y compris la banque centrale de la Fédération de Russie. Elles ont immédiatement engendré une forte dépréciation du rouble et la baisse des prix de plusieurs actifs russes et ukrainiens. L'indice de référence de la Russie, le MOEX, a chuté de 25 % en une semaine et a enregistré une chute de 40 % le 25 février selon Global Sovereign Advisory (2022). Sur le marché des obligations, les eurobonds ukrainiens et russes 2029 ont perdu 30 à 40 points de pourcentage de leur prix par rapport au début de l'année. La volatilité des prix des actifs a également touché les marchés financiers mondiaux en réaction au conflit et aux sanctions annoncées. Les actions d'Europe centrale et orientale ont subi de lourdes pertes, les indices polonais et hongrois ont perdu environ 8 % en une semaine selon Global Sovereign Advisory. les indices américains NASDAQ et S&P 500 ont enregistré une baisse de 4,7% et 2% respectivement entre de début de la guerre, le 24 février, et le 11 mars 2022. Pour ce qui concerne les indices européens le CAC40 a perdu 4% de sa valeur tandis qu’Euro Stoxx 50 a chuté de 3,7% sur la même période. De fortes volatilités sont également à prévoir sur les marchés secondaires. En effet, la multiplication des sanctions financières à l’encontre de la Russie pourraient pousser les investisseurs à exécuter des ordres de vente forcés, ce qui amplifierait la volatilité sur les marchés secondaires. l’évolution des indices mondiaux montre que les entreprises et les banques américaines et européennes les plus exposées à la Russie ont enregistré les ventes les plus importantes. En outre, les sanctions en Russie et l’instabilité générale dans la région ont conduit les investisseurs à réduire leur exposition aux crédits des pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) et, par conséquent, à rechercher des actifs alternatifs. De manière générale, l’incertitude causée par cette crise va impacter négativement les décisions d’investissement dans le monde. Le manque de visibilité pour les investisseurs est un facteur de blocage. Dans un contexte où l’évolution de la guerre, les détendeurs de titres préfèrent s’en débarrasser pour éviter des pertes drastiques de valeur. Dans ce contexte, les taux d’intérêt sur les marchés financiers vont s’accroître ; ce qui entraverait le financement de l’économie dans les pays en développement. Ceci est d’autant plus probable que les banques centrales au niveau mondial ne résisteront pas longtemps avant d’augmenter les principaux taux directeurs pour tenter de contenir les pressions inflationnistes.
  • 3. 3 Effets sur la croissance mondiale A l’échelle macroéconomique la Russie et l’Ukraine ont un poids relativement faible dans l’économie mondiale ainsi que dans le commerce international. la Russie et l’Ukraine comptent respectivement pour 1,9% et 0,2% du PIB mondial en moyenne sur la période 2016-2020 et respectivement pour 1,7% et 0,3% du commerce mondial (importations et exportations) sur la même période. Les Etats-Unis dominent largement le PIB mondial (24,5%), suivis de l’Union européenne (21,5%), de la Chine (16%) et du Japon (6%). Quant au commerce mondial, il est dominé par l’Union européenne (32,3%) suivie de la Chine (12,1%) et des Etats-Unis (11,1%). La décomposition du commerce entre exportations et importations ne révèle pas un poids global plus important pour la Russie et l’Ukraine. Ces deux pays représentent respectivement 1,3% et 0,3% des importations mondiales et respectivement 2,1% et 0,3% des exportations mondiales. De même, la Russie et l’Ukraine compte peu dans la finance mondiale de par le niveau de leurs actifs et des leurs engagements au niveau mondial. Les actifs les engagements mondiaux sont largement dominés par les Etats-Unis. Ils sont suivis par le Royaume Uni, le Luxembourg, l’Allemagne et le Japon dans le top 5 des actifs mondiaux. Le Russie et l’Ukraine sont loin derrière avec 1,1% et 0,1% des actifs mondiaux et 0,7% et 0,1% des engagements mondiaux. Ces pays ont aussi un poids limité dans les réserves internationales (or compris), respectivement 3,8% et 0,2%. Il en résulte que le conflit entre l’Ukraine et la Russie ne représente pas une grande menace pour la stabilité du système financier mondial. De son côté, le FMI a déjà annoncé qu’il réviserait à la baisse ses perspectives de croissance pour 2022 en raison de la guerre. Même si aucun chiffre n’est encore avancé, le FMI estime que les conséquences de la crise sont déjà suffisamment graves pour qu’il revoit encore à la baisse ses prévisions de croissance pour le monde alors qu’il venait de le faire en janvier 2022. En effet, la persistance des effets de la COVID avait poussé le FMI à baisser ses prévisions pour la croissance mondiale de 4,9% à 4,4%. Dans certains pays comme la France, il est attendu une perte de croissance économique de 1%. L’Allemagne, première puissance européenne, pourrait en perdre davantage en raison de sa plus forte dépendance aux gaz russe. L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) table, sur la base de ses simulations, sur une baisse de la croissance mondiale d’environ 1 point. En s’appuyant sur la hausse des prix des principales matières premières exportées par la Russie et l’Ukraine, les perturbations sur les marchés financiers en raison de la forte incertitude ainsi que la dépréciation du rouble, l’OCDE estime, à l'aide de son modèle macroéconomique mondial NiGEM, que le taux de croissance mondiale baisserait de 1,08 point de pourcentage en 2022 en raison du conflit russo-ukrainien La zone euro perdrait 1,4 point de taux de croissance tandis la croissance américaine serait en recul de 0,9 point de pourcentage. Quant à l’inflation, elle augmenterait de 2,5 points de pourcentage au niveau mondial en raison de la crise en Ukraine. Si la hausse des prix est attendue pour être plus importante dans les pays en développement, elle n’est pas négligeable dans les pays développés. L’OCDE estime par ailleurs que les politiques budgétaires expansionnistes en réponse à la crise permettront de limiter l’impact négatif sur la croissance. En revanche, elles augmenteraient légèrement l’inflation. La crise pourrait en revanche favoriser une transition plus rapide vers les énergies renouvelables. Les pays fortement dépendant des énergies fossiles étaient déjà engagés dans un processus de transition lent. La guerre en Ukraine révèle la fragilité de certains pays européens en particulier l’Allemagne qui a déjà indiqué sa volonté d’accélérer sa transition énergétique pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie.
  • 4. L’effet sur l’Afrique Sur les 54 pays que compte l’Afrique, 11 sont de grands exportateurs d’énergie et les autres sont des importateurs nets d’énergie, ou en quasi-autosuffisance. Pour illustrer les effets de la guerre sur l’Afrique, nous nous concentrerons sur six grandes économies. Trois sont des exportateurs d’énergie : l’Algérie, l’Angola et le Nigeria. Deux sont proches de l’autosuffisance énergétique : l’Égypte et l’Afrique du Sud. Le Maroc, pour sa part, est fortement tributaire des importations d’énergie et de denrées alimentaires. Ces six économies représentent ensemble plus de 60 % du PIB africain. Les exportateurs de pétrole tireront de gros bénéfices de la hausse des cours du pétrole et du gaz de ces dernières semaines, sachant que les exportations de pétrole de l’Algérie représentent 18,9 % de son PIB, celles de l’Angola 36,5 % et celles du Nigeria 10,3 %. Ainsi, une augmentation de 20 à 30 % des cours du pétrole et du gaz, correspondant à ce qui a été observé ces derniers mois, si elle se maintient, entraînera une hausse de 4 à 6 % du revenu national de l’Algérie. Si ces pays sont également dépendants, à des degrés divers, d’importations de denrées alimentaires (le Nigeria étant le moins dépendant), le coût supplémentaire de la hausse des prix des denrées alimentaires serait éclipsé par les gains réalisés sur les exportations d’énergie. Les effets de la guerre sur les importateurs d’énergie africains, qui ont également tendance à être des importateurs de produits alimentaires, sont fortement négatifs. Le Maroc est la plus grande économie africaine la plus susceptible de subir un choc négatif important du fait de la guerre, car ses importations de pétrole, de gaz et de charbon représentaient 6,4 % du PIB en 2019, soit environ le double de celles de l’Égypte et de l’Afrique du Sud, qui réalisent également d’importantes exportations d’énergie. Le Maroc est également un gros importateur de céréales. Le coût des céréales importées en tant que part du PIB s’élevait à 1,4 % en 2019, mais en raison d’une mauvaise récolte attendue en 2022, les importations pourraient être deux fois plus importantes, soit trois fois plus importantes que celles de 2021. Cela signifie que l’effet combiné de la hausse des cours du pétrole et des céréales, s’il se maintient, pourrait coûter au Maroc entre 1 et 2 % du revenu national cette année. Au-delà de l’impact sur la balance extérieure du Maroc, la flambée des cours du pétrole et des denrées alimentaires aggravera le déficit budgétaire déjà élevé, estimé à 6,5 % du PIB cette année, dans la mesure où le gaz butane est subventionné. La hausse des prix intensifiera également les pressions inflationnistes, comme dans le cas de l’essence et des autres carburants dont les prix sont libéralisés. Avec les syndicats qui font pression sur les autorités pour qu’elles ajustent les salaires afin de compenser la hausse des prix, l’inflation semble destinée à être encore plus élevée. La plupart des importateurs d’énergie africains sont des économies pauvres et peu industrialisées, avec des secteurs agricoles importants. Ils ne sont pas relativement aussi dépendants des importations d’énergie et de céréales que le Maroc, mais ils ont moins de marge de manœuvre budgétaire pour réagir. De plus, une proportion plus importante de leur population est proche des seuils de pauvreté et plus exposée aux chocs des prix alimentaires que ce n’est le cas au Maroc. Il convient de noter que, selon l’ampleur et la durée des sanctions contre la Russie et la réaction de cette dernière, l’Afrique pourrait voir se présenter de nouvelles opportunités d’exportation vers l’Europe (son marché le plus important) et la Russie, avec une réorientation des exportations européennes vers la Russie et des exportations russes vers l’Europe.
  • 5. Parmi les secteurs qui pourraient être ainsi affectés figurent les fruits et légumes et le poisson en Russie, et les engrais en Europe. Les exportations marocaines d’engrais, par exemple, qui représentent 4,5% du PIB en 2019, concurrencent celles de la Russie sur les marchés européens, alors que les exportations marocaines de fruits et légumes et de poisson, qui représentent 2,6% du PIB du Maroc, concurrencent les exportations européennes en Russie. Un autre exemple est celui de l’Afrique du Sud, dont les exportations de fruits et légumes représentent 1,1 % du PIB. Les effets de la guerre au niveau sectoriel sur l’Afrique, qui sont négatifs pour la plupart des pays, seront probablement amplifiés par l’effet de la détérioration des conditions macroéconomiques. La hausse des cours du pétrole et des taux directeurs à l’échelle internationale pour lutter contre l’inflation, le creusement des écarts sur les actifs à risque en raison de la persistance de l’incertitude, et le ralentissement de l’économie européenne, se répercuteront éventuellement sur l’Afrique. Les pays africains qui ont accès aux marchés internationaux pourraient voir leurs coûts d’emprunt augmenter de 1 ou 2 %. Cela ne devrait pas poser de problème aux pays ayant une faible dette extérieure et des déficits courants gérables, dont le Maroc. Cela étant, de nombreux pays d’Afrique, en particulier ceux qui sont tributaires des financements publics, ont atteint des niveaux élevés de dette extérieure dans le sillage de la pandémie et sont désormais particulièrement exposés. Les responsables politiques du monde entier suivent de près l’évolution de la situation. À présent que l’invasion a été lancée, on ne peut qu’espérer que la guerre sera aussi courte et aussi peu sanglante que possible. Quel que soit le scénario, un régime de sanctions contre la Russie et des mesures de rétorsion de la part de cette dernière sont susceptibles de persister au cours des années à venir. Les importateurs d’énergie et de denrées alimentaires en Afrique resteront exposés à ces vents contraires.