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Brésil : tout comprendre à l’opération
« Lava Jato »
Le Tribunal suprême fédéral, la plus haute juridiction du Brésil, a annoncé,
mardi, l’ouverture d’une enquête concernant au moins huit ministres du
gouvernement et des dizaines de députés et sénateurs.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour-
sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil.
Une nouvelle étape a été franchie, jeudi 18 mai, au Brésil, dans
l’enquête « Lava Jato » (« lavage express »), le plus grand
scandale de corruption de l’histoire du pays. Un séisme d’une
ampleur encore inconnu secoue le pays depuis la mise au jour
de révélations impliquant l’actuel chef d’Etat, Michel Temer.
Moins d’un an après l’« impeachment » de la présidente de gauche, Dilma Rousseff, le pays
redoute d’assister à nouveau à la chute d’un chef d’Etat, empêtré dans le scandale. S’agit-t-il du
crépuscule de la vieille élite de Brasilia ?
Les accusations visant le président en fonction semblent avoir levé les derniers tabous d’une
enquête aux ramifications sans fin. En avril, le Tribunal suprême fédéral (TSF), la plus haute
juridiction brésilienne, a annoncé l’ouverture d’une gigantesque enquête concernant au moins
huit ministres du gouvernement, des dizaines de députés et sénateurs. La Cour suprême a
également transmis à des juridictions inférieures les demandes d’investigation visant trois ex-
présidents, Luiz Inacio Lula da Silva, Dilma Rousseff et Fernando Henrique Cardoso.
S’agit-il d’une occasion unique de « nettoyer » une fois pour toutes le
système politique brésilien ? De mettre un terme à la corruption enracinée dans le pays ?
D’en finir avec l’impunité qui règne au sein de la classe politique ? D’assainir le climat des
affaires pollué par les liens pervers entretenus entre les secteurs public et privé ? Le Brésil
s’interroge encore sur le devenir de cette enquête tentaculaire qui a mis au jour, un système de
pots-de-vin orchestré par des géants du BTP pour piller les caisses du groupe public Petrobras
avec la complicité des cadres de l’entreprise et de caciques politiques.
Après trois années de procédures, 130 condamnations en première instance, 1 302 années de
prison réclamées, des milliards de reais saisis, des millions rapatriés et des centaines de
manchettes de journaux publiées, les Brésiliens semblent s’être lassés de cette affaire parfois
décrite comme un « reality show judiciaire ».
Retour sur ces années qui ont marqué à jamais le pays :
• 17 mars 2014, naissance de l’affaire
Le Brésil découvre, sonné, sans connaître encore les mille et une ramifications de l’enquête, le
nom de code « Lava Jato » lors d’un vaste coup de filet opéré par quelque 400 agents
fédéraux. Suspectant un système de blanchiment d’argent pour des sommes atteignant
10 milliards de reais (près de 3 milliards d’euros), la justice agit simultanément dans six Etats du
pays et à Brasilia, décrétant 28 placements en détention préventive et temporaire et
19 mandats d’amener.
Tout est parti d’une perquisition dans une banale station-service après une plainte, celle
déposée en 2008 par un certain Hermes Magnus, patron d’une entreprise de fabrication de
composants électroniques pour voitures à Londrina, opulente cité agricole de l’Etat du Parana,
dans le sud du pays. L’homme accuse plusieurs personnalités locales d’utiliser sa société
pour blanchir de l’argent. Parmi eux, l’entrepreneur Alberto Youssef, vieille connaissance des
enquêteurs pour avoir trempé dans un scandale impliquant la banque publique Banestado. Son
nom apparaît également dans l’affaire du « Mensalao », ce système de rémunérations occultes
versées à quelques députés en échange de leurs votes et qui avait failli coûter, en 2006, sa
réélection à Lula.
Hermes Magnus affirme avoir vu des valises de billets transiter par sa société. Et avance des
montants de plusieurs millions de reais. Menacé, il quittera le pays tandis que les policiers
tisseront patiemment leur toile autour d’Alberto Youssef. A son domicile, les policiers
découvrent une berline de luxe avec des papiers enregistrés au nom de Paulo Roberto Costa,
un ex-directeur de Petrobras, arrêté trois jours plus tard. « Si je parle, la République va
tomber », aurait prévenu M. Youssef s’adressant à ses avocats. L’homme a parlé, et la
république brésilienne s’est mise à vaciller.
Remontant le fil de l’affaire, les enquêteurs découvrent un vaste système de pots-de-vin : afin
de remporter à tour de rôle les juteux appels d’offres de Petrobras, des géants du BTP, tels
OAS ou Odebrecht se sont organisés en cartel, rétribuant les cadres du groupe public pétrolier
et des politiciens complices par le biais de surfacturation estimée entre 1 % et 5 % des contrats.
Un système de détournement de fonds de plusieurs milliards de reais à des fins de financement
de partis politiques et/ou d’enrichissement personnel.
• Septembre 2014, le scandale s’immisce dans la campagne
présidentielle
Depuis son démarrage en mars, le scandale s’est mué en une affaire gigogne qui atteint
désormais le sommet du pouvoir. Dilma Rousseff, candidate pour le Parti des travailleurs (PT,
gauche) à sa propre réélection au scrutin présidentiel des 5 et 26 octobre est fragilisée. Ministre
de l’énergie de 2003 à 2005 et présidente du conseil d’administration de Petrobras, pouvait-
elle ignorer les agissements de l’entreprise ? Les confidences de Paulo Roberto Costa, ex-haut
dirigeant de l’entreprise pétrolière publique, ajoutent à la confusion.
Les premières fuites de ces aveux concédés contre l’espoir d’une remise de peine apparaissent
dans la presse. L’hebdomadaire d’opposition Veja évoque notamment le nom d’une
quarantaine d’élus issus de la coalition de centregauche au pouvoir, citant, entre autres Renan
Calheiros, président du Sénat, et membre du Parti du mouvement démocratique brésilien
(PMDB), le trésorier du PT Joao Vaccari Neto, l’ex-gouverneur de l’Etat de Rio Sergio Cabral
(PMDB), ou encore le défunt Eduardo Campos, du Parti socialiste brésilien, ancien membre de
la coalition gouvernementale.
Elue sans confort, Dilma Rousseff entamera son mandat avec une image salie par l’affaire et
abîmée par une crise économique qui s’approfondit.
• Mars 2015, la liste « Janot » dévoile les ramifications
politiques du scandale
Tandis que le juge de première instance, Sergio Moro, multiplie les coups de filet et arrestations
visant les citoyens ordinaires, un autre « Lava Jato » s’attaque aux dirigeants politiques en
exercice. Bénéficiant du statut de « foro privilegiado », ces derniers ne sont redevables que
devant la Cour suprême. Une juridiction lente et surchargée. Mais en mars 2015, les voici
menacés. Le procureur général de la République, Rodrigo Janot, rend publique la liste complète
des 54 personnalités visées dans l’affaire, levant le voile sur l’ampleur des ramifications et
circuits financiers occultes organisés de façon quasi institutionnalisée au sein des principales
sphères du pouvoir brésilien.
La dénommée « liste Janot » pointe 22 députés, 14 sénateurs – soit près de 18 % de l’effectif
total du Sénat –, une quinzaine de gouverneurs et anciens dirigeants politiques. Pêle-mêle, on y
trouve Eduardo Cunha, alors président de la Chambre des députés, et Renan Calheiros,
président du Sénat, tous deux du PMDB. Le sénateur de Rio de Janeiro, Lindbergh Farias (PT).
L’ex-chef de la Maison civile (équivalent local de premier ministre) et proche de la présidente
Gleisi Hoffmann (PT). L’ancien ministre de l’énergie Edison Lobao (PMDB) et le sénateur et ex-
président Fernando Collor (PTB, coalition gouvernementale). C’est la tête de l’organigramme
politique qui est touché.
• Juin 2015, arrestation du « prince des entrepreneurs »
Marcelo Odebrecht
Les policiers sont venus le cueillir dans sa résidence de Morumbi, quartier chic de Sao Paulo,
capitale économique du Brésil. L’image de Marcelo Odebrecht, héritier et ex-patron de
l’entreprise qui porte son nom, géant du BTP, les menottes aux poignets, arrêté au même
moment que le président du groupe Andrade Gutierrez, Otavio Marques de Azevedo,
contribuera à faire de « Lava Jato » une opération historique et à son juge, Sergio Moro, une
idole. Rarement autant de cols blancs, amis des puissants, auront croupi en prison, tels des
citoyens ordinaires.
Considéré comme l’un des acteurs principaux du scandale, Marcelo Odebrecht travaillera
depuis sa cellule jour et nuit à sa défense jusqu’à sa condamnation, en juin 2016, à dix-neuf
ans de prison. Quelques mois plus tard, le visage émacié, celui que les médias décrivaient
comme le « prince des entrepreneurs » se résignera à collaborer avec la justice
pour obtenir une remise de peine. Avec lui, 77 cadres d’Odebrecht seront entendus par les
policiers pourconfesser le modus operandi de la distribution à grande échelle de dessous de
table. Des aveux qualifiés par la presse brésilienne de « delaçao do fim do mundo » (« délation
de la fin du monde »).
• Décembre 2015, démarrage de la procédure de destitution
contre Dilma Rousseff
Impopulaire, fragilisée par le scandale qui touche son parti et une crise économique qui l’oblige
à la rigueur, la présidente Dilma Rousseff est contestée à la fois par la rue et par ses pseudo-
alliés au Congrès. L’un d’eux, Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés,
directement menacé par « Lava Jato » prend alors la tête d’une fronde qui se soldera, en
décembre 2015, par le déclenchement d’une procédure d’impeachment (« destitution ») contre
la présidente. Effectivement démise de ses fonctions en août 2016.
Lire aussi : Comprendre la chute de Dilma Rousseff en 9 épisodes
Le scandale de corruption lié à Petrobras servira de toile de fond à sa destitution, alors que
d’importantes manifestations dénonceront la corruption du PT. L’impeachment sera pourtant
techniquement justifié par une manipulation comptable, le « pédalage budgétaire » qui aurait
permis à la dauphine de Lula de masquer l’ampleur du déficit public. Une pratique à laquelle se
sont adonnés d’autres présidents.
L’impeachment, polémique, contribuera à diviser la société brésilienne, opposant d’un côté les
adorateurs de Sergio Moro aux soutiens de la gauche dénonçant une enquête biaisée,
instrumentalisée pour faire tomber le PT.
Lire aussi : La crise politique au Brésil, si vous n’avez rien suivi
•
• Mars 2016, et le juge Moro s’en prend à Lula…
Voilà des semaines que les « unes » de la presse s’enchaînent, évoquant l’affaire du « triplex »,
un appartement de trois étages situés à Guaruja, station balnéaire à une centaine de kilomètres
de Sao Paulo, qui aurait été offert à l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) et
à son épouse Marisa, par un groupe de BTP impliqué dans le scandale. Et soudain, le juge
Sergio Moro, au sommet de sa popularité, ordonne un mandat d’amener contre Lula. Encadré
de policiers, sous l’œil des caméras, l’ex-métallo adoré des classes populaires est entendu
pendant plusieurs heures par les enquêteurs. Pourquoi un mandat d’amener quand l’ancien
chef d’Etat se dit prêt à collaborer à la justice ? « Lava Jato » bascule-t-elle dans un show
médiatique ?
Ce faux pas du juge Moro contribuera à entretenir l’idée d’une enquête à charge contre le PT et
sa figure la plus charismatique. Cette hypothèse sera encore renforcée quand le magistrat
rendra publiques quelques semaines plus tard des conversations téléphoniques privées entre
Lula et Dilma. Les écoutes laissant entendre une manipulation pour faire obstruction à la justice
visaient à empêcher la nomination de Lula ministre de la « Casa Civil », poste équivalent à celui
d’un premier ministre. Une initiative maladroite de Dilma Rousseff, jugée par certains comme
l’outil ad hoc pour mettre Lula à l’abri des tracas judiciaires en lui offrant le statut de « foro
privilegiado ». « Quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient
ministre », aurait dit Lula en 1988.
• Avril 2017, l’affaire éclabousse l’ensemble du spectre
politique
La procédure a été freinée par la mort prématurée du juge de la Cour suprême Teori Zavascki,
le 19 janvier, dans le crash d’un petit avion près de la ville historique de Paraty. Le juge défunt
était chargé d’instruire le volet politique de « Lava Jato ». Il était en train d’enregistrer les aveux
explosifs de 77 anciens cadres d’Odebrecht.
Trois mois plus tard, mardi 11 avril, le Tribunal suprême fédéral (TSF) a annoncé l’ouverture
d’une enquête visant des dizaines de personnalités politiques de premier plan. Le juge Edson
Fachin, chargé de ce dossier explosif, s’intéresse à 108 personnes.
Figurent parmi elles pas moins de huit ministres de l’actuel chef d’Etat, Michel Temer, ancien
vice-président de Dilma Rousseff considéré par celle-ci comme un traître et un conspirateur,
ainsi que les présidents des deux chambres du Congrès, le Parlement brésilien, et les anciens
présidents Fernando Enrique Cardoso, Luiz Inacio Lula da Silva et Dilma Rousseff.
Cette liste tend ainsi à confirmer que la corruption n’est pas, comme certains l’imaginaient, une
pratique exclusive du Parti des travailleurs et de ses alliés, mais un comportement quasi
systématique touchant la gauche comme la droite brésilienne. Qu’en restera-t-il ? Michel Temer
a prévenu qu’aucun de ses ministres ne démissionnerait avant d’être mis en examen ou
inculpé.
• Mai 2017, le président vacille
« Je ne démissionnerai pas. Je répète, je ne démissionnerai pas. » Jeudi 18 mai, après une nuit
agitée, marquée par les révélations accablantes de la télévision, du quotidien et du site de
Globo, groupe de médias le plus puissant du pays, Michel Temer, irrité, s’accroche. Vantant la
mise en place de réformes structurelles à même, pense-t-il, de moderniser le pays, il dénonce
une conspiration à son encontre.
Le chef d’Etat est suspecté d’avoir fait obstruction à la justice. Il aurait donné son aval au
versement de pots-de vin visant à faire taire Eduardo Cunha, le président de la chambre des
députés, condamné en mars à quinze ans de prison pour corruption. Le président a été trahi
par des écoutes versées au dossier de « Lava Jato » par Joesley Batista, à la tête du groupe
d’agroalimentaire JBS, mis en cause dans le scandale.
Lire aussi : Au Brésil, l’ensemble du système politique visé par l’enquête anticorruption
Mais après des heures de tensions extrêmes, de panique boursière et d’appels à la démission
du chef de l’Etat, le Brésil doute. Les accusations sont-elles suffisamment probantes pour
faire chuter un président ? Le pays est tétanisé à l’idée de revivre le traumatisme de
l’impeachment. D’autant qu’en cas de départ anticipé de Michel Temer, des élections indirectes
seraient organisées par le Congrès, alors que la rue appelle les « diretas ja » (des élections
directes maintenant).
La mobilisation contre la corruption fera-t-elle tomber à nouveau un chef d’Etat ? Usé, le pays
hésite, semblant désormais privilégier la stabilité politique à l’honnêteté de sa classe politique.

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Brésil : tout comprendre à l’opération « Lava Jato »

  • 1. Brésil : tout comprendre à l’opération « Lava Jato » Le Tribunal suprême fédéral, la plus haute juridiction du Brésil, a annoncé, mardi, l’ouverture d’une enquête concernant au moins huit ministres du gouvernement et des dizaines de députés et sénateurs. En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour- sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil. Une nouvelle étape a été franchie, jeudi 18 mai, au Brésil, dans l’enquête « Lava Jato » (« lavage express »), le plus grand scandale de corruption de l’histoire du pays. Un séisme d’une ampleur encore inconnu secoue le pays depuis la mise au jour de révélations impliquant l’actuel chef d’Etat, Michel Temer. Moins d’un an après l’« impeachment » de la présidente de gauche, Dilma Rousseff, le pays redoute d’assister à nouveau à la chute d’un chef d’Etat, empêtré dans le scandale. S’agit-t-il du crépuscule de la vieille élite de Brasilia ? Les accusations visant le président en fonction semblent avoir levé les derniers tabous d’une enquête aux ramifications sans fin. En avril, le Tribunal suprême fédéral (TSF), la plus haute juridiction brésilienne, a annoncé l’ouverture d’une gigantesque enquête concernant au moins huit ministres du gouvernement, des dizaines de députés et sénateurs. La Cour suprême a
  • 2. également transmis à des juridictions inférieures les demandes d’investigation visant trois ex- présidents, Luiz Inacio Lula da Silva, Dilma Rousseff et Fernando Henrique Cardoso. S’agit-il d’une occasion unique de « nettoyer » une fois pour toutes le système politique brésilien ? De mettre un terme à la corruption enracinée dans le pays ? D’en finir avec l’impunité qui règne au sein de la classe politique ? D’assainir le climat des affaires pollué par les liens pervers entretenus entre les secteurs public et privé ? Le Brésil s’interroge encore sur le devenir de cette enquête tentaculaire qui a mis au jour, un système de pots-de-vin orchestré par des géants du BTP pour piller les caisses du groupe public Petrobras avec la complicité des cadres de l’entreprise et de caciques politiques. Après trois années de procédures, 130 condamnations en première instance, 1 302 années de prison réclamées, des milliards de reais saisis, des millions rapatriés et des centaines de manchettes de journaux publiées, les Brésiliens semblent s’être lassés de cette affaire parfois décrite comme un « reality show judiciaire ». Retour sur ces années qui ont marqué à jamais le pays : • 17 mars 2014, naissance de l’affaire Le Brésil découvre, sonné, sans connaître encore les mille et une ramifications de l’enquête, le nom de code « Lava Jato » lors d’un vaste coup de filet opéré par quelque 400 agents fédéraux. Suspectant un système de blanchiment d’argent pour des sommes atteignant 10 milliards de reais (près de 3 milliards d’euros), la justice agit simultanément dans six Etats du pays et à Brasilia, décrétant 28 placements en détention préventive et temporaire et 19 mandats d’amener. Tout est parti d’une perquisition dans une banale station-service après une plainte, celle déposée en 2008 par un certain Hermes Magnus, patron d’une entreprise de fabrication de composants électroniques pour voitures à Londrina, opulente cité agricole de l’Etat du Parana, dans le sud du pays. L’homme accuse plusieurs personnalités locales d’utiliser sa société pour blanchir de l’argent. Parmi eux, l’entrepreneur Alberto Youssef, vieille connaissance des enquêteurs pour avoir trempé dans un scandale impliquant la banque publique Banestado. Son nom apparaît également dans l’affaire du « Mensalao », ce système de rémunérations occultes versées à quelques députés en échange de leurs votes et qui avait failli coûter, en 2006, sa réélection à Lula. Hermes Magnus affirme avoir vu des valises de billets transiter par sa société. Et avance des montants de plusieurs millions de reais. Menacé, il quittera le pays tandis que les policiers tisseront patiemment leur toile autour d’Alberto Youssef. A son domicile, les policiers découvrent une berline de luxe avec des papiers enregistrés au nom de Paulo Roberto Costa, un ex-directeur de Petrobras, arrêté trois jours plus tard. « Si je parle, la République va tomber », aurait prévenu M. Youssef s’adressant à ses avocats. L’homme a parlé, et la république brésilienne s’est mise à vaciller. Remontant le fil de l’affaire, les enquêteurs découvrent un vaste système de pots-de-vin : afin de remporter à tour de rôle les juteux appels d’offres de Petrobras, des géants du BTP, tels OAS ou Odebrecht se sont organisés en cartel, rétribuant les cadres du groupe public pétrolier et des politiciens complices par le biais de surfacturation estimée entre 1 % et 5 % des contrats. Un système de détournement de fonds de plusieurs milliards de reais à des fins de financement de partis politiques et/ou d’enrichissement personnel. • Septembre 2014, le scandale s’immisce dans la campagne présidentielle Depuis son démarrage en mars, le scandale s’est mué en une affaire gigogne qui atteint désormais le sommet du pouvoir. Dilma Rousseff, candidate pour le Parti des travailleurs (PT, gauche) à sa propre réélection au scrutin présidentiel des 5 et 26 octobre est fragilisée. Ministre
  • 3. de l’énergie de 2003 à 2005 et présidente du conseil d’administration de Petrobras, pouvait- elle ignorer les agissements de l’entreprise ? Les confidences de Paulo Roberto Costa, ex-haut dirigeant de l’entreprise pétrolière publique, ajoutent à la confusion. Les premières fuites de ces aveux concédés contre l’espoir d’une remise de peine apparaissent dans la presse. L’hebdomadaire d’opposition Veja évoque notamment le nom d’une quarantaine d’élus issus de la coalition de centregauche au pouvoir, citant, entre autres Renan Calheiros, président du Sénat, et membre du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), le trésorier du PT Joao Vaccari Neto, l’ex-gouverneur de l’Etat de Rio Sergio Cabral (PMDB), ou encore le défunt Eduardo Campos, du Parti socialiste brésilien, ancien membre de la coalition gouvernementale. Elue sans confort, Dilma Rousseff entamera son mandat avec une image salie par l’affaire et abîmée par une crise économique qui s’approfondit. • Mars 2015, la liste « Janot » dévoile les ramifications politiques du scandale Tandis que le juge de première instance, Sergio Moro, multiplie les coups de filet et arrestations visant les citoyens ordinaires, un autre « Lava Jato » s’attaque aux dirigeants politiques en exercice. Bénéficiant du statut de « foro privilegiado », ces derniers ne sont redevables que devant la Cour suprême. Une juridiction lente et surchargée. Mais en mars 2015, les voici menacés. Le procureur général de la République, Rodrigo Janot, rend publique la liste complète des 54 personnalités visées dans l’affaire, levant le voile sur l’ampleur des ramifications et circuits financiers occultes organisés de façon quasi institutionnalisée au sein des principales sphères du pouvoir brésilien. La dénommée « liste Janot » pointe 22 députés, 14 sénateurs – soit près de 18 % de l’effectif total du Sénat –, une quinzaine de gouverneurs et anciens dirigeants politiques. Pêle-mêle, on y trouve Eduardo Cunha, alors président de la Chambre des députés, et Renan Calheiros, président du Sénat, tous deux du PMDB. Le sénateur de Rio de Janeiro, Lindbergh Farias (PT). L’ex-chef de la Maison civile (équivalent local de premier ministre) et proche de la présidente Gleisi Hoffmann (PT). L’ancien ministre de l’énergie Edison Lobao (PMDB) et le sénateur et ex- président Fernando Collor (PTB, coalition gouvernementale). C’est la tête de l’organigramme politique qui est touché. • Juin 2015, arrestation du « prince des entrepreneurs » Marcelo Odebrecht Les policiers sont venus le cueillir dans sa résidence de Morumbi, quartier chic de Sao Paulo, capitale économique du Brésil. L’image de Marcelo Odebrecht, héritier et ex-patron de l’entreprise qui porte son nom, géant du BTP, les menottes aux poignets, arrêté au même moment que le président du groupe Andrade Gutierrez, Otavio Marques de Azevedo, contribuera à faire de « Lava Jato » une opération historique et à son juge, Sergio Moro, une idole. Rarement autant de cols blancs, amis des puissants, auront croupi en prison, tels des citoyens ordinaires. Considéré comme l’un des acteurs principaux du scandale, Marcelo Odebrecht travaillera depuis sa cellule jour et nuit à sa défense jusqu’à sa condamnation, en juin 2016, à dix-neuf ans de prison. Quelques mois plus tard, le visage émacié, celui que les médias décrivaient comme le « prince des entrepreneurs » se résignera à collaborer avec la justice pour obtenir une remise de peine. Avec lui, 77 cadres d’Odebrecht seront entendus par les policiers pourconfesser le modus operandi de la distribution à grande échelle de dessous de table. Des aveux qualifiés par la presse brésilienne de « delaçao do fim do mundo » (« délation de la fin du monde »). • Décembre 2015, démarrage de la procédure de destitution contre Dilma Rousseff
  • 4. Impopulaire, fragilisée par le scandale qui touche son parti et une crise économique qui l’oblige à la rigueur, la présidente Dilma Rousseff est contestée à la fois par la rue et par ses pseudo- alliés au Congrès. L’un d’eux, Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, directement menacé par « Lava Jato » prend alors la tête d’une fronde qui se soldera, en décembre 2015, par le déclenchement d’une procédure d’impeachment (« destitution ») contre la présidente. Effectivement démise de ses fonctions en août 2016. Lire aussi : Comprendre la chute de Dilma Rousseff en 9 épisodes Le scandale de corruption lié à Petrobras servira de toile de fond à sa destitution, alors que d’importantes manifestations dénonceront la corruption du PT. L’impeachment sera pourtant techniquement justifié par une manipulation comptable, le « pédalage budgétaire » qui aurait permis à la dauphine de Lula de masquer l’ampleur du déficit public. Une pratique à laquelle se sont adonnés d’autres présidents. L’impeachment, polémique, contribuera à diviser la société brésilienne, opposant d’un côté les adorateurs de Sergio Moro aux soutiens de la gauche dénonçant une enquête biaisée, instrumentalisée pour faire tomber le PT. Lire aussi : La crise politique au Brésil, si vous n’avez rien suivi • • Mars 2016, et le juge Moro s’en prend à Lula… Voilà des semaines que les « unes » de la presse s’enchaînent, évoquant l’affaire du « triplex », un appartement de trois étages situés à Guaruja, station balnéaire à une centaine de kilomètres de Sao Paulo, qui aurait été offert à l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) et à son épouse Marisa, par un groupe de BTP impliqué dans le scandale. Et soudain, le juge Sergio Moro, au sommet de sa popularité, ordonne un mandat d’amener contre Lula. Encadré de policiers, sous l’œil des caméras, l’ex-métallo adoré des classes populaires est entendu pendant plusieurs heures par les enquêteurs. Pourquoi un mandat d’amener quand l’ancien chef d’Etat se dit prêt à collaborer à la justice ? « Lava Jato » bascule-t-elle dans un show médiatique ? Ce faux pas du juge Moro contribuera à entretenir l’idée d’une enquête à charge contre le PT et sa figure la plus charismatique. Cette hypothèse sera encore renforcée quand le magistrat rendra publiques quelques semaines plus tard des conversations téléphoniques privées entre Lula et Dilma. Les écoutes laissant entendre une manipulation pour faire obstruction à la justice visaient à empêcher la nomination de Lula ministre de la « Casa Civil », poste équivalent à celui d’un premier ministre. Une initiative maladroite de Dilma Rousseff, jugée par certains comme l’outil ad hoc pour mettre Lula à l’abri des tracas judiciaires en lui offrant le statut de « foro privilegiado ». « Quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient ministre », aurait dit Lula en 1988. • Avril 2017, l’affaire éclabousse l’ensemble du spectre politique La procédure a été freinée par la mort prématurée du juge de la Cour suprême Teori Zavascki, le 19 janvier, dans le crash d’un petit avion près de la ville historique de Paraty. Le juge défunt était chargé d’instruire le volet politique de « Lava Jato ». Il était en train d’enregistrer les aveux explosifs de 77 anciens cadres d’Odebrecht. Trois mois plus tard, mardi 11 avril, le Tribunal suprême fédéral (TSF) a annoncé l’ouverture d’une enquête visant des dizaines de personnalités politiques de premier plan. Le juge Edson Fachin, chargé de ce dossier explosif, s’intéresse à 108 personnes. Figurent parmi elles pas moins de huit ministres de l’actuel chef d’Etat, Michel Temer, ancien vice-président de Dilma Rousseff considéré par celle-ci comme un traître et un conspirateur,
  • 5. ainsi que les présidents des deux chambres du Congrès, le Parlement brésilien, et les anciens présidents Fernando Enrique Cardoso, Luiz Inacio Lula da Silva et Dilma Rousseff. Cette liste tend ainsi à confirmer que la corruption n’est pas, comme certains l’imaginaient, une pratique exclusive du Parti des travailleurs et de ses alliés, mais un comportement quasi systématique touchant la gauche comme la droite brésilienne. Qu’en restera-t-il ? Michel Temer a prévenu qu’aucun de ses ministres ne démissionnerait avant d’être mis en examen ou inculpé. • Mai 2017, le président vacille « Je ne démissionnerai pas. Je répète, je ne démissionnerai pas. » Jeudi 18 mai, après une nuit agitée, marquée par les révélations accablantes de la télévision, du quotidien et du site de Globo, groupe de médias le plus puissant du pays, Michel Temer, irrité, s’accroche. Vantant la mise en place de réformes structurelles à même, pense-t-il, de moderniser le pays, il dénonce une conspiration à son encontre. Le chef d’Etat est suspecté d’avoir fait obstruction à la justice. Il aurait donné son aval au versement de pots-de vin visant à faire taire Eduardo Cunha, le président de la chambre des députés, condamné en mars à quinze ans de prison pour corruption. Le président a été trahi par des écoutes versées au dossier de « Lava Jato » par Joesley Batista, à la tête du groupe d’agroalimentaire JBS, mis en cause dans le scandale. Lire aussi : Au Brésil, l’ensemble du système politique visé par l’enquête anticorruption Mais après des heures de tensions extrêmes, de panique boursière et d’appels à la démission du chef de l’Etat, le Brésil doute. Les accusations sont-elles suffisamment probantes pour faire chuter un président ? Le pays est tétanisé à l’idée de revivre le traumatisme de l’impeachment. D’autant qu’en cas de départ anticipé de Michel Temer, des élections indirectes seraient organisées par le Congrès, alors que la rue appelle les « diretas ja » (des élections directes maintenant). La mobilisation contre la corruption fera-t-elle tomber à nouveau un chef d’Etat ? Usé, le pays hésite, semblant désormais privilégier la stabilité politique à l’honnêteté de sa classe politique.