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13 Février 2020
Mise à jour - République démocratique du Congo : Détention prolongée de cinq défenseurs
des droits fonciers dans la province de Tshopo
Le 28 janvier 2020, lors de la première audience, la Haute Cour de Yangambi a rejeté la demande
de libération provisoire présentée par cinq défenseurs des droits fonciers et membres de la
communauté de Yalifombo. Ils sont détenus à la prison centrale de Kisangani depuis cinq mois, et
sont accusés par la société Plantation Huilerie du Congo (FERONIA-PHC) d'avoir détruit des
plants de palmiers à huile et un véhicule de la société, d'avoir brisé deux vitres et blessé un agent
de la société. La prochaine audience est prévue pour le 18 février 2020.
Iswetele Eswetele Mokili, une des personnes détenues, est le chef de la communauté de
Yalifombo et membre du Réseau d'Information et d'Appui aux ONG nationales (RIAO-RDC), un
réseau de 256 organisations non gouvernementales et 333 associations d'agriculteurs dans
différentes provinces de la République démocratique du Congo. RIAO-RDC a joué un rôle
important en travaillant avec les communautés des zones rurales de la RDC pour défendre les
droits à la terre et aux ressources.
Iswetele Eswetele Mokili a été arrêté le 12 septembre 2019 avec son adjoint Dominique
Kamatinanga Zuzi. Un enseignant local, Antoine Swimbole Lingele, a été arrêté le lendemain
matin. Robert Esumbahele, un pasteur de Yalifombo, a également été arrêté ce jour-là après que
la police l'ait accusé d'avoir caché chez lui un individu impliqué dans l'opposition à FERONIA-PHC.
Il a été arrêté après avoir refusé que sa maison soit fouillée. Un pasteur de Lokumete, Franck
Lwange Etiota, a également été arrêté, après s'être porté volontaire pour accompagner les
détenus afin d'informer le village de leur lieu de détention et des charges retenues contre eux.
Selon les défenseurs locaux des droits de l'homme, l'agent qui a procédé à l'arrestation était
accompagné de gardes de FERONIA-PHC, qui sont arrivés dans un véhicule portant le logo de la
société. Les arrestations ont été effectuées sur la base d'un mandat délivré par le procureur
général de Kisangani. Les cinq défenseurs des droits fonciers n'ont pas été informés des raisons
de leur arrestation.
Les défenseurs des droits fonciers estiment avoir été arrêtés pour avoir protesté contre la violation
d'un accord signé avec FERONIA-PHC en novembre 2018, accord garantissant que la société
construirait une école, un centre de santé et une source d’eau avant de commencer toute
exploitation des terres utilisées par la communauté. Les défenseurs rapportent que l'entreprise a
violé cet accord en étendant ses plantations de palmiers à huile près de la nouvelle usine de
l'entreprise à Lokumete, à 5 km de Yalifombo, le 12 septembre 2019, avant que la construction des
installations communautaires promises n'ait été achevée.
Les défenseurs des droits fonciers sont détenus dans de mauvaises conditions, l'un d'entre eux
s'étant vu refuser des soins médicaux. La prison est située à 300 km de leur village.
Des irrégularités ont été signalées lors de la première audience. L'avocat d'un employé de la
société a affirmé que son client avait été blessé en juin 2019 par un groupe de personnes
s'opposant aux activités de la société. Mais, lorsqu'on lui a demandé si les auteurs présumés
faisaient partie des cinq détenus, l'avocat a déclaré qu'il était impossible d'identifier les
responsables car le groupe était trop important. Il a ajouté que les cinq détenus n'étaient pas
directement impliqués dans l'incident, mais qu'ils en étaient plutôt les instigateurs.
La détention des cinq défenseurs des droits fonciers s'inscrit dans le cadre du harcèlement de
ceux qui s'opposent aux plantations de la société et qui soutiennent le travail du RIAO-RDC.
Alphonse Mombulu Boyama, leader de la communauté de Mwingi et défenseur des droits fonciers
qui a travaillé avec RIAO-RDC, a été arrêté et détenu à plusieurs reprises, suite à une plainte
déposée par FERONIA-PHC pour occupation illégale de la propriété de la société. Il a été libéré en
dernier lieu le 13 novembre 2019, après avoir payé une amende.
Front Line Defenders est très préoccupée par la détention actuelle et le harcèlement judiciaire des
cinq défenseurs des droits fonciers, qui semblent faire partie d'un ensemble d'attaques contre les
membres de RIAO-DRC et les leaders communautaires impliqués dans la plainte contre
FERONIA-PHC.
Front Line Defenders exhorte les autorités de la République Démocratique du Congo à:
1. Libérer immédiatement et sans condition Iswetele Eswetele Mokili, Dominique
Kamatinanga Zuzi, Antoine Swimbole Lingele, Robert Esumbahele et Franck Lwange
Etiota, car Front Line Defenders estime qu'ils sont détenus uniquement en raison de leur
travail légitime et pacifique pour la défense des droits fonciers de leurs communautés;
2. Cessez le harcèlement judiciaire de Alphonse Mombulu Boyama;
3. Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'intégrité physique et psychologique
et la sécurité des défenseurs des droits de l'homme travaillant avec RIAO-RDC;
4. Garantir en toutes circonstances que tous les défenseurs des droits de l'homme en RDC
puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de l'homme sans crainte de
représailles et sans aucune restriction, y compris le harcèlement et les menaces.

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Détention prolongée de cinq défenseurs des droits fonciers dans la province de Tshopo

  • 1. 13 Février 2020 Mise à jour - République démocratique du Congo : Détention prolongée de cinq défenseurs des droits fonciers dans la province de Tshopo Le 28 janvier 2020, lors de la première audience, la Haute Cour de Yangambi a rejeté la demande de libération provisoire présentée par cinq défenseurs des droits fonciers et membres de la communauté de Yalifombo. Ils sont détenus à la prison centrale de Kisangani depuis cinq mois, et sont accusés par la société Plantation Huilerie du Congo (FERONIA-PHC) d'avoir détruit des plants de palmiers à huile et un véhicule de la société, d'avoir brisé deux vitres et blessé un agent de la société. La prochaine audience est prévue pour le 18 février 2020. Iswetele Eswetele Mokili, une des personnes détenues, est le chef de la communauté de Yalifombo et membre du Réseau d'Information et d'Appui aux ONG nationales (RIAO-RDC), un réseau de 256 organisations non gouvernementales et 333 associations d'agriculteurs dans différentes provinces de la République démocratique du Congo. RIAO-RDC a joué un rôle important en travaillant avec les communautés des zones rurales de la RDC pour défendre les droits à la terre et aux ressources. Iswetele Eswetele Mokili a été arrêté le 12 septembre 2019 avec son adjoint Dominique Kamatinanga Zuzi. Un enseignant local, Antoine Swimbole Lingele, a été arrêté le lendemain matin. Robert Esumbahele, un pasteur de Yalifombo, a également été arrêté ce jour-là après que la police l'ait accusé d'avoir caché chez lui un individu impliqué dans l'opposition à FERONIA-PHC. Il a été arrêté après avoir refusé que sa maison soit fouillée. Un pasteur de Lokumete, Franck Lwange Etiota, a également été arrêté, après s'être porté volontaire pour accompagner les détenus afin d'informer le village de leur lieu de détention et des charges retenues contre eux. Selon les défenseurs locaux des droits de l'homme, l'agent qui a procédé à l'arrestation était accompagné de gardes de FERONIA-PHC, qui sont arrivés dans un véhicule portant le logo de la société. Les arrestations ont été effectuées sur la base d'un mandat délivré par le procureur général de Kisangani. Les cinq défenseurs des droits fonciers n'ont pas été informés des raisons de leur arrestation. Les défenseurs des droits fonciers estiment avoir été arrêtés pour avoir protesté contre la violation d'un accord signé avec FERONIA-PHC en novembre 2018, accord garantissant que la société construirait une école, un centre de santé et une source d’eau avant de commencer toute exploitation des terres utilisées par la communauté. Les défenseurs rapportent que l'entreprise a violé cet accord en étendant ses plantations de palmiers à huile près de la nouvelle usine de l'entreprise à Lokumete, à 5 km de Yalifombo, le 12 septembre 2019, avant que la construction des installations communautaires promises n'ait été achevée. Les défenseurs des droits fonciers sont détenus dans de mauvaises conditions, l'un d'entre eux s'étant vu refuser des soins médicaux. La prison est située à 300 km de leur village. Des irrégularités ont été signalées lors de la première audience. L'avocat d'un employé de la société a affirmé que son client avait été blessé en juin 2019 par un groupe de personnes s'opposant aux activités de la société. Mais, lorsqu'on lui a demandé si les auteurs présumés faisaient partie des cinq détenus, l'avocat a déclaré qu'il était impossible d'identifier les responsables car le groupe était trop important. Il a ajouté que les cinq détenus n'étaient pas directement impliqués dans l'incident, mais qu'ils en étaient plutôt les instigateurs.
  • 2. La détention des cinq défenseurs des droits fonciers s'inscrit dans le cadre du harcèlement de ceux qui s'opposent aux plantations de la société et qui soutiennent le travail du RIAO-RDC. Alphonse Mombulu Boyama, leader de la communauté de Mwingi et défenseur des droits fonciers qui a travaillé avec RIAO-RDC, a été arrêté et détenu à plusieurs reprises, suite à une plainte déposée par FERONIA-PHC pour occupation illégale de la propriété de la société. Il a été libéré en dernier lieu le 13 novembre 2019, après avoir payé une amende. Front Line Defenders est très préoccupée par la détention actuelle et le harcèlement judiciaire des cinq défenseurs des droits fonciers, qui semblent faire partie d'un ensemble d'attaques contre les membres de RIAO-DRC et les leaders communautaires impliqués dans la plainte contre FERONIA-PHC. Front Line Defenders exhorte les autorités de la République Démocratique du Congo à: 1. Libérer immédiatement et sans condition Iswetele Eswetele Mokili, Dominique Kamatinanga Zuzi, Antoine Swimbole Lingele, Robert Esumbahele et Franck Lwange Etiota, car Front Line Defenders estime qu'ils sont détenus uniquement en raison de leur travail légitime et pacifique pour la défense des droits fonciers de leurs communautés; 2. Cessez le harcèlement judiciaire de Alphonse Mombulu Boyama; 3. Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'intégrité physique et psychologique et la sécurité des défenseurs des droits de l'homme travaillant avec RIAO-RDC; 4. Garantir en toutes circonstances que tous les défenseurs des droits de l'homme en RDC puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de l'homme sans crainte de représailles et sans aucune restriction, y compris le harcèlement et les menaces.