On vous dit à quoi va ressembler la côte d'azur dans 20 ans (et c'est inquiétant)(3)

01/07/2016 On vous dit à quoi va ressembler la Côte d'Azur dans 20 ans (et c'est inquiétant)
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 ÇA SE PASSE À FRANCE
PAR AURORE MALVAL le 26/06/2016, à 08h06
ON VOUS DIT À QUOI VA
RESSEMBLER LA CÔTE D'AZUR
DANS 20 ANS (ET C'EST
INQUIÉTANT)
VOUS INTÉRESSEZ-VOUS À... ? FRANCE
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PAR AURORE MALVAL le 26/06/2016, à 08h06
Le tourisme est la première activité économique sur la Côte d'Azur.
Rien d'étonnant à ce qu'elle façonne le visage de notre littoral. Nous
avons demandé à des géographes spécialistes de l'organisation de
l'espace quel sera la physionomie des Alpes-Maritimes dans 20 ans.
La Côte d’Azur dans 20 ans?Moins de vert et plus de béton. Les jardins et les dernières
petites parcelles agricoles sont condamnées à disparaître, cédant la place à de nouvelles
constructions.
Ceci est une projection, un scénario fiction, un scénario catastrophe?Un "possible"en
tout cas, décrit par les scientifiques que nous avons interrogés. A l’horizon 2036, le
paysage de la Côte d’Azur aura changé. Diﬀicile de blâmer le seul tourisme pour ces
transformations. "S'il n'est pas le seul élément d'explication à l'artificialisation du système
littoral, il est le plus déterminant", écrivait Andrée Dagorne, géographe à l'Université de
Nice, en 1992 (dans La Côte d'Azur, un mur de béton?).
L’économie de l’accueil, avec ses 11 millions de touristes annuels, représente la première
richesse de notre département. Et c’est elle qui a en grande partie façonné le visage de
notre littoral tel qu’il est aujourd’hui. Tel qu’il sera demain?
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"L'immobilier, c’est la grosse machine", appuie Samuel Robert, chercheur au CRNS d’Aix-
Marseille. Il suffit de jeter un coup d’oeil aux chiffres pour en être persuadé: en 2012, les
Alpes-Maritimes et Monaco comptaient 760.000 logements, dont 168.910 résidences
secondaires. A Antibes, leur taux s'élève à 30 %, à Menton, il grimpe à presque 40%. Plus
de la moitié des séjours se fait chez l'habitant.
UNE TENDANCE PERSISTANTE À
L’URBANISATION GALOPANTE
A quoi ressemblera la Côte d'Azur dans 20 ans? @Nice_Matin
propose un scenario fiction #tourisme #environnement
21:09 - 22 Juin 2016 · Paris, France, France
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Nice-Matin
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Samuel Robert a travaillé à Nice, au sein du laboratoire Espace. Il y a soutenu sa thèse en
2009, démontrant que, dans la zone côtière du Var, des Alpes-Maritimes et des provinces
italiennes d’Imperia et Savona, “les espaces qui offrent potentiellement une vue sur la mer
sont 2,5 fois plus artificialisés que les espaces sans vue”. Ça veut dire qu'un lieu qui a
théoriquement vue sur la baie (l'étude ne tient pas compte des constructions existantes
qui pourraient boucher la perspective bleue)a 2,5 plus de chances d'être construit qu'un
autre se situant, par exemple, derrière une colline.
"Souvent, on parle du réchauffement climatique. Mais ce ne sont pas les effets du
réchauffement climatique qui vont transformer notre paysage. Le risque de submersion
marine est bien exagéré, car nous ne ferons pas partie des secteurs les plus touchés, et
cela ne permet pas de mettre l’accent sur les principaux problèmes", affirme Christine
Voiron, géographe et directrice de l’UMR ESPACE de l’Université Nice-Sophia Antipolis.
Oui, il y aura des surcotes marines les jours de tempête. Et puis?
C’est un peu plus loin que tout va bouger. "La tendance qui se poursuit, c’est celle de
l’urbanisation galopante", affirme encore la professeur.
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"75% des espaces devenus urbains se situent
à moins de 400 mètres de la côte"
Au début, tout allait bien. Au XIXe, puis début du XXe siècle, le développement touristique
azuréen va de pair avec la croissance des terres agricoles. Les besoins générés par
l’augmentation de la population et la nécessité de canaliser les fleuves, encouragent
l’extension des cultures de fleurs et de légumes. Jusqu’aux années 1960, tourisme et
agriculture cohabitent pacifiquement. Surtout parce qu’aucune des deux activités ne
manque de place. Arrivent les années 1970 et le boom des résidences secondaires. La loi
littoral, promulguée en 1986 pour protéger la bande côtière (aucune construction à moins
de 100 mètres de la côte), ne sanctuarise pas les terres cultivées. Finalement, "75%des
espaces devenus urbains se situent à moins de 400 mètres de la côte", aﬀirme Christine
Voiron.
"Aujourd'hui se pose le problème de la résidence secondaire vide. On a une urbanisation
beaucoup plus importante que la population", pointe Samuel Robert, pour qui le
phénomène illustre "une confiscation du territoire pour un usage qui n’est pas du tout dans
l'esprit du développement durable. On ne peut pas continuer à construire quand on a un
parc aussi conséquent."
Et pourtant. Toutes les cartes qui comparent l'évolution du bâti entre les années 1970 et
nos jours font ressortir les mêmes tendances.
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 UMR Espace/Christine Voiron
L'évolution des espaces bâtis entre Antibes et Vallauris
"C’est un mouvement inexorable que rien n’arrête. Les plus petites parcelles sont celles qui
disparaissent le plus vite." Rien ne semble pouvoir essouﬀler la frénésie de construction.
Avec la bénédiction ou presque de la loi ALUR (2014)qui privilégie la densification à
l’étalement urbain: "C’est tout le problème de cette loi, les espaces interstitiels ont vocation
à disparaître", appuie Christine Voiron-Canicio. "Le principe de l'économie de l'accueil, c’est
de se renouveler. Monaco est l’exemple parfait", complète Samuel Robert. On va construire
toujours plus haut, toujours plus serré.
"Ce qui fait aujourd’hui l’attrait de notre territoire, c’est cette imbrication ancienne, étroite,
de l’espace vert et du bâti. Pas seulement les parcs. Mais l’espace vert privé, spontané, dans
la ville", décrit Christine Voiron. Or, si la tendance actuelle se poursuit, les maisons
anciennes avec jardinet ne devraient pas faire long feu. "On assiste à une uniformisation
du bâti. On construit des éco-quartiers qui se ressemblent tous, du nord au sud de la France,
là où l’on s’attendait à ce qu’il y ait une attention particulière portée à la spécificité
architecturale de chacune des villes de la Côte d'Azur."Au risque de voir disparaître, dans
une trentaine d’années, les marqueurs du paysage méditerranéen et urbain de la Côte.
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Bien sûr, ce changement n’est pas radical. "Notre paysage se transforme sournoisement,
lentement", répète la directrice du laboratoire Espace. D’autant plus grave qu’une fois
l’artificialisation achevée, il n’existe pas de retour en arrière. "La pollution marine peut se
résorber, car la mer est résiliante. S’il n’y a plus de surfaces agricoles, elles ne pourront
plus renaître", aﬀirme Christine Voiron.
Ce qu'il manque?Une vraie prise de conscience, selon la géographe. "On n’anticipe pas
suﬀisamment les conséquences, il n’y a pas assez de volonté d’imaginer l’impact du
prolongement de cette tendance". Elle s'y emploie pourtant: "Quand on le fait, c'est un
électrochoc. Pour tout le monde. Les décideurs et la population."
Avec son équipe, elle a mis en place un outil de simulation, qui permet de modéliser des
options d'aménagements paysagers. Dans la vidéo ci-dessous, l'étude porte sur une zone
jugée "sensible"située sur les communes d'Antibes et Vallauris.
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"Peut-être que l’on fait trop attention à tout ce
qui est écosystème..."
Elle esquisse un sourire: "Je sais que ce que je vais dire va choquer. Mais peut-être que l’on
fait trop attention à tout ce qui est écosystème. On protège beaucoup la biodiversité, or
toutes les études montrent que les espèces végétales et animales méditerranéennes ne vont
pas disparaître. Et je parle sous le contrôle du directeur du laboratoire IMBE (Institut
méditerranéen de biodiversité et d'écologie). C’est cette végétation “banale”, qui n'est pas
protégée et pas réputée comme "exceptionnelle"qui est en train de disparaître."
LES PLAGES MISES À MAL ET RÉDUITES
Côté mer?Les marinas n'ont certainement pas fait du bien à l’écosystème. "Les petits
fonds ont été massivement détruits", relève Samuel Robert. Heureusement, plus rien de
semblable ne se construit aujourd’hui. "Les seuls aménagements encore réalisés sur le
liseré côtier sont ceux destinés à lutter contre les assauts de la mer", poursuit le chercheur,
qui note une réduction de l'espace tampon entre terre et mer, prenant l'exemple des
plages entre Antibes et Villeneuve-Loubet ou la baie du Soleil, à Menton: "En 10 ans, des
plages de galets ont quasi-disparu."La plage de Nice reste ce qu'elle est grâce à la main de

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l'homme.
Cela s'explique d’abord par l’appauvrissement des apports en sédiment charriés par les
fleuves jusqu'à la mer. Notamment à cause des constructions, pour lesquelles ils ont
été très utilisés. La seconde raison tient à la terre et on en revient à l'abandon progressif
des parcelles agricoles: "Autrefois, l'arrière-pays était mis en valeur par l'agriculture",
rappelle Samuel Robert. Cette agriculture en terrasses permettait l’alimentation des
fleuves en sédiments lorsque l’eau ruisselait depuis les hauteurs. Las, aujourd'hui, la
plupart de ces terrasses sont construites ou colonisées par la forêt.
TOUT PROTÉGER N'EST PAS LA SOLUTION
(ET ÇA N'A JAMAIS MARCHÉ)
Pour protéger le patrimoine naturel, les premiers parcs nationaux ont été créés en France
dans les années 1960. Dans les années 1970, la bétonisation explose. En 1975, en
“réaction”, est créé le Conservatoire du littoral, pour tenter de sauver ce qui pouvait
encore l’être. "Les terrains achetés par le Conservatoire du littoral ont été protégés", appuie
Christine Voiron-Canicio, géographe et directrice de l’UMR-Espace de l’Université de Nice-
Sophia Antipolis. C'est le cas du parc du Vinaigrier à Nice, par exemple.
"L'urbanisation est telle que sur certains
secteurs, il est impossible d'identifier les
qualités ou de retrouver les qualités qui ont
permis de protéger ces secteurs au titre des
Sites inscrits."
D'autres sites classés ou inscrits sur la Côte d'Azur ont connu des fortunes diverses. Car
la protection a un coût. Et il faut être capable de la garantir dans le temps. Des zones
inscrites dans les années 1930 autour de Cannes et d’Antibes ont été déclassées en 2011
par la CNDPS (Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites), leur
protection étant devenu obsolète.
Dans la liste des motivations exposées par la DREAL, on lit que ces sites radiés sont des
espaces "dont les qualités ne nécessitent plus la protection au titre des sites inscrits ou ne
peuvent être retrouvées facilement en raison de leur niveau de dégradation irréversible.
L'urbanisation est telle que sur certains secteurs, il est impossible d'identifier les qualités ou
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de retrouver les qualités qui ont permis de protéger ces secteurs au titre des Sites inscrits."
Au total, plus de 5.000 hectares ont été déclassés, soit 20%du site inscrit du littoral ouest
des Alpes-Maritimes. "Un terrible constat d’échec", commente Christine Voiron.
Mais protéger à tout prix n’est pas forcément la solution, dit en substance Samuel Robert.
"Protéger peut avoir des eﬀets secondaires, c’est à dire créer des espaces d’exception et
d’autres qui ne le sont pas. On crée des inégalités socio-spatiales et environnementales,
développe le géographe. La protection induit parfois une interdiction d’usages, et le report
de ces usages sur d’autres territoires", lesquels seront encore plus détériorés. Samuel
Robert prend l’exemple des calanques de Marseille, labellisées parc national en 2012:
"Forcément, cette mise en lumière a provoqué la valorisation des alentours, et donc créé un
attrait qui va exclure certaines populations."Or, le développement durable s’appuie sur 3
piliers : l’écologie, l’économie... et le social.
Il préconise de "sortir de l’opposition stérile entre protection et développement", en
"préservant les interactions entre l’homme et l’environnement". Cela passe par faciliter et
encourager certaines activités respectueuses de l'écosystème, "comme la pêche".
"Il existe une marge de manoeuvre"pour empêcher le scénario catastrophe,
rejoint Christine Voiron. "Toute l’ambigüité des citadins azuréens, c’est qu’ils veulent la
protection du patrimoine, ils y sont sensibles, mais ils veulent tous une maison individuelle
avec piscine. Et ils veulent que leur neveu fasse construire la sienne à côté, avec une piscine
aussi."La professeur recommande de penser impérativement au maintien de
l’agriculture: "Pourquoi n'est-il pas prévu des cultures en étage dans le projet Nice-
Méridia? Les populations sont de plus en plus attachées aux circuits courts, or les politiques
décrètent de faire disparaître l’agriculture locale."
ENCADRER LE TAUX DE RÉSIDENCES
SECONDAIRES?
En mars 2012, la Suisse, après un référendum d'initiative populaire, décidait de limiter les
résidences secondaires, dans l'optique de préserver son patrimoine naturel. Un vote qui
n'a pas ravi les habitants (et commerçants)des stations touristiques concernées: la loi est
entrée en vigueur au 1er janvier dernier, et elle interdit aux communes dont les résidences
secondaires composent plus de 20%du parc de logements d'en construire de nouvelles.
Environ 440 d'entre elles sont touchées par cette interdiction.
Dans les autres villes du pays, la proportion de résidences secondaires sera calculée en
2017 et contrôlée annuellement. L'objectif?Limiter le nombre de maisons inoccupées et
prévenir la spéculation immobilière.
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