1. CE QUE JE CROIS
« Réduire les souffrances
de ce monde nécessite une
convergence spirituelle,
morale, scientifique
et entrepreneuriale. »
Scout
rentable
Benjamind’Hardemare
Passé
1981 Naissance
à Limoges.
1999 Bénévole à la
Croix-Rouge du
XVe
arrondissement
de Paris.
2008 Démission de
Schneider et création
de Planetic.
2012 Signature de son
premier contrat de
reforestation au Congo.
Présent
Février 2016 Deux
levées de fonds.
2016 Lancement de
Hey Jool, une nouvelle
filiale qui produit des
lampes solaires en liège.
Futur
9 juillet Mariage.
Un livre pour les jeunes
sur l’engagement.
Il ne faut se fier ni à la chevalière dorée ni à son
bureaudutroisièmeétageduPalaisBrongniart,l’an-
cien cœur de la Bourse de Paris. Avec son costume
cravateimpeccable,etsabarbedetroisjours,Benjamin
d’Hardemare est un entrepreneur hybride, au croi-
sement des mondes de l’entreprise et de l’associatif.
Un patron qui ne néglige pas le profit mais dont le
cœur de métier est l’insertion et l’écologie.
Deuxièmed’unefratriedequatre, ilnaît àLimoges
en1981.Lafamillesedéplaceaugrédesmutationsdu
père, membre du directoire d’une banque. C’est à
Orléansquelefuturchefd’entreprises’initieàl’enga-
gement social, grâce au scoutisme. « Le scout est un
chrétien en action », découvre-t-il. Sa vie en est cham-
boulée.Àl’heuredulycée,ilchoisitlepublic,« àl’autre
bout de la ville, pour ne pas côtoyer que des scouts, des
cathos et des gens… de ma CSP ». Après avoir passé le
bac à Casablanca (Maroc), où son père est expatrié, il
arrivesurlesbancsparisiensdel’université.S’ilhésite
un peu sur la voie à prendre, ce sera le droit, il est
déterminéàpoursuivresonengagement :« Dèslejour
de la rentrée, je tape à la porte de la Croix-Rouge. » Lui
qui vient d’un milieu aisé, il fait face à la très grande
détresse.Ilestsecouriste,« à150 km/hdansuneambu-
lance »,lavedesréfugiésquisouffrentdelagale.« Ben-
jamin donnait sans compter », se remémore Agnès
LeconteBabinet,àl’époqueresponsabledesmaraudes
delaCroix-RougeduXVe
arrondissement.Entre 2000
et 2003,ilfaitses« 35 heuresparsemaine »,bénévole-
ment, aussi bien sur le terrain qu’en tant que respon-
sabledépartemental.Ilestchargédelaformationdes
bénévoles au secours social. Il est tellement impliqué
qu’illuirestepeudetempspoursescours :« J’aieuma
licence grâce aux points de salsa », confie-t-il.
Lafibreentrepreneuriale, il l’acquiert en rejoignant
le groupe d’étude Entreprise et Pauvreté de l’Institut
Montaigne (think tank libéral). « Il avait une grande
sensibilitépourlesujetdelapauvreté,maisilétaitaussi
un peu naïf : il avait une image “marxiste” de l’entre-
prise », juge amicalement Henri Lachman, qui était
alors PDG de Schneider Electric. « J’ai découvert que
l’entreprise,danssafaçonderecruter,pouvaitavoirun
vrai impact sur la pauvreté », se souvient Benjamin
d’Hardemare. Très investi, il est non seulement rap-
porteur du groupe de travail, mais il anime aussi les
réunions,etn’hésitepasàapportersonexpériencedu
terrain,aprèscinqannéesdeCroix-Rouge,devant« les
grandspatronsdeSchneider,Adecco,dessyndicalistes,
desprésidentsd’associationscommeATDQuartMonde ».
En 2006, le groupe de travail accouche d’un rapport
qui demande entre autres l’interdiction du CDD – au
profit du CDI – et Benjamin d’Hardemare gagne un
boulotchezSchneider.IlpartpourLondres,nes’occupe
plus que d’efficacité énergétique, et découvre les
problématiquesenvironnementales.Luiquis’imaginait
travailleràlaCroix-Rougeinternationaleselancedonc
« dans le lucratif ». Fin 2008, il reçoit même une pro-
motionpourrejoindrel’équipedeBoston(États-Unis),
alors que la crise éclate. Et il démissionne.
Lui,leraiderscout,quis’estengagé« àrisquertout
pourleservicedesautres, y compris la vie », pense
qu’il est temps de lancer une entreprise : une start-
up qui puisse remplir toutes les conditions de ren-
tabilité et de profit, tout en ayant « les objectifs d’une
association ». Planetic est né. Et c’est le début des
problèmes.« J’aipassétroisanssanssignerdecontrat.
C’estmatraverséedudésert :chômage,RSA,etjusqu’à
l’endettementpersonnel. »Unpassageformateur.« Ça
ablindémafoi.J’aiéprouvéledésespoir,
mais je ne me suis jamais senti seul ! »
Finalement,en2012,sonprojetderefo-
restation en République du Congo
démarre, suivi d’un projet d’agricul-
ture. Depuis, il a multiplié les filiales :
enFrance,illanceenmars 2014Alter-
massage qui propose des massages en
entreprise réalisés par des personnes
malvoyantes. Au Sénégal, en 2015, il
lance un projet d’agroécologie, et
devrait commencer la confection de
lampes solaires pour le marché afri-
cain.Aujourd’hui,ilveuttémoignerde
sonexpérienceetprojetteunlivrepour
les jeunes sur l’importance de l’enga-
gement, avec ce message : « Si vous
voulez faire le bien autour de vous, ça
finira par marcher. »
’TEXTE ARNAUD AUBRY
PHOTO MAGALI DELPORTE
LA VIE LA VIE
PORTRAIT
D’UN ENTREPRENEUR HYBRIDE
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