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Le Web 3.0 sera-t-il le Space Web ?
Et si le désert brûlant du Sahara était connecté aux vertigineux sommets de l’Himalaya ? Et
l’exotique océan indien conversait avec la froide Laponie ? Et si Mars pouvait Skyper avec
avec la géante bleue ? Toutes ces questions fantasmatiques qui ont fait et font toujours rêver
les adeptes de la science-fiction, Elon Musk a décidé d’y répondre d’une façon prometteuse et
désinvolte qui nous interroge sur notre façon de communiquer et de nous déplacer. Je vous
propose dans cet article de revenir, à l’aune d’un projet aussi ambitieux qu’étonnant, sur la
genèse de ce qui pourrait devenir le « Space Web ».
I) l’Internet planétaire
« Salut à tous, je m’appelle Elon Musk. Je suis le fondateur de SpaceX. Dans 5 ans vous êtes
tous morts. » E.Musk (Mars 2006, le salon Satellite, à Washington)
En préambule, introduisons l’un des précurseurs de ce projet universaliste, j’ai nommé Elon
Musk. D’origine Sud-Africaine, notre homme est un inventeur / entrepreneur iconoclaste
ayant inspiré Tony Stark, le truculent milliardaire super héros des Avengers. Il est notamment
le co-fondateur de Paypal, Tesla Motor et à l’origine du programme Hyperloop1
. Sa fortune
personnelle est estimée à 8,4 milliards de dollars en 2014… Ca vous pose le bonhomme.
Sa dernière idée en date ? Connecter au maître réseau chaque parcelle du globe (en haut débit
et sans fil) afin que chacun, quel qu’il soit et où qu’il soit, y ait accès. Pour parvenir à une
telle prouesse technologique, Musk compte déployer une flotte de 4000 micro satellites de
moins de 115 kilos à 1200 kms d’altitude en vol géostationnaire (c'est-à-dire immobile au-
dessus du même point et donc au déplacement identique à celui de la terre, suivant sa
rotation). Pour parvenir à ses fins, le milliardaire philanthrope et Greg Wyler (PDG de
Oneweb et fondateur d’O3b Networks, un opérateur de satellites de télécommunications)
comptent investir 10 milliards de dollars et une équipe qui pourrait compter jusqu’à un millier
de personnes en 2020.
On peut noter que ce projet d’Elon Musk n’est pas unique puisque Google a par exemple
racheter Sky Box, fabricant de micro satellites et Titan Aerospace concepteur de drones pour
mener à bien son projet Loon2
. Facebook (en partenariat avec Samsung, Ericsson, MediaTek,
Nokia, Opera Software et Qualcomm) à, de son coté, lancé son Connectivy Labs et recrutés
d’anciens experts de la NASA dans le cadre de son projet Internet.org3
.
Rappelons que si une connexion satellitaire à Internet existe déjà à l’heure actuelle, elle est
loin de couvrir l’intégralité du globe et pose des problèmes liés à l’équipement d’une antenne
parabolique.
1
Le programme Hyperloop : projet visant à mettre au point un mode de transport très rapide via un double tube
surélevé dans lequel se déplacent des capsules
2
Le projet Loon : projet utilisant des ballons stratosphériques gonflés à l’hélium offrant une connexion dans un
champ de 40 kilomètres autour d’eux à un débit comparable à la 3G.
3
Le projet Internet.org : le projet en lui-même repose essentiellement sur des tests en laboratoire concernant
différentes méthodes en vue de parvenir à une connexion mondiale.
II) Mars attaque
« J’aimerais mourir sur Mars… Mais pas à l’atterrissage » E.Musk
La seconde idée d’Elon Musk n’est rien de moins que de connecter la planète Mars au Web en
vue d’y poser, à moyen terme, une colonie d’humains. Pour y parvenir, le créateur de SpaceX
compte dupliquer son projet de connexion générale et planétaire en l’adaptant aux exigences
spatiales. Pour la source d’inspiration d’Iron Man, le futur de l’humanité est inextricablement
lié à la conquête spatiale dont la première étape est Mars. Dans cette hypothèse, Musk
considère que pour y implanter une civilisation pérenne, 1 million de personnes devront faire
le voyage et y résider, permettant ainsi, le démarrage d’une civilisation nouvelle. Musk voit
donc en SpaceX une rampe de lancement à un autre projet : Mars One4
.
Si techniquement l’ambition semble réalisable, elle pose de sérieuses questions économiques.
Le coût de lancement et de maintenance d’une flotte aussi importante de satellites ne
risquerait-il par exemple pas d’exploser ?
III) Si l’homme ne pose pas Internet sur Mars alors Internet posera l’homme sur Mars
Depuis les années 1960, de nombreux engins ont été envoyés sur Mars par l’homme dans
divers objectifs. Ainsi, une quarantaine de sondes, orbiteurs et autres atterrisseurs ont posé les
premiers jalons d’un voyage colonisateur et certains d’entre eux pouvaient ou peuvent déjà
communiquer aux bases terrestres les informations qu’ils récoltent. Nous pouvons citer en
exemple le robot américain Curiosity, les astromobiles Spirit (MER A) et Opportunity (MER
B) ou encore la sonde européenne Mars Express. Il s’agit cependant de communications à
puissance très limitée (32 bits/seconde maximum) loin du haut débit promis par Musk.
Outre l’intérêt technique et scientifique de relier Mars à Internet et d’y envoyer une colonie en
vue d’y fonder une ville, l’approche d’Elon Musk semble particulièrement intéressante. En
effet, ce dernier considère que ce n’est pas l’homme qui tirera Internet sur Mars mais Internet
qui fera atterrir l’homme sur Mars. La bascule est ainsi faite, désormais, ce sera la capacité de
l’homme à communiquer qui conditionnera son potentiel d’exploration de telle sorte que la
capacité intrinsèque et physique de voyager deviendra une problématique secondaire. Si
auparavant, l’explorateur se jetait à la découverte de terres inconnues, tel Christophe Colomb
du nouveau monde en sacrifiant sa capacité de communiquer avec sa base d’origine, il
apparait qu’aujourd’hui, notre ambition spatiale combinée aux technologies de la
télécommunication toujours plus performantes ne permettent plus d’envisager une telle
configuration. Ainsi établi, le changement de paradigme confère au Web une dimension plus
« astronomique », ne se contentant plus d’être un réseau de communication mais également,
voir principalement, d’exploration. Ce réseau qui avait été vanté comme mettant le monde
dans le foyer de chacun devient concrètement bidirectionnel pour, possiblement, mettre le
foyer de chacun dans un autre monde.
4
Le projet Mars One : projet visant à installer une colonie humaine sur la planète Mars et y résider dès 2024

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  • 1. Le Web 3.0 sera-t-il le Space Web ? Et si le désert brûlant du Sahara était connecté aux vertigineux sommets de l’Himalaya ? Et l’exotique océan indien conversait avec la froide Laponie ? Et si Mars pouvait Skyper avec avec la géante bleue ? Toutes ces questions fantasmatiques qui ont fait et font toujours rêver les adeptes de la science-fiction, Elon Musk a décidé d’y répondre d’une façon prometteuse et désinvolte qui nous interroge sur notre façon de communiquer et de nous déplacer. Je vous propose dans cet article de revenir, à l’aune d’un projet aussi ambitieux qu’étonnant, sur la genèse de ce qui pourrait devenir le « Space Web ». I) l’Internet planétaire « Salut à tous, je m’appelle Elon Musk. Je suis le fondateur de SpaceX. Dans 5 ans vous êtes tous morts. » E.Musk (Mars 2006, le salon Satellite, à Washington) En préambule, introduisons l’un des précurseurs de ce projet universaliste, j’ai nommé Elon Musk. D’origine Sud-Africaine, notre homme est un inventeur / entrepreneur iconoclaste ayant inspiré Tony Stark, le truculent milliardaire super héros des Avengers. Il est notamment le co-fondateur de Paypal, Tesla Motor et à l’origine du programme Hyperloop1 . Sa fortune personnelle est estimée à 8,4 milliards de dollars en 2014… Ca vous pose le bonhomme. Sa dernière idée en date ? Connecter au maître réseau chaque parcelle du globe (en haut débit et sans fil) afin que chacun, quel qu’il soit et où qu’il soit, y ait accès. Pour parvenir à une telle prouesse technologique, Musk compte déployer une flotte de 4000 micro satellites de moins de 115 kilos à 1200 kms d’altitude en vol géostationnaire (c'est-à-dire immobile au- dessus du même point et donc au déplacement identique à celui de la terre, suivant sa rotation). Pour parvenir à ses fins, le milliardaire philanthrope et Greg Wyler (PDG de Oneweb et fondateur d’O3b Networks, un opérateur de satellites de télécommunications) comptent investir 10 milliards de dollars et une équipe qui pourrait compter jusqu’à un millier de personnes en 2020. On peut noter que ce projet d’Elon Musk n’est pas unique puisque Google a par exemple racheter Sky Box, fabricant de micro satellites et Titan Aerospace concepteur de drones pour mener à bien son projet Loon2 . Facebook (en partenariat avec Samsung, Ericsson, MediaTek, Nokia, Opera Software et Qualcomm) à, de son coté, lancé son Connectivy Labs et recrutés d’anciens experts de la NASA dans le cadre de son projet Internet.org3 . Rappelons que si une connexion satellitaire à Internet existe déjà à l’heure actuelle, elle est loin de couvrir l’intégralité du globe et pose des problèmes liés à l’équipement d’une antenne parabolique. 1 Le programme Hyperloop : projet visant à mettre au point un mode de transport très rapide via un double tube surélevé dans lequel se déplacent des capsules 2 Le projet Loon : projet utilisant des ballons stratosphériques gonflés à l’hélium offrant une connexion dans un champ de 40 kilomètres autour d’eux à un débit comparable à la 3G. 3 Le projet Internet.org : le projet en lui-même repose essentiellement sur des tests en laboratoire concernant différentes méthodes en vue de parvenir à une connexion mondiale.
  • 2. II) Mars attaque « J’aimerais mourir sur Mars… Mais pas à l’atterrissage » E.Musk La seconde idée d’Elon Musk n’est rien de moins que de connecter la planète Mars au Web en vue d’y poser, à moyen terme, une colonie d’humains. Pour y parvenir, le créateur de SpaceX compte dupliquer son projet de connexion générale et planétaire en l’adaptant aux exigences spatiales. Pour la source d’inspiration d’Iron Man, le futur de l’humanité est inextricablement lié à la conquête spatiale dont la première étape est Mars. Dans cette hypothèse, Musk considère que pour y implanter une civilisation pérenne, 1 million de personnes devront faire le voyage et y résider, permettant ainsi, le démarrage d’une civilisation nouvelle. Musk voit donc en SpaceX une rampe de lancement à un autre projet : Mars One4 . Si techniquement l’ambition semble réalisable, elle pose de sérieuses questions économiques. Le coût de lancement et de maintenance d’une flotte aussi importante de satellites ne risquerait-il par exemple pas d’exploser ? III) Si l’homme ne pose pas Internet sur Mars alors Internet posera l’homme sur Mars Depuis les années 1960, de nombreux engins ont été envoyés sur Mars par l’homme dans divers objectifs. Ainsi, une quarantaine de sondes, orbiteurs et autres atterrisseurs ont posé les premiers jalons d’un voyage colonisateur et certains d’entre eux pouvaient ou peuvent déjà communiquer aux bases terrestres les informations qu’ils récoltent. Nous pouvons citer en exemple le robot américain Curiosity, les astromobiles Spirit (MER A) et Opportunity (MER B) ou encore la sonde européenne Mars Express. Il s’agit cependant de communications à puissance très limitée (32 bits/seconde maximum) loin du haut débit promis par Musk. Outre l’intérêt technique et scientifique de relier Mars à Internet et d’y envoyer une colonie en vue d’y fonder une ville, l’approche d’Elon Musk semble particulièrement intéressante. En effet, ce dernier considère que ce n’est pas l’homme qui tirera Internet sur Mars mais Internet qui fera atterrir l’homme sur Mars. La bascule est ainsi faite, désormais, ce sera la capacité de l’homme à communiquer qui conditionnera son potentiel d’exploration de telle sorte que la capacité intrinsèque et physique de voyager deviendra une problématique secondaire. Si auparavant, l’explorateur se jetait à la découverte de terres inconnues, tel Christophe Colomb du nouveau monde en sacrifiant sa capacité de communiquer avec sa base d’origine, il apparait qu’aujourd’hui, notre ambition spatiale combinée aux technologies de la télécommunication toujours plus performantes ne permettent plus d’envisager une telle configuration. Ainsi établi, le changement de paradigme confère au Web une dimension plus « astronomique », ne se contentant plus d’être un réseau de communication mais également, voir principalement, d’exploration. Ce réseau qui avait été vanté comme mettant le monde dans le foyer de chacun devient concrètement bidirectionnel pour, possiblement, mettre le foyer de chacun dans un autre monde. 4 Le projet Mars One : projet visant à installer une colonie humaine sur la planète Mars et y résider dès 2024