2. Si les poissons pouvaient chanter,
Si les poules pouvaient nager,
Si les souris savaient siffler,
Si les oies pouvaient patiner,
Si les chats savaient raboter,
Je serais certes le premier
De la classe au bout de l'année.
Mais les poissons ne chantent pas,
Mais les poules ne nagent pas,
Mais les souris ne sifflent pas,
Mais les oies ne patinent pas,
Mais las chats ne rabotent pas.
C'est pourquoi je demeure là
À sécher comme un cancrelat
Sur le problème que voilà.
Maurice Carême
Arturo
3. Très haut amour, s'il se peut que je
meure
Sans avoir su d'où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle
heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon
jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour.
Quand je serai pour moi—même perdue
Et divisée à l'abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l'univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu'au néant
vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l'esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.
Catherine Pozzi
Eva
4. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul VERLAINE (1844-1896)
5. Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup,
Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne,
Il ne dure qu'un instant, mais son souvenir est parfois éternel,
Personne n'est assez riche pour s'en passer,
Personne n'est assez pauvre pour ne pas le mériter,
Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires,
Il est le signe sensible de l'amitié,
Un sourire donne du repos à l'être fatigué,
Donne du courage au plus découragé
Il ne peut ni s'acheter, ni se prêter, ni se voler,
Car c'est une chose qui n'a de valeur qu'à partir du moment où il se
donne.
Et si toutefois, vous rencontrez quelqu'un qui ne sait plus sourire,
Soyez généreux donnez-lui le vôtre,
Car nul n'a autant besoin d'un sourire
Que celui qui ne peut en donner aux autres.
Raoul Follereau (1903-1977)
Cristina
6. Cher frère blanc,
Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur ?
Léopold Sedar Senghor
7. « Adieu Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te
fera de ces récits hideux qui t'on empoisonnée, réponds
ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs,
inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et
lâches méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont
perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et
dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les
phoques les plus informes rampent et se tordent sur des
montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose
sainte et sublime, c'est l'union de ces deux êtres si
imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en
amour souvent blessé et souvent malheureux ; mais on
aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se
retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai
souffert souvent, je me suis trompé quelques fois : mais
j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être
factice créé par mon orgueil et mon ennui. »
Alfred de Musset (1810-1857)
Cristina
8. Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
(Victor Hugo 1856)
Paula
9. En sortant de l'école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré
Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés
Au-dessus de la mer
nous avons rencontré
la lune et les étoiles
sur un bateau à voiles
partant pour le Japon
et les trois mousquetaires
des cinq doigts de la main
tournant ma manivelle
d'un petit sous-marin
plongeant au fond des mers
pour chercher des oursins
Revenant sur la terre
nous avons rencontré
sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait
fuyait tout autour de la Terre
fuyait tout autour de la mer
fuyait devant l'hiver
qui voulait l'attraper
Mais nous sur notre chemin de
fer
on s'est mis à rouler
rouler derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués
C'était lui le garde-barrière
et il nous a bien remerciés
et toutes les fleurs de toute la
terre
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie du chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer
Alors on est revenu à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles.
Paula
10. Que me veux-tu, chère fleurette, Dors sur mon coeur, fraîche et
Aimable et charmant souvenir ? légère.
Demi-morte et demi-coquette,
Je connais trop bien cette main,
Jusqu’à moi qui te fait venir ?
Pleine de grâce et de caprice,
Sous ce cachet enveloppée,
Qui d’un brin de fil souple et fin
Tu viens de faire un long chemin. A noué ton pâle calice.
Qu’as-tu vu ? que t’a dit la main Cette main-là, petite fleur,
Qui sur le buisson t’a coupée ?
Ni Phidias ni Praxitèle
N’es-tu qu’une herbe desséchée N’en auraient pu trouver la soeur
Qui vient achever de mourir ?
Qu’en prenant Vénus pour
Ou ton sein, prêt à refleurir,
modèle.
Renferme-t-il une pensée ?
Elle est blanche, elle est douce et
Ta fleur, hélas ! a la blancheur
belle,
De la désolante innocence ;
Franche, dit-on, et plus encor ;
Mais de la craintive espérance
A qui saurait s’emparer d’elle
Ta feuille porte la couleur.
Elle peut ouvrir un trésor.
As-tu pour moi quelque message ? Mais elle est sage, elle est sévère
Tu peux parler, je suis discret.
;
Ta verdure est-elle un secret ?
Quelque mal pourrait m’arriver.
Ton parfum est-il un langage ?
Fleurette, craignons sa colère.
S’il en est ainsi, parle bas,
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
Mystérieuse messagère ;
S’il n’en est rien, ne réponds pas ;
Javi
11. L’homme est la plus élevée des
créatures;
la femme est le plus sublime des
idéaux.
Dieu a fait pour l’homme un trône;
pour la femme un autel.
Le trône exalte; l’autel sanctifie.
L’homme est le cerveau,
la femme le coeur.
Le cerveau fabrique la lumière; le
coeur produit l’Amour.
La lumière féconde; l’Amour
ressuscite.
L’homme est fort par la raison;
la femme est invincible par les
larmes.
La raison convainc;
les larmes émeuvent.
L’homme est capable de tous les
héroïsmes;
la femme de tous les martyres.
L’héroïsme ennoblit;
le martyre sublime.
L’homme a la suprématie;
auréole.
la femme la préférence.
L’homme est un océan;
La suprématie signifie la force ;
la femme est un lac.
la préférence représente le droit. L’Océan a la perle qui orne;
L’homme est un génie,
le lac, la poésie qui éclaire.
la femme un ange.
L’homme est un aigle qui vole;
Le génie est incommensurable;
la femme est le rossignol qui chante.
l’ange indéfinissable.
Voler, c’est dominer l’espace;
L’aspiration de l’homme, c’est la
chanter, c’est conquérir l’Ame.
suprême gloire;
L’homme est un Temple;
l’aspiration de la femme, c’est
la femme est le Sanctuaire.
Devant le Temple nous nous
l’extrême vertu.
La gloire fait tout ce qui est grand; découvrons;
devant le Sanctuaire nous nous
la vertu fait tout ce qui est divin.
L’homme est un Code;
agenouillons.
Enfin: l’homme est placé où finit la
la femme un Evangile.
Le Code corrige;
terre;
l’Evangile parfait.
la femme où commence le ciel ».
L’homme pense;
la femme songe.
Victor Hugo (1802 -1885)
Penser, c’est avoir dans le crâne une
larve;
songer, c’est avoir sur le front une
Paula
12. Il a mis le cafe dans la tasse
Il a mis le lait dans la tasse de cafe
Il a mis le sucre dans le cafe au lait
Avec la petite cuillère il a tourné
Il a bu le cafe au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé une cigarette
Il a fait des ronds avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti sous la pluie
Sans une parole
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main et j'ai pleure.
Jacques Prévert (1900 - 1977)
Cristina
13. « Pourquoi le léopard a-t-il des taches ? » Les nombreux parents embarrassés par
cette question pourront enfin répondre à leurs enfants trop curieux : il s’est adapté à
son environnement et les taches lui permettent de mieux se camoufler. De plus, les
différences entre les pelages et les taches de la plupart des félins sont liées à leur
habitat de prédilection et à leurs habitudes de chasse et de vie. […]
« Des taches complexes et irrégulières sont vraisemblablement un bon camouflage
dans les forêts », où la lumière qui passe entre les feuilles des arbres produit un
éclairage moucheté d’ombres aux contours imprécis, résume William Allen, l’un des
auteurs de l’étude publiée par la Royal Society. « C’est particulièrement vrai des
félins qui passent beaucoup de temps dans les arbres avec une lumière faible,
autrement dit les chasseurs nocturnes », souligne-t-il.
L’étude permet même de penser que le motif des taches évolue avec le temps pour
se rapprocher des éléments du décor naturel en termes de taille, de forme et de
variété.
Que les enfants espiègles ne désespèrent pas ! Car les rayures verticales d’un autre
félin, le tigre, refusent encore de livrer leur secret aux scientifiques !
D’après Le Nouvel Observateur, 20 octobre 2010
Agur
14. La vie n’est pas un sport qu’on se contente
de regarder. Gagner, perdre, ou faire
match nul, la partie est en cours, qu’on le
veuille ou non. Alors allez-y, discutez avec
l’arbitre, changez les règles, trichez un
peu. Faites une pause et soignez vos plaies.
Mais jouez. Jouez ! Jouez le jeu. Jouez
vite. Jouez librement. Jouez comme si il
n’y avait pas de lendemain. D’accord,
l’important n’est pas de gagner ou de
perdre, l’important c’est la manière de
jouer.
Amelia
15. N’attendez pas de moi que je vais vous donner
Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
Je suis par le printemps vaguement attendri.
Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
Croire, remercier confusément les choses,
Vivre sans reprocher les épines aux roses,
Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.
Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces messieurs faire avec ces dames des manières.
Víctor Hugo
Javi
16. Tout au long de l'année
Me parle cette source
En janvier enneigée,
En février gelée,
En mars encore boueuse,
En avril chuchotante
En mai garnie de fleurs,
En juin toute tiédeur,
En juillet endormie,
En août presque tarie,
En septembre chantante,
En octobre dorée,
En novembre frileuse
En décembre glacée.
C'est toi, petite source,
Le coeur de la forêt !
LOUIS GUILLAUME
Arturo
17. Il faut garder quelques sourires pour se
moquer des jours sans joie"
(1888- 1948)
"Être capable de trouver sa joie dans la
joie de l'autre; voilà le secret du bonheur."
"Si on n'aime pas trop, on n'aime pas assez"
"Quand la verité n'est pas libre, la liberté
n'est pas vraie"
(Cuando la verdad no es libre, la libertad no
es verdadera)
“On me dit que le destin se moque bien de
nous
Qu'il ne nous donne rien et qu'il nous
promet tout”