Ergonomie en entreprise
Ergonomie : qu'est-ce que c'est ? - Pourquoi s'en soucier ? - Utilité en entreprise ? - Le travail de l'ergonome
Concepts utiles - Analyse du travail - Quelques thématiques - Ressources.
Ergonomie en entreprise
Ergonomie : qu'est-ce que c'est ? - Pourquoi s'en soucier ? - Utilité en entreprise ? - Le travail de l'ergonome
Concepts utiles - Analyse du travail - Quelques thématiques - Ressources.
Risques professionnels, risques du métier ?Ozil Conseil
Présentation animée le 28 juin 2016 pour Leader Alès par le Dr Jean-Pierre BUCH, médecin du travail et Mme Auriana LIMA, ingénieur de prévention, à propos des risques professionnels en général et en particulier sur le bassin alésien.
Wie viele Studenten, habe ich einen Traum. Meiner ist es, ein Auslandspraktikum im Büro der Vereinten Nationen in Nairobi (UNON) zu absolvieren um mehr über die Welt zu erfahren und einen Beitrag dazu zu leisten, sie etwas besser zu machen. Leider kosten Träume häufig Geld und ohne das demokratische Stipendium werde ich meinen nicht verwirklichen können.
Mein Auslands-BAFöG-Antrag wurde abgelehnt, da ich mit dessen Hilfe schon ein Semester in Japan studiert habe um mir theoretisches Wissen über Entwicklungspolitik und Humanitäre Hilfe anzueignen - Leider ohne Rücksicht darauf, dass ich dies nun auch in die Praxis umsetzen will.
Ich werde den größten Teil meiner Ausgaben, die Lebensunterhaltskosten, durch meine Ersparnisse finanzieren. Mir fehlen jedoch die Mittel um für die Unterkunft, das Visum, die Versicherung und den Flug aufzukommen.
Ich bin höchst motiviert dazu, Teil einer Organisation zu werden, die für die Sicherung des Weltfriedens, die Einhaltung des Völkerrechts, den Schutz der Menschenrechte und die Förderung der internationalen Zusammenarbeit steht. Das Praktikum stellt für mich alles dar, worauf ich die letzten Monate und Jahre hingearbeitet habe. Es legt mir die ersten Bausteine, um eine spätere Karriere in der Internationalen Entwicklung einschlagen zu können und etwas meinen Heimatländern Indien und Deutschland zurückzugeben, die mich kontinuierlich in meinen akademischen und persönlichen Zielen unterstützt und gefördert haben.
Ich wäre unendlich dankbar, wenn auch Ihr mich dabei unterstützt und für mich abstimmt!
Risques professionnels, risques du métier ?Ozil Conseil
Présentation animée le 28 juin 2016 pour Leader Alès par le Dr Jean-Pierre BUCH, médecin du travail et Mme Auriana LIMA, ingénieur de prévention, à propos des risques professionnels en général et en particulier sur le bassin alésien.
Wie viele Studenten, habe ich einen Traum. Meiner ist es, ein Auslandspraktikum im Büro der Vereinten Nationen in Nairobi (UNON) zu absolvieren um mehr über die Welt zu erfahren und einen Beitrag dazu zu leisten, sie etwas besser zu machen. Leider kosten Träume häufig Geld und ohne das demokratische Stipendium werde ich meinen nicht verwirklichen können.
Mein Auslands-BAFöG-Antrag wurde abgelehnt, da ich mit dessen Hilfe schon ein Semester in Japan studiert habe um mir theoretisches Wissen über Entwicklungspolitik und Humanitäre Hilfe anzueignen - Leider ohne Rücksicht darauf, dass ich dies nun auch in die Praxis umsetzen will.
Ich werde den größten Teil meiner Ausgaben, die Lebensunterhaltskosten, durch meine Ersparnisse finanzieren. Mir fehlen jedoch die Mittel um für die Unterkunft, das Visum, die Versicherung und den Flug aufzukommen.
Ich bin höchst motiviert dazu, Teil einer Organisation zu werden, die für die Sicherung des Weltfriedens, die Einhaltung des Völkerrechts, den Schutz der Menschenrechte und die Förderung der internationalen Zusammenarbeit steht. Das Praktikum stellt für mich alles dar, worauf ich die letzten Monate und Jahre hingearbeitet habe. Es legt mir die ersten Bausteine, um eine spätere Karriere in der Internationalen Entwicklung einschlagen zu können und etwas meinen Heimatländern Indien und Deutschland zurückzugeben, die mich kontinuierlich in meinen akademischen und persönlichen Zielen unterstützt und gefördert haben.
Ich wäre unendlich dankbar, wenn auch Ihr mich dabei unterstützt und für mich abstimmt!
This document provides an agenda for a lesson on the Supreme Court and the Bill of Rights. The lesson objectives are for students to identify the Supreme Court's powers, recognize important court cases, and teach classmates about a Supreme Court case while creating a political cartoon. The agenda includes a do now activity, review, taking notes on the Supreme Court, a Supreme Court case activity with presentations, and a political cartoon gallery for students to share their work. Assignments are the do now worksheet, Supreme Court case activity, and political cartoon gallery chart.
Este documento contiene una lista de palabras en inglés y español relacionadas con objetos cotidianos como tazas, perros, nubes, flores y museos. También incluye nacionalidades como México, Italia y Francia. El propósito es practicar el vocabulario básico en ambos idiomas.
2. 1971-1973
Jean-Jacques Barbot • Restaurateur
J 'habitais St Lô.
Mon père travaillait dans la haute métal-
lurgie et sur les plateformes ! La voie de cuisi-
nier est donc issue d'une passion innée quand
j'étais en 6e. Une vraie vocation survenue sans
explication.
Avec mon ami Larsonneur qui la partageait,
nous voulions entrer à Thonon. Notre provi-
seur de CES ricanait, jurant qu'on ne serait
jamais pris. Et pourtant nous avons réussi, et
malgré une grève des trains qui nous a obligés
à faire St-Lô-Thonon-St-Lô et passer l’exa-
men en une seule journée et deux nuits !
Nous formions des classes d’une vingtaine connaître : nous apprenions toutes les facettes
d’élèves, sans filles, avec des cuisines qui du métier de l’hôtellerie et de la restauration
étaient assez obsolètes, encore au charbon. et choisissions bien nos spécialités en connais-
Mais nous vivions dans une sance de cause !
excellente ambiance, et aux côtés de
quelques grandes " figures », comme J’ai ensuite eu la chance d’enchaîner quantité
le responsable de la buanderie qui de grandes maisons : l’Oustau de Baumanière
(où j’ai servi la Reine d’Angleterre, le Shah
nous amusait tant, avec son fort
d’Iran, le président Pompidou…), le Grand Vé-
accent des pays de l’est. four, Prunier et Taillevent, avant d’entrer à
l’Élysée pour mon service militaire, et d’y res-
Et ce qui était formidable aussi, c’est que nous
ter ensuite en tant que cuisinier civil.
passions par tous les services. Nul ne pouvait
Forcément une expérience à part, avec des
renoncer à une voie sous prétexte de ne pas la
réceptions hors normes et aussi des voyages
où il nous fallait gérer la cuisine et les repas
selon les pays, les invités, et leurs cultures.
Après quelques Relais & Châteaux, une chef
C’est pâtissière est devenue la femme de ma vie,
ainsi que j’ai fait ma et nous nous sommes mis à notre compte en
plus belle rencontre : 1989 en ouvrant l’Alambic à Vichy, où nous
vivons heureux avec une douzaine de couverts
Sa Sainteté Jean-Paul // midi et soir.
qui me fit même l’honneur d’un
échange personnel que
je n’oublierai jamais.
3. 1960-1963
Gérard Barnier • Restaurateur
P etit-fils de restauratrice et fils de
restaurateur, j’ai pris la suite parce que
j’ai baigné dedans…
Mais j’étais content : c’était mon univers, et
j’ai même du faire jouer les relations pour Parmi
obtenir une dérogation car je n’avais que 15 les anecdotes, j’ai
ans quand il fallait en avoir 16, sans oublier celle de la lingerie, où
l’année où je me suis cassé la jambe, et j’ai du j’étais de corvée régulièrement
redoubler ! : on faisait exprès d’allonger les
Ce redoublement m’a valu d’échapper aux
brimades réservées aux 1e année : quand j’ai
maillots en les repassant, comme
redoublé, j’étais en 1e année mais en même ça les "copains" se retrouvaient
temps cela faisait 2 ans que j’étais là… avec des tricots d’ 1 m 50
de haut : ridicules !
On avait choisi Thonon pour sa réputation et
jamais je n’ai regretté. Je garde des souvenirs
mémorables de M. Romanet, « Mimile »,
avec qui tout le monde filait doux mais qui en
même temps était si gentil avec chacun, tout
comme M. Pinget.
Et comme mon père s’est tout de suite beaucoup
impliqué dans le COJO, il fallait quelqu’un
Et puis en 3e année nous étions « internes
pour le remplacer à l’hôtel familial, alors je
externés ». Je logeais en ville en colocation avec
suis venu immédiatement. Par la suite on a
des camarades (Bonnaz, Viandoz, Gomez… on
fait des transformations, acquis des étoiles,
était 8 en tout !) et de temps en temps le
creusé une piscine qu’on a ensuite couverte,
SurGé de l’école venait nous voir. Un jour ce
etc. Mais cela n’a plus rien à voir avec l’école.
fut assez chaud, car on avait rapporté des
bouteilles du dîner en l’honneur des hospices
de Beaune… et il les a trouvées.. L’important pour moi est de dire à quel
point je dois ma vie professionnelle
Après ce sont les Jeux Olympiques qui ont à l’école hôtelière de thonon, car elle
décidé pour moi. J’avais un poste tout désigné m’a enseigné toutes les valeurs, non
sur le paquebot Le France quant Grenoble a seulement de ma vie mais que j’ai
été désignée ville olympique. transmises à mes employés.
4. 1966-1969
Pierre Basille • Management de restauration
T oute ma famille baignait peu ou prou
dans la restauration et je voulais être
steward. C’est pourquoi j’ai privilégié Thonon,
hélas la section a été annulée. Je pensais opter
pour la spécialité cuisine et j’ai obliqué vers la
réception et toute ma carrière s’est faite dans Comment chasser de ma
le management. mémoire le jour où M. Romanet
Je débarquais de ma 3e et j’ai trouvé le bizu-
a laissé deux doigts
tage un peu lourd parce que même si ce n’était dans le hachoir à viande
pas méchant, ça durait des mois et des mois. parce que l’élève qui
Et même dehors : par exemple si on allait à le manipulait n’allait pas
La Pinte au lieu d’aller Chez Zinette, il fal- assez vite !
lait payer la tournée. Cela dit nous étions très
solidaires dans notre promo et durant les trois
années.
Parmi les profs j’ai de grands souvenirs aussi,
bien sûr. Tel M. Ravinet, dit « Bambam », en
anglais, qui pour l’orthographe avait des trucs
mnémotechniques que je n’ai jamais oublié et
m’ont beaucoup servi. Plus tard, que ce soit chez Mövenpick,
Toujours en cuisine, le jour de l’examen je Accor ou dans tous autres établisse-
devais faire des choux à la Chantilly et on ments, j’ai recruté des stagiaires et
m’a passé la Maïzena au lieu de la farine ; employés de plusieurs écoles.
évidemment la Chantilly ne montait pas mais Eh bien, sans chauvinisme et très
le chef Charpin s’est aperçu de la mauvaise
blague et m’a aidé à récupérer l’affaire…
honnêtement, je n’ai jamais été déçu
par un ancien de Thonon !
Et puis M. Robert, notre prof de sport, à qui
je dois d’avoir porté la flamme olympique en
1968 ! Sur un petit parcours, certes : juste le
sentier du Grand Corzent, mais ce fut quand
même un grand honneur d’avoir été choisi
pour cela !
M. Boisier aussi, surveillant général très
craint mais qui en réalité avait très bon cœur
et savait faire la part des choses et prendre
la défense des élèves s’il le fallait.
5. 1963-1966
Jean-Pierre Battin • Chef de cuisine puis formateur
J ’avais choisi Thonon pour sa filière
steward… qui fut supprimée, alors j’ai pris
cuisine.
L’ambiance était excellente, avec une grande
solidarité. On travaillait souvent en équipe de
deux niveaux de classe, et les plus âgés fai-
saient des blagues aux plus jeunes.
Le cours de « cru des vins » à 8h du matin
était un grand moment ! Après avoir dégusté,
nous étions très mal pour l’éducation physique
à 10h ! Je me souviens aussi de M. Romanet,
pâtissier, qui prenait à mains nues des char- Recueilli à Feurs, j’ai répondu à une annonce
bons ardents pour travailler le sucre. originale : pour être cuisinier personnel d’un
Mais surtout, ces études m’ont milliardaire américain. Le jour où je l’ai ren-
apporté une rare polyvalence grâce contré (son avion et son hélicoptère privés
à la variété des matières, qui rendait m’avaient emmené dans sa résidence aux
Bahamas), il avait Neil Armstrong comme
la formation très riche.
invité ! Et j’ai vu passer des dizaines d’autres
personnalités. Comme il avait des propriétés et
Après un an à Ville d’Avray, je suis parti
des yachts partout, j’ai recruté plusieurs cuisi-
en Australie. Si j’ai pu avoir du travail là-
niers et suis devenu son « conseiller culinaire
bas, c’est en bonne partie grâce à Mme Rebet,
» car il était diabétique et je devais veiller à
qui nous avait donné d’excellentes bases en
tout ce qu’on lui préparait.
anglais…
Lorsqu’il est décédé, je suis devenu formateur
De retour après 5 ans, j’ai postulé chez la
au Touquet, où j’ai retrouvé M. Hetzel que
Mère Brazier, au Col de la Luère, et y suis
j’avais eu à Thonon. Il m’a poussé à devenir
allé en taxi ! Elle a vu ça d’un très mauvais
professeur. Et à l’oral de l’examen, il y avait
œil, me disant que si à mon âge je commen-
dans le jury le fils de M. Saulnier, mon ancien
çais déjà à gaspiller mon argent… mais bon,
prof de cuisine !
comme j’avais une cravate et un beau cos-
tume, elle m’a testé, observé, et gardé jusqu’à
ce qu’elle décide de s’arrêter, un an plus tard,
me laissant une belle expérience ! ...j’ai répondu à une
annonce originale : pour
être cuisinier personnel d’un
milliardaire américain.
Le jour où je l’ai rencontré
(son avion et son hélicoptère
privés m’avaient emmené dans sa
résidence aux Bahamas),
il avait Neil Armstrong
comme invité !
6. 1958-1961
Alain Béchis • Restaurateur
F ils de cheminot, j’étais attiré par la
restauration et l’école de Thonon était la
mieux cotée.
J’ai un souvenir impérissable de Mme Robet,
jeune professeur d’anglais. Ses cours étaient
sûrement très bien… mais je n’ai jamais eu de
bonnes notes car elle était si belle que je la
regardais plus que ne l’écoutais !
Et puis M. Chevalier qui avait toujours une
aiguille et piquait les fesses de ceux qui ne
faisaient pas les choses correctement ;
C’est à l’école que j’ai rencontré une jeune fille…
M. Romanet aussi, un véritable colosse, mais
que j’ai mise enceinte à 17 ans ! Le proviseur
ultra-sensible. Enfin il y eut cet événement
était furieux, nous reprochant de mettre en
incroyable du décès subit de M. Desgranges en
péril la réputation de l’établissement. Nous
cuisine en plein service : le temps qu’on finisse
avons donc vite « régularisé la situation »…
notre travail, on avait allongé son corps sur le
et venons de fêter nos 50 ans de mariage !
marbre à pâtisserie !
Avec les anciens, nous nous rencontrons tous
les deux ans depuis plus de 20 ans ! Il en
L’ambiance était bonne mais les brimades
vient de partout, même de Nouvelle-Calédonie
envers les bizuths duraient toute l’année,
comme André Glantenet qui y est aumônier
au point que certains se décourageaient et
de prison ! J’ai aussi connu Henri Tachdjian,
quittaient l’école.
plus connu sous son pseudonyme de chanteur
Henri Tachan.
J’ai un souvenir À dire vrai je ne tenais pas à être cuisinier
: je voulais être en salle pour le costume, le
impérissable de Mme Robet, contact… et les pourboires ! Et puis un jour j’ai
jeune professeur d’anglais. dû remplacer quelqu’un en cuisine, et y suis
Ses cours étaient sûrement très bien... resté.
mais je n’ai jamais eu de bonnes notes Après 7 ans au Casino de Divonne, j’ai
car elle était si belle que je la ouvert Le Pirate à Ferney-Voltaire, d’abord
regardais plus dans un petit endroit puis dans un lieu où
nous pouvions servir jusqu’à 200 couverts,
que ne l’écoutais ! avec 47 employés dont 20 en cuisine.
Nous l’avons vendu en 2000, notre fille ne
souhaitant pas prend la suite.
prendre
7. 1985-1987
Jean-Michel Bellemin • Pâtissier puis enseignant
C e sont ma grand-mère et ma mère qui m’ont
donné le goût de la cuisine, où elles excel-
laient. J’ai d’abord fait un CAP à Challes-
les-Eaux, puis suis entré à Thonon pour aller
jusqu’au BTH.
C’était un vrai dépaysement, avec des trajets en
train interminables mais la beauté du Léman
à l’arrivée, la vie en internat, les discussions
sans fin, le foyer où le Top 50 résonnait
à chaque pause… et les filles. M. Marquis
disait qu’elles agissaient sur notre motivation
au printemps lorsqu’elles sortaient leurs mini-
jupes !
Mais c’est avec MM. Guillemard et Sueur
Les cours généraux étaient excellents, avec des que j’eus ma révélation : je serais pâtissier !
professeurs toujours présents pour aider, et M. Sueur m’a poussé jusqu’à la finale Lycée
j’en ai bien profité puisqu’étant passé directe- du Championnat de France des Desserts. Et
ment du niveau de 3e (CAP) à la classe de cela a achevé de me convaincre que j’avais
1e, j’avais du retard à rattraper ! trouvé ma voie. Alors après l’obtention de mon
Les TP étaient également passionnants, avec BTH je suis retourné à Challes-les-Eaux pour
la notion d’entraide en plus, que tout le monde le CAP de pâtissier.
pratiquait et qui soudait les équipes et promos.
J’ai de grands souvenirs de Mme Joubert et J’ai passé une dizaine d’années dans des pâ-
M. Gardette qui officiaient en Réception, et de tisseries savoyardes avant de me tourner vers
MM. Barenqui, Casassus, Cassani, Forneris, l’enseignement, d’abord privé pour l’associa-
Hetzel, Masgonty et bien d’autres… tion Belle Étoile à l’Arlequin de Montmélian.
Et j’étais en même temps – et depuis 1995 –
jury pour les bac pro Cuisine et Pâtisserie.
De fil en aiguille, après quelques remplace-
Mais c’est avec MM. ments ici et là, j’ai fini par passer le concours
Guillemard et Sueur que j’eus ma et suis entré dans l’enseignement public.
révélation : je serai pâtissier ! J’exerce à Bellegarde, heureux d’avoir
des jeunes autour de moi et de leur
transmettre mon savoir, qui ne serait
pas ce qu’il est si je n’avais pas
bénéficié des innombrables talents de
l’École de Thonon.
8. 1970-1973
Antoine Berger • 5 ans chef de rang...
puis gérant d’un JouéClub
J ’étais en 3e quand un garçon m’a parlé de
son école hôtelière et je me suis dit : « c’est
ce que je veux faire ! » Surpris car étrangers
à ce milieu, mes parents m’ont envoyé faire
la plonge dans un restau du coin. Comme je
n’ai pas rechigné, ils ont enquêté et inscrit à
Thonon, pour sa réputation.
Je n’avais pas d’ambition hormis que
l’hôtellerie n’était pas touchée par le chômage À part des profs il y avait de
et permettait de voyager. Sinon je me sentais grandes figures, telles M. Boisier,
plutôt fait pour la salle et non la cuisine.
le surveillant général, plutôt terrorisant
La 1e année fut difficile à cause des brimades en 1 ère année, pour ensuite se montrer
des anciens : on m’appelait « la forte tête sympathique et attentif à chacun.
» et j’ai subi un premier trimestre de folie
furieuse. En même temps, les 3e année nous
ont beaucoup protégés quand ils ont fait leur
grève : ils nous mettaient au fond du préau
pour qu’on ne soit pas les premiers punis. On Je donne un quitus total sur la qualité des
a quand même tous été renvoyés et l’affaire fit profs pour une raison particulière : il y en
grand bruit jusque dans les médias nationaux. a une qui dénotait dans le paysage, n’avait
Sinon l’ambiance était excellente, solidaire ni attention ni tolérance, n’acceptait aucune
entre tous, surtout les 1e et 2e années, et au excuse et se fichait qu’on soit en rade. Je ne
sein de l’internat où nous organisions quelques dirai pas de nom mais serais étonné qu’elle
nuits de fête assez mémorables ! soit restée longtemps car elle ne collait pas à
l’image de Thonon !
À part des profs il y avait de grandes figures,
telles M. Boisier, le surveillant général, plutôt
terrorisant en 1ère année, pour ensuite se
montrer sympathique et attentif à chacun.
Je retiens de l’école d’avoir été opé-
rationnel tout de suite, grâce à un
stage qui m’avait beaucoup appris,
et à notre prof d’anglais qui a placé
plusieurs élèves dans des établisse-
ments de très haut rang en Grande-
Bretagne.
Je n’ai fait que 5 ans d’hôtellerie avant de
reprendre la boutique JouéClub de mes parents,
mais même dans ce cadre j’ai utilisé ce que
j’avais appris à Thonon : la rigueur, la tenue,
le comportement, la discipline et la gestion.
9. 1992-1997
Alexandre Blanc • Chef, Patron
du restaurant L’Arbre Blanc à Chevagny-les-Chevrières
T rès jeune, j’étais conditionné pour être
dans la restauration : mon père, son
maître d’hôtel, avaient fait l’École, une des
plus réputées de France : j’ai toujours voulu y
aller, et j’ai eu la chance d’être accepté…
En sortant de l’enseignement général, ça fait
quelque chose : plus d’heures de travail, le
port de la cravate imposé… Au début c’est un
peu dur ! Mais rétrospectivement on se rend
compte de tout ce que ça a apporté.
Je suis arrivé en 2de, en béquilles à cause
d’un accident de ski ! Les premiers travaux
pratiques, en béquilles, c’était pas évident… Je
n’étais pas un élève très studieux au collège,
mais à Thonon je me suis révélé !
Après mon BEP de cuisine, je voulais laisser
tomber les études et continuer sur le tas. Et puis,
pendant l’été, le boulot dans un restaurant m’a Dans l’équipe d’été de l’École hôtelière, je
montré que ce n’était pas si évident que ça… me suis retrouvé pendant un mois valet de
Du coup je suis retourné vers l’École qui m’a chambre ! C’était dur, ça tournait beaucoup,
réintégré dans le BEP restaurant, avant de fallait pas traîner. Un des moments les plus
repartir vers une 1e d’adaptation et le bac… durs de ma carrière, tout le monde fuyait ce
Finalement ça m’a permis de toucher à tout. boulot assez physique !
L’ambiance était super. On était insouciants ; On passait à tous les services, à la plonge,
pour la plupart d’entre nous c’était le début de etc., c’était très formateur. Tous les week-ends
la liberté. On se retrouvait après les cours, les une classe était bloquée pour faire tourner le
week-ends, on faisait des repas chez les uns restaurant de l’hôtel : c’est là qu’on apprenait
les autres, on allait réviser au bord du lac… le plus, on se rendait vraiment compte de ce
C’était un cadre magnifique ! qu’était la restauration.
La rigueur, l’intégrité de certains
En sortant de profs continuent de m’inspirer. Pour
moi, un chef, c’est ça. L’École m’a
l’enseignement général, transmis la passion pour le métier
ça fait quelque chose : plus et la diversité de ses aspects. Je suis
d’heures de travail, le port de nostalgique de cette époque, les plus
la cravate imposé... belles années de ma vie.
Au début c’est un peu dur !
Mais rétrospectivement on se
rend compte de tout ce que
ça a apporté.
10. 1959-1962
Georges Blanc • Restaurateur
C e centenaire revêt pour moi un intérêt
tout particulier… car c’est aussi mon
cinquantenaire ! C’est en effet en 1962 que
Je rêvais d’aventure et de voyages, et en
sortant j’ai donc tout fait pour être steward,
mais les dépaysements furent plutôt décevants
je suis sorti de l’École (Major de Promotion, car la préoccupation majeure était de rapatrier
ndlr). les Français d’Algérie, donc je ne faisais
quasiment que des « navettes »… mais en
À l’époque il y avait 6 ou 7 écoles mais Caravelle, tout de même !
choisir Thonon était évident. D’abord pour sa J’espérais obtenir une base aérienne pour
réputation, et la proximité avec l’établissement mon service militaire et cela ne se fit pas…
familial lancé à Vonnas par ma grand-mère. mais beau lot de consolation : je fus affecté
M’envoyer dans une école semblait saugrenu à la cuisine du porte-avions Clémenceau. J’ai
à beaucoup de restaurateurs. Pour eux, la d’ailleurs gardé des attaches privilégiées avec
cuisine s’apprenait sur le tas : en cuisine son amiral jusqu’à son décès.
et nulle part ailleurs ! Et ils raillaient mes
parents de cet argent pour eux « jeté par les Nous sommes une vingtaine de la promo 62
fenêtres ». à être restés en contact, et nous réunissons
tous les ans en décembre dans mon restaurant.
Mais c’est faux, je peux assurer que j’ai
appris énormément de choses, avec des Après mon service, je suis revenu très vite
professeurs passionnés et de qualité, même dans la maison familiale : mes parents
l’anglais grâce à l’excellent M. Ravinet. Mes étaient âgés et mon père très occupé comme
stages (notamment à La Réserve à Beaulieu- maire. J’ai repris l’affaire en 1968, à
sur-Mer, et à Divonne) furent aussi très seulement 25 ans. Il y avait alors 7
enrichissants.
Et je garde un souvenir très particulier des
employés… aujourd’hui plus de 250
Accords d’Évian, que nous avons suivis de ! Ma grand-mère avait acquis ses
très près avec les ballets d’hélicoptères, les deux étoiles en 1929 et 1931, j’ai
limousines et les centaines de CRS et motards. obtenu la troisième en 1981.
J’espérais obtenir
une base aérienne pour
mon service militaire et
cela ne se fit pas...
mais beau lot de consolation :
je fus affecté à la cuisine
du porte-avions
Clémenceau.
11. 1947-1950
Jean Blanc • Concessionnaire automobile
N ous habitions St-Claude dans le Jura
et Thonon était l’évidence lorsque ma
mère m’orienta vers l’hôtellerie. Cette idée lui
venait du fait que j’aidais assez souvent et
avec grand plaisir mes tantes qui tenaient
des cafés et restaurants. Et quand je suis venu
en visite avec elle à Thonon et que j’ai vu le
magnifique bâtiment (il ne datait que de 10
ans auparavant) et le lac en contrebas, j’ai été
totalement séduit.
Passer à l’internat ne m’a pas posé de
difficultés, nous nous sommes vite liés selon
les régions ou autres critères et l’intégration
s’est bien passée.
Je préférais la réception et la salle à la cuisine,
mais de tous les profs je ne me souviens
d’aucun nom, à part Antonietti bien sûr. Je En sortant j’ai obtenu non sans mal un poste
passais tous mes week-ends et vacances à de chef de salle au Trocadero à Londres ; puis
faire des extras et des stages chez lui, ou au avec mon ami Perotton nous sommes allés
Casino d’Évian. à Fez, où nous nous occupions quasiment
En revanche tous appliquaient une discipline de tout dans les palaces Palais Jamaï et La
infaillible et étaient d’une grande disponibilité. Mamounia.
Je ne mesurais pas leurs compétences, mais
nul doute que leur enseignement était reconnu La formation de l’École était vraiment
car lorsque l’on sortait de Thonon, on était très complète, bien au-delà des
pris quasiment n’importe où. métiers de la restauration. Et comme
Ensemble 24h/24 à cause de l’internat, j’en ai fait très peu de temps pour m’orienter
nous constituions une grande famille où sur les concessions et stations-services, je peux
régnait une autorité parfaitement acceptée par témoigner que les cours de gestion, comptabilité
les élèves. Car en même temps les profs nous et autres m’ont été bien utiles… et même dans
témoignaient beaucoup de respect ; et nous mes fonctions de maire, pendant 24 ans.
qui étions pour la grande majorité issus de
familles d’hôteliers, nous étions totalement à
l’écoute et avides d’apprendre le métier de nos
parents.
Et quand je suis venu en visite
avec elle à Thonon et que j’ai vu
le magnifique bâtiment
(il ne datait que de 10 ans aupa-
ravant) et le lac en contrebas,
j’ai été totalement séduit.
12. 1980-1983
Gilles Blandin • Professeur de cuisine à Thonon.
MOF 2000. Savoyard.
M otivé par la cuisine et la pâtisserie
depuis mon adolescence et grâce aux
efforts de mes parents issus d’un milieu mo-
deste je rentre au LTH et obtient un Brevet de
Technicien Hôtelier. En 1982
E
Le LTH c’était un enseignement très diversifié,
exigeant qui m’a donné une vision globale de
M. Guy Lacroix chef des
l’hôtellerie. Je me souviens de tout le monde, travaux m’envoie en stage après de
des proviseurs M. Bernard (1980 1981 ), minutieuses recommandations dans le
Mme Grangé (1981-1983) ; du Chef des restaurant gastronomique où il a per-
travaux, M. Lacroix ; des CPE M. Gaillard sonnellement fait son apprentissage.
et M. Le Dilasser . Et biensûr de mes princi-
paux professeurs : M. Robert, M. Chappuis,
M. Saunier, Mme Joubert, M. Forneris, M.
Lequeux, M. Marquis, M. Haas, M. Lau-
gier, M. Guillemard, M. Sueur, M. Cassani, C’est le début de mon expérience profession-
M. Furlan, M. Giusti, M. Gras, M. Garnier, nelle de 20 ans en gastronomie auprès de
Mme Bokhami, M. Perrot, M. Carrano , M. Mr Billoux, Mr Lacombe, Mr Cressac, Mr
Prim, Mme Richard, Mme Colle… Henri-Roux, Mr Pérardel, Mr Alain Du-
casse.
Dans notre classe il y avait des élèves de toute L’art culinaire avec sa part de créativité est
la France, des Internationaux, peu de filles. ma grande passion.
M. Robert le prof de sport savait extirper de Sur les conseils de Mr C. Malhomme MOF
l’être humain le meilleur : le respect, l’esprit ébéniste et MOF menuisier je m’inscris au
d’équipe, la motivation, le dépassement de soi… concours du Meilleur Ouvrier de France cui-
Les casse-croûtes à l’internat avec la chambrée sine, je suis lauréat à la Sorbonne en 2000.
(mon numéro d’interne était le 290). Chacun En 2002, après l’obtention du CAPET, je
apportait des produits artisanaux que nous reviens à Thonon avec beaucoup d’émotion
dégustions après le service du soir. pour ma deuxième passion la formation.
Dans cette ambiance rude il y avait une grosse Maintenant j’ai grand plaisir à enseigner et
solidarité avec les copains. Mon ami Pascal surtout poursuivre la transmission du savoir
Brunelli un des rares à vouloir œuvrer en aux jeunes générations qui sont très réceptives
binôme avec moi en TP, j’étais déjà un peu aux conseils. Humainement ils m’apportent
perfectionniste ! beaucoup.
La seule sortie du LTH : les hospices de La qualité de l’enseignement d’un lycée se per-
Beaune. Mémorable ! çoit aussi dans le devenir de ses étudiants.
En TP cuisine je brulais souvent les roux, je les J’espère leur transmettre le meilleur, surtout la
oubliais dans le four ! motivation, la passion et en voir revenir nous
Les cours de pâtisserie, nous essayions de dé- saluer avec le sacre.
toquer le chef avec la grande pelle à four, sans Dans ce monde de l’hôtellerie restauration en
succès ! pleine évolution et mondialisation, je souhaite
L’épreuve du second tour et le découpage du que notre école la plus ancienne de France
canard passé pour rien car j’avais déjà obtenu trouve toujours les ressources matérielles et
le nombre de points nécessaire à l’obtention du humaines pour poursuivre la qualité de sa
BTH mais la mauvaise case avait été entou- formation auprès de nos jeunes encore de
rée ! nombreuses années.
13. 1987-1992
Thierry Boéro • Directeur & Propriétaire,
Upstairs/Downstairs, North Yorkshire
M on père possédait un bar-restaurant
à Tarascon, et je lui donnais un coup
de main… Alors ça m’a pris, et j’aime toujours
On apprenait tout là, même la découpe du
jambon, du canard, etc. On apprenait les pro-
cédures, et ça nous faisait 3 ans d’expérience
ce travail ! très proche de la réalité. C’était des outils for-
Thonon, c’était surprenant, en venant d’une midables : en Angleterre où je vis, ils n’ont rien
école standard ! Mais on s’y prend vite ; on de tout ça. Et on voit tout de suite les jeunes
se fait des camarades, et surtout on bossait ! d’une école d’application et les autres.
Je n’étais pas l’élève modèle, ça non, mais en-
Ainsi au resto d’application, on passait dans suite on voit ce que ça a apporté. Ça m’a aidé
tous les départements : en 2de, comme com- plus tard en restaurant puis en hôtellerie de
mis ; ensuite en 1e on était chef de rang, en luxe, parce qu’on retrouve des situations qu’on
charge des 2des… Et en Tle on passait maître a déjà vécues avec les profs.
d’hôtel, directeur de la restauration ! On avait
en charge la salle (bien sûr sous l’œil du prof), Tous les profs étaient pour nous un exemple.
l’accueil, le service — on était notés là-dessus… On apprenait le respect et la discipline : si
on arrivait en cours un peu négligé, ça ne se
Pareil en cuisine : on était un jour chef de passait pas bien, il fallait être nickel.
cuisine, un autre jour aboyeur ; à la réception, Ce que j’ai appris, c’est l’importance de la pré-
on était d’abord commis, puis chef de réception sentation et de l’accueil. Quand les gens ont le
et alors, à nous de prendre en charge les plus choix entre plusieurs établissements de même
jeunes. Ça forge des relations, ça établissait standing, ils iront là où ils sont bien accueillis.
des liens entre les promos, des amitiés que j’ai
toujours ! C’était une expérience exceptionnelle.
Si je pouvais le refaire aujourd’hui,
je le referais… Je serais juste un peu
plus sérieux !
Les profs de pra-
tique surtout m’ont marqué. Par
exemple, monsieur Gardette : il était
à la réception et, quand on laissait notre
caisse ouverte, il "volait" l’argent !
Je peux vous dire que c’est formateur ...
et je le fais encore aujourd’hui
avec mes employés !
14. 1958-1961
Bernard Brack • Manager de grands établissements
R ien ne me prédisposait à l’hôtellerie mis
à part le goût des belles choses, des belles
tables… et un test psychologique (en première,
j’en avais assez de l’enseignement général) a Les cours étaient
confirmé que ce serait une bonne idée. sympas aussi, avec
J’ai présenté Paris, Strasbourg et Thonon,
réussi les trois et choisi la dernière pour
les profs qui avaient leurs
sa réputation. Cette vocation s’est tout de petites manies, comme ce chef
suite confirmée être la bonne : j’étais ravi de cuisinier qui craignait qu’on
découvrir de nouvelles choses concrètes, des lui chaparde des pistaches
professionnels passionnés ; toutes les matières quand on allait dans la
m’intéressaient et j’avais des bonnes notes. chambre froide.
Même avec les promotions aînées, nous
constituions véritablement une deuxième
famille, qui se retrouvait en ville à La Pinte et
Chez Zinette, deux endroits incontournables. J’ai fait beaucoup d’extras, y compris les très
Et il régnait une entente cordiale entre élèves longs week-ends puisque mes parents étant au
et professeurs. Ils se sentaient investis d’une Cameroun, je ne rentrais pas du tout chez moi.
mission, parlaient de nous entre eux et étaient Je suis notamment allé aux Carroz d’Arraches
toujours attentif envers ceux en difficulté. chez Hubert Dabère (promo 49), et puis en
Les cours étaient sympas aussi, avec les profs stage au bord du lac d’Annecy. Là, j’étais censé
qui avaient leurs petites manies, comme ce chef être en cuisine mais la patronne m’appelait
cuisinier qui craignait qu’on lui chaparde des plusieurs fois par jour chaque fois qu’un client
pistaches quand on allait dans la chambre anglais ou américain lui demandait quelque
froide. Alors quand on y entrait, on devait chose car elle n’y comprenait rien. À la fin du
siffler quelque chose sans s’arrêter ; ainsi il stage, elle me suggéra même de stopper mes
était sûr que nous n’étions pas en train de études pour m’embaucher !
manger quelque chose…
Et après l’école je suis effectivement devenu
réceptionniste, dans des hôtels de plus en
plus grands et réputés. J’ai gravi les échelons
jjusqu’à la direction générale de plusieurs
Hilton à travers le monde, pour conclure au
RRoyal Plaza à Montreux.
15. 1976-1979
Michel Brelière • Cuisinier dans le monde entier
J ’étais Mâconnais et j’étais fasciné par des
anciennes pâtissières qui n’avaient plus
de magasin mais conservaient leur atelier
J’ai le souvenir à la fois mémorable et honteux
d’un prof de gestion. Mémorable car c’était un
type formidable, honteux car je ne me rappelle
où elles fabriquaient des merveilles qui me pas son nom.
réjouissaient. Et puis M. Robert et son satané cross du Corzent
C’est cela qui ma donné le goût, il n’y a aucun en plein hiver dans la neige et la gadoue…
doute. Car en fin de troisième j’étais très bon on vous a dit que certains empruntaient des
élève et pouvais sans souci poursuivre en classe raccourcis ? ah ben oh ben non… je ne suis pas
générale. Mais au conseil d’orientation j’ai dit au courant...
que je voulais faire hôtellerie, et même si mes
profs et mes parents étaient aussi abasourdis,
L’essentiel que j’ai retiré de Thonon
ils m’ont écoutés et j’ai présenté les concours.
Reçu à Thonon, j’ai pris pour la proximité est que les profs ne venaient pas pour
mais surtout pour la notoriété. « travailler » mais pour transmettre
C’était quand même un truc de fou : j’avais leur savoir. Il étaient passionnés, et
14ans ½, je n’avais jamais quitté les jupes plus encore d’adapter ce savoir à une
de ma mère, et je filais pour trois mois sans spécialité, l’hôtellerie.
vacances…
Par la suite je n’ai jamais quitté les fourneaux,
En plus il y a eu le bizutage… où j’ai été assez de par le monde, de palaces en hôtels moins
épargné parce que j’étais maigre et petit, alors gourmands. Et j’ai constaté une chose : il y a
on ne m’en rajoutait pas trop… « un clan » entre les anciens de Thonon. Peu
Mais il y avait surtout un truc qui était importe qu’on ait été bon où qu’on ait fait quoi
mauvais signe : si un 3e année vous emmenait que ce soit : on a été à Thonon et ça suffit.
à La Pinte, c’était soit pour y faire le zèbre,
soit pour payer la tournée ! On allait aussi
beaucoup à l’Excelsior, un bar à jeu d’échecs
: il y avait un damier sur chaque table, le
patron était passionné et nous prodiguait ses
conseils jusqu’à oublier ses clients au bar !
Et puis M. Robert
et son satané cross du Corzent
en plein hiver dans la neige
et la gadoue... on vous a dit
que certains empruntaient des
raccourcis ? ah ben oh ben non...
je ne suis pas au courant...
16. 1987-1992
Sébastien Buet • Directeur & Propriétaire,
Hôtel des Cygnes, Évian
J ’habitais à 100m de l’École, et mes grands-
parents étaient dans l’hôtellerie… Je voulais
faire ça depuis tout petit !
Mes parents n’étaient pas chauds, mais ils
ont dû céder. Je suis arrivé à l’École très en-
thousiaste et je n’ai pas été déçu ! Lors du banquet des Hospices
de Beaune, on me mettait toujours au
Le message principal que je veux faire service de la table d’honneur, je me
passer c’est que j’avais la chance souviens de Jean-Claude Brialy,
d’avoir une passion et un rêve, et extrêmement sympa... Et de Carole
c’est grâce à l’École que j’ai réalisé Bouquet, parce qu’un jéroboam de
ça, même sans le sou, grâce au côté champagne m’avait échappé, et je
technique et débrouillard que j’y ai lui avais crêpi le dos ! Mais, très
acquis. grande dame, elle n’avait même pas
Mais c’était une période un peu charnière, le
bronché, ne m’avait adressé aucun
lycée périclitait dans ses vieux locaux. Quand reproche, alors que sa robe était
je suis arrivé il était même question de fusion- trempée...
ner avec Glion… Ç’a été un tollé. Il y avait
de gros problèmes de tenue (alcool, drogue)…
Mais les nouveaux locaux ont donné un Lors de l’inauguration du CERN, on servait
souffle nouveau ; le conseil d’administration a le banquet des chefs d’État, nous en avions
pris des mesures drastiques, hésitant à adop- chacun deux : pour moi, le président Fran-
ter carrément l’uniforme, avant de se décider çois Mitterrand, très malade déjà, et la reine
pour le costume. Je garde de bons souvenirs d’Angleterre ! À la fin du banquet, le pré-
des manifestations extérieures ; de ma saison sident nous avait salués un par un, tous en
d’été au Savoie-Léman ; de la soirée et du rang d’oignons. J’étais le dernier du rang, juste
voyage de promo. avant Georges Blanc qui était chef…
Une année, on avait présenté au théâtre une On avait à peu près cinquante-cinq heures
série d’imitations de nos profs sur le modèle de cours par semaine, auxquels s’ajoutaient
des Exercices de style de Queneau. Mais on les extras, les sorties, les DM ! Mes parents
était en BTS1 et, comme j’étais un des prin- étaient épouvantés : on sortait tous les soirs
cipaux imitateurs, j’ai subi des représailles de de la semaine, puisque chacun rentrait chez
certains profs durant toute l’année suivante ! soi le week-end…
En réaction contre l’obligation de porter un Je ne suis pas nostalgique parce que je suis
costume, on avait fait un journal, L’Écho des très heureux aujourd’hui. Et je garde des liens
Costards, vite censuré par le proviseur ! assez étroits et des contacts fréquents avec
l’École ! Et j’observe avec plaisir son dévelop-
On était aussi à la charnière d’une ancienne pement actuel. Elle a une bonne tournure.
génération de professeurs en fin de carrière, Cette École nous permet de faire ce qu’on a
aux méthodes un peu désuètes y compris en envie de faire. D’aller au bout de nos envies,
terme de discipline (les coups de pied au cul) ! de réaliser nos rêves.
17. 1972-1974
Yann Caillère • Cuisine puis management et direction
N ous habitions Agadir et j’étais en pension
à Marrakech. Le goût de la cuisine
m’est venu par ma mère qui avait des doigts
de fée ! Et puis j’ai vu Agadir détruit, et se
reconstruire notamment via l’hôtellerie.
Le souvenir qui me fait
Thonon fut un choix familial parce que ma encore rire est celui de M.
mère avait des amis dans cette ville. J’ai passé Romanet, en cuisine, qui nous
les tests à Casablanca, fait un stage à La regardait éplucher des pommes
Baule et été pris. de terre et nous demandait :
"votre père est ministre ? "
J’avais déjà mon bac donc quand je suis
arrivé. J’étais assez âgé (19 ans) pour loger
parce que bien sûr
en ville, à la MJC, et l’intégration s’est faite nous pelions trop épais.
sans souci.
Le souvenir qui me fait encore rire est celui de
M. Romanet, en cuisine, qui nous regardait
éplucher des pommes de terre et nous Et puis il y eut l’épisode du premier four à
demandait : « votre père est ministre » ? micro-ondes installé en 1974. M. Lacroix
» parce que bien sûr nous pelions trop épais. était à la fois impressionné et sidéré par
Romanet avait toujours des petites phrases le saut technologique, et effrayé par le côté
bien à lui, un grand humour pour un grand dénaturant. Finalement il a été conquis.
colosse, que nous respections et admirions.
Les week-ends je ne faisais pas trop d’extras,
M. Robert m’avait intégré dans son équipe à part une semaine au Corbier dont je garde
de hand alors j’étais un peu privilégié ; et M. un bon souvenir ; c’est ensuite que j’ai vraiment
Plays, le prof d’anglais, nous a tous beaucoup fait mes classes pour de bon, dans des hôtels à
marqués parce que parmi les élèves… il y avait Tanger et Agadir.
sa fille ! Dans le même genre et juste après
lui, j’ai eu Mme Rebet dont le profil nous Quand je suis passé à Disneyland Paris,
captivait plus que ses cours, même s’ils étaient j’étais à la méthode américaine bien que je sois
excellents… directeur général délégué ! : c’était comme ça,
il fallait passer par tous les services ! Donc
je me suis retrouvé quelque temps derrière
les fourneaux, et c’est vrai que pour manager
ensuite, c’est une bonne chose.
En qualité d’employeur, j’ai beaucoup
recruté, et je dois dire que deux écoles
sortaient toujours du lot : Thonon et
Strasbourg.
18. 1960-1963
Pierre Caron • Cuisinier
E n Secondaire, mes parents m’ont fait passer
des tests qui me menaient vers l’horlogerie,
la bijouterie… Ce fut donc une surprise quand
je dis que je voulais être cuisinier, d’autant que
rien dans mon entourage ne m’avait influencé.
J’ai raté Thonon en 1959 et réussi l’année Les 3e année avaient lancé le truc, et comme
suivante. C’était le départ d’une nouvelle vie, on suivait leur action, ils nous avaient à la
difficile à cause de l’internat par trimestres : bonne.
on ne rentrait qu’à Noël et Pâques !
Nous avions un uniforme imposé, tant en Les deux années suivantes, l’ambiance était
cours que lors de nos sorties en ville. Sorties bien meilleure, quand même ; avec beaucoup
limitées aux jeudi et dimanche après-midi, et plus d’entraide et de solidarité entre les
le dimanche sous condition de ne pas avoir élèves. On se regroupait pour des TP… et on
eu une seule note en-dessous de 5 sur 20 rigolait bien. Je me souviens de la nuit où M.
durant la semaine. Et bien sûr notre tenue était Hautefeuille m’a descendu du dortoir par la
vérifiée au pli près avant que l’on sorte. peau du cou parce que je faisais du chahut,
Je me souviens du bizutage mais il ne m’a et j’en ai pris pour mon grade. Mais il avait
pas traumatisé ; c’était juste un peu pénible, raison : d’ailleurs les profs et cadres de l’École
surtout le racket de cigarettes. Mais il y a ne punissaient jamais pour rien.
aussi eu des trucs drôles; comme le jour où les
3e année nous ont fait frotter les carreaux du Ma carrière s’est spécialisée dans la rôtisserie
restaurant avec nos brosses à dents. et les sauces, puis ce qu’on appelle « le garde-
Et puis cette même année 1960 il y eût une manger » (réceptionner et trier les produits,
grève de la faim car la nourriture était vraiment et les distribuer à chaque cuisinier selon sa
infecte (le comble pour un lycée hôtelier !). tâche).
Cette école nous a appris la vie et surtout
la réalité de l’hôtellerie. Les professeurs ne
nous ont jamais laissé croire que c’était un
métier facile, et leur exigence de rigueur était
maximale.
Je me souviens de la nuit où
M. Hautefeuille
m’a descendu du dortoir par
la peau du cou parce que
je faisais du chahut,
19. 1962-1965
Daniel Carroué • Hôtelier - Restaurateur
A près 4 concours réussis pour intégrer
une école de commerce ou une école
hôtelière à Paris et Thonon, j’ai choisi l’école
qui jouissait de la plus grande notoriété :
Thonon.
Ce choix impliquait d’être en pension, ce qui
répondait à un besoin mais je le redoutais
malgré tout.
Après un pré-stage à l’Hôtel du Midi à
Annemasse où l’on m’a donné vraiment envie
d’apprendre ce métier, malgré 14 heures de
travail quotidien 6 jours sur 7 (par la suite
cet établissement est devenu le siège de la
CGT locale !), la rentrée fut particulièrement sous la pédagogie de M. Dargaignon, tout
difficile. Dès le 3ème jour pour une broutille, comme de mon cahier de crus des vins tenu
j’étais sévèrement corrigé par Monsieur avec autant de sérieux que M. Triolet en
Hautefeuille, surveillant général. Profondément exigeait, attentif au pragmatisme de Mme
marqués par la forme violente que pouvait Barthas pour nous enseigner une comptabilité
prendre son autorité, en 1968 nous sommes rébarbative, je regrette de ne pas avoir été
allés avec Yves Jeannot nous en expliquer et meilleur élève ! Et que dire de M. Robert qui
faire la paix avec lui alors qu’il terminait sa nous a ouvert à presque tous les sports dans
carrière à Ville d’Avray. le respect d’une technique parfaite et d’une
discipline assumée et surtout motivé pour que
La blouse grise obligatoire n’était pas de chacun conquière son propre Everest.
nature non plus à égayer mes premiers jours
de pensionnat ; aussi malgré des regards Si je devais dégager les temps forts de ces 3
réprobateurs nous pratiquions joyeusement années, je choisirais la fraternité qui rassemble
«la customisation». Rapidement une bonne encore 32 camarades le 27/09/2012 à
ambiance de camaraderie s’est installée, les Thonon ; le banquet de la vente des vins à
surnoms fleurissaient au gré des qualités et Beaune ; l’émotion incommensurable ressentie
défauts de chacun. Ainsi certains m’appellent dans le triste préau à l’annonce de l’assassinat
encore Max aujourd’hui, surnom hérité des de Kennedy le samedi 23 novembre 1963 ;
«Bien jeté, Max !» adressé à Max Meynier nos premiers baisers ; la Bise qui alimentait
animateur d’une émission de radio pour ses nos bourdons l’hiver venu ; mais aussi les
répliques ironiques bien senties. Je confesse nuits où nous refaisions le monde…
avoir effectivement contribué à une certaine
bonne humeur, comme aux manifestations En retraite je nourris plusieurs passions au
nocturnes de rigueur dans l’internat ! gré de mes inspirations mais il n’y en a qu’une
à laquelle je m’adonne 2 fois par jour : la
Rares sont les professeurs qui ne m’ont cuisine. Elle a guidé mes pas une bonne partie
de ma vie et si elle vagabonde un peu dans
pas marqués et aujourd’hui encore je les idées d’aujourd’hui, je continue à faire mon
sais mettre un nom et des souvenirs fond de veau comme nos chefs me l’ont appris.
sur 21 visages. En admiration devant les
délicates roses façonnées sous les gros pouces Merci !
de M. Romanet, fier des blanquettes réussies
20. 1960-1963
Michel Charpentier • Hôtelier et cuisinier
En fait, l’école était une
véritable famille au sein de
E n fin de 3e, j’ai passé trois concours très
différents : Technique, Chimie et Hôtellerie.
J’ai réussi les trois, et choisi Thonon parce
laquelle tout le monde travaillait
en bonne intelligence, sans jamais
que j’y avais un ami, André Mazin, entré en chercher à écraser
1966, qui m’en avait parlé. Cela avait été une qui que ce soit...
révélation.
"Un esprit de famille ",
On a eu droit aux brimades mais nous étions mais pas seulement. Il y avait
11 savoyards costauds, et cette coalition de un état d’esprit très spécial,
poids a calmé un peu les ardeurs de nos « j’en suis convaincu.
bourreaux »…
Je me souviens de mai 68 car une délégation
de 3e année est allée à Paris, mais surtout à
cause d’une explosion de gaz qui a failli faire bonne intelligence, sans jamais chercher à
un mort à l’école. On n’a jamais su si c’était écraser qui que ce soit. Personne n’était laissé
criminel ou accidentel mais il y avait un doute en rade, que ce soit par les enseignants ou les
à cause des événements, et le proviseur a camarades.
décidé de fermer l’école quelques jours. Le fait d’être 24h sur 24, en internat des
trimestres entiers, joua bien sûr beaucoup sur
Ceci et beaucoup d’autres choses nous ont tous cet « esprit de famille », mais pas seulement.
beaucoup soudés et nous le sommes restés : en Il y avait un état d’esprit très spécial, j’en suis
2010, nous étions tout de même 19 réunis à convaincu.
Beaune pour fêter nos 40 ans !
Et puis il y a le souvenir des profs, tous très D’ailleurs par la suite, en tant qu’employeur
compétents car dotés de bonnes expériences. pendant 40 ans dans mon propre hôtel à
Le plus étonnant était M. Sueur, pâtissier La Féclaz, j’ai eu des élèves d’autres écoles.
qui n’avait qu’une seule main, l’autre étant Et je ne leur ai jamais trouvé cet esprit, ni
atrophiée ; et aussi M. Sylvestre, chef de le même degré de motivation que celui qu’on
cuisine que je n’ai eu qu’un an mais cela a suffit nous avait inculqué, et qu’on ressent toujours
pour m’enseigner l’exigence et la perfection. chez les élèves de Thonon.
C’est à Thonon que j’ai toujours versé ma taxe
En fait, l’école était une véritable famille au d’apprentissage, et je suis fier de voir qu’elle
sein de laquelle tout le monde travaillait en continue d’être employée à bon escient.
21. 1975-1979
Bruno Chartron • Restaurateur
M a grand-tante et ma tante avaient une
pension de famille et à les voir faire
j’ai immédiatement voulu être cuisinier, mais
Le sport nous a beaucoup soudés, lui aussi,
grâce à M. Robert qui était à la fois sévère
mais juste, à la fois passionné par quelques
pas forcément dans le but de reprendre cette disciplines et ouvert à tout. D’autres m’ont
affaire. marqué, bien sûr, et quelques cadres tels que
le proviseur M. Sénéchal et le surveillant
Je n’ai présenté que Thonon et n’ai pas été général Le Dilasser.
dérouté par l’internat car je connaissais déjà,
sauf par le fait qu’on rentrait moins souvent En fait je n’ai jamais terminé ma dernière
chez soi. Mais c’est aussi grâce à ces week- année car j’accumulais tellement de mauvaises
ends sur place que l’on faisait des extras et l’on notes que j’en ai eu marre et j’ai démissionné.
gagnait de l’argent de poche dont on profitait J’ai aussitôt fait une saison à Vars chez un
bien. Sauf bien sûr le week-end mensuel ancien, Rostalan (décédé dans une avalanche),
d’astreinte à l’hôtel-restaurant de l’école, qui puis juste après avoir intégré l’armée j’ai eu
faisait partie de notre enseignement pratique un très grave accident de la route qui m’a
et concret. valu tellement de complications que j’ai passé
quatre ans dans les hôpitaux militaires !
La première année avait son côté pénible des
brimades récurrentes. Ce n’était que rarement En sortant, j’ai racheté un fonds de commerce :
méchant ou humiliant, mais à la longue, ça l’établissement que ma grand-tante et ma
devenait lourd… Cela n’a pas empêché – voire tante avaient entre temps vendu. Je poursuis
peut-être favorisé – une bonne camaraderie entre donc finalement leur histoire !
nous, qui a soudé la promo. Dans les dortoirs
par exemple, on en a fait de belles : bien sûr on
se virait les uns les autres, et parfois même
on virait le surveillant ! Mais le plus beau et
le plus drôle était lorsqu’on s’organisait des
fondues savoyardes, et on laissait le caquelon
sale pendant des jours dans un placard, cela
devenait vite insupportable.
Mais le plus beau
et le plus drôle était
lorsqu’on s’organisait
des fondues savoyardes,
et on laissait le caquelon sale
pendant des jours
dans un placard,
cela devenait vite
insupportable.
22. 1953-1956
René Cherbouquet • Restaurateur
Ma préférée est celle du
jour où, alors que
je traversais la salle de restaurant
avec une pile d’assiettes,
un camarade en a lancé une
sur le dessus. Je l’ai parfaitement
rattrapée au vol... mais ça m’a
fait lâcher toute la pile !
J ’ai toujours voulu être cuisinier et m’étais
bien documenté : je savais que Thonon était
la meilleure et n’en ai pas présenté d’autre. d’assiettes, un camarade en a lancé une sur le
dessus. Je l’ai parfaitement rattrapée au vol…
Au début, des clans se sont formés en fonction des mais ça m’a fait lâcher toute la pile !
régions d’origine et des niveaux d’études ; puis en On ne cesse de reparler de M. Quillot qui
2e et 3e années nous étions plus réunis, plus suivait à la loupe notre travail en salle, et de
proches. M. Triollet, surnommé « le Sioux » à cause
Près de 60 ans plus tard, je me souviens de son visage buriné et son grand nez, et sa
encore de la très belle Mme Rebet, qui m’a manie de toujours arriver sans qu’on l’attende
donné les seules heures de colle dont j’ai écopé ni ne l’entende.
en 3 ans ! C’était une excellente prof mais
j’avais du mal à suivre et c’est d’ailleurs cette À cette époque le proviseur était M. Chapert,
matière qui m’a fait rater le CAP de garçon très dur, sévère, et le surveillant général
de salle, malgré des cours particuliers. était… sa femme. Elle aussi très ferme mais
Bon, de toutes façons j’étais plus intéressé avec moins de poigne et certainement plus de
par la cuisine, un endroit indissociable dans compréhension à l’égard de notre éloignement
ma mémoire de notre fameux « Mimile » de nos familles.
Romanet, si grande gueule et en même temps
si attentionné. J’ai mené ma carrière avec ma
J’ai aussi connu M. Saunier mais pas femme à travers deux établissements
comme prof : comme chef de cuisine à Évian
successifs, et jamais je n’ai eu besoin
où il m’avait pris en stage. Un autre grand
monsieur…
d’en apprendre plus que ce que
Thonon m’avait enseigné.
L’esprit d’école est resté, on le sent chez chaque
ancien, et l’esprit de camaraderie aussi. Tous
les deux ans nous nous réunissons, avec nos
épouses qui s’entendent à merveille. C’est un
vrai bonheur de reparler de Thonon, de nous
raconter de vieilles histoires.
Ma préférée est celle du jour où, alors que je
traversais la salle de restaurant avec une pile
23. 1988-1990
Christophe Chalvidal • Directeur
Hôtel Imperator, Nîmes
L a vocation m’est venue par hasard : depuis
l’âge de 6 ans je voulais être pâtissier !
Finalement, j’ai moins de souvenirs avec les
profs. Mais quand même, le premier cours de
M. Barrenqui, prof de pratique : en guise de «
À la rentrée j’étais heureux et stressé. Mais préliminaire », il nous a fait vider les canards
je rentrais à l’internat, et mes parents étaient et les poissons, à 7h du matin ! C’était un
plus stressés que moi ! On avait marqué le homme pétri d’humanisme et de gentillesse.
linge avec mon numéro, le 567 ; récupéré la La présence du restaurant et de l’hôtel
mallette, les couteaux, les uniformes, les vestes d’application était un véritable privilège.
de serveur… C’était loin de chez moi, je partais
pour la semaine : j’ai aimé ça. Aujourd’hui, je donne des cours à Vatel, à
Nîmes : il manque ce côté traditionnel, la
Il y avait un peu d’oppression de la part des base du métier. J’ai appris le goût du travail,
3e année sur nous, les 1e année : par exemple la rigueur : les fondamentaux du savoir-
le premier week-end, je suis allé à la gare vivre. L’École a pris le relais de l’éducation
avec 5 sacs sur le dos ! L’ambiance dans le parentale, c’est le démarrage de ma vie : avec
train était très intense, toute notre vie était là. mon charisme et mon envie de réussir, tout
Ç’a été fédérateur, comme on le dit au sujet du cela a forgé mon tempérament.
service militaire : mes camarades de promo C’était dur, à tous points de vue ! Nous faisions
sont comme mes « frères d’armes » ! 14 heures par jour, 6 jours par semaine...
J’avais un copain fils de charcutier : on apportait Nous vivions à contretemps des copains des
des victuailles et on se faisait nos petits casse- autres lycées, etc.
croûte en salle d’étude, en jouant aux cartes…
On montait au dortoir des filles : l’appartement Mais nous avions un fil conducteur :
du CPE était situé au bout du dortoir, et plus l’amour du métier. Ç’a été les meilleurs
d’une fois on était planqué sous les lits quand moments de mon adolescence et
il nous cherchait avec sa lampe de poche !
ça m’a mis le pied à l’étrier dans
ma vie professionnelle. Ça m’a fait
comprendre que « si je te mène la vie
dure, c’est pour ton bien. »
On montait
au dortoir des filles :
l’appartement du CPE était
situé au bout du dortoir, et plus
d’une fois on était planqué sous
les lits quand il nous cherchait
avec sa lampe de poche !
24. 1958-1962
Daniel Coccoli • Steward puis manager chaîne hôtelière
A imer bien cuisiner est juste un virus
familial : mes tantes faisaient sans cesse
de petits plats gourmands et mon père italien
n’était pas en reste quand il rentrait, pour Et on allait
ajouter sa petite pincée d’origine. Mais cela draguer les Thononaises
en restait là, jusqu’à ce que je sois le premier Chez Zinette,
à me décider à en faire un métier. ouvert de 7 h à 23 h
Originaire de Lyon, Thonon était le choix
une femme extraordinaire ;
logique, la réputation en plus. J’ai tout de
à La Pinte,
même fait un stage à l’hôtel Beau-Site avant avec son sous-sol
d’intégrer l’École, où tout s’est bien passé. où on pouvait danser...
Avec mon mètre quatre-vingts, j’échappais
aux brimades d’autant que M. Robert
m’avait enrôlé dans son équipe de judo. Avec
ce physique et cette activité martiale qui en
impressionnait plus d’un, j’étais tranquille !
Nous étions une promo très soudée, avec
Claude Aubineau qui menait un peu le groupe
et en a gardé tous les trésors. C’est d’ailleurs
lui qui a lancé l’idée de se retrouver en 1972 ;
et depuis c’est même tous les deux ans.
J’ai fait la section « steward » qui
m’intéressait vraiment. D’autres y étaient plus
attirés par l’habitacle d’avion entièrement
reconstitué dans la rotonde en haut de l’école
et qui était assez fascinant. Mais c’est peut-
être parce que le décorum était trop beau que
finalement la spécialité n’a pas perduré… ?
Nous sortions en ville sans devoir porter une
tenue spéciale, juste être corrects. Et on allait
draguer les Thononaises Chez Zinette, ouvert
de 7h à 23h par une femme extraordinaire
; à La Pinte, avec son sous-sol où on pouvait
danser ; ou aux Baladins, un restaurant sur
l’esplanade.
Et puis j’ai fait mes premiers stages à l’Albert
Les deux premières années nous n’avions des 1er chez M. Antonietti, comme chef de rang.
vacances qu’à la Toussaint, Noël et Pâques, C’était dur, pas super bien logés ni bien payés !
et un week-end d’astreinte chaque mois. Sinon, En revanche j’y ai beaucoup appris.
nous faisions des extras ; moi, j’allais beaucoup
à La Zonette, à Chens-sur-Léman, car les Tout ce que je n’ai appris à l’école, je
clients y donnaient de généreux pourboires. l’ai appris chez lui.
25. 2007-2010
Aude Cochard • En Master 1 à Savignac
C’ est sans m’en rendre compte que j’ai
appris à aimer la cuisine ! Parce que ma
mère cuisine bien, alors chaque repas est un
Mes grands souvenirs de l’école, ce sont
d’abord MM. Schirman, Coudurier et Haas.
De très grands professionnels qui m’ont
régal dominical. appris beaucoup, pas forcément plus que leurs
Cela dit je n’avais pas d’idée préconçue sur la homologues mais avec un naturel qui forçait
cuisine : l’hôtellerie en général m’intéressait, et le respect et ne prêtait pas à contestation. Et
la première année j’étais plutôt tentée par la puis ce formidable stage que nous avons fait
salle. Mais bon, je me donnais un an pour y en Californie à la Nappa Valley, grâce à M.
réfléchir. Ferraud, un autre prof exceptionnel.
La journée d’intégration fut hyper-sympa et J’ai choisi de compléter ma formation à l’école
cool, rien d’humiliant ou gênant. Et ensuite nous de Savignac et me destine plutôt à la réception
avons connu une excellente année de promo, qu’à tout ce qui est cuisine et salle. C’est un
suivie de deux autres années mythiques. choix à ambition personnelle et familiale :
Il se peut que j’ai passé à Thonon les trois il est vrai qu’être en cuisine ou en salle au
meilleures années de ma vie d’étudiante. moment de coucher les enfants, ce n’est pas
forcément compatible (pas du tout, en fait !).
Ce qui m’a frappé, surtout, c’est qu’à une Dans l’hôtellerie c’est toujours tendu mais avec
époque où on ne cessait de taper sur les profs, des horaires plus cadrés.
les nôtres s’investissaient totalement ! Non
seulement très disponibles mais rassurants, De toutes façons, Thonon m’a préparée
parfois maternels. aux deux !
Étant en colocation externe je ne souffrais pas
trop du spleen d’être partie de chez papa-
maman ; n’empêche que de temps en temps le
soutien moral et psychologique d’un prof était
bienvenu. C’est simplement humain… mais pas
si simplement automatique et je l’ai apprécié de
la part de quelques-uns qui ont su m’épauler
quand il fallait.
Mes grands
souvenirs de l’école,
ce sont d’abord MM. Schirman,
Coudurier et Haas. De très grands
professionnels qui m’ont appris
beaucoup, pas forcément plus que
leurs homologues mais avec un
naturel qui forçait le respect
et ne prêtait pas
à contestation.
26. 1987-1990
Damien Combet • Directeur d’hôtels
Mercure et Kyriad
Président de la Compagnie hôtelière de Lyon
J e suis venu à Thonon à la suite d’un séjour
dans une petite station de ski, à l’âge où
je commençais à m’orienter : on avait discuté Un jour,
avec le propriétaire de l’hôtel, qui avait fait à la pâtisserie de l’hôtel
l’École — je ne sais plus son nom, dommage Savoie-Léman, après avoir
! — et c’est comme ça qu’on l’a connue…Mes rempli nos attributions,
parents, artisans pâtissiers, me poussaient à
avoir un métier assez tôt, et je suis entré à
on s’est échappés par la fenêtre...
l’École à 15 ans pour en sortir à 18. Quand le chef, qui se demandait
où on était passés, s’est mis
J’ai plein de souvenirs de potache ! Un jour, à nous appeler, on s’est fait
à la pâtisserie de l’hôtel Savoie-Léman, recevoir d’un bon coup de
après avoir rempli nos attributions, on s’est pied au cul !
échappés par la fenêtre… Quand le chef, qui se
demandait où on était passés, s’est mis à nous
appeler, on s’est fait recevoir d’un bon coup de
pied au cul !
À l’internat, les batailles de polochon étaient
fréquentes : un jour c’est le CPE, M. Caillat,
qui s’est pris l’oreiller sur la tête… Un autre
jour on avait retiré tous les boulons du lit d’un
camarade assez costaud et, quand il s’est jeté
dessus, tout s’est cassé la figure !Enfin bref,
on a enchaîné les blagues de potache, c’est
bête mais pour moi c’est aussi un marqueur
de l’ambiance spéciale qu’il y avait dans cette
école-là, par rapport à d’autres où je suis
passé…
Dans les événements, on avait fait
l’inauguration du CERN à Genève, avec
François Mitterrand. On devait faire le
cocktail et M. Marquis m’avait retenu pour
le service du Président… Mais dans le car Les relations avec le corps enseignant étaient
qui nous emmenait à Genève, j’ai dû faire une des « relations hôtelières », une espèce de
sottise, j’ai oublié laquelle, et j’ai été privé complicité hiérarchique, si particulière à ce
de ce service ! Une belle expérience que j’ai métier, faite de respect et de convivialité…
manquée, par ma faute…
Tout ça a créé un lien affectif, presque
Toutes ces blagues c’était une manière de
témoigner notre affection, et pour moi cette
une relation amoureuse, avec l’École…
jovialité c’est lié à notre métier, un métier de J’étais rentré sans intention précise
service et d’affabilité, au contact des gens… mais Thonon a été le révélateur de
ma vocation !
27. 1946-1949
Hubert Dabère • Hôtelier-restaurateur
Q uand j’étais en première je voulais
faire médecine, mais c’était une charge
financière trop longue et lourde pour ma
famille. Un ami m’a parlé de l’École Hôtelière J’ai l’impression
et cela m’a tenté, d’autant qu’habitant Thonon,
je pouvais même être externe.
que c’est une école qui a su évoluer
en gardant son âme, et un esprit de
Le bâtiment avait encore quelques séquelles corps que l’on ne trouve pas
de la guerre et nous avons d’abord du nous forcément ailleurs.
contenter de classes équipées sommairement.
On devait même aller au collège de filles pour
quelques cours, notamment de dactylo.
Heureusement la cuisine n’avait pas souffert
de la guerre et j’y ai passé de bien grands
À la sortie de l’École, les chasseurs de tête
moments avec notre chef M. Desgranges, un
étaient là ! Y compris le gouvernement
aussi grand monsieur que son homologue
canadien qui nous proposait des contrats
Antonietti, qui nous dirigeait au restaurant.
de 5 ans. Mais je devais faire mon service
militaire, dix-huit mois en Algérie. Après quoi
L’ambiance générale était très bonne d’autant
je suis rentré dans le Chablais pour travailler
que nous sortions de la guerre et des privations,
avec M. Antonietti et au Royal d’Évian.
alors un rien nous réjouissait et nous faisait
plaisir. Les profs avaient leur métier dans la
Puis j’ai pris une affaire en gérance aux
peau et nos relations étaient excellentes sept
Carroz d’Arraches. J’étais en cuisine et ma
jours sur sept, et en dehors de l’école que ce
femme en salle, et en 1968 nous avons ouvert
soit en ville ou lors de stages et d’extras les
l’hôtel L’Arbaron.
week-ends.
Nous faisions aussi des échanges avec l’École
de Lausanne : à tour de rôle plusieurs fois dans De toute ma carrière de patron je
l’année les élèves de l’une ou l’autre prenaient n’ai toujours pris que des anciens
le bateau pour venir découvrir et travailler de Thonon et n’ai jamais eu à m’en
dans un autre cadre, avec d’autres professeurs. plaindre, d’ailleurs certains sont
devenus de grandes figures.
J’ai l’impression que c’est une école
qui a su évoluer en gardant son âme,
et un esprit de corps que l’on ne
trouve pas forcément ailleurs.
28. 1989-1991
Fernand Deuss Frandi • Propriétaire et chef de cuisine,
Restaurant Côté Lac, Thonon.
Dès l’âgemonn’estans, j’aistage, jetous lestombé
Et à
de 13
amoureux : ce
premier
eu envie de cuisiner.
jamais pareil,
suis
jours
différent, à la fois manuel et mental ! On m’a
dirigé sur Thonon : c’était très sélectif, et ce qui
a joué en ma faveur, c’est que je parlais déjà
couramment cinq langues : l’italien, l’espagnol,
l’allemand, l’anglais, le français.
Dans ma génération, il y avait trois écoles,
dont Thonon, qui étaient les meilleures. Arriver
à Thonon, c’était rentrer dans un autre monde.
L’internat, c’était la découverte du vivre avec
les autres, une véritable coupure avec le
monde de l’adolescence. On sortait du cocon « Thonon, c’est une école qui donne des bases.
famille + école » pour entrer directement dans Ceux qui sont sortis de cette formation n’ont
le monde professionnel. Il fallait apprendre pas la même rigueur, la même discipline que
à s’appuyer sur ceux avec qui on bosse. J’ai les autres. J’y ai appris le sérieux, le respect
vite pris ma scolarité à Thonon comme partie du client, le goût du travail bien fait. M.
intégrante du parcours professionnel. Lacroix, qui était chef, entrant un jour dans la
Aujourd’hui, entre anciens de Thonon, il y a un cuisine, ne l’avait pas trouvée assez propre : il
rapport spécial, l’impression que c’est « comme nous a tout fait nettoyer de A à Z !
autrefois », une sorte d’attachement indélébile.
C’était un cadre qui me correspondait, droit,
Le rapport avec les profs était très pro. Je franc, clair. On apprenait tellement de choses !
me souviens que pour les stages d’été, alors J’aimais ça. C’était travailler une passion que
qu’on voulait tous des palaces, on m’a mis, j’avais déjà : la cuisine ; c’était de l’or.
moi, dans un petit resto sur les hauteurs
d’Évian. Au début je n’étais pas content, mais Et puis j’ai découvert le vin : je ne connaissais
en fait ça m’a permis de toucher à tout ! Ceux pas du tout, mais ils m’ont ouvert ces portes.
qui avaient obtenu leur palace ont répété les J’ai appris à reconnaître un bon vin, à accorder
mêmes choses pendant tout leur stage… En un vin avec un plat : rien de plus précieux !
somme, ceux qui avaient vraiment envie, on Vers cette époque, Euro Disney allait ouvrir,
les envoyait là où ils pouvaient se frotter à et ils essayaient de nous recruter. On avait
toutes les tâches. pris un bus pour y aller, 600 élèves d’écoles
Au restaurant d’application, je me souviens hôtelières étaient là, à qui on proposait un
d’avoir eu 200 truites à tuer et vider ! emploi ! Mais il n’y avait pas d’humain
derrière, pas d’âme. D’ailleurs à l’époque,
Toute la cuisine était organisée comme je l’ai on était tout en bas de l’échelle sociale, pas
retrouvée ensuite dans le métier ; on travaillait comme aujourd’hui où on est des stars, grâce
de beaux produits, des produits de luxe. Et à des gens comme Bocuse.
c’était une époque spéciale, celle des premières
cuissons sous vide, des premières cuissons à En somme tout ça a été encore plus une
basse température : il y avait un beau mariage révélation sur ma passion et ma motivation.
entre l’ancien et le moderne. D’ailleurs, aujourd’hui, mon resto est à 100
m de l’École, j’y suis attaché ! C’est une région
On nous apprenait plusieurs cuisines, par incroyable et peu exploitée.
rapport à d’autres écoles où on enseignait «
la » vérité — une aberration, en cuisine ! Ça Mes souvenirs de l’École, c’est toutes les
a été des années agréables : elles m’ont donné choses qu’on a su me transmettre. Ils ont fait
les bonnes clés. Avec l’expérience du resto leur boulot, ils ont fait exactement ce pourquoi
d’application, je sais ce qu’endure quelqu’un ils étaient là. L’École a été pour moi
en salle. C’était très intelligent de nous faire une clé professionnelle.
faire les jobs les uns des autres. Nous avons
appris à travailler ensemble et ainsi nous
avons appris le respect.
29. 1989-1992
Régis Douysset • Propriétaire et chef, des restaurants
"L’Escarbille", Meudon (une étoile au Michelin) ;
"L’Angélique", Versailles (une étoile au Michelin)
J’ai unonbondesouvenir3 deque de voulaisAvec ma
mère avait fait à 4
depuis l’âge 10 ans
l’entretien.
je
route : je savais
devenir
cuisinier. Et pourtant, juste avant l’entretien,
j’ai eu un gros stress, je ne voulais plus y aller
! Ma mère m’a engueulé, alors j’y suis allé… Et
ça a marché !
Au début, le costume, la cravate, c’était un
choc ! Puis, on était fiers d’être reconnus dans Au Savoie-Léman aussi on travaillait en
Thonon. J’avais le sentiment d’avoir passé brigades, c’était super. On touchait le firmament,
une étape. Et puis le premier cours de cuisine, c’était presque une vraie cuisine. À l’époque,
on mettait la veste de cuisinier et le tablier… tout le travail était bien plus physique : on
C’était comme avoir atteint un objectif. On a avait des fourneaux sans gaz, au charbon…
attaqué par le taillage des légumes : et j’ai tout Nos profs avaient appris et travaillé dans ces
de suite eu l’impression d’avoir appris quelque conditions, à l’ancienne !
chose de concret, j’ai eu envie de me précipiter
chez moi pour tailler des légumes ! Ce qui était intéressant c’est qu’on pouvait
C’était ça, le rôle de l’École, enseigner les bases. travailler à la fois le restaurant, la cuisine,
et l’hébergement. Au restaurant de l’hôtel, on
Les cours de cuisine, c’était toujours sympa, apprenait à gérer la main courante sur un
avec une vraie envie d’apprendre. D’ailleurs énorme registre, à une petite table dans un
j’ai généralement un bon souvenir de l’École coin du resto. C’était assez sympa de faire
hôtelière de Thonon, non seulement pour les tous ces petits ateliers. Officier : le café, les
copains, mais aussi pour l’apprentissage. Je bouteilles de vin, les bouteilles d’eau… Valet
me souviens de M. Sueur, le professeur de de chambre : faire les lits, les salles de bains…
pâtisserie : c’était un prof incroyable, il avait Plein d’activités, de choses différentes, toutes
une seule main par suite d’une malformation, les facettes du métier. On avait tout vu et
mais il accomplissait un boulot incroyable. on savait tout faire. Je voulais toujours être
entremétier parce que c’est là où il y avait
Or, on apprenait la connaissance des produits, le plus de boulot ! Ma hantise, c’était qu’il
des découpes ; le management, la gestion des n’y ait pas assez de clients. Même pour la
hommes. En T.P. de cuisine, on devait faire une plonge on était accompagné par un pro : on
entrée et un plat, chacun le sien : c’était très y passait une journée ou une demi-journée. Ce
individuel. n’était pas passionnant, mais ce n’est pas un
mauvais souvenir !
Au resto d’application c’était différent : on J’étais loin de mes parents, je me suis fait de
était par équipes, 2 à 3 personnes par partie. supers amis, et je les ai toujours !
On formait des brigades d’élèves : «entrée et
plat», «dessert», «service», «élèves-clients». Aujourd’hui, le succès de ma carrière,
On y allait souvent avec ma bande de 4 amis.
On ne se sentait pas à la cantine, il y avait
en tant que propriétaire de deux
une ambiance de famille, des moments de restaurants étoilés, tout ça remonte à
partage.Ce concept-là était très sympa. la formation de l’École !
30. 1980-1983
Laurent Duc • Propriétaire
de l’hôtel Ariana, Villeurbanne
Président national de la fédération française de l’hôtellerie
au sein de l’UMIH
L a cuisine de ma mère et de ma grand-
mère m’ont inspiré, dès l’âge de 7 ans,
l’envie d’être un grand cuisinier. Mais j’ai été
plus intéressé par la gestion, l’exploitation, le
contact avec les clients. L’École
L’École était une Institution, une vieille dame
était
aux grandes qualités. Et c’était aller loin de une Institution,
chez soi, un cadre exceptionnel : en plein une vieille dame
centre-ville, la proximité du lac… Le port du aux grandes
costume, l’internat — 66 ados dans la même qualités.
pièce, c’était délicat !
D’ailleurs la classe était très masculine : 4
filles et 28 garçons ! On insistait beaucoup
sur le côté très physique du métier ; mais ces
4 filles vivaient à l’extérieur, c’était notre Toute la formation, d’ailleurs, était orientée.
bouffée d’oxygène ! Même les matières générales : à un cours
de physique, la prof nous détaillait le temps
Ç’a été la découverte de l’excellence en nécessaire pour chauffer 500 litres d’eau
cuisine, le meilleur du goût. Les brigades en fonction des conditions. Je ne voyais pas
d’élèves cuisinant pour les autres élèves nous du tout l’intérêt… Mais des années plus
permettaient de manger « à la cantine » des tard, quand j’ai dû changer l’alimentation de
choses inouïes : une éducation au goût… mon hôtel (12 000 litres !), j’ai repris mes
anciens cours !
Une chose remarquable, c’était l’hôtel-
restaurant. Mon associé actuel est encore L’association des élèves et une coopérative
surnommé « groom » parce qu’il a été le hôtelière nous ont permis de financer un foyer
premier à ce poste ! Ça donne une vision d’étudiant et le voyage de fin d’année, en Italie !
transversale du fonctionnement d’un hôtel. On y reversait la rémunération des élèves sur
les événements extérieurs, et les bénéfices des
soirées à thème. C’était de grands événements,
avec deux brigades cuisine, deux salles, et
plus de deux cents convives !
J’étais et je reste très fier que l’École soit
publique. Ça me paraît très important que
l’État soit en prise directe avec ce domaine.
« Vous êtes la base de l’organisation,
mais vous êtes l’élite de demain »,
nous disait-on — et c’était vrai !