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Tour Divide 2013 - 4.417 km en autonomie - Interview FR O2 bikers
- 1. Exploit Tour Divide
4417 km en autonomie!
Parvenir à boucler les 4417 kilomètres qui conduisent de la petite ville de Banff, dans les montagnes rocheuses
canadiennes, aux plaines désertiques du Nouveau Mexique en suivant la «Great Divide Mountain Bike Route»
en autonomie complète constitue à n’en pas douter une sacrée performance. Mais quand en plus vous faites
cela en 20 jours seulement, cela relève carrément de l’exploit! C’est pourtant ce qu’ont réussi Tim et Gunther,
deux des membres du Team Ex.18:18. A leur retour au pays, nous leur avons tendu notre micro pour qu’ils nous
racontent cette aventure exceptionnelle sur le Tour Divide.
Quelle mouche vous a piqués tous les
trois (Tim, Reinhard et toi) de vous inscrire au Tour Divide?
Gunther et Tim avaient participé en 2008 au
Raid Nature au Maroc. Il s’agit d’une épreuve
de 700km en autonomie totale dans le massif
de l’Atlas avec un road-book qui devait être
réalisé en l’espace de 80 heures. C’était
notre première expérience en autonomie
totale. Depuis, nous en avons accompli
d’autres en Italie, en Sardaigne, en Grèce…
et depuis 3 ans nous avons notre propre
projet au Maroc. On a cherché à faire de plus
en plus loin et de plus en plus long, et nous
avons jeté notre dévolu sur le Tour Divide.
Avez-vous suivi une préparation spécifique?
Nous avons surtout abattu beaucoup de kilomètres en commençant par une randonnée
d’entraînement de 1200km en 4 jours, aller
et retour, au Mont-Saint-Michel. Nous étions
dans les conditions quasi réelles du Tour
Divide: le vélo, les vêtements, l’approche
logistique (dormir, manger, passer la nuit).
Ces dernières années nous avons ainsi
acquis de l’expérience et nous l’avons mise
à profit au cours des mois écoulés. Depuis
l’hiver nous roulons aussi en nocturne pour
pouvoir tester notre matériel et perfectionner
notre équipement si nécessaire.
Comment fait-on pour transporter
toutes ses affaires avec soi sur son vélo
pendant plus de 4000km? Peux-tu nous
expliquer comment vous avez équipé
vos vélos?
Emporter le moins possible mais ne manquer
de rien, c’est le principe de base. Grâce
à notre expérience accumulée au fil des
années, nous savons ce qu’il convient de
faire et ce qu’il faut éviter: 2 cuissards, 2 jambières, 2 paires de chaussettes, 1 pantalon
contre la pluie, 1 maillot à manches longues,
1 maillot à manches courtes, 1 chemisette
thermique, 1 coupe-vent imperméable…
L’hygiène est importante, mais il faut aussi
apprendre à enfiler la même tenue plusieurs
jours de suite. Moi, je n’ai jamais lavé mes
maillots et mes cuissards, lorsqu’ils sont
sales, je me contente de les rincer quelques
fois.
On évite d’installer trop de porte-bagages
sur le vélo. Sur le cadre on place une
sacoche fabriquée sur mesure, sous la selle,
un autre sac et le cintre, lui, reçoit un sac
imperméable. On les remplit de manière
systématique. Tout ce qu’il faut pour dormir,
la mini-tente, le sac de couchage et le tapis
de sol dans le sac de cintre et le reste dans
le sac de selle. Nous rangeons encore des
objets dans de petites poches fixées au
cintre qui reçoivent des bidons et sur la
fourche aussi on place des fixations pour
bidons. Pour le reste nous tentons de rouler
le moins possible avec un sac à dos, car cela
© Ex.18:18
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- 2. représente trop de poids. Nous n’utilisons un
sac à dos que le soir quand nous achetons
à manger.
Malgré tout, je suppose qu’on ne peut
pas éviter certaines galères... Qu’est-ce
qui a été le plus difficile à gérer durant
ce périple?
Nous n’avons pas eu de problèmes techniques, à part quelques crevaisons et une
rupture de câble de frein. Le plus difficile,
c’est d’estimer le temps de parcours en distance et en dénivelés jusqu’au point suivant
où l’on pourra s’acheter à boire et à manger;
la distance entre les villages peut atteindre
200 km. Nous avons eu deux détournements
à cause de feux de forêts. Le deuxième fut le
plus difficile à gérer parce qu’on ignorait tout
de la nature du parcours, on ne connaissait
que le numéro de la route… On ne savait rien
sur la longueur du trajet, ni sur le dénivelé, ni
le nombre de cols à franchir, ni même l’exis-
tence d’un ou plusieurs villages…
Le Great Basin dans l’état du Wyoming
est un site dont je me souviens bien. C’est
une sorte de cuve d’un diamètre de 200km
qu’il faut traverser. Il n’y a aucun village à la
ronde. On démarre donc à Atlantic City, un
village de 50 habitants, et on refait surface
à Rawlins, une ville plutôt bien équipée.
Dans l’intervalle vous avez croisé 200km de
surfaces arides sans la moindre végétation,
que du sable, des pierres, des ‘corrugations’, qui sont des sortes d’ondulations
de terrain. Il y fait très chaud, on se croirait
dans un four et le vent souffle très fort. C’est
là que mon mental a franchement souffert,
je me demandais ‘mais qu’est-ce que je
suis venu faire ici’? Il est inutile de songer
à abandonner, on ne peut appeler personne, on est juste tout seul. Au bout de 10
minutes, après avoir mangé et bu un peu, on
se rend compte que cela ne sert à rien de
rester assis et donc on continue. Dès qu’on
© Ex.18:18
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quitte le Basin, il faut encore rouler 25 miles
jusqu’à Rawlins, 25 miles sur l’asphalte en
pente ascendante sur une route bardée de
panneaux publicitaires pour des hôtels, de
la bouffe, des restaurants, des chaînes de
fast food… 25 miles, cela peut être vraiment
très long.
Vous êtes partis à 3 mais seulement 2
sont arrivés à la frontière mexicaine,
que s’est-il passé pour le 3ème d’entre
vous?
Environ trois semaines avant le départ, une
vieille blessure au genou de Reinhard s’est
réveillée. Des injections de silicone et de cortisone n’ont pas pu le soulager. Il est impossible de rouler avec une douleur constante,
certainement pas plus de 15 heures par jour.
Aussi, au bout de quatre jours notre ami a
décidé d’arrêter et de rentrer chez lui. C’était
un coup dur, vu tout l’entraînement et les
sacrifices dans la préparation.
- 3. Exploit Tour Divide
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Avez-vous pu respecter le plan et
l’horaire que vous vous étiez fixés?
Nous n’avions pas de plan précis. Nous
espérions réaliser l’épreuve en 22 jours. Il ne
nous en a finalement fallu que 20 et nous en
sommes assez satisfaits. Atteindre la ligne
d’arrivée en moins de temps encore, c’est
certainement possible, nous ne devrions
pas rouler plus vite pour cela, mais plus
longtemps. Quand on traverse vers 18 ou 19
heures un village, il est très tentant de prendre
une chambre de motel bon marché pour s’y
rafraîchir. Il ne faut alors pas dormir dans son
sac de couchage dans le froid de la nuit…
Le dernier jour nous avons encore roulé 400
km en 25 heures car nous voulions atteindre
l’arrivée dans la matinée avant les grosses
chaleurs de la journée. A 7 heures 45 nous
étions enfin arrivés au poste d’Antelope Wells
à la frontière du Mexique. C’est alors qu’on
réalise soudain qu’on ne peut pas aller plus
loin, que le voyage se termine… c’est une
drôle de sensation.
Vous avez dû traverser des paysages
fabuleux, lequel t’a le plus marqué?
La diversité, tant dans les beaux massifs
montagneux que dans les plaines arides,
l’immensité majestueuse. Quand on roule en
Europe, on peut souvent se retrouver tout
seul, mais au bout d’une heure, on est dans
un village. Là-bas, on peut pédaler pendant
200km et plus avant d’atteindre le village
ou la ville suivante et dans l’intervalle on ne
rencontre que la nature et les bois…
C’est Teton National Park qui m’a le mieux
plu avec ses sommets enneigés au loin, ses
lacs scintillants, 100 km sans rencontrer âme
qui vive, d’immenses plaines entrecoupées
de forêts. Un vrai dépaysement.
Y-a-t-il un règlement du Tour Divide? Si
oui, quels en sont les grands points?
Le Tour Divide n’est pas une organisation et il
n’y a donc pas de droit d’inscription. Il existe
un ‘accord international’ qui veut que le départ se donne à Banff, le deuxième vendredi
de juillet à 8 heures. Mais il existe quelques
règles. La première, véritable base de tout,
est qu’on se débrouille entièrement seul.
On ne peut pas recevoir d’aide extérieure,
pas de voiture suiveuse… il faut tout prévoir
soi-même. Quand on a un problème sérieux,
mécanique ou physique, on se débrouille.
Etant donné qu’il n’y a pas d’organisation,
cela signifie que l’on s’organise aussi pour
se ravitailler et pour dormir. Il faut bien lire
les cartes et calculer les kilomètres et les
dénivelés jusqu’à la localité suivante où
l’on peut effectuer des achats dans une
station-service. Finalement on survit et on
s’alimente suivant ce qu’on trouve dans les
stations-service. Viennoiseries, friandises,
café, boissons énergétiques, biscuits, barres
énergétiques,… et en complément parfois
un repas chaud, enfin, disons plutôt un
hamburger.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un
qui voudrait tenter l’aventure sur le Tour
Divide l’an prochain?
Faire en sorte que vos fesses puissent
supporter le nombre de kilomètres! Disposer
d’une excellente endurance, pas explosive
mais plutôt sur la durée, la très longue durée,
et d’un pouvoir de récupération rapide.
Les petites épreuves en autonomie en
Europe sont excellentes pour acquérir de
l’expérience.D’un point de vue mental il faut
pouvoir rouler seul et se débrouiller en cas
de panne. Pour la technique il s’agit de composer son vélo, savoir ce qu’on emporte et
surtout ce qu’on n’emporte pas. Enfin, il faut
organiser sa nourriture judicieusement aussi.
Un prochain défi déjà en tête?
Nous avons plein d’idées pour d’autres défis.
Cela va de la participation à des organisations existantes à l’exploration d’itinéraires
connus, de l’organisation que nous ferions
nous-mêmes à la conception d’un tracé. Il
y aurait toutefois une trame commune: un
raid de plusieurs jours et de préférence en
‘bikepacking’, donc en toute autonomie. Rien
n’est encore fixé mais dès l’automne nous
commençons à trier. Une nouvelle aventure
en bikepacking au Maroc nous attire mais
un raid similaire dans le massif du Hajar au
Sultanat d’Oman occupe aussi une belle
place sur notre liste de souhaits. Et nous
recommencerons certainement le Tour
Divide, mais peut-être pas en 2014.
Christophe Meurice & Gunther Desmedt