Starter? Partez de l'idée que vous n'aurez pas de salaire les premiers mois
1. "Partez de l'idée que vous n'aurez pas de
salaire les premiers mois"
Frederik Tibau 11/10/2012 - 15:29
Martin van Wunnik
“Mon fils me dit parfois que je brise des rêves, mais moi, je vois les choses autrement”,
déclare en souriant Martin van Wunnik. Ce stratège financier aide les startups à élaborer un
plan financier réaliste, indispensable pour mener à bien un projet. “Nos jeunots sont naïfs.
Ils pensent qu’ils vont tout révolutionner uniquement parce qu’ils ont une bonne idée.”
Martin van Wunnik en a vu de toutes les couleurs avec des projets situés à mi-chemin entre la
finance et l’ICT. Après avoir œuvré 18 ans dans un bon nombre de multinationales (dont Jan De
Nul), il s’est mis à son compte en 2008. Depuis 2011, il accompagne des starters pour des
instances telles l’Agence Bruxelloise pour l’Entreprise (ABE) et le gouvernement flamand
(portefeuille des PME flamandes), et il est lié à la communauté internet BetaGroup et au Microsoft
Innovation Centre (MIC).
“Ce qui m’étonne, c’est que les starters pensent souvent que tout est gratuit. Vous pouvez encore
les inciter à suivre une session d’informations, mais si vous organisez des ateliers pour une
bouchée de pain, ils renoncent, et vous pouvez alors vous l’accrocher. C’est çà la génération
internet (rire). Mais ce n’est pas toujours possible de faire les choses gratuitement ou à prix-
plancher. Si vous faites examiner une licence par un avocat, cela coûte de l’argent.”
“Un deuxième point qui pose problème, c’est que les starters sont naïfs. Ils sont aveuglés par leur
idée et estiment donc qu’ils vont gagner des millions, alors qu’ils n’ont même pas encore réalisé un
prototype fonctionnel. Voyez par vous-même: combien de jeunots ne demandent-ils pas d’argent
pour une idée, sans même avoir un produit et encore moins de clients? Certes, cela marche
parfois. Mais l’immense majorité fait chou blanc.”
2. Van Wunnik tente d’aider les débutants sur tout ce qui concerne l’aspect financier lié au démarrage
d’une petite entreprise: “C’est très vaste évidemment, mais généralement cela revient à revoir un
plan financier. Je ne vais jamais élaborer moi-même ce genre de plan, mais je fais des
commentaires sur les problèmes qui pourraient se présenter par exemple.”
“Dans ce plan financier, pas mal d’hypothèses sont avancées. Cela peut fuser de tous côtés. Moi,
je présente généralement deux scénarios: un positif et un négatif. L’objectif est que le starter
puisse quand même survivre pendant six mois même avec le scénario négatif.”
Où les erreurs se nichent-elles le plus souvent?
Martin van Wunnik: “Indépendamment de l’hyper-motivation irréaliste (rire), la surévaluation des
rentrées/besoins. Quelqu’un a-t-il vraiment besoin du produit ou pourrait-il éventuellement aimer
l’acquérir? Nombre de starters se trouvent dans la dernière catégorie, alors qu’ils pensent être
dans la première. Il en résulte que les rentrées se font attendre ou ne se mettent à grimper
qu’après la énième adaptation du produit.”
“C’est tout à fait différent du côté des coûts. Il est aujourd’hui possible de démarrer sans argent
grâce à internet. Mais qu’en est-il si vous passez soudainement de 5 à 10.000 clients? Comment
allez-vous résoudre la situation? Qu’en est-il des possibilités d’évolutivité?”
“Dans la plupart des cas, le gros problème, c’est le cash ou plutôt et surtout le manque de cash.
Les rentrées arrivent plus tard que prévu, alors que les coûts sont nettement plus élevés
qu’attendu. Quelle est la solution? Faire appel à la famille ou aux amis? C’est possible. Mais plus
vos dettes s’accumuleront, plus ce sera compliqué. Il y aura un moment où vous devrez vous
poser la question: vais-je encore m’endetter davantage ou est-ce que je dépose mon bilan?
Admettre qu’on a échoué, c’est l’une des choses les plus terribles qui soient.”
Qu’en est-il de la qualité des plans financiers que nos starters élaborent?
Van Wunnik: “La plupart en dressent simplement les grandes lignes. Tant de clients, tant de
chiffre d’affaires, tant de coûts. Il est néanmoins possible de trouver pas mal de bons modèles en
ligne. L’ABE en a un, tout comme ING. Ce qui est bien avec ces modèles, c’est qu’ils incitent les
personnes à réfléchir à deux fois sur les éléments qui ne s’appliquent pas à elles. Ce que
beaucoup oublient, c’est que vous pouvez partir de l’idée que vous vous retrouverez sans salaire
durant les six premiers mois (rire).”
Le manque de cash est un problème logique, quoi d’autre?
Van Wunnik: “Cinq choses. D’abord, il y a l’équipe. Si vous êtes tout seul, ce n’est pas bon. Il est
préférable de collaborer avec d’autres. Il faut disposer d’une structure valable pour que la startup
soit prise au sérieux.”
“Ensuite, il y a évidemment le modèle commercial (business model). Ici encore, les starters sont
trop optimistes. Ils évaluent mal les besoins de leurs clients et ne réfléchissent guère à leurs prix.
Ils pensent ainsi: ‘nous proposons une formule SaaS et demandons 50 euros par mois, alors que
les coûts atteignent 80 euros par mois.”