Des origines à nos jours : tentative de résolution d'un conflit multidimensionnel dans le Caucase du Sud. Plan : - Introduction (Caucase du Sud, Haut-Karabakh) - Origines du conflit - Déroulement du conflit - Processus de résolution et médiation - Lacunes et prolongation du conflit - Améliorations possibles - Bibliographie Travail réalisé par mes soins dans le cadre du Master 2 Sécurité Globale à l'Université de Bordeaux (2020).

1. Le conflit du Haut-Karabagh
Des origines à nos jours : tentative de résolution d’un conflit
multidimensionnel dans le Caucase du Sud
Lélie BEAUNE
Master 2 Sécurité globale
Université de Bordeaux - 2020

2. Le Caucase du Sud ou Transcaucasie : au
carrefour de l’Asie et de l’Europe
• 186 100km2 et ~15 millions d’habitants
• Entre la Mer Noire (Ouest) et la Mer Caspienne (Est)
o Zone de transit d’hydrocarbures
• Contacts directs avec la Russie, l’Iran et la Turquie
• Grande diversité ethnique, culturelle et confessionnelle
o « Montagnes des langues »
o Cohabitation millénaire sous domination impériale ottomane, perse et
tsariste
• Intégration à l’URSS en 1921 jusqu’à sa dissolution en 1991
• 3 États reconnus internationalement
o Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie
• Instabilité régionale liée à l’existence d’États de facto non-reconnus
par l’ensemble de la Communauté internationale
o Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabagh

3. Le Haut-Karabakh : un État de facto au cœur
d’une crise multidimensionnelle
• Région montagneuse au sud-ouest de l’Azerbaïdjan actuel
• 4 400 km2 et ~147 000 habitants
o 11 500 km2 avec les territoires occupés
• Population arménienne largement majoritaire
• 1991 : autodétermination par référendum
• 2006 : adoption de la première Constitution
• 2017 : adoption du nom « République d’Artsakh »
• Régime parlementaire monocaméral
 Non-reconnu par les États de la Communauté internationale
malgré les critères de la Convention de Montevideo

4. Plan de la présentation
• Les origines et causes du conflit
• Le déroulement du conflit (1988-1994)
I. Le Haut-Karabakh : d’un
conflit armé non-international
à un conflit interétatique
• Le processus de médiation officiel
• Le rôle et l’influence de la société civile
II. Le processus de résolution
du conflit à l’œuvre
• Les raisons de la prolongation du conflit
• Les améliorations envisageables
III. La situation de paralysie
actuelle

5. D’un conflit armé non-international à un conflit
interétatique : les origines et causes du conflit
• 1918-1920 : conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour le contrôle des
provinces de Karabagh, du Nakhitchevan et de Zanguezur
• 1921 : le Bureau caucasien du Comité central du parti communiste bolchevik
décide d’inclure la province du HK dans le territoire administratif de
l’Azerbaïdjan
• 1923 : l’oblast autonome du HK est incorporé à la R.S.S d’Azerbaïdjan
o Stratégie de combine and rule afin de renforcer l’Azerbaïdjan et de ne pas froisser la
Turquie kémaliste
• Politique « d’azérification » des provinces du Karabagh et du Nakhitchevan
o Violences et discriminations à l’encontre de la population arménienne (75% de la population du HK)
• Fin 1980s : perestroïka et glasnost
o Revendications nationalistes dans le Caucase
o Demande de rattachement à la R.S.S. d’Arménie par le Comité du HK refusée
o Manifestations et pétitions en Arménie
• 1991 : indépendances arménienne et azerbaidjanaise
o Référendum sur l’autonomie du HK (boycotté par la minorité azérie)
o = « Oui » majoritaire mais résultats non-reconnus par la communauté internationale
Carte administrative du Caucase
(au sein de l’URSS)
1957-1991

6. D’un conflit armé non-international à un conflit
interétatique : le déroulement du conflit
• Phase 1 : conflit de basse intensité (1988-1991)
• Hostilités de masse (pogroms de Sumgaït, « janvier noir » à Bakou)
• Discours de haine (élites, intellectuels)
• Politiques extrémistes (échanges de populations, opération Anneau)
• Insurrections arméniennes de type guérilla
• Phase 2 : guerre ouverte (1991-1994)
• Déclenchement des opérations militaires par l’Azerbaïdjan
• Dissolution de l’URSS  formation de milices et recours à des mercenaires étrangers (guns for
hire)
• Soutien militaire et financier d’Erevan au HK
• Afflux d’armements légaux / illégaux de plus en plus sophistiqués en provenance de Russie
(véhicules de combat, appui aérien, artillerie lourde et légère)
• Échec des initiatives pacifiques (4 résolutions du Conseil de sécurité en 1993)
Soldats
arméniens et
azerbaïdjanais

7. D’un conflit armé non-international à un conflit
interétatique : le déroulement du conflit
• Phase 3 : accord de cessez-le-feu (1994)
• Signé à Moscou entre les dirigeants de l’Arménie, l’Azerbaïdjan et du HK
• Demande de « cessation effective des hostilités » mais pas d’accord de paix
• Occupation par l’armée arménienne de 20% du territoire azerbaïdjanais
• Ligne de contact militarisée et fortifiée (+180 km)
• Refus d’un déploiement d’une OMP russe sur le front karabaghtie (autorégulation)
Combattants
arméniens sur la ligne
de contact (LoC)

8. D’un conflit armé non-international à un conflit
interétatique : le déroulement du conflit
ELÉMENTS CLÉS DU CONFLIT DU HAUT-KARABAKH
Revendications Répertoire d’actions Structure des opportunités
politiques
- Désir d’autodétermination
- Demande de rattachement à
l’Arménie
- Insurrections de type guérilla
- Affrontements violents avec des
armements légers et lourds
- Crimes de guerre
- Affaiblissement de l’autorité
centrale (URSS)
- Ouverture progressive des sociétés
(pérestroïka, glasnost)
- Présence d’alliés influents au
mouvement séparatiste (Arménie,
diaspora)
- Influence des divers mouvements
nationalistes du Caucase
Total : 40 000 morts et plus d’1 million de déplacés internes et réfugiés

9. Résolution du conflit : médiation et processus
de paix officiel
• Le Groupe de Minsk
o Crée par la CSCE (aujourd’hui OSCE)
o Constitué de 11 États membres et co-présidé par la France, la Russie et les Etats-Unis
o Organisation de rencontres pluriannuelles avec les représentants des parties concernées
o Médiateur officiel (formulateur)
• Objectifs principaux :
o fournir un cadre approprié pour la résolution du conflit en assurant le processus de négociation supporté par le Groupe
o obtenir des parties la conclusion d'un accord de cessation des hostilités afin de permettre la convocation de la conférence
o promouvoir le processus de paix par le déploiement d'une force de maintien de la paix internationale sous les auspices de
l'OSCE
• 2007 : les 6 « Principes de Madrid » comme cadre de négociations
 Restitution des 7 provinces occupées autour du HK à l’Azerbaïdjan
 Création d’un statut intérimaire pour le HK
 Création d’un couloir terrestre reliant l’Arménie au HK
 Statut définitif obtenu à l’issue d’une consultation respectant la volonté générale
 Création d’une mission d’observation internationale de paix
 Droit de retour des déplacés internes et réfugiés

10. Résolution du conflit : une peacebuilding
difficile à mettre en œuvre
• Peacebuilding : un cadre de négociation critiqué
o Pas assez efficace (recours à la force armée et à la violence toujours d’actualité)
o Pas assez inclusif (représentants du HK exclus par l’Azerbaïdjan)
o Pas assez contraignant (limites temporelles et sanctions absentes)
o Bases des négociations critiquées par les parties
• Les limites du droit international
o Opposition de deux principes (Droit des peuples à l’autodétermination, Principe
d’intangibilité des frontières)
o Précédent du Kosovo (double standard)

11. Résolution du conflit : le rôle et l’implication
de la société civile
• Peacemaking et diplomatie parallèle
o Incitation au dialogue intercommunautaire afin de réduire les perceptions hostiles
o Rapprochement des points de vue et présentation de solutions originales
o Segmentation de la société civile (femme, jeunes, anciens combattants, réfugiés, déplacés
internes)
 Travail de terrain des ONG et think-tanks
o International Alert, Elise Care, EPNK…
o CMI, International Crisis Group…
 Diaspora arménienne
o Collaboration entre la diaspora (6 millions) le gouvernement arménien et le HK
o Financements, lobbying, initiatives sur le terrain (éducation, transports, business,
reconnaissance de la souveraineté du HK)
• Problème : marginalisation de la société civile
o Faiblesse des sociétés civiles (manque de moyens financiers et de visibilité, absence de
coordination entre les acteurs locaux)
o Monopolisation du processus de paix par les institutions officielles (opacité, exclusion)
o Montée en puissance des GONGO qui mine l'indépendance du secteur de la société civile et
la crédibilité des projets de consolidation de la paix.
o Interventions de consolidation de la paix inégales et mal coordonnées (progrès fragmentés
et échelonnés)
Répartition de la diaspora
arménienne dans le monde

12. Prolongation du conflit : une volonté politique
absente et des discours belligènes
• Enjeux de politique intérieure
o Intérêt électoral et légitimation politique (ARM, AZER)
o Étatisation par le bas (HK)
o = Primauté du court terme sur le long terme
• Enjeux identitaires
o Traumatisme historique (génocide 1915, pogroms anti-arméniens, pertes
territoriales en Turquie après la 1GM)
o Historicisation et ethnicisation du conflit (mythe de l’ennemi historique,
cohabitation ancestrale gommée)
o Discours nationalistes, propos haineux (propagande, guerre de
l’information)
• Enjeu sécuritaire
o Dilemme de sécurité (insécurité mutuelle, paix négative)
 Course à l’armement (budgets militaires croissants : missiles balistiques,
systèmes de défenses anti-missiles)
o Discours de sécuritisation (question de la survie, mentalité de siège,
guerre perçue comme étant inévitable)
 Discrédit de l’idéologie et du financement pour la construction de la paix
 Un cessez-le-feu non respecté de part l’absence de volonté de
compromis (demandes maximalistes)
 Maintien du statu quo
Source : SIPRI
2016
Source :
International
Crisis Group 2020

13. Prolongation du conflit : un environnement
international peu favorable
• Indifférence de la communauté internationale
o Importance secondaire par rapport à d’autres zones (Moyen-
Orient, Mer de Chine méridionale, Afrique sub-saharienne)
o Echec des résolutions du Conseil de sécurité
o Diminution des financements (étasuniens notamment)
• Dissonance entre les acteurs étrangers
o Rôle ambigu de la Russie, à la fois médiateur et fournisseur
d’armes aux belligérants (« sphère d’influence historique »)
o Intérêts stratégiques divergents (transit gazier) entre UE et
Russie
o Régionalisation du conflit (Turquie, Iran)
Source : Inform Napalm (International
Volunteer Community)
https://informnapalm.org/fr/haut-
karabakh-donbass-paralleles-entre-deux-
processus-de-paix-regis-accords-de-minsk/

14. Prolongation du conflit : les améliorations
envisageables
• Assurer un cessez-le-feu stable grâce à une OMP internationale (peacekeeping)
• Modifier le cadre de négociation
o Révision des Principes de Madrid
o Besoin in fine que les co-présidents cosignent l’accord de paix négocié
• Intégrer de nouveaux acteurs au processus de négociation
o L’UE via son représentant spécial pour le Caucase
o Les représentants karabaghties
• Faciliter l’intervention et le travail des ONG
o Davantage de moyens financiers, matériels et techniques
o Transparence et échanges avec les structures gouvernementales
• Proposer davantage de mesures de confiance (CBMs)
o Explicitement liées aux pourparlers, en terrain neutre
o Inclusion des acteurs non-gouvernementaux dans cette tache
o Dépolitiser certaines CBMs
• Accroitre la réconciliation
o Surmonter la méfiance mutuelle et l’image de l’ennemi
o Combattre l’historicisation et l’ethnicisation du conflit
o Identifier les domaines de collaboration possibles
• Inclure des aspects de développement économique mutuel, d'échanges interculturels et de compréhension sociopolitique (long
terme)

15. Bibliographie (1)
Expertise
 Entreprise Défense Relations Internationales (EDRI), « Haut-Karabakh : vers une résolution du conflit ? », janvier 2020 https://www.enderi.fr/Haut-Karabakh-vers-une-resolution-du-
conflit-1-2_a596.html ; https://www.enderi.fr/Haut-Karabakh-vers-une-resolution-du-conflit-2-2_a597.html
 ETH Zurich, « Haut-Karabagh : obstacle à une solution négociée », Politique de sécurité: analyses du CSS, n°131, avril 2013, consulté le 5 mai 2020
 Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques, « Le Haut-Karabagh, un « conflit gelé » oublié », janvier 2019 http://fmes-france.org/tag/groupe-de-minsk/
 GRIP, « L’équilibre des forces au Haut-Karabagh : Frictions, dissuasion et risque de déflagration », 2016, consulté le 2 avril 2020
ttps://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2016/Rapport_2016-7.pdf
 International Crisis Group, « Nagorno-Karabakh Conflict », page d’accueil https://www.crisisgroup.org/europe-central-asia/caucasus/nagorno-karabakh-conflict
 International Crisis Group, “Digging out of Deadlock in Nagorno-Karabakh”, décembre 2019 https://www.crisisgroup.org/europe-central-asia/caucasus/nagorno-karabakh-
conflict/255-digging-out-deadlock-nagorno-karabakh
 IRIS, Le conflit du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan risque-t-il de dégénérer ?, juin 2017, consulté le 29/03/2020 https://www.iris-france.org/96565-le-conflit-du-haut-
karabakh-entre-larmenie-et-lazerbaidjan-risque-t-il-de-degenerer/
ONG et société civile
 International Alert, “Nagorny Karabakh conflict” https://www.international-alert.org/fr/what_we_do/where_we_work/nagorny-karabakh-conflict
 CMI Peace Broker, “South Caucasus”, http://cmi.fi/our-work/regions-and-themes/#eurasia:south-caucasus
 France-Artsakh, 15 questions et 15 réponses sur la République d’Artsakh https://www.france-artsakh.fr/faq-artsakh/

16. Bibliographie (2)
Articles scientifiques
• Dumont, Gérard-François. « Haut-Karabagh : Géopolitique d’un conflit sans fin », Géostratégiques, 2013, pp.35-74.
• Gasimov, Dilaver D. « Le conflit arméno-azerbaïdjanais : l'impuissance ou l'indifférence de la communauté internationale ? », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 240, no. 4, 2010, pp. 101-111.
• Heseynova, Sevil. « L’Histoire oubliée » de la fin de l’URSS : Coopération interethnique lors du conflit du Haut-Karabagh », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 44, n° 1, 2013, pp. 15-44.
• Jolicoeur, Pierre et Campana, Aurélie. « Introduction : « Conflits gelés » de l’ex-URSS : débats théoriques et politiques. » Études internationales, volume 40, numéro 4, décembre 2009, p. 501–521.
• Mikhelidze, Nona and Pirozzi, Nicoletta. “Civil Society and Conflict Transformation in Abkhazia, Israel/Palestine, Nagorno-Karabakh, Transnistria and Western Sahara”. MICROCON Policy Working Paper No. 3., November 26
2008.
• Petithomme, Mathieu. « Étatisation et nationalisation du territoire contesté de la République du Haut-Karabagh Vivre et évoluer sans reconnaissance internationale », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 42, no. 4,
2011, pp. 83-106.
• Petithomme, Mathieu. « L'État de facto du Haut-Karabagh arménien. Entre démocratisation en trompe-l'œil et ethnicisation », Revue internationale et stratégique, vol. 89, no. 1, 2013, pp. 30-39.
• Rasizade, Alec. « L’imbroglio du Karabakh : une perspective azérie. (Traduit de l’anglais) », Les Cahiers de l'Orient, vol. 101, no. 1, 2011, pp. 83-96.
• Tranca, Oana. « Nagorno-Karabakh : le parcours vers un conflit gelé ». Études internationales, 40 (4), 2009, pp.523–543.
Ouvrages
 Hille, Charlotte, « Les tentatives européennes de pacification du Caucase : ambitions et contradictions », L’Union européenne et la paix, Presses de SciencesPo, Chapitre 9, pp.203-221.
 Mahé, Annie et Jean-Pierre, Histoire de l’Arménie des origines à nos jours, Éditions Perrin, 2012.
 Minassian, Gaïdz, Zones grises : Quand les États perdent le contrôle, CNRS Éditions, Biblis, Paris, 2018.
 Waal, Thomas de, The Caucasus : an introduction. Second edition, New York : Oxford University Press, 2019.