La régulation des réseaux fermés de distribution d'électricité à travers l'Ordonnance 2016-1725 du 15 décembre 2016
date de publication15 sept. 2017 description de la publicationMémoire de recherche appliquée - Master 2 - 291 - Droit et régulation des marchés - Université Paris-Dauphine (16/20)
description de la publicationL'ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution transpose en droit national la Directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE. Elle est en application de l'habilitation législative donnée par l'article 167 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Elle fixe les conditions dans lesquels les réseaux fermés de distribution d'électricité (parfois également appelés « réseaux privés ») peuvent être exploités, par différence avec l'exploitation des réseaux publics de distribution, et précise ainsi les règles d'exploitation des réseaux fermés qui n'étaient jusqu'à alors pas appréhendés par le code de l'Energie.
La régulation des réseaux fermés de distribution d'électricité à travers l'Ordonnance 2016-1725 du 15 décembre 2016
1. UNIVERSITÉ PARIS-DAUPHINE
Mémoire de recherche appliquée
Présenté pour le Master 2 Droit et régulation des
marchés – 291
Par Jérémy Fass
Sous la direction de Monsieur le Professeur Thomas Pez
La régulation des réseaux fermés de
distribution d’électricité à travers
l’Ordonnance n° 2016-1725 du 15
décembre 2016 relative aux réseaux
fermés de distribution
Année universitaire 2016-2017
3. 3
AVERTISSEMENT
La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les
mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
5. 5
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Partie 1: La structuration des réseaux fermés de
distribution
Chapitre 1 : La reconnaissance légale de l’existence des réseaux fermés de
distribution, au service d’une meilleure maîtrise de leur développement
Chapitre 2 : La garantie d’un accès libre et équitable aux réseaux fermés de
distribution
Partie 2 : L’encadrement de l’acheminement
d’électricité par les réseaux fermés
Chapitre 1 : L'encadrement du développement et de l'exploitation des réseaux
fermés par son gestionnaire
Chapitre 2 : L’autoconsommation favorisée par l’atomisation du service public
de distribution
CONCLUSION
TABLES DES MATIÈRES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
7. 7
INTRODUCTION
« La décentralisation est la clé pour révolutionner le système énergétique français. »
Julien Tchernia, président du fournisseur collaboratif d’électricité ekWateur
Le Monde, 19 mai 2017
Présentation du secteur de l’électricité. L’expression « marché de l'électricité » désigne le
lieu abstrait où les producteurs d’électricité, au sens large, se rassemblent pour proposer
directement leurs produits aux consommateurs de cette énergie. Sur ce marché interviennent
d’abord des producteurs d’électricité chargés de produire l’énergie. Puis ce sont les
fournisseurs qui sont quant à eux chargés de vendre ladite production à des clients. Ensuite,
pour que ces deux activités puissent s’exercer en la matière, il est nécessaire d’acheminer
l’électricité. Cet acheminement depuis les installations de production, jusqu’aux
consommateurs, se fait par l’intermédiaire des réseaux publics, d’une part de transport,
d’autre part, de distribution. Le premier s’emploi à transporter des quantités importantes
d'énergie sur de longues distances, alors que le second a pour but d’acheminer des quantités
limitées sur de courtes distances. La tension sur le réseau public de transport est égale ou
supérieure à 50 kV (on parle de « haute tension »), la tension du réseau public de distribution
étant inférieure à cette valeur (on parle de « moyenne tension » pour les tensions supérieures
à 1 kV, et de « basse tension » pour les tensions inférieures ou égales à 1 kV).
La distribution est un service public local, contrairement à la production ou à la fourniture.
Cette mission est gérée par ENEDIS, ex-ERDF, filiale d’EDF, qui gère désormais un millier
de concessions locales de service public, soit 95 % des réseaux de distribution du territoire
métropolitain. Pour le reste, ce sont des Entreprises locales de distribution (ELD) qui en sont
chargées.
Cette activité apparaît comme celle s’exerçant au plus prêt du consommateur et qui se doit
donc de prendre en compte les spécificités locales de production ou de consommation pour
8. 8
acheminer au mieux l’énergie électrique.
La nationalisation puis la libéralisation du marché de l’électricité. Au lendemain de la
seconde guerre mondiale, les quelques entreprises privées qui disposaient de l’essentiel des
moyens de production ainsi que les compétences techniques nécessaire dans ce domaine,
furent nationalisées. La loi n° 46-628 du 8 avril 1946 dite « loi de nationalisation de
l'électricité et du gaz » considéra alors que la production, le transport, la distribution,
l'importation et l'exportation d'électricité étaient désormais nationalisés. La gestion de ces
entreprises allait être confiée à un établissement public national à caractère industriel et
commercial : Électricité de France (EDF).
Avec ensuite la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 relative aux règles communes pour
le marché intérieur de l'électricité, le marché de l’électricité commença à être libéralisé, sous
l’impulsion non pas d’une politique sectorielle, mais des traités communautaires d’orientation
libérale. Cette directive vient en effet poser un cadre destiné à permettre l’ouverture de
certains segments de ce marché à la concurrence, en ce qui concerne seulement les activités
de production, d'exportation et d'importation d'électricité. Les règles posées par cette
directive n’étant pas assez contraignantes et afin de préciser les règles de cette première
directive, les directives 2003/54/CE du 23 juin 2003 et 2009/72/CE du 13 juillet 2009
complétèrent la libéralisation de ce secteur, afin de permettre aux consommateurs d’obtenir
un service de meilleure qualité, ainsi qu’une baisse des prix.
La spécificité des activités de distribution. La nationalisation de ce secteur ne fut pas totale.
En effet, plutôt que de revenir à EDF, l’activité de distribution demeurait à l’apanage des
régies de distribution et des entreprises ou services assimilés existants. De même, une
initiative privée demeurait en matière de production en ce qui concerne les installations de
faible importance.
Paradoxalement, lors de cette libéralisation, dans le but de permettre à ce marché de s’ouvrir
à la concurrence, il fallut notamment, cette fois-ci, accepter que des activités permettant
d’importantes économies d’échelle, puissent être confiées à un seul et même opérateur. En
effet, ces réseaux d’acheminement ne sont pas duplicables et leur exploitation requiert à la
fois une grande technicité et une importante capacité financière, aussi leur gestion nécessite
9. 9
d’accorder des droits exclusifs à un seul et même gestionnaire1
. Il s’agit de monopoles
naturels. Ainsi l’ouverture à la concurrence de ce marché n’allait concerner que certaines
activités, à l'exclusion des activités de réseaux, qui allaient quant à elles rester gérées sous
monopole. Il reste que ces réseaux constituent des facilités essentielles, ce qui implique pour
les pouvoirs publics d’organiser un accès non discriminatoire à ces réseaux, au bénéfice de
tiers « qualifiés », à certaines conditions et moyennant le paiement d'un tarif2
.
La réaction face aux spécificités de l’activité de distribution d’électricité ne fut donc pas
identique lors de la nationalisation et lors de la libéralisation du secteur. Tantôt
l’acheminement impliquait une atomisation, tantôt une concentration. Aussi était-on en droit
de penser que le modèle concurrentiel auquel allait devoir se conformer cette activité, serait
d’une part spécifique, et d’autre part traduirait un compromis entre l’atomisation et la
concentration de cette activité. Ces réflexions se concrétisèrent au moment de choisir le
modèle de régulation souhaité pour cette activité de distribution.
La régulation des activités de distribution d’électricité. L'ouverture à la concurrence
suppose de mettre en place des « règles particulières de concurrence et une surveillance
particulière dans l'application et le développement de ces règles par une autorité de
marché » 3
. Il n'y a donc pas de déréglementation, mais l’adoption d'une nouvelle
réglementation et, surtout, d'une « régulation », soit « la mise en place d'institutions et de
règles destinées à assurer l'équilibre d'un système instable, d'un secteur, d'un ensemble
économique complexe en tentant d'intégrer la durée, l'effet d'apprentissage et un certain
jeu »4
.
Plus largement, la régulation correspond à l’exercice de prérogatives de puissance publique,
par des autorités de régulation indépendantes ayant pour objet d’organiser et de faire
fonctionner le marché, avec pour but la recherche d’un compromis entre l’objectif
concurrentiel et d’autres objectifs d’intérêt général, composant ensemble l’ordre public
économique, au moyen de réglementations et de règlement du contentieux.
Or cette fonction régulatrice assumée ici par la Commission de Régulation de l’Energie
1
V. en ce sens : Y. SIMONNET, électricité, Fasc. 154, LexisNexis, Jurisclasseur Administratif, 20 juill. 2012 &
J.-S. BODA, Concessions de distribution publique d'électricité, Fasc. 710, LexisNexis, Jurisclasseur
Administratif, 10 Fév. 2017.
2
J.-M. CHEVALIER, Les 100 mots de l'énergie, PUF, 2008, p. 80-81.
3
J.-Y. CHEROT, Droit public économique : Économica, 2e éd., 2007, p. 786.
4
Idem.
10. 10
(CRE), va donc devoir, lors de sa mise en œuvre, prendre également en compte les
spécificités des réseaux de distribution et l’Union européenne va dans certains cas pouvoir
guider ces considérations particulières, comme ce fut le cas des réseaux fermés de
distribution.
La prise en compte des réseaux fermés de distribution (RFD) par la directive
2009/72/CE du 13 juillet 2009. D’après l’article 28 de cette directive, il est possible pour les
Etats membres de prévoir que l’autorité compétente qualifie de réseau fermé de distribution,
un réseau qui distribue de l'électricité à l'intérieur d'un site industriel, commercial ou de
partage de services, géographiquement limité sans approvisionner de clients résidentiels.
Cette disposition trouve son origine d’une jurisprudence de la Cour de justice5
, qui avait jugé
en 2008, qu’il n’était pas envisageable pour le législateur allemand de prévoir une restriction
du droit d’accès des tiers à un réseau en le justifiant par le fait que ledit réseau de distribution
était géré par une société, qui distribuait de l’électricité pour ses besoins propres ainsi que
ceux de 93 autres entreprises établies sur un même site. En effet, un marché entièrement
ouvert devait garantir la liberté de choix de son fournisseur pour les consommateurs, ainsi
que la liberté de délivrer librement ses produits à ses clients aux fournisseurs pour les
producteurs. Aucune des exceptions au principe de libre accès des tiers au réseau prévues par
la directive, et devant s’interpréter strictement, ne permettait en outre de justifier d’une telle
restriction.
Cette décision de justice a ainsi permis de mettre en avant et de consacrer, d’une part,
l’existence de tels réseaux et les risques de dérives inhérents à leur gestion par d’autres
personnes que les gestionnaires des réseaux publics de distribution. D’autre part, en
contrepartie, il fallait également prévoir certaines atténuations au régime applicable aux
gestionnaires des réseaux publics de distribution, en prévoyant d’exempter le gestionnaire du
réseau fermé de certaines obligations dans des cas très spécifiques. Ainsi cet article contribue
à améliorer la fonction régulatrice, lorsqu’elle vise les réseaux de distribution.
La transposition française. Si certains pays de l’Union Européenne, comme la Belgique ont
rapidement tiré profit de cet article 286
, la France a mis un peu moins de huit années pour
5
CJUE, 22 mai 2008, Citiworks AG, C-439/06.
6
Cf. rapports annuels de la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz de Belgique et rapport national
2016 de la Belgique à la Commission européenne – juillet 2016 : la Belgique distingue deux notions : les
réseaux fermés “industriels“ et les réseaux fermés « professionnels ».
11. 11
transposer cette disposition. Le choix de transposer ou non cette disposition était en effet
laissé à la discrétion des Etats membres.
De prime abord, une loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte7
a prévu
d’adopter plusieurs ordonnances, et notamment « une ordonnance afin « d'ajouter au titre IV
du livre III du Code de l'énergie, un chapitre IV consacré aux réseaux fermés de distribution
afin d'encadrer une pratique rendue possible par l'article 28 de la directive 2009/72/CE du
Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le
marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE ». L’insertion de cet
article fut proposée à travers un amendement, par deux sénateurs écologistes Messieurs
Ronan Dantec et Joël Labbé, ainsi que les autres membres de leur groupe au Sénat. Dès lors,
l’ordonnance 2016-1725 relative aux réseaux fermés pu paraître le 15 décembre 2016, fixant
ainsi les conditions d'exploitation des réseaux fermés de distribution d'électricité, qualifiés de
la sorte par opposition à l'exploitation des réseaux publics de distribution (ENEDIS, ex-
ERDF), et précisant les règles d'exploitation qui n'étaient jusqu'alors pas appréhendées par le
Code de l'énergie.
Le décret à venir. L’Ordonnance du 15 décembre 2016 donne certes une direction et tire à
grands traits le régime auquel seront bientôt soumis les réseaux fermés de distribution, mais
de nombreuses précisions doivent encore être données, afin de sécuriser les projets de
réseaux fermés en cours. Il est donc prévu qu’un décret en Conseil d’Etat soit pris afin de
définir les « modalités d’application » de cette ordonnance. La plupart des observateurs
avertis estiment que ce décret devrait être volumineux dans le but d’affiner chaque aspect,
sans pour autant entrer en contradiction avec les éléments déjà définis. Aussi le décret doit
notamment préciser les conditions auxquelles un réseau fermé aura le droit de distribuer, à
titre accessoire, de l’électricité chez des clients résidentiels. De même le décret doit préciser
les informations que le gestionnaire doit fournir aux utilisateurs de son réseau, afin d’en
optimiser l’accès. Enfin, comme on a pu déjà le voir, et bien que cela ne soit pas certain, le
décret apportera des précisions sur le contenu du critère « des capacités financières », duquel
dépend l’octroi de l’autorisation et donc l’existence du réseau fermé.
La nécessité d’un régime juridique propre aux réseaux fermés. Concomitamment à
l’adoption de la loi annonçant l’ordonnance prochaine, le Comité de règlement des différends
7
Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique.
12. 12
et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), avait rendue
le 6 mai 2015, une décision qui avait considéré qu’« il n’existe aucun obstacle juridique au
raccordement indirect d’une installation de consommation au réseau public de distribution ».
Ainsi le CoRDiS qui confirmait ainsi sa ligne jurisprudentielle, était en pleine adéquation
aussi bien avec la jurisprudence européenne, qu’avec les dispositions encore non transposées
de la directive consacrant l’existence de tels réseaux. Les réseaux privés de distribution sans
être soumis à un régime légal bien identifié, peuvent exister et donc par extension être
raccordés au réseau public de distribution.
Il reste que la Cour d’appel de Paris le 17 janvier 2017, soit quelques jours après la
promulgation de l’ordonnance a annulé cette décision, au motif qu’en application du droit en
vigueur à la date à laquelle la décision litigieuse fut prise, seules les entreprises énumérées
par la loi avaient la possibilité de gérer un réseau de distribution d’électricité. En effet, le
raccordement demandé en l’espèce par une société de construction à ERDF pour un ensemble
immobilier disposant de panneaux photovoltaïques producteurs d’électricité, revenait selon
elle à confier à une personne non légalement autorisée, la gestion d’un réseau de distribution
d’électricité, portant ainsi atteinte au monopole légal du gestionnaire du réseau public de
distribution. Pour autant, la Cour laisse entendre très explicitement qu’il en aurait été
autrement dans le cas où l’ordonnance aurait été en vigueur au moment des faits.
Au regard de cette décision et compte tenu des 600 réseaux fermés dénombrés par ENEDIS8
,
il semblait absolument nécessaire pour rendre une telle décision, plaçant dès lors
potentiellement l’ensemble de ces réseaux dans l’illégalité, d’avoir prévu un régime alternatif
venant consacrer leur existence légale et leur régulation, au moins pour une partie d’entre
eux.
L’enjeu des réseaux fermés. Si l’ordonnance 2016-1725 n’avait pas été prise, l’ensemble de
ces réseaux allaient devoir être repris par ENEDIS, au nom de son monopole. Or outre le
caractère impossible d’une telle entreprise, cela priverait le système électrique français d’une
gestion optimale de ces réseaux. Donc derrière ce régime issu de l’ordonnance du 15
décembre 2016, c’est véritablement l’efficacité énergétique qui est en jeu et avec elle la
réussite de la transition énergétique. Il faut en effet mettre au point une régulation adaptée à
ce type de réseau, afin d’aboutir à leur bon fonctionnement. Or cette recherche du « bon
fonctionnement » revient, comme on l’a vu plus haut, à veiller sur la préservation de l’ordre
8
V. la fiche d’impact accompagnant l’ordonnance, NOR : DEVR1615864R, 3 nov. 2016.
13. 13
public économique, qui est aussi bien lié à la défense d'une concurrence suffisante sur le
marché, qu’à d’autres impératifs d’intérêt général9
.
A l’image de cet ordre public économique qui constitue « l’objet même de la régulation
économique »10
, la régulation applicable aux réseaux fermés semble au regard de la récente
ordonnance disposer également de deux pans.
D’une part la structure du réseau. Définir l’objet d’une régulation c’est déjà le réguler. Le
premier temps de la régulation des réseaux fermés consiste à pouvoir l’identifier, en fixer les
limites et, dès lors qu’il s’agit d’un réseau, organiser son accès et sa connexion avec les
autres réseaux.
D’autre part, il est ensuite nécessaire, une fois l’objet bien identifié, d’encadrer le
fonctionnement du réseau. Or le réseau de distribution a pour fonction d’acheminer
l’électricité, matérialisant ainsi le lien entre les utilisateurs dudit réseau. Dès lors, cette
régulation devra dans un deuxième temps veiller au bon acheminement de l’électricité sur ces
réseaux. Cette électricité devrait d’ailleurs à ce propos, pouvoir être issue de producteurs
directement raccordés à ce dernier. Le développement de l’autoconsommation est
effectivement très directement lié à la maîtrise du développement des réseaux fermés. Pour
autant ce recours aux ressources techniques et énergétiques du privé, ne doit pas faire perdre
de vue au législateur, l’aspect éminemment « public » de ce service.
Problématique. Il apparaît donc que l’ordonnance 2016-1725 a pour objet de réguler des
réseaux fermés, un peu à la manière d’une semi-libéralisation de la fonction de distribution.
Dès lors il semble utile de questionner cette nouvelle régulation afin de savoir si celle-ci
participe effectivement, au sein du marché de l’électricité, à la préservation de l’ordre public
économique.
Plan. Dans un premier temps, un réseau peut se définir comme un ensemble de pôles reliés
entre eux par des liens, afin d’échanger des informations, de partager des ressources ou de
transporter de l'énergie. Afin de préserver le bon ordre des activités économiques s’exerçant
sur ce réseau, il apparaît donc nécessaire d’organiser de façon cohérente le lien entre les
acteurs d’un tel système. Aussi l’ordonnance 2016-1725, afin de permettre une préservation
de l’ordre public économique, définit la structure des réseaux fermés de distribution et
9
V. en ce sens : T. PEZ - Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 49, octobre 2015, p. 44 à 57.
10
Idem.
14. 14
participe ainsi à leur régulation (Partie 1).
Dans un second temps, l’ensemble des procédés et des pratiques organisées sur ces réseaux
fermés, qui constituent l’ossature de ces systèmes électriques de distribution privés, sont
destinés à assurer une fonction. Or cette fonction correspond à l’acheminement sur ces
réseaux de l’énergie électrique, entre les différents utilisateurs de ce dernier. C’est donc
ensuite cette activité qu’il convient de réguler pour l’ordonnance (Partie 2).
15. 15
Partie 1: La structuration des réseaux fermés de
distribution
Plan. Lorsque le législateur décide d’organiser le fonctionnement de plusieurs réseaux
fermés de distribution, il doit s’employer à construire un tout cohérent et adapté. Or pour ce
faire il est nécessaire d’en passer par leur structuration. Quels sont les éléments constitutifs de
tels réseaux, que l’ordonnance du 15 décembre 2016 doit donc structurer ? Certes, il y a le
gestionnaire du réseau fermé et le consommateur, mais il faut également que les gestionnaires
des réseaux publics de distribution, ainsi que les fournisseurs y trouvent leurs places. En
somme, il faut conférer une existence à ce type de réseau de distribution.
Ensuite lorsqu’un réseau est destiné à transporter de l’énergie électrique, il est absolument
nécessaire pour la cohérence de ce système électrique que les différents accès à celui-ci soit
également organisé. La structure du réseau en dépend. En effet, l’existence d’un réseau
électrique suppose qu’il existe un point ou un ensemble de points sur ledit réseau, au moyen
desquels il est possible de fournir ou prélever de l’énergie. La pénétration avec une facilité
plus ou moins grande de ce réseau a donc été la problématique à laquelle se sont confronté les
rédacteurs de l’ordonnance.
Ainsi, à l’heure où conférer une existence juridique aux réseaux fermés devenait impératif, il
revenait aux rédacteurs de l’ordonnance, de veiller à la maîtrise du développement de ce
nouveau réseau, aux côtés du réseau monopoleur de distribution (Chapitre 1). Ensuite il fallu
également garantir un accès libre et équitable aux différents utilisateurs de ce type réseau
(Chapitre 2).
Chapitre 1. La reconnaissance légale de l’existence des réseaux
fermés de distribution, au service d’une meilleure maîtrise de leur
développement
Plan. Avant l’ordonnance du 15 décembre 2016, il existait des « réseaux privés de
distribution d’électricité », mais ceux-ci constituaient à l’époque une violation des
monopoles légaux détenus par le gestionnaire du réseau public de distribution (I). Dès lors, il
devenait urgent de donner à ces réseaux une définition légale, afin qu’il puisse être raccordés
16. 16
aux réseaux publics de distribution ou de transport. Ce fut chose faite grâce à l’ordonnance
du 15 décembre 2016 (II)
I. Le monopole du réseau public de distribution d’électricité et son
difficile raccordement aux réseaux privés de distribution avant l’ordonnance
du 15 décembre 2016
Plan. L’existence sous monopole des réseaux publics de distribution se justifie toujours
aujourd’hui et fonde une interdiction à toute rétrocession d’énergie (A). Il reste qu’avant
l’avènement des réseaux fermés, préexistait des réseaux privés, impliquant le raccordement
indirect des consommateurs aux réseaux publics. Or ce raccordement était alors loin d’être
évident (B).
A. Le nécessaire monopole d’ENEDIS
Le monopole de la distribution d'énergie électrique. Comme en dispose l'article 24 de la
directive 2009/72/CE : « Les États membres désignent, ou demandent aux entreprises
propriétaires ou responsables de réseaux de distribution de désigner, pour une durée à
déterminer par les États membres en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre
économique, un ou plusieurs gestionnaires de réseau de distribution »11
. Cette disposition,
entrée en vigueur le 3 mars 2011, fut transposée par l’ordonnance n°2011-504 du 9 mai 2011,
portant codification de la partie législative du code de l’énergie. Il en découla une gestion
monopolistique des réseaux de distribution d’électricité par la société ENEDIS, aux côtés des
Entreprises locales de distribution12
. Elles sont donc, ensemble, chargées de cette gestion à
titre exclusif.
La justification et la légalité du monopole. Cette restriction de concurrence sur le marché
de la distribution de l’électricité sert un objectif politique. Il est nécessaire de permettre un
aménagement cohérent du territoire et de contrôler le développement de cette activité
stratégique. De plus, il s’agit d’une activité avec un fort potentiel d’économie d’échelle.
Enfin il est plus efficace et rentable de confier la gestion de ces réseaux à la même entreprise,
11
Dir. 2009/72/CE, 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et
abrogeant la directive 2003/54/CE.
12
Art. L. 111-52, C. de l’énergie.
17. 17
puisqu’il s’agit de réseaux qui ne sont pas duplicables13
. Aussi maintenir l’exploitation des
réseaux de distribution sous la houlette d’une entreprise publique détenue par EDF, elle
même détenue à 83% par l’Etat français, apparaît comme la solution la plus pragmatique.
Cette législation française instituant des droits exclusifs est-elle pour autant compatible avec
le droit de l’Union Européenne, qui en vertu de la liberté d’établissement et de prestation de
service 14
, impose des règles d’égalité de traitement et de non-discrimination 15
?
Conformément à l’article 106 TFUE, il est possible d’être dispensé de l’application des règles
du traité, lorsqu’une entreprise est chargée de la gestion d’un service d’intérêt général,
seulement dans l’hypothèse où l’application de ces règles rendrait impossible
l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui lui est impartie.
La prohibition de la rétrocession d’énergie16
. La rétrocession d’électricité désigne le fait
pour un client final17
de revendre de l’électricité qu’il a obtenue auprès d’un fournisseur
public, sans comptage et à son prix. Or il suit des droits exclusifs octroyés aux gestionnaires
de réseaux publics de distribution, une interdiction pour toute autre personne de rétrocéder de
l’énergie électrique. Autrement dit, dans la zone de desserte de ces réseaux, la distribution
privée est illicite, car ce processus défavorise tant le client final, que le gestionnaire de
réseau. Le premier se verra soumis au tarif fixé par un autre client final, tandis que le second
verra son monopole atteint.
Cette interdiction n’est pas explicitement prévue par la loi. Pour autant les cahiers des
charges de concessions y font allusion, tout en permettant d’autoriser une telle rétrocession
avec l’accord du concessionnaire18
. Aussi dans l’hypothèse où cette interdiction ne serait pas
respectée, le juge civil serait fondé à sanctionner un tel agissement, bien que cela reste assez
rare19
.
13
Y. SIMONNET, Fasc. 154 : ÉLECTRICITÉ, juriss., LexisNexis, 2012.
14
Arts. 49 et 56 TFUE.
15
V. CJCE, 7 déc. 2000, aff. C-324/98, Telaustria et Telefonadress.
16
V. P. SABLIÈRE, Rétrocession d'électricité, alimentation en décompte et réseaux fermés de distribution.
Énergie - Environnement - Infrastructures n° 12, Décembre 2015, étude 20. LexisNexis.
17
Art. 2, Dir. 2009/72/CE : un client achetant de l’électricité pour sa consommation propre.
18
V. Art. 24, Modèle Cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie
électrique.
19
Par exs. : T. civ. Saint-Girons, 25 juin 1952, Sté française des mines de Seintein c/ EDF ; CA Aix-en-
Provence, 15 janv. 1970, EDF c/ Lombard ; Trib. com. Bordeaux, 12 juill. 1985, SARL Mobi Stock et Lalanne
c/ EDF ; TGI Ajaccio, 5 août 1997, EDF c/ Codil CA Pau, 12 nov. 2001, C. c/ EDF.
18. 18
Une interdiction pas toujours justifiée ? Si il s’agit le plus souvent d’un propriétaire qui
impose une telle rétrocession à son locataire, cela peut être également le cas d’une entreprise.
La Cour d’appel de Versailles avait eu l’occasion de rappeler cette interdiction de
rétrocession20
. En l’espèce, le propriétaire d'un site industriel avait effectivement conclu un
bail prévoyant que le preneur s'acquitterait de ses consommations d'électricité directement
auprès de son bailleur, jusqu'à ce qu’un compteur individuel soit mis en place. Lorsque ce
dernier fut finalement installé, il est apparu que les consommations réelles d'électricité étaient
beaucoup plus importantes que celles prévues par le forfait contractuel. Le preneur a donc
refusé de s'en acquitter, et la Cour d'Appel a donc frappé de nullité les clauses du contrat qui
organisaient une rétrocession d’électricité, portant atteinte à la loi qui met en place le
monopole de distribution d’électricité.
Cette décision n’a pas satisfait tout le monde. Elle a en effet ceci de particulier, qu’elle
tranche un litige apparu entre deux professionnels sur un site industriel. D’aucuns ont ainsi pu
avancer, que dans une telle situation, la règle prohibant la rétrocession d’énergie électrique ne
protège plus le monopole de la distribution. En effet, ce raccordement indirect, sur une plate-
forme industrielle, ne pouvait se faire à l’insu du distributeur public et ce dernier s’en rendant
compte aurait alors pu, si cela avait été dans son intérêt, exiger un raccordement avec le
preneur, en tant que nouveau consommateur de son réseau. Lorsqu’un nouveau
consommateur prend place dans les locaux appartenant à un autre consommateur sur un
réseau public de distribution, l’hypothèse la plus probable est que le bailleur décide de ne pas
réduire sa consommation au profit d’un tiers, et dès lors la puissance, comme la
consommation d’électricité augmentent. Or ceci ne peut pas échapper au gestionnaire du
réseau public de distribution. C’est ainsi que, comme le rappel les avocats Sophie Vilain et
Christophe Barthélémy, « de telles situations (perdurent) depuis des décennies, au vu et au
su du gestionnaire public du réseau de distribution »21
.
Ce type de montage peut être très avantageux car il permet d’éviter la prise en charge des
frais de raccordement, par le nouvel arrivant sur la plate-forme. L’avantage commercial pour
le distributeur public, comme pour le « distributeur privé », est alors évident. L’interdiction
de rétrocession qui n’aurait pas, par mégarde, été levée contractuellement, pourrait alors se
retourner, comme en l’espèce, sur le bailleur alors même que cette interdiction n’avait plus de
20
CA Versailles, 19 juin 2012, n° 11/00158.
21
V. S. VILAIN, C. BARTHELEMY, Quel monopole la prohibition de la rétrocession d'électricité protège-t-
elle ? : RFDA 2013, p. 305.
19. 19
justification. D’où la survenance de dérogations à cette interdiction et donc au monopole
d’ENEDIS (B).
B. La reconnaissance ambigüe du raccordement indirect en décompte
Une nouvelle exception au monopole légal de distribution. Le cas d’espèce décrit ci-
dessus fait clairement penser au dispositif des réseaux fermés de distribution dont parle
l’article 28 de la directive 2009/72/CE, mais qui n’a été transposé en droit français qu’en
2016. En effet, pour rappel, un réseau fermé distribue de l'électricité à l'intérieur d'un site
industriel, commercial ou de partage de services géographiquement limité.
Aussi il n’existait jusque là qu’une seule exception au monopole de la distribution en droit
français : les lignes directes. Il s’agit d’ouvrages permettant un acheminement d’énergie
électrique sans transit par les réseaux publics de transport et de distribution.
L’interdiction de rétrocession, seul obstacle au raccordement indirect et donc au réseau privé
– sans pouvoir encore parler spécifiquement de la notion de réseau fermé, qui a une portée
normative – ne semblait plus se justifier. Pire, elle pouvait parfois nuire à l’efficacité et à la
rentabilité des réseaux publics et donc par extension au service public de la distribution
d’électricité. Il devenait indispensable de voir naître a minima une exception, tout au moins
jurisprudentielle, au monopole public.
L’autorisation officieuse de raccordements indirects. La possibilité d’un raccordement
indirect au réseau public de distribution fut reconnue dès 2003 lors d’un règlement de
différend22
. Cette solution a été confirmée tant par la Cour de cassation23
, que par des Cours
d’appel24
et même par le Conseil d’Etat25
. En effet, comme avait pu le rappeler le CoRDiS26
,
à plusieurs reprises, aucune disposition du Code de l’énergie ne l’interdit explicitement,
même si d’autres dispositions au sein d’autres codes, peuvent parfois exclure cette
possibilité27
.
Pour autant, la notion de réseau privé de distribution ne fut pas reconnue par la Cour de
22
Décis. CRE, 27 mars 2003, Papeterie de Bègles c. EDF.
23
Cass., n° 11-17344, 12 juin 2012, préc.
24
Par ex. CA Paris, n° 2009/22783, 7 avril 2011
25
CE, 9 oct. 2015, n° 370057, Union nat. entreprises électricité et gaz. Note : J.-S. BODA, Énergie -
Environnement – Infrastructures, n° 12, Décembre 2015, comm. 89.
26
Déc. du CoRDiS du 12 décembre 2011, Cogestar 2 c./ ERDF, n° 242-38-11 ; Décis. du CoRDiS du 2 octobre
2009, Tembec Tarascon et Bioenerg c./ ERDF, n° 04-38-09
27
Art. R. 716-5, Code rural.
20. 20
cassation28
ou le Conseil d’Etat29
, contrairement au CoRDiS qui semblait bien disposé à le
faire30
. En effet, la Cour de cassation avait considéré qu’« en mettant ses installations de
raccordement au réseau public, à la disposition d’un producteur d’électricité tiers, la société
FET n’accomplit pas une opération de distribution d’électricité »31
, évitant ainsi une remise
en cause frontale du monopole d’ENEDIS.
Si ces évolutions jurisprudentielles se font essentiellement à l’occasion de litiges nés de
demande de raccordement indirect au réseau public d’équipements destinés à la production
d'électricité, « tous les acteurs du système électrique ont aussitôt considéré que la solution
donnée par le CoRDiS et la juridiction judiciaire valait pour tous les utilisateurs de ces
réseaux et donc notamment pour les consommateurs d'électricité ou encore pour les
situations dans lesquelles producteurs et consommateurs cohabitent dans un réseau privé. »32
On parle donc de raccordement indirect, lorsqu’un producteur ou un consommateur
d’électricité (utilisateur hébergé) est raccordé au réseau électrique interne d’un site
consommateur ou producteur tiers ; ce site l’héberge et est le seul raccordé directement au
réseau public de transport ou de distribution (utilisateur hébergeur).
Avant cela, celle qui était encore la Cour de justice des Communautés européennes, avait
considéré dès 2008, comme il y est fait allusion plus haut33
, qu’un tel raccordement indirect
était possible, à condition qu’un compteur enregistrant les consommations du tiers raccordé
au réseau privé soit mis en place34
.
Ainsi l’interdiction de la rétrocession d’énergie ne concerna plus que la fourniture d’énergie
qui aurait été achetée au préalable grâce à un tarif réglementé de vente, tarif réservé aux
consommateurs finals. Cette problématique est tout autre35
.
L’opportunité de ce type de raccordement. Ce raccordement indirect peut permettre de
réduire le coût de raccordement de manière substantielle, lorsque le coût de raccordement au
site hébergeur est plus faible qu’un raccordement direct au réseau public. De même grâce à
28
Cass., n° 11-17344, 12 juin 2012.
29
CE, 9 oct. 2015, préc.
30
Par ex. Décis. du CoRDiS du 12 juillet 2010, SEPE Le Nouvion, Parc éolien de Saint-Riquier 1 et Parc éolien
de Saint-Riquier 2 c./ RTE, n° 03-38-10.
31
Cass. Com. 12 juin 2012, préc.
32
A.-E. RUBIO, C. BARTHELEMY. L'arrêt Valsophia et les réseaux fermés de distribution. RFDA 2017
p.445.
33
V. introduction.
34
CJCE, 22 mai 2008, Citiworks AG, C-439/06.
35
J.-S. BODA, Énergie - Environnement – Infrastructures, n° 12, Décembre 2015, comm. 89, préc.
21. 21
un tel réseau de distribution privé il est possible de mutualiser les coûts, et de revoir ainsi à la
baisse le tarif d’utilisation des réseaux public d’électricité (Turpe).
Il fallait avant toute reconnaissance légale de ce type de raccordement, tenir compte de
certaines situations particulières, qui nécessitaient un raccordement direct et une distribution
privée. Certains sites de consommation sont en effet soumis à des contraintes particulières en
termes d’étendue (sites sur de très grands terrains, par exemple), de sécurité (cas des
hôpitaux, des aéroports, des gares ferroviaires, des ports, certains process industriels…),
voire des montages contractuels particuliers (les centres commerciaux, ...).
Cette « tolérance » officieuse contribua néanmoins à rendre imprécis le régime applicable à
certaines situations d’espèce.
1ère
condition de ces raccordements indirects : l’exigence d’un décompte. L’important est
en réalité que cette alimentation donne lieu à un décompte. On parle alors d’alimentation
indirecte en décompte. Cependant, d’après la fiche d’impact ayant aidé à la rédaction de
l’ordonnance relative aux réseaux fermés, ENEDIS dénombre 200 réseaux fermés dotés de
dispositifs de décompte, auxquels s’ajoutent ceux sans dispositifs de décompte, évalués à
400.
Par ce décompte, il est évité la fixation d’un prix discrétionnaire et le client final raccordé
indirectement conserve son libre choix de fournisseur. Ainsi un compromis est trouvé. Le
principe d’interdiction de rétrocession n’est pas remis en cause si « quel que soit le
raccordement envisagé par le consommateur, celui-ci (peut) choisir librement son
fournisseur d'énergie »36
. Cette solution était d’ailleurs énoncée depuis plusieurs années par
la CRE qui considérait que pour qu’un règlement indirect puisse être permis « chaque partie
à identifier doit seulement être équipée des appareils de mesure et de comptage répondant
aux exigences de précision et de fiabilité compatibles avec le mécanisme de responsable
d'équilibre »37
Réseau privé et libre choix sont conciliés grâce à ce procédé pragmatique liant raccordement
indirect et décompte. Cette approche se verra consacrée et formalisée par l’ordonnance du 15
décembre 2016, participant ainsi à l’avènement des réseaux fermés de distribution.
Néanmoins, comme le rappel le Conseil d’Etat, les dispositions de l'article 28 de la directive
36
Décis. CoRDiS, 6 mai 2015 Sté. Valsophia c/ ERDF.
37
Communication de la CRE sur le traitement des sites éligibles indirectement raccordés aux réseaux
électriques publics, du 22 mai 2003.
22. 22
du 13 juillet 2009 ne sont pas applicables aux hypothèses de « réseaux privés de distribution
d'électricité »38
.
2nde
condition de ce raccordement : la signature de conventions par l’utilisateur
hébergé. La Cour de cassation dans sa décision du 12 juin 2012 précitée, tout en consacrant
définitivement le raccordement indirect estima que non seulement une convention de service
en décompte devait être signée par le tiers hébergé, mais qu’il était également nécessaire
qu’une convention de raccordement, ainsi qu’une convention d’exploitation soient signées
par ce dernier. Le CoRDiS et la Cour d’appel de Paris, qui avaient été précédemment saisis,
estimaient quant à eux, que seul le site hébergeur devait signer des conventions de
raccordement et de comptage, et être ainsi le seul interlocuteur du gestionnaire du réseau
public de distribution.
La Cour de cassation confirme ainsi que le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 relatif aux
prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement
d'installations de production aux réseaux publics d'électricité, s’appliquait à toute opération
de raccordement, fût-elle indirecte, d’une nouvelle installation de production d’énergie
électrique à un réseau public d’électricité, effectuée en vue de lui permettre de livrer à ce
réseau tout ou partie de sa production. La cour d’appel de Paris39
, ainsi que la CRE40
, ont
elles-mêmes rappelé ce principe.
Le retournement de l’arrêt Valsophia41
. Par un arrêt du 12 janvier 201742
, la Cour d’appel
de Paris va considérer que le raccordement indirect d’installations de consommation aux
réseaux publics de distribution est interdit, faisant ainsi droit à la position traditionnelle
adoptée par ENEDIS, mais allant à contre-courant de l’évolution jurisprudentielle décrite
plus haut.
Un promoteur immobilier, la société Valsophia, avait demandé au gestionnaire du réseau
public de distribution, le raccordement d’un ensemble immobilier. Cependant, ce projet
immobilier prévoyait qu’une partie de l’énergie consommée devait être produite directement
38
CE, 9 oct. 2015, n° 370057, préc.
39
CA Paris, 18 avril 2013, 2012/02114.
40
Délib. du 25 avr. 2013 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes
de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre.
41
V. A.-E. RUBIO, C. BARTHELEMY. L'arrêt Valsophia et les réseaux fermés de distribution. RFDA 2017
p.445.
42
CA Paris, 12 janvier 2017, RG n° 2015/15157.
23. 23
sur place au moyen de panneaux photovoltaïques équipés d’un dispositif de stockage
d’électricité. Ainsi la société Valsophia formula le souhait de ne disposer que d’un seul point
de raccordement, ce qui signifiait que le raccordement indirect d’installations de production
et de consommation était recherché. ERDF s’y opposa, faisant valoir qu’il s’agissait d’une
rétrocession d’électricité illégale.
Le CoRDiS qui avait auparavant été saisi par la société Valsophia, avait pourtant choisi de
valider ce raccordement indirect en rappelant la nécessité de souscrire dans le même temps à
une prestation de comptage auprès d’ENEDIS43
. Cette décision ne faisait que valider une
alimentation en décompte44
.
Cependant la Cour d’appel de Paris a contredit le CoRDiS en considérant de prime abord
qu’un tel raccordement revient à confier à une autre entreprise qu’ENEDIS ou une ELD, la
gestion d’un réseau de distribution, tandis que la possibilité de transposer en droit français la
notion de réseau fermé de distribution. Les faits étant antérieurs à la promulgation de
l’ordonnance du 15 décembre 2016, seules les entreprises auxquelles la loi a entendu confier
spécifiquement cette mission45
sont en mesure de l’assumer. Ensuite la Cour fait valoir que la
notion de réseau privé de distribution est ignorée par le Code de l’énergie.
La critique de l’arrêt Valsophia. D’abord cette solution de la Cour d’appel semble aller à
contre-courant de la solution proposée par la Cour de cassation lors de son arrêt du 12 juin
2012, puisqu’elle avait alors jugé qu’aucun obstacle juridique ne s’opposait au raccordement
indirect d’une installation de production au réseau public de distribution. Pourtant la Cour
afin de justifier ce parti-pris, avait distingué selon que le raccordement indirect permette de
relier un producteur (cas de l’arrêt de 2012 rendus par la Cour de cassation) ou un
consommateur (cas de l’arrêt Valsophia) au réseau public de distribution. Sauf, qu’une telle
différenciation avait toujours été ignorée, voire refusée par le passé46
.
En outre, la Cour laisse penser que la solution aurait pu être différente si les faits s’étaient
déroulés après la publication de l’ordonnance relative aux réseaux fermés. Cependant, cette
approche est critiquée car il semble peu probable que le réseau en cause entre dans le champ
d’application de l’ordonnance. En effet, bien que ni la décision du CoRDiS, ni l’arrêt de Cour
43
CoRDiS, déc. 6 mai 2015, préc.
44
P. SABLIERE, « Rétrocession d’électricité, alimentation en décompte et réseaux fermés de
distribution », préc.
45
Limitativement listées à l’article L. 111-52 du Code de l’énergie.
46
V. en ce sens : déc. Min. 7 août 2009 (JO 15 août 2009), CRE, 22 mai 2014 : JO 2 juill. 2014.
24. 24
d’appel ne soient vraiment précis sur ce point, les installations concernées semblaient avoir
vocation à desservir des consommateurs résidentiels, puisqu’il s’agissait visiblement d’un
projet de construction de logements47
. Ainsi un arrêt de cassation serait le bienvenu afin de
connaître le sort réservé aux réseaux privés ne rentrant pas dans la catégorie des réseaux
fermés de distribution.
Finalement, la multiplication des contentieux et l’incertitude entourant ces raccordements
indirects rendaient leur encadrement absolument nécessaire, surtout au regard des centaines
de réseaux fermés de distribution existants (II)
II. La reconnaissance légale des RFD et la limitation de leur
développement par l’ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016
Plan. Avec l’ordonnance du 15 décembre 2016, naît une notion de réseau fermé de
distribution qui comporte encore certaines incertitudes (A), ainsi qu’un régime d’autorisation
qui doit permettre de maîtriser le développement de ce procédé, qui se déployait jusqu’alors
de façon anarchique (B).
A. Les critères de la nouvelle qualification légale des RFD
La définition d’un réseau fermé de distribution d’électricité. Selon le nouvel article L.
344-1 du Code de l'énergie créé par l'ordonnance, un réseau fermé de distribution se défini
comme un réseau qui achemine de l’électricité à l’intérieur d’un site géographiquement limité
et qui alimente un ou plusieurs consommateurs non résidentiels exerçant des activités de
nature industrielle, commerciale ou de partages de services. Comme le rappelle le rapport sur
l’ordonnance remis au Président de la République48
, cette notion de réseau fermé de
distribution est ainsi définie à l’aune de trois critères, reprenant mot pour mot les termes de
l’article 28 de la directive 2009/72/CE.
Ce strict encadrement doit en réalité permettre de faire en sorte que la règle de principe, reste
le raccordement au réseau public de distribution. Il est en effet nécessaire de maintenir un
statut d’exception aux réseaux fermés, en les limitant aux hypothèses dans lesquelles il est
nécessaire d’avoir des normes opérationnelles spécifiques et incompatibles avec le
47
V. par la suite l’article L. 344-1 du Code de l’énergie.
48
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux
réseaux fermés de distribution, JORF n°0292 du 16 décembre 2016.
25. 25
raccordement direct au réseau public. Il s’agit en effet de préserver une certaine cohésion, en
encadrant précisément les entorses faites à la péréquation nationale et en faisant reposer sur le
gestionnaire du réseau public, la grande majorité des « coûts de réseau ». Le but est de limiter
le coût collectif de l’énergie électrique en permettant une massification des investissements et
une limitation des charges d’exploitation, qui limitent ainsi le coût collectif de l’énergie
électrique. Autrement dit, pour conserver les équilibres des réseaux déjà en place, il faut
veiller qu’avec cette ordonnance ne se créé pas des ilots de clients bénéficiant de
l’exonération du TURP, d’une gestion indépendante et mettant en œuvre des normes
techniques dérogatoires.
Cependant, comme l’avait souligné la CRE le 20 septembre 2016, d’autres réseaux privés
continuent d’exister en dehors des réseaux fermés. Ceux-ci ne sont pas réglementés et
semblent même voir leur existence compromise depuis l’arrêt Valsophia. La loi de
ratification à venir serait une bonne occasion de compléter l’ordonnance afin de pérenniser à
minima les réseaux usant d’un raccordement indirect mais ne rentrant pas dans le champ
d’application de l’ordonnance. La sécurité juridique est en jeu.
Le 1er
critère : Un site géographiquement limité. Ce critère permet de distinguer le
réseau fermé du réseau public. Le premier est confiné quand le second est général49
. Cette
restriction du réseau fermé limite ce système de distribution aux consommateurs situés à
l’intérieur du site.
Le 2e
critère : L’alimentation d’un ou plusieurs consommateurs non résidentiels
exerçant des activités de nature industrielle, commerciale ou de partages de service.
D’abord, il faut noter que les clients résidentiels sont exclus en principe de ce type de réseau.
Or, précisons que selon la directive 2009/72, à la différence du client dit "résidentiels" qui
achète de l'électricité pour sa propre consommation domestique, le client "non-résidentiel" est
celui qui achète de l'électricité pour les besoins de ses activités commerciales ou
professionnelles. Enfin un client, qu'il soit résidentiel ou non, est dit "final" lorsqu'il achète
de l'électricité pour sa consommation propre, à la différence du « grossiste ».
Ensuite il doit s’agir d’un site de services industriels, commerciaux ou partagés. Le
considérant 30 de la directive 2009/72/CE dresse une liste non-exhaustive de sites concernés
49
Interpretative note on directive 2009/72/EC concerning commonrules for the internal market in electricity and
directive 2009/73/EC concerning common rules for the internal market in natural gas, 22 janv. 2010.
26. 26
par la réglementation relative aux réseaux fermés, à savoir des gares ferroviaires, des
aéroports, des hôpitaux, des grands terrains de camping avec équipements intégrés, ou des
installations de l’industrie chimique. La nature particulière des opérations de ce type de site
justifie donc bien la nécessité de leur octroyer un régime dérogatoire. Cette liste confirme par
ailleurs que les sites concernés par cette réglementation peuvent ne pas avoir nécessairement
de fonction commerciale. La présence des hôpitaux dans cette liste en est le meilleur
exemple. Ainsi ce critère permet de limiter le recours au régime des réseaux fermés, tout en
conservant un certain pragmatisme et en ne limitant pas strictement cette solution à des
activités spécifiquement nommées ou uniquement à des sites ayant une fonction commerciale
ou industriel.
Toujours dans cette dynamique pragmatique, une possibilité résiduelle et très encadrée, offre
la possibilité d’inclure à la marge, des clients résidentiels qui sont présents sur le site du
réseau fermé. L’article 344-2 du Code de l’énergie précise que cette exception n’est possible
« qu’à titre accessoire », dans l’hypothèse où ces clients résidentiels, résidant dans la zone
desservie, seraient « employés par le propriétaire du réseau ou associés à lui de façon
similaire ». Ces conditions restrictives sont les mêmes qu’à l’article 28 de la directive
2009/72/CE, bien que la directive précise que non seulement l’activité doit être accessoire,
mais également qu’elle ne doit concerner qu’un petit nombre de personnes. Cependant, le
législateur français n’a pas cru bon de faire cette précision – paradoxalement très imprécise –
du nécessaire « petit nombre » de clients résidentiels inclus au réseau. Pourtant l’un n’est pas
nécessairement inclus dans l’autre, et la lecture combiné de ces deux conditions réduit la
encore davantage la possibilité de cette pratique. Aussi il sera sûrement utile de faire cette
précision dans le décret à venir, celle-ci ayant même été spécifiquement rappelée dans la note
interprétative de la directive 2009/72/CE50
. Finalement, la relation que doit avoir le client
résidentiel avec le propriétaire du réseau – et non le gestionnaire – est en réalité comparable,
selon l’ordonnance, à une relation de travail, puisque le client résidentiel doit avoir été
« employé » ou « associé de façon similaire » au propriétaire. Les lignes interprétatives de la
directive donnent à ce sujet l’exemple d’une entreprise qui aurait développé son propre
système de distribution pour servir ses activités, mais qui aurait par la suite été scindé en
plusieurs entreprises distinctes. Les entreprises nées de cette nouvelle structuration doivent
pouvoir demeurer sur le réseau et éviter ainsi le raccordement couteux au réseau public.
50
V. Interpretative note on directive 2009/72/EC, préc..
27. 27
Le 3e
critère : Les deux conditions alternatives supplémentaires. Pour être qualifié
de réseau fermé de distribution, il faut encore remplir deux conditions alternatives. Si le
mode alternatif, plutôt que cumulatif augmente les possibilités de recours à cette technique du
réseau fermé, la portée de chacune de ces conditions reste plutôt maîtrisée.
(1) De prime abord, la première alternative est qu’il doit être possible de justifier
l’intégration dans le réseau des opérations ou du processus de production des utilisateurs, par
des raisons spécifiques ayant trait à leur technique ou à leur sécurité. Cette condition est donc
relative au système de distribution d’électricité mis en place. Ce système doit nécessiter des
aménagements particuliers au niveau de la technique, de la sécurité ou sur les modalités
opérationnelles de distribution empêchant un raccordement au réseau de public. Par exemple,
ce réseau peut nécessiter une fréquence particulière, ou l’utilisation de la chaleur produite par
la génération d’électricité par les autres utilisateurs du site51
. Dès lors les relations entre les
différents utilisateurs seront réglées entre eux contractuellement. L’existence de telles
conventions est donc un bon indice pour caractériser un réseau fermé. Derrière cette
condition c’est le lien évident entre réseau fermé et l’optimisation de l’approvisionnement
énergétique qui est reconnu et qui est ainsi facilité. Elle demeure néanmoins stricte et était
déjà exigée par la Cour de justice, pour autoriser un raccordement indirecte.
Les lignes interprétatives rappellent également qu’il appartient aux États membres de définir
précisément les circonstances dans lesquelles ce critère serait atteint. Cependant,
l’ordonnance du 15 décembre dernier ne donne pas plus de précision. Il faut donc espérer,
pour plus de clarté, que le décret à venir s’en chargera, car il pourrait demeurer un aléa assez
important quant à la qualification par l’autorité administrative qui sera chargée d’accorder
une autorisation. Pour ce faire, le décret pourra d’une part s’inspirer des exemples de la
jurisprudence européenne, mais devra surtout, d’autre part, donner des indications sur la
démonstration que le responsable du projet doit effectuer devant l’autorité administrative en
question.
(2) Ensuite, l’autre solution est que le réseau distribue de l’électricité essentiellement au
propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de
l’article L. 233-3 du code de commerce (soit lorsque ces entreprises contrôlent ou sont
contrôlées par le propriétaire ou le gestionnaire dudit réseau (majorité des droits de votes,
51
Idem.
28. 28
nombre de membres de l'organe de direction désigné, etc.)). Ainsi il est exigé que les sociétés
recourant à un réseau fermé soit « liées entre elles ». Cette seconde condition ouvre
potentiellement de nombreuses possibilités, notamment celle du recours au réseau fermé pour
les quartiers résidentiels, les zones commerciales, ou les grandes surfaces par exemple.
Cette condition permet également d’inclure au réseau, des installations de production pouvant
injecter directement de l’électricité sur ce dernier. Cette condition fait donc échos au dernier
alinéa de l’article 344-1 de l’ordonnance et encourage le développement de
l’autoconsommation sur les sites industriels. Cette condition permet donc la mise en place
d’un réseau fermé, lorsqu'une entreprise a permis aux utilisateurs dudit réseau de se connecter
à un système qui a été développé pour l'usage de l'entreprise. En revanche, cette condition
exclut tout raccordement au réseau fermé, de bureaux ou centres commerciaux qui seraient
développés par la suite par l’entreprise afin de se diversifier, si ces installations n’étaient pas
utilisées à titre principal par le propriétaire ou l'opérateur du système de distribution52
. On
limite donc le développement anarchique de ces réseaux, bien que l’emploi de l’adverbe
« essentiellement » manque de rigueur et laisse une large marche de manœuvre à l’autorité
administrative chargée d’autoriser lesdits réseaux. La mise en place de ce régime de droit
administratif est en effet destinée, là encore, à permettre aux pouvoirs publics d’avoir la main
sur le développement de cette solution énergétique (B).
B. Le régime de droit public encadrant les réseaux fermés
Un régime d’autorisation. Dès lors que des réseaux peuvent être qualifiés de réseaux fermés
de distribution, en application des critères rappelés ci-dessus53
, leur exploitation est
subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative. Un décret d'application doit
préciser quelle sera l'entité chargée de délivrer ces autorisations ; cela ne pourra pas être la
CRE54
. C’est au gestionnaire du réseau fermé de distribution qu’il revient de déposer une
demande d’autorisation.
La réserve liée aux capacités techniques et financières. L'autorisation sera également
52
Idem.
53
Art. 344-1, Code de l’énergie.
54
Arts. L 344-6 à L 344-8, Code de l’énergie.
29. 29
délivrée en fonction des capacités techniques et financières de l'exploitant pour assurer une
exploitation conforme aux conditions techniques en vigueur. A cette fin, l'autorité devrait
disposer d’un pouvoir d’appréciation assez important. Dans l'attente du décret d'application,
les critères d'appréciation ne sont pas encore connus. Autrement dit, pour être qualifié de
gestionnaire de réseau fermé de distribution d’électricité, il faut en avoir les capacités. Ces
capacités techniques et financières sont souvent exigées en droit de l’énergie55
, ainsi qu’en
droit de l’environnement56
.
Pour ce qui est des capacités techniques, il s’agit des conditions techniques et de sécurité que
les réseaux fermés doivent remplir et qui sont équivalentes à celles exigées pour les réseaux
publics de transport et de distribution. Ainsi cette réserve a pour objet d’anticiper le respect
de ces exigences en démontrant, prescription par prescription, la maîtrise technique du réseau
fermé par le demandeur.
Il reste que les capacités financières dépendent quant à elles d’énormément de facteurs. En
effet, celles-ci seront influencées par les négociations du gestionnaire avec les fournisseurs de
son choix, pour palier les pertes sur le réseau. Ces contrats doivent donc être envisagés en
amont de la demande d’autorisation. De même, le tarif de « droit de passage » qui sera mis
en œuvre aura également une influence sur ses capacités. Rappelons à ce sujet que ce tarif
doit être validé par la CRE. Finalement, il sera extrêmement enrichissant de prendre
connaissance des premiers retours d’expérience à ce sujet.
Le refus pour motifs d’intérêt général liés au bon fonctionnement et à la sûreté du
système électrique. « L'autorité administrative peut, après avis de la Commission de
régulation de l'énergie, refuser de délivrer une autorisation d'exploiter un réseau fermé de
distribution d'électricité pour des motifs d'intérêt général liés au bon fonctionnement et à la
sûreté du système électrique. » Cette possibilité au départ absente du projet d’ordonnance, a
été encouragée par la CRE57
et est désormais prévue par l’article L. 344-7 du Code de
l’énergie. Cette proposition de la CRE était en réalité inspirée par le régime applicable aux
lignes directes58
. La liberté d’appréciation de l’autorité administrative compétente sera
55
Cf. Pour la reconnaissance de la qualité de fournisseur d’électricité par exemple (L. 333-1, Code de l’énergie).
56
Au sujet des Installations classées pour la protection de l'environnement (L. 181-27, Code de
l’environnement).
57
Délib., CRE, 20 septembre 2016, portant avis sur le projet d’ordonnance relatif aux réseaux fermés de
distribution d’électricité.
58
V. L. 343-1, Code de l’énergie.
30. 30
importante, malgré l’avis de la CRE, qui reste seulement consultatif. Un simple contrôle
restreint devrait alors être mis en œuvre par le juge administratif qui serait saisit d’un tel
refus.
La durée et le renouvellement de l’autorisation. Cette autorisation est délivrée pour une
durée ne pouvant pas excéder 20 ans et peut être renouvelée dans les mêmes conditions59
.
L’ordonnance prévoit que le renouvellement se fera « dans les même conditions », sauf qu’on
ne sait pas si il s’agit des mêmes conditions de durée ou d’octroi. A priori le renouvellement
donnera lieu à une étude similaire à celle en vigueur lorsque l’on demande une autorisation
pour la première fois.
Le changement de gestionnaire. En cas de changement de gestionnaire, l’autorisation est
mise à la disposition du nouvel exploitant, sous réserve pour ce dernier, de justifier auprès de
l’autorité administrative, qu’il dispose des capacités techniques financières requises. A noter
que ce régime entourant le changement de bénéficiaire fait clairement penser aux règles de
transfert en matière d’occupation du domaine public60
, aussi ne serait-il pas complètement
absurde de se référer à ce contentieux bien plus fourni, en cas de litiges à ce sujet.
La sanction. Le fait de construire ou d’exploiter un réseau fermé de distribution sans
autorisation administrative peut faire l’objet des sanctions pénales prévues par l’ordonnance,
à savoir une peine d’un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende61
. De plus,
l’ordonnance renvoie également à des peines complémentaires que le Code de l’énergie
prévoyait déjà pour sanctionner d’autres infractions du Code. Ces peines complémentaires
sont différentes suivant qu’elles s’adressent à des personnes physiques62
ou morales63
. La
palette de sanctions offertes au juge est donc très large et est calquée sur les sanctions au non-
respect de l’autorisation des lignes directes.
Pour autant, le régime de sanction encadrant les futurs nouveaux réseaux fermés, n’est pas
équivalent à celui encadrant les réseaux fermés préexistants à l’ordonnance. Il résulte en effet
59
L. 344-7, Code de l’énergie.
60
CE, n° 387315, 18 sept. 2015, Sté Prest'air.
61
Art. L. 344-12, Code de l’énergie
62
Les personnes physiques coupables de l’infraction encourent les peines complémentaires prévues à l’article L.
343-5 du Code de l’énergie.
63
Les personnes morales déclarées pénalement responsables de l’infraction encourent les peines
complémentaires prévues à l’article L. 343-6 du Code de l’énergie.
31. 31
de la lecture combinée de ces dispositions, avec celles de l'article L. 344-1 du même Code
définissant un réseau fermé de distribution, que les gestionnaires des réseaux fermés de
distribution ont l’obligation d’obtenir cette qualification, préalablement à leur construction ou
à leur mise en service, contrairement aux gestionnaires des réseaux existants qui peuvent
demander cette même qualification.
Cette coercition applicable tant à des personnes physiques, qu’à des personnes morales
permet de garantir le respect de ce régime d’autorisation. Le risque semble d’ailleurs
suffisamment élevé pour dissuader quiconque de s’abstenir d’une telle autorisation. La CRE
s’interroge d’ailleurs sur « la proportionnalité du niveau de la sanction au regard des enjeux
associés »64
.
Vers le Chapitre 2. La réglementation que nous venons d’analyser a pour but de
trouver une place et un accès aux réseaux fermés, aux côtés du monopole public de
distribution. Plus précisément, elle a pour ambition de permettre la maîtrise par l’Etat du
développement de ce système de distribution, qui bien qu’absolument nécessaire à une
meilleure prise en compte de certaines activités spécifiques, doit demeurer un modèle
d’exception.
Il reste qu’une fois ces réseaux qualifiés et institués, il est désormais nécessaire de
garantir les droits de ses utilisateurs. Leur accès libre et équitable au réseau ne saurait être
sacrifié. Ceci justifiant la surveillance toute particulière de la CRE à ce sujet (Chapitre 2).
64
Délib. CRE, 20 sept. 2016, préc.
32. 32
Chapitre 2. La garantie d’un accès libre et équitable au réseaux
fermés de distribution
Plan. Afin de garantir un accès libre et équitable, non seulement les utilisateurs du réseau
fermés doivent se voir garantir leur liberté d’utilisation par le gestionnaire (I), mais surtout,
ce dernier doit mettre en place une politique tarifaire équitable et justifiée (II).
I. La libre utilisation du réseau fermé
Plan. Afin de garantir la possibilité de librement choisir son fournisseur aux utilisateurs du
réseau fermé, une mission de comptage doit être mise en œuvre (A) et le gestionnaire doit
également garantir un libre accès audit réseau par les fournisseurs d’électricité (B).
A. La mission de comptage au service du libre choix
L'exercice du libre choix de son fournisseur d'électricité par le consommateur d’un
réseau fermé de distribution. Ce droit est explicitement garanti par l’ordonnance du 15
décembre 201665
. Plus exactement, elle renvoie à l'article L. 331-1 du code de l'énergie, qui
prévoit que tout client qui achète de l'électricité, pour sa propre consommation ou pour la
revendre, a le droit de choisir son fournisseur d'électricité. On parle alors d’un « client
éligible ». Par extension, ce libre choix est nécessairement garanti aux producteurs et aux
éventuels fournisseurs présents sur le réseau. On peut donc parler d’un libre choix des
« utilisateurs » du réseau fermé.
Un principe fondamental. La directive 2009/72/CE énonce notamment qu'« un marché
entièrement ouvert est un marché qui permet à tous les consommateurs de choisir librement
leur fournisseur et à tous les fournisseurs de délivrer librement leurs produits à leurs
clients »66
. Cette possibilité trouve ses racines dans l’ambition européenne de mettre en place
un marché intérieur de l’électricité, qui doit offrir « une réelle liberté de choix à tous les
consommateurs de l’Union européenne »67
.
De la garantie de ce droit dépend directement l’effectivité des libertés fondamentales du
65
Art. L. 344-3, Code de l’énergie.
66
Consid. 30, Dir. 2009/72/CE, préc..
67
Consid. 1, idem.
33. 33
TFUE : la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation
de services. De même la Directive lie directement le libre choix au progrès énergétique. Ce
dernier est effectivement au service de l’efficacité, comme de la compétitivité des prix et du
niveau de service. Il permet donc de favoriser la sécurité d’approvisionnement ainsi que le
développement durable.
La prestation de décompte qui en découle. Afin de garantir le libre choix de leurs
fournisseurs aux utilisateurs du réseau, il est nécessaire de mettre en place le matériel
permettant un comptage individuel des données de consommation, ainsi que celles de
production, dans le cas où il s’agirait de producteurs souhaitant vendre l’électricité qu’ils
auraient produite. Cet investissement sera supporté par le gestionnaire. Il s’agit d’un coût fixe
qui aura évidemment des conséquences sur la fixation du tarif.
Le CoRDiS avait d’ailleurs pu rappeler cette nécessité à l’occasion de sa décision du 6 mai
2015, avant même que l’ordonnance transposant la notion de réseau fermé ne soit adoptée : «
(la) prestation annuelle de décompte est seule de nature à permettre aux consommateurs
raccordés indirectement au réseau public de distribution de choisir librement leur
fournisseur d'énergie ».
Pour autant, si en principe cette prestation de comptage est accomplie par le gestionnaire du
réseau public de distribution, ce monopole concerne uniquement les « utilisateurs raccordés
à leur réseau »68
. Dès lors, l’exercice de cette prestation par le gestionnaire du réseau privé
était normalement possible, alors même qu’aucun texte ne le prévoyait explicitement. Il est
même possible d’aller plus loin, et de considérer que dans l’hypothèse où ce dernier disposait
d’une autorisation d’achat pour revente, il pourrait être choisi par un producteur raccordé au
réseau dont il est gestionnaire. L’ordonnance aura donc eu le mérite de clarifier cette mission
du gestionnaire d’un réseau fermé.
La mission de comptage. Ces activités de comptage seront encore assumées dans la plupart
des cas par le gestionnaire du réseau public de distribution. Comme le prévoit l’ordonnance,
il peut arriver que le gestionnaire du réseau public, auquel le réseau fermé est raccordé,
exerce directement les activités de comptage. C’est le cas lorsque « les utilisateurs du réseau
fermé de distribution interviennent sur les marchés de l'électricité ou participent à des
mécanismes qui nécessitent une contractualisation avec les gestionnaires des réseaux
68
Art. L. 322-8, Code de l’énergie.
34. 34
publics.
Autrement, « le cas échéant » et de façon résiduelle, l’ordonnance du 15 décembre 2016
confit cette mission de comptage au gestionnaire du réseau69
. Néanmoins, même dans ce cas,
le gestionnaire demeure chargé de transmettre, lorsque cela est demandé, l’ensemble des
données de consommation nécessaires « au gestionnaire du réseau public d'électricité auquel
est raccordé son réseau, pour accomplir les missions qui lui sont imparties ». En effet,
comme le rappelle fort justement la CRE « l’existence et le raccordement d’un réseau fermé
de distribution au réseau public de transport ou de distribution ne sauraient constituer un
motif pour que les gestionnaires de réseaux publics n’exercent pas l’ensemble de leurs
missions telles que décrites par le code de l’énergie. »70
Mais outre cette prestation de comptage, et de manière un peu moins directe, un autre
préalable existe pour permettre ce libre choix. Il s’agit du principe de libre accès au réseau
qu’il soit fermé ou public (B).
B. La garantie du droit d'accès au réseau fermé de distribution pour les fournisseurs
Le droit d’accès au réseau de distribution. D’après l’article 32 de la directive 2009/72/CE,
« les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, un
système d'accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Ce système, fondé sur
des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les
utilisateurs du réseau [...] ». Ainsi un droit d’accès au réseau de distribution électrique est
consacré. Cet article fut transposé à l’article L. 111-91 et suivants du Code de l’énergie.
Une exigence qui est applicable aux réseaux fermés. Le second paragraphe de l’article 28
de la Directive, prévoit une possible exemption à l’article 32, sous-entendant ainsi que cet
article est bien applicable aux réseaux fermés.
Avant même l’entrée en vigueur de cet article 28, la CJCE avait considéré, à l’occasion de
l’arrêt Citiworks, que les exceptions au principe européen de libre accès au réseau, devaient
être entendues strictement. La Cour de Justice avait effectivement jugé pour un « réseau
privé d’approvisionnement », que l'article 2071
de la directive 2003/54/CE concernant des
règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, s'opposait aux dispositions de la loi
69
Art. L. 344-5, Code de l’énergie.
70
Délib. CRE, 20 sept. 2016, préc.
71
Correspondant à l'article 32 de la directive 2009/72/CE en vigueur aujourd’hui.
35. 35
allemande relative à l'approvisionnement en électricité et en gaz, « qui (dispensait) certains
gestionnaires de réseaux d'approvisionnement énergétique de l'obligation de laisser aux tiers
le libre accès à ces réseaux, au motif que ces derniers sont installés dans une zone
d'exploitation présentant une unité fonctionnelle et qu'ils sont principalement affectés au
transport d'énergie à l'intérieur de l'entreprise et vers des entreprises liées ». En effet ce
principe serait selon elle trop important pour être écarté si facilement.
Les exceptions au libre accès. Les trois seules exceptions possibles à ce principe du droit
d’accès au réseau de distribution, sont les suivantes72
:
1) Le gestionnaire du réseau de distribution ne dispose pas de la capacité nécessaire73
;
2) Les Etats membres doivent restreindre cet accès pour garantir la fourniture d'un service
public d'électricité74
;
3) les Etats membres parviennent à prouver que des problèmes importants se posent pour
l'exploitation de petits réseaux isolés, avec l'accord de la Commission Européenne75
.
Enfin il faut souligner que le gestionnaire du réseau aura même parfois une obligation de
refuser l’accès à son réseau, dès lors qu’un producteur non-autorisé ou qu’un fournisseur,
exerçant une activité d'achat pour revente non conforme, le demande.
La mise en œuvre du droit d’accès. Concrètement ce droit d’accès implique qu’en cas de
refus de contracter par le gestionnaire du réseau fermé, ce dernier devra le motiver et le
notifier au demandeur et à la CRE. L’article L. 191-3 du Code de l’énergie dispose même que
ce refus doit résulter de « critères, objectifs et non discriminatoires, qui ne peuvent être
fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et
sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur
fonctionnement ».
Le silence de l’ordonnance. L’ordonnance du 15 décembre 2016 ne prévoit pas
explicitement la garantie de ce droit d’accès pour les réseaux fermés. Tout au plus impose-t-
elle au gestionnaire du réseau fermé « De fournir aux utilisateurs du réseau qu’il exploite les
72
Rappelées à l’occasion de l’arrêt CJCE, 22 mai 2008, préc..
73
Art. 32, Dir. 2009/72/CE, préc..
74
Art. 3 §14, idem.
75
Art. 44 §1, idem.
36. 36
informations nécessaires à un accès efficace, sous réserve des informations commercialement
sensibles »76
. Cependant, cette exigence s’adresse davantage aux utilisateurs directs, qu’aux
tiers tels que les fournisseurs.
Pour autant – comme on a pu le voir précédemment – au regard de l’article 28 de la
Directive, de la jurisprudence européenne et plus largement du caractère fondamental de ce
principe, il ne fait que peu de doute que soit au nombre des missions du gestionnaire du
réseau fermé, celle d’ « assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non
discriminatoires, l'accès à ces réseaux ». Surtout que cette mission repose habituellement sur
le gestionnaire du réseau public de distribution. Enfin la protection du libre choix de son
fournisseur ou de son revendeur pour les utilisateurs du réseau fermé, est clairement énoncée
par l’ordonnance et implique directement la garantie du libre accès au réseau. Dès lors ce
silence de l’ordonnance n’aura normalement pas d’incidence et le CoRDiS pourra être saisi
en cas de différend relatif à l’accès aux réseaux, entre les gestionnaires et les utilisateurs des
réseaux fermés de distribution d'électricité.
Il reste que l’accès à ce réseau fermé doit encore être équitable. En effet la libre utilisation du
réseau ne sera effective qu’à condition qu’elle soit également équitable (II).
II. Une régulation tarifaire adaptée aux spécificités des réseaux fermés,
au service d’un accès équitable
Plan. A la recherche d’un tarif équitable qui pourrait s’appliquer aux droits de passage sur le
réseau fermé, les rédacteurs de l’ordonnance du 15 décembre 2016, ont mis en place une
procédure de validation dudit tarif par la CRE (A). Néanmoins, une exemption à cette
procédure contraignante est possible (B).
A. La CRE régulateur du tarif d’accès au réseau fermé de distribution d’électricité
Le principe général de la directive. Selon le considérant 18 de la directive 2009/72/CE,
« Les autorités de régulation nationales devraient pouvoir fixer ou approuver les tarifs, ou
les méthodes de calcul des tarifs » afin de veiller « à ce que les tarifs de transport et de
distribution soient non discriminatoires et reflètent les coûts, et devraient tenir compte des
coûts de réseau marginaux évités à long terme grâce à la production distribuée et aux
mesures de gestion de la demande. »
76
L. 344-5, Code de l’énergie
37. 37
L’objectif est d’assurer aux utilisateurs des réseaux de distribution, qu’ils seront traités
équitablement.
La procédure évoquée à l’article 28. Cet article instituant les réseaux fermés évoque une
procédure de validation a priori. Ainsi le texte entend éviter au maximum les retards et les
incertitudes liées au procédures judiciaires, dans le cas où seule une sanction a posteriori d’un
tarif jugé injuste serait possible.
L'obligation de validation des tarifs par la Commission de Régulation de l'Énergie.
D’après l’article 344-9 du Code de l’énergie issu de l’ordonnance du 15 décembre 2016, la
CRE doit approuver préalablement les tarifs de redevance d'utilisation des réseaux fermés,
c’est-à-dire des droits de passage exercés en application du libre choix du consommateur.
Les délais de validation. A chaque nouvelle entrée en vigueur de tarif, à compter de la
réception du dossier transmis par le gestionnaire proposant et justifiant ses tarifs, la CRE a 4
mois pour l'approuver et sans réponse de sa part au terme de ce délai, les tarifs sont réputés
approuvés par elle77
. De manière dérogatoire, pour la première validation des tarifs des
réseaux fermés préexistants à l’ordonnance, le délai de validation par la CRE est de 8 mois78
.
Cette transcription du principe selon lequel le silence vaut acceptation, a été réclamée par la
CRE de manière tout à fait pragmatique. Il était nécessaire de simplifier cette procédure « au
regard des ressources limitées dont bénéficie la CRE pour traiter de telles demandes »79
.
Un procédé dérogatoire de fixation du tarif. Le gestionnaire du réseau de distribution
public se voit attribuer par la CRE, un tarif s’appliquant à l’ensemble des usagers, sur
l'ensemble du territoire. Ce dernier est justifié par le principe d’égalité des usagers devant ce
service public.
Ce procédé a néanmoins été récemment montré du doigt par la Cour des compte en 2013, « le
principe de la tarification unique sur l'ensemble du territoire a pour conséquence que toutes
les concessions ne se trouvent pas dans des situations financières objectivement
comparables: les déséquilibres résultent de l'hétérogénéité des recettes et des charges de
77
Art. L 344-9, Code de l’énergie
78
Art. 3, Ordonnance n°2016-1725, préc.
79
V. Délib., CRE, 20 septembre 2016, préc..
38. 38
chaque concession (géographie, densité de la population), alors qu'elles bénéficient du même
tarif de distribution. »80
. Il existe néanmoins un fond de péréquation de l’électricité qui a
justement pour objet de répartir entre les gestionnaires de réseaux les charges résultant de
leur mission d'exploitation des réseaux publics81
.
C’est précisément ce manque de marge de manœuvre et d’adaptabilité qui doit ainsi être
évité, grâce à cette régulation tarifaire propre aux réseaux fermés de distribution. En effet, des
situations très spécifiques sur lesquelles reposent de très forts enjeux économiques et
d’intérêt général, pourront ainsi être prises en compte lors de la fixation du tarif. C’est l’une
des illustrations très concrètes des bienfaits, de l’atomisation maîtrisée de la distribution
d’électricité, permise par l’existence de réseaux fermés.
Les critères de validation. Les critères auxquels la CRE va se référer pour pouvoir valider
lesdits tarifs des réseaux fermés ne sont pas encore connus, puisqu'ils seront décrits au sein
du décret d'application à venir.
Néanmoins, il est possible de prendre appui sur les modalités de fixation du TURPE, pour
avoir des indices sur l’analyse que fera probablement la CRE, au moment de connaître les
propositions de tarifs formulées par les gestionnaires de réseaux fermés. Le TURPE a pour
ambition de couvrir les coûts auxquels un gestionnaire de réseau « efficace » doit faire face. Il
doit également être calculé de manière pleinement transparente et non-discriminatoire82
.
Enfin en tout état de cause le régulateur doit pouvoir bénéficier de l'expertise nécessaire pour
mener à bien cette tâche. Mais plus généralement, il doit également s’appuyer sur les
consultations et le dialogue, qu’il entretien avec les gestionnaires de réseaux fermés.
Les implications de ce processus de validation pour les gestionnaires de réseaux fermés.
Ce contrôle de la CRE implique un travail d'analyse et d'inventaire poussé, de façon à
pouvoir justifier les futurs tarifs en vigueur. Plus spécifiquement, les gestionnaires de réseaux
fermés, déjà en place au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, devront sans doute
pour certains prendre en compte l’investissement nécessaire à l'installation de compteurs
électriques individuels, nécessaires aux nouvelles exigences de décompte, ainsi que les coûts
fixes d’entretien et de maintenance qui en découleront.
80
C. comptes, Les concessions de distribution d'électricité : une organisation à simplifier, des investissements à
financer : Rapp. publ. 2013, p. 114
81
Art. L. 121-4, Code de l'énergie.
82
Art. L. 341-2, Code de l'énergie
39. 39
Ces procédures étant par ailleurs assez lourdes administrativement, l’article 28 de la directive
2009/72/CE envisageait la possibilité d’une exemption à la mise en œuvre de cette régulation
tarifaire, que les Etats membres au moment de transposer cet article pourraient ou non choisir
de mettre en place (B).
B. La possible exemption à cette procédure de validation
L'exemption à la validation préalable des tarifs par le CRE83
. Comme la directive
2009/72/CE en laissait la possibilité aux Etats membres, l’ordonnance prévoit qu’il est
possible pour le gestionnaire du réseau fermé de demander à être exempté de la validation
préalable de ses tarifs. Pour ce faire, un dossier devra être transmis à la CRE, laquelle doit en
fixer le contenu, et donc par la même, les modalités pour bénéficier de l'exemption. La CRE
devra pour chaque dossier se prononcer dans les 4 mois, suivants la date de dépôt, dans le cas
contraire cette exemption sera réputée accordée.
Les difficultés à venir pour la CRE dans la mise en œuvre de la procédure d’exemption.
Au regard du nombre d’exemption qui pourraient bientôt affluer, notamment de la part des
réseaux fermés déjà existants (qui comme nous allons le voir pourraient avoir tendance à se
réfugier derrière cette possibilité offerte par l’ordonnance), des moyens limités dont dispose
le régulateur, ainsi que de l’analyse approfondie que cette demande d’exemption suppose,
deux scenarii sont envisageables. Ne pouvant faire face aux nombres de demandes qui
afflueront d’un coup, soit la CRE fera jouer la possibilité d’acceptation implicite, soit
refusera quasi-automatiquement ces demandes. Les nécessaires motivations qu’impliquent les
refus, devraient entraîner la réalisation de la première option. Pour autant, nous allons voir
qu’une approbation a posteriori demeure possible, malgré l’utilisation de cette exemption.
Reste qu’alors cela serait aux utilisateurs du réseau de l’initier, or les relations commerciales
sont parfois plus précieuses que le respect de la règle.
La CRE pourrait également voir comme opportun, à titre transitoire, d’accorder certaines
exemptions temporaires aux gestionnaires. Cette possibilité semble en effet parfaitement
envisageable, bien qu’elle aille un peu au delà de ce que prévoit la lettre de l’ordonnance.
Peut-être le décret apportera-t-il certaines solutions à ce risque d’encombrement du
régulateur.
83
Art. L. 344-10, Code de l’énergie.
40. 40
La justification de cette exemption. Comme cela a déjà été souligné les réseaux fermés de
distribution trouvent en partie leur raison d’exister dans la recherche d’une efficacité
optimale d’approvisionnement énergétique. En effet, par ce type de réseau intégré, il est
possible de prendre en compte un fonctionnement spécifique de la distribution. Aussi l’article
28, puis l’ordonnance du 15 décembre 2016, prennent en compte à travers cette exemption la
nécessité de ne pas accabler le gestionnaire du réseau d’un fardeau administratif inutile. En
effet, justifier un tarif nécessite un audit de ses coûts et de l’ensemble des prestations offertes,
ainsi que de s’informer sur l’état du marché de l’électricité dans son ensemble (production,
distribution, fourniture, etc.). C’est un immense travail, particulièrement pour les réseaux
fermés qui existaient avant la réforme et qui n’ont souvent pas eu de réflexion d’ensemble,
suffisamment poussée sur cette question du tarif. Ceci sans compter les nombreux
investissements qu’impliquent la mise en conformité ordonnée par l’ordonnance, alors qu’ils
bénéficiaient jusque là d’un vide juridique. Il faut également prévoir que ce nouveau régime
et les nouvelles libertés octroyées aux utilisateurs puissent aviver les ardeurs de ces derniers.
Les utilisateurs pourraient ainsi souhaiter renégocier leurs contrats avec le gestionnaire, ce
qui serait une autre dimension à prendre en compte au moment de proposer un tarif.
Finalement, c’est le modèle économique de certaines activités bénéficiant de ce type de
distribution qui pourrait être déstabilisé, et c’est donc ce qui pourrait motiver certains
gestionnaires à voir en cette exemption un moyen de se donner de l’air, le temps de la
transition. Cependant, cette possibilité d’exemption ne doit pas être vue comme un moyen de
se déresponsabiliser, car cette possibilité reste limitée et plutôt encadrée.
Une possibilité d’exemption limitée. Néanmoins, cela ne sera possible que dans des
hypothèses bien identifiées par la CRE. Les critères justifiant de telles exemptions ne sont pas
évoqués par l’ordonnance, qui ne renvoie pas non plus au décret à venir. Un dialogue devra
donc vraisemblablement s’établir entre la CRE et le gestionnaire afin que cette dernière
puisse déterminer le bilan coût avantage de l’octroi de cette exemption. Il faudra que la CRE
détermine librement et souverainement si la nature particulière des relations entre le
gestionnaire et les utilisateurs du réseau est susceptible de justifier de déroger à la procédure
de validation préalable des tarifs.
L’imprécision de l’ordonnance, comme probablement celle du décret à venir, visent ainsi
certainement à laisser la plus grande liberté possible pour la CRE qui pourra recourir à une
telle exemption pour de multiples raisons, toujours dans l’optique de prendre en compte la
41. 41
spécificité de ces réseaux et ne pas s’encombrer ni elle, ni eux avec des procédures
superflues.
La possibilité résiduelle de procéder à une validation des tarifs malgré l’exemption84
. Il
est néanmoins prévu – là encore conformément à l’article 28 de la Directive 2009/72/CE qui
le prévoit spécifiquement – une possibilité pour un utilisateur du réseau (c’est-à-dire même le
fournisseur d'énergie qui utilise le réseau de distribution pour fournir son client) de saisir la
CRE, afin qu’elle puisse valider les tarifs mis en œuvre, mais qui n’ont pas été validés par le
régulateur du fait de l’accord d’exemption. La CRE pourra donc statuer sur le montant de ces
tarifs a posteriori.
La CRE avait néanmoins demandé à ce que « passé le délai de quatre mois pour rendre sa
décision concernant une demande de vérification et d’approbation des redevances d’accès
présentée par un utilisateur raccordé au réseau fermé de distribution, celle-ci soit réputée
rejetée »85
. Elle n’a malheureusement pas été écoutée et aucun délai pour étudier cette
demande n’est prévu par l’ordonnance. Aussi peut on penser qu’en l’absence de précisions
par le décret à venir, la règle de principe du « silence valant acceptation » sera applicable86
.
La signification de cette possibilité. Par cette possibilité résiduelle on comprend que le
gouvernement a souhaité, d’une part encourager le gestionnaire qui demanderait une
exemption, à mettre au point un tarif juste, en consultant notamment ses utilisateurs. D’autre
part, cette possibilité préserve la fonction d’optimisation de l’exemption, en mettant au point
un système conciliant efficacité administrative – les tarifs étant mis en œuvre sans une
procédure de validation administrativement lourde – et respect de l’équité, puisqu’il est
possible de supposer que la CRE n’accordera une exemption, qu’à condition que le risque de
contestation a posteriori des tarifs soit infime. Ainsi cela oblige également le gestionnaire à
faire tout de même un audit de son réseau, afin de se préparer à parer à toute éventualité.
Vers la deuxième partie. En permettant aux réseaux fermés d’avoir une place juridiquement
consacrées aux côtés des gestionnaires de réseaux publics de distribution, malgré leur
monopole, l’ordonnance du 15 décembre dernier a ouvert la voie à des réseaux intégrés de
84
Art. L. 344-11, Code de l’énergie.
85
CRE, Délib., 20 septembre 2016, préc..
86
Art. L 231-1, Code des relations entre le public et l'administration.
42. 42
distribution, capables de prendre en compte de façon optimale, des situations énergétiques
concrètes très spécifiques. En contrepartie, les rédacteurs de l’ordonnance se sont appliqués à
maîtriser leur développement d’abord d’un point de vu quantitatif, afin de les destiner à des
hypothèses très dérogatoires. Mais le texte veille également à obtenir un développement
qualitatif de ces réseaux en veillant à un accès libre et équitable à ceux-ci. Enfin la mise en
place de cette organisation, place l’autorité administrative et le régulateur indépendant,
agissant de manière complémentaire, en bonne intelligence, comme les pivots de cette
structure en réseau.
Ainsi organisée, la structure de ces réseaux intégrés, doit permettre d’acheminer à
proprement parler de l’électricité par ce réseau. Cette mission revient cette fois-ci au
gestionnaire, qui correspond à la clé de voûte de l’acheminement d’électricité par ces réseaux
fermés. Il n’est plus seulement question de faire en sorte que l’énergie puisse passer par ce
réseau, mais de déterminer « comment » celle-ci va devoir passer. (Partie 2).
43. 43
Partie 2 : L’encadrement de l’acheminement
d’électricité par les réseaux fermés
Plan. L’acheminement repose sur le gestionnaire de réseau, qui peut être identifié une fois
l’existence du réseau fermé caractérisée et l’accès à celui-ci organisé.
Le rôle de gestionnaire se caractérise par la gestion du réseau, avec l’objectif d'assurer
l'acheminement, dans les meilleures conditions possibles, de l'énergie achetée par les
consommateurs aux fournisseurs, ou produite sur le réseau puis vendue à ces mêmes
fournisseurs. Pour ce faire, le gestionnaire doit respecter un certain nombre de règles,
relativement proches de celles imposées au gestionnaire du réseau public (Chapitre 1) 87
.
Il reste que ces réseaux fermés vont tout de même se différencier, en favorisant le recours à
un mode d’acheminement alternatif plus efficient, puisque ce type de réseau doit permettre
d’encourager l’autoconsommation, au prix d’un cloisonnement de la distribution d’électricité
et d’une « privatisation » du service public de la distribution d’électricité (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'encadrement du développement et de l'exploitation des
réseaux fermés par son gestionnaire
Plan. La qualification de gestionnaire d’un réseau fermé permet l’attribution de droits, qui se
distinguent de ceux du propriétaire (I), mais en vertu desquels, il lui est néanmoins possible
de développer et d’exploiter ledit réseau, conformément à ses missions (II).
I. Propriétaire et gestionnaire de réseaux fermés, deux dépositaires
pour une même mission d’acheminement
La distinction des notions de gestionnaire et de propriétaire. Comme le précise l’article
344-4 du Code de l’énergie issu de l’ordonnance du 15 décembre 2016, le gestionnaire d’un
réseau fermé est désigné par le propriétaire. L’article 24 de la directive 2009/72/CE prévoit à
ce sujet, que ce choix se fasse « en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre
économique. » A noter que le propriétaire peut se charger lui-même de la gestion du réseau,
87
Art. L. 322-8, Code de l’énergie.
44. 44
mais que ce n’est pas toujours le cas. Dans les deux hypothèses, l’autorité administrative qui
sera spécifiquement désignée par le décret à venir, devra donner son autorisation.
La fonction de gestionnaire du réseau. D'après la directive 2009/72/CE, le gestionnaire du
réseau fermé de distribution d'électricité est une personne physique ou morale responsable de
l’exploitation, de la maintenance et, si nécessaire, du développement du réseau de distribution
dans une zone donnée et, le cas échéant, de ses interconnexions avec d’autres réseaux.
L’article 344-5 du Code de l’énergie issu de l’ordonnance, énumère les missions du
gestionnaire de réseau. Or outre les missions rendues nécessaires pour aboutir à un accès libre
et équitable au réseau, auxquelles il est fait allusion plus haut88
, cet article prévoit qu’il
revient au gestionnaire des missions se rapportant davantage à l’acheminement de
l’électricité. Le gestionnaire doit en effet, à la lecture de cet article, réaliser des ouvrages du
réseau et exploiter lui-même ce réseau, en en garantissant l'entretien, la maintenance et la
sécurité.
Quid de la nécessaire dissociation des structures de propriété et d’organisation lorsque
le gestionnaire est une entreprise verticalement intégrée. D’après l’article 26 de la
directive précitée, lorsque le gestionnaire de réseau appartient à une entreprise d’électricité
qui confie, directement ou indirectement, à la même personne ou aux mêmes personnes
l’exercice du contrôle, et qui assure en plus de sa fonction de distribution, une fonction de
production ou de fourniture d’électricité (soit une entreprise d’électricité intégrée
verticalement89
), il doit alors être « indépendant, au moins sur le plan de la forme juridique,
de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la distribution ».
Ainsi il n’est pas nécessaire de voir se séparer la propriété des actifs du gestionnaire du
réseau, de celles du reste de l’entreprise d’électricité intégré. En revanche, d’un point de vu
organisationnel des « critères minimaux » de séparation, détaillés par la directive devront être
mis en place90
.
L’organisation des relations entre un gestionnaire et un propriétaire différents pour un
même réseau fermé. Dans cette hypothèse, une convention organisant leurs relations devra
88
V. 4° et 6° de l’article 344-5 du Code de l’énergie
89
V. en ce sens Art. 2, Dir. 2009/72/CE, préc.
90
V. en ce sens le 2°, de l’article 26 de la Directive 2009/72/CE, préc.
45. 45
être passée. En premier lieu, les responsabilités administratives, civiles et pénales reposeront
en principe essentiellement sur le gestionnaire de réseau. Pour autant, les liens contractuels
qui se seront noués entre eux, permettront d’encadrer précisément leurs responsabilités
respectives et de déterminer les conséquences financières subséquentes.
En second lieu, le sort en fin de contrat des biens et équipements nécessaires à l’exploitation
du réseau doit également être réglé par cette convention. Ceci surtout, car il n’est que peu
probable que ces biens puissent bénéficier par principe du droit des concessions de service
public, et par suite du régime applicable aux biens de retour. Il est néanmoins possible que le
juge, au regard de l’affectation du réseau, décide d’exporter ce régime aux biens du réseau
fermé. Aussi, dans l’hypothèse où ce régime seraient néanmoins applicable, les biens conçus,
financés et réalisés par le gestionnaire, mais qui seraient également nécessaires au
fonctionnent du réseau appartiendraient « ab initio » au propriétaire et lui reviendraient
obligatoirement et gratuitement à la fin du contrat91
. Cette question relative au devenir des
biens issus de ce qui pourrait s’apparenter à une concession, est primordiale. Le gestionnaire
a en effet pour mission de développer ce réseau, ce qui entraînera nécessairement la
réalisation d’ouvrages utiles à ce dernier.
Mais surtout, lorsque gestionnaire et propriétaire sont distincts, cette qualification de
gestionnaire emporte la mise à disposition de droits sur les biens en question, lui permettant
de développer et d’exploiter le réseau (II).
II. Le développement et l’exploitation rationnels de l’acheminement
d’électricité
Plan. Au titre de sa mission, le gestionnaire doit développer et exploiter le réseau dont il a la
charge, il lui revient donc d’acheminer l’électricité de manière rationnelle à l’ensemble de la
plateforme de desserte du réseau fermé. C’est pourquoi il doit d’une part assurer la continuité
de ce réseau en veillant notamment, à la conformité technique du réseau (A), et d’autre part,
sécuriser le réseau en veillant notamment, à maintenir un équilibre des flux constamment (B).
A. L’interconnexion avec les autres réseaux
La nécessaire correspondance des normes techniques applicables aux différents
91
V. en ce sens : Avis n° 371.234 du 19 avril 2005 ; CE, Ass., 21 déc. 2012, Cne de Douai, n° 342788 ; CE 26
février 2016, n° 384424, synd. mixte de chauffage urbain de la Défense (SICUDEF).