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R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008 T 21 T
Innovation R Le Web 3.0 :
fantasme ou utilité pour l’IE ?
A
u moment de la rédaction de
cet article, une banale recherche
Google avec comme simple
mot clé « Web 3.0 » donne plus de
34 700 000 résultats ! C’est dire si le
terme est usité.
Mais cela aussi sous-entend des heures
de recherche pour une PME afin, dans
un premier temps, de comprendre le
sens de ce terme et ensuite son utilité
dans le cadre d’une démarche pratique
d’intelligence économique.
Si l’intérêt d’appréhender et d’utiliser
les possibilités que nous offre le Web 2.0
dans le cadre de cette démarche n’est
plus à démontrer.(1)
Si cela commence
doucement à s’intégrer dans certaines
petites, moyennes ou grandes entrepri-
ses, soucieuses, entre autre, de savoir
ce que l’ont dit d’elles, tant sur le Web
traditionnel que sur le Web 2.0. Qu’en
est il du Web 3.0 ?
S’agit il d’un Web sémantique, d’un
Web 3.D (Web à base de mondes
virtuels : versions améliorées ou
transformations notoires d’un des
plus connu d’entre eux : Second Life),
d’un Web sur mobile, de réseaux
sociaux, d’atomisation dynamique
des contenus, de services en ligne…?
La liste est longue et ne peut qu’être
rébarbative tant en terme de contenus
que d’objectifs pour une entreprise
soucieuse de son développement dans
un environnement compétitif.
Des définitions
controversées
La définition de ce Web 3.0 est tellement
sujette à caution que, durant le
Gartner Web Innovation Summit qui
a eu lieu à Las Vegas le 21 sept 2007,
les analystes du Gartner Group l’ont
simplement qualifié de “mot à la
mode” et de “stratagème marketing
utilisé pour faire du battage publicitaire
sur des améliorations progressives de
technologies labellisées 2.0”.
Lors du même sommet, selon David
Mitchell Smith,:“beaucoup de groupes
essaient de détourner le terme “Web
3.0”. Ce sont pour la plupart des
vendeurs chargés de mettre en avant
les mondes virtuels, le Web sémantique
et le Web mobile”(2)
Après le Web 3,
le Web 4.0 ?
Rassurons quand même tous ceux qui
ont du mal à suivre l’inflation des
versions estampillées Web X.0. La
version 4 est déjà l’objet d’âpres
discussions !
D’une part, Seth Godin (un des papes
du marketing américain), tout en ne
niant pas un aspect sémantique du
Web 3.0, liste des besoins humains :
- l’Ubiquité car la plupart des activités
humaines ont lieu hors ligne et ne sont
pas que des données informatiques ;
- L’identité, indispensable, parce que
le produit livrable est basé sur qui
vous êtes, ce que vous faites et ce dont
vous avez besoin ;
- Nécessité de connections ou de
réseaux car nous ne sommes rien sans
les autres.
Le Web 3.0 arrive.Certains le disent“objet”,“sémantique”
ou encore “malin”. Pour autant, est-il pertinent en
matière d’IE ?
T Tendance T I S T
T 22 T R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008
T Tendance T I S T
À partir de là, il en déduit que le Web
4.0 est la possibilité de faire des
connections, par un heureux hasard
(serendipity), le réseau prenant
l’initiative.
D’autre part, la deuxième interprétation
est plus orientée informatique. Le
Web 4.0 étant le Web OS (Web
operating system) où votre système
d’exploitation et vos applications ne
sont plus physiquement sur votre
ordinateur mais sur leWeb.(voir graphe
ci -contre).
Revenons quand même un peu sur la
notion de Web 3.0.
« Selon Nova Spivack, un évangéliste
du Web 3.0, Internet a connu deux
phases : “La première phase a reposé
sur la construction de la plate-forme
Internet et sur la mise à disposition du
plus grand nombre. Le Web 2.0, dont la
fin approche, a consisté à améliorer
l’interface utilisateur. La troisième
phase consistera à rendre le Web plus
malin. »(3)
En clair, le Web 2.0 est mort ! Vive le
Web 3.0 sémantique !
La sémantique
appliquée au Web :
petite introduction
Tout d’abord, il s’agit de savoir, en
fait, ce que sémantique veut dire. Elle
est liée à la syntaxe. Cette dernière
peut se définir par la façon dont vous
dites quelque chose (forme) tandis
que la sémantique correspond à la
signification de ce que vous dites
(fond).
Prenons comme exemple : la phrase
« j’aime la technologie ! », les mots,
lettres et ponctuations font partie de la
syntaxe tandis que la compréhension
de la phrase concerne la sémantique.
Dans ce cas présent : vous appréciez
beaucoup l’utilisation des nouvelles
technologies. Si nous changeons la
phrase en utilisant un autre symbole
pour le verbe aimer en le remplaçant,
par exemple, par la forme d’un cœur
stylisé, nous changeons la syntaxe
mais la sémantique reste la même.
Quand nous parlons de syntaxe dans
la sémantique, nous parlons réellement
de communication. Quand vous voulez
parlez avec quelqu’un, vous utilisez
généralement votre voix pour le faire.
L’Internet a créé un moyen standard
permettant aux ordinateurs de
communiquer entre eux. En d’autres
termes, Internet a donné une voix aux
ordinateurs pour qu’ils puissent
échanger des informations.Néanmoins,
comme un perroquet imite les sons
sans les comprendre, les ordinateurs
répètent les informations et se les
relayent sans les comprendre. Internet
permet donc aux ordinateurs de se
parler en eux mais n’est pas conçu
pour leur apprendre ce que ces
informations veulent dire !
On peut concevoir le Web comme un
grand système de classement de
recherche et d’extraction de documents.
Ainsi quand vous tapez une adresse
Internet dans votre navigateur, de
manière basique, vous envoyez une
requête à un site Internet.Celle ci établit
que vous désirez le document situé à
cette adresse. Le site Web extrait le
document et le retourne à votre
navigateur. Ce document est lu en
langage HTML. L’HTML, ici, représente
la syntaxe que l’ordinateur peut utiliser.
Il dit à ce dernier comment vous
montrer le document.
En résumé, le Web fait deux choses :
créer un moyen de trouver des
documents sur Internet mais aussi
générer la syntaxe appelée HTML qui
est utilisée pour vous présenter le
document.
Quel est alors le challenge ?
Nous avons Internet qui nous permet
de parler entre nous. Nous disposons
du Web qui entrepose et extrait tous
documents sur Internet et enfin des
moteurs de recherche qui nous
permettent de retrouver n’importe
quels sites de notre choix.
Comment peut-on faire progresser
cette architecture ? La sémantique
pourrait être un facteur d’amélioration.
Souvenons-nous : les ordinateurs se
contentent de nous rapporter et de
nous montrer l’information mais ne
peuvent en comprendre le sens. Bien
qu’ils puissent assimiler la syntaxe, la
Source: Radar Networks & Nova Spivack, 2007 - www.radarnetworks.com
R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008 T 23 T
T Tendance T I S T
sémantique est hors de leur portée. Si
nous pouvions trouver un moyen pour
que les ordinateurs reconnaissent ce
qu’il y a dans les pages Web, ils
pourraient apprendre ce qu’il y a
d’intéressant à l’intérieur et nous
« aider » à obtenir l’information que
nous désirons. Nous passerions
alors à un comportement actif. C’est
cela la base fondamentale du Web
sémantique : permettre aux ordinateurs
de comprendre le sens d’une page Web.
Le Web d’aujourd’hui est un Web de
documents. Le Web sémantique serait
plus un Web de données (personnes,
endroits, événements, musiques,
films, organisations ou tout autre
concept). Le Web sémantique n’est pas
seulement un moyen de les indiquer
aux ordinateurs mais de leur permettre
de comprendre comment ces données
sont reliées entre elles.
Les possibilités sont nombreuses, entre
autres, celles touchant la recherche
sur Internet. Un moteur de recherche
aura plus de pertinence car il ne
dépendra plus des mots clés contenus
dans les pages Web mais pourra utiliser
la sémantique de ces mêmes pages !
Les technologies pour le faire,
existent aussi : citons celle à base de
microformats(4)
ou le rdfa(5)
.
La question de la mise en œuvre
immédiate se pose alors. Là aussi, les
avis divergent : maintenant, d’ici
cinq ans, voire même en 2020 ?
Comme le dit Fred Cavazza, célèbre
bloggeur, « Il est important de rappeler
que les principes (et technologies) du web
sémantique n’ont pas attendu le web 3.0
pour se développer et se perfectionner.
Voilà de nombreuses années que le RDF
est exploité comme meta-langage et
que de nombreuses autres initiatives
permettent de structurer l’information :
pour la syndication, les formulaires,
le reporting financier, l’identité
numérique ou encore les microformats .
Sémantiser le web est une entreprise
titanesque et il faudra de nombreuses
années (décennies ?) pour y arriver,
d’autant plus qu’avec les progrès réalisés
par les moteurs de recherche ou les bases
de données, il est tout à fait possible
d’apporter les mêmes bénéfices » (que
ceux proposés par les fondateurs du
concept)(6)
.
On peut donc voir le web 3.0 non
comme un saut technologique mais
comme une processus graduel de
transformation (sémantisation) du
web 2.0.
Et l’IE dans tout cela ?
Si un praticien doit connaître les
tendances et les anticiper, il ne lui est
pas aisé de raisonner avec une aussi
grande marge d’incertitude. Le futur
proche nécessaire à toutes stratégies
d’entreprise semble être, dès lors,
assez incompatible avec un futur aussi
vague et lointain.
L’intérêt immédiat pour l’entreprise
semble moins acquis. Certes, elle doit
anticiper l’avenir mais surtout accroitre
et maintenir son avantage compétitif.
Pour ce faire, elle a besoin d’informa-
tions (externe et interne) et surtout
de savoir les utiliser.
Or, pour être utilisées, encore faut il
que ces informations soient “captées”
Si le web sémantique pourrait être un
plus pour découvrir l’information
externe. Il n’en reste pas moins vrai
que l’information dont elle a besoin -
de façon souvent vitale -se trouve
souvent déjà en interne ! Dès lors,
peut on appliquer la notion du web
sémantique à l’intérieur de l’entreprise ?
Il semble difficile de répondre par
l’affirmative.
Encore une fois, l’intérêt de l’entreprise
n’est pas de théoriser des concepts
mais de se baser sur de l’opérationnel.
Ainsidoitelle,pourcapterl’information
interne et utile en connaitre les
caractéristiques.
Comme le fait remarquer Bertrand
Duperrin, « On distingue alors deux
types d’information : celle générée par
l’entreprise elle même, qu’elle capte
donc à coup sur (quand bien même
l’utilisateur final ne saurait où la trouver
ou ignorerait son existence) et celle
générée par les collaborateurs, savoir
tacite concernant l’expérience, les
expertises, qui reste le plus souvent au
niveau de l’individu ou de son cercle de
contacts restreint, faute pour l’organi-
sation de savoir la capter et en faire une
mémoire d’entreprise. La valorisation
de toute cette masse informelle est un
des objectifs de l’entreprise dite 2.0 »(7)
.
N’est ce pas un des buts de l’intelligence
économique ?
T Michel Roussin
Consultant en communication et en
intelligence économique
Notes :
1 Cf.Article Web 2.0, entreprises et intelligence
économique : un tiercé gagnant ! dans Regards
sur l’IE, no
23
2. http://www.networkworld.com/news/2007/
092107-gartner-Web-20.html
3. http://www.silicon.fr/fr/news/2007/10/29/
Web_3_0___et_l_Internet_deviendra_intelligent
4. http://microformats.org/
5. http://rdfa.info/
6. http://www.fredcavazza.net/2006/11/page/2/
7. http://www.duperrin.com/2008/03/27/une-
bonne-capitalisation-de-linformation-
depend-de-son-utilisation/
C’est cela la base
fondamentale du Web
sémantique : permettre
aux ordinateurs de
comprendre le sens
d’une page Web.
”
“

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Le web 3.0 ie rie 25 apr 2008

  • 1. R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008 T 21 T Innovation R Le Web 3.0 : fantasme ou utilité pour l’IE ? A u moment de la rédaction de cet article, une banale recherche Google avec comme simple mot clé « Web 3.0 » donne plus de 34 700 000 résultats ! C’est dire si le terme est usité. Mais cela aussi sous-entend des heures de recherche pour une PME afin, dans un premier temps, de comprendre le sens de ce terme et ensuite son utilité dans le cadre d’une démarche pratique d’intelligence économique. Si l’intérêt d’appréhender et d’utiliser les possibilités que nous offre le Web 2.0 dans le cadre de cette démarche n’est plus à démontrer.(1) Si cela commence doucement à s’intégrer dans certaines petites, moyennes ou grandes entrepri- ses, soucieuses, entre autre, de savoir ce que l’ont dit d’elles, tant sur le Web traditionnel que sur le Web 2.0. Qu’en est il du Web 3.0 ? S’agit il d’un Web sémantique, d’un Web 3.D (Web à base de mondes virtuels : versions améliorées ou transformations notoires d’un des plus connu d’entre eux : Second Life), d’un Web sur mobile, de réseaux sociaux, d’atomisation dynamique des contenus, de services en ligne…? La liste est longue et ne peut qu’être rébarbative tant en terme de contenus que d’objectifs pour une entreprise soucieuse de son développement dans un environnement compétitif. Des définitions controversées La définition de ce Web 3.0 est tellement sujette à caution que, durant le Gartner Web Innovation Summit qui a eu lieu à Las Vegas le 21 sept 2007, les analystes du Gartner Group l’ont simplement qualifié de “mot à la mode” et de “stratagème marketing utilisé pour faire du battage publicitaire sur des améliorations progressives de technologies labellisées 2.0”. Lors du même sommet, selon David Mitchell Smith,:“beaucoup de groupes essaient de détourner le terme “Web 3.0”. Ce sont pour la plupart des vendeurs chargés de mettre en avant les mondes virtuels, le Web sémantique et le Web mobile”(2) Après le Web 3, le Web 4.0 ? Rassurons quand même tous ceux qui ont du mal à suivre l’inflation des versions estampillées Web X.0. La version 4 est déjà l’objet d’âpres discussions ! D’une part, Seth Godin (un des papes du marketing américain), tout en ne niant pas un aspect sémantique du Web 3.0, liste des besoins humains : - l’Ubiquité car la plupart des activités humaines ont lieu hors ligne et ne sont pas que des données informatiques ; - L’identité, indispensable, parce que le produit livrable est basé sur qui vous êtes, ce que vous faites et ce dont vous avez besoin ; - Nécessité de connections ou de réseaux car nous ne sommes rien sans les autres. Le Web 3.0 arrive.Certains le disent“objet”,“sémantique” ou encore “malin”. Pour autant, est-il pertinent en matière d’IE ? T Tendance T I S T
  • 2. T 22 T R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008 T Tendance T I S T À partir de là, il en déduit que le Web 4.0 est la possibilité de faire des connections, par un heureux hasard (serendipity), le réseau prenant l’initiative. D’autre part, la deuxième interprétation est plus orientée informatique. Le Web 4.0 étant le Web OS (Web operating system) où votre système d’exploitation et vos applications ne sont plus physiquement sur votre ordinateur mais sur leWeb.(voir graphe ci -contre). Revenons quand même un peu sur la notion de Web 3.0. « Selon Nova Spivack, un évangéliste du Web 3.0, Internet a connu deux phases : “La première phase a reposé sur la construction de la plate-forme Internet et sur la mise à disposition du plus grand nombre. Le Web 2.0, dont la fin approche, a consisté à améliorer l’interface utilisateur. La troisième phase consistera à rendre le Web plus malin. »(3) En clair, le Web 2.0 est mort ! Vive le Web 3.0 sémantique ! La sémantique appliquée au Web : petite introduction Tout d’abord, il s’agit de savoir, en fait, ce que sémantique veut dire. Elle est liée à la syntaxe. Cette dernière peut se définir par la façon dont vous dites quelque chose (forme) tandis que la sémantique correspond à la signification de ce que vous dites (fond). Prenons comme exemple : la phrase « j’aime la technologie ! », les mots, lettres et ponctuations font partie de la syntaxe tandis que la compréhension de la phrase concerne la sémantique. Dans ce cas présent : vous appréciez beaucoup l’utilisation des nouvelles technologies. Si nous changeons la phrase en utilisant un autre symbole pour le verbe aimer en le remplaçant, par exemple, par la forme d’un cœur stylisé, nous changeons la syntaxe mais la sémantique reste la même. Quand nous parlons de syntaxe dans la sémantique, nous parlons réellement de communication. Quand vous voulez parlez avec quelqu’un, vous utilisez généralement votre voix pour le faire. L’Internet a créé un moyen standard permettant aux ordinateurs de communiquer entre eux. En d’autres termes, Internet a donné une voix aux ordinateurs pour qu’ils puissent échanger des informations.Néanmoins, comme un perroquet imite les sons sans les comprendre, les ordinateurs répètent les informations et se les relayent sans les comprendre. Internet permet donc aux ordinateurs de se parler en eux mais n’est pas conçu pour leur apprendre ce que ces informations veulent dire ! On peut concevoir le Web comme un grand système de classement de recherche et d’extraction de documents. Ainsi quand vous tapez une adresse Internet dans votre navigateur, de manière basique, vous envoyez une requête à un site Internet.Celle ci établit que vous désirez le document situé à cette adresse. Le site Web extrait le document et le retourne à votre navigateur. Ce document est lu en langage HTML. L’HTML, ici, représente la syntaxe que l’ordinateur peut utiliser. Il dit à ce dernier comment vous montrer le document. En résumé, le Web fait deux choses : créer un moyen de trouver des documents sur Internet mais aussi générer la syntaxe appelée HTML qui est utilisée pour vous présenter le document. Quel est alors le challenge ? Nous avons Internet qui nous permet de parler entre nous. Nous disposons du Web qui entrepose et extrait tous documents sur Internet et enfin des moteurs de recherche qui nous permettent de retrouver n’importe quels sites de notre choix. Comment peut-on faire progresser cette architecture ? La sémantique pourrait être un facteur d’amélioration. Souvenons-nous : les ordinateurs se contentent de nous rapporter et de nous montrer l’information mais ne peuvent en comprendre le sens. Bien qu’ils puissent assimiler la syntaxe, la Source: Radar Networks & Nova Spivack, 2007 - www.radarnetworks.com
  • 3. R.IE # 25 • Avril/Mai/Juin 2008 T 23 T T Tendance T I S T sémantique est hors de leur portée. Si nous pouvions trouver un moyen pour que les ordinateurs reconnaissent ce qu’il y a dans les pages Web, ils pourraient apprendre ce qu’il y a d’intéressant à l’intérieur et nous « aider » à obtenir l’information que nous désirons. Nous passerions alors à un comportement actif. C’est cela la base fondamentale du Web sémantique : permettre aux ordinateurs de comprendre le sens d’une page Web. Le Web d’aujourd’hui est un Web de documents. Le Web sémantique serait plus un Web de données (personnes, endroits, événements, musiques, films, organisations ou tout autre concept). Le Web sémantique n’est pas seulement un moyen de les indiquer aux ordinateurs mais de leur permettre de comprendre comment ces données sont reliées entre elles. Les possibilités sont nombreuses, entre autres, celles touchant la recherche sur Internet. Un moteur de recherche aura plus de pertinence car il ne dépendra plus des mots clés contenus dans les pages Web mais pourra utiliser la sémantique de ces mêmes pages ! Les technologies pour le faire, existent aussi : citons celle à base de microformats(4) ou le rdfa(5) . La question de la mise en œuvre immédiate se pose alors. Là aussi, les avis divergent : maintenant, d’ici cinq ans, voire même en 2020 ? Comme le dit Fred Cavazza, célèbre bloggeur, « Il est important de rappeler que les principes (et technologies) du web sémantique n’ont pas attendu le web 3.0 pour se développer et se perfectionner. Voilà de nombreuses années que le RDF est exploité comme meta-langage et que de nombreuses autres initiatives permettent de structurer l’information : pour la syndication, les formulaires, le reporting financier, l’identité numérique ou encore les microformats . Sémantiser le web est une entreprise titanesque et il faudra de nombreuses années (décennies ?) pour y arriver, d’autant plus qu’avec les progrès réalisés par les moteurs de recherche ou les bases de données, il est tout à fait possible d’apporter les mêmes bénéfices » (que ceux proposés par les fondateurs du concept)(6) . On peut donc voir le web 3.0 non comme un saut technologique mais comme une processus graduel de transformation (sémantisation) du web 2.0. Et l’IE dans tout cela ? Si un praticien doit connaître les tendances et les anticiper, il ne lui est pas aisé de raisonner avec une aussi grande marge d’incertitude. Le futur proche nécessaire à toutes stratégies d’entreprise semble être, dès lors, assez incompatible avec un futur aussi vague et lointain. L’intérêt immédiat pour l’entreprise semble moins acquis. Certes, elle doit anticiper l’avenir mais surtout accroitre et maintenir son avantage compétitif. Pour ce faire, elle a besoin d’informa- tions (externe et interne) et surtout de savoir les utiliser. Or, pour être utilisées, encore faut il que ces informations soient “captées” Si le web sémantique pourrait être un plus pour découvrir l’information externe. Il n’en reste pas moins vrai que l’information dont elle a besoin - de façon souvent vitale -se trouve souvent déjà en interne ! Dès lors, peut on appliquer la notion du web sémantique à l’intérieur de l’entreprise ? Il semble difficile de répondre par l’affirmative. Encore une fois, l’intérêt de l’entreprise n’est pas de théoriser des concepts mais de se baser sur de l’opérationnel. Ainsidoitelle,pourcapterl’information interne et utile en connaitre les caractéristiques. Comme le fait remarquer Bertrand Duperrin, « On distingue alors deux types d’information : celle générée par l’entreprise elle même, qu’elle capte donc à coup sur (quand bien même l’utilisateur final ne saurait où la trouver ou ignorerait son existence) et celle générée par les collaborateurs, savoir tacite concernant l’expérience, les expertises, qui reste le plus souvent au niveau de l’individu ou de son cercle de contacts restreint, faute pour l’organi- sation de savoir la capter et en faire une mémoire d’entreprise. La valorisation de toute cette masse informelle est un des objectifs de l’entreprise dite 2.0 »(7) . N’est ce pas un des buts de l’intelligence économique ? T Michel Roussin Consultant en communication et en intelligence économique Notes : 1 Cf.Article Web 2.0, entreprises et intelligence économique : un tiercé gagnant ! dans Regards sur l’IE, no 23 2. http://www.networkworld.com/news/2007/ 092107-gartner-Web-20.html 3. http://www.silicon.fr/fr/news/2007/10/29/ Web_3_0___et_l_Internet_deviendra_intelligent 4. http://microformats.org/ 5. http://rdfa.info/ 6. http://www.fredcavazza.net/2006/11/page/2/ 7. http://www.duperrin.com/2008/03/27/une- bonne-capitalisation-de-linformation- depend-de-son-utilisation/ C’est cela la base fondamentale du Web sémantique : permettre aux ordinateurs de comprendre le sens d’une page Web. ” “