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Cormier1
Le Canada et la Belgique représentent, depuis leurs fondations respectives en 1867 et en 1830,
deux scènes de choix pour les conflits idéologiques. Par contre, ces deux pays ont suivis deux parcours
très différents. Dans le cas du Canada, trois colonies britanniques décident de s’allier sous une même
Constitution qui créa quatre provinces distinctes, unies par une loi commune et par un gouvernement
central. Dans le cas de la Belgique, son histoire débute en tant qu’État faisant parti des Pays-Bas et s’en
dissociant pour devenir un État unitaire. Finalement adoptant une loi fédérale avec la Constitution belge
de 1993, déclarant un État devenu fédéral avec trois Communautés, trois Régions et un pouvoir central.
Nous sommes bien conscients que le Canada est officiellement une fédération depuis 1867 et que la
Belgique seulement depuis1993, mais nous ne pouvons pas ignorer les troublantes ressemblances qui ont
récemment fait surface chez ces deux entités politiques.
Depuis les années 1960, il est possible d’observer des mouvements nationalistes fortement
polarisés au Canada comme en Belgique. Nous faisons ici référence à la Région de Wallonie en Belgique
et à la province du Québec au Canada; deux nations francophones qui revendiquent une meilleure
reconnaissance nationale et culturelle. Plusieurs se demandent si ces conflits de nature culturelle et
idéologique mèneront à une dissociation du fédéralisme dans ces deux pays, plusieurs études donc été
faites comparant ces deux crises nationales pour tenter d’en déduire les résultats futurs. Mais quels sont
les origines des affrontements nationalistes au Canada et en Belgique, surtout depuis les années 1960? De
façon provisoire, on peut stipuler que les difficultés nationales au Canada comme en Belgique sont
étroitement liées à la forme de fédéralisme qui prévaut dans ces deux pays. Notre recherche se penchera
donc principalement sur trois différentes caractéristiques fondamentales du fédéralisme au Canada et en
Belgique : un fédéralisme multinational, de dissociation et paradoxal.
Notre recherche sera conduite à l’aide d’une méthode bien particulière : la méthode de
concordance. Nous allons appliquer cette méthode à notre recherche en comparant premièrement le
système fédéral au Canada avec celui en Belgique, tout en mettant la lumière sur les concepts similaires
entre eux qui vont nous permettre de conclure, comme nous avons stipulé dans notre hypothèse, que les
Cormier2
conflits nationalistes dans ces deux pays sont causés par le type de fédéralisme qui prévaut au Canada et
en Belgique.
Vu que notre analyse porte sur l’étude de deux systèmes fédéraux, il est dans notre intérêt de
tenter de définir ce qu’est le fédéralisme en tant que régime politique. Il s’agit d’un terme qui vient du
latin feodus. Le terme « fédéral » comme tel signifie alliance, contrat ou pacte; un arrangement reposant
sur un partenariat entre les parties en question qui implique un self-rule (autonomie) et un sharedrule
(participation). Dans le cas de la Belgique, le fédéralisme est composé de deux instances dont les
Communautés et les Régions, tandis qu’au Canada il n’y a que les provinces1
. Il ne faut surtout pas
oublier que dans un système fédéral, il doit y avoir un pouvoir central fédéral mais qui peut avoir des
pouvoirs différents d’une fédération à l’autre.
Puisque nous tentons de faire le point sur des mouvements de base nationalistes, il semble
pertinent d’apporter des précisions sur la conception du « nationalisme » à laquelle nous allons faire
référence au cours de notre analyse. Par « nationalisme », nous entendons un mouvement politique qui
prône la souveraineté, dans ce cas-ci, de l’unité linguistique et politique, d’un groupe d’individus qui se
considèrent comme étant distinctes2
.
1. Fédéralisme multinational
Une grande différence qui repose entre le fédéralisme canadien ou belge et le fédéralisme « par
excellence » qu’on peut observer aux États-Unis ou encore en Allemagne, est justement le caractère de
nation unique3
. Ce type de fédéralisme ne reconnaît qu’un seul groupe ethnique, linguistique, culturel et
politique sans qu’il y ait des manifestations de mécontentements de certains groupes qui considèrent cette
reconnaissance exclusive. Ceci n’est pas le cas au Canada ou en Belgique. Avant d’être des fédérations
multinationales, ces États sont des démocraties multinationales dans lesquels se trouvent plusieurs nations
particulières; communauté historique caractérisée par une culture propre, une conscience collective et une
1Page 17 L’avenir du fédéralismeen Belgique et au Canada
2 Notes de cours,Shirdel,identité politique
3 Page 38
Cormier3
revendication de souveraineté politique4. Le problème multinational se démarque justement en relation
avec la conception de « nation » qui a été développée et adoptée par les États centraux. Étrangement, les
différentes nations internes sont en contradiction directe avec cette conception de « nation » prescrite par
l’État qui s’oppose, dans plusieurs cas, avec leurs conceptions propres de ce qui est « pour eux » une
nation et ce qu’elle implique5
. Ces difficultés d’alignements des conceptions diverses de « nation » se
traduit au travers d’une histoire particulière et d’un parcourt historique taché d’expériences particulières
au peuple québécois et au peuple wallon.
a. Dynamique fédérale belge
La formation de l’État fédéral belge repose principalement sur un conflit idéologique entre
Flamands et Wallons. L’organisation de la Belgique, à la suite de la reconnaissance de son indépendance
en 1830, est assumée majoritairement par les francophones6
. Par contre, cette prise d’initiative par les
francophones qui modèlent le nouvel État indépendant à leur guise va enclencher des réactions
d’opposition de la part du peuple Flamand. On peut faire allusion aux mécontentements de ce peuple à
l’adoption du français comme unique langue officielle et de leur revendication d’utiliser le néerlandais au
nord du pays7
. L’organisation présente de la Belgique provient notamment de la forte bipolarité entre
Flamands et Wallons et qui a dû être accommodée par une double vision de la forme fédérale à adopter
pour la nouvelle Belgique.
Les néerlandophones voulaient adopter un pays plutôt bicommunautaire basé sur le principe
linguistique bipolaire du pays, avec la région de Bruxelles à cause de son emplacement au nord de la
frontière linguistique historique et faisant parti intégralement de la société flamande. Ils voulaient aussi
adopter une frontière linguistique qui empêcherait la francisation du néerlandophone8
. Par contre, du côté
des francophones, ont préféraient davantage une division en trois Régions dont Bruxelles serait la
4 Notes de cours
5P. 38 avenir du fédéralismeen Belgique et au canada
6P. 66 le fédéralismeen Belgique et au canada
7 P. 66
8 P. 68
Cormier4
troisième, francophone à part entière. Ils privilégiaient et privilégies encore l’emploi de la langue sur le
principe de liberté individuelle9
et donc, qu’il est libre à l’individu d’adopter la langue qui lui convient le
mieux. Cette vision dualiste de la forme à adopter pour la fédération belge aboutie finalement à un
compromis qui met essentiellement en place une fédération dotée d’une dualité institutionnelle. D’une
part et à la demande des francophones, Bruxelles devient une région, mais faisant toutefois parti de la
communauté flamande et qui y est protégée, tout comme la minorité francophone l’est au sein de la
communauté belge, émanent de la volonté néerlandaise10.
Les années 1960 voient apparaitre de nouveaux débats, comme il fut le cas en 1920 et en 1930,
sur les questions linguistiques qui tourmentent l’ensemble du pays et plus particulièrement les Flamands
et les Wallons. L’année 1960 marque la séparation de la radio et de la télévision belge. Cette scission aura
des répercutions majeures sur le reste des questions linguistiques qui seront reprises en 1965 avec la
scission communautaire du ministère national de l’enseignement. Ces deux divisions nationales tapissent
et accentuent la division de l’opinion publique et politique au sujet du traitement des langues officielles au
pays, et surtout dans les deux zones linguistiques majoritaires. Après une multitude de divisions politiques
et culturelles marquantes, la Constitution belge est finalement révisée en 1970. Elle aboutira donc à une
redéfinition, allant dans le même sens que la logique de deux groupes, de l’ensemble des mécanismes
politiques et culturels du pays. La parité linguistique devient donc le vecteur de toutes infrastructures au
pays avec un Parlement reconnaissant les deux groupes linguistiques, et d’une double majorité, au sein de
chaque groupe linguistique11
.
b. Dynamique fédérale canadienne
Au Canada comme en Belgique, le principe de fédéralisme est étroitement lié au
multiculturalisme. Par contre, l’effort pancanadien de mettre en place une fédération unie est mieux défini
en théorie qu’en pratique. Il n’y a pas de consensus, encore aujourd’hui, sur les facteurs qui ont menés à
9 P. 68
10 P. 68
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Cormier5
la formation du Canada et contrairement à la Belgique, le régime fédéral canadien fut l’objet d’un
assemblage d’entités politiques qui préexistaient au pays comme tel12
. Les motivations qui ont poussées
les anciennes colonies britanniques à s’unir relèvent essentiellement de fins économiques et militaires; la
puissance américaine se trouvant tout juste au sud. La formation du Canada relèverait donc d’un esprit de
compétition avec les américains du sud. La volonté britannique de se défaire de ses colonies nord-
américaines poussa aussi ces dernières à considérer l’association. Mais pourquoi n’on-t-elles pas votées
pour un États unitaire comme la Belgique? Cette question repose essentiellement sur deux facteurs
principaux. On fait ici allusion à la grande diversité culturelle13
qui sépare le Canada en trois nations
distinctes : les canadiens français, les canadiens anglais et les autochtones; la grande confrontation étant
entre les canadiens français et les canadiens anglais. L’adoption du fédéralisme canadien reposait aussi
sur le fort régionalisme14
qui fait surtout allusion aux Maritimes qui sont très attachées à leurs institutions
économiques (la pêche) et politiques. Une peur d’absorption par l’État central était alors présente dans
cette région du pays. Par contre, malgré la reconnaissance du régionalisme canadien, des tensions
centrifuges et centripètes seront constamment en confrontation et définiront les relations
intergouvernementales, le gouvernement fédéral qui tente de centraliser le pays, tandis que les provinces
(surtout le Québec), tentent d’y résister pour ne pas être assimilés.
L’expression des « deux solitudes » explique bien ces deux dynamiques en opposition puisqu’elle
distingue les canadiens français majoritaires au Québec mais minoritaires dans le reste du Canada, de
même que les canadiens anglais minoritaires au Québec et majoritaires dans le reste du Canada; la
concentration de deux groupes linguistiques dans deux différents espaces géographiques15
. Le conflit
multi-culturaliste est particulièrement observable dans les politiques linguistiques au pays. À part le
Nouveau-Brunswick qui est la seule province officiellement bilingue, les autres provinces anglophones
ont diversifiées leurs institutions pour aménager les francophones, tandis que le Québec tente de franciser
12P. 74
13P. 76
14P. 76
15P. 79-80
Cormier6
son territoire16. Les conflits idéologiques surviennent violemment à partir des années 1960 lorsque les
différents partis politiques sont appelés à mettre en place un véritable agenda national dans le but de
mobiliser l’ensemble de la population canadienne et de favoriser la formation d’une nation unie à l’aide
de la construction particulièrement canadienne17. Évidemment, le Bloc Québécois sera le seul véritable
défenseur des intérêts du Québec sur la scène fédérale, justement à cause de la majorité francophone se
trouvant au Québec. Sur la scène provinciale, les années 1960 voient apparaitre des partis politiques plus
radicaux. En 1963, le Rassemblement pour l’indépendance nationale qui est purement nationaliste et en
1968, le Parti Québécois qui prône la souveraineté du Québec18
.
Bibliographie
16 P. 81
17 P. 84
18 P. 85
Cormier7
FOURNIER, Bernard et REUCHAMPS, MIN (dir.) (2009). « Le fédéralisme en Belgique et au Canada –
Comparaison sociolopolitique », Belgique, Éditions De Boeck Université, 287 p.
REUCHAMPS, Min (2011). « L’avenir du fédéralisme en Belgique et au Canada – Quand les citoyens en
parlent », Bruxelles, Éditions scientifiques internationales, coll. « Diversitas », n˚13, 264 p.
DUMONT, Georges-Henri (1991). « Que sais-je? La Belgique », France, PUF, 126 p.
PATENAUDE, Pierre (dir.) (1991). « Québec-communauté française de Belgique : autonomie et
spécificité dans le cadre d’un système fédéral », Sherbrooke, Wilson & Lafleur ltée, 231 p.

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  • 1. Cormier1 Le Canada et la Belgique représentent, depuis leurs fondations respectives en 1867 et en 1830, deux scènes de choix pour les conflits idéologiques. Par contre, ces deux pays ont suivis deux parcours très différents. Dans le cas du Canada, trois colonies britanniques décident de s’allier sous une même Constitution qui créa quatre provinces distinctes, unies par une loi commune et par un gouvernement central. Dans le cas de la Belgique, son histoire débute en tant qu’État faisant parti des Pays-Bas et s’en dissociant pour devenir un État unitaire. Finalement adoptant une loi fédérale avec la Constitution belge de 1993, déclarant un État devenu fédéral avec trois Communautés, trois Régions et un pouvoir central. Nous sommes bien conscients que le Canada est officiellement une fédération depuis 1867 et que la Belgique seulement depuis1993, mais nous ne pouvons pas ignorer les troublantes ressemblances qui ont récemment fait surface chez ces deux entités politiques. Depuis les années 1960, il est possible d’observer des mouvements nationalistes fortement polarisés au Canada comme en Belgique. Nous faisons ici référence à la Région de Wallonie en Belgique et à la province du Québec au Canada; deux nations francophones qui revendiquent une meilleure reconnaissance nationale et culturelle. Plusieurs se demandent si ces conflits de nature culturelle et idéologique mèneront à une dissociation du fédéralisme dans ces deux pays, plusieurs études donc été faites comparant ces deux crises nationales pour tenter d’en déduire les résultats futurs. Mais quels sont les origines des affrontements nationalistes au Canada et en Belgique, surtout depuis les années 1960? De façon provisoire, on peut stipuler que les difficultés nationales au Canada comme en Belgique sont étroitement liées à la forme de fédéralisme qui prévaut dans ces deux pays. Notre recherche se penchera donc principalement sur trois différentes caractéristiques fondamentales du fédéralisme au Canada et en Belgique : un fédéralisme multinational, de dissociation et paradoxal. Notre recherche sera conduite à l’aide d’une méthode bien particulière : la méthode de concordance. Nous allons appliquer cette méthode à notre recherche en comparant premièrement le système fédéral au Canada avec celui en Belgique, tout en mettant la lumière sur les concepts similaires entre eux qui vont nous permettre de conclure, comme nous avons stipulé dans notre hypothèse, que les
  • 2. Cormier2 conflits nationalistes dans ces deux pays sont causés par le type de fédéralisme qui prévaut au Canada et en Belgique. Vu que notre analyse porte sur l’étude de deux systèmes fédéraux, il est dans notre intérêt de tenter de définir ce qu’est le fédéralisme en tant que régime politique. Il s’agit d’un terme qui vient du latin feodus. Le terme « fédéral » comme tel signifie alliance, contrat ou pacte; un arrangement reposant sur un partenariat entre les parties en question qui implique un self-rule (autonomie) et un sharedrule (participation). Dans le cas de la Belgique, le fédéralisme est composé de deux instances dont les Communautés et les Régions, tandis qu’au Canada il n’y a que les provinces1 . Il ne faut surtout pas oublier que dans un système fédéral, il doit y avoir un pouvoir central fédéral mais qui peut avoir des pouvoirs différents d’une fédération à l’autre. Puisque nous tentons de faire le point sur des mouvements de base nationalistes, il semble pertinent d’apporter des précisions sur la conception du « nationalisme » à laquelle nous allons faire référence au cours de notre analyse. Par « nationalisme », nous entendons un mouvement politique qui prône la souveraineté, dans ce cas-ci, de l’unité linguistique et politique, d’un groupe d’individus qui se considèrent comme étant distinctes2 . 1. Fédéralisme multinational Une grande différence qui repose entre le fédéralisme canadien ou belge et le fédéralisme « par excellence » qu’on peut observer aux États-Unis ou encore en Allemagne, est justement le caractère de nation unique3 . Ce type de fédéralisme ne reconnaît qu’un seul groupe ethnique, linguistique, culturel et politique sans qu’il y ait des manifestations de mécontentements de certains groupes qui considèrent cette reconnaissance exclusive. Ceci n’est pas le cas au Canada ou en Belgique. Avant d’être des fédérations multinationales, ces États sont des démocraties multinationales dans lesquels se trouvent plusieurs nations particulières; communauté historique caractérisée par une culture propre, une conscience collective et une 1Page 17 L’avenir du fédéralismeen Belgique et au Canada 2 Notes de cours,Shirdel,identité politique 3 Page 38
  • 3. Cormier3 revendication de souveraineté politique4. Le problème multinational se démarque justement en relation avec la conception de « nation » qui a été développée et adoptée par les États centraux. Étrangement, les différentes nations internes sont en contradiction directe avec cette conception de « nation » prescrite par l’État qui s’oppose, dans plusieurs cas, avec leurs conceptions propres de ce qui est « pour eux » une nation et ce qu’elle implique5 . Ces difficultés d’alignements des conceptions diverses de « nation » se traduit au travers d’une histoire particulière et d’un parcourt historique taché d’expériences particulières au peuple québécois et au peuple wallon. a. Dynamique fédérale belge La formation de l’État fédéral belge repose principalement sur un conflit idéologique entre Flamands et Wallons. L’organisation de la Belgique, à la suite de la reconnaissance de son indépendance en 1830, est assumée majoritairement par les francophones6 . Par contre, cette prise d’initiative par les francophones qui modèlent le nouvel État indépendant à leur guise va enclencher des réactions d’opposition de la part du peuple Flamand. On peut faire allusion aux mécontentements de ce peuple à l’adoption du français comme unique langue officielle et de leur revendication d’utiliser le néerlandais au nord du pays7 . L’organisation présente de la Belgique provient notamment de la forte bipolarité entre Flamands et Wallons et qui a dû être accommodée par une double vision de la forme fédérale à adopter pour la nouvelle Belgique. Les néerlandophones voulaient adopter un pays plutôt bicommunautaire basé sur le principe linguistique bipolaire du pays, avec la région de Bruxelles à cause de son emplacement au nord de la frontière linguistique historique et faisant parti intégralement de la société flamande. Ils voulaient aussi adopter une frontière linguistique qui empêcherait la francisation du néerlandophone8 . Par contre, du côté des francophones, ont préféraient davantage une division en trois Régions dont Bruxelles serait la 4 Notes de cours 5P. 38 avenir du fédéralismeen Belgique et au canada 6P. 66 le fédéralismeen Belgique et au canada 7 P. 66 8 P. 68
  • 4. Cormier4 troisième, francophone à part entière. Ils privilégiaient et privilégies encore l’emploi de la langue sur le principe de liberté individuelle9 et donc, qu’il est libre à l’individu d’adopter la langue qui lui convient le mieux. Cette vision dualiste de la forme à adopter pour la fédération belge aboutie finalement à un compromis qui met essentiellement en place une fédération dotée d’une dualité institutionnelle. D’une part et à la demande des francophones, Bruxelles devient une région, mais faisant toutefois parti de la communauté flamande et qui y est protégée, tout comme la minorité francophone l’est au sein de la communauté belge, émanent de la volonté néerlandaise10. Les années 1960 voient apparaitre de nouveaux débats, comme il fut le cas en 1920 et en 1930, sur les questions linguistiques qui tourmentent l’ensemble du pays et plus particulièrement les Flamands et les Wallons. L’année 1960 marque la séparation de la radio et de la télévision belge. Cette scission aura des répercutions majeures sur le reste des questions linguistiques qui seront reprises en 1965 avec la scission communautaire du ministère national de l’enseignement. Ces deux divisions nationales tapissent et accentuent la division de l’opinion publique et politique au sujet du traitement des langues officielles au pays, et surtout dans les deux zones linguistiques majoritaires. Après une multitude de divisions politiques et culturelles marquantes, la Constitution belge est finalement révisée en 1970. Elle aboutira donc à une redéfinition, allant dans le même sens que la logique de deux groupes, de l’ensemble des mécanismes politiques et culturels du pays. La parité linguistique devient donc le vecteur de toutes infrastructures au pays avec un Parlement reconnaissant les deux groupes linguistiques, et d’une double majorité, au sein de chaque groupe linguistique11 . b. Dynamique fédérale canadienne Au Canada comme en Belgique, le principe de fédéralisme est étroitement lié au multiculturalisme. Par contre, l’effort pancanadien de mettre en place une fédération unie est mieux défini en théorie qu’en pratique. Il n’y a pas de consensus, encore aujourd’hui, sur les facteurs qui ont menés à 9 P. 68 10 P. 68 11 P. 67
  • 5. Cormier5 la formation du Canada et contrairement à la Belgique, le régime fédéral canadien fut l’objet d’un assemblage d’entités politiques qui préexistaient au pays comme tel12 . Les motivations qui ont poussées les anciennes colonies britanniques à s’unir relèvent essentiellement de fins économiques et militaires; la puissance américaine se trouvant tout juste au sud. La formation du Canada relèverait donc d’un esprit de compétition avec les américains du sud. La volonté britannique de se défaire de ses colonies nord- américaines poussa aussi ces dernières à considérer l’association. Mais pourquoi n’on-t-elles pas votées pour un États unitaire comme la Belgique? Cette question repose essentiellement sur deux facteurs principaux. On fait ici allusion à la grande diversité culturelle13 qui sépare le Canada en trois nations distinctes : les canadiens français, les canadiens anglais et les autochtones; la grande confrontation étant entre les canadiens français et les canadiens anglais. L’adoption du fédéralisme canadien reposait aussi sur le fort régionalisme14 qui fait surtout allusion aux Maritimes qui sont très attachées à leurs institutions économiques (la pêche) et politiques. Une peur d’absorption par l’État central était alors présente dans cette région du pays. Par contre, malgré la reconnaissance du régionalisme canadien, des tensions centrifuges et centripètes seront constamment en confrontation et définiront les relations intergouvernementales, le gouvernement fédéral qui tente de centraliser le pays, tandis que les provinces (surtout le Québec), tentent d’y résister pour ne pas être assimilés. L’expression des « deux solitudes » explique bien ces deux dynamiques en opposition puisqu’elle distingue les canadiens français majoritaires au Québec mais minoritaires dans le reste du Canada, de même que les canadiens anglais minoritaires au Québec et majoritaires dans le reste du Canada; la concentration de deux groupes linguistiques dans deux différents espaces géographiques15 . Le conflit multi-culturaliste est particulièrement observable dans les politiques linguistiques au pays. À part le Nouveau-Brunswick qui est la seule province officiellement bilingue, les autres provinces anglophones ont diversifiées leurs institutions pour aménager les francophones, tandis que le Québec tente de franciser 12P. 74 13P. 76 14P. 76 15P. 79-80
  • 6. Cormier6 son territoire16. Les conflits idéologiques surviennent violemment à partir des années 1960 lorsque les différents partis politiques sont appelés à mettre en place un véritable agenda national dans le but de mobiliser l’ensemble de la population canadienne et de favoriser la formation d’une nation unie à l’aide de la construction particulièrement canadienne17. Évidemment, le Bloc Québécois sera le seul véritable défenseur des intérêts du Québec sur la scène fédérale, justement à cause de la majorité francophone se trouvant au Québec. Sur la scène provinciale, les années 1960 voient apparaitre des partis politiques plus radicaux. En 1963, le Rassemblement pour l’indépendance nationale qui est purement nationaliste et en 1968, le Parti Québécois qui prône la souveraineté du Québec18 . Bibliographie 16 P. 81 17 P. 84 18 P. 85
  • 7. Cormier7 FOURNIER, Bernard et REUCHAMPS, MIN (dir.) (2009). « Le fédéralisme en Belgique et au Canada – Comparaison sociolopolitique », Belgique, Éditions De Boeck Université, 287 p. REUCHAMPS, Min (2011). « L’avenir du fédéralisme en Belgique et au Canada – Quand les citoyens en parlent », Bruxelles, Éditions scientifiques internationales, coll. « Diversitas », n˚13, 264 p. DUMONT, Georges-Henri (1991). « Que sais-je? La Belgique », France, PUF, 126 p. PATENAUDE, Pierre (dir.) (1991). « Québec-communauté française de Belgique : autonomie et spécificité dans le cadre d’un système fédéral », Sherbrooke, Wilson & Lafleur ltée, 231 p.