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Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Les rentransmissions de rencontres sportives sous l'angle du droit de la concurrence
1
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
«On parle d'1,5 milliard d'euros qui aurait été subtilisé aux clubs, il faut absolument que le Conseil
de la concurrence s'auto-saisisse» Ainsi a réagi Jean-Michel Aulas après avoir appris que le
président François Hollande avait fortement œuvré, en faisant pression sur le Qatar, à ce que le
groupe Canal+ conserve une partie des droits télévisuels de la Ligue 1.
Aujourd'hui indissociable du sport professionnel, la télévision apparaît comme un outil dans ce
qu'on a coutume d'appeler le « sport spectacle »
En effet, la télévision présente dans cet optique un double avantage : elle est à la fois source de
revenus pour les clubs mais permet également aux consommateurs de s'imprégner d'une ambiance,
de vivre un match comme s'ils y étaient. D'autres médias interviennent comme la radio ou plus
récemment Internet (via la pratique du streaming).
Enjeu économique de haute importance, la retransmission des rencontres sportives mérite d'être
régie par le droit de la concurrence.
Tout d'abord, l'arrêt Walrave et Koch rendu par la cour de justice de l'Union européenne le 12
décembre 1974 indique que dès lors que le sport est envisagé comme une activité économique, il
doit être soumis au droit européen.
En l'espèce, la retransmission des rencontres sportives répondant à une logique de marché
puisqu'elle met aux prises plusieurs opérateurs concourant pour l'obtention de droits de diffusion,
doit être soumises aux règles de droit européen. Cela se manifeste notamment par le respect des
articles 101 et 102 du traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er janvier 2009 interdisant les ententes
entre entreprises dans l'optique de réduire la concurrence.
Dans le cadre de notre analyse, nous nous intéresserons principalement à la télévision et au sport le
plus imprégné par le mécanisme des droits TV en Europe c'est à dire le football.
Ce sujet sera l'occasion pour nous d'observer la manière dont le droit de la concurrence permettant à
des entreprises de pouvoir se faire une place sur un marché après compétition avec d'autres
opérateurs économiques, s'articule avec la logique du marché du sport professionnel. Cela passera
nécessairement par une analyse des décisions marquantes en la matière notamment celles émanant
de l'Autorité de la concurrence ou encore de la cour de justice de l'Union européenne.
Ce constat nous amène à nous poser la question suivante :
Comment le droit de la concurrence régule-t-il le marché des droits de retransmission des rencontres
sportives ?
Tout d'abord, nous verrons que le droit de la concurrence imprègne fortement ce marché. (I)
Cela se manifeste par la mise en place d'outils permettant une action efficace notamment au niveau
européen. Il faudra ensuite se pencher de manière plus précise sur les différents modèles existant en
la matière. Nous prendrons alors l'exemple du modèle individualisé de vente des droits télé qui avait
cours en Espagne jusqu'en 2015.
Après cela, nous constaterons que sous l'effet du droit européen, on observe une convergence vers le
modèle centralisé de vente des droits télé. (II) Pour illustrer ce propos nous prendrons l'exemple du
modèle de répartition français et nous analyserons les causes qui ont menées bon nombre de pays à
évoluer vers ce système. Nous terminerons notre présentation en précisant que le droit de la
concurrence malgré ces bienfaits n'est pas en mesure de pouvoir gommer les inégalités préexistantes
entre les équipes issues des différents championnats européens.
2
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
I Le marché des retransmissions de rencontres sportives : un marché soumis au droit de la
concurrence
Les retransmissions des matchs de compétitions sportives de par leur nature économique doivent
nécessairement être soumises au droit de la concurrence. Des mécanismes propres à ce champ du
droit viennent réguler ce secteur. (A)
En outre, nous constaterons que deux modèles de vente des droits coexistaient jusqu'à une époque
récente à savoir le modèle centralisé et le modèle individualisé. Nous illustrerons ce dernier en
prenant l'exemple de l'Espagne pays au sein duquel le modèle individualisé est resté en vigueur
jusqu'à la saison 2015/2016. (B)
A Les mécanismes de droit de la concurrence appliqués au domaine des retransmissions de
rencontres sportives
En tant que domaine soumis au droit de la concurrence, les retransmissions des rencontres sportives
doivent respecter un certain nombre de principes définis de manière précise par la Commission
européenne et codifiés en France à l'article R 333-3 du code du sport.1
Tout d'abord, elles doivent être soumises à une procédure d'appel à candidatures publique.
Cette exigence vise d'abord à informer de manière transparente les opérateurs économiques de la
mise en vente des droits de retransmission. Suite à cela l'objectif est également de permettre la libre
concurrence entre eux, celui ayant l'offre la plus intéressante économiquement raflant la mise.
En France, la cour de cassation a déjà eu l'occasion de se prononcer sur un litige touchant
directement ce critère.2
En l'espèce, elle a indiqué que le refus opposé par une fédération sportive à une chaîne privée de
télévision, d'accéder au marché des droits de retransmission des rencontres peut avoir pour objet ou
pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et constitue une pratique interdite par
les articles 7 et 8 de l'ordonnance n°86-123 du 1er décembre 1986 et par les articles 85 et 86 du
Traité CEE.
Il est à noter que cette solution est la bienvenue car elle permet de faire jouer la concurrence, en
permettant à toutes les chaînes de faire valoir leurs arguments. D'autant plus dans la télévision où
l'acquisition des droits de retransmission de rencontres sportives peut constituer un atout
supplémentaire pour attirer de nouveaux clients et ainsi gagner en notoriété.
ex : Canal+ a perdu les droits de retransmission de la Premier League au profit du Groupe Altice
(SFR Sport) après avoir déjà perdu une partie des droits de retransmission du championnat de
France de Ligue 1, acquis par la chaîne Bein Sport
De nombreuses conséquences peuvent découler de la non-obtention des droits de retransmission
comme le départ de leurs meilleurs consultants,la baisse du nombre d'abonnés et a fortiori une
notoriété en baisse.
Ensuite, l'attribution des droits télévisuels s'effectue par lots permettant ainsi à plusieurs opérateurs
de pouvoir pénétrer sur ce marché.
Cette idée est mise en mise en avant dans plusieurs décisions de l'Autorité de la concurrence.
Ainsi, elle rappelle que :
« […] cette disposition [la vente par lots] a pour objet d’éviter la constitution d’un lot ou de
quelques lots trop importants qui ne pourraient être acquis que par les opérateurs les plus
1 Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique du football
professionnel, www.senat.fr
2 Cass, com, 1er mars 1994, n°92-12124
3
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
puissants, mais aussi de lots composés de telle sorte que leur indépendance ne soit qu’apparente et
que le diffuseur soit conduit à rechercher l’acquisition de lots couplés ou à se lier avec un autre
diffuseur pour être en mesure d’exploiter les lots dans des conditions techniques et économiques
satisfaisantes ; »3
Troisième critère dégagé par la Commission européenne: une durée des contrats d'exclusivité limité.
Dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, ces contrats sont limités à trois ans.
Cependant en France, depuis 2007, la Ligue de football professionnel a porté leur durée à 4 ans.4
A l'époque, la LFP estimait que la décision du ministre de l'économie en date du 30 août 2006
autorisant l'acquisition par les groupes Vivendi Universal et Canal + des chaînes TPS et Canal
Satellite provoquait un changement du contexte concurrentiel. Cet argument avait été anticipé par
Frédéric Botlony dans un article écrit en 2005.5
Selon la ligue, l'allongement à 4 ans était nécessaire pour permettre l'entrée de nouveaux opérateurs
économiques sur le marché.
La modification devient effective suite à deux décisions du Conseil de la Concurrence.6
Il en ressort que celui-ci était d'accord pour y procéder tout en y émettant un certain nombre de
réserves.
On peut y voir une solution d'opportunité permettant avant tout à la LFP d'attirer davantage
d'opérateurs et d'espérer augmenter le montant des droits TV.
Dans les faits, ce décret a un effet assez résiduel d'autant plus maintenant car si le Qatar est depuis
son implantation au PSG présent sur le terrain des droits TV via sa chaîne Bein Sport, la faiblesse
du championnat, explicable par plusieurs facteurs (pelouses de mauvaise qualité, fuite des talents
vers des championnats plus compétitifs) fait que les opérateurs économiques ne se bousculent pas
pour acquérir les droits de diffusion de la Ligue 1.
En conséquence, le passage des contrats de 3 à 4 ans n'a que peu d'effet dans la pratique puisque le
niveau du championnat de France a tendance à décliner. Une lueur d'espoir semble néanmoins
perceptible depuis la nomination de Didier Quillot au poste de président de la LFP.
Ce dernier s'affaire à entamer des réformes structurelles qui pourraient rejaillir de manière favorable
à terme sur les droits TV de la L1.
Enfin, le dernier critère dégagé par la Commission européenne est l'absence de clauses
automatiques de renouvellement.
L'objectif affiché une nouvelle fois est la protection de la libre concurrence entre opérateurs
économiques afin d'éviter toute situation de monopole.
Si on constate qu'un certain nombre de principes de droit de la concurrence s'applique à la
retransmission des rencontres sportives, force est de constater que jusqu'à récemment, deux modèles
de vente des droits s'affrontaient et devaient composer avec tous ces critères.
3 Avis n° 04-A-09 du Conseil de la concurrence en date du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la
commercialisation par les ligues professionnelles des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou
manifestations sportives
4 Décret n° 2007-1676 du 28 novembre 2007 relatif à la durée des contrats conclus pour la commercialisation des droits
d'exploitation audiovisuels codifié à l'article R 333-3 du code du sport
5 Frédéric Bolotny ,La nouvelle flambée des droits TV du football français,RJES 2005, n°74, p.121, Recueil Dalloz
6 Avis n°07-A-07 du 25 juillet novembre 2007 relatif aux conditions de l'exercice de la concurrence dans la
commercialisation des droits sportifs et l'avis n°07-A-15 du 9 novembre 2007 portant sur le projet de décret modifiant
l'article R 333-2 Code du Sport
4
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
B La vente individualisée des droits de retransmission des rencontres sportives : l'exemple du
football espagnol avant la saison 2015/2016
Avant la saison 2015/2016, les clubs professionnels négociaient leurs droits de manière individuelle.
Concrètement, ils négociaient directement avec les opérateurs économiques sans passer par la ligue
de football espagnole.
Ce système avantageait clairement les mastodontes de la Liga BBVA à savoir le Real Madrid et le
FC Barcelone.
Pour expliquer ce choix de modèle, il faut remonter à la loi du 3 juillet 1997 dite Loi de
retransmission.
En effet l'alinéa 2 de son article 6 précise que « pour pouvoir réaliser la retransmission les
opérateurs doivent négocier avec les titulaires des droits [c'est à dire les clubs]tout en respectant
les principes de publicité et de libre concurrence [...] »
Globalement, cette loi va légitimer le modèle individuel de vente des droits télévisuels pour le
football professionnel espagnol sur le territoire hispanique.
Avant cela, une décision du tribunal de défense de la compétence du 10 juin 1993 donne la
possibilité à plusieurs opérateurs d'acquérir les droits télévisuels de la Liga notamment via le
système de lots et la durée limitée des contrats.7
Dans les faits, cette situation s'est concrétisée en 2006 par l'entrée sur le marché des droits
télévisuels de la Liga et de la Copa del Rey de Audiovisual Sport après un accord passé avec
l'entreprise Mediapro.
Toutefois, comme le souligne José Vincente Garcia Santamaria, le modèle espagnol « comporte une
insécurité juridique (du point de vue de la répartition des droits) ce qui conduit les chaînes de
télévision à saisir les tribunaux pour régler leurs conflits d'intérêt.»8
En définitive, alors que le championnat espagnol possède deux des meilleurs clubs du monde avec
le FC Barcelone et le Real Madrid, le modèle de répartition des droits télé en vigueur jusqu'à la
saison dernière était instable et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les clubs dictaient leur loi en imposant leurs propres conditions dans la vente des
droits et en créant par la même occasion des conflits d'intérêts entre chaînes de télévision, ce qui
conduit à de nombreux litiges. La négociation des contrats n'est pas transparente puisque les
montants des droits accordés aux différentes équipes ne sont pas accessibles.
Ensuite, l'équilibre des compétitions est faussé puisque les grands clubs s'accaparent la majorité des
droits télé. Cela a pour conséquence de les maintenir sur la durée comme places fortes du football
espagnol et donc de creuser davantage l'écart avec les autres équipes de Liga.
José Maria Del Nido, président du FC Séville soutenait dans une interview donnée à Marca en
2011 :
« Notre ligue n’est pas une ligue compétitive. Il y a deux clubs qui s’emparent de l’argent du reste.
Les opérateurs (télé) feront ce que dictera la Liga. Les droits de télévision sont collectifs et
n’appartiennent pas à une équipe concrète. La poule aux œufs d’or est bientôt épuisée. »9
Il faut ajouter que de ce fait, ce modèle n'était pas économique viable sur le long terme car il crée un
nivellement du championnat par le bas.
Enfin, la dernière limite du modèle individuel se situe dans la difficile exportation du championnat
espagnol à l'international du fait de la situation de monopole qui apparaissait trop souvent.
7 Décision 319/92 du 10 juin 1993, mentionnée dans José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus
modelo individualizado », Revista Telos, 2011
8 José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus modelo individualizado », Revista Telos, 2011
9 Michael Lopez et Ruben Vazquez, La répartition des droits télé dans le championnat espagnol (Liga BBVA) : Barça et
Madrid plus en tête que jamais !, www.jetdencre.ch
5
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
En effet, une des failles du système de vente individualisée résidait dans le fait que bien souvent on
observait un manque de transparence concernant les termes des contrats. Par conséquent, cela
s'inscrivait en opposition avec les obligations de transparence exigées par le droit européen. Dès
lors, la commercialisation des droits télé du championnat espagnol hors du territoire national était
rendue plus difficile.
Malgré tout, nous allons voir que ce championnat a su se montrer pragmatique pour tendre vers le
modèle centralisé de vente des droits télé. La principale raison réside comme nous l'avons évoqué
dans une des principales failles du système individuel de vente des droits télévisuels à savoir la
difficile exportation du championnat espagnol à l'international. Ce changement a dû s'accompagner
d'une mise en conformité du modèle espagnol vis à vis du droit de la concurrence.
II L'harmonisation progressive du système de répartition des droits TV sous l'influence du droit
européen
Alors que ses voisins avaient opté depuis plusieurs pour le modèle centralisé de répartition des
droits télévisuels en matière de football, le football espagnol a dû s'y résoudre à son tour.
Pour symboliser cette mise en avant du système centralisé, nous prendrons l'exemple du football
français. (A)
Ensuite, nous constaterons que malgré tous ses bienfaits, la pénétration du droit de la concurrence
dans le domaine des retransmissions de rencontres sportives voit son action limitée puisque des
inégalités demeurent entre les championnats européens. (B)
A La promotion du modèle centralisé au niveau européen : l'exemple français
Contrairement à l'Espagne jusqu'en 2015/2016, la France avait déjà opté pour le modèle centralisé
de répartition des droits télé.
Concrètement, c'est la ligue de football professionnel qui conformément à l'article R 132-9 du code
du sport,se voit confier via une convention passée avec la fédération française de football un certain
nombre de compétences parmi lesquelles la gestion de la commercialisation des droits télévisuels de
la Ligue 1 et Ligue 2.
L'article L 333-2 du code du sport donne la compétence exclusive à la ligue en matière de
répartition des droits télévisuels de Ligue 1 et Ligue 2.
En outre, la répartition des droits télé répond à plusieurs critères fixés par l'article L 333-3 du code
du sport.
Ainsi, 50% sont répartis de façon égalitaire entre les clubs, 25% en fonction du classement de la
saison précédente, 5% en fonction du classement sur les cinq dernières saisons et 20% en fonction
des retransmissions télévisuelles sur la saison en cours.
La conformité du système de la vente centralisée au droit de la concurrence a fait l'objet d'une
appréciation au niveau européen via la commission européenne et au niveau français par
l'intermédiaire de l'Autorité de la concurrence.
.
Dans une décision de 2003, la Commission a affirmé que l'UEFA pouvait les vendre de manière
collective sous réserve que ceux-ci soient préalablement soumis à une procédure d'appel d'offres.10
10 Décision 2003/778/ CE du 8 novembre 2003 relative à la vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des
Champions de l'UEFA
6
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Cette décision vient confirmer la logique de marché mise en avant par l'Union européenne dès le
traité de Rome de 1957. En effet, en offrant la possibilité de centraliser la vente des droits
télévisuels et en constituant plusieurs lots, elle permet de faire jouer la concurrence entre les
différentes chaînes de télévision et facilite par la même occasion l'exportation des droits à
l'international.
De plus, elle met en évidence l'idéologie européenne en matière de sport car la vente centralisée des
droits télévisuels renvoie à l'idée de répartition égalitaire entre les clubs ce qui est de nature à
préserver l'équilibre des compétitions. L'attachement de l'Union européenne à ce principe a été
rappelé à de nombreuses reprises par la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne
comme par exemple dans l'affaire Lehtonen du 13 avril 2000.
En France, l'Autorité de la concurrence y répond également par l'affirmative.11
Dans cet avis, elle avance comme argument principal que «[...] la poursuite de l’intérêt général du
sport professionnel passait par une centralisation de la gestion commerciale des droits
audiovisuels, afin de produire des ressources suffisantes pour assurer, sur une base solidaire, une
grande partie du financement des clubs professionnels. »
La solidarité entre les clubs apparaît donc comme la principale justification à une gestion centralisée
par la Ligue.
La loi Lamour du 1er août 2003 précisait déjà que "Les produits [des droits d’exploitation
audiovisuelle] revenant aux sociétés leur sont redistribués selon un principe de mutualisation, en
tenant compte de critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre
les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété."
Seulement, comme l'indique Fabrice Rizzo « […] la loi doit corrélativement garantir aux sociétés
sportives au nom de la libre concurrence la possibilité d'exploiter individuellement une partie des
droits audiovisuels»12
Ce constat met en avant le fait que les clubs de football sont de véritables entreprises qui doivent
disposer de ressources à même d'assurer leur pérennité. Cela est primordial puisque la société
sportive est par essence fragile à cause du système promotion/relégation en vigueur en Europe.
En effet, dans ce système, chaque équipe peut en théorie descendre à l'issue de chaque saison.
Dès lors, la solidarité entre les clubs permet de réduire les risques de retrouver les mêmes équipes
dans les profondeurs du classement et d'entretenir ainsi l'incertitude des compétitions.
Le modèle centralisé s'est depuis récemment étendu à toute l'Europe.
Ainsi, en Espagne, la situation a changé puisque le préambule du décret royal du 30 mai 2015
dispose que:
« Aucune autre formule que la vente centralisée ne permet la vente des droits TV hors
d'Espagne . L'incapacité du secteur à pouvoir tirer profit de ce mode de commercialisation oblige à
une actualisation urgente qui permette de ne plus perdre des parts de marché.
Dans ces circonstances, il y a possibilité d'implanter avec un bon nombre de garanties le système
de commercialisation centralisée des droits audiovisuels à partir de la saison 2016/2017.»
En définitive, la perte de parts de marché au niveau européen a obligé le championnat espagnol à
revoir son modèle notamment dans le but de rattraper son retard sur son principal rival à savoir la
Premier League anglaise.
11 Avis n°04-A-09 du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles
des droits d'exploitation audiovisuelles des compétitions ou manifestations sportives
12 Fabrice Rizzo, La propriété complexe des droits de retransmission télévisée Le cas français, Finance et Bien
commun 2007,n°26, Recueil Cairn
7
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Cela permet en outre au football espagnol de s'aligner sur la vision européenne du sport
professionnel à savoir un domaine basé sur l'équilibre des compétitions.
Ainsi, on observe une nouvelle répartition des droits télés : 50% sont répartis de manière égalitaire,
25% en fonction des performances sur les 5 dernières saisons et 25% sur un critère Impacto
englobant qualité des infrastructures et popularité des clubs.13
Cependant, même si cette réforme est entrée en vigueur plus tôt que prévu (lors de la saison
2015/2016), les inégalités demeurent.
Ainsi, le Real Madrid et le FC Barcelone avaient réussi à obtenir après négociations avec la ligue
espagnole le versement pour la saison 2015/2016 d'une somme égale au montant perçu en termes de
droits télé lors des deux saisons précédentes à savoir 140 millions d'euros chacun.
L'expansion du modèle centralisé à la quasi totalité de l'Union européenne traduit la logique de
marché promue par le droit européen. Pourtant, force est de constater que l'action du droit de la
concurrence reste limitée et ne semble pas en mesure de gommer les inégalités existantes entre les
différents championnats.
B Des inégalités persistantes entre les différents championnats européens
Le droit de la concurrence s'il tente de réduire les inégalités entre les championnats placés sous
l'égide de l'UEFA ne peut pas totalement les effacer.
Ainsi, alors que le modèle centralisé est en vigueur dans ces deux championnats, l'écart du montant
des droits télévisuels reste très important entre la Premier League et la Ligue 1. Pour preuve, la
ligue anglaise de football (FA) a réussi à obtenir une nette revalorisation des droits télé sur la
période 2016-2019 puisque ceux-ci s'élèvent à 6,9 milliards soit 2,3 milliards par an.
A titre de comparaison, ce montant est nettement moins important en France puisqu'il atteint 748,5
millions d'euros pour la période 2016-2020.14
Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel écart.
Tout d'abord, une attractivité bien moindre de la Ligue 1 par rapport à la Premier League.
En effet, la plupart des grands clubs possèdent une renommée mondiale ceux qui est encore loin
d'être le cas pour les clubs français.
En effet, à titre d'exemple, Liverpool Manchester United ou encore Chelsea effectuent leur
préparation d'avant-saison dans des pays cibles comme les États-Unis ou la Chine à des fins de
développement commercial. Cela contribue a fortiori à augmenter les droits de retransmission du
championnat anglais.
En France, seul le PSG depuis son rachat par le Qatar, apparaît en mesure de rivaliser.
Derrière lui, les clubs français éprouvent d'énormes difficultés.
Cela peut aussi s'expliquer en partie par la pression fiscale énorme qui pèse sur les clubs en France
notamment depuis l'instauration de la taxe Hollande.
A ce propos, Richard Olivier, président de la Direction Nationale du contrôle de gestion jusqu'en
2015 affirmait en 2012 que « La fiscalité et le poids des charges sociales des pays concurrents de la
France restant plus favorables, dans un univers économique européen du football, nous avons peu
de chances de décrocher un trophée européen, quel qu'il soit, si on les alourdit encore... »15
13 Anthony Alyce, Comment seront répartis les droits télé de la Liga BBVA ?, www.ecofoot.fr, 6 novembre 2015
14 Encadrement des droits-télé du football au niveau européen et équité sportive, www.senat.fr
15 Entretien avec Richard Olivier : Quels enjeux pour le football français?, Jurisport 2012, n°123, p.23, Recueil Dalloz
8
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Une perspective d'amélioration semble néanmoins possible car l'obtention de l'Euro 2016 a permis à
de nombreuses villes, réputées comme places fortes de Ligue 1 de se doter d'une nouvelle enceinte
ou de la moderniser. De même, quelques stars sont présentes comme Angel Di Maria, Mario
Balotelli ou l'ont été comme Zlatan Ibrahimovic jusqu'à récemment.
Un autre effet de l'écart des droits télévisuels peut être noté à savoir l'attrait des superstars pour la
Premier League.
En effet, Manchester United a réussi à attirer l'été dernier Paul Pogba notamment pendant que
Manchester City réussissait à conserver un joueur comme Yaya Touré.
En France, le PSG après de longues négociations n'est pas parvenu à recruter la star brésilienne
Neymar, qui a préféré prolonger son contrat avec le FC Barcelone jusqu'en 2021.
Les droits télé se répercutent également sur le recrutement des jeunes joueurs.
Ainsi, bon nombre de jeunes français désirent après quelques mois et de bonnes performances en
Ligue 1 rejoindre la Premier League.
Pour eux, ce championnat « fait rêver », «Il y a beaucoup de gros matches à jouer », « une grosse
ambiance dans les tribunes ».
Cet état de fait pousse les clubs de Ligue 1 à être relégués dans une sorte de deuxième division
européenne contrainte de vendre ses meilleurs éléments pour pouvoir survivre économiquement.
Cela conduit forcément à un nivellement par le bas du niveau global du championnat de France et a
fortiori à une perte d'intérêt pour les diffuseurs potentiels.
Malgré tout, la ligue de football professionnel, sous l'impulsion de son directeur général Didier
Quillot planche sur différentes pistes afin de donner un nouvel élan à la Ligue 1.
Enfin, la différence de montants des droits télés se ressent sur la scène européenne et notamment au
travers de sa compétition phare la Ligue des Champions où depuis quelques années ce sont les
mastodontes européens qui trustent les places dans le dernier carré. Ils perçoivent ainsi la majorité
des droits télés associés à la participation à cette compétition.
Les critères de répartition des droits télévisuels dans les grands championnats participent aussi au
maintien d'une élite.
Ainsi, le critère concernant la popularité des clubs favorise indéniablement le Real Madrid et le FC
Barcelone.16
Dans la même veine, en Italie où le modèle centralisé a été adopté suite à l'entrée en
vigueur de la loi Melandri, le critère relatif au nombre de tifosi avantage des clubs comme la
Juventus Turin ou le SSC Naples.17
En définitive, on remarque que les droits télés constituent la majeure partie des ressources des
clubs. Leur encadrement par le droit de la concurrence est par conséquent nécessaire mais ne suffit
pas à atténuer les disparités entre les différents championnats.
16 Anthony Alyce, « Quelle est la répartition 2015-2016 des droits TV de Liga BBVA ? », www.ecofoot.fr, 7 juin 2016
17 Loi Melandri mise en place par le décret-loi du 9 janvier 2008 relatif à la propriété, à la commercialisation des droits
audiovisuels sportifs et à la répartition des ressources
9
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Bibliographie
Articles de revues juridiques
Frédéric Bolotny ,La nouvelle flambée des droits TV du football français,RJES 2005, n°74, p.121,
Recueil Dalloz
Fabrice Rizzo, La propriété complexe des droits de retransmission télévisée Le cas français,
Finance et Bien commun 2007,n°26, Recueil Cairn
Entretien avec Richard Olivier : Quels enjeux pour le football français ? – Jurisport 2012, n°123,
p.23, Recueil Dalloz
Lois et décrets-lois
Ley 21/1997, de 3 de julio de 1997, reguladora de las Emisiones y Retransmisiones de
Competiciones y Acontecimientos Deportivos.
Loi n°2003-708 du 1er août 2003 dite Loi Lamour
Décret n° 2007-1676 du 28 novembre 2007 relatif à la durée des contrats conclus pour la
commercialisation des droits d'exploitation audiovisuels
Decreto Legislativo 9 gennaio 2008, n. 9 "Disciplina della titolarita' e della commercializzazione
dei diritti audiovisivi sportivi e relativa ripartizione delle risorse"
Real Decreto-ley 5/2015, de 30 de abril de 2015, de medidas urgentes en relación con la
comercialización de los derechos de explotación de contenidos audiovisuales de las competiciones
de fútbol profesional
Jurisprudence
Décision 319/92 du 10 juin 1993 du tribunal de la compétence (Espagne)
Avis n°04-A-09 du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues
professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelles des compétitions ou manifestations
sportives
Avis n°07-A-07 du 25 juillet 2007 relatif aux conditions de l'exercice de la concurrence dans la
commercialisation des droits sportifs
Avis n°07-A-15 du 9 novembre 2007 portant sur le projet de décret modifiant l'article R 333-2 Code
du Sport
Cass, com, 1er mars 1994, n°92-12124
CJCE, Walrave et Koch, 12 décembre 1974
10
Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI
Articles de code
Article L 333-2 du code du sport
Article L 333-3 du code du sport.
Article R 333-3 du code du sport
Article R 132-9 du code du sport
Autres sources
Anthony Alyce, Comment seront répartis les droits télé de la Liga BBVA ?, www.ecofoot.fr, 6
novembre 2015
Anthony Alyce, « Quelle est la répartition 2015-2016 des droits TV de Liga BBVA ? »,
www.ecofoot.fr, 7 juin 2016
José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus modelo individualizado », Revista
Telos, 2011
Michael Lopez et Ruben Vazquez, La répartition des droits télé dans le championnat espagnol (Liga
BBVA) : Barça et Madrid plus en tête que jamais !, www.jetdencre.ch
Encadrement des droits-télé du football au niveau européen et équité sportive, www.senat.fr
Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique
du football professionnel, www.senat.fr
11

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Retransmission rencontres sportives et droit de la concurrence

  • 1. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Les rentransmissions de rencontres sportives sous l'angle du droit de la concurrence 1
  • 2. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI «On parle d'1,5 milliard d'euros qui aurait été subtilisé aux clubs, il faut absolument que le Conseil de la concurrence s'auto-saisisse» Ainsi a réagi Jean-Michel Aulas après avoir appris que le président François Hollande avait fortement œuvré, en faisant pression sur le Qatar, à ce que le groupe Canal+ conserve une partie des droits télévisuels de la Ligue 1. Aujourd'hui indissociable du sport professionnel, la télévision apparaît comme un outil dans ce qu'on a coutume d'appeler le « sport spectacle » En effet, la télévision présente dans cet optique un double avantage : elle est à la fois source de revenus pour les clubs mais permet également aux consommateurs de s'imprégner d'une ambiance, de vivre un match comme s'ils y étaient. D'autres médias interviennent comme la radio ou plus récemment Internet (via la pratique du streaming). Enjeu économique de haute importance, la retransmission des rencontres sportives mérite d'être régie par le droit de la concurrence. Tout d'abord, l'arrêt Walrave et Koch rendu par la cour de justice de l'Union européenne le 12 décembre 1974 indique que dès lors que le sport est envisagé comme une activité économique, il doit être soumis au droit européen. En l'espèce, la retransmission des rencontres sportives répondant à une logique de marché puisqu'elle met aux prises plusieurs opérateurs concourant pour l'obtention de droits de diffusion, doit être soumises aux règles de droit européen. Cela se manifeste notamment par le respect des articles 101 et 102 du traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er janvier 2009 interdisant les ententes entre entreprises dans l'optique de réduire la concurrence. Dans le cadre de notre analyse, nous nous intéresserons principalement à la télévision et au sport le plus imprégné par le mécanisme des droits TV en Europe c'est à dire le football. Ce sujet sera l'occasion pour nous d'observer la manière dont le droit de la concurrence permettant à des entreprises de pouvoir se faire une place sur un marché après compétition avec d'autres opérateurs économiques, s'articule avec la logique du marché du sport professionnel. Cela passera nécessairement par une analyse des décisions marquantes en la matière notamment celles émanant de l'Autorité de la concurrence ou encore de la cour de justice de l'Union européenne. Ce constat nous amène à nous poser la question suivante : Comment le droit de la concurrence régule-t-il le marché des droits de retransmission des rencontres sportives ? Tout d'abord, nous verrons que le droit de la concurrence imprègne fortement ce marché. (I) Cela se manifeste par la mise en place d'outils permettant une action efficace notamment au niveau européen. Il faudra ensuite se pencher de manière plus précise sur les différents modèles existant en la matière. Nous prendrons alors l'exemple du modèle individualisé de vente des droits télé qui avait cours en Espagne jusqu'en 2015. Après cela, nous constaterons que sous l'effet du droit européen, on observe une convergence vers le modèle centralisé de vente des droits télé. (II) Pour illustrer ce propos nous prendrons l'exemple du modèle de répartition français et nous analyserons les causes qui ont menées bon nombre de pays à évoluer vers ce système. Nous terminerons notre présentation en précisant que le droit de la concurrence malgré ces bienfaits n'est pas en mesure de pouvoir gommer les inégalités préexistantes entre les équipes issues des différents championnats européens. 2
  • 3. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI I Le marché des retransmissions de rencontres sportives : un marché soumis au droit de la concurrence Les retransmissions des matchs de compétitions sportives de par leur nature économique doivent nécessairement être soumises au droit de la concurrence. Des mécanismes propres à ce champ du droit viennent réguler ce secteur. (A) En outre, nous constaterons que deux modèles de vente des droits coexistaient jusqu'à une époque récente à savoir le modèle centralisé et le modèle individualisé. Nous illustrerons ce dernier en prenant l'exemple de l'Espagne pays au sein duquel le modèle individualisé est resté en vigueur jusqu'à la saison 2015/2016. (B) A Les mécanismes de droit de la concurrence appliqués au domaine des retransmissions de rencontres sportives En tant que domaine soumis au droit de la concurrence, les retransmissions des rencontres sportives doivent respecter un certain nombre de principes définis de manière précise par la Commission européenne et codifiés en France à l'article R 333-3 du code du sport.1 Tout d'abord, elles doivent être soumises à une procédure d'appel à candidatures publique. Cette exigence vise d'abord à informer de manière transparente les opérateurs économiques de la mise en vente des droits de retransmission. Suite à cela l'objectif est également de permettre la libre concurrence entre eux, celui ayant l'offre la plus intéressante économiquement raflant la mise. En France, la cour de cassation a déjà eu l'occasion de se prononcer sur un litige touchant directement ce critère.2 En l'espèce, elle a indiqué que le refus opposé par une fédération sportive à une chaîne privée de télévision, d'accéder au marché des droits de retransmission des rencontres peut avoir pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et constitue une pratique interdite par les articles 7 et 8 de l'ordonnance n°86-123 du 1er décembre 1986 et par les articles 85 et 86 du Traité CEE. Il est à noter que cette solution est la bienvenue car elle permet de faire jouer la concurrence, en permettant à toutes les chaînes de faire valoir leurs arguments. D'autant plus dans la télévision où l'acquisition des droits de retransmission de rencontres sportives peut constituer un atout supplémentaire pour attirer de nouveaux clients et ainsi gagner en notoriété. ex : Canal+ a perdu les droits de retransmission de la Premier League au profit du Groupe Altice (SFR Sport) après avoir déjà perdu une partie des droits de retransmission du championnat de France de Ligue 1, acquis par la chaîne Bein Sport De nombreuses conséquences peuvent découler de la non-obtention des droits de retransmission comme le départ de leurs meilleurs consultants,la baisse du nombre d'abonnés et a fortiori une notoriété en baisse. Ensuite, l'attribution des droits télévisuels s'effectue par lots permettant ainsi à plusieurs opérateurs de pouvoir pénétrer sur ce marché. Cette idée est mise en mise en avant dans plusieurs décisions de l'Autorité de la concurrence. Ainsi, elle rappelle que : « […] cette disposition [la vente par lots] a pour objet d’éviter la constitution d’un lot ou de quelques lots trop importants qui ne pourraient être acquis que par les opérateurs les plus 1 Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique du football professionnel, www.senat.fr 2 Cass, com, 1er mars 1994, n°92-12124 3
  • 4. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI puissants, mais aussi de lots composés de telle sorte que leur indépendance ne soit qu’apparente et que le diffuseur soit conduit à rechercher l’acquisition de lots couplés ou à se lier avec un autre diffuseur pour être en mesure d’exploiter les lots dans des conditions techniques et économiques satisfaisantes ; »3 Troisième critère dégagé par la Commission européenne: une durée des contrats d'exclusivité limité. Dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, ces contrats sont limités à trois ans. Cependant en France, depuis 2007, la Ligue de football professionnel a porté leur durée à 4 ans.4 A l'époque, la LFP estimait que la décision du ministre de l'économie en date du 30 août 2006 autorisant l'acquisition par les groupes Vivendi Universal et Canal + des chaînes TPS et Canal Satellite provoquait un changement du contexte concurrentiel. Cet argument avait été anticipé par Frédéric Botlony dans un article écrit en 2005.5 Selon la ligue, l'allongement à 4 ans était nécessaire pour permettre l'entrée de nouveaux opérateurs économiques sur le marché. La modification devient effective suite à deux décisions du Conseil de la Concurrence.6 Il en ressort que celui-ci était d'accord pour y procéder tout en y émettant un certain nombre de réserves. On peut y voir une solution d'opportunité permettant avant tout à la LFP d'attirer davantage d'opérateurs et d'espérer augmenter le montant des droits TV. Dans les faits, ce décret a un effet assez résiduel d'autant plus maintenant car si le Qatar est depuis son implantation au PSG présent sur le terrain des droits TV via sa chaîne Bein Sport, la faiblesse du championnat, explicable par plusieurs facteurs (pelouses de mauvaise qualité, fuite des talents vers des championnats plus compétitifs) fait que les opérateurs économiques ne se bousculent pas pour acquérir les droits de diffusion de la Ligue 1. En conséquence, le passage des contrats de 3 à 4 ans n'a que peu d'effet dans la pratique puisque le niveau du championnat de France a tendance à décliner. Une lueur d'espoir semble néanmoins perceptible depuis la nomination de Didier Quillot au poste de président de la LFP. Ce dernier s'affaire à entamer des réformes structurelles qui pourraient rejaillir de manière favorable à terme sur les droits TV de la L1. Enfin, le dernier critère dégagé par la Commission européenne est l'absence de clauses automatiques de renouvellement. L'objectif affiché une nouvelle fois est la protection de la libre concurrence entre opérateurs économiques afin d'éviter toute situation de monopole. Si on constate qu'un certain nombre de principes de droit de la concurrence s'applique à la retransmission des rencontres sportives, force est de constater que jusqu'à récemment, deux modèles de vente des droits s'affrontaient et devaient composer avec tous ces critères. 3 Avis n° 04-A-09 du Conseil de la concurrence en date du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives 4 Décret n° 2007-1676 du 28 novembre 2007 relatif à la durée des contrats conclus pour la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuels codifié à l'article R 333-3 du code du sport 5 Frédéric Bolotny ,La nouvelle flambée des droits TV du football français,RJES 2005, n°74, p.121, Recueil Dalloz 6 Avis n°07-A-07 du 25 juillet novembre 2007 relatif aux conditions de l'exercice de la concurrence dans la commercialisation des droits sportifs et l'avis n°07-A-15 du 9 novembre 2007 portant sur le projet de décret modifiant l'article R 333-2 Code du Sport 4
  • 5. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI B La vente individualisée des droits de retransmission des rencontres sportives : l'exemple du football espagnol avant la saison 2015/2016 Avant la saison 2015/2016, les clubs professionnels négociaient leurs droits de manière individuelle. Concrètement, ils négociaient directement avec les opérateurs économiques sans passer par la ligue de football espagnole. Ce système avantageait clairement les mastodontes de la Liga BBVA à savoir le Real Madrid et le FC Barcelone. Pour expliquer ce choix de modèle, il faut remonter à la loi du 3 juillet 1997 dite Loi de retransmission. En effet l'alinéa 2 de son article 6 précise que « pour pouvoir réaliser la retransmission les opérateurs doivent négocier avec les titulaires des droits [c'est à dire les clubs]tout en respectant les principes de publicité et de libre concurrence [...] » Globalement, cette loi va légitimer le modèle individuel de vente des droits télévisuels pour le football professionnel espagnol sur le territoire hispanique. Avant cela, une décision du tribunal de défense de la compétence du 10 juin 1993 donne la possibilité à plusieurs opérateurs d'acquérir les droits télévisuels de la Liga notamment via le système de lots et la durée limitée des contrats.7 Dans les faits, cette situation s'est concrétisée en 2006 par l'entrée sur le marché des droits télévisuels de la Liga et de la Copa del Rey de Audiovisual Sport après un accord passé avec l'entreprise Mediapro. Toutefois, comme le souligne José Vincente Garcia Santamaria, le modèle espagnol « comporte une insécurité juridique (du point de vue de la répartition des droits) ce qui conduit les chaînes de télévision à saisir les tribunaux pour régler leurs conflits d'intérêt.»8 En définitive, alors que le championnat espagnol possède deux des meilleurs clubs du monde avec le FC Barcelone et le Real Madrid, le modèle de répartition des droits télé en vigueur jusqu'à la saison dernière était instable et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les clubs dictaient leur loi en imposant leurs propres conditions dans la vente des droits et en créant par la même occasion des conflits d'intérêts entre chaînes de télévision, ce qui conduit à de nombreux litiges. La négociation des contrats n'est pas transparente puisque les montants des droits accordés aux différentes équipes ne sont pas accessibles. Ensuite, l'équilibre des compétitions est faussé puisque les grands clubs s'accaparent la majorité des droits télé. Cela a pour conséquence de les maintenir sur la durée comme places fortes du football espagnol et donc de creuser davantage l'écart avec les autres équipes de Liga. José Maria Del Nido, président du FC Séville soutenait dans une interview donnée à Marca en 2011 : « Notre ligue n’est pas une ligue compétitive. Il y a deux clubs qui s’emparent de l’argent du reste. Les opérateurs (télé) feront ce que dictera la Liga. Les droits de télévision sont collectifs et n’appartiennent pas à une équipe concrète. La poule aux œufs d’or est bientôt épuisée. »9 Il faut ajouter que de ce fait, ce modèle n'était pas économique viable sur le long terme car il crée un nivellement du championnat par le bas. Enfin, la dernière limite du modèle individuel se situe dans la difficile exportation du championnat espagnol à l'international du fait de la situation de monopole qui apparaissait trop souvent. 7 Décision 319/92 du 10 juin 1993, mentionnée dans José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus modelo individualizado », Revista Telos, 2011 8 José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus modelo individualizado », Revista Telos, 2011 9 Michael Lopez et Ruben Vazquez, La répartition des droits télé dans le championnat espagnol (Liga BBVA) : Barça et Madrid plus en tête que jamais !, www.jetdencre.ch 5
  • 6. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI En effet, une des failles du système de vente individualisée résidait dans le fait que bien souvent on observait un manque de transparence concernant les termes des contrats. Par conséquent, cela s'inscrivait en opposition avec les obligations de transparence exigées par le droit européen. Dès lors, la commercialisation des droits télé du championnat espagnol hors du territoire national était rendue plus difficile. Malgré tout, nous allons voir que ce championnat a su se montrer pragmatique pour tendre vers le modèle centralisé de vente des droits télé. La principale raison réside comme nous l'avons évoqué dans une des principales failles du système individuel de vente des droits télévisuels à savoir la difficile exportation du championnat espagnol à l'international. Ce changement a dû s'accompagner d'une mise en conformité du modèle espagnol vis à vis du droit de la concurrence. II L'harmonisation progressive du système de répartition des droits TV sous l'influence du droit européen Alors que ses voisins avaient opté depuis plusieurs pour le modèle centralisé de répartition des droits télévisuels en matière de football, le football espagnol a dû s'y résoudre à son tour. Pour symboliser cette mise en avant du système centralisé, nous prendrons l'exemple du football français. (A) Ensuite, nous constaterons que malgré tous ses bienfaits, la pénétration du droit de la concurrence dans le domaine des retransmissions de rencontres sportives voit son action limitée puisque des inégalités demeurent entre les championnats européens. (B) A La promotion du modèle centralisé au niveau européen : l'exemple français Contrairement à l'Espagne jusqu'en 2015/2016, la France avait déjà opté pour le modèle centralisé de répartition des droits télé. Concrètement, c'est la ligue de football professionnel qui conformément à l'article R 132-9 du code du sport,se voit confier via une convention passée avec la fédération française de football un certain nombre de compétences parmi lesquelles la gestion de la commercialisation des droits télévisuels de la Ligue 1 et Ligue 2. L'article L 333-2 du code du sport donne la compétence exclusive à la ligue en matière de répartition des droits télévisuels de Ligue 1 et Ligue 2. En outre, la répartition des droits télé répond à plusieurs critères fixés par l'article L 333-3 du code du sport. Ainsi, 50% sont répartis de façon égalitaire entre les clubs, 25% en fonction du classement de la saison précédente, 5% en fonction du classement sur les cinq dernières saisons et 20% en fonction des retransmissions télévisuelles sur la saison en cours. La conformité du système de la vente centralisée au droit de la concurrence a fait l'objet d'une appréciation au niveau européen via la commission européenne et au niveau français par l'intermédiaire de l'Autorité de la concurrence. . Dans une décision de 2003, la Commission a affirmé que l'UEFA pouvait les vendre de manière collective sous réserve que ceux-ci soient préalablement soumis à une procédure d'appel d'offres.10 10 Décision 2003/778/ CE du 8 novembre 2003 relative à la vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des Champions de l'UEFA 6
  • 7. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Cette décision vient confirmer la logique de marché mise en avant par l'Union européenne dès le traité de Rome de 1957. En effet, en offrant la possibilité de centraliser la vente des droits télévisuels et en constituant plusieurs lots, elle permet de faire jouer la concurrence entre les différentes chaînes de télévision et facilite par la même occasion l'exportation des droits à l'international. De plus, elle met en évidence l'idéologie européenne en matière de sport car la vente centralisée des droits télévisuels renvoie à l'idée de répartition égalitaire entre les clubs ce qui est de nature à préserver l'équilibre des compétitions. L'attachement de l'Union européenne à ce principe a été rappelé à de nombreuses reprises par la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne comme par exemple dans l'affaire Lehtonen du 13 avril 2000. En France, l'Autorité de la concurrence y répond également par l'affirmative.11 Dans cet avis, elle avance comme argument principal que «[...] la poursuite de l’intérêt général du sport professionnel passait par une centralisation de la gestion commerciale des droits audiovisuels, afin de produire des ressources suffisantes pour assurer, sur une base solidaire, une grande partie du financement des clubs professionnels. » La solidarité entre les clubs apparaît donc comme la principale justification à une gestion centralisée par la Ligue. La loi Lamour du 1er août 2003 précisait déjà que "Les produits [des droits d’exploitation audiovisuelle] revenant aux sociétés leur sont redistribués selon un principe de mutualisation, en tenant compte de critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété." Seulement, comme l'indique Fabrice Rizzo « […] la loi doit corrélativement garantir aux sociétés sportives au nom de la libre concurrence la possibilité d'exploiter individuellement une partie des droits audiovisuels»12 Ce constat met en avant le fait que les clubs de football sont de véritables entreprises qui doivent disposer de ressources à même d'assurer leur pérennité. Cela est primordial puisque la société sportive est par essence fragile à cause du système promotion/relégation en vigueur en Europe. En effet, dans ce système, chaque équipe peut en théorie descendre à l'issue de chaque saison. Dès lors, la solidarité entre les clubs permet de réduire les risques de retrouver les mêmes équipes dans les profondeurs du classement et d'entretenir ainsi l'incertitude des compétitions. Le modèle centralisé s'est depuis récemment étendu à toute l'Europe. Ainsi, en Espagne, la situation a changé puisque le préambule du décret royal du 30 mai 2015 dispose que: « Aucune autre formule que la vente centralisée ne permet la vente des droits TV hors d'Espagne . L'incapacité du secteur à pouvoir tirer profit de ce mode de commercialisation oblige à une actualisation urgente qui permette de ne plus perdre des parts de marché. Dans ces circonstances, il y a possibilité d'implanter avec un bon nombre de garanties le système de commercialisation centralisée des droits audiovisuels à partir de la saison 2016/2017.» En définitive, la perte de parts de marché au niveau européen a obligé le championnat espagnol à revoir son modèle notamment dans le but de rattraper son retard sur son principal rival à savoir la Premier League anglaise. 11 Avis n°04-A-09 du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelles des compétitions ou manifestations sportives 12 Fabrice Rizzo, La propriété complexe des droits de retransmission télévisée Le cas français, Finance et Bien commun 2007,n°26, Recueil Cairn 7
  • 8. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Cela permet en outre au football espagnol de s'aligner sur la vision européenne du sport professionnel à savoir un domaine basé sur l'équilibre des compétitions. Ainsi, on observe une nouvelle répartition des droits télés : 50% sont répartis de manière égalitaire, 25% en fonction des performances sur les 5 dernières saisons et 25% sur un critère Impacto englobant qualité des infrastructures et popularité des clubs.13 Cependant, même si cette réforme est entrée en vigueur plus tôt que prévu (lors de la saison 2015/2016), les inégalités demeurent. Ainsi, le Real Madrid et le FC Barcelone avaient réussi à obtenir après négociations avec la ligue espagnole le versement pour la saison 2015/2016 d'une somme égale au montant perçu en termes de droits télé lors des deux saisons précédentes à savoir 140 millions d'euros chacun. L'expansion du modèle centralisé à la quasi totalité de l'Union européenne traduit la logique de marché promue par le droit européen. Pourtant, force est de constater que l'action du droit de la concurrence reste limitée et ne semble pas en mesure de gommer les inégalités existantes entre les différents championnats. B Des inégalités persistantes entre les différents championnats européens Le droit de la concurrence s'il tente de réduire les inégalités entre les championnats placés sous l'égide de l'UEFA ne peut pas totalement les effacer. Ainsi, alors que le modèle centralisé est en vigueur dans ces deux championnats, l'écart du montant des droits télévisuels reste très important entre la Premier League et la Ligue 1. Pour preuve, la ligue anglaise de football (FA) a réussi à obtenir une nette revalorisation des droits télé sur la période 2016-2019 puisque ceux-ci s'élèvent à 6,9 milliards soit 2,3 milliards par an. A titre de comparaison, ce montant est nettement moins important en France puisqu'il atteint 748,5 millions d'euros pour la période 2016-2020.14 Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel écart. Tout d'abord, une attractivité bien moindre de la Ligue 1 par rapport à la Premier League. En effet, la plupart des grands clubs possèdent une renommée mondiale ceux qui est encore loin d'être le cas pour les clubs français. En effet, à titre d'exemple, Liverpool Manchester United ou encore Chelsea effectuent leur préparation d'avant-saison dans des pays cibles comme les États-Unis ou la Chine à des fins de développement commercial. Cela contribue a fortiori à augmenter les droits de retransmission du championnat anglais. En France, seul le PSG depuis son rachat par le Qatar, apparaît en mesure de rivaliser. Derrière lui, les clubs français éprouvent d'énormes difficultés. Cela peut aussi s'expliquer en partie par la pression fiscale énorme qui pèse sur les clubs en France notamment depuis l'instauration de la taxe Hollande. A ce propos, Richard Olivier, président de la Direction Nationale du contrôle de gestion jusqu'en 2015 affirmait en 2012 que « La fiscalité et le poids des charges sociales des pays concurrents de la France restant plus favorables, dans un univers économique européen du football, nous avons peu de chances de décrocher un trophée européen, quel qu'il soit, si on les alourdit encore... »15 13 Anthony Alyce, Comment seront répartis les droits télé de la Liga BBVA ?, www.ecofoot.fr, 6 novembre 2015 14 Encadrement des droits-télé du football au niveau européen et équité sportive, www.senat.fr 15 Entretien avec Richard Olivier : Quels enjeux pour le football français?, Jurisport 2012, n°123, p.23, Recueil Dalloz 8
  • 9. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Une perspective d'amélioration semble néanmoins possible car l'obtention de l'Euro 2016 a permis à de nombreuses villes, réputées comme places fortes de Ligue 1 de se doter d'une nouvelle enceinte ou de la moderniser. De même, quelques stars sont présentes comme Angel Di Maria, Mario Balotelli ou l'ont été comme Zlatan Ibrahimovic jusqu'à récemment. Un autre effet de l'écart des droits télévisuels peut être noté à savoir l'attrait des superstars pour la Premier League. En effet, Manchester United a réussi à attirer l'été dernier Paul Pogba notamment pendant que Manchester City réussissait à conserver un joueur comme Yaya Touré. En France, le PSG après de longues négociations n'est pas parvenu à recruter la star brésilienne Neymar, qui a préféré prolonger son contrat avec le FC Barcelone jusqu'en 2021. Les droits télé se répercutent également sur le recrutement des jeunes joueurs. Ainsi, bon nombre de jeunes français désirent après quelques mois et de bonnes performances en Ligue 1 rejoindre la Premier League. Pour eux, ce championnat « fait rêver », «Il y a beaucoup de gros matches à jouer », « une grosse ambiance dans les tribunes ». Cet état de fait pousse les clubs de Ligue 1 à être relégués dans une sorte de deuxième division européenne contrainte de vendre ses meilleurs éléments pour pouvoir survivre économiquement. Cela conduit forcément à un nivellement par le bas du niveau global du championnat de France et a fortiori à une perte d'intérêt pour les diffuseurs potentiels. Malgré tout, la ligue de football professionnel, sous l'impulsion de son directeur général Didier Quillot planche sur différentes pistes afin de donner un nouvel élan à la Ligue 1. Enfin, la différence de montants des droits télés se ressent sur la scène européenne et notamment au travers de sa compétition phare la Ligue des Champions où depuis quelques années ce sont les mastodontes européens qui trustent les places dans le dernier carré. Ils perçoivent ainsi la majorité des droits télés associés à la participation à cette compétition. Les critères de répartition des droits télévisuels dans les grands championnats participent aussi au maintien d'une élite. Ainsi, le critère concernant la popularité des clubs favorise indéniablement le Real Madrid et le FC Barcelone.16 Dans la même veine, en Italie où le modèle centralisé a été adopté suite à l'entrée en vigueur de la loi Melandri, le critère relatif au nombre de tifosi avantage des clubs comme la Juventus Turin ou le SSC Naples.17 En définitive, on remarque que les droits télés constituent la majeure partie des ressources des clubs. Leur encadrement par le droit de la concurrence est par conséquent nécessaire mais ne suffit pas à atténuer les disparités entre les différents championnats. 16 Anthony Alyce, « Quelle est la répartition 2015-2016 des droits TV de Liga BBVA ? », www.ecofoot.fr, 7 juin 2016 17 Loi Melandri mise en place par le décret-loi du 9 janvier 2008 relatif à la propriété, à la commercialisation des droits audiovisuels sportifs et à la répartition des ressources 9
  • 10. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Bibliographie Articles de revues juridiques Frédéric Bolotny ,La nouvelle flambée des droits TV du football français,RJES 2005, n°74, p.121, Recueil Dalloz Fabrice Rizzo, La propriété complexe des droits de retransmission télévisée Le cas français, Finance et Bien commun 2007,n°26, Recueil Cairn Entretien avec Richard Olivier : Quels enjeux pour le football français ? – Jurisport 2012, n°123, p.23, Recueil Dalloz Lois et décrets-lois Ley 21/1997, de 3 de julio de 1997, reguladora de las Emisiones y Retransmisiones de Competiciones y Acontecimientos Deportivos. Loi n°2003-708 du 1er août 2003 dite Loi Lamour Décret n° 2007-1676 du 28 novembre 2007 relatif à la durée des contrats conclus pour la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuels Decreto Legislativo 9 gennaio 2008, n. 9 "Disciplina della titolarita' e della commercializzazione dei diritti audiovisivi sportivi e relativa ripartizione delle risorse" Real Decreto-ley 5/2015, de 30 de abril de 2015, de medidas urgentes en relación con la comercialización de los derechos de explotación de contenidos audiovisuales de las competiciones de fútbol profesional Jurisprudence Décision 319/92 du 10 juin 1993 du tribunal de la compétence (Espagne) Avis n°04-A-09 du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelles des compétitions ou manifestations sportives Avis n°07-A-07 du 25 juillet 2007 relatif aux conditions de l'exercice de la concurrence dans la commercialisation des droits sportifs Avis n°07-A-15 du 9 novembre 2007 portant sur le projet de décret modifiant l'article R 333-2 Code du Sport Cass, com, 1er mars 1994, n°92-12124 CJCE, Walrave et Koch, 12 décembre 1974 10
  • 11. Jérémy Le Roch-Valentin Martineau M2 SSSATI Articles de code Article L 333-2 du code du sport Article L 333-3 du code du sport. Article R 333-3 du code du sport Article R 132-9 du code du sport Autres sources Anthony Alyce, Comment seront répartis les droits télé de la Liga BBVA ?, www.ecofoot.fr, 6 novembre 2015 Anthony Alyce, « Quelle est la répartition 2015-2016 des droits TV de Liga BBVA ? », www.ecofoot.fr, 7 juin 2016 José Vicente Garcia Santamaria, « modelo centralizado versus modelo individualizado », Revista Telos, 2011 Michael Lopez et Ruben Vazquez, La répartition des droits télé dans le championnat espagnol (Liga BBVA) : Barça et Madrid plus en tête que jamais !, www.jetdencre.ch Encadrement des droits-télé du football au niveau européen et équité sportive, www.senat.fr Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique du football professionnel, www.senat.fr 11