Auteur : Mathilde Lemoine, Directeur des études économiques et de la stratégie Marchés de HSBC France & membre du Conseil d'analyse économique
Publié le 23/03/2012 pour l'AGEFI
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Croissance, des pistes pour un indispensable débat
1. Croissance, des pistes pour un indispensable débat
Par Mathilde Lemoine
Directeur des études économiques et de la stratégie Marchés de HSBC France,
membre du Conseil d'analyse économique
Pour l’AGEFI HEBDO - Le 23/03/2012
Les évolutions économiques ont pour conséquence de modifier la répartition des richesses
et des revenus. Les périodes préélectorales sont donc propices aux débats entre les
coalitions organisées pour défendre un statu quo de cette répartition quand elles en
bénéficient ou pour en demander une modification. Toutefois, ces débats ne permettent pas
d'établir un constat partagé qui rendrait possible la détermination d'une politique
économique de croissance. Il ne s'agit pas d'adopter l'analyse pessimiste de l'économiste
américain Mancur Olson qui considère que le principal péril démocratique est l'émergence
de groupes d'intérêts partiaux qui, peu à peu, tarissent les sources de la croissance*.
Il s'agit de mettre en évidence, à travers deux sujets de préoccupation que sont la croissance
et la mondialisation, les raisons qui expliquent l'impossibilité de poser les termes du débat
de façon sereine. Sur le thème de la croissance, deux thèses s'affrontent. La première
consiste à montrer qu'il est possible de la relancer en améliorant la compétitivité des
entreprises. Cela s'opérerait par une baisse des coûts de production. Pourtant, la théorie
économique montre clairement que la compétitivité d'un pays dépend de sa capacité
collective à augmenter la valeur des exportations plus rapidement que celle des
importations. Ainsi, la compétitivité d'un pays ne peut être résumée à la compétitivité-coûts
de certaines entreprises de certains secteurs. Le débat devrait donc appréhender plusieurs
déterminants de la compétitivité afin d'éviter que l'action sur la seule compétitivité-coûts se
traduise par un appauvrissement général comme cela a été observé dans certains pays en
développement.
La seconde thèse privilégie l'augmentation des dépenses publiques comme source de
croissance. Les débatteurs insistent alors sur l'importance de la quantité de dépenses
publiques qui, seule, peut écarter la déflation, ce qui évacue la question de leur efficacité.
Certes, les dépenses publiques permettent de soutenir la demande effective et la croissance
potentielle dans une période de sous-emploi des facteurs. Mais leur hausse ne devrait pas
engendrer d'augmentation du déficit structurel. S'il est compliqué de distinguer déficit
structurel et déficit conjoncturel, il ne semble pas impossible de différencier les indemnités
sociales des avantages catégoriels même en période de crise.
2. Sur le thème de la mondialisation, le débat est encore plus vif. En effet, elle engendre une
modification de la répartition des richesses et des revenus rapide et visible dont les
conséquences électorales sont difficilement appréhendables. De plus, les Français en
bénéficient peu. Une étude réalisée par des économistes du Trésor montre que les prix des
biens mondialisés ont augmenté en France entre 1998 et 2008 quand ils ont baissé dans la
plupart des pays développés (-26 % au Royaume-Uni !)… à cause de la réglementation et des
rentes sectorielles nationales. Ainsi, faire croire que c'est la concurrence due à la
mondialisation qui génère les difficultés sociales empêche tout débat sur les moyens de
s'enrichir collectivement par l'ouverture internationale.
La théorie économique donne de nombreuses pistes pour accroître le potentiel de
croissance de notre pays. Ce ne sont pas des solutions miracles mais des moyens d'identifier
les « engrais » pour le développement et la diffusion du progrès technique, et donc pour la
croissance. En voici quelques-unes éprouvées par la théorie et l'économétrie :
l'accumulation du capital physique et humain, l'épargne, l'efficacité énergétique,
l'interdépendance des économies, l'organisation institutionnelle, les investissements en
infrastructures, les investissements publics, les investissements en innovation et en
recherche et développement, l'amélioration de la diffusion de l'information et de
l'innovation, la formation et l'éducation, l'effet d'apprentissage, le taux de préférence pour
le présent, la baisse du coût des transports... Il est aussi indispensable de s'attacher à obtenir
un taux d'emploi élevé afin que la croissance effective se rapproche de la croissance
potentielle. Là encore, les pistes sont nombreuses et certaines n'ont pas encore été
essayées. L'une d'entre elles consiste à donner aux salariés les moyens d'améliorer leurs
compétences générales afin de pouvoir changer de métier, de secteur quand ils le
souhaitent.
Mancur Olson n'a pas seulement alerté sur l'inefficacité structurelle de l'action collective. Il a
fait des propositions pour y remédier. Elles consistent en un respect strict des droits de
propriété et en une opposition politique ferme aux comportements privés catégoriels. La
théorie et l'analyse économique peuvent donner des pistes intéressantes pour accroître
notre « pouvoir d'achat collectif » mais elles peuvent aussi permettre d'appréhender les
raisons pour lesquels les termes de certains débats ne sont pas posés.
*La logique de l'action collective (1965)