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Ou va l’Afrique
du Sud ?
Winnie Mandela, 1997
Intervention de Madame Winnie Madikizela-Mandela
au Séminaire International de Bruxelles en mai 1997
Bonsoir à tous les invités de marque. Il y en a tellement, d'invités de marque, ici, ce
soir, que je ne vais pas commencer à vous les énumérer tous les uns après les
autres. Si nous sommes tous rassemblés ici pour célébrer le 1er Mai, ce ne sont pas
les titres et les distinctions que nous portons qui nous donnent de l’importance ; mais
nous sommes remarquables parce que nous sommes les visages de tous les
travailleurs du monde qui se sont unis dans un seul but. Et c'est donc vous tous que
je salue lorsque je dis "Bonsoir, camarades, bonsoir à tous les travailleurs du monde
entier."
Je vous apporte les salutations révolutionnaires de l'Afrique du Sud. Je vous apporte
les salutations révolutionnaires du Congrès National Africaini, du Congrès des
Syndicats sud-africainsii, et tout particulièrement du Parti Communiste de l'Afrique du
Sudiii.
L'Alliance entre l'ANC, le Parti Communiste et le Mouvement du Travail constitue le
front uni qui a amené la libération du peuple de l'Afrique du Sud. Cette alliance est
une résultante naturelle et logique de la vie sociale qui a commencé à animer notre
nation il y a 300 ans et qui continue à le faire depuis. Elle n'est pas le produit d'une
série de déclarations dans les médias. Et par conséquent, son avenir dépendra des
changements que connaîtra cette réalité sociale, et non pas de souhaits émis par
des individus ou de déclarations médiatisées. Je suis fière et honorée en même
temps de représenter cette Alliance aujourd'hui.
Dans mon discours d'aujourd'hui, je voudrais vous faire part de la situation des
progrès réalisés en Afrique du Sud en matière de socialisme et de communisme,
ainsi qu'en ce qui concerne la situation des travailleurs eux-mêmes. Je vais analyser
l'effondrement inévitable du capitalisme tel qu'il existe, et la montée concomitante du
socialisme en Afrique du Sud. Je vais examiner tout particulièrement le problème
brûlant de la privatisation et de la nationalisation des biens et avoirs de l'Etat, et de
ses incidences sur le travailleur. J'espère que vous pourrez tirer parti de nos
expériences et de nos défis, et qu'en échange nous pourrons faire de même avec les
vôtres.
Les vues que je vais partager aujourd'hui avec vous sont celles qu'expriment si bien
le camarade Sam Shilowa, le secrétaire général du Congrès des Syndicats sud-
africains. Le camarade Shilowa est l'un des hommes les plus respectés de notre
pays. Son ascension du grade de garde de sécurité au rang de secrétaire général
2
est de celles qui nous comblent tous de fierté et d'espoir face aux défis qui nous
attendent.
En Afrique, on a associé le capitalisme à l'oppression. De l'Afrique orientale à
l'Afrique occidentale, de l'Afrique du Nord à l'Afrique du Sud, les impérialistes ont
prêché les vertus du capitalisme tout en volant les richesses des différentes nations à
leurs propres peuples. Voilà quelle a été notre expérience du capitalisme, en Afrique
du Sud.
Les termes "capitalisme" et "démocratie" ont été utilisés de façon interchangeable.
On nous a enseigné que la démocratie était quelque chose de bien et que, par
conséquent, le capitalisme était bon également. On a dit que le pire ennemi du
capitalisme et de la démocratie était le communisme. On a dépeint le communisme
et le socialisme comme étant tout ce qui était sinistre et oppressif. Le régime de
l'apartheid a dépensé des milliards de rands afin de désinformer le peuple à propos
du communisme et du socialisme.
En réalité, c'est ce système pervers qui a soumis les êtres humains à toutes sortes
d'indignités. C'est l'apartheid qui a conduit à la généralisation de la souffrance
physique et psychologique au sein de nos travailleurs et de leurs familles. Par
ailleurs, notons quíil a également infligé de graves dégâts au monde de la nature.
Lorsque le régime de l'apartheid a accédé au pouvoir en 1948, il a créé un Etat
pervers. Il était pervers en ce sens que l'on n'utilisait les biens du pays et le travail
des masses laborieuses qu'au bénéfice de la minorité blanche. En très peu de
temps, et de la façon la plus avide, cette même minorité blanche s'était également
réservé toute la richesse de la nation. C'est à ce moment qu'elle a commencé à
mettre le capitalisme en pratique, selon ses propres convenances. Et comme elle
contrôlait le capital, tout le butin mal acquis du capitalisme refluait directement chez
elle.
Le système pervers en vigueur aujourd'hui peut très bien survivre ou sombrer. S'il
survit, il peut en fin de compte provoquer un degré minime de souffrance physique et
psychologique, mais seulement après être passé par une période d'adaptation très
longue et particulièrement douloureuse, et au prix d'avoir réduit en permanence les
êtres humains à l'état de simples rouages de la machine sociale. Et ce système, il est
absolument impossible de le réformer ou de le modifier de façon à l'empêcher de
priver les gens de leur dignité et de leur autonomie.
Un sujet dont je voudrais vous entretenir, c'est Action Affirmativeiv. En principe,
Action Affirmative est destiné à élever le niveau général des travailleurs. Dans le
cadre présent, c'est le capitalisme qui est chargé de défendre ce programme social
d'élévation. Mais dans de telles circonstances bizarres, comment cela pourrait-il
fonctionner ? Le principe du capitalisme est de minimiser tous les coûts de
production, y compris celui du travail, de manière à accroître au maximum les profits.
Il serait irrationnel de la part du capitalisme qu'il rogne une partie de ses profits pour
les redistribuer au monde du travail. Ce qui est encore plus grave, c'est le fait que
notre gouvernement n'a absolument pas le mordant nécessaire pour imposer ses
vues à Action Affirmative.
3
En conséquence, Action Affirmative ne sera mis en place que pour nous diriger,
nous, les travailleurs. Cela veut dire qu'il n'y aura pas de véritable investissement
dans le monde du travail. Tout ce à quoi l'on assistera, ce sera uniquement à un
accroissement sensible de la demande de main-d’œuvre noire déjà qualifiée. Etant
donné les dimensions limitées de ce réservoir de main-d’œuvre, cela ne servira qu'à
imprimer une pression à la hausse sur leurs salaires.
En dernière analyse, Action Affirmative ne fera rien pour les travailleurs qui en ont le
plus besoin. Mais devons-nous nous en étonner? Action Affirmative est un
programme qui, à l'origine, avait été mis au point par des capitalistes américains,
dans le seul but de nous maintenir au niveau le plus bas vis-à-vis de la production.
Nous en avons tiré une leçon bien simple, c'est que nous ne pouvons placer les
aspirations des travailleurs dans les mains du capitalisme. Le capitalisme l'a
démontré et, par le biais de programmes du genre d'Action Affirmative, il continue à
exploiter le travailleur.
Si ce système capitaliste pervers s'effondre en Afrique du Sud, les conséquences en
seront toujours très douloureuses. Mais plus le système se développe, plus les
conséquences de son effondrement s'avéreront désastreuses, de sorte que s'il devait
s'effondrer, le plus tôt serait encore le mieux.
C'est pourquoi nous sommes partisans d'une révolution contre le système capitaliste.
Il se peut que cette révolution ait ou n'ait pas recours à la violence, elle peut être
soudaine tout comme elle peut s'inscrire dans un processus relativement progressif
s'étendant sur quelques décennies, nous ne pouvons le prédire. Cela ne doit pas
être une révolution politique. Son objectif ne sera pas de renverser des
gouvernements, mais bien de renverser la base économique et idéologique de la
société actuelle.
L'Afrique du Sud traverse toujours une phase de changement. La période que nous
traversons actuellement est une période test pour notre libération. En 1994, la
majorité noire a gagné sa liberté politique. Nous avons fait savoir clairement que
nous n'accepterions jamais une dictature ni un pouvoir totalitaire. C'est pourquoi
nous avons opté pour la démocratie.
Notre lutte a toujours eu deux priorités. La première, c'était la libération politique, la
seconde l'émancipation économique.
Au cours des années qui ont abouti aux premières élections démocratiques, nous
avons eu des entretiens à propos de la paix avec le régime de l'apartheid. Lors de
ces entretiens, nombre de compromis et de concessions ont été faits. Ce à quoi nous
assistons aujourd'hui, rétroactivement, c'est que notre plus grosse erreur a été
d'opter pour le capitalisme. En acceptant de renoncer à notre droit de nationaliser les
biens de l'Etat, nous avons négligé notre premier devoir, qui était celui de nourrir
notre peuple. En acceptant de privatiser les propriétés existantes de l'Etat, nous
avons fait en sorte que le capital s'engraisse au détriment de notre peuple, car c'est
notre peuple qui a construit cette richesse, à la sueur de son front et avec le sang de
ses mains.
4
Toute personne qui pense que le socialisme ne fonctionne pas ou ne peut
fonctionner est aveugle. De 1948 à 1994, on peut dire que l'Afrique du Sud a été le
plus grand Etat socialiste du monde. Le régime de l'apartheid a construit des empires
d'Etat tels que Telkom, Eskom et Transnet. Ces compagnies sont considérées
aujourd'hui comme faisant partie des leaders mondiaux dans les domaines des
communications, de l'énergie et des transports.
Le mythe qui consiste à dire que le gouvernement est inefficace n'est qu'un mythe,
sans plus. Il a une motivation plus grande encore que le profit. C'est la motivation de
l'idéologie. La minorité blanche en Afrique du Sud a fini par connaître le succès parce
qu'elle croyait que ce qu'elle faisait était juste et conforme aux points de vue de la loi
et de la religion.
Aujourd'hui, le nouveau gouvernement a dissipé le mythe prétendant que l'apartheid
avait raison. Cependant, suite à la mort en 1994 de Chris Hani, le dirigeant du Parti
Communiste, il existe aujourd'hui un vide idéologique quant à la motivation au travail.
En ne comblant pas ce vide par les vertus du socialisme, il se fait qu'il a aspiré
l'avidité et l'intérêt personnel et qu'il est devenu un havre où prospèrent la corruption
et líinefficacité.
Pendant que nous nous débattons dans l'espoir de trouver une solution à ce
problème énorme autant qu'imprévu, nos gens meurent, tandis que les riches, eux,
vivent dans la grossière complaisance que leur procurent leurs gains mal acquis. La
situation actuelle ne peut se poursuivre indéfiniment. L'année 1999 sera une année
décisive pour l'Afrique du Sud. Elle représentera un changement dans le pouvoir
politique: on passera de la représentation proportionnelle au sein d'un gouvernement
d'unité nationale, à un gouvernement de contrôle absolu. Il va falloir prendre une
décision pour savoir comment il conviendra d'appliquer ce nouveau décret.
Exprimée en termes simples, la décision se situera entre le capitalisme et le
socialisme. Le bien-être à venir de notre peuple et de nos enfants dépendent d'elle. Il
est important que nous soyons à même de choisir avec sagesse.
En Afrique du Sud, nous connaissons le capitalisme. Nous l'avons vu et nous avons
souffert sous sa domination. Sous le capitalisme, les terres, les ressources naturelles
et les industries, bâties avec les mains des travailleurs, appartiennent à des
propriétaires privés ou à des compagnies. Chaque propriétaire produit non pas pour
le bien public mais pour son profit personnel. Il paie des salaires aussi minimes que
possible et veut en prendre autant que possible pour lui-même.
Certains peuvent dire que je simplifie à l'excès la nature du capitalisme, mais ceci
n'est pas un débat académique entre le capitalisme et le socialisme. Ce débat est
aussi vieux que les collines, on l'entend aux quatre coins du globe, depuis le carreau
de l'usine jusqu'aux couloirs du Parlement. C'est un débat qui continuera à faire
fureur longtemps après que nous serons partis, et il vaut mieux le laisser aux
intellectuels. La question que je veux mettre en exergue, c'est celle qui va influencer
la vie quotidienne des gens à qui nous avons promis la liberté. Et cette question est
la suivante: Comment pouvons-nous améliorer la qualité de la vie de la majorité
économiquement défavorisée de la population?
5
Aujourd'hui, en Afrique du Sud, nous sommes confrontés à une situation où nous
tentons de transformer notre pays. Pourtant, nous devons affronter diverses
contraintes que nous n'avons pas choisies. Aucune d'entre elles ne met notre
responsabilité en cause. Elles nous ont été imposées par l'histoire; les voici:
Tout d'abord, l'héritage de l'apartheid. Il s'agit de tout un échantillonnage de
problèmes parmi lesquels la mauvaise gestion de notre économie, le fardeau de la
dette, la destruction de nos ressources humaines, un secteur public déformé, un
chômage et une pauvreté énormes, la marginalisation de la majeure partie de
l'activité économique, d'énormes inégalités tant au niveau social qu'au niveau des
revenus.
Secundo, le nouvel ordre mondial dans lequel est née notre démocratie.
Politiquement, cette situation se caractérise par son unipolarité au sein de laquelle il
n'y a pas d'alternative sérieuse au pouvoir exercé par les pays du G7 et leurs
institutions financières et commerciales internationales. Economiquement, le
processus de mondialisation a foulé aux pieds la souveraineté des Etats nationaux.
Le capital a acquis une mobilité sans précédent, aidé par les nouvelles technologies
et le nouvel âge de l'information. L'économie mondiale a été organisée en puissants
blocs commerciaux. On nous dit que ceux qui ne jouent pas le jeu selon les
nouvelles règles seront marginalisés pour toujours et seront laissés pour compte.
Par conséquent, une question se pose: Est-il possible de parvenir à la justice et à ce
développement sous les contraintes héritées de l'apartheid et imposées par le nouvel
ordre mondial?
Deux dangers surgissent lorsqu'on essaie de répondre à cette question. Le premier
est de tomber dans le piège du fatalisme - accepter passivement que ces forces
liguées contre nous sont trop puissantes pour que nous puissions les contrer, de
sorte que nous devons simplement accepter notre sort. Le second est celui de
l'idéalisme aveugle - faire comme si ces contraintes n'existaient pas - et de croire que
nous pouvons imposer notre programme de changement, sans intégrer les données
de ces réalités objectives dans notre équation de transformation.
En tant que pays, nous sommes aujourd'hui en danger de nos enfoncer nous-mêmes
dans un piège dont il nous sera pratiquement impossible de nous échapper. Je veux
dire par là abandonner la voie de la transformation que nous nous sommes fixée, en
délaissant notre souveraineté nationale dans les milieux où se prennent les décisions
économiques et de la sacrifier sur l'autel du profit.
On considère généralement aujourd'hui que l'application des prescriptions en matière
de politique économique de Thatcher, Reagan, la Banque Mondiale et le FMI ont eu
des conséquences particulièrement néfastes pour les pays auxquels elles ont été
imposées. La dure réalité de ces faits est reconnue, sinon par tous les économistes,
du moins certainement par la vaste majorité des gens qui vivent dans ces pays!
Pourtant d'énormes pressions sont exercées sur l'Afrique du Sud, et les moindres ne
viennent pas du "marché", afin qu'elle adopte précisément ces lignes de conduite qui
ont échoué ailleurs. Cette structuration néo-libérale a fini par devenir familière de nos
jours. Elle comprend une privatisation complète, des coupes sombres dans les
6
dépenses de l'Etat, un rapide dérèglement du travail, du commerce, et des marchés
financiers, des politiques monétaires soumises à des contrats, sans oublier l'accent
placé sur les exportations.
Alors que ces prescriptions sont dictées selon une certaine idéologie, et appliquées
sans le moindre égard aux conditions que les pays doivent affronter, nous ne les
rejetons pas uniquement sur le plan idéologique. Nous rejetons plutôt l'ensemble
parce que ce serait un désastre si on l'appliquait à notre pays.
Il y a un autre défaut dans l'argument selon lequel "la privatisation signifie des
revenus pour le développement". En fait, la privatisation veut probablement dire que
les finances des investissements sont dirigées vers l'acquisition des biens existants
de l'Etat, plutôt que vers de nouveaux investissements productifs dans les
infrastructures ou dans l'industrie. En d'autres termes, la privatisation pourrait avoir
pour effet de ne pas laisser de place aux investissements dans des activités qui
pourraient créer de nouveaux emplois et accélérer la croissance.
Une autre conséquence de la privatisation sur le problème crucial du monde du
travail est qu'elle conduira à des compressions et des licenciements à une époque
où notre priorité numéro un est justement de créer des emplois. Diminuer simplement
le nombre des travailleurs avec l'espoir que des occasions de nouveaux emplois vont
surgir quelque part, ce n'est pas une route que le monde du travail est disposé à
suivre. Pour nous, toute déclaration selon laquelle une privatisation débouchant sur
une augmentation des emplois aurait fonctionné, serait semblable à un chirurgien qui
sortirait d'une salle d'opération en disant: "L'opération a réussi, mais
malheureusement, le patient est mort."
Je voudrais résumer en déclarant que nous, en tant que monde du travail, nous ne
sommes pas naïfs à propos du fait que l'appel à la privatisation constitue une partie
d'une tendance internationale à réduire le rôle joué par les gouvernements dans
l'économie de leurs propres pays. A notre avis, une bonne partie de l'élan vers cette
tendance découle du désir des compétiteurs des multinationales d'étendre leurs
marchés et d'augmenter leurs marges bénéficiaires.
Nous mettons en garde contre une situation dans laquelle les décisions
économiques de l'Afrique du Sud sont, à notre détriment, dictées par des intérêts
autres que les nôtres propres. Nous accueillons avec bienvenue les investissements
étrangers dans notre pays, mais nous devrions demeurer vigilants afin de nous
assurer que de tels investissements n'aient pas pour effet de priver notre peuple de
certains de ses droits fondamentaux. Les droits au logement, aux soins de santé, à
l'éducation et à des relations de travail honnêtes qui sont désormais garanties dans
la nouvelle constitution.
Nous ne rejetons pas líidée d'ouvrir notre économie, si cela est fait d'une façon qui
assure la promotion de nos industries. Nous ne rejetons pas la discipline fiscale, si
elle est soumise à la tâche du développement économique, plutôt que la voie
inverse.
La tentative par des intérêts domestiques et internationaux puissants de nous forcer
à accepter un capitalisme sans entraves et de laissez-faire, défie toute l'expérience
7
relative au développement du XXe siècle. Toute une série d'exemples réussis de
reconstruction et de développement en Europe, en Amérique, au Japon ou en Asie
orientale ont amené une implication massive de l'Etat, la création d'une demande
domestique, d'énormes investissements dans le développement humain, et des
lignes de conduite qui permettent de diriger les investissements et l'activité
industrielle. Aucun de ces exemples n'a compté exclusivement sur le marché ni n'a
tenté d'écarter l'Etat de la direction du processus de développement.
L'expérience a prouvé que le socialisme est la méthode la plus adéquate pour
développer rapidement des pays économiquement arriérés. La Russie était jadis le
plus arriéré de tous les grands pays européens. Sous le socialisme, elle a fait en
quarante années un bond en avant tel qu'il lui a permis de devenir le pays le plus
évolué, bien que nombre de ces années aient été consacrées à livrer des guerres
contre l'intervention impérialiste. C'est le socialisme qui a donné à l'industrie
soviétique la force et à son peuple l'esprit combatif de résistance et de conquête.
En dix courtes années, le socialisme et la direction communiste ont transformé la
Chine, qui était un pays terriblement arriéré, illettré et pauvre, en une nation
industrielle et agricole florissante. L'Inde et la Chine ont gagné leur liberté vis-à-vis
de la domination impérialiste à peu près en même temps. Mais l'Inde a choisi la route
du capitalisme, la Chine celle du socialisme. Aujourd'hui, la Chine a de loin surpassé
l'Inde sur le plan du progrès économique.
L'histoire du succès du socialisme est claire. La raison pour laquelle le nouvel ordre
mondial le craint, c'est parce que lorsqu'il est appliqué correctement, il se dresse
également pour saper les fondements de la richesse des pays du G7, richesse qui
repose sur des coûts de production peu élevés, et en particulier en matière de main-
d’œuvre.
Si le communisme ne devait pas fonctionner en Afrique du Sud, pourquoi dans ce
cas le Parti Communiste a-t-il été interdit dès que le régime de l'apartheid s'est
emparé du pouvoir? Et presque 50 années plus tard, pourquoi Chris Hani, dirigeant
du Parti Communiste, a-t-il été abattu à la veille de la prise de pouvoir par l'Alliance
entre l'ANC, le COSATU et le Parti Communiste?
En conclusion, j'insiste sur le fait que nous devons nous préparer à la renaissance du
socialisme. Partout dans le monde, il y a une désillusion croissante à propos du
capitalisme, et de son incapacité à faire face à la pauvreté et au chômage. Nous
devons commencer maintenant à planter les semences du socialisme qui fourniront à
tous une qualité de vie décente.
Vive le Parti du Travail! Vive la voie de la Révolution d'Octobre! Vive la voie qui mène
à la libération des travailleurs! Viva!
Mais mon message n'est pas terminé.
Jusqu'à présent je vous ai dit ce que vous vouliez entendre. J'ai critiqué le nouvel
ordre mondial pour toute la misère et la souffrance qu'il provoque, et pour toutes ses
imperfections.
8
J'ai également loué le communisme marxiste-léniniste pour toutes ses vertus.
Critiquer le capitalisme et louer le communisme est chose facile. Tout travailleur
opprimé entendant les mots de Marx et de Lénine pour la première fois en tirera de
l'inspiration. Il ne tardera pas à abandonner son boulot et à rejoindre les rangs du
Parti Communiste en révolte contre le porc capitaliste.
Mais une fois qu'il aura rejoint le Parti, qu'est-ce que vous lui offrirez en plus de la
rhétorique de la terre promise après la révolution ? Est-ce que parler de révolution va
remplir son assiette de nourriture ? Ou cela mettra-t-il un toit au-dessus de sa tête ?
Ce sont ces choses-là qui comptent vraiment. En dernière analyse, les gens veulent
de meilleures conditions de vie, et l'idéologie ne vient qu'en second lieu. Ils veulent
être capables de se procurer les meilleures choses dans la vie. Ils veulent envoyer
leurs enfants dans de bonnes écoles, et leur offrir de bons jouets. Ils veulent un toit
qui ne fuira pas, et une nouvelle voiture qui démarrera au quart de tour tous les
matins.
Est-ce que vous apportez toutes ces choses, ou est-ce que vous vous contentez de
les promettre ? Le communisme est mort parce qu'il n'a pas su concrétiser le rêve
utopique de l'Etat des travailleurs. Cela m'a brisé le cœur d'assister à l'effondrement
des soviets communistes et à celui du bloc de l'Est. A moins que les Partis
communistes ne se mettent à tenir leurs promesses, ils vont continuer à mourir un
peu partout dans le monde, jusqu'à ce qu'ils aient complètement disparu.
Chaque jour, en Afrique du Sud, je vois les murs du communisme s'effondrer. Déjà le
souvenir du dernier rassemblement massif du Parti Communiste se trouve dans un
passé lointain. Aujourd'hui, vous ne pouvez trouver un seul travailleur qui assiste à
une marche du Parti communiste. Les gens sont malades à en mourir de la
révolution. Pendant 80 ans, ils ont pris les armes contre l'oppresseur. Pendant deux,
trois, quatre générations, leurs vies ont été consommées par la révolution - et pour
quoi ? Même après avoir gagné la révolution, ils n'ont toujours rien.
Maintenant, jetons un coup d'œil sur les impérialistes. Autant nous sommes en
désaccord avec leur idéologie et avec leurs pratiques, ils doivent tout de même
représenter quelque chose de bon pour leurs partisans. Quelles leçons pouvons-
nous tirer d’eux ? A partir de l’expérience du bloc de l'Est et de l'Afrique du Sud, nous
voyons que le fait de ne pas parvenir à procurer aux masses ce à quoi elles aspirent
signifie un échec de l'idéologie. Le capitalisme a réussi à fournir assez pour gagner
le soutien des gens, et le soutien, c'est ce dont il est question ici. Et nous les
appelons le nouvel ordre mondial pour la simple raison qu'ils gouvernent le monde.
Bien que le capitalisme soit basé sur une philosophie et une pratique qui exploitent
les autres et détruisent le monde naturel, il est toujours populaire. Pensez-vous
réellement que les paquets de lard vautrés à Miami Beach en Floride s'inquiètent de
la nature autodestructrice à long terme du capitalisme ? Alors que nous savons que
le capitalisme va finalement mourir de mort naturelle, nous pouvons faire plus que de
nous contenter de distribuer des tracts jusqu'à ce jour béni. Gardez à l'esprit,
naturellement, que le travailleur, qui se situe au fond du système capitaliste des
classes, sera le premier à partir lorsque le système s'écroulera.
9
La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons y faire quelque chose. Car en dépit de
tout le pouvoir qu'exerce le nouvel ordre mondial, il est resté le flanc ouvert à toutes
les possibilités d'attaque. L'ordre mondial est basé sur deux conditions, sur les
ressources à bon marché (et particulièrement la main-d’œuvre), et sur la
consommation. Plus nous travaillons, plus nous consommons, et plus ils
s'enrichissent. Dans ce cas, que se passera-t-il lorsque nous cesserons de
consommer leurs produits ? Que se passera-t-il si nous leur imposons des sanctions
économiques ?
Comme je l'ai dit, les pays du G7 ont créé des blocs commerciaux exclusifs. Dans
tout leur jeu de manipulation et de pouvoir, ils se sont créés des ennemis, ou ils se
sont attirés la haine de nations prétendument malfaisantes comme la Libye, la
Palestine ou l'Irak, pour n'en citer que quelques-unes. Je mentionne ces pays parce
qu'ils sont riches en réserves minérales. Ce sont les gens avec qui nous pouvons
travailler. Nous pouvons commercer exclusivement avec ces pays, et développer de
réels investissements avec eux. Avec leurs ressources, notre travail et notre savoir-
faire, une idéologie commune et un ennemi commun, nous pouvons véritablement
lancer un défi au nouvel ordre mondial.
D'autre part, aussi longtemps que nous sommes des hôtes indésirables au sein des
pays du G7, et que nous ne disposons pas des effectifs ou des ressources
financières pour effectuer une véritable révolution, nous resterons les extrémistes
marginaux qui seront ridiculisés par la tendance générale.
Camarades, je ne dis pas ces choses pour vous décevoir. Je vous les dis pour que
vous cessiez de rêver et que vous commenciez à faire des projets.
Voici le message que je vous adresse. Puissent mes mots ne pas tomber dans des
oreilles de sourds.
i African National Congress.
ii Congress of South African Trade Unions
iii South African Communist Party.
iv Affirmative Action.

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Ou va l’Afrique du Sud ? Winnie Mandela, 1997

  • 1. 1 Ou va l’Afrique du Sud ? Winnie Mandela, 1997 Intervention de Madame Winnie Madikizela-Mandela au Séminaire International de Bruxelles en mai 1997 Bonsoir à tous les invités de marque. Il y en a tellement, d'invités de marque, ici, ce soir, que je ne vais pas commencer à vous les énumérer tous les uns après les autres. Si nous sommes tous rassemblés ici pour célébrer le 1er Mai, ce ne sont pas les titres et les distinctions que nous portons qui nous donnent de l’importance ; mais nous sommes remarquables parce que nous sommes les visages de tous les travailleurs du monde qui se sont unis dans un seul but. Et c'est donc vous tous que je salue lorsque je dis "Bonsoir, camarades, bonsoir à tous les travailleurs du monde entier." Je vous apporte les salutations révolutionnaires de l'Afrique du Sud. Je vous apporte les salutations révolutionnaires du Congrès National Africaini, du Congrès des Syndicats sud-africainsii, et tout particulièrement du Parti Communiste de l'Afrique du Sudiii. L'Alliance entre l'ANC, le Parti Communiste et le Mouvement du Travail constitue le front uni qui a amené la libération du peuple de l'Afrique du Sud. Cette alliance est une résultante naturelle et logique de la vie sociale qui a commencé à animer notre nation il y a 300 ans et qui continue à le faire depuis. Elle n'est pas le produit d'une série de déclarations dans les médias. Et par conséquent, son avenir dépendra des changements que connaîtra cette réalité sociale, et non pas de souhaits émis par des individus ou de déclarations médiatisées. Je suis fière et honorée en même temps de représenter cette Alliance aujourd'hui. Dans mon discours d'aujourd'hui, je voudrais vous faire part de la situation des progrès réalisés en Afrique du Sud en matière de socialisme et de communisme, ainsi qu'en ce qui concerne la situation des travailleurs eux-mêmes. Je vais analyser l'effondrement inévitable du capitalisme tel qu'il existe, et la montée concomitante du socialisme en Afrique du Sud. Je vais examiner tout particulièrement le problème brûlant de la privatisation et de la nationalisation des biens et avoirs de l'Etat, et de ses incidences sur le travailleur. J'espère que vous pourrez tirer parti de nos expériences et de nos défis, et qu'en échange nous pourrons faire de même avec les vôtres. Les vues que je vais partager aujourd'hui avec vous sont celles qu'expriment si bien le camarade Sam Shilowa, le secrétaire général du Congrès des Syndicats sud- africains. Le camarade Shilowa est l'un des hommes les plus respectés de notre pays. Son ascension du grade de garde de sécurité au rang de secrétaire général
  • 2. 2 est de celles qui nous comblent tous de fierté et d'espoir face aux défis qui nous attendent. En Afrique, on a associé le capitalisme à l'oppression. De l'Afrique orientale à l'Afrique occidentale, de l'Afrique du Nord à l'Afrique du Sud, les impérialistes ont prêché les vertus du capitalisme tout en volant les richesses des différentes nations à leurs propres peuples. Voilà quelle a été notre expérience du capitalisme, en Afrique du Sud. Les termes "capitalisme" et "démocratie" ont été utilisés de façon interchangeable. On nous a enseigné que la démocratie était quelque chose de bien et que, par conséquent, le capitalisme était bon également. On a dit que le pire ennemi du capitalisme et de la démocratie était le communisme. On a dépeint le communisme et le socialisme comme étant tout ce qui était sinistre et oppressif. Le régime de l'apartheid a dépensé des milliards de rands afin de désinformer le peuple à propos du communisme et du socialisme. En réalité, c'est ce système pervers qui a soumis les êtres humains à toutes sortes d'indignités. C'est l'apartheid qui a conduit à la généralisation de la souffrance physique et psychologique au sein de nos travailleurs et de leurs familles. Par ailleurs, notons quíil a également infligé de graves dégâts au monde de la nature. Lorsque le régime de l'apartheid a accédé au pouvoir en 1948, il a créé un Etat pervers. Il était pervers en ce sens que l'on n'utilisait les biens du pays et le travail des masses laborieuses qu'au bénéfice de la minorité blanche. En très peu de temps, et de la façon la plus avide, cette même minorité blanche s'était également réservé toute la richesse de la nation. C'est à ce moment qu'elle a commencé à mettre le capitalisme en pratique, selon ses propres convenances. Et comme elle contrôlait le capital, tout le butin mal acquis du capitalisme refluait directement chez elle. Le système pervers en vigueur aujourd'hui peut très bien survivre ou sombrer. S'il survit, il peut en fin de compte provoquer un degré minime de souffrance physique et psychologique, mais seulement après être passé par une période d'adaptation très longue et particulièrement douloureuse, et au prix d'avoir réduit en permanence les êtres humains à l'état de simples rouages de la machine sociale. Et ce système, il est absolument impossible de le réformer ou de le modifier de façon à l'empêcher de priver les gens de leur dignité et de leur autonomie. Un sujet dont je voudrais vous entretenir, c'est Action Affirmativeiv. En principe, Action Affirmative est destiné à élever le niveau général des travailleurs. Dans le cadre présent, c'est le capitalisme qui est chargé de défendre ce programme social d'élévation. Mais dans de telles circonstances bizarres, comment cela pourrait-il fonctionner ? Le principe du capitalisme est de minimiser tous les coûts de production, y compris celui du travail, de manière à accroître au maximum les profits. Il serait irrationnel de la part du capitalisme qu'il rogne une partie de ses profits pour les redistribuer au monde du travail. Ce qui est encore plus grave, c'est le fait que notre gouvernement n'a absolument pas le mordant nécessaire pour imposer ses vues à Action Affirmative.
  • 3. 3 En conséquence, Action Affirmative ne sera mis en place que pour nous diriger, nous, les travailleurs. Cela veut dire qu'il n'y aura pas de véritable investissement dans le monde du travail. Tout ce à quoi l'on assistera, ce sera uniquement à un accroissement sensible de la demande de main-d’œuvre noire déjà qualifiée. Etant donné les dimensions limitées de ce réservoir de main-d’œuvre, cela ne servira qu'à imprimer une pression à la hausse sur leurs salaires. En dernière analyse, Action Affirmative ne fera rien pour les travailleurs qui en ont le plus besoin. Mais devons-nous nous en étonner? Action Affirmative est un programme qui, à l'origine, avait été mis au point par des capitalistes américains, dans le seul but de nous maintenir au niveau le plus bas vis-à-vis de la production. Nous en avons tiré une leçon bien simple, c'est que nous ne pouvons placer les aspirations des travailleurs dans les mains du capitalisme. Le capitalisme l'a démontré et, par le biais de programmes du genre d'Action Affirmative, il continue à exploiter le travailleur. Si ce système capitaliste pervers s'effondre en Afrique du Sud, les conséquences en seront toujours très douloureuses. Mais plus le système se développe, plus les conséquences de son effondrement s'avéreront désastreuses, de sorte que s'il devait s'effondrer, le plus tôt serait encore le mieux. C'est pourquoi nous sommes partisans d'une révolution contre le système capitaliste. Il se peut que cette révolution ait ou n'ait pas recours à la violence, elle peut être soudaine tout comme elle peut s'inscrire dans un processus relativement progressif s'étendant sur quelques décennies, nous ne pouvons le prédire. Cela ne doit pas être une révolution politique. Son objectif ne sera pas de renverser des gouvernements, mais bien de renverser la base économique et idéologique de la société actuelle. L'Afrique du Sud traverse toujours une phase de changement. La période que nous traversons actuellement est une période test pour notre libération. En 1994, la majorité noire a gagné sa liberté politique. Nous avons fait savoir clairement que nous n'accepterions jamais une dictature ni un pouvoir totalitaire. C'est pourquoi nous avons opté pour la démocratie. Notre lutte a toujours eu deux priorités. La première, c'était la libération politique, la seconde l'émancipation économique. Au cours des années qui ont abouti aux premières élections démocratiques, nous avons eu des entretiens à propos de la paix avec le régime de l'apartheid. Lors de ces entretiens, nombre de compromis et de concessions ont été faits. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, rétroactivement, c'est que notre plus grosse erreur a été d'opter pour le capitalisme. En acceptant de renoncer à notre droit de nationaliser les biens de l'Etat, nous avons négligé notre premier devoir, qui était celui de nourrir notre peuple. En acceptant de privatiser les propriétés existantes de l'Etat, nous avons fait en sorte que le capital s'engraisse au détriment de notre peuple, car c'est notre peuple qui a construit cette richesse, à la sueur de son front et avec le sang de ses mains.
  • 4. 4 Toute personne qui pense que le socialisme ne fonctionne pas ou ne peut fonctionner est aveugle. De 1948 à 1994, on peut dire que l'Afrique du Sud a été le plus grand Etat socialiste du monde. Le régime de l'apartheid a construit des empires d'Etat tels que Telkom, Eskom et Transnet. Ces compagnies sont considérées aujourd'hui comme faisant partie des leaders mondiaux dans les domaines des communications, de l'énergie et des transports. Le mythe qui consiste à dire que le gouvernement est inefficace n'est qu'un mythe, sans plus. Il a une motivation plus grande encore que le profit. C'est la motivation de l'idéologie. La minorité blanche en Afrique du Sud a fini par connaître le succès parce qu'elle croyait que ce qu'elle faisait était juste et conforme aux points de vue de la loi et de la religion. Aujourd'hui, le nouveau gouvernement a dissipé le mythe prétendant que l'apartheid avait raison. Cependant, suite à la mort en 1994 de Chris Hani, le dirigeant du Parti Communiste, il existe aujourd'hui un vide idéologique quant à la motivation au travail. En ne comblant pas ce vide par les vertus du socialisme, il se fait qu'il a aspiré l'avidité et l'intérêt personnel et qu'il est devenu un havre où prospèrent la corruption et líinefficacité. Pendant que nous nous débattons dans l'espoir de trouver une solution à ce problème énorme autant qu'imprévu, nos gens meurent, tandis que les riches, eux, vivent dans la grossière complaisance que leur procurent leurs gains mal acquis. La situation actuelle ne peut se poursuivre indéfiniment. L'année 1999 sera une année décisive pour l'Afrique du Sud. Elle représentera un changement dans le pouvoir politique: on passera de la représentation proportionnelle au sein d'un gouvernement d'unité nationale, à un gouvernement de contrôle absolu. Il va falloir prendre une décision pour savoir comment il conviendra d'appliquer ce nouveau décret. Exprimée en termes simples, la décision se situera entre le capitalisme et le socialisme. Le bien-être à venir de notre peuple et de nos enfants dépendent d'elle. Il est important que nous soyons à même de choisir avec sagesse. En Afrique du Sud, nous connaissons le capitalisme. Nous l'avons vu et nous avons souffert sous sa domination. Sous le capitalisme, les terres, les ressources naturelles et les industries, bâties avec les mains des travailleurs, appartiennent à des propriétaires privés ou à des compagnies. Chaque propriétaire produit non pas pour le bien public mais pour son profit personnel. Il paie des salaires aussi minimes que possible et veut en prendre autant que possible pour lui-même. Certains peuvent dire que je simplifie à l'excès la nature du capitalisme, mais ceci n'est pas un débat académique entre le capitalisme et le socialisme. Ce débat est aussi vieux que les collines, on l'entend aux quatre coins du globe, depuis le carreau de l'usine jusqu'aux couloirs du Parlement. C'est un débat qui continuera à faire fureur longtemps après que nous serons partis, et il vaut mieux le laisser aux intellectuels. La question que je veux mettre en exergue, c'est celle qui va influencer la vie quotidienne des gens à qui nous avons promis la liberté. Et cette question est la suivante: Comment pouvons-nous améliorer la qualité de la vie de la majorité économiquement défavorisée de la population?
  • 5. 5 Aujourd'hui, en Afrique du Sud, nous sommes confrontés à une situation où nous tentons de transformer notre pays. Pourtant, nous devons affronter diverses contraintes que nous n'avons pas choisies. Aucune d'entre elles ne met notre responsabilité en cause. Elles nous ont été imposées par l'histoire; les voici: Tout d'abord, l'héritage de l'apartheid. Il s'agit de tout un échantillonnage de problèmes parmi lesquels la mauvaise gestion de notre économie, le fardeau de la dette, la destruction de nos ressources humaines, un secteur public déformé, un chômage et une pauvreté énormes, la marginalisation de la majeure partie de l'activité économique, d'énormes inégalités tant au niveau social qu'au niveau des revenus. Secundo, le nouvel ordre mondial dans lequel est née notre démocratie. Politiquement, cette situation se caractérise par son unipolarité au sein de laquelle il n'y a pas d'alternative sérieuse au pouvoir exercé par les pays du G7 et leurs institutions financières et commerciales internationales. Economiquement, le processus de mondialisation a foulé aux pieds la souveraineté des Etats nationaux. Le capital a acquis une mobilité sans précédent, aidé par les nouvelles technologies et le nouvel âge de l'information. L'économie mondiale a été organisée en puissants blocs commerciaux. On nous dit que ceux qui ne jouent pas le jeu selon les nouvelles règles seront marginalisés pour toujours et seront laissés pour compte. Par conséquent, une question se pose: Est-il possible de parvenir à la justice et à ce développement sous les contraintes héritées de l'apartheid et imposées par le nouvel ordre mondial? Deux dangers surgissent lorsqu'on essaie de répondre à cette question. Le premier est de tomber dans le piège du fatalisme - accepter passivement que ces forces liguées contre nous sont trop puissantes pour que nous puissions les contrer, de sorte que nous devons simplement accepter notre sort. Le second est celui de l'idéalisme aveugle - faire comme si ces contraintes n'existaient pas - et de croire que nous pouvons imposer notre programme de changement, sans intégrer les données de ces réalités objectives dans notre équation de transformation. En tant que pays, nous sommes aujourd'hui en danger de nos enfoncer nous-mêmes dans un piège dont il nous sera pratiquement impossible de nous échapper. Je veux dire par là abandonner la voie de la transformation que nous nous sommes fixée, en délaissant notre souveraineté nationale dans les milieux où se prennent les décisions économiques et de la sacrifier sur l'autel du profit. On considère généralement aujourd'hui que l'application des prescriptions en matière de politique économique de Thatcher, Reagan, la Banque Mondiale et le FMI ont eu des conséquences particulièrement néfastes pour les pays auxquels elles ont été imposées. La dure réalité de ces faits est reconnue, sinon par tous les économistes, du moins certainement par la vaste majorité des gens qui vivent dans ces pays! Pourtant d'énormes pressions sont exercées sur l'Afrique du Sud, et les moindres ne viennent pas du "marché", afin qu'elle adopte précisément ces lignes de conduite qui ont échoué ailleurs. Cette structuration néo-libérale a fini par devenir familière de nos jours. Elle comprend une privatisation complète, des coupes sombres dans les
  • 6. 6 dépenses de l'Etat, un rapide dérèglement du travail, du commerce, et des marchés financiers, des politiques monétaires soumises à des contrats, sans oublier l'accent placé sur les exportations. Alors que ces prescriptions sont dictées selon une certaine idéologie, et appliquées sans le moindre égard aux conditions que les pays doivent affronter, nous ne les rejetons pas uniquement sur le plan idéologique. Nous rejetons plutôt l'ensemble parce que ce serait un désastre si on l'appliquait à notre pays. Il y a un autre défaut dans l'argument selon lequel "la privatisation signifie des revenus pour le développement". En fait, la privatisation veut probablement dire que les finances des investissements sont dirigées vers l'acquisition des biens existants de l'Etat, plutôt que vers de nouveaux investissements productifs dans les infrastructures ou dans l'industrie. En d'autres termes, la privatisation pourrait avoir pour effet de ne pas laisser de place aux investissements dans des activités qui pourraient créer de nouveaux emplois et accélérer la croissance. Une autre conséquence de la privatisation sur le problème crucial du monde du travail est qu'elle conduira à des compressions et des licenciements à une époque où notre priorité numéro un est justement de créer des emplois. Diminuer simplement le nombre des travailleurs avec l'espoir que des occasions de nouveaux emplois vont surgir quelque part, ce n'est pas une route que le monde du travail est disposé à suivre. Pour nous, toute déclaration selon laquelle une privatisation débouchant sur une augmentation des emplois aurait fonctionné, serait semblable à un chirurgien qui sortirait d'une salle d'opération en disant: "L'opération a réussi, mais malheureusement, le patient est mort." Je voudrais résumer en déclarant que nous, en tant que monde du travail, nous ne sommes pas naïfs à propos du fait que l'appel à la privatisation constitue une partie d'une tendance internationale à réduire le rôle joué par les gouvernements dans l'économie de leurs propres pays. A notre avis, une bonne partie de l'élan vers cette tendance découle du désir des compétiteurs des multinationales d'étendre leurs marchés et d'augmenter leurs marges bénéficiaires. Nous mettons en garde contre une situation dans laquelle les décisions économiques de l'Afrique du Sud sont, à notre détriment, dictées par des intérêts autres que les nôtres propres. Nous accueillons avec bienvenue les investissements étrangers dans notre pays, mais nous devrions demeurer vigilants afin de nous assurer que de tels investissements n'aient pas pour effet de priver notre peuple de certains de ses droits fondamentaux. Les droits au logement, aux soins de santé, à l'éducation et à des relations de travail honnêtes qui sont désormais garanties dans la nouvelle constitution. Nous ne rejetons pas líidée d'ouvrir notre économie, si cela est fait d'une façon qui assure la promotion de nos industries. Nous ne rejetons pas la discipline fiscale, si elle est soumise à la tâche du développement économique, plutôt que la voie inverse. La tentative par des intérêts domestiques et internationaux puissants de nous forcer à accepter un capitalisme sans entraves et de laissez-faire, défie toute l'expérience
  • 7. 7 relative au développement du XXe siècle. Toute une série d'exemples réussis de reconstruction et de développement en Europe, en Amérique, au Japon ou en Asie orientale ont amené une implication massive de l'Etat, la création d'une demande domestique, d'énormes investissements dans le développement humain, et des lignes de conduite qui permettent de diriger les investissements et l'activité industrielle. Aucun de ces exemples n'a compté exclusivement sur le marché ni n'a tenté d'écarter l'Etat de la direction du processus de développement. L'expérience a prouvé que le socialisme est la méthode la plus adéquate pour développer rapidement des pays économiquement arriérés. La Russie était jadis le plus arriéré de tous les grands pays européens. Sous le socialisme, elle a fait en quarante années un bond en avant tel qu'il lui a permis de devenir le pays le plus évolué, bien que nombre de ces années aient été consacrées à livrer des guerres contre l'intervention impérialiste. C'est le socialisme qui a donné à l'industrie soviétique la force et à son peuple l'esprit combatif de résistance et de conquête. En dix courtes années, le socialisme et la direction communiste ont transformé la Chine, qui était un pays terriblement arriéré, illettré et pauvre, en une nation industrielle et agricole florissante. L'Inde et la Chine ont gagné leur liberté vis-à-vis de la domination impérialiste à peu près en même temps. Mais l'Inde a choisi la route du capitalisme, la Chine celle du socialisme. Aujourd'hui, la Chine a de loin surpassé l'Inde sur le plan du progrès économique. L'histoire du succès du socialisme est claire. La raison pour laquelle le nouvel ordre mondial le craint, c'est parce que lorsqu'il est appliqué correctement, il se dresse également pour saper les fondements de la richesse des pays du G7, richesse qui repose sur des coûts de production peu élevés, et en particulier en matière de main- d’œuvre. Si le communisme ne devait pas fonctionner en Afrique du Sud, pourquoi dans ce cas le Parti Communiste a-t-il été interdit dès que le régime de l'apartheid s'est emparé du pouvoir? Et presque 50 années plus tard, pourquoi Chris Hani, dirigeant du Parti Communiste, a-t-il été abattu à la veille de la prise de pouvoir par l'Alliance entre l'ANC, le COSATU et le Parti Communiste? En conclusion, j'insiste sur le fait que nous devons nous préparer à la renaissance du socialisme. Partout dans le monde, il y a une désillusion croissante à propos du capitalisme, et de son incapacité à faire face à la pauvreté et au chômage. Nous devons commencer maintenant à planter les semences du socialisme qui fourniront à tous une qualité de vie décente. Vive le Parti du Travail! Vive la voie de la Révolution d'Octobre! Vive la voie qui mène à la libération des travailleurs! Viva! Mais mon message n'est pas terminé. Jusqu'à présent je vous ai dit ce que vous vouliez entendre. J'ai critiqué le nouvel ordre mondial pour toute la misère et la souffrance qu'il provoque, et pour toutes ses imperfections.
  • 8. 8 J'ai également loué le communisme marxiste-léniniste pour toutes ses vertus. Critiquer le capitalisme et louer le communisme est chose facile. Tout travailleur opprimé entendant les mots de Marx et de Lénine pour la première fois en tirera de l'inspiration. Il ne tardera pas à abandonner son boulot et à rejoindre les rangs du Parti Communiste en révolte contre le porc capitaliste. Mais une fois qu'il aura rejoint le Parti, qu'est-ce que vous lui offrirez en plus de la rhétorique de la terre promise après la révolution ? Est-ce que parler de révolution va remplir son assiette de nourriture ? Ou cela mettra-t-il un toit au-dessus de sa tête ? Ce sont ces choses-là qui comptent vraiment. En dernière analyse, les gens veulent de meilleures conditions de vie, et l'idéologie ne vient qu'en second lieu. Ils veulent être capables de se procurer les meilleures choses dans la vie. Ils veulent envoyer leurs enfants dans de bonnes écoles, et leur offrir de bons jouets. Ils veulent un toit qui ne fuira pas, et une nouvelle voiture qui démarrera au quart de tour tous les matins. Est-ce que vous apportez toutes ces choses, ou est-ce que vous vous contentez de les promettre ? Le communisme est mort parce qu'il n'a pas su concrétiser le rêve utopique de l'Etat des travailleurs. Cela m'a brisé le cœur d'assister à l'effondrement des soviets communistes et à celui du bloc de l'Est. A moins que les Partis communistes ne se mettent à tenir leurs promesses, ils vont continuer à mourir un peu partout dans le monde, jusqu'à ce qu'ils aient complètement disparu. Chaque jour, en Afrique du Sud, je vois les murs du communisme s'effondrer. Déjà le souvenir du dernier rassemblement massif du Parti Communiste se trouve dans un passé lointain. Aujourd'hui, vous ne pouvez trouver un seul travailleur qui assiste à une marche du Parti communiste. Les gens sont malades à en mourir de la révolution. Pendant 80 ans, ils ont pris les armes contre l'oppresseur. Pendant deux, trois, quatre générations, leurs vies ont été consommées par la révolution - et pour quoi ? Même après avoir gagné la révolution, ils n'ont toujours rien. Maintenant, jetons un coup d'œil sur les impérialistes. Autant nous sommes en désaccord avec leur idéologie et avec leurs pratiques, ils doivent tout de même représenter quelque chose de bon pour leurs partisans. Quelles leçons pouvons- nous tirer d’eux ? A partir de l’expérience du bloc de l'Est et de l'Afrique du Sud, nous voyons que le fait de ne pas parvenir à procurer aux masses ce à quoi elles aspirent signifie un échec de l'idéologie. Le capitalisme a réussi à fournir assez pour gagner le soutien des gens, et le soutien, c'est ce dont il est question ici. Et nous les appelons le nouvel ordre mondial pour la simple raison qu'ils gouvernent le monde. Bien que le capitalisme soit basé sur une philosophie et une pratique qui exploitent les autres et détruisent le monde naturel, il est toujours populaire. Pensez-vous réellement que les paquets de lard vautrés à Miami Beach en Floride s'inquiètent de la nature autodestructrice à long terme du capitalisme ? Alors que nous savons que le capitalisme va finalement mourir de mort naturelle, nous pouvons faire plus que de nous contenter de distribuer des tracts jusqu'à ce jour béni. Gardez à l'esprit, naturellement, que le travailleur, qui se situe au fond du système capitaliste des classes, sera le premier à partir lorsque le système s'écroulera.
  • 9. 9 La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons y faire quelque chose. Car en dépit de tout le pouvoir qu'exerce le nouvel ordre mondial, il est resté le flanc ouvert à toutes les possibilités d'attaque. L'ordre mondial est basé sur deux conditions, sur les ressources à bon marché (et particulièrement la main-d’œuvre), et sur la consommation. Plus nous travaillons, plus nous consommons, et plus ils s'enrichissent. Dans ce cas, que se passera-t-il lorsque nous cesserons de consommer leurs produits ? Que se passera-t-il si nous leur imposons des sanctions économiques ? Comme je l'ai dit, les pays du G7 ont créé des blocs commerciaux exclusifs. Dans tout leur jeu de manipulation et de pouvoir, ils se sont créés des ennemis, ou ils se sont attirés la haine de nations prétendument malfaisantes comme la Libye, la Palestine ou l'Irak, pour n'en citer que quelques-unes. Je mentionne ces pays parce qu'ils sont riches en réserves minérales. Ce sont les gens avec qui nous pouvons travailler. Nous pouvons commercer exclusivement avec ces pays, et développer de réels investissements avec eux. Avec leurs ressources, notre travail et notre savoir- faire, une idéologie commune et un ennemi commun, nous pouvons véritablement lancer un défi au nouvel ordre mondial. D'autre part, aussi longtemps que nous sommes des hôtes indésirables au sein des pays du G7, et que nous ne disposons pas des effectifs ou des ressources financières pour effectuer une véritable révolution, nous resterons les extrémistes marginaux qui seront ridiculisés par la tendance générale. Camarades, je ne dis pas ces choses pour vous décevoir. Je vous les dis pour que vous cessiez de rêver et que vous commenciez à faire des projets. Voici le message que je vous adresse. Puissent mes mots ne pas tomber dans des oreilles de sourds. i African National Congress. ii Congress of South African Trade Unions iii South African Communist Party. iv Affirmative Action.