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1
TEXTE
Je peux te donner un conseil, dit Lalla Aicha : montons tous les trois cet après-midi à Sidi Ali Boughaleb. Cet enfant
ne pourra pas supporter le Msid ; si tu lui faisais boire de l’eau du sanctuaire, il retrouverait sa gaité et sa force.
Ma mère hésitait encore. Pour la convaincre Lalla Aicha parla longuement de ses douleurs de jointures, de ses jambes
qui ne lui obéissaient plus, de ses mains lourdes comme du plomb, des difficultés qu’elle éprouvait à se retourner dans
son lit et des nuits blanches qu’elle avait passées à gémir comme Job sur son grabat. Grâce à Sidi Ali Boughaleb,
patron des médecins et des barbiers, ses douleurs ont disparu.
- Lalla Zoubida, c’est Dieu qui m’envoie pour te secourir, t’indiquer la voie de la guérison, je vous aime, toi et ton fils,
je ne retrouverai jamais le goût de la nourriture, ni de la boisson si je vous abandonne à vos souffrances.
Ma mère promit de visiter sidi Ali Boughaleb et de m’emmener cet après-midi même. Lalla Aicha soupira de
satisfaction. Les deux femmes restèrent à bavarder encore longtemps. Ma mère monta sur la terrasse, redescendit avec
une brassée de plantes aromatiques qu’elle cultivait dans des pots ébréchés et de vieilles marmites d’émail. Elle
parfuma son thé de verveine et de sauge, proposa à Lalla Aicha une petite branche d’absinthe à mettre dans
son verre. Elle refusa poliment, déclara que ce thé était déjà un véritable printemps. Je mis dans mon verre toutes
sortes de plantes aromatiques. Je les laissai longtemps macérer. Mon thé devint amer, mais je savais que cette boisson
soulageait mes fréquentes coliques.
Ma mère se leva pour se préparer. Elle changea de chemise et de Mansouria, chercha au fond du coffre une vieille
ceinture brodée d’un vert passé, trouva un morceau de cotonnade blanche qui lui servait de voile, se drapa dignement
dans son Haik fraîchement lavé. C’était, en vérité, un grand jour. J’eus droit à ma djellaba blanche et je dus quitter
celle de tous les jours, une djellaba grise, d’un gris indéfinissable, constellée de taches d’encre et de ronds de graisse.
Lalla Aicha éprouva toutes sortes de difficultés à s’arracher du matelas où elle gisait. J’ai gardé un vif souvenir de
cette femme, plus large que haute, avec une tête qui reposait directement sur le tronc, les bras courts qui s’agitaient
constamment. Son visage lisse et rond m’inspirait un certain dégoût. Je n’aimais pas qu’elle m’embrassât. Quand elle
venait chez, nous, ma mère m’obligeait à lui baiser la main parce qu’elle était Cherifa, fille du Prophète, parce qu’elle
avait connu la fortune et qu’elle était restée digne malgré les revers du sort. Une relation comme Lalla Aicha flattait
l’orgueil de ma mère.
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TEXTE
Le souk des bijoutiers ressemblait à l’entrée d’une fourmilière. On s’y bousculait, on s’affairait dans toutes les
directions. Personne ne semblait se diriger vers un but précis. Ma mère et Fatma Bziouya nous suivaient, mon père et
moi, à petits pas, étroitement enveloppées dans leurs haïks blancs. Elles discutaient à mi-voix à qui mieux mieux. Les
boutiques très surélevées offraient à nos yeux le clinquant des bijoux d’argent tout neufs qui semblaient coupés dans
du vulgaire fer-blanc, des diadèmes et des ceintures d’or d’un travail si prétentieux qu’ils en perdaient toute noblesse,
ces bijoux ne ressemblaient point aux fleurs.
Aucun mystère ne les baignait. Des mains humaines les avaient fabriqués sans amour pour contenter la vanité des
riches. Ils avaient raison, tous ces boutiquiers, de les vendre au poids, comme des épices. J’en avais mal au cœur. De
nombreux chalands s’agitaient d’une boutique à l’autre. Leurs yeux luisaient d’avidité et de convoitise. D’autres
personnages, hommes et femmes, groupés çà et là, refoulaient leurs larmes. Plus tard, j’ai saisi tout le sens de leur
mélancolie. J’ai senti moi-même cette humiliation de venir offrir à la rapacité indifférente des hommes ce qu’on tenait
pour son bien le plus précieux. Des bijoux auxquels s’attachaient des souvenirs, des ornements de fête qui prenaient
part à toutes nos joies deviennent sur un marché comme celui-ci de pauvres choses qu’on pèse, qu’on renifle, qu’on
tourne et qu’on retourne entre les doigts pour finalement en offrir la moitié de leur prix réel.
Dès notre arrivée, des courtiers ou dellals vinrent nous proposer divers articles. Mon père les regardait à peine. Il les
refusait d’un signe de tête.
Bonne chance
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Lisez attentivement les deux textes, et répondez aux questions Page 2/2
Pr. Karam Ouharou Page 2/2
COMPREHENSION
CONTEXTUALISATION (TEXTE 1) (QUESTIONS DE COURS)
1. Complétez le texte suivant avec les mots choisis dans la liste donnée après.
L’auteur de la Boite à Merveilles est Ahmed Sefrioui. Il est né en ...... à.…………..et il est mort
en 2004 à......Il a écrit cette œuvre en .... Il est aussi l’auteur de...................
(Meknès, 1922, Marrakech, Fès, 1915, Rabat, 1912, 1950, 1952, 1954, la civilisation, ma mère, l’enfant
de sable, le chapelet d’ambre).
2. Quelle relation relie Aicha et Lalla Zoubida ?............................................................
a) Recopier et complétez le tableau suivant :
Titre et auteur Genre littéraire Personnage principal Une autre œuvre de
même auteur
b) Ce passage (Texte 2) est à situer :
a. Après l’achat des bracelets à la mère du narrateur ?
b. Avant l’achat des bracelets à la mère du narrateur ?
c. Justifiez votre réponse par un relevé dans le texte.
 ANALYSE DU TEXTE 1
1. Pour quelle raison Aicha recommande à Lalla Zoubida de ne pas envoyer son fils à l’école ?
2. Aicha a convaincu Lalla Zoubida de la suivre, citez deux arguments qu’elle a avancés.
3. Sidi Ali Boughaleb est un voyant, un fqih, un saint homme, un médecin. Souligne la bonne
réponse.
4. Complétez le tableau suivant :
Enoncé Ancré Coupé Justification
Je peux te donner
un conseil... sa force.
Ma mère promit de
visiter ...coliques.
5. Relevez du texte quatre mots du champ lexical de l’habillement.
6. Quel type de jugement le narrateur porte-t-il sur la visiteuse ? Citez deux mots ou plus pour
justifier votre réponse.
 ANALYSE DU TEXTE 2
1. Relevez dans le texte deux termes appartenant au champ lexical des sentiments et deux autres à
celui du souk.
2. A- Les articles exposés dans le souk sont-ils présentés favorablement ou défavorablement.
B- Relevez deux expressions pour le montrer.
3. Relevez dans le texte deux mots d’origine arabe. Justifiez leur emploi.
4. Pour quelles raisons ces femmes et ces hommes cachaient-ils leurs larmes ?
5. « Plus tard, j’ai saisi tout le sens ... humiliation »
A- De quel type d’énoncé s’agit-il ? Justifiez votre réponse par un indice.
B- S’agit du narrateur enfant ou adulte ?
6. Transformez au discours indirect la phrase suivante, en commençant par « il déclara ... »
« J’ai senti moi-même beaucoup d’humiliation »
 REFLEXION – TEXTE 1
a) Que penses-tu de la proposition de Lalla Aicha à Lalla Zoubida ? Justifiez par un argument.
b) Doit-on respecter une personne juste pour son origine ? Justifiez par un argument.
 REFLEXION – TEXTE 2
c) Selon vous, qu’est-ce qui rend un bijou précieux et valeureux ? justifiez votre réponse.
d) D’après vous, qui aime le plus se parer, s’embellir, en portant des bijoux ? Pourquoi ?
Production écrite Autrefois, nos parents faisaient de l’épargne en achetant de l’or, des bijoux
pour se préparer aux jours difficiles. Partagez-vous cette manière de faire ?
Justifiez votre point de vue à l’aide d’exemples et d’arguments pertinents et convaincants.

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  • 1. Pr. Karam Ouharou Page 1/2 . 1 TEXTE Je peux te donner un conseil, dit Lalla Aicha : montons tous les trois cet après-midi à Sidi Ali Boughaleb. Cet enfant ne pourra pas supporter le Msid ; si tu lui faisais boire de l’eau du sanctuaire, il retrouverait sa gaité et sa force. Ma mère hésitait encore. Pour la convaincre Lalla Aicha parla longuement de ses douleurs de jointures, de ses jambes qui ne lui obéissaient plus, de ses mains lourdes comme du plomb, des difficultés qu’elle éprouvait à se retourner dans son lit et des nuits blanches qu’elle avait passées à gémir comme Job sur son grabat. Grâce à Sidi Ali Boughaleb, patron des médecins et des barbiers, ses douleurs ont disparu. - Lalla Zoubida, c’est Dieu qui m’envoie pour te secourir, t’indiquer la voie de la guérison, je vous aime, toi et ton fils, je ne retrouverai jamais le goût de la nourriture, ni de la boisson si je vous abandonne à vos souffrances. Ma mère promit de visiter sidi Ali Boughaleb et de m’emmener cet après-midi même. Lalla Aicha soupira de satisfaction. Les deux femmes restèrent à bavarder encore longtemps. Ma mère monta sur la terrasse, redescendit avec une brassée de plantes aromatiques qu’elle cultivait dans des pots ébréchés et de vieilles marmites d’émail. Elle parfuma son thé de verveine et de sauge, proposa à Lalla Aicha une petite branche d’absinthe à mettre dans son verre. Elle refusa poliment, déclara que ce thé était déjà un véritable printemps. Je mis dans mon verre toutes sortes de plantes aromatiques. Je les laissai longtemps macérer. Mon thé devint amer, mais je savais que cette boisson soulageait mes fréquentes coliques. Ma mère se leva pour se préparer. Elle changea de chemise et de Mansouria, chercha au fond du coffre une vieille ceinture brodée d’un vert passé, trouva un morceau de cotonnade blanche qui lui servait de voile, se drapa dignement dans son Haik fraîchement lavé. C’était, en vérité, un grand jour. J’eus droit à ma djellaba blanche et je dus quitter celle de tous les jours, une djellaba grise, d’un gris indéfinissable, constellée de taches d’encre et de ronds de graisse. Lalla Aicha éprouva toutes sortes de difficultés à s’arracher du matelas où elle gisait. J’ai gardé un vif souvenir de cette femme, plus large que haute, avec une tête qui reposait directement sur le tronc, les bras courts qui s’agitaient constamment. Son visage lisse et rond m’inspirait un certain dégoût. Je n’aimais pas qu’elle m’embrassât. Quand elle venait chez, nous, ma mère m’obligeait à lui baiser la main parce qu’elle était Cherifa, fille du Prophète, parce qu’elle avait connu la fortune et qu’elle était restée digne malgré les revers du sort. Une relation comme Lalla Aicha flattait l’orgueil de ma mère. . 2 TEXTE Le souk des bijoutiers ressemblait à l’entrée d’une fourmilière. On s’y bousculait, on s’affairait dans toutes les directions. Personne ne semblait se diriger vers un but précis. Ma mère et Fatma Bziouya nous suivaient, mon père et moi, à petits pas, étroitement enveloppées dans leurs haïks blancs. Elles discutaient à mi-voix à qui mieux mieux. Les boutiques très surélevées offraient à nos yeux le clinquant des bijoux d’argent tout neufs qui semblaient coupés dans du vulgaire fer-blanc, des diadèmes et des ceintures d’or d’un travail si prétentieux qu’ils en perdaient toute noblesse, ces bijoux ne ressemblaient point aux fleurs. Aucun mystère ne les baignait. Des mains humaines les avaient fabriqués sans amour pour contenter la vanité des riches. Ils avaient raison, tous ces boutiquiers, de les vendre au poids, comme des épices. J’en avais mal au cœur. De nombreux chalands s’agitaient d’une boutique à l’autre. Leurs yeux luisaient d’avidité et de convoitise. D’autres personnages, hommes et femmes, groupés çà et là, refoulaient leurs larmes. Plus tard, j’ai saisi tout le sens de leur mélancolie. J’ai senti moi-même cette humiliation de venir offrir à la rapacité indifférente des hommes ce qu’on tenait pour son bien le plus précieux. Des bijoux auxquels s’attachaient des souvenirs, des ornements de fête qui prenaient part à toutes nos joies deviennent sur un marché comme celui-ci de pauvres choses qu’on pèse, qu’on renifle, qu’on tourne et qu’on retourne entre les doigts pour finalement en offrir la moitié de leur prix réel. Dès notre arrivée, des courtiers ou dellals vinrent nous proposer divers articles. Mon père les regardait à peine. Il les refusait d’un signe de tête. Bonne chance Page 1/2
  • 2. Lisez attentivement les deux textes, et répondez aux questions Page 2/2 Pr. Karam Ouharou Page 2/2 COMPREHENSION CONTEXTUALISATION (TEXTE 1) (QUESTIONS DE COURS) 1. Complétez le texte suivant avec les mots choisis dans la liste donnée après. L’auteur de la Boite à Merveilles est Ahmed Sefrioui. Il est né en ...... à.…………..et il est mort en 2004 à......Il a écrit cette œuvre en .... Il est aussi l’auteur de................... (Meknès, 1922, Marrakech, Fès, 1915, Rabat, 1912, 1950, 1952, 1954, la civilisation, ma mère, l’enfant de sable, le chapelet d’ambre). 2. Quelle relation relie Aicha et Lalla Zoubida ?............................................................ a) Recopier et complétez le tableau suivant : Titre et auteur Genre littéraire Personnage principal Une autre œuvre de même auteur b) Ce passage (Texte 2) est à situer : a. Après l’achat des bracelets à la mère du narrateur ? b. Avant l’achat des bracelets à la mère du narrateur ? c. Justifiez votre réponse par un relevé dans le texte.  ANALYSE DU TEXTE 1 1. Pour quelle raison Aicha recommande à Lalla Zoubida de ne pas envoyer son fils à l’école ? 2. Aicha a convaincu Lalla Zoubida de la suivre, citez deux arguments qu’elle a avancés. 3. Sidi Ali Boughaleb est un voyant, un fqih, un saint homme, un médecin. Souligne la bonne réponse. 4. Complétez le tableau suivant : Enoncé Ancré Coupé Justification Je peux te donner un conseil... sa force. Ma mère promit de visiter ...coliques. 5. Relevez du texte quatre mots du champ lexical de l’habillement. 6. Quel type de jugement le narrateur porte-t-il sur la visiteuse ? Citez deux mots ou plus pour justifier votre réponse.  ANALYSE DU TEXTE 2 1. Relevez dans le texte deux termes appartenant au champ lexical des sentiments et deux autres à celui du souk. 2. A- Les articles exposés dans le souk sont-ils présentés favorablement ou défavorablement. B- Relevez deux expressions pour le montrer. 3. Relevez dans le texte deux mots d’origine arabe. Justifiez leur emploi. 4. Pour quelles raisons ces femmes et ces hommes cachaient-ils leurs larmes ? 5. « Plus tard, j’ai saisi tout le sens ... humiliation » A- De quel type d’énoncé s’agit-il ? Justifiez votre réponse par un indice. B- S’agit du narrateur enfant ou adulte ? 6. Transformez au discours indirect la phrase suivante, en commençant par « il déclara ... » « J’ai senti moi-même beaucoup d’humiliation »  REFLEXION – TEXTE 1 a) Que penses-tu de la proposition de Lalla Aicha à Lalla Zoubida ? Justifiez par un argument. b) Doit-on respecter une personne juste pour son origine ? Justifiez par un argument.  REFLEXION – TEXTE 2 c) Selon vous, qu’est-ce qui rend un bijou précieux et valeureux ? justifiez votre réponse. d) D’après vous, qui aime le plus se parer, s’embellir, en portant des bijoux ? Pourquoi ? Production écrite Autrefois, nos parents faisaient de l’épargne en achetant de l’or, des bijoux pour se préparer aux jours difficiles. Partagez-vous cette manière de faire ? Justifiez votre point de vue à l’aide d’exemples et d’arguments pertinents et convaincants.