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ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN
La criminalisation des enfants à l’époque de deux guerres mondiales en France
1912-1945. Aux prémices de l’approche contemporaine de la délinquance
juvénile.
BURYKA Natalia
Mémoire de recherche en histoire
dirigé par Monsieur Olivier WIEVIORKA, Professeur à l’Ecole normale supérieure de
Cachan
ENS Cachan
2016
Remerciements
Je voudrais remercier Monsieur Olivier WIEVIORKA, maître de conférences en histoire
contemporaine à l ́Ecole normale supérieure de Cachan, qui a accepté de diriger mon mémoire, pour
ses orientations et conseils et pour le temps qu’il a bien voulu me consacrer.
J ́exprime ma gratitude à Madame Céline DELETANG, secrétaire de documentation à la direction
des fonds des Archives nationales, pour son aide précieuse.


Sommaire
Remerciement………………………………………………………………………………….…….I
Sommaire…………………………………………………………………………………………….II
Introduction…………………………………………………………………………………………..1
Premier chapitre. La création de la Justice des mineurs: débats normatifs et organisation de la prise
en charge…………………………………………………………………………………………….6
Première partie. Une courte histoire de l’émergence d’une prise en charge laïque des jeunes
délinquants.………………………………………………………………………………………….6
Deuxième partie. Autour de la loi 1912: une longue préparation à la réforme très médiatisée…….22
Troisième partie. La délinquance juvénile de l’entre-deux-guerres: la société sensible aux fragilités
de l’enfance coupable?……………………………………………………………………….…….36
Quatrième partie. La législation de Vichy: une parenthèse dans la question de la justice juvénile?.49
Second chapitre. La Justice des mineurs en chiffres: de la création des statistiques à l’impossibilité
de l’évaluation de la délinquance réelle. De l’usage des bulletins de libération comme source sur la
délinquance juvénile.……………………………………………………………………….…….…58
Cinquième partie. Les problèmes et les questionnements sur des statistiques de la Justice criminelle.
Démarches. Spécificités. Fiabilité.…………………………………………….……………………59
5.1 Description du corpus. Contraintes du matériel.………………………….……………….……59
5.2 La fiabilité des statistiques. Nuances.…………………………………….…………………….70
Sixième partie. L’évolution quantitative du phénomène de la délinquance. Mise en relations avec
des facteurs externes.……………………………………………………………………….…….…75
6.1. L’évolution globale du phénomène.………………………………………………….……..…76
6.2. L’évolution de la structure des délits.……………………………………………….…………79
Septième partie. Eduquer, surveiller et faire travailler les mineurs délinquant: l’étude des bulletins
de libération..……………………………………………………………………………………….87
Conclusion.…………………………………………………………………………………………99
Bibliographie………………………………………………………………………………………101
Annexe…………………………………………………………………………………..…………112
Sixième partie. L’évolution quantitative du phénomène de la délinquance. Mise en
relations avec des facteurs externes.
Laurent Mucchieli dans son ouvrage Sociologie de la délinquance part de la thèse fondamentale que
la «délinquance» et la «jeunesse» sont deux termes trop généraux et qu’il existe plusieurs types de
la délinquance juvénile: «pathologique», «initiatique», la délinquance d’ « exclusion » . Dans le166
premier chapitre de notre mémoire nous nous sommes penchés sur ce qui constitue la délinquance
juvénile de point de vue juridique en analysant les lois concernant sa répression et prise en charge.
Pour le législateur des années 1910, il s’agissait surtout d’établir les catégories d’âge pour
lesquelles l’incrimination est possible et de juger le mineur en fonction de son discernement, ainsi
que d’établir le mode de sa prise en charge ou de sa répression. Le débat des spécialistes des années
1920 et 1930 portent surtout sur les possibilités de l’amendement basées sur la compréhension de la
nature de la délinquance. Nous observons le clivage entre les adeptes des méthodes pédagogiques et
ceux des méthodes cliniques. Pour les deux groupes, la nature de la délinquance n’est pas la même.
En fonction du «camp», ils se penchent vers l’explication de la délinquance par le milieu social
défavorable ou vers l’origine pathologique de ce phénomène. Mis à part l’oeuvre spécifique du
Conseil technique de l’enfance déficiente ou en danger moral, idéologiquement tendancieux, les
réformes de la justice des mineurs des années 1940 tiennent compte de l’évolution des présentations
sur la délinquance juvénile. L’ordonnance 1945 fixe les règles de la prise en charge non répressive
des mineurs délinquant, l’enquête médico-pédagogique y est considéré comme nécessaire pour la
réponse adéquate.
L’idée d’analyser les types sociaux des mineurs délinquants pour la période étudiée paraitrait un but
passionnant, mais pratiquement impossible à réaliser à partir des sources dont nous disposons. Par
ailleurs, les types de la délinquance juvénile discernés par Laurent Mucchieli se rapportent à une
autre réalité historique et sociale et se base sur l’Ordonnance 1945 et ses modifications qui clôt
notre période. Il n’est donc pas permis, de point de vue de méthodologie historique, d’appliquer
cette vision sur la période des années 1912-1945.
Néanmoins, nous estimons possible de tirer quelques conclusions de la palette des délits incriminés
ou commis par les mineurs et de leur coté quantitatif. Les données statistiques dont nous disposons
permettent non seulement de tracer un graphique de l’évolution quantitative de la délinquance
juvénile, une tache qui n’a pas vocation de démontrer une délinquance réelle pour des raisons que
MUCCHIELLI, Laurent, Sociologie de la délinquance, Armand Colin, 2014, Paris, p. 75-81.166
75
nous avons évoqué dans la partie précédente, mais surtout l’évolution des délits incriminés. Notre
ambition est de faire ressortir la «composition» de la délinquance juvénile vue par les institutions:
les crimes et les délits que les mineurs commettent le plus ou pour lesquels ils sont prévenus et
jugés, les crimes et délits moins répandus, les originalités, les crimes et délits comme marqueurs
d’époque.
6.1. L’évolution globale du phénomène.
La fiabilité des totaux généraux publiés par le Ministère de la Justice dans les comptes généraux
pour notre période est relative. Ces chiffres n’évoquent pas la délinquance réelle pour des raisons
que nous avons analysées dans la partie précédente. Cependant, nous estimons possible de voir ces
données statistiques comme présentant l’ordre de grandeur de la délinquance juvénile vue par les
institutions, ainsi que les grandes fluctuations qui reflètent les crises sociales majeures. Le
graphique ci-dessous est fait à partir des données statistiques pour les mineurs de moins de 18 ans
différés en justice .167
Etablir la continuité des statistiques pénitentiaires entre 1913 et 1919 est une oeuvre qui peut avoir
du sens au niveau local, mais pas à l’échelle nationale. Les données statistiques pour le territoire de
la France pour les années de la Première guerre mondiale ne sont pas répertoriés ou ne sont pas
Pour dresser ce graphique nous utilisons les données tirées du recueil de statistiques générales publiées167
par le centre de Vaucresson. Elles portent uniquement sur les totaux nationaux. La répartition se fait par l’âge
des mineurs, le sexe, par le nombre des mineurs différés en justice, de mineurs jugés, des classements sans
suite et d’ordonnances de non-lieu, mais ne précisent ni crime ni délits des mineurs.
LEVADE, Maurice, La délinquance des jeunes en France, Centre national d'études et de formation de la
protection judiciaire de la jeunesse de Vaucresson, Paris, Cujas, 1972, pagination multiple: tableaux.
76
graphique 1.
fiables . Nous ne les prenons pas en compte, et ces années forment une rupture sur notre168
graphiques, ainsi que celles de l’année 1939, pour les mêmes raisons. Néanmoins nous pouvons
supposer que la délinquance juvénile pour ces années hausse en se basant sur les données pour les
années frontalières et les estimations du ministre de la Justice de 1919 .169
En effet, les conclusions que nous pouvons tirer de ce graphique ne sont pas originales. Les années
de guerre correspondent aux pics de la croissance de la délinquance juvénile avec 53.490 mineurs
différés en justice en 1942. Le retour à la normale prend deux année environ. Mis à part les deux
conflits mondiaux, le graphique montre que l’ensemble se caractérise par une stabilité relative, avec
une légère hausse pour les années 1925 (20.608) et 1926 (20.512) dans les années 1920, suivie
d’une diminution, ainsi que celle des années 1930, avec le pic en 1938 (20.496) . La délinquance170
juvénile la moins élevée pour toute la période est signalée en 1933 avec le total de 13. 966 .171
Il est évident que les mineurs différés en justice ne seront pas tous envoyés en correction. Une partie
considérable d’affaires fera objet de classement sans suite et d’ordonnance de non-lieu. Ainsi pour
notre période le pourcentage de classements et d’ordonnances de non-lieu est autour de 33%. Cette
relation est plus élevée avant la Première guerre mondiale. En 1912, pour 24.200 mineurs différés
en justice il y a 43.1% de classements et d’ordonnance de non-lieu . Le moins d’affaires font objet172
de classements et d’ordonnance de non-lieu en 1927 avec 29.4% sur le total de 20.445 mineurs
différés en justice .173
Les comptes généraux de la justice criminelle pour les années 1912 et 1913 montrent la relation
entre le nombre de prévenus, d’envoyés dans une colonie pénitentiaire et de remis à leurs parents ou
à un tiers parmi les mineurs ayant agi sans discernement. Le tableau ci-dessous rappelle également
que les mineurs qui sont dans les colonies pénitentiaires ne sont pas forcément des mineurs
délinquants, les mineurs acquittés peuvent y être internés en vertu de l’application de l’article 66 du
code pénal. Leur statut est différent de jure, ce qui n’implique pas la différence des conditions de
vie, ni la différence de perception par le personnel et par la société, les mineurs en danger moral et
LEVADE, Maurice, opp. cit., préface, pagination multiple.168
BONNEVAY, opp.cit., p. VII-VIII.169
LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(b).170
idem.171
LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(a).172
LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(b).173
77
les mineurs délinquants étant deux notions qui se rapprochent et se mélangent dans les discours de
l’époque.
Le nombre des mineurs qui passe par les instances sans encourir une peine est ainsi d’un tiers
supérieur à celui qui va être jugé par la cour d’Assises et par le tribunal correctionnel. Les totaux
généraux montrent plus l’action de la police, ainsi que le fait que l’interprétation des faits comme
délictueux ou criminels n’est pas évidente. Néanmoins le chiffre de la délinquance réelle n’est pas
obtenu par une simple soustraction des affaires classées. Derrière chaque cas jugé peut se cacher
une réalité plus complexe qui n’est pas reflété par les statistiques.
Le graphique 2 se base sur les données statistiques pour les délinquants de 13 à 15 ans inclus
différés en justice. Globalement, il montre les mêmes tendances que celui pour tous les mineurs de
moins 18 ans. Le pic absolu est en 1942 avec 20.187 mineurs différés en justice, tandis que le
1912 1913
prévenus de moins de
18 ans ayant agi sans
discernement
envoyés dans une
colonie pénitentiaire
1828 1688
remis à leurs parents ou
à un tiers
4807 5029
acquittés 14948 14477
totaux des prévenus 244561 235767
78
tableau 1.
graphique 2.
minimum est signalé en 1932 avec 4.823 . La comparaison de ces deux graphiques nous fait174
conclure sur la grande homogénéité dans le traitement des mineurs de deux groupes de mineurs,
ceux de 13 à 15 ans et ceux de 16 à 18 ans dont le statut n’est pas exactement le même.
Ces graphiques ne permettent pas d’entrevoir la complexité de l’évolution de la délinquance, mais
ils donnent une idée certaine idée de l’échelle du phénomène, ainsi que de l’écart dans sa perception
par la police et par la justice. Les constats moins généraux sont à faire avec précaution, car ils
risquent de tomber dans la surinterprétation des faits. Par exemple, si la délinquance juvénile est
évaluée à partir des données statistiques des comptes généraux, il y a lieu de croire que
l’ordonnance du 2 février 1945 est une réponse étatique à la délinquance surélevée des années de
guerre et de l’Occupation. Or, elle est évidemment préparée par des années précédentes durant
lesquelles les spécialistes de la prise en charge se débattent pour améliorer le sort des mineurs
délinquants, ainsi que par le contexte de la production législative accrue sous le gouvernement
provisoire de la République française.
Sur ce fond l’évolution des crimes et des délits se présentent comme plus révélatrice de ce qui est
l’essence de la délinquance juvénile. Elle n’en est pourtant pas moins sujette à des facteurs évoqués
ci-dessus qui agissent sur les statistiques générales. Les conclusions tirées de l’évolution des crimes
et des délits sont aussi à relativiser. Néanmoins l’écart numérique entre certains crimes et délits est
tellement grand, que nous croyons possible de dresser une sorte de «palmarès». Il permettrait de
voir quels sont, d’un coté, les crimes et délits les plus commis et de l’autre, les plus jugés et les plus
condamnables.
6.2. L’évolution de la structure des délits.
Dans les statistiques de la période étudiée, les crimes se répartissent en trois catégories à partir de
l’année 1924: crimes contre l’ordre public et les personnes, crimes contre les propriétés et crimes
contre la chose publique. Avant cette année ne sont distingués que les crimes contre l’ordre public et
les personnes et crimes contre les propriétés. Le contenu des ces catégories présente des variations
considérables d’une année à l’autre. Ainsi, nous avons décidé de ne pas dresser de graphique,
puisque le contenu des tableaux des comptes généraux de la justice criminelle varie d’une année à
l’autre, aussi bien en matière de la nature des crimes, de termes exactes qui sont utilisés, qu’en
mode de la présentation des catégories d’âge. Selon l’année, les tableaux apportent ou omettent les
LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 12(b), 12(c).174
79
données concernant les mineurs accusés des crimes, les mélangent avec celles concernant les
majeurs. Mais les informations concernant les mineurs condamnés pour les crimes sont presque
toujours présentes, à l’exception des années 1912 et 1924 qui ne donnent que les données
concernant les accusés.
Les mineurs sont peu poursuivis et peu condamnés pour les crimes de manière générale, mais ils ne
sont quasiment jamais poursuivis pour les crimes contre la chose publique. Cette situation n’a rien
d’étonnant puisque les mineurs n’occupent pas les positions qui permettraient de commettre de tels
crimes: corruption de fonctionnaire, détournement de deniers publics, contrefaçon d’effets publics,
faux en écriture de commerce, faux en écriture authentique et publique, faux en écriture privée ou
fausse monnaie.
Crimes contre l’ordre public et les personnes commis par les mineurs sont rares, mais leur nombre
varie d’une année à l’autre. Les totaux des crimes contre les personnes sont faibles en général, or ils
sont plus élevés pour la catégorie d’âge de 16 à 18 ans que pour celle de 13 à 15 ans inclus dans les
statistiques qui permettent d’observer cette distinctions. L’assassinat et le meurtre, ainsi que le viol
et attentat à la pudeur sur les enfants sont plus répandus que les autres crimes dont la palette est
assez variée: meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, parricide, infanticide, coups et
blessures suivis de mort sans intention de la donner, coups et blessures graves, coups et blessures
envers un ascendant, viol et attentat à la pudeur sur des adultes, empoisonnement, enlèvement de
mineurs et rapt d’enfant, suppression d’enfant, violences et sévices à enfants, chemins de fer
(obstacles à la circulation) , bigamie.175
Les chiffres de condamnations pour les crimes contre l’ordre public et les personnes sont les plus
élevés avant et immédiatement après la Grande guerre. En 1913 le nombre de condamnation pour
l’assassinat s’élève à neuf cas, pour le meurtre à treize et pour le viol à dix pour la catégorie d’âge
de 16 à 18 ans, le chiffre total pour les crimes est de 24 condamnations . Nous ne pouvons pas176
comparer ce chiffre avec celle de l’année précédente, car le tableau correspondant pour cette année
ne figure pas dans le Compte général de la Justice criminelle de l’année 1912. En 1919, le total de
condamnations s’élève à 40, avec 20 assassinats, huit meurtres, trois meurtres accompagnés d’un
crime ou d’un délit . Les années 1920 apportant une certaine pacification. En 1925, pour les177
chemins de fer (obstacles à la circulation) figure plus souvent parmi les délits.175
BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année176
1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.34.
BONNEVAY, Laurent, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour177
l’année 1919, présenté par le Garde des Sceaux, Imprimerie Nationale, Paris,1921, p.34.
80
mineurs de 16 à 18 ans, Il y a deux condamnations pour l’assassinat, trois pour le meurtre et six
pour le viol pour le total de 19 cas .178
Pour les années 1930, ces chiffres ne sont pas très différents, mais la présentation dans les tableaux
de comptes généraux change: les chiffres de condamnations couvrent désormais tous les mineurs de
moins de 18 ans sans distinguer les catégories d’âge. En 1932, le total des crimes contre l’ordre
public et les personnes s’élève à 12 cas avec trois meurtres, deux meurtres accompagnés d’un crime
ou d’un délit, un assassinat, un parricide et un infanticide . En 1937, il n’y a que sept179
condamnations avec trois assassinats, un meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, un viol ou
attentat à la pudeur sur des adultes et deux viols ou attentats à la pudeur sur les enfants .180
Les chiffres ne permettent pas de dire que le régime de Vichy est plus répressif envers les mineurs
en matière des crimes contre les personnes. En 1941, le total pour les crimes contre les personnes
chez les mineurs est de cinq cas avec un meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, deux
assassinats et un parricide . l serait intéressant de voir le nombre d’accusations pour comparer ces181
données et vérifier si cette situation n’est pas due à l’envoi de jeunes assassins dans les hôpitaux
psychiatriques. En 1944, il y a deux assassinat et un meurtre sur le total de six condamnations pour
les crimes contre les personnes . Il parait que ni la guerre ni l’occupation, ni la résistance ne182
produise pas de grand effet sur la criminalité des jeunes dans les années 1940.
Les crimes contre les propriétés sont plutôt moins courants parmi les mineurs que les crimes contre
les personnes. Mais cette relation n’est pas stable et le nombre de condamnations est de toute façon
faible. La palette de ces crimes change considérablement d’une année à l’autre, mais le haut reste
toujours occupé par les vols qualifiés, sauf pour l’année 1945 où ils figurent parmi les délits.
Néanmoins, la manière de présentation de ces vols change. Ainsi en 1913, les vols qualifiés commis
par les mineurs de 16 à 18 ans sont répartis en quatre types: un vol sur un chemin public, avec
violences, zéro vol par domestique ou homme de service à gages, zéro vol à l’aide de violences
BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année178
1925 Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.22.
CHERON, Henri, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année179
1932, Imprimerie Nationale, Paris, 1934, p.24.
GABOLDE, Maurice, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle180
pendant l’année 1937, Imprimerie administrative, Melun, 1943, p. 108.
RAMADIER, Paul, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pour181
l’année 1941, Imprimerie administrative, Melun,1947, p. 118.
MARTINAUD-DEPLAT, Léon, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice182
criminelle, 1944-1947, Imprimerie administrative, Melun,1953, p.109.
81
(ailleurs que sur la voie publique) - trois condamnations, autres vols qualifiés - 23 condamnations.
Le total de crimes contre les propriétés est de 34 cas, aux vols énumérés ci-dessus se rajoutent
quatre incendies d’édifices habités ou servant à l’habitation et deux incendies d’édifices, de bois,
etc. Les mineurs de 16 ans sont condamnés pour un vol à l’aide des violences (ailleurs que sur la
voie publique) et deux incendies d’édifices servant à habitation .183
La même configuration des vols est présentée dans la statistique de 1919. Pour la catégorie des
mineurs de 16 à 18 ans sur le total de 64 condamnations, il y en a huit pour le vol sur un chemin
public, avec violences, onze condamnations pour vol à l’aide de violences ailleurs que sur la voie
publique et 35 condamnations pour autres vols qualifiés, ainsi que sept incendies d’édifices servant
à l’habitation et trois incendies d’édifices ou de bois. Pour les mineurs de 16 ans il y'a trois
condamnations au total, avec deux vols avec violences ailleurs que sur la voie publique et un vol de
catégorie autres vols qualifiés . En 1925, le total de crimes contre les propriétés est de neuf184
condamnations avec deux condamnations pour deux types d’incendies et sept condamnations pour
les vols qualifiés . Les vols qualifiés sont les seuls qui restent de la palette des vols figurant dans185
les statistiques pour les crimes précédentes.
Pour les années 1930, ces chiffres sont encore plus faibles. En 1932, il n’y a que cinq
condamnations, toutes pour les vols qualifiés, dont un passible de réclusion et quatre passibles de
travaux forcés . En 1937, il n’y a qu’une condamnation pour un vol qualifié . La guerre ne fait186 187
pas croitre ces chiffres. En 1940, il n’y a que cinq condamnations pour vols qualifiés et deux pour
incendie volontaire . En 1942, le nombre de condamnations hausse légèrement: douze188
BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année183
1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.35.
BONNEVAY, Laurent, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour184
l’année 1919, présenté par le Garde des Sceaux, Imprimerie Nationale, Paris,1921, p.35.
BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année185
1925, Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.23.
CHERON, Henri, opp. cit., p.23.186
GABOLDE, Maurice, opp.cit., p. 109.187
TEITGEN, Pierre-Henri, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle188
pour l’année 1940, Imprimerie administrative, Melun,1945, p. 108.
82
condamnations pour vol qualifié et quatre pour incendie volontaire . Les chiffres sont de nouveau189
à la baisse pour l’année 1944, avec le total de trois condamnations pour vols qualifiés .190
Ainsi la criminalité des mineurs reste relativement stable sur toute la période étudiée. Or, elle est
plus élevée avant la Grande guerre et dans l’immédiate après-guerre. Le début des années 1920 se
caractérise par une plus grande violence par rapport à l’ensemble, mais la pacification ne tarde pas à
venir. Le deuxième conflit mondial n’a non plus d’effet apparent sur l’ensemble des crimes, même
si les crimes contre les propriétés sont légèrement à la hausse. La structure des crimes demeure
toute aussi stable, les vols qualifiés et les incendies sont quasiment les seuls à être incriminés aux
mineurs parmi les crimes contre les propriétés. Les crimes contre les personnes présentent une
structure plus diverse. Les mineurs sont condamnés le plus souvent pour les meurtres et les
assassinats, plus rarement pour les viols et attentats à la pudeur sur les enfants. Les coups et
blessures graves ne sont pratiquement pas incriminés aux jeunes probablement parce que les juges
préfèrent opter pour les coups et blessures figurant parmi les délits, ce qui permet d’éviter aux
mineurs un casier judiciaire s’il s’agit de la première convocation.
Le cas des délits est plus éloquent quant aux réalités qui se cachent derrière. Numériquement
supérieurs aux crimes, ils présentent des variations plus subtiles et seraient un meilleur indicateur
des changements dans la société, tant au niveau des pratiques judiciaires, qu’au niveau des pratiques
de survie par les temps durs. Néanmoins le caractère changeant de ces données les rend plus
difficiles à traiter. Si les crimes, malgré les différences de présentation des tableaux et quelques
ruptures dans les données, ne sont pas très variés, les délits sont très nombreux et disparates. Ils
apparaissent dans les statistiques, puis changent de noms, puis disparaissent complètement. Les
façons de décompte évoluent également tout le long de la période étudiée. Cette spécificité rend la
tache de dresser un graphique peu utile. Pourtant, tout comme pour les crimes, certains délits restent
toujours en haut de l’échelle. Il s’agit un premier lieu de vols simples et en moindre mesure de
coups et blessures, suivi de près, jusqu’à l’année 1935 par le vagabondage qui cesse d’être un délit
et disparait progressivement des statistiques .191
MARIE, André, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pendant189
l’année 1942, Imprimerie administrative, Melun,1948, p. 118.
MARTINAUD-DEPLAT, Léon, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice190
criminelle, 1944-1947, Imprimerie administrative, Melun,1953, p.110.
quelques cas sont encore jugés en 1936 et 1937.191
83
Dans le compte général de la justice criminelle pour l’année 1912, figurent 147 délits différents. Les
mineurs sont répartis en trois catégorie: les remis à leurs parents ou à un tiers, les envoyés dans une
colonie pénitentiaire pour plus d’un an et les envoyés dans une colonie pénitentiaire pour un an et
moins. Les ordonnances de non-lieu, les acquittements et les répartitions en fonction de l’âge font
défaut. Le bilan de l’année 1912 pour les vols est le suivant: 2.844 mineurs sont remis à leurs
parents ou à un tiers, 1097 sont envoyés dans une colonie pénitentiaire pour plus d’un an et 33 pour
un an et moins. La deuxième place est occupée par le délit des coups et blessures volontaires avec
considérablement moins de cas: 367 mineurs remis aux parents ou à un tiers, 103 mineurs envoyés
dans une colonie pénitentiaire pour plus d’un an et cinq pour un an et moins. Les chiffres sont
comparables pour le vagabondage pour lequel il y a moins de remis aux parents que d’envoi en
colonie pénitentiaire: 299/309/1. Ensuite vient le délit de chasse, pour lequel chaque année jusqu’au
milieu des années 1930 il y a une centaine de remis aux parents, 268 en 1912, et très peu d’envoi en
colonie, uniquement trois pour plus d’un an en 1912. L’abus de la confiance est un délit pouvant
couvrir des réalités assez variés: 127 remis aux parents ou à un tiers, 60 envois en colonie
pénitentiaire pour plus d’un an et un pour un an et moins . Le délit d’outrage public à la pudeur,192
avec 92 mineurs remis aux parents, 50 envoyés en colonie pénitentiaire pour plus d’un et trois pour
un an et moins, cache souvent la prostitution. Ce serait un délit pour lequel sont jugées surtout les
jeunes filles . La mendicité est numériquement peu représentative: 81 mineurs remis à leurs193
parents ou à un tiers, 32 envoyés en colonie pour plus d’un an et 2 pour un an et moins .194
Ces proportions sont gardés dans la statistique de 1913, sauf pour les vols ou nous observons deux
fois moins de remises aux parents par rapport à l’année précédente: 1024/1045/56 . La situation195
est comparable en 1919. Néanmoins, de fait de l’augmentation de vols, il y a 6.189 remises aux
parents ou à un tiers, tandis que le nombre d’envoi en colonie pénitentiaire n’a pas beaucoup changé
par rapport aux années précédentes: 1.540 et 58. La proportion de délits de vagabondage augmente,
ils sont presque aussi nombreux que les délits de coups et blessures volontaires: (419/143/4) pour le
vagabondage et (443/109/- ) pour les coups et blessures. Ce fait est sans doute une conséquence de
la guerre, même si dans les années 1920 la tendance générale est à l’augmentation de délits de
BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année192
1912, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.35.
NIGET, opp.cit, p. 92.193
BRIAND, Aristide, opp.cit., p. 56-67.194
BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année195
1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.56-67.
84
vagabondage. Le délit de chemins de fer qui était un crime avant la guerre devient un délit avec 262
de remises aux parents, 4 envois en colonie pour plus d’un an et un pour un an ou moins. Le délit de
recel commence à apparaitre dans les statistiques avec 161 remises aux parents, et 27 envois en
colonie pour plus d’un an. Avant 1919, le recel figure dans les statistiques sans que les mineurs
soient jugés pour ce délit .196
En 1925, la structure des délits change légèrement. Les vols occupent toujours la première place
avec 4.544 remises aux parents, 485 envoies en colonie pour plus d’un an et sept pour un an et
mois. Le vagabondage vient avant le délit des coups et blessures avec 903 remises aux parents, 101
envois en colonie pour plus d’un an et trois pour moins d’un an pour le premier et 503/27/3 pour le
deuxième. L’outrage public à la pudeur reste comparable avec 112 remises aux parents et 19 envois
en colonie pour plus d’un an. La mendicité diminue (26/12/-), mais les chiffres de délit d’armes
prohibées augmente (158/4/-) . Peu représentatif avant 1922, il compte 53 remises aux parents et197
trois envois en colonie pour plus d’un an en 1923 .198
A partir le compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle de l’année
1933 le nombre et la présentation des tableaux changent considérablement. Les délits commis par
les mineurs ne sont plus présentés sur les mêmes tableaux que ceux des majeurs. Ils sont présentés
sur un seul tableau qui n’énumère que les délits qui étaient toujours numériquement supérieurs aux
autres. L’information sur les peines encourues par les mineurs en fonction de chaque délit
disparaissent. Ils sont présentés comme des totaux sans distinction de délit, mais en fonction de la
catégorie d’âge suivant la loi du 22 juillet 1912. Pour les délits qui sont énumérés, les données
chiffrées montrent le nombre d’ordonnances de non-lieu, d’affaires classées et d’affaires jugées. Ce
mode de présentation restera sans grands changements jusqu’à la fin de la période étudiée.
Néanmoins comparer les données de ces deux périodes, celle avant 1933 et celle après, ne se
présente pas possible. Ce qui nous semble raisonnable, c’est d’observer l’ordre de grandeur des
chiffres: quels délits sont numériquement supérieurs et quelle est la proportion de cas jugés.
BONNEVAY, Laurent, opp. cit., p.56-67.196
BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année197
1925, Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.42-53.
BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pendant198
l’année 1923, Imprimerie Nationale, Paris, 1926, p.50-61.
85
Nous pouvons constater que pour la deuxième moitié des années 1930, la délinquance juvénile ne
connait pas de grandes mutations avant la guerre, mis à part le cas de vagabondage dépénalisé par le
décret-loi n°7 du 30 octobre 1935 .199
En 1937, les vols simples représentent 7.088 affaires jugées, 433 ordonnances de non-lieu et 1711
classées. En deuxième vient le délit des coups et blessures (1122/131/663), suivi par le délit de
blessures involontaires (537/67/374), le délit de destruction de clôture (462/42/210) qui était
toujours présent dans les statistiques avant, mais avec des chiffres peu élevés. Le délit de chasse est
également en hausse (256/15/125), mais le vagabondage ne compte plus que quelques cas (12/-/5).
Le nombre de délits de chemins de fer est relativement peu élevé (179/15/321), ainsi que la
mendicité (101/4/58) et l’escroquerie (111/9/52) .200
A l’opposé des crimes, en 1942, les délits sont en hausse vertigineuse en ce qui concerne les vols
simples. Ils s’élèvent à 26.053 affaires jugées, 1025 ordonnances de non-lieu et 9.657 affaires
classées. Le vagabondage disparait complètement des statistiques, le délit de coups et blessures est
même en baisse (1085/95/804), ainsi que le délit de blessures involontaires (298/48/346). Par
contre, le nombre de délits de chemins de fer double (455/6/425). La mendicité est encore en baisse
(80/1/52), tandis que l’escroquerie hausse légèrement (196/25/102). Le nombre de cas d’avortement
jugé s’élève à 83, tandis que ce délit ne comptait que quelques cas avant la guerre . Ainsi nous201
pouvons constater que la guerre et l’occupation ont surtout un impact économique. La hausse de la
délinquance juvénile que nous avons vu dans les statistiques générales doit donc être liée surtout
l’augmentation de vols. La baisse affichée par le délit des coups et blessures permet de dire que les
rapports interpersonnels ne deviennent pas plus violents de faits des hostilités. Le nombre surélevé
d’avortement fait pourtant penser aux violences subies par les femmes sur le territoire occupé.
Le cap de 1942 passé, la délinquance juvénile commence un retour graduel à la norme. Néanmoins,
le nombre de vols reste encore élevé par rapport au niveau de l’avant-guerre. En 1944, il y a 15.754
affaires jugées pour vols, ce chiffre baisse en 1945 de trois milles: 12.301. Tous les autres délits
affichent les chiffres largement comparables à ceux de l’année 1940: 432 délits de chemins de fer
GOLLIARD, Olivier, « Dépénaliser le vagabondage ? L’impact relatif du décret-loi d’octobre 1935 »,199
Criminocorpus [En ligne], Savoirs, politiques et pratiques de l'exécution des peines en France au XXe siècle,
Communications, mis en ligne le 02 septembre 2014, consulté le 2 juin 2016. URL : http://
criminocorpus.revues.org/2761 ; DOI : 10.4000/criminocorpus.2761.
GABOLDE, Maurice, opp.cit., p.125200
MARIE, André, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pendant201
l’année 1942, Imprimerie administrative, Melun,1948, p. 135.
86
jugés en 1944 et 280 en 1945, 327 affaires d’outrage à la pudeur 327 jugées en 1944 et 334 en
1945, 146 délits d’escroquerie jugés en 1944 et 82 en 1945.
La statistique criminelle des années 1912-1945 permet de conclure sur l’idée que la délinquance
juvénile est un phénomène étroitement lié au délit de vol. Le délit de vols simples occupe toujours
la première place des délits jugés et d’envoi en colonie laissant loin derrière soi tous les autres,
parmi lesquels il convient de signaler le délit de coups et blessures qui restent relativement stable
sur toute la période. Surélevés pendant les années de guerres et quelques temps après, le délit de
vols permet à dire que la délinquance juvénile est une technique de subsistance. Les discours sur la
nature corrompue, la criminalisation progressive de la jeunesse ne trouve pas de fondement.
Observée sur une période de trente ans, la délinquance juvénile ne s’aggrave que de fait des
hostilités. Les changements législatifs n’ont qu’un impact limité sur ce phénomène. Il peut
néanmoins être très anxiogène si la comparaison se fait entre les années voisines. Néanmoins nous
croyons que les conclusions tirées de la statistique aussi discontinue de fait de changement de mode
de présentation et des données prises en compte doivent être prises avec précaution. A notre avis,
ces statistiques permettent de voir surtout la composition du phénomène et en moindre mesure de
juger sur l’impact que le contexte global a sur lui.
Septième partie. Eduquer, surveiller et faire travailler les mineurs délinquant: l’étude
des bulletins de libération.
Le XIX siècle, prenant conscience des fragilités de l’enfance, commence à distinguer les mineurs
délinquants des majeurs dans les établissements pénitentiaires. La prison de la Petite Roquette est la
première à avoir des quartiers séparés à partir de l’année 1835. Les colonies agricoles sur le modèle
de celles déjà mises en place aux Pays-Bas et en Belgique apparaissent en France à partir des
années 1930 également. La création des établissements pour les jeunes filles délinquantes est plus
tardive. Le développement du réseau d’établissements pour la prise en charge des mineurs
délinquants prend du temps. Sa longue naissance est actionnée par des efforts des philanthropes et
des juristes, le choc d’intérêt entre les initiatives privées et la volonté de l’Etat de contrôler le
relèvement de ses mineurs, les contradictions entre la rédemption religieuse et l’éducation
anticléricale. Les contraintes budgétaires dont souffre de manière chronique tout le système
pénitentiaire en France du XIX et de la première moitié du XX siècle, ne fait que ralentir le
processus.
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  • 1. ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN La criminalisation des enfants à l’époque de deux guerres mondiales en France 1912-1945. Aux prémices de l’approche contemporaine de la délinquance juvénile. BURYKA Natalia Mémoire de recherche en histoire dirigé par Monsieur Olivier WIEVIORKA, Professeur à l’Ecole normale supérieure de Cachan ENS Cachan 2016
  • 2. Remerciements Je voudrais remercier Monsieur Olivier WIEVIORKA, maître de conférences en histoire contemporaine à l ́Ecole normale supérieure de Cachan, qui a accepté de diriger mon mémoire, pour ses orientations et conseils et pour le temps qu’il a bien voulu me consacrer. J ́exprime ma gratitude à Madame Céline DELETANG, secrétaire de documentation à la direction des fonds des Archives nationales, pour son aide précieuse. 

  • 3. Sommaire Remerciement………………………………………………………………………………….…….I Sommaire…………………………………………………………………………………………….II Introduction…………………………………………………………………………………………..1 Premier chapitre. La création de la Justice des mineurs: débats normatifs et organisation de la prise en charge…………………………………………………………………………………………….6 Première partie. Une courte histoire de l’émergence d’une prise en charge laïque des jeunes délinquants.………………………………………………………………………………………….6 Deuxième partie. Autour de la loi 1912: une longue préparation à la réforme très médiatisée…….22 Troisième partie. La délinquance juvénile de l’entre-deux-guerres: la société sensible aux fragilités de l’enfance coupable?……………………………………………………………………….…….36 Quatrième partie. La législation de Vichy: une parenthèse dans la question de la justice juvénile?.49 Second chapitre. La Justice des mineurs en chiffres: de la création des statistiques à l’impossibilité de l’évaluation de la délinquance réelle. De l’usage des bulletins de libération comme source sur la délinquance juvénile.……………………………………………………………………….…….…58 Cinquième partie. Les problèmes et les questionnements sur des statistiques de la Justice criminelle. Démarches. Spécificités. Fiabilité.…………………………………………….……………………59 5.1 Description du corpus. Contraintes du matériel.………………………….……………….……59 5.2 La fiabilité des statistiques. Nuances.…………………………………….…………………….70 Sixième partie. L’évolution quantitative du phénomène de la délinquance. Mise en relations avec des facteurs externes.……………………………………………………………………….…….…75 6.1. L’évolution globale du phénomène.………………………………………………….……..…76 6.2. L’évolution de la structure des délits.……………………………………………….…………79 Septième partie. Eduquer, surveiller et faire travailler les mineurs délinquant: l’étude des bulletins de libération..……………………………………………………………………………………….87 Conclusion.…………………………………………………………………………………………99 Bibliographie………………………………………………………………………………………101 Annexe…………………………………………………………………………………..…………112
  • 4. Sixième partie. L’évolution quantitative du phénomène de la délinquance. Mise en relations avec des facteurs externes. Laurent Mucchieli dans son ouvrage Sociologie de la délinquance part de la thèse fondamentale que la «délinquance» et la «jeunesse» sont deux termes trop généraux et qu’il existe plusieurs types de la délinquance juvénile: «pathologique», «initiatique», la délinquance d’ « exclusion » . Dans le166 premier chapitre de notre mémoire nous nous sommes penchés sur ce qui constitue la délinquance juvénile de point de vue juridique en analysant les lois concernant sa répression et prise en charge. Pour le législateur des années 1910, il s’agissait surtout d’établir les catégories d’âge pour lesquelles l’incrimination est possible et de juger le mineur en fonction de son discernement, ainsi que d’établir le mode de sa prise en charge ou de sa répression. Le débat des spécialistes des années 1920 et 1930 portent surtout sur les possibilités de l’amendement basées sur la compréhension de la nature de la délinquance. Nous observons le clivage entre les adeptes des méthodes pédagogiques et ceux des méthodes cliniques. Pour les deux groupes, la nature de la délinquance n’est pas la même. En fonction du «camp», ils se penchent vers l’explication de la délinquance par le milieu social défavorable ou vers l’origine pathologique de ce phénomène. Mis à part l’oeuvre spécifique du Conseil technique de l’enfance déficiente ou en danger moral, idéologiquement tendancieux, les réformes de la justice des mineurs des années 1940 tiennent compte de l’évolution des présentations sur la délinquance juvénile. L’ordonnance 1945 fixe les règles de la prise en charge non répressive des mineurs délinquant, l’enquête médico-pédagogique y est considéré comme nécessaire pour la réponse adéquate. L’idée d’analyser les types sociaux des mineurs délinquants pour la période étudiée paraitrait un but passionnant, mais pratiquement impossible à réaliser à partir des sources dont nous disposons. Par ailleurs, les types de la délinquance juvénile discernés par Laurent Mucchieli se rapportent à une autre réalité historique et sociale et se base sur l’Ordonnance 1945 et ses modifications qui clôt notre période. Il n’est donc pas permis, de point de vue de méthodologie historique, d’appliquer cette vision sur la période des années 1912-1945. Néanmoins, nous estimons possible de tirer quelques conclusions de la palette des délits incriminés ou commis par les mineurs et de leur coté quantitatif. Les données statistiques dont nous disposons permettent non seulement de tracer un graphique de l’évolution quantitative de la délinquance juvénile, une tache qui n’a pas vocation de démontrer une délinquance réelle pour des raisons que MUCCHIELLI, Laurent, Sociologie de la délinquance, Armand Colin, 2014, Paris, p. 75-81.166 75
  • 5. nous avons évoqué dans la partie précédente, mais surtout l’évolution des délits incriminés. Notre ambition est de faire ressortir la «composition» de la délinquance juvénile vue par les institutions: les crimes et les délits que les mineurs commettent le plus ou pour lesquels ils sont prévenus et jugés, les crimes et délits moins répandus, les originalités, les crimes et délits comme marqueurs d’époque. 6.1. L’évolution globale du phénomène. La fiabilité des totaux généraux publiés par le Ministère de la Justice dans les comptes généraux pour notre période est relative. Ces chiffres n’évoquent pas la délinquance réelle pour des raisons que nous avons analysées dans la partie précédente. Cependant, nous estimons possible de voir ces données statistiques comme présentant l’ordre de grandeur de la délinquance juvénile vue par les institutions, ainsi que les grandes fluctuations qui reflètent les crises sociales majeures. Le graphique ci-dessous est fait à partir des données statistiques pour les mineurs de moins de 18 ans différés en justice .167 Etablir la continuité des statistiques pénitentiaires entre 1913 et 1919 est une oeuvre qui peut avoir du sens au niveau local, mais pas à l’échelle nationale. Les données statistiques pour le territoire de la France pour les années de la Première guerre mondiale ne sont pas répertoriés ou ne sont pas Pour dresser ce graphique nous utilisons les données tirées du recueil de statistiques générales publiées167 par le centre de Vaucresson. Elles portent uniquement sur les totaux nationaux. La répartition se fait par l’âge des mineurs, le sexe, par le nombre des mineurs différés en justice, de mineurs jugés, des classements sans suite et d’ordonnances de non-lieu, mais ne précisent ni crime ni délits des mineurs. LEVADE, Maurice, La délinquance des jeunes en France, Centre national d'études et de formation de la protection judiciaire de la jeunesse de Vaucresson, Paris, Cujas, 1972, pagination multiple: tableaux. 76 graphique 1.
  • 6. fiables . Nous ne les prenons pas en compte, et ces années forment une rupture sur notre168 graphiques, ainsi que celles de l’année 1939, pour les mêmes raisons. Néanmoins nous pouvons supposer que la délinquance juvénile pour ces années hausse en se basant sur les données pour les années frontalières et les estimations du ministre de la Justice de 1919 .169 En effet, les conclusions que nous pouvons tirer de ce graphique ne sont pas originales. Les années de guerre correspondent aux pics de la croissance de la délinquance juvénile avec 53.490 mineurs différés en justice en 1942. Le retour à la normale prend deux année environ. Mis à part les deux conflits mondiaux, le graphique montre que l’ensemble se caractérise par une stabilité relative, avec une légère hausse pour les années 1925 (20.608) et 1926 (20.512) dans les années 1920, suivie d’une diminution, ainsi que celle des années 1930, avec le pic en 1938 (20.496) . La délinquance170 juvénile la moins élevée pour toute la période est signalée en 1933 avec le total de 13. 966 .171 Il est évident que les mineurs différés en justice ne seront pas tous envoyés en correction. Une partie considérable d’affaires fera objet de classement sans suite et d’ordonnance de non-lieu. Ainsi pour notre période le pourcentage de classements et d’ordonnances de non-lieu est autour de 33%. Cette relation est plus élevée avant la Première guerre mondiale. En 1912, pour 24.200 mineurs différés en justice il y a 43.1% de classements et d’ordonnance de non-lieu . Le moins d’affaires font objet172 de classements et d’ordonnance de non-lieu en 1927 avec 29.4% sur le total de 20.445 mineurs différés en justice .173 Les comptes généraux de la justice criminelle pour les années 1912 et 1913 montrent la relation entre le nombre de prévenus, d’envoyés dans une colonie pénitentiaire et de remis à leurs parents ou à un tiers parmi les mineurs ayant agi sans discernement. Le tableau ci-dessous rappelle également que les mineurs qui sont dans les colonies pénitentiaires ne sont pas forcément des mineurs délinquants, les mineurs acquittés peuvent y être internés en vertu de l’application de l’article 66 du code pénal. Leur statut est différent de jure, ce qui n’implique pas la différence des conditions de vie, ni la différence de perception par le personnel et par la société, les mineurs en danger moral et LEVADE, Maurice, opp. cit., préface, pagination multiple.168 BONNEVAY, opp.cit., p. VII-VIII.169 LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(b).170 idem.171 LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(a).172 LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 15(b).173 77
  • 7. les mineurs délinquants étant deux notions qui se rapprochent et se mélangent dans les discours de l’époque. Le nombre des mineurs qui passe par les instances sans encourir une peine est ainsi d’un tiers supérieur à celui qui va être jugé par la cour d’Assises et par le tribunal correctionnel. Les totaux généraux montrent plus l’action de la police, ainsi que le fait que l’interprétation des faits comme délictueux ou criminels n’est pas évidente. Néanmoins le chiffre de la délinquance réelle n’est pas obtenu par une simple soustraction des affaires classées. Derrière chaque cas jugé peut se cacher une réalité plus complexe qui n’est pas reflété par les statistiques. Le graphique 2 se base sur les données statistiques pour les délinquants de 13 à 15 ans inclus différés en justice. Globalement, il montre les mêmes tendances que celui pour tous les mineurs de moins 18 ans. Le pic absolu est en 1942 avec 20.187 mineurs différés en justice, tandis que le 1912 1913 prévenus de moins de 18 ans ayant agi sans discernement envoyés dans une colonie pénitentiaire 1828 1688 remis à leurs parents ou à un tiers 4807 5029 acquittés 14948 14477 totaux des prévenus 244561 235767 78 tableau 1. graphique 2.
  • 8. minimum est signalé en 1932 avec 4.823 . La comparaison de ces deux graphiques nous fait174 conclure sur la grande homogénéité dans le traitement des mineurs de deux groupes de mineurs, ceux de 13 à 15 ans et ceux de 16 à 18 ans dont le statut n’est pas exactement le même. Ces graphiques ne permettent pas d’entrevoir la complexité de l’évolution de la délinquance, mais ils donnent une idée certaine idée de l’échelle du phénomène, ainsi que de l’écart dans sa perception par la police et par la justice. Les constats moins généraux sont à faire avec précaution, car ils risquent de tomber dans la surinterprétation des faits. Par exemple, si la délinquance juvénile est évaluée à partir des données statistiques des comptes généraux, il y a lieu de croire que l’ordonnance du 2 février 1945 est une réponse étatique à la délinquance surélevée des années de guerre et de l’Occupation. Or, elle est évidemment préparée par des années précédentes durant lesquelles les spécialistes de la prise en charge se débattent pour améliorer le sort des mineurs délinquants, ainsi que par le contexte de la production législative accrue sous le gouvernement provisoire de la République française. Sur ce fond l’évolution des crimes et des délits se présentent comme plus révélatrice de ce qui est l’essence de la délinquance juvénile. Elle n’en est pourtant pas moins sujette à des facteurs évoqués ci-dessus qui agissent sur les statistiques générales. Les conclusions tirées de l’évolution des crimes et des délits sont aussi à relativiser. Néanmoins l’écart numérique entre certains crimes et délits est tellement grand, que nous croyons possible de dresser une sorte de «palmarès». Il permettrait de voir quels sont, d’un coté, les crimes et délits les plus commis et de l’autre, les plus jugés et les plus condamnables. 6.2. L’évolution de la structure des délits. Dans les statistiques de la période étudiée, les crimes se répartissent en trois catégories à partir de l’année 1924: crimes contre l’ordre public et les personnes, crimes contre les propriétés et crimes contre la chose publique. Avant cette année ne sont distingués que les crimes contre l’ordre public et les personnes et crimes contre les propriétés. Le contenu des ces catégories présente des variations considérables d’une année à l’autre. Ainsi, nous avons décidé de ne pas dresser de graphique, puisque le contenu des tableaux des comptes généraux de la justice criminelle varie d’une année à l’autre, aussi bien en matière de la nature des crimes, de termes exactes qui sont utilisés, qu’en mode de la présentation des catégories d’âge. Selon l’année, les tableaux apportent ou omettent les LEVADE, Maurice, opp. cit., tableau 12(b), 12(c).174 79
  • 9. données concernant les mineurs accusés des crimes, les mélangent avec celles concernant les majeurs. Mais les informations concernant les mineurs condamnés pour les crimes sont presque toujours présentes, à l’exception des années 1912 et 1924 qui ne donnent que les données concernant les accusés. Les mineurs sont peu poursuivis et peu condamnés pour les crimes de manière générale, mais ils ne sont quasiment jamais poursuivis pour les crimes contre la chose publique. Cette situation n’a rien d’étonnant puisque les mineurs n’occupent pas les positions qui permettraient de commettre de tels crimes: corruption de fonctionnaire, détournement de deniers publics, contrefaçon d’effets publics, faux en écriture de commerce, faux en écriture authentique et publique, faux en écriture privée ou fausse monnaie. Crimes contre l’ordre public et les personnes commis par les mineurs sont rares, mais leur nombre varie d’une année à l’autre. Les totaux des crimes contre les personnes sont faibles en général, or ils sont plus élevés pour la catégorie d’âge de 16 à 18 ans que pour celle de 13 à 15 ans inclus dans les statistiques qui permettent d’observer cette distinctions. L’assassinat et le meurtre, ainsi que le viol et attentat à la pudeur sur les enfants sont plus répandus que les autres crimes dont la palette est assez variée: meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, parricide, infanticide, coups et blessures suivis de mort sans intention de la donner, coups et blessures graves, coups et blessures envers un ascendant, viol et attentat à la pudeur sur des adultes, empoisonnement, enlèvement de mineurs et rapt d’enfant, suppression d’enfant, violences et sévices à enfants, chemins de fer (obstacles à la circulation) , bigamie.175 Les chiffres de condamnations pour les crimes contre l’ordre public et les personnes sont les plus élevés avant et immédiatement après la Grande guerre. En 1913 le nombre de condamnation pour l’assassinat s’élève à neuf cas, pour le meurtre à treize et pour le viol à dix pour la catégorie d’âge de 16 à 18 ans, le chiffre total pour les crimes est de 24 condamnations . Nous ne pouvons pas176 comparer ce chiffre avec celle de l’année précédente, car le tableau correspondant pour cette année ne figure pas dans le Compte général de la Justice criminelle de l’année 1912. En 1919, le total de condamnations s’élève à 40, avec 20 assassinats, huit meurtres, trois meurtres accompagnés d’un crime ou d’un délit . Les années 1920 apportant une certaine pacification. En 1925, pour les177 chemins de fer (obstacles à la circulation) figure plus souvent parmi les délits.175 BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année176 1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.34. BONNEVAY, Laurent, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour177 l’année 1919, présenté par le Garde des Sceaux, Imprimerie Nationale, Paris,1921, p.34. 80
  • 10. mineurs de 16 à 18 ans, Il y a deux condamnations pour l’assassinat, trois pour le meurtre et six pour le viol pour le total de 19 cas .178 Pour les années 1930, ces chiffres ne sont pas très différents, mais la présentation dans les tableaux de comptes généraux change: les chiffres de condamnations couvrent désormais tous les mineurs de moins de 18 ans sans distinguer les catégories d’âge. En 1932, le total des crimes contre l’ordre public et les personnes s’élève à 12 cas avec trois meurtres, deux meurtres accompagnés d’un crime ou d’un délit, un assassinat, un parricide et un infanticide . En 1937, il n’y a que sept179 condamnations avec trois assassinats, un meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, un viol ou attentat à la pudeur sur des adultes et deux viols ou attentats à la pudeur sur les enfants .180 Les chiffres ne permettent pas de dire que le régime de Vichy est plus répressif envers les mineurs en matière des crimes contre les personnes. En 1941, le total pour les crimes contre les personnes chez les mineurs est de cinq cas avec un meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, deux assassinats et un parricide . l serait intéressant de voir le nombre d’accusations pour comparer ces181 données et vérifier si cette situation n’est pas due à l’envoi de jeunes assassins dans les hôpitaux psychiatriques. En 1944, il y a deux assassinat et un meurtre sur le total de six condamnations pour les crimes contre les personnes . Il parait que ni la guerre ni l’occupation, ni la résistance ne182 produise pas de grand effet sur la criminalité des jeunes dans les années 1940. Les crimes contre les propriétés sont plutôt moins courants parmi les mineurs que les crimes contre les personnes. Mais cette relation n’est pas stable et le nombre de condamnations est de toute façon faible. La palette de ces crimes change considérablement d’une année à l’autre, mais le haut reste toujours occupé par les vols qualifiés, sauf pour l’année 1945 où ils figurent parmi les délits. Néanmoins, la manière de présentation de ces vols change. Ainsi en 1913, les vols qualifiés commis par les mineurs de 16 à 18 ans sont répartis en quatre types: un vol sur un chemin public, avec violences, zéro vol par domestique ou homme de service à gages, zéro vol à l’aide de violences BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année178 1925 Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.22. CHERON, Henri, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année179 1932, Imprimerie Nationale, Paris, 1934, p.24. GABOLDE, Maurice, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle180 pendant l’année 1937, Imprimerie administrative, Melun, 1943, p. 108. RAMADIER, Paul, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pour181 l’année 1941, Imprimerie administrative, Melun,1947, p. 118. MARTINAUD-DEPLAT, Léon, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice182 criminelle, 1944-1947, Imprimerie administrative, Melun,1953, p.109. 81
  • 11. (ailleurs que sur la voie publique) - trois condamnations, autres vols qualifiés - 23 condamnations. Le total de crimes contre les propriétés est de 34 cas, aux vols énumérés ci-dessus se rajoutent quatre incendies d’édifices habités ou servant à l’habitation et deux incendies d’édifices, de bois, etc. Les mineurs de 16 ans sont condamnés pour un vol à l’aide des violences (ailleurs que sur la voie publique) et deux incendies d’édifices servant à habitation .183 La même configuration des vols est présentée dans la statistique de 1919. Pour la catégorie des mineurs de 16 à 18 ans sur le total de 64 condamnations, il y en a huit pour le vol sur un chemin public, avec violences, onze condamnations pour vol à l’aide de violences ailleurs que sur la voie publique et 35 condamnations pour autres vols qualifiés, ainsi que sept incendies d’édifices servant à l’habitation et trois incendies d’édifices ou de bois. Pour les mineurs de 16 ans il y'a trois condamnations au total, avec deux vols avec violences ailleurs que sur la voie publique et un vol de catégorie autres vols qualifiés . En 1925, le total de crimes contre les propriétés est de neuf184 condamnations avec deux condamnations pour deux types d’incendies et sept condamnations pour les vols qualifiés . Les vols qualifiés sont les seuls qui restent de la palette des vols figurant dans185 les statistiques pour les crimes précédentes. Pour les années 1930, ces chiffres sont encore plus faibles. En 1932, il n’y a que cinq condamnations, toutes pour les vols qualifiés, dont un passible de réclusion et quatre passibles de travaux forcés . En 1937, il n’y a qu’une condamnation pour un vol qualifié . La guerre ne fait186 187 pas croitre ces chiffres. En 1940, il n’y a que cinq condamnations pour vols qualifiés et deux pour incendie volontaire . En 1942, le nombre de condamnations hausse légèrement: douze188 BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année183 1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.35. BONNEVAY, Laurent, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour184 l’année 1919, présenté par le Garde des Sceaux, Imprimerie Nationale, Paris,1921, p.35. BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année185 1925, Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.23. CHERON, Henri, opp. cit., p.23.186 GABOLDE, Maurice, opp.cit., p. 109.187 TEITGEN, Pierre-Henri, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle188 pour l’année 1940, Imprimerie administrative, Melun,1945, p. 108. 82
  • 12. condamnations pour vol qualifié et quatre pour incendie volontaire . Les chiffres sont de nouveau189 à la baisse pour l’année 1944, avec le total de trois condamnations pour vols qualifiés .190 Ainsi la criminalité des mineurs reste relativement stable sur toute la période étudiée. Or, elle est plus élevée avant la Grande guerre et dans l’immédiate après-guerre. Le début des années 1920 se caractérise par une plus grande violence par rapport à l’ensemble, mais la pacification ne tarde pas à venir. Le deuxième conflit mondial n’a non plus d’effet apparent sur l’ensemble des crimes, même si les crimes contre les propriétés sont légèrement à la hausse. La structure des crimes demeure toute aussi stable, les vols qualifiés et les incendies sont quasiment les seuls à être incriminés aux mineurs parmi les crimes contre les propriétés. Les crimes contre les personnes présentent une structure plus diverse. Les mineurs sont condamnés le plus souvent pour les meurtres et les assassinats, plus rarement pour les viols et attentats à la pudeur sur les enfants. Les coups et blessures graves ne sont pratiquement pas incriminés aux jeunes probablement parce que les juges préfèrent opter pour les coups et blessures figurant parmi les délits, ce qui permet d’éviter aux mineurs un casier judiciaire s’il s’agit de la première convocation. Le cas des délits est plus éloquent quant aux réalités qui se cachent derrière. Numériquement supérieurs aux crimes, ils présentent des variations plus subtiles et seraient un meilleur indicateur des changements dans la société, tant au niveau des pratiques judiciaires, qu’au niveau des pratiques de survie par les temps durs. Néanmoins le caractère changeant de ces données les rend plus difficiles à traiter. Si les crimes, malgré les différences de présentation des tableaux et quelques ruptures dans les données, ne sont pas très variés, les délits sont très nombreux et disparates. Ils apparaissent dans les statistiques, puis changent de noms, puis disparaissent complètement. Les façons de décompte évoluent également tout le long de la période étudiée. Cette spécificité rend la tache de dresser un graphique peu utile. Pourtant, tout comme pour les crimes, certains délits restent toujours en haut de l’échelle. Il s’agit un premier lieu de vols simples et en moindre mesure de coups et blessures, suivi de près, jusqu’à l’année 1935 par le vagabondage qui cesse d’être un délit et disparait progressivement des statistiques .191 MARIE, André, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pendant189 l’année 1942, Imprimerie administrative, Melun,1948, p. 118. MARTINAUD-DEPLAT, Léon, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice190 criminelle, 1944-1947, Imprimerie administrative, Melun,1953, p.110. quelques cas sont encore jugés en 1936 et 1937.191 83
  • 13. Dans le compte général de la justice criminelle pour l’année 1912, figurent 147 délits différents. Les mineurs sont répartis en trois catégorie: les remis à leurs parents ou à un tiers, les envoyés dans une colonie pénitentiaire pour plus d’un an et les envoyés dans une colonie pénitentiaire pour un an et moins. Les ordonnances de non-lieu, les acquittements et les répartitions en fonction de l’âge font défaut. Le bilan de l’année 1912 pour les vols est le suivant: 2.844 mineurs sont remis à leurs parents ou à un tiers, 1097 sont envoyés dans une colonie pénitentiaire pour plus d’un an et 33 pour un an et moins. La deuxième place est occupée par le délit des coups et blessures volontaires avec considérablement moins de cas: 367 mineurs remis aux parents ou à un tiers, 103 mineurs envoyés dans une colonie pénitentiaire pour plus d’un an et cinq pour un an et moins. Les chiffres sont comparables pour le vagabondage pour lequel il y a moins de remis aux parents que d’envoi en colonie pénitentiaire: 299/309/1. Ensuite vient le délit de chasse, pour lequel chaque année jusqu’au milieu des années 1930 il y a une centaine de remis aux parents, 268 en 1912, et très peu d’envoi en colonie, uniquement trois pour plus d’un an en 1912. L’abus de la confiance est un délit pouvant couvrir des réalités assez variés: 127 remis aux parents ou à un tiers, 60 envois en colonie pénitentiaire pour plus d’un an et un pour un an et moins . Le délit d’outrage public à la pudeur,192 avec 92 mineurs remis aux parents, 50 envoyés en colonie pénitentiaire pour plus d’un et trois pour un an et moins, cache souvent la prostitution. Ce serait un délit pour lequel sont jugées surtout les jeunes filles . La mendicité est numériquement peu représentative: 81 mineurs remis à leurs193 parents ou à un tiers, 32 envoyés en colonie pour plus d’un an et 2 pour un an et moins .194 Ces proportions sont gardés dans la statistique de 1913, sauf pour les vols ou nous observons deux fois moins de remises aux parents par rapport à l’année précédente: 1024/1045/56 . La situation195 est comparable en 1919. Néanmoins, de fait de l’augmentation de vols, il y a 6.189 remises aux parents ou à un tiers, tandis que le nombre d’envoi en colonie pénitentiaire n’a pas beaucoup changé par rapport aux années précédentes: 1.540 et 58. La proportion de délits de vagabondage augmente, ils sont presque aussi nombreux que les délits de coups et blessures volontaires: (419/143/4) pour le vagabondage et (443/109/- ) pour les coups et blessures. Ce fait est sans doute une conséquence de la guerre, même si dans les années 1920 la tendance générale est à l’augmentation de délits de BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année192 1912, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.35. NIGET, opp.cit, p. 92.193 BRIAND, Aristide, opp.cit., p. 56-67.194 BRIAND, Aristide, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année195 1913, Imprimerie Nationale, Paris,1914, p.56-67. 84
  • 14. vagabondage. Le délit de chemins de fer qui était un crime avant la guerre devient un délit avec 262 de remises aux parents, 4 envois en colonie pour plus d’un an et un pour un an ou moins. Le délit de recel commence à apparaitre dans les statistiques avec 161 remises aux parents, et 27 envois en colonie pour plus d’un an. Avant 1919, le recel figure dans les statistiques sans que les mineurs soient jugés pour ce délit .196 En 1925, la structure des délits change légèrement. Les vols occupent toujours la première place avec 4.544 remises aux parents, 485 envoies en colonie pour plus d’un an et sept pour un an et mois. Le vagabondage vient avant le délit des coups et blessures avec 903 remises aux parents, 101 envois en colonie pour plus d’un an et trois pour moins d’un an pour le premier et 503/27/3 pour le deuxième. L’outrage public à la pudeur reste comparable avec 112 remises aux parents et 19 envois en colonie pour plus d’un an. La mendicité diminue (26/12/-), mais les chiffres de délit d’armes prohibées augmente (158/4/-) . Peu représentatif avant 1922, il compte 53 remises aux parents et197 trois envois en colonie pour plus d’un an en 1923 .198 A partir le compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle de l’année 1933 le nombre et la présentation des tableaux changent considérablement. Les délits commis par les mineurs ne sont plus présentés sur les mêmes tableaux que ceux des majeurs. Ils sont présentés sur un seul tableau qui n’énumère que les délits qui étaient toujours numériquement supérieurs aux autres. L’information sur les peines encourues par les mineurs en fonction de chaque délit disparaissent. Ils sont présentés comme des totaux sans distinction de délit, mais en fonction de la catégorie d’âge suivant la loi du 22 juillet 1912. Pour les délits qui sont énumérés, les données chiffrées montrent le nombre d’ordonnances de non-lieu, d’affaires classées et d’affaires jugées. Ce mode de présentation restera sans grands changements jusqu’à la fin de la période étudiée. Néanmoins comparer les données de ces deux périodes, celle avant 1933 et celle après, ne se présente pas possible. Ce qui nous semble raisonnable, c’est d’observer l’ordre de grandeur des chiffres: quels délits sont numériquement supérieurs et quelle est la proportion de cas jugés. BONNEVAY, Laurent, opp. cit., p.56-67.196 BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pour l’année197 1925, Imprimerie Nationale, Paris, 1928, p.42-53. BARTHOU, Louis, Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pendant198 l’année 1923, Imprimerie Nationale, Paris, 1926, p.50-61. 85
  • 15. Nous pouvons constater que pour la deuxième moitié des années 1930, la délinquance juvénile ne connait pas de grandes mutations avant la guerre, mis à part le cas de vagabondage dépénalisé par le décret-loi n°7 du 30 octobre 1935 .199 En 1937, les vols simples représentent 7.088 affaires jugées, 433 ordonnances de non-lieu et 1711 classées. En deuxième vient le délit des coups et blessures (1122/131/663), suivi par le délit de blessures involontaires (537/67/374), le délit de destruction de clôture (462/42/210) qui était toujours présent dans les statistiques avant, mais avec des chiffres peu élevés. Le délit de chasse est également en hausse (256/15/125), mais le vagabondage ne compte plus que quelques cas (12/-/5). Le nombre de délits de chemins de fer est relativement peu élevé (179/15/321), ainsi que la mendicité (101/4/58) et l’escroquerie (111/9/52) .200 A l’opposé des crimes, en 1942, les délits sont en hausse vertigineuse en ce qui concerne les vols simples. Ils s’élèvent à 26.053 affaires jugées, 1025 ordonnances de non-lieu et 9.657 affaires classées. Le vagabondage disparait complètement des statistiques, le délit de coups et blessures est même en baisse (1085/95/804), ainsi que le délit de blessures involontaires (298/48/346). Par contre, le nombre de délits de chemins de fer double (455/6/425). La mendicité est encore en baisse (80/1/52), tandis que l’escroquerie hausse légèrement (196/25/102). Le nombre de cas d’avortement jugé s’élève à 83, tandis que ce délit ne comptait que quelques cas avant la guerre . Ainsi nous201 pouvons constater que la guerre et l’occupation ont surtout un impact économique. La hausse de la délinquance juvénile que nous avons vu dans les statistiques générales doit donc être liée surtout l’augmentation de vols. La baisse affichée par le délit des coups et blessures permet de dire que les rapports interpersonnels ne deviennent pas plus violents de faits des hostilités. Le nombre surélevé d’avortement fait pourtant penser aux violences subies par les femmes sur le territoire occupé. Le cap de 1942 passé, la délinquance juvénile commence un retour graduel à la norme. Néanmoins, le nombre de vols reste encore élevé par rapport au niveau de l’avant-guerre. En 1944, il y a 15.754 affaires jugées pour vols, ce chiffre baisse en 1945 de trois milles: 12.301. Tous les autres délits affichent les chiffres largement comparables à ceux de l’année 1940: 432 délits de chemins de fer GOLLIARD, Olivier, « Dépénaliser le vagabondage ? L’impact relatif du décret-loi d’octobre 1935 »,199 Criminocorpus [En ligne], Savoirs, politiques et pratiques de l'exécution des peines en France au XXe siècle, Communications, mis en ligne le 02 septembre 2014, consulté le 2 juin 2016. URL : http:// criminocorpus.revues.org/2761 ; DOI : 10.4000/criminocorpus.2761. GABOLDE, Maurice, opp.cit., p.125200 MARIE, André, Compte général de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle pendant201 l’année 1942, Imprimerie administrative, Melun,1948, p. 135. 86
  • 16. jugés en 1944 et 280 en 1945, 327 affaires d’outrage à la pudeur 327 jugées en 1944 et 334 en 1945, 146 délits d’escroquerie jugés en 1944 et 82 en 1945. La statistique criminelle des années 1912-1945 permet de conclure sur l’idée que la délinquance juvénile est un phénomène étroitement lié au délit de vol. Le délit de vols simples occupe toujours la première place des délits jugés et d’envoi en colonie laissant loin derrière soi tous les autres, parmi lesquels il convient de signaler le délit de coups et blessures qui restent relativement stable sur toute la période. Surélevés pendant les années de guerres et quelques temps après, le délit de vols permet à dire que la délinquance juvénile est une technique de subsistance. Les discours sur la nature corrompue, la criminalisation progressive de la jeunesse ne trouve pas de fondement. Observée sur une période de trente ans, la délinquance juvénile ne s’aggrave que de fait des hostilités. Les changements législatifs n’ont qu’un impact limité sur ce phénomène. Il peut néanmoins être très anxiogène si la comparaison se fait entre les années voisines. Néanmoins nous croyons que les conclusions tirées de la statistique aussi discontinue de fait de changement de mode de présentation et des données prises en compte doivent être prises avec précaution. A notre avis, ces statistiques permettent de voir surtout la composition du phénomène et en moindre mesure de juger sur l’impact que le contexte global a sur lui. Septième partie. Eduquer, surveiller et faire travailler les mineurs délinquant: l’étude des bulletins de libération. Le XIX siècle, prenant conscience des fragilités de l’enfance, commence à distinguer les mineurs délinquants des majeurs dans les établissements pénitentiaires. La prison de la Petite Roquette est la première à avoir des quartiers séparés à partir de l’année 1835. Les colonies agricoles sur le modèle de celles déjà mises en place aux Pays-Bas et en Belgique apparaissent en France à partir des années 1930 également. La création des établissements pour les jeunes filles délinquantes est plus tardive. Le développement du réseau d’établissements pour la prise en charge des mineurs délinquants prend du temps. Sa longue naissance est actionnée par des efforts des philanthropes et des juristes, le choc d’intérêt entre les initiatives privées et la volonté de l’Etat de contrôler le relèvement de ses mineurs, les contradictions entre la rédemption religieuse et l’éducation anticléricale. Les contraintes budgétaires dont souffre de manière chronique tout le système pénitentiaire en France du XIX et de la première moitié du XX siècle, ne fait que ralentir le processus. 87