SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  1
Télécharger pour lire hors ligne
722SMROULL_10-13a:SDR-alpha.qxp 23/03/10 20:24 Page11




                                                                                                                                                                                 La Semaine du Roussillon
         Du 25 mars au 1er avril 2010                                                              Dossier                                                                                       N°722              11

                                                                                                                                      une écriture penchée sur une feuille         Julien Jouanneau donne l’avis
                                                                                                                                      blanche portant en en-tête l’adresse         d’Alain Buquet, expert en écritures
                                                                                                                                      canétoise du chanteur, surprend par          agréé par la Cour de cassation.
                                                                                                                                      sa brièveté. Il réduit la « totalité »       Alain Buquet affirme que le testa-
                                                                                                                                      des biens à la villa de Juan-les-Pins,       ment est paraphé par une signature
                                                                                                                                      au manoir d’Aix-en-Provence et à             «  de fantaisie  » et que dans la
                                                                                                                                      l’appartement de Canet-plage en              deuxième partie, « il ne s’agirait
                                                                                                                                      Roussillon, avec meubles et                  pas de l’écriture de Trenet. »
                                                                                                                                      tableaux, auxquels s’ajoutent les
                                                                                                                                      fonds déposés sur plusieurs
                                                                                                                                      comptes bancaires, soit « trente                « Je ne le signerai
                                                                                                                                      deux millions ». Charles oublie
                                                                                                                                      curieusement de mentionner son
                                                                                                                                                                                             pas »
                                                                                                                                      impressionnante collection de voi-           Fin 99, Charles Trenet est très dimi-
                                                                                                                                      tures qui lui tient tant à cœur et, sur-     nué par la maladie. Handicapé par
                                                                                                                                      tout, ses droits d’auteur. Il termine        une blessure qui aurait été provo-
                                                                                                                                      le testament pas ces mots : « Mon-           quée en octobre par un cycliste, il
                                                                                                                                      sieur El Assidi est donc mon léga-           fait ses adieux au public parisien,
                                                                                                                                      taire universel et nulle autre per-          salle Pleyel, en chantant assis. Le 19




                                                                                                                                                                           Au restaurant «Les Glycines» avec à sa droite
                                                                                                                                                                        Marcel Bassole et à sa gauche Georges El Assidi
                                                                                                                                      sonne ne pourra se prévaloir en la           décembre, il est victime, devant
                                                                                                                                      matière… à moins d’un codicille              témoin, d’un grave malaise, peut-
                                                                                                                                      écrit de ma main. » Ces derniers             être un premier accident cérébral. Il
                                                                                                                                      mots contredisent la première ligne          refuse, aux dires de Georges, une
                                                                                                                                      du document qui fait état d’un « tes-        assistance médicale. Quelques
                                                                                                                                      tament formel et irréfragable ».             jours plus tard, il signe le testament
                                                                                                                                      Mais ce n’est pas tout. Quelques             qu’il remet à Georges en lui disant,
                                                                                                                                      lignes sont ajoutées au verso  :             selon ce dernier : « Je te dois tout. »
                                                                                                                                      « Bien sûr toutes les sommes d’ar-           Ce testament, justement, quelqu’un
                                                                                                                                      gent qui figurent dans ces volontés          affirme l’avoir vu dès l’été 99 : c’est
                                                                                                                                      seront calculées en euros. » L’euro          Adrien Calbet, dit Gora, employé
                                                                                                                                      n’entrant en vigueur qu’un peu plus          de Charles Trenet à la villa de Juan-
                                                                                                                                      d’un an plus tard, on ne peut qu’ad-         les-Pins pendant 37 ans. Pour lui, il
                                                                                                                                      mirer la faculté d’anticipation de           ne fait aucun doute qu’il s’agit du
                                                                                                                                      Charles Trenet, alors âgé de 86 ans.         même document, mais il n’était ni
                                                                                                                                                                                   signé ni daté. Et Charles aurait dit à
                                                                                                                                                                                   Adrien Calbet : « Je ne le signerai
                                                                                                                                            Une signature                          pas ! Il est capable de m’empoison-
                                                                                                                                            « de fantaisie »                       ner si je le fais. »
                                                                                                                                                                                   Le chanteur avait-il peur de
                                                                                                                                      Un examen plus approfondi fut                Georges ? En septembre 99, Sté-
                                                                                                                                      demandé par la famille à une exper-          phane Péniguel, photographe de
                                                                                                                                      te en écriture, Mme de la Roque,             Charles, assiste à une dispute à
                                                                                                                                      psychologue, diplômée du groupe-             Nogent-sur-Marne, au cours de
                                                                                                                                      ment des graphologues-conseils de            laquelle Georges menace de ne plus
                                                                                                                                      France, qui, relevant que la deuxiè-         s’occuper de Charles si ce dernier
                                                                                                                                      me ligne du testament commençait             ne régularise pas son testament.
                                                                                                                                      par une majuscule, nota : « A la             Charles aurait éclaté en pleurs et se
                                                                                                                                      lumière de l’examen graphique du             serait réfugié dans sa chambre.
                                                                                                                                      J majuscule, l’hypothèse selon               Il semblerait qu’à cette époque,
                                                                                                                                      laquelle il y aurait eu rupture de           Georges avait dressé un mur entre le
                                                                                                                                      temps au sein même de la première            vieil homme et sa famille. Lucienne
                                                                                                                                      page est totalement vraisemblable :          qui avait toujours été très proche de
                                                                                                                                      le testament commençait par : « Je           son frère n’avait plus que de rares
                                                                                                                                      lègue », ensuite, plus tard, la date et      nouvelles de lui. Il en était de même
                           La tombe de Charles Trenet                                                                                 la première ligne ont été rajou-             de Wulfran, son neveu, dont les
                                         à Narbonne     Le testament en question : quelques lignes sur une                            tées. » Selon sa conclusion, « l’idée        courriers restaient sans réponse et
                                                        feuille de papier qui porte en en-tête l’adresse de                           d’un éventuel codicille introduite           les appels téléphoniques vains.
                                                        l’appartement de Canet.                                                       par Monsieur Charles Trenet, avec
                                                                                                                                      ses trois points de suspension mali-
                                                        Deux graphologues concluent après examen qu’il a été écrit en deux            cieux dans le testament litigieux,                 « Je n’ai oublié
                                                        fois. Ils notent que la deuxième ligne commence par une capitale.
                                                        Autres anomalies : le blanc précédent le montant des comptes en
                                                                                                                                      indique sa volonté implicite de
                                                                                                                                      changement d’intention. Tout se
                                                                                                                                                                                           personne »
                                                        banque ainsi que la majuscule à « Trente deux millions ».                     passe comme s’il finit par céder aux         Le 14 avril 2000, Charles Trenet est
                                                        L’un des graphologues relève la contradiction entre la première ligne         pressions réitérées de Monsieur              admis à l’hôpital américain de
                                                        (un testament « irréfragable », c’est-à-dire qu’on ne peut contredire,        Georges El Assidi, de guerre lasse,          Neuilly, suite à une nouvelle
                                                        irrécusable) et l’allusion, en bas de page, à un possible codicille.          pour avoir la paix, et parce qu’il           attaque cérébrale. Georges El Assi-
                                                        Quant à la signature, le deuxième graphologue la qualifie « signature de      avait besoin de ses services de gar-         di, soucieux d’obtenir un pouvoir
                                                        fantaisie ». Elle pourrait avoir été paraphée par une personne qui aurait     de-malade, tout en écrivant subtile-         afin d’avoir accès au compte ban-
                                                        utilisé « une signature parmi les plus faciles à reproduire du chanteur ».    ment entre les lignes un «  oui              caire du chanteur, fait appel à un
                                                        Enfin, les trois lignes figurant au verso font référence à l’euro alors que   mais ».                                      ami, Marc Paulay qui vient à l’hôpi-
                                                        la monnaie européenne n’entrera en vigueur que plus d’un an plus tard.        Dans son livre « L’Affaire Trenet,           tal avec Maître Truffet, clerc de
                                                                                                                                      Bataille pour un héritage » (éditions        notaire au cabinet Nenert avenue
                                                                                                                                      du Rocher, 2009), le journaliste             Hoche, et M. Thibault, directeur de

Contenu connexe

Plus de Maurice Khardine

Ordonnance de référé 9.11.2011
Ordonnance de référé 9.11.2011Ordonnance de référé 9.11.2011
Ordonnance de référé 9.11.2011Maurice Khardine
 
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge Maurice Khardine
 
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles Trenet
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles TrenetCommuniqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles Trenet
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles TrenetMaurice Khardine
 
Justice pour Charles Trenet - 4eme partie
Justice pour Charles Trenet - 4eme partieJustice pour Charles Trenet - 4eme partie
Justice pour Charles Trenet - 4eme partieMaurice Khardine
 
Justice pour Charles Trenet - 3eme partie
Justice pour Charles Trenet - 3eme partieJustice pour Charles Trenet - 3eme partie
Justice pour Charles Trenet - 3eme partieMaurice Khardine
 
Justice pour Charles Trenet - 1ere partie
Justice pour Charles Trenet - 1ere partieJustice pour Charles Trenet - 1ere partie
Justice pour Charles Trenet - 1ere partieMaurice Khardine
 

Plus de Maurice Khardine (7)

Ordonnance de référé 9.11.2011
Ordonnance de référé 9.11.2011Ordonnance de référé 9.11.2011
Ordonnance de référé 9.11.2011
 
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge
Héritage de Charles Trenet - L'erreur d'un juge
 
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles Trenet
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles TrenetCommuniqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles Trenet
Communiqué de presse Fonds pour la mémoire de Charles Trenet
 
Le domaine des esprits
Le domaine des esprits Le domaine des esprits
Le domaine des esprits
 
Justice pour Charles Trenet - 4eme partie
Justice pour Charles Trenet - 4eme partieJustice pour Charles Trenet - 4eme partie
Justice pour Charles Trenet - 4eme partie
 
Justice pour Charles Trenet - 3eme partie
Justice pour Charles Trenet - 3eme partieJustice pour Charles Trenet - 3eme partie
Justice pour Charles Trenet - 3eme partie
 
Justice pour Charles Trenet - 1ere partie
Justice pour Charles Trenet - 1ere partieJustice pour Charles Trenet - 1ere partie
Justice pour Charles Trenet - 1ere partie
 

Justice pour Charles Trenet - 2eme partie

  • 1. 722SMROULL_10-13a:SDR-alpha.qxp 23/03/10 20:24 Page11 La Semaine du Roussillon Du 25 mars au 1er avril 2010 Dossier N°722 11 une écriture penchée sur une feuille Julien Jouanneau donne l’avis blanche portant en en-tête l’adresse d’Alain Buquet, expert en écritures canétoise du chanteur, surprend par agréé par la Cour de cassation. sa brièveté. Il réduit la « totalité » Alain Buquet affirme que le testa- des biens à la villa de Juan-les-Pins, ment est paraphé par une signature au manoir d’Aix-en-Provence et à «  de fantaisie  » et que dans la l’appartement de Canet-plage en deuxième partie, « il ne s’agirait Roussillon, avec meubles et pas de l’écriture de Trenet. » tableaux, auxquels s’ajoutent les fonds déposés sur plusieurs comptes bancaires, soit « trente « Je ne le signerai deux millions ». Charles oublie curieusement de mentionner son pas » impressionnante collection de voi- Fin 99, Charles Trenet est très dimi- tures qui lui tient tant à cœur et, sur- nué par la maladie. Handicapé par tout, ses droits d’auteur. Il termine une blessure qui aurait été provo- le testament pas ces mots : « Mon- quée en octobre par un cycliste, il sieur El Assidi est donc mon léga- fait ses adieux au public parisien, taire universel et nulle autre per- salle Pleyel, en chantant assis. Le 19 Au restaurant «Les Glycines» avec à sa droite Marcel Bassole et à sa gauche Georges El Assidi sonne ne pourra se prévaloir en la décembre, il est victime, devant matière… à moins d’un codicille témoin, d’un grave malaise, peut- écrit de ma main. » Ces derniers être un premier accident cérébral. Il mots contredisent la première ligne refuse, aux dires de Georges, une du document qui fait état d’un « tes- assistance médicale. Quelques tament formel et irréfragable ». jours plus tard, il signe le testament Mais ce n’est pas tout. Quelques qu’il remet à Georges en lui disant, lignes sont ajoutées au verso  : selon ce dernier : « Je te dois tout. » « Bien sûr toutes les sommes d’ar- Ce testament, justement, quelqu’un gent qui figurent dans ces volontés affirme l’avoir vu dès l’été 99 : c’est seront calculées en euros. » L’euro Adrien Calbet, dit Gora, employé n’entrant en vigueur qu’un peu plus de Charles Trenet à la villa de Juan- d’un an plus tard, on ne peut qu’ad- les-Pins pendant 37 ans. Pour lui, il mirer la faculté d’anticipation de ne fait aucun doute qu’il s’agit du Charles Trenet, alors âgé de 86 ans. même document, mais il n’était ni signé ni daté. Et Charles aurait dit à Adrien Calbet : « Je ne le signerai Une signature pas ! Il est capable de m’empoison- « de fantaisie » ner si je le fais. » Le chanteur avait-il peur de Un examen plus approfondi fut Georges ? En septembre 99, Sté- demandé par la famille à une exper- phane Péniguel, photographe de te en écriture, Mme de la Roque, Charles, assiste à une dispute à psychologue, diplômée du groupe- Nogent-sur-Marne, au cours de ment des graphologues-conseils de laquelle Georges menace de ne plus France, qui, relevant que la deuxiè- s’occuper de Charles si ce dernier me ligne du testament commençait ne régularise pas son testament. par une majuscule, nota : « A la Charles aurait éclaté en pleurs et se lumière de l’examen graphique du serait réfugié dans sa chambre. J majuscule, l’hypothèse selon Il semblerait qu’à cette époque, laquelle il y aurait eu rupture de Georges avait dressé un mur entre le temps au sein même de la première vieil homme et sa famille. Lucienne page est totalement vraisemblable : qui avait toujours été très proche de le testament commençait par : « Je son frère n’avait plus que de rares lègue », ensuite, plus tard, la date et nouvelles de lui. Il en était de même La tombe de Charles Trenet la première ligne ont été rajou- de Wulfran, son neveu, dont les à Narbonne Le testament en question : quelques lignes sur une tées. » Selon sa conclusion, « l’idée courriers restaient sans réponse et feuille de papier qui porte en en-tête l’adresse de d’un éventuel codicille introduite les appels téléphoniques vains. l’appartement de Canet. par Monsieur Charles Trenet, avec ses trois points de suspension mali- Deux graphologues concluent après examen qu’il a été écrit en deux cieux dans le testament litigieux, « Je n’ai oublié fois. Ils notent que la deuxième ligne commence par une capitale. Autres anomalies : le blanc précédent le montant des comptes en indique sa volonté implicite de changement d’intention. Tout se personne » banque ainsi que la majuscule à « Trente deux millions ». passe comme s’il finit par céder aux Le 14 avril 2000, Charles Trenet est L’un des graphologues relève la contradiction entre la première ligne pressions réitérées de Monsieur admis à l’hôpital américain de (un testament « irréfragable », c’est-à-dire qu’on ne peut contredire, Georges El Assidi, de guerre lasse, Neuilly, suite à une nouvelle irrécusable) et l’allusion, en bas de page, à un possible codicille. pour avoir la paix, et parce qu’il attaque cérébrale. Georges El Assi- Quant à la signature, le deuxième graphologue la qualifie « signature de avait besoin de ses services de gar- di, soucieux d’obtenir un pouvoir fantaisie ». Elle pourrait avoir été paraphée par une personne qui aurait de-malade, tout en écrivant subtile- afin d’avoir accès au compte ban- utilisé « une signature parmi les plus faciles à reproduire du chanteur ». ment entre les lignes un «  oui caire du chanteur, fait appel à un Enfin, les trois lignes figurant au verso font référence à l’euro alors que mais ». ami, Marc Paulay qui vient à l’hôpi- la monnaie européenne n’entrera en vigueur que plus d’un an plus tard. Dans son livre « L’Affaire Trenet, tal avec Maître Truffet, clerc de Bataille pour un héritage » (éditions notaire au cabinet Nenert avenue du Rocher, 2009), le journaliste Hoche, et M. Thibault, directeur de