La littérature sur les impacts environnementaux de la pollution atmosphérique présente les transports,
les industries manufacturières et l’agriculture comme les principales causes du réchauffement climatique.
Récemment, on assiste à une résurgence d’anciennes études concernant les conséquences écologiques de
la conquête spatiale sur les écosystèmes terrestres. Bien que les effets néfastes de cette activité aient été
analysés dans le passé, ils restent néanmoins omis ou peu considérés des grands rapports internationaux
à l’heure actuelle.
1. La Conquête Spatiale et Environnementale
Yann ARNAUD ∗
, Université Clermont-Auvergne & CERDI, France
Mars 2020
La littérature sur les impacts environnementaux de la pollution atmosphérique présente les transports,
les industries manufacturières et l’agriculture comme les principales causes du réchauffement climatique.
Récemment, on assiste à une résurgence d’anciennes études concernant les conséquences écologiques de
la conquête spatiale sur les écosystèmes terrestres. Bien que les effets néfastes de cette activité aient été
analysés dans le passé, ils restent néanmoins omis ou peu considérés des grands rapports internationaux
à l’heure actuelle.
Dès la fin des années 60, la Nasa a publié plusieurs rapports afin d’évaluer les dégradations écosysté-
miques liées aux décollages des engins spatiaux [1]. Les études font l’état de plusieurs points de contrôle
à la suite des tests effectués au sein du centre spatial John F. Kennedy en Floride. Les scientifiques
s’intéressent principalement à la qualité de l’air et de l’eau, aux pluies acides, aux nuisances sonores et
aux impacts biologiques. Les principaux résultats sont les suivants.
À la suite du lancement de la fusée, un nuage se forme au sol en présence de gaz d’échappement et
d’énergie chaude. La concentration de chlorure d’hydrogène provenant des moteurs peut produire des
pluies acides locales. Le déclenchement de pluies acides créé des perturbations de la faune et de la flore
marines et terrestres. Les gaz rejetés dans l’air provoquent un appauvrissement de la couche d’ozone
permettant alors le passage des rayonnements ultraviolets du Soleil. Ces radiations peuvent entrainer la
mort de certains organismes vivants. Pour les humains, elles peuvent conduire jusqu’au cancer de la peau à
la suite d’une trop grande exposition. Les programmes spatiaux requièrent une quantité incommensurable
de ressources naturelles comme l’acier, l’aluminium, le béton ou encore le bois. De plus, les combustibles
fossiles (gaz, charbon, gazole) sont nécessaires au fonctionnement des bases. Les effets sonores peuvent
être nuisibles pour les espèces fragiles et en danger. Les détonations soniques post-décollage entrainent
des surpressions contraignant le trafic maritime.
Ces premiers constats pâtissent d’un manque de données, d’expériences et de progrès technologiques
pour évaluer précisément les conséquences écologiques. Aujourd’hui, ces conclusions sont actuellement
avérées dans les faits. Les bases de lancement spatiales ont un impact négatif sur les milieux naturels
environnants. De plus, l’accumulation de ces externalités dans le temps rend vulnérable l’ensemble de
l’écosystème mondial.
Les évolutions scientifiques ont simultanément provoqué une amélioration des pratiques environnemen-
tales et une utilisation plus fréquente des ressources naturelles. En effet, la technologie actuelle permet une
réduction des émissions de gaz des engins spatiaux mais le nombre de missions a fortement augmenté au
cours des trente dernières années. Cette progression a été encadrée par le « Traité et Principe des Nations
Unies relatifs à l’espace extra-atmosphérique » signée en 1967 [2]. Il impose un principe de responsabilité
aux états coupables de dommages terrestres ou extraterrestres. En 1978, l’URSS a indemnisé le Canada
pour la chute de son satellite espion Cosmos 954. Ce dernier s’est désintégré et a dispersé des matériaux
radioactifs dans la région des Grands Lacs canadiens. Cet exemple nous montre que, non seulement les
impacts environnementaux peuvent provenir des lancements des navettes, mais ils sont également expli-
qués par des accidents, des débris spatiaux ou par un mauvais traitement des déchets dangereux. Ces
couts sont colossaux tant sur le plan financier qu’environnemental.
∗yann.arnaud63@gmail.com
1
2. C’est dans ce sens que la Nasa a rédigé un nouveau rapport en 2014 pour la mission « Mars 2020 » [3].
Il reprend un certain nombre d’anciennes conclusions tout en intégrant plus profondément les éléments
précédemment abordés. En effet, l’agence discute plus largement de l’utilisation des matériaux dangereux
et de leur traitement in fine.
“Impacts due to use of large quantities of hazardous materials and creation of large quantities of hazar-
dous waste could be significant ; however, through the use of established hazardous material management
and pollution prevention procedures the amounts would be minimized to the greatest extent possible.”
De même, l’agence évoque l’hypothèse d’un accident lors du lancement de la mission. Elle reconnait
que les dommages environnementaux et sanitaires pourront être plus conséquents. Des métaux dangereux
seraient lâchés en pleine nature tels que les poudres propulsives (propergol), le perchlorate ou encore les
particules fines. Les oiseaux, les reptiles et les espèces aquatiques seront les plus touchés. Cependant, la
Nasa rappelle qu’il y a 2.5 % de chance qu’un tel évènement se produise.
Des papiers plus récents montrent l’inquiétude de la communauté scientifique autour des composants
chimiques utilisés avant, pendant et après les décollages. Dans les années 2010, Lars Carlsen [4] montre que
le 1,1-Diméthylhydrazine, molécule utilisée pour le carburant des fusées, est cancérigène pour l’humain et
dangereux pour l’environnement. Ils expliquent que sa biodégradation est très lente dans les zones arides
du Kazakhstan et ses environs, où des cosmodromes russes se sont implantés. De plus, ce composant
révèle une toxicité importante pour les espèces marines.
“The compound should be considered carcino-genic, mutagenic, convulsant, teratogenic and embryotoxic
in addition to the general toxic characteristics including respiratory effects, nausea, vomiting, neurological
effects, pulmonary edema, liver injury, etc.”
Dallas [5] regrette le faible nombre d’études récentes sur l’impact environnemental des lancements
spatiaux malgré la complexité du sujet. Pour eux, la plupart des publications datent des années 90.
Ils souhaitent des recherches supplémentaires pour assurer la prévention et l’atténuation des impacts
environnementaux.
Le développement récent du marché des vols commerciaux dans l’espace, les expéditions prévues sur
la Lune et Mars, les ravitaillements réguliers de l’ISS et l’augmentation croissante des débris spatiaux
entraineront sans aucun doute des impacts environnementaux supplémentaires dans les années à venir.
La communauté spatiale doit prendre en considération ces désagréments à l’aide d’études plus poussées
avant que le nombre de lancements se multiplie et que les effets indésirables deviennent irréversibles.
Références
[1] MALKIN, Myron S. Environmental Impact Statement for the Space Shuttle Program. 1978. POT-
TER, A. Space Shuttle Environmental Effects : The First 5 Flights. 1983.
[2] Treaty on Principles Governing the Activities of States in the Exploration and Use of Outer Space,
including the Moon and Other Celestial Bodies, 1966
[3] NASA Final Environmental Impact Statement for the Mars 2020 Mission. 2014
[4] ARLSEN, Lars, KENESOVA, Olga A., et BATYRBEKOVA, Svetlana E. A preliminary assessment of
the potential environmental and human health impact of unsymmetrical dimethylhydrazine as a result
of space activities. Chemosphere, 2007, vol. 67, no 6, p. 1108-1116.
[5] DALLAS, J. A., RAVAL, S., GAITAN, JP Alvarez, et al. The environmental impact of emissions
from space launches : A comprehensive review. Journal of Cleaner Production, 2020, p. 120209.
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