1. Leschefs
d
'
entreprise
français
à Téhéran
Les patrons français à l
'
assaut
d un Iran avide d ouverture
Plusde 130entrepreneurs
et deux ministres étaient
à Téhéran et Mechhed,
deuxième ville du pays,
cette semaine.Dans
l
'
espoir d
'
une levée des
sanctions internationales
d
'
ici à moins d
'
un an,
jeunes cadres branchés
et mollahs accueillent
lesinvestisseurs étrangers
à bras ouverts.
Fabrice Nodé-Langlois
5fnodelanglois
Envoyé spécial à Téhéran et à Mechhed
est 1mmoment historique ,
cela fait trente-cinq
que je
'
attendais . »
Zarab
Azmoudeh-Ciacomins'
est réfugiée d
'
Iran
en France à âge de
7 ans, lorsque sa famille
a fui la révobtion islamiste de 1979. Pour cette
communicante, cofondatrice voici un an d
'
une agence de
promotion des artistes contemporains iraniens , l
'
accorddu 14 juillet dernier sur le nucléaire marque un
tournant majeur . D
'
ici à la mi-2016 , sanctions
internationales , qui ont asséché les recettes pétrolières
de l
'
Iran et étranglé le commerce avec l
'
Occident
pourraient être levées . Aussi les hommes d
'
affaires ,
américains et européens surtout , se bousculent-ils à
Téhéran pour nouer ou renouer des contacts dans
l
'
espoir de signer des contrats prometteurs sur cc
marché de 80 millions de consommateurs.
Zarah Azmoudeh-Giacomini s'
jointe , cette
semaine, à la délégation de plus de 130 hommes d
'
affairesfrançais , organisée par le Medef , menée par
Yves Thibault de Silguy (Vinci et accompagnée de
deux ministres , Stéphane Le Fol] (Agriculture) et
Matthias Fekl (Commerce extérieur) . C'
est la
premièrefois depuis douze ans que des ministres
françaisse rendaient dans la République islamique avec
des entrepreneurs . L
'
avion de la Georgian Ai rways
spécialement affrété pour l
'
occasion a emmené à
Téhéranet Mechhed des dirigeants de grands groupes
(Alstom , Airbus , Bouygues , Engie , Orange , PSA ou
Total) , de PME , mais aussi une escouade d '
avocats et
de consultants . Ces derniers « représentent parfois
discrètement groupe du GAG 40 qui ne veut pas
encoreapparaître au grand jour » , con fie l
'
un d
'
eux.
« Les interdits nous rendent plus créatifs »
La réouverture de l
'
Iran aux investisseurs étrangers
est une opporhinité pour Zarah
Azmoudeh-Ciacominiqui est en train de reconvertir son agence ,
Cosmopolistan, en intermédiaire entre entreprises des
deux pays Tous les patrons de la délégation en
conviennent , le choix du partenaire local , dans un
pays aussi complexe que l '
Iran , est primordial . Ces
dernières semaines , beaucoup d
'
Iraniens sont venus
offrir leurs services à des sociétés françaises « L '
un
d
'
m' a proposé de rencontrer à Genève un
conseiller du président Rohani , raconte le dirigeant
d '
un grand groupe . Renseignement pris ,
'
intermédiaireétait interdit de séjour en » Mardi , au
huitièmeétage de la chambre de commerce de Téhéran ,
lors d
'
un forum destiné à établir des contacts , on
pouvait croiser quelques-uns de ces intermédiaires
au profil incertain , à l
'
affût de juteuses commissions.
Le partenaire iranien de Zarah
Azmoudeh-Giacominiest une agence de publicité , Aftabnct . Une
sociétéavant-gardiste qui bouscule tous les clichés que
l
'
on peut avoir sur l
'
Iran . Première agence de pub du
pays avec plus de 370 collaborateurs et un chiffre
d affaires revendiqué de 300 millions de dollars ,
Aftabnet niché son siège dans Line rue calme de la
mégapole de Téhéran , à l '
écart des autoroutes
urbainessaturées . Dans une grande maison bourgeoise
vendue par ses propriétaires après l
'
arrivée des
mollahsau pouvoir , les open spaees mansardés et la déco
de l'
agence n' ont rien à envier aux studios des
quartiersbobos de Paris . Ses créatifs produisent des pubs
télé pour les grands annonceurs du pays , avec une
maîtrise des effets spéciaux digne de Hollywood.
Particularité de l
'
agence , son patron et fondateur ,
Rcza Haddad , est d
'
abord un homme de théâtre . La
société d
'
ailleurs créé sa propre compagnie . Une
initiative encore impensable il y a dix ans , quand le
pouvoir politique . et religieux contrôlait toute la
création scénique . Les chargés de clientèle ou le
directeur financier , en plus de leurs 66 heures de
travailhebdomadaires , trouvent le temps , par passion ,
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2. de monter des pièces avant-gardistes , à la créativité
débordante . « Nous sommes dans une période spécia -
le, commente , dans un américain parfait , Sain
Nafissi, le directeur du développement international
d
'
Aftabnet , en cravate , accessoire peu porté dans la
République islamique . d '
entreprises
étrangèresvont venir . » « faudra leur apprendre les
régies complète Banafsheh Sadehi , la directrice
artistiqued
'
Aftabnet , qui laisse dépasser de son voile
noir des mèches teintes en blond . Concevoir une
publicitépour shampooing sans montrer des cheveux
de femme fait partie des tours de force de Banafsheh.
« Lesinterdits nous rendent plus créatifs sourit-elle
malicieusement.
Deslignes de métro àconstruire
Les consommateurs iraniens , comme ceux croisés
dans le bazar de Mechhed , la deuxième ville du pays ,
attendent de la levée des sanctions un accès moins
cher aux biens de consommation étrangers . Les
autorités , pour leur part , comptent sur l '
ouverture
pour moderniser les infrastructures du pays , routes ,
voies ferrées , aéroports , exploitation] pétrolière et
gazière . Ainsi à Mechhed , Vahid Hczareh , le
directeurdes opérations du métro , est fier de montrer à la
presse étrangère les rames et les stations flambant
neuves de la ligne qui traverse d
'
est en ouest cette
ville de 3 millions d '
âmes . Les femmes ,
pratiquementtoutes de noir voilées et vêtues , dans cette cité
sainte , à la différence de la capitale où les foulards
sont volontiers colorés et les cheveux un peu
visibles, disposent de deux wagons réservés . La société
d
'
ingénierie française Systra , filiale de la SNCF et de
la RATP , a conseillé les Iraniens pour la conception
du métro Mais les rames ont été fournies par les
Chinois et la signalisation par l '
allemand Siemens . La
ligne 2 est chantier et « nous cherchons des
investisseurspour lesfutures lignes 3 et 4 » , annonce Vatild
lezareh . « La concurrence sera féroce entre
entrepriseseuropéennes prévient depuis Téhéran
StéphaneLe Fol] , le ministre de l '
Agriculture . « Les
Allemandssont très bien installés ici confirme un
consultant iranien . Quant aux Chinois , « ils ont
profitédes sanctions occidentales pour investir dans le
pétrole, les routes , » , ajoute-t-
L
'
heure n'
est pas encore aux signatures de
contrats . Notamment à cause de l '
obstacle majeur
souligné par tous les patrons de la délégation] : les
sanctions américaines empêchent encore les
banquesfrançaises de financer des opérations en Iran.
BNP Paribas s' en souvient , qui a accepté l
'
an dernier
de payer une amende de près de 9 milliards de
dollarsà la justice américaine pour avoir violé les
sanctions. L
'
embargo pétrolier et la chute du baril ont
amputé l
'
Iran de 70 %% de ses recettes pétrolières . Les
avoirs iraniens toujours gelés à l '
étranger avoisine
raient les 100 milliards de dollars . Aussi , pendant les
trois jours de la mission du Medef , les entrepreneurs
et officiels iraniens ont martelé ce message : « Nous
avons besoin de financements pour nos projets » .
est en train de répondre à un appel d '
offres pour
vendre 70 locomotives pour la ligne Téhéran-
Mechhed qui doit être électrifiée . Philippe Delleur ,
son directeur international , veut capitaliser sur la
bonne réputation de l '
entreprise , implantée de
longuedate en Iran . Mais il est lucide : « L '
Iran ira
chercherses approvisionnements là il y a des
financements, et les Chinois en proposent totdours . »
Les sphères entremêlées de l
'
entreprise ,
du politique et du religieux
Tous les coffres de la République islamique ne sont
pas vides , loin de là. À Mechhud , l'
imposante
délégationfrançaise a été reçue mercredi par l '
institution
toute puissante dans cette ville sainte , la Fondation
Astân-e Chods-e Razavi . Cet organisme gère le
mausoléede l '
imam Reza et les dons recueillis . L '
une des
grandes mosquées du monde , qui étend ses
vastescours sur un kilomètre carré , accueille chaque
annéejusqu'
à 30 millions de pèlerins chiites . Les
hommesd '
affaires français , comme des Autrichiens
récemment , ont été conviés à une présentation de la
Fondation , dans une confortable salle de
conférencesouterraine , située en dessous des esplanades où
les pèlerins prient jouir et nuit . Une plongée dans
l '
autre facette de l '
Iran , loin de l '
agence de pub
branché Aftabnet . La Fondation de Reza
investitdans l
'
éducation et la santé , mais elle possède
aussi 70 000 hectares de terres , neuf usines d '
agroalimentaire, produit 100 000 tonnes de ciment par an
et détient des parts dans les usines automobiles Iran
Khodro . « Nous avons un champ pétrolier à 200
kilomètresde Mechhed , explique au Figaro
, dirigeant de l '
une des nombreuses branches
de cet empire financier . Nous voulons un investisseur
pour extraire le pétrole et le raffiner , appuie-t-il ,
laissant entendre que les Français sont les bienvenus.
Mechhed et sa fondation rappellent que , pour
investiren Iran , « faut détenir les multiples clés » qui
donnent accès aux sphères , entremêlées , de l
'
entreprise, du politique et du religieux , réstune un patron.
Dans ce contexte , la visite à Paris du président
iranien, Hassan Rohani , le « modéré » élu en 2013 , est
porteuse d '
espoirs pour les entreprises françaises.
« Nous allons essayer de concrétiser lors de cette visite
les contacts de cette semaine espère le ministre
Stéphane Le Foll . Trente-six ans après la révolution
islamique , cette visite du président iranien marquera
assurément un autre moment historique ., suivi de.
près par Zarah Azmoudeh-Ciacomini et les patrons
français qui ont découvert ou redécouvert l'
Iran .
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3. Un enfant s'
amuse dans un charriot
,
le 28 août
,
dans un centre commercial situé Ispahan ,
la troisième plus grande ville iranienne .
TéhéranE
IRAK
ARABIE
SAOUDITE
Infographie LE rT
IRAN
QATAR
400 km
9 Les
Chinois ont profité des sanctions
occidentales pour investir dans le pétrole ,
les routes et '
automobile
UN CONSULTANT IRANIEN
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4. L'
IRAN , MARCHÉ EN DEVENIR
COURTISÉ PAR LES FRANÇAIS
Une délégation de 130 industriels
s'
est rendue cette semaine à
Téhéranpour prendre le pouls de
l
'
économie du pays à la veille de la
fin des sanctions . fi P. 7
LesFrançais
àl
'
assautdu#
iranienMOYEN-ORIENT
Une délégation de
130 industriels français
s' est rendue à Téhéran
cette semaine.
Guillaume de Calignon
gcalignon@lesechosfr
Ce fut un voyage d
'
aventuriers ,
presque d'
explorateurs . Avec la fin
des sanctions liées au dossier
nucléaire qui se profile au premier
semestre 2016 , l '
Iran est prêt à
s' ouvrir et les Français sont bien
résolus à profiter de ce marché de
78 millions de consommateurs.
Environ 130 dirigeants d
'
entreprise
se sont rendus sur place en début
de semaine sous l
'
égide du Medef et
deux ministres se sont greffés sur la
délégation afin de préparer la visite
à Paris de Hassan Rohani , le
présidentde la République islamique , le
17 novembre prochain . Au menu ,
rencontres avec des officiels et des
industriels iraniens.
Car le marché perse est
prometteur: même si l
'
économie
iraniennea souffert des sanctions-le
P1B a baissé de 8%% en deux ans et
l'
inflation est montée jusqu'
à 40%%
par an - , elle a étonnamment
résisté aux divers embargos depuis
trente-cinq ans . L
'
Iran n' est pas la
Chine , mais son niveau de
développementest supérieur à celui de ses
voisins le pays compte par
exempledeux constructeurs
automobiles, Iran Khodro , associé de PSA
jusqu'
en 2012, et Saipa . La capacité
de production est estimée à 1
millionde véhicules par an
actuellement. « Il existe une culture et une
base industrielle en Iran » , juge
Yves-Thibault de Silguy ,
vice-présidentde Medef International.
L
'
embargo a forcé les Iraniens à
être inventifs et ils se sont tournés
vers la Chine , l
'
Inde ,la Corée du Sud
et la Turquie , désormais premiers
partenaires commerciaux du pays.
La classe moyenne , si elle s' est
appauvrie , reste importante . Et les
revenus pétroliers devraient
fortementgrimper dès que l
'
Iran pourra
exporter sa production aux
Occidentaux.
Manque de fidélité
Mais il s'
agissait de mieux
comprendrecet Etat , relativement
fermé depuis trente-cinq ans, et de
nouer des contacts . « Nous avons à
peu près huit mois pour trouver des
partenaires et peaufiner les
stratégies», estime Yves-Thibault de
Silguy. « C' est une course de longue
haleine . On sait qu' on ne fera pas de
business tout de suite , on
prospecte», explique Sam Bahsoun ,
dirigeant de la société France
Kitchen, un fabricant de cuisines pour
collectivités . Le temps n' est pas
encore aux grands contrats.
D
'
abord parce que les sanctions ne
seront totalement levées que l
'
an
prochain . Ensuite parce que les
embûches restent nombreuses . La
première d
'
entre elles est le
financementde l
'
activité économique.
Les banques occidentales refusent
aujourd
'
hui de financer toute
opérationdans le pays en raison du
principe d
'
extraterritorialité des
lois américaines . Tout
établissementfinancier travaillant en Iran
est susceptible d
'
être inquiété
comme l
'
a été BNP Paribas l
'
an
dernier. Elles vont donc devoir
apprécierles risques . Et comme l
'
Iran
manque aujourd
'
hui d
'
argent , « le
financement des investissements est
un défi majeur» , juge Stéphane Le
Foll , ministre de l '
Agriculture ,
présentà Téhéran cette semaine . « Le
sujet est même aussi important que
les projets eux-mêmes . »
Ensuite , il reste des contentieux
entre l '
Etat iranien et des
industrielsfrançais .Ainsi , le groupe PSA,
qui a quitté le pays en 2012, risque
de rencontrer des difficultés pour
s'
y implanter de nouveau . Si
l
'
accueil des autorités iraniennes a
été « chaleureux », selon Matthias
Fekl , secrétaire d
'
Etat au
Commerceextérieur , les officiels
iraniensn'
oublient pas et ne ratent pas
une occasion de rappeler aux
investisseurs étrangers leur
manquede fidélité.
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JOURNALISTE : Guillaume De Cali…
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5. Yves-Thibault de Silguy ,vice-président de Meclef International . Photo Harnitton/ RÉA
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