Ride the Storm: Navigating Through Unstable Periods / Katerina Rudko (Belka G...
SynthèSe Et CaractéRisation De PyrèNes 4,9 DisubsituéSb
1. Université Libre de Bruxelles
Faculté des Sciences
Services de chimie des polymères
Synthèse et caractérisation de pyrènes
4,9 disubstitués
Directeur mémoire : Mémoire présenté par Etienne Josseaux en
Professeur Yves Geerts vue de l’obtention du grade de Master en
Sciences Chimiques
Année académique 2009 - 2010
2. Remerciements
Je remercie l’ensemble des chimistes de la future promotion 2009-2010, ainsi que nos bien-aimés
gravitons, pour ces cinq années. Trop nombreux pour les citer tous, mais trop importants pour ne pas
figurer en tête de liste.
Je remercie Yves et Christian pour leur aide et leur investissement, chacun à sa manière ; et merci à
tous ceux du laboratoire de chimie des polymères (colons y compris) pour avoir fait du travail un
plaisir de tout les jours.
Merci à Nicolas pour m’avoir distrait quand j’en avais besoin,
Merci à Adeline pour m’avoir fait rire quand j’en avais besoin,
Merci à Maud, pour tout, dès que j’en ai eu besoin,
Merci à Toi, pour avoir été là.
Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu possible l’un de mes premiers rêves d’enfant ;
merci à moi et à mes quatre benzènes, sans qui tout ceci n’aurait pas été possible.
2
3. Résumé
Dans ce mémoire, la synthèse de quatre molécules dérivées du pyrène disubstitué en ses positions 4
et 9 a été investiguée. Issues d’un design d’ingénierie cristalline, ces molécules sont susceptibles de
former à l’état cristallin des arrangements type mur de brique qui réduisent la sensibilité du
transport de charges aux défauts structuraux et qui permettent d’éviter une perte de fluorescence
due à la formation d’agrégats H. La synthèse partira du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène et utilisera
entre autre les réactions de couplage au palladium de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki-Miyaura, de
Stille et de Buchwald Hartwig pour former les quatre molécules cibles : le 4,9-
bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène, le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène
et le 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène.
Au terme de ce travail nous sommes parvenus à synthétiser et purifier deux des quatre molécules
cibles, le 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène et le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, à les
caractériser en solution et à obtenir des cristaux analysables par diffraction aux rayons X pour le 4,9-
bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène. La caractérisation du 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène
s’est révélée plus compliquée que prévue et doit encore être approfondie tandis qu’une voie de
synthèse différente et prometteuse a été initiée pour obtenir le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène.
3
4. Table des matières
REMERCIEMENTS 2
RESUME 3
TABLE DES MATIERES 4
PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION 7
1. Ingénierie cristalline 8
1.1. Transport de charges 8
1.1.1.La théorie de Marcus 8
1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués 9
1.2. Fluorescence 12
1.2.1.Agrégats J et agrégats H 13
1.2.2.Recherche de cristaux organiques fluorescents 14
1.2.3.Recherche de cristaux liquides fluorescents 15
2. Le pyrène 16
2.1. Excimères 17
2.2. Le pyrène à l’état solide 19
2.3. Quelques composés pyrèniques 19
2.4. Objectif du mémoire 20
2.5. Rétrosynthèse 23
3. Les réactions de couplage au palladium 24
3.1. Les cycles catalytiques 24
3.2. Les substrats 25
3.3. Les couplages utilisés 26
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION 28
1. Synthèse 28
4
5. 1.1. La bromation en position 4,9 29
1.1.1.Le système de départ : le 1,2,3, 6,7,8-hexahydropyrène 29
1.1.2.Bromation Br2/FeCl3 30
1.1.3.Structure du composé dibromé 31
1.2. Oxydation ou couplage ? 36
1.2.1.4,9-bis ((triméthylsilyl) éthynyl)-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 36
1.2.2.Oxydation du 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 37
1.2.2.1. Oxydation par le p-chloranil 38
1.2.2.2. Oxydation par le DDQ 38
1.2.2.3. Caractérisation 39
1.3. Les réactions de couplage 41
1.3.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène 41
1.3.1.1. Le couplage de Sonogashira-Hagihara 41
1.3.1.2. Caractérisation 42
1.3.1.3. Cristallisation du produit 44
1.3.2. 4,9-bis(4-tert-buthylphényl)pyrène 45
1.3.2.1. Le couplage de Suzuki-Miyaura 45
1.3.2.2. Caractérisation 46
1.3.2.3. Cristallisation du produit 48
1.3.3. 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène 48
1.3.3.1. Formation du précurseur stannique 49
1.3.3.2. Le couplage de Stille 49
1.3.3.3. Caractérisation : la difficulté des fluorènes 50
1.3.4. 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène 52
1.3.4.1. Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ic 52
1.3.4.2. Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ib 53
1.3.4.3. Caractérisation 54
1.3.4.4. Oxydation par le DDQ 55
1.4. Conclusion de la synthèse 56
2. Propriétés optiques des composés 56
2.1. Absorption 57
2.2. Emission 59
2.3. Excimères 60
2.4. Conclusion des mesures d’absorption et de fluorescence 61
TROISIEME PARTIE : CLONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 63
ANNEXES
1. Partie expérimentale 65
2. Bibliographie 67
5
7. Les préoccupations énergétiques sont omniprésentes en ce début de 21ième siècle. Dans tous les pays,
des scientifiques sont à la recherche de nouvelles sources d’énergie ou de nouveaux matériaux
permettant une meilleure utilisation de celle-ci. Les matériaux organiques (molécules ou
macromolécules) peuvent transporter des charges électriques et interagir efficacement avec la
lumière lorsqu’ils possèdent une structure π-conjuguée. Les semi-conducteurs organiques ont un
potentiel important, que ce soit dans le développement de nouveaux systèmes d’éclairage (OLED
pour Organic Light Emitting Diodes) ou de cellules photovoltaïques1. En effet, les techniques de
synthèse actuelles regorgent de méthodes de fonctionnalisations efficaces pour des molécules ou
des polymères, permettant une grande diversité de structure et de propriétés. Ceci permet la mise
au point de matériaux spécifiques aux propriétés choisies. De plus, la synthèse des matériaux
organiques requière des conditions plus douces que celle des matériaux inorganiques, ce qui se
traduit par des économies d’énergie. Le replacement des semi-conducteurs inorganiques par des
matériaux organiques réduit le coût de production* et permet la fabrication de plus larges dispositifs,
ou encore de travailler sur des substrats plus légers et plus flexibles2,3.
Malgré le potentiel des semi-conducteurs organiques et la liberté exploratoire offerte par les
nouvelles techniques de synthèse, les chimistes travaillant sur les matériaux organiques font face à
de nombreux défis scientifiques et technologiques. Dans ce travail nous avons essayé d’apporter une
modeste pierre à l’édifice de ces matériaux. Plus précisément nous présentons la synthèse et la
caractérisation de nouvelles molécules, dérivées du pyrène, en vue d’obtenir des cristaux combinant
un transport de charges efficace et une fluorescence intense. Nous envisageons que ces matériaux
nouveaux puissent être utilisés dans divers dispositifs opto-électriques.
Les propriétés physiques des semi-conducteurs organiques dépendent de leur structure chimique,
mais aussi énormément de leur organisation supramoléculaire à l’état solide. Cet aspect fait l’objet
du chapitre suivant où seront exposées brièvement les relations qui existent entre la structure à
l’état solide des matériaux et le transport de charges ainsi qu’avec la fluorescence. Nous parlerons
ensuite du pyrène et ferons un bref état de l’avancement de quelques recherches basées sur ses
dérivés. Le troisième chapitre de cette introduction servira de rappel sur les techniques de couplage,
largement utilisées durant le travail de synthèse.
* 2
Par exemple : la production d’une cellule solaire d’1m à base de silicium induit le dégagement d’environ
400Kg de CO2 alors que celle d’une cellule solaire à base de polymères conjugués tombe aux environs de 4Kg
de CO2.
7
8. 1. Ingénierie cristalline
L’ingénierie cristalline est une discipline scientifique récente qui s’attache à relier les propriétés
physico-chimiques d’un cristal à la structure des molécules qui le composent. Sur base des
interactions intermoléculaires qui existent entre les molécules, on recherche l’arrangement cristallin
qui minimiserait l’énergie libre de formation du cristal tout en maximisant une ou plusieurs
propriétés.
Les propriétés d’un cristal vont dépendre pour une certaine part des molécules qui le forment. Les
interactions intermoléculaires dans un cristal organique sont des interactions faibles qui ne sont pas
capables d’altérer certaines propriétés moléculaires comme la dimension et structure moléculaire ou
encore les fréquences vibrationnelles. Il est donc logique que certaines caractéristiques physico-
chimiques des molécules se transmettent au système cristallin.
Néanmoins, d’autres propriétés seront modifiées en raison de la proximité des molécules. Ces
propriétés dont font partie le transport de charges et la fluorescence vont grandement dépendre de
l’arrangement cristallin adopté. En comprenant les mécanismes qui définissent l’arrangement des
molécules à l’état solide, on peut prévoir des structures de molécules dont les formations cristallines
se trouveraient pourvues de propriétés particulières. Ce travail s’inscrit dans cette lignée : il a pour
objet de trouver des matériaux solides alliant une fluorescence intense et un transport de charges
efficace.
Les sections suivantes expliquent les conditions nécessaires à un transport de charges rapide et une
fluorescence intense dans un réseau cristallin. Nous verrons que certains arrangements sont plus
propices que d’autres à l’optimisation de ces deux propriétés physiques. Le design des molécules qui
feront l’objet de la synthèse tentera de combiner les structures nécessaires aux deux phénomènes.
1.1. Transport de charges :
1.1.1.La théorie de Marcus
Le transfert† de charges électriques dans les matériaux π-conjugués est décrit à l’échelle
microscopique par l’équation de Marcus simplifiée car les réactifs et les produits ont la même
énergie. L’équation (1) permet de calculer le taux de transfert, kET (s-1), c'est-à-dire la constante
cinétique de la réaction5.
(1)
†
Le terme « transport de charges » est réservé à la description du transport de charges électriques sur des
distances macroscopiques. Le terme « transfert de charges » s’applique aux déplacements d’électrons entre
molécules voisines.
8
9. kET est aussi l’inverse de Δt, le temps de résidence d’une charge sur une molécule. Cette grandeur
peut être reliée à la mobilité des charges μ (m²/Vs) via l’équation :
(2)
Δ
Où d (m) est la distance entre molécules et F (V/m) est l’amplitude du champ électrique.
L’équation de Marcus (1) contient deux paramètres importants que sont l’intégrale de transfert t
(proportionnelle au recouvrement orbitalaire des molécules adjacentes) et l’énergie de
réorganisation λ (associée à la variation de la structure moléculaire en présence et en absence de
charge). Pour obtenir une mobilité élevée et donc un transfert de charges efficace, il faut maximiser
kET ; t doit donc être grand et λ petit. Les systèmes cristallins π-conjugués affichent généralement de
bons recouvrements des orbitales frontières et sont donc de bons candidats pour des systèmes
organiques semi-conducteurs69.
Les charges positives, appelées aussi trous ou h+, sont transportées par les orbitales HOMO et les
charges négatives, les électrons ou e-, sont transportées par les LUMO.
Dans la section suivante nous présentons l’arrangement cristallin des molécules π-conjuguées et le
lien entre cet arrangement et la mobilité des charges.
1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués10, 59, 60
La théorie de Marcus s’applique au mouvement des charges à l’échelle moléculaire, tandis que le
transport de charges implique leurs déplacements sur des distances macroscopiques. Dès lors les
impuretés du matériau π-conjugué et la présence de défauts structuraux seront deux facteurs
néfastes au transport de charges.
L’influence de ces défauts peut cependant être modulée en fonction de la structure cristalline.
Voyons deux extrêmes que l’on peut rencontrer selon la forme des molécules qui vont former le
cristal : l’empilement cofacial et l’empilement sous forme de mur de brique.
Les molécules en forme de disques, comme les phtalocyanines, s’organisent sous forme de colonnes
de molécules empilées de manière cofaciale11. Ceci est représenté sur la figure 1 :
9
10. Figure 1 : a) Structure moléculaire des phtalocyanines, où M = un métal ou un hydrogène. b) Organisation
en colonne des phtalocyanines, où α est l'angle de glissement. c) Rassemblement des colonnes dans la
structure cristalline.
Le recouvrement orbitalaire d’une molécule se fait essentiellement avec les orbitales de ses deux
premières voisines au sein d’une colonne. Ce recouvrement est très efficace et le transport de
charges vertical dans la colonne est très rapide, ce qui est favorable aux dispositifs photovoltaïques
par exemple. A l’inverse, il n’y a pratiquement pas d’interactions du point de vue électronique entre
les molécules des colonnes adjacentes.
Notons que l’empilement n’est pas totalement cofacial car les molécules se
décalent légèrement l’une par rapport à l’autre (figure 2). Ce décalage latéral
propre aux molécules aromatiques est imposé par les interactions π-π
répulsives12, 13.
Le transport de charges au sein des colonnes est rapide car le recouvrement Figure 2 : Décalage
orbitalaire est grand, mais il est très sensible à la présence de défauts‡ et latéral des molécules
π-conjuguées
d’impuretés§. On peut réussir, avec difficulté cependant, à obtenir un cristal sans
impuretés, mais les défauts font partie intégrante des systèmes cristallins : ils sont
intrinsèques à la thermodynamique des cristaux.
Puisqu’obtenir un cristal sans défaut est impossible, il faut rendre le transfert des électrons plus
tolérant à leur présence. Une solution serait d’imposer, par l’encombrement stérique des molécules,
un autre motif que la formation de colonnes. Un nombre élevé de premiers voisins permet de
réduire plus efficacement l’influence d’un défaut ou d’une impureté.
‡
Les défauts sont par exemple des molécules manquantes dans le réseau (des vides, aussi appelés défauts de
Schottky), des molécules en plus qui s’ajoutent au réseau sans y avoir de place (défauts de Frenkel) ou des
molécules mal orientées par rapport au réseau.
§
Le transport de charges sur une distance de 3μm requière des colonnes d’environ 10 000 molécules. Une
seule impureté dans la colonne suffit à bloquer le transport de charges, car le passage d’une colonne à une
autre est empêché par l’absence d’interactions électroniques. Le matériau doit donc contenir moins d’une
impureté pour 10 000 molécules, ce qui revient à demander une pureté supérieure à 99.99% soit un produit
100 fois plus pur que les produits synthétisés au laboratoire.
10
11. Cet autre empilement peut être l’empilement de type mur de brique (figure 3). Dans cet
arrangement, le recouvrement entre orbitales π est toujours significatif, mais il se répartit sur quatre
premiers voisins au lieu de deux dans un arrangement cofacial. L’empilement est aussi plus efficace :
les molécules sont plus proches les unes des autres. Cela améliore encore les recouvrements et donc
le transfert de charges.
Le transport de charges sera à nouveau orienté
verticalement car les molécules auront, comme
dans l’arrangement en colonnes, très peu
d’interactions électroniques avec leurs voisines
« horizontales ». Le transport de charges aura
cette fois la possibilité d’emprunter plusieurs
chemins différents : c’est grâce à cela que la
présence d’un défaut dans la figure 3 ne bloque
pas le transport d’électrons dans le solide comme
cela aurait été le cas dans un arrangement
cofacial15, 16.
Figure 3 : Transport de charge vertical dans un cristal en
"mur de brique" sans défaut (a) et avec un défaut de
type Schottky (b)
Le TIPS-pentacène est une molécule qui adopte un empilement en mur de brique14 : l’encombrement
stérique des deux groupements triisopropylsilyles permet d’induire le décalage nécessaire entre deux
molécules pour éviter l’arrangement cofacial (figure 4).
Figure 4 : a) structure moléculaire du TIPS-pentacène ; b) le positionnement relatif de deux molécules et c)
l'agencement de ces molécules dans un réseau cristallin.
Nous retrouvons ici le concept d’ingénierie cristalline. Les chimistes des matériaux ont obtenu, après
de nombreux efforts de synthèse pour modifier l’encombrement stérique des groupes trialkylsilyles
latéraux, l’organisation structurale désirée maximisant une propriété spécifique, en l’occurrence la
mobilité des charges électriques**.
Le paragraphe suivant est consacré à l’influence de l’organisation supramoléculaire sur la
fluorescence à l’état solide.
** Les mobilités électroniques les plus élevées pour des composés organiques ont été mesurées sur des
-2 2 2 2
cristaux de naphtalène, anthracène et de périlène avec des mobilités allant de 10 cm /V s à 10 cm /V s aux
basses températures.
11
12. 1.2. Fluorescence58-61
Fluorescence et phosphorescence correspondent à une émission d’énergie sous forme de lumière
suite à la désactivation radiative d’un état excité vers l’état électronique fondamental. L’état excité
est un état singulet dans le cas de la fluorescence et un état triplet pour la phosphorescence.
On peut utiliser le diagramme de Jablonski pour représenter les phénomènes de photo-excitation et
de désexcitation :
Figure 5 : Diagramme de Jablonski représentant les phénomènes d'absorption et d'émission
sous forme de fluorescence et de phosphorescence selon les états électroniques.
Les composés π-conjugués présentent la particularité d’absorber intensément la lumière UV-visible††.
Certains de ces composés fluorescent d’ailleurs avec un rendement quantique‡‡ proche de l’unité,
c'est-à-dire que pour chaque photon de longueur d’onde λ1 absorbé par les molécules sera réémis, à
une longueur d’onde λ2, un autre photon (λ1 > λ2). Néanmoins l’intensité de la fluorescence diminue
fortement en augmentant la concentration d’une solution de fluorophore. Ce phénomène, appelé
« concentration quenching » en anglais, provient des interactions des molécules π-conjuguées. La
distance et l’orientation des molécules entre elles en solution sont évidemment impossible à prédire,
c’est pourquoi on étudie souvent la fluorescence des molécules π-conjuguées dans des cristaux
organiques.
La section suivante est consacrée aux agrégats J et H et à la théorie de l’exciton.
†† 5 -1 -1
Le coefficient d’absorption molaire peut atteindre des valeurs environnant 10 l.mol .cm dans les cas les
plus favorables.
‡‡
Le rendement quantique est une valeur utilisée pour caractériser le rendement de la fluorescence par
rapport à l'ensemble des phénomènes de désactivation.
12
13. 1.2.1.Agrégat J et agrégat H17
Lorsque deux ou plusieurs molécules s’associent à l’état solide ou cristal liquide, l’entité formée est
appelée agrégat. Les agrégats organiques ont été largement étudiés pour les changements qu’ils
induisent, notamment dans les spectres d’absorption/émission. En effet, les spectres caractérisant
les molécules individuelles (les monomères) peuvent être fort différents des spectres reliés aux
agrégats. On utilise le terme de déplacement bathochromique (ou de déplacement dans le rouge)
pour un déplacement des bandes spectrales d’absorption ou d’émission d’une molécule vers des
longueurs d’onde plus élevées. A l’inverse, un déplacement des bandes spectrales vers des longueurs
d’onde plus faibles est appelé un déplacement hypsochromique (ou déplacement dans le bleu). Il
existe un nombre varié de termes pour qualifier un déplacement de bande spectrale selon certaines
conditions : le solvatochromisme est ainsi la capacité d’une substance chimique à changer de couleur
suite à un changement de polarité du solvant qui l’entoure.
Les agrégats qui présentent un déplacement bathochromique par rapport aux monomères sont
appelés agrégats J et ceux qui présentent un déplacement hypsochromique agrégats H. Les
déplacements des bandes spectrales ont pu être expliqués par la théorie de l’exciton dont une
version simplifiée est présentée ici.
Pour qu’une molécule puisse interagir avec un champ électromagnétique, et absorber ou émettre un
photon de longueur d’onde λ, elle doit posséder, au moins de manière transitoire, un dipôle oscillant
à cette fréquence. La taille du dipôle de transition peut être vue comme une mesure de la
redistribution de charges qui accompagne la transition. L’intensité de cette dernière est
proportionnelle au carré du moment de transition dipolaire61.
Selon la théorie de l’exciton18, lorsque deux molécules forment un dimère, l’excitation génère la
création de deux niveaux d’excitation dus aux orientations relatives des dipôles (figure 6). Parmi ces
niveaux d’excitation, certains ne sont pas accessibles pour une transition électronique radiative en
raison du dipôle global du dimère qui s’annule. Ceci implique immédiatement que les spectres
d’absorption et d’émission pour les dimères seront différents de ceux des monomères.
Au niveau de l’absorption, les agrégats H
ont l’état de plus basse énergie avec un
dipôle nul. La transition permise est donc
celle de plus haute énergie et l’effet sur le
spectre d’absorption consistera en un
déplacement de la bande vers les basses
longueurs d’onde, soit vers le bleu. Les
agrégats J au contraire montrent un
déplacement des bandes d’absorption
vers le rouge : l’état excitonique
accessible étant celui de plus basse
énergie que celui du monomère.
Figure 6 : Transitions permises pour l'absorption des
agrégats J et H.
13
14. On peut appliquer le même raisonnement à l’émission des agrégats (figure 7), mais il faut aussi
prendre en compte la loi de Kasha selon laquelle c’est l’état excité de plus basse énergie qui est
responsable de l’émission. Dans l’agrégat H, c’est l’état électronique supérieur qui est peuplé par
l’absorption. La molécule se désexcite de
manière non radiative pour atteindre son état
excité le plus bas. Cependant cet état ne possède
aucun dipôle de transition : en se désexcitant, il
libérera de l’énergie de manière non radiative,
par collision ou sous forme de chaleur. Les
agrégats H ont par conséquent une faible
fluorescence par rapport au monomère.
L’agrégat J en revanche a vu son état excité de
plus basse énergie se peupler suite à l’absorption
d’un photon, et il possède un dipôle de transition
deux fois plus grand que celui du monomère. Les
agrégats J ont une bonne fluorescence, qui est
déplacée vers les grandes longueurs d’onde sur
le spectre d’émission. Figure 7 : Transitions permises pour l'émission des agrégats J et H.
Nous avions déjà rencontré l’angle de glissement α formé par la droite reliant les deux centres
dipolaires et les plans contenant les molécules (voir figure 2). Cet angle permet de différencier les
agrégats J et H selon un critère structural :
- un angle de glissement compris entre 0 et 54.7° engendre un déplacement bathochromique
(et donc un agrégat J)
- un angle de glissement compris entre 54.7° et 90° engendre un déplacement
hypsochromique (et donc un agrégat H)
Il est toutefois important de se rappeler que les agrégats H et J tiennent leurs noms du
comportement de leurs spectres d’absorption et d’émission par rapport à ceux des monomères : en
plus des déplacements de bandes, les agrégats H possèdent une faible fluorescence et un large
déplacement de Stokes§§ tandis que les agrégats J ont une intense fluorescence et un déplacement
de Stokes très faible.
1.2.2.Les cristaux organiques fluorescents
L’influence de la structure à l’état cristallin, et plus particulièrement de l’orientation des molécules
les unes par rapport aux autres, a pu être confirmée par les nombreux progrès qui ont été faits dans
la recherche de cristaux organiques fluorescents.
L’exemple le plus marquant est celui des 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes (figure 8) qui ne
possèdent comme noyau aromatique qu’un simple benzène, mais qui sont de très bons fluorophores
émettant dans le visible à l’état solide avec d’excellents rendements quantiques.
§§
Le déplacement de Stokes est la différence, pour une même transition électronique, entre la longueur d’onde
de la transition 0’-0 (du spectre d’absorption) et celle de la transition 0-0’ (du spectre de luminescence).
14
15. Dans ces composés la fluorescence est
1 (R 1 = Me, R 2 = Me) modulée par les groupements alkyles fixés.
2 (R 1 = H, R2 = H)
N 3 (R 1 = CF3 , R 2 = H)
Ainsi à l’état cristallin*** :
R1 4 (R 1 = CO 2Et, R 2 = H) - 1 émet intensément dans le bleu (λem =
R2 5 (R 1 = COMe, R 2 = COMe) 441 nm)
R2
R1 - 2 émet dans le vert-bleu (λem = 486 nm),
N - 3 possède une émission très intense dans
le vert (λem = 523 et 526 nm),
- 4 émet dans l’orange (λem = 596 nm),
Figure 8 : 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes développés - 5 émet dans le rouge (λem = 638 nm).
dans le cadre de recherches sur des cristaux organiques
fluorescents
Les composés émettent avec de bons voire parfois d’excellents rendements quantiques (φ = 0.94 et
0.98 pour les cristaux de 2 et de 3 respectivement), autant à l’état cristallin qu’en solution ou en film
mince.
L’influence des différents groupements sur la fluorescence, combinée aux excellents rendements
quantiques, rappelle fortement la formation d’agrégats J dont l’angle de glissement est modifié dans
chaque composé par l’encombrement stérique des groupements alkyles. Cela modifie l’amplitude du
dipôle de l’agrégat excité et donc l’énergie des niveaux excités ainsi que la couleur de l’émission.
1.2.3.Cristaux liquides fluorescents.
Les figures 6 et 7 pourraient suggérer que les arrangements en colonnes conduisent forcément à des
agrégats H : il n’en n’est évidemment rien ! Des colonnes peuvent être formées dans lesquelles les
dipôles ne seraient pas parallèles. Dans ces cas-là, la fluorescence serait moins, voire pas du tout,
diminuée (figure 9).
Des molécules de pyrènes tétra substitués
ont été mises au point pour réaliser ce type
de déphasage entre les molécules et éviter
le quenching de la fluorescence des
arrangements cofaciaux avec dipôles
parallèles.
Figure 9 : Influence de l'orientions des dipôles coplanaires non
parallèles sur la séparation énergétique des états excités du dimère.
***
Les longueurs d’ondes ici notées λem sont les longueurs correspondant aux maximums d’émission.
15
16. Le TDPEPy (figure 10), a été conçu et synthétisé par Véronique
OR OR
de Halleux au laboratoire de chimie des polymères20. Les RO OR
fonctionnalisations visent en réalité deux objectifs :
RO OR
- Les quatre phényles aux positions 1, 3, 6 et 8
permettent d’induire un déphasage entre des molécules
directement voisines et on évite ainsi de perdre la fluorescence
du pyrène malgré l’arrangement en colonnes caractéristiques de
RO OR
ce type de molécule (voir chapitres précédents).
- Les chaînes alkyles en C12 ajoutées aux phényles ont RO OR
OR OR
pour effet de former des phases cristal-liquide sur une gamme
Figure10 : 1,3,6,8-tetrakis-(3,4,5-
satisfaisante de températures (entre 40 et 90°C). tris(dodécyloxy)phényl)pyrène (R=C12H25)
Le design de TDPEPy s’est révélé efficace puisque la molécule présente une fluorescence intense
autant en solution qu’en phase cristalline ou cristal-liquide. Le rendement quantique en phase
cristalline s’élève aux environs de 62%, un rendement plus que satisfaisant à l’état condensé.
La formation de phases cristal-liquides offre par ailleurs une réponse intéressante au problème de
sensibilité du transport de charges vis-à-vis des défauts structuraux : en effet ces phases tendent à
les corriger spontanément par autoréparation. Cela n’évite pas complètement les défauts, mais cela
en réduit efficacement l’influence. De plus les applications des phases cristal-liquides en film mince
sont particulièrement attractives pour l’industrie.
2. Le pyrène
Le pyrène est souvent considéré comme l’archétype de l’hydrocarbure polycyclique aromatique
fluorescent23. De très nombreuses recherches ont été menées dans le but d’étudier et de moduler
son rendement quantique dans des environnements variés ou à l’aide de groupements fonctionnels
divers. De plus, étant un polycycle aromatique, il est potentiellement attractif pour des dispositifs de
transport de charges si on arrive à lui donner à l’état cristallin ou cristal-liquide un arrangement qui
convient.
2 2 2
1 3 1 3 1 3
10 4 10 4 10 4
9 5 9 5 9 5
8 6 8 6 8 6
7 7 7
py rène 1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène
4,5,9,10-tétrahydropyrène
(Ia)
Figure 11 : Le pyrène (au centre) et les deux composés majoritaires obtenus lors de sa réduction :
le 4,6,9,10-tétrahydropyrène et le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia).
16
17. Un des avantages majeurs du pyrène est sa fonctionnalisation relativement aisée sur les positions 1,
3, 6 et 8†††. Pour placer des substituants à d’autres positions, il est plus facile de partir de précurseurs
du pyrène : les hydropyrènes qui sont obtenus par réduction.
Un autre intérêt du pyrène est la formation d’excimères dans les solutions concentrées et à l’état
cristallin.
2.1. Excimères21,60
On considère généralement les spectres d’absorption et d’émission pour des molécules isolées.
Cependant il arrive que deux (ou plus rarement plus de deux) molécules forment des complexes en
solution qui affectent les spectres. Ces complexes sont des associations différentes des agrégats de la
section 1.2.1. parce qu’ils sont formés aussi en solution : il ne s’agit pas d’une formation entrainant
un état solide. Deux types de complexes peuvent être différenciés, selon l’effet qu’ils auront sur les
spectres d’absorption et d’émission :
- Un complexe d’absorption est un complexe dans lequel les deux molécules coopèrent pour
absorber un photon
- Un exciplexe est un complexe dans lequel deux molécules s’associent pour émettre un
photon.
Nous allons nous intéresser davantage aux exciplexes car les excimères en sont un cas particulier. Un
exciplexe est un complexe bimoléculaire associatif à l’état électronique excité et dissociatif à l’état
fondamental. Lorsque les deux molécules qui forment le complexe sont de la même espèce, on
parlera d’excimère.
A l’état électronique excité, certaines molécules peuvent être extrêmement polarisables, à cause des
orbitales à moitié remplies HOMO (qui revêtent un caractère électrophile) et LUMO (plutôt
nucléophiles). Ces espèces excitées peuvent mettre en place des transferts de charges et se stabiliser
en interagissant avec une autre espèce polarisable. C’est ainsi que nait un exciplexe : une molécule
isolée M est excitée à son état électronique M*. Par collision, M* va pouvoir former un complexe
stabilisé par transfert de charge avec une molécule à l’état fondamentale. Dans la grande majorité
des exciplexes, et c’est le cas des excimères que forment le pyrène, le complexe aura un
arrangement cofacial.
exciplexe
excimère
Si les exciplexes se forment par collision d’espèces, il est évident que plus la concentration sera
élevée plus on formera de complexes en solution, et plus leur effet sur le spectre sera important.
Dans le spectre d’émission, les excimères provoquent deux changements :
†††
La nomenclature du pyrène est une exception à la règle IUPAC qui voudrait que l’on numérote les positions
des groupements de manière à obtenir la combinaison de nombres la plus petite possible. Avant de respecter
cette règle, les numéros 1,2 et 3 sont toujours placés conformément à la figure 11.
17
18. - l’apparition d’un nouveau pic d’émission, dans les zones de plus grandes longueurs d’onde
(de plus faibles énergies) par rapport au pic d’émission des molécules individuelles ;
- la disparition progressive des pics initiaux avec la concentration au profit du pic
d’excimère‡‡‡.
Au niveau du spectre d’absorption, les exciplexes ne génèrent aucun changement puisqu’ils
n’existent pas à l’état fondamental. L’absorption sera toujours celle des molécules individuelles et
c’est seulement lorsqu’elles seront excitées que les exciplexes se formeront.
Le pyrène est l’exemple le plus classique de la formation d’excimères : pour des concentrations
jusqu’à 10-5M, le spectre d’émission est indépendant de la concentration. Lorsque la concentration
augmente on perd progressivement les signaux caractérisant le pyrène en même temps qu’apparait
un large pic correspondant à la désexcitation des excimères. On peut représenter le phénomène par
un diagramme reprenant l’énergie du couple formé par deux molécules de pyrène en fonction de la
distance r les séparant (figure 12).
Figure 12 : Représentation par un
diagramme d'énergie en fonction de la
distance intermoléculaire de la formation
d'excimères de pyrène et de son influence
sur la fluorescence
Aux faibles concentrations (cas de droite) le monomère, lorsqu’il est excité, ne formera pas
d’excimères et se désexcitera en produisant le spectre d’émission qui caractérise le pyrène. A
concentration supérieure (cas de gauche), des excimères se forment. Comme le complexe est
stabilisé par rapport au monomère excité, sa désexcitation radiative libèrera moins d’énergie et c’est
pour cette raison que les émissions d’exciplexes sont dans le rouge par rapport à celles des
monomères. De plus, l’état fondamental du complexe est de plus haute énergie que pour les
monomères séparés parce que les molécules sont plus proches et qu’en l’absence de transfert de
charges, elles se repoussent. Cela explique aussi l’instabilité du complexe à l’état fondamental.
‡‡‡
On ne parle pas ici de la diminution de l’intensité de fluorescence due à la concentration, il s’agit dans le cas
des excimères d’un autre phénomène qui plutôt que d’annuler totalement la fluorescence, la déplace vers
d’autres longueurs d’ondes.
18
19. 2.2. Le pyrène à l’état solide22
A l’état cristallin, le pyrène adopte un arrangement particulier : les molécules de pyrène forment des
dimères qui eux-mêmes s’assemblent dans une structure cristalline régulière (figure 13). Cette
structure s’apparente un peu à la formation d’excimères en solution et les spectres d’émission du
cristal et du pyrène en solution concentrée présenteront sans surprise des similitudes. Le spectre
d’absorption sera celui du pyrène seul comme on s’y attend de la part des excimères.
En raison de leur proximité, une molécule qui aura
absorbé un photon s’associera directement avec sa
voisine et formera immédiatement l’excimère. Le
spectre d’émission sera donc uniquement celui de
l’excimère.
La formation d’excimères est ici un avantage car
s’ils déstructurent l’émission, les excimères ont
l’avantage de fixer les excitons dans l’espace : ceux-
ci ne risquent plus de diffuser librement jusqu’à
une impureté et d’y perdre leur énergie
d’excitation. La longueur de diffusion de l’exciton
dans des cristaux de pyrène est de l’ordre de 0.35
Figure 13 : Représentation de la structure du cristal de nm, soit la distance séparant la molécule excitée de
pyrène. La distance entre deux molécules dans un dimère sa première voisine. En comparaison, la longueur
est de 3.53 A° et les molécules sont décalées dans le sens de diffusion de l’exciton peut atteindre 10 à 100
de la grande diagonale de manière à ne générer aucune nm dans les cristaux des composés conjugués qui
répulsion π-π mais bien de l’attraction entre les structures
+ -
carbonées (δ ) et les orbitales p (δ ). ne forment pas d’excimères.
2.3. Quelques composés pyrèniques
Les recherches impliquant le pyrène sont nombreuses et variées. Ses différentes caractéristiques
physiques et chimiques en font un composé se prêtant potentiellement à de nombreuses
applications et les secteurs comme le secteur photovoltaïque, ou celui des OLEDs sont les premiers à
être intéressés.
A cause de la meilleure réactivité du pyrène à ces positions, il a été plus souvent investigué en
porteur de groupements aux positions 1, 3, 6 et/ou 8. Nous avons déjà abordé à la section 1.2.3. le
TDPEPy qui était substitué à ces positions et qui formait des arrangements en colonnes en phase
cristal-liquide. Les paragraphes suivants décrivent deux recherches menées sur d’autres types de
dérivés du pyrène.
19
20. Une voie de recherche sur les dérivés du pyrène autre que la simple fonctionnalisation est celle qui
construit des dimères de manière à éviter la formation d’excimères. Le design des deux composés
suivants a été réalisé dans cette optique.
La figure 14 montre le composé cible d’une recherche24, composé
qui ne semble pas former d’excimère même à des concentrations
importantes. La molécule possède par ailleurs une fluorescence
intense et des propriétés photochimiques ressemblant davantage
à celles d’un nouveau composé plutôt qu’à un dimère de pyrène.
Une autre constatation importante est le fait que le rendement
quantique de fluorescence et la durée de vie des états excités ne
sont plus affectés par la polarité du solvant ou par la présence
Figure 14 : 1,4-di(pyrèn-1-yl)buta-1,3-
diyne d’oxygène. Cette nouvelle stabilité est un élément important pour
son utilisation dans des dispositifs photoélectriques. La molécule
possède encore trois positions facilement fonctionnalisables sur chaque pyrène et des recherches
sont menées pour les doter de nouvelles fonctionnalités, comme par exemple des groupements
hydrosolubles. D’autre part la formation de ce dimère totalement différent du pyrène individuel et
de l’excimère a ouvert la porte à l’étude d’autres dimères comme des dimères de pérylène.
F Un dimère de pyrène a aussi été réalisé dans un complexe borique25
F
O B (figure 15) suite aux recherches sur ce type de composé avec des
N
fluorènes : les dimères de fluorènes avaient une fluorescence intense et
N F des fréquences d’émission modulables, mais ils affichaient une perte de
B fluorescence due à un déplacement de Stokes trop faible et une
O F
fluorescence très fortement réduite à l’état solide.
Par contrôle stéréochimique, les pyrènes sont reliés en trans sur le
cyclohexane, ce qui défavorise des interactions π-π fortes entre les
Figure 15 : bis-[(1-hydroxy-2- pyrènes dans une même molécule et la forme des molécules rend
pyrènylidène)-(1'R, 2’R)- l’empilement moins efficace. De nouveau la formation de dimères de
cyclohexane-1',2'-
diamine]difluorobor-chelat pyrène permet d’éviter la formation d’excimères et le composé synthétisé
ici possède lui aussi une fluorescence très intense.
2.4. Objectif du mémoire
En rassemblant les informations que nous avons sur le transport de charges dans un cristal et sur la
fluorescence, nous pouvons effectuer le design des molécules qui mèneront à l’obtention d’un solide
organique cristallin qui combinera un transport de charge efficace et une bonne fluorescence. Les
arrangements en colonnes doivent être évités dans les deux cas : le transport de charge y est
localement efficace mais trop sensible aux défauts sur des distances macroscopiques. Ces structures
peuvent, de plus, donner lieu à des agrégats H à très faible fluorescence.
Les structures en murs de brique sont par contre intéressantes pour les deux phénomènes, et
l’exemple du TIPS-pentacène illustre bien que cette configuration est propice au transport de
charges, bien qu’il ne présente qu’une fluorescence modérée.
20
21. L’objectif de ce mémoire est donc de synthétiser une famille de dérivés du pyrène substitués aux
positions 4 et 9 par des groupements encombrants afin de forcer un empilement cristallin en mur
de brique (figure 16).
Pour induire le décalage dans le pyrène de la même
manière qu’il a été induit dans le pentacène, il faut
placer des groupements stériques qui empêcheront
l’arrangement cofacial. Des recherches ont déjà été
menées sur des fonctionnalisations des positions 1 et
6, et d’autres sont menées actuellement les positions
2 et 7. Dans le cadre de ce mémoire, nous essayerons
de synthétiser des composés fonctionnalisés aux
Figure 16 : a) Représentation schématique du pyrène substitué en
positions 4 et 9. positions 4 et 9 par des groupements encombrants. b)
Arrangement désiré pour l'état cristallin.
Voici les quatre composés qui constituent les cibles de synthèse§§§ :
Figure 17 : 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène (IIIa)
Figure 18 : 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène (IIIb)
§§§
Les structures en trois dimensions ont été modélisées à l’aide du programme de modélisation
Chem3D Ultra sur base d’une minimisation de l’énergie des molécules. Elles ne représentent pas
forcément la structure adoptée par les composés en phase cristalline.
21
22. Figure 19 : 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène (IIIc)
Figure 20 : 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène (IIId)
Le paragraphe suivant expose la rétrosynthèse sur laquelle nous nous sommes basée pour obtenir
ces composés.
22
23. 2.5. Rétrosynthèse
Pour obtenir les composés IIIa, IIIb, IIIc et IIId, le passage par le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un
passage obligé pour réagir sélectivement aux
positions 4 et 9.
R
R
Pour obtenir des composés du pyrène 4,9
disubstitués, deux réactions sont possibles :
- réaliser un couplage sur un pyrène
X R
fonctionnalisé aux positions 4 et 9 pour
placer les groupements stériques, et cette
X R
étape suivrait directement l’aromatisation de
l’hexahydropyrène activé en 4 et 9.
- aromatiser l’hexahydropyrène déjà
substitué avec les groupements que l’on
souhaite fixer, auquel cas les réactions de
couplage sont effectuées sur
X l’hexahydropyrène activé.
X
Quelle que soit la voie que l’on suit, il faut
donc nécessairement passer par un
hexahydropyrène substitué en 4 et 9. Les
substitutions pour les réactions de couplages
sont très généralement des halogénations,
qui fonctionnent assez bien avec les
composés aromatiques.
Le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un
composé disponible commercialement, il
n’est donc pas nécessaire de partir du pyrène
et de faire sa réduction mais cela aurait dû
être fait si le pyrène avait été choisi comme
composé de départ.
Schéma 1 : Rétrosynthèse générale des dérivés du pyrène
4,9 disubstitués.
23
24. 3. Les réactions de couplages au palladium2632
Les réactions de couplage sont devenues un outil standard et indispensable pour le chimiste de
synthèse. Durant les vingt dernières années, le nombre de réactions de couplage n’a cessé
d’augmenter, et leur domaine d’application de s’agrandir. Leur énorme avantage est la formation
facile et sélective de liens C-C sur des molécules aromatiques. Cela permet d’aborder la synthèse
d’une nouvelle manière : au lieu de faire des synthèses linéaires, on peut synthétiser séparément des
morceaux clés de molécule et utiliser les couplages pour les lier entre eux. La bonne sélectivité de ces
réactions permet de contrôler sans trop de difficultés les liens à former.
3.1. Les cycles catalytiques
D’une manière générale, les réactions de couplage impliquent des carbones nucléophiles comme des
dérivés aryles, vinyles ou alkyles : dérivés magnésiens pour les réactions de Kumada, dérivés
boroniques pour les réactions de Suzuki ou encore des dérivés stanniques pour les couplages de
Stille.
En réalité c’est le récent développement des catalyseurs qui a permis la découverte et l’utilisation de
toutes ces réactions ; catalyseurs qui sont le plus souvent des composés au palladium ou au nickel.
Ces métaux de transition forment des complexes avec des molécules organiques ce qui permet de les
stabiliser à un degré d’oxydation particulier. Ces catalyseurs restent malgré tout très sensibles à
certaines conditions. Il sera par exemple nécessaire de toujours dégazer le plus possible les milieux
réactionnels avant d’ajouter le catalyseur : l’oxygène les dégrade facilement et rapidement.
La stabilisation particulière apportée par les ligands organiques permet l’établissement d’un cycle
catalytique, durant lequel le degré d’oxydation du métal variera. L’importance du ligand pour la
réaction est capitale, mais son rôle n’est pas encore toujours entièrement compris. Les ligands
affectent chaque étape mais pas nécessairement de la même manière ; c’est pourquoi leurs effets
sont compliqués à comprendre et à prévoir. Néanmoins des progrès sont faits dans ce domaine et on
peut étudier les effets des ligands sur chaque étape prise individuellement.
Les couplages au palladium suivent un cycle catalytique selon les mêmes grandes étapes (schéma 2) :
- Activation du catalyseur : le catalyseur ne peut pas être stocké sous sa forme active car
celle-ci serait beaucoup trop instable. Au moindre contact avec l’air ambiant, le catalyseur se
dégraderait. Il est donc nécessaire de conserver le catalyseur sous une forme moins réactive et
certains auront besoin d’être activés en solution. D’autres s’activeront d’eux-mêmes dans le milieu
par la perte d’un ou plusieurs ligands : le milieu aura une grande influence, ainsi que le
conditionnement initial du catalyseur.
- Addition oxydative : l’addition oxydative voit un des réactifs, un halogénure en général, se
fixer sur le palladium. Une liaison covalente est brisée et le palladium « s’insère » entre l’halogène et
le reste de la molécule. La force du lien covalent est importante pour cette étape et c’est souvent elle
qui limitera la vitesse du cycle. Les ligands jouent un rôle peu compris mais qui peut être décisif : il
suffit parfois d’opter pour d’autres ligands pour faire fonctionner un couplage qui ne donnait lieu à
aucune réaction. Des ligands qui donnent facilement des électrons au centre métallique
permettraient d’accélérer cette étape, cela explique l’essor particulier des catalyseurs palladiés avec
des phosphines comme ligands. Ces composés sont riches en électrons et on peut les fonctionnaliser
24
25. différemment pour faire varier l’encombrement stérique autour du noyau. Ils ont comme
désavantages d’être très toxiques, non-récupérables et parfois gênants lors de l’isolation du produit
désiré.
Schéma 2 : Cycle catalytique général pour les réactions de couplage au palladium
- Suit ensuite une étape de transmétalation qui voit se fixer sur le palladium le groupement
que l’on désire greffer au cycle aromatique. Le groupement arrive sur le complexe avec un
comportement nucléophile. La tans-cis isomérisation rapproche ce nucléophile du noyau aromatique
et la liaison sera établie lors de l’élimination réductrice qui régénère le catalyseur sous la forme du
Palladium (0) et de ces deux ligands.
3.2. Les substrats 31.
Pour fonctionner, les réactions de couplage ont besoin que les sites de réaction soient activés au
préalable. Les halogénations sont des méthodes efficaces pour y parvenir et la plupart des réactions
de couplage ont été développées sur des substrats halogénés. Le choix de l’halogène est important :
la force du lien C-X va jouer un rôle crucial : les liens C-X fort permettent de fixer efficacement
l’halogène et sont généralement plus faciles à établir, mais ils sont aussi plus difficiles à briser lors du
couplage. Un lien C-X plus faible est idéal pour le couplage mais beaucoup plus difficile à établir lors
de l’halogénation.
25
26. Les halogènes utilisés traditionnellement sont l’iode, le brome ou le chlore, et l’intensité du lien C-X
va comme suit : C-I < C-Br < C-Cl (respectivement 65, 81 et 96 kcal/mol). Les composés chlorés
offrent une plus grande diversité de substrats mais ceux-ci sont beaucoup moins réactifs lors de
l’addition oxydative, justement à cause de l’énergie élevée du lien C-Cl. Récemment des recherches
sur les catalyseurs ont permis de réaliser certains couplages sur des composés chlorés, en utilisant
des groupements électro-attracteurs sur le substrat et des phosphines plus basiques comme ligands
pour le catalyseur. Ces réactions de couplage restent, comparativement aux réactions sur les
composés iodés ou bromés, des réactions difficiles. Les iodures sont plus efficaces en couplage, mais
l’iodation est difficile à réaliser avec de hauts rendements ce qui fait que le nombre de substrats
disponibles peut être réduit. Les composés bromés offrent un bon compromis entre diversité de
substrats et efficacité des réactions de couplages.
3.3. Les couplages utilisés
Dans le cadre de ce mémoire, nous avons utilisé les couplages de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki-
Miyaura, de Stille et de Buchwald-Hartwig.
Schéma 3: Reprise des différents couplages utilisés dans ce travail. a) Le couplage de Stille; b) Le couplage de Suzuki-
Miyaura; c) Le couplage de Sonogashira-Hagihara et d) Le couplage de Buchwald-Hartwig
Ce dernier chapitre clôt l’introduction pour ce travail. L’objectif de la recherche a été fixé et le design
des molécules a été réalisé de manière à générer des arrangements cristallins potentiellement
transporteurs de charges et fluorescents. Les groupements à fixer ont été choisis et la rétrosynthèse
générale à été présentée ainsi que les réactions de couplage qui seront utilisées.
Le déroulement de la synthèse des quatre dérivés choisis et les résultats obtenus seront présentés
dans le chapitre suivant.
26
28. Le but du mémoire étant fixé, cette partie du travail sera consacrée aux manipulations qui ont été
effectuées en laboratoire pour obtenir les quatre composés voulus, ainsi qu’aux résultats obtenus et
aux caractérisations des molécules cibles. Ceci sera l’objet du premier chapitre.
Brièvement nous aborderons dans le second chapitre les modifications des spectres d’absorption et
d’émission en solution que les groupements ont générées par rapport au pyrène.
1. Synthèse
Nous cherchons à obtenir des composés du pyrène disubstitué aux positions 4 et 9. La synthèse a été
imaginée à partir du 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia) en suivant la rétrosynthèse développée en
1.3.5 dans l’introduction (schéma 1). Une double bromation permet de placer des atomes de brome
en position 4 et 9, pour amorcer la fonctionnalisation de ces carbones. A partir du 4,9-dibromo-1, 2,
3, 6, 7,8-hexahydropyrène (Ia) deux voies d’accès sont envisageables : soit l’aromatisation pour
former le 4,9-dibromopyrène (Ic) suivie des réactions de couplage ; soit réaliser les réactions de
couplage d’abord et aromatiser ensuite les hydropyrènes disubstitués IIa-d.
Br Aromatisation Br
Bromation
Br Br
Ia Ib Ic
Couplage
Couplage
IIa et IIIa : R = Si
R R
IIb et IIIb : R = Aromatisation
C12 H25 R R
C12 H25
IIa IIIa
IIb IIIb
IIc et IIIc : R = IIc IIIc
IId IIId
IId et IIId : R = N
Schéma 4 : Schéma de synthèse général et nomination des composés de synthèse.
28
29. 1.1. La bromation en position 4,9
1.1.1.Le système de départ : 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia).
Pour synthétiser des pyrènes substitués aux positions 4 et 9, nous avons utilisé du 1,2,3,6,7,8-
hexahydropyrène (Ia) disponible commercialement comme réactif de départ. La réactivité de Ia
s’apparente à celle d’un noyau naphtalène tétra substitué en ses quatre positions α.
2 2
1 3 1 3
10 4 10 4
9 5 9 5
8 6 8 6
7 7
py rène 1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène
(Ia)
Figure 21 : Respectivement le pyrène (à gauche) et le
1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (à droite) avec la
numérotation conventionnelle des carbones
Ia peut se présenter sous la forme « chaise » ou « bateau » de Figure 22 : Représentations des
manière un peu comparable au cyclohexane (figure 22). conformations chaise (en haut) et bateau (en
Néanmoins, nous n’imaginons pas qu’une conformation soit bas) du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia)
plus réactive qu’une autre vis-à-vis d’un électrophile.
La RMN du proton montre d’ailleurs que les deux conformères sont en interconversion rapide en
solution à température ambiante. Si cela n’avait pas été le cas, les signaux des protons situés aux
carbones 1, 3, 6 et 8 (triplet à δ=3.05 ppm) auraient été découplés. On peut voir ce découplage en
RMN du proton sur le cyclohexane lorsque la température est assez basse : à ce moment
l’interconversion devient plus lente et les protons vicinaux et équatoriaux ne sont plus équivalents.
29
30. 2
1 3
10 4
9 5
8 6
7
Ia
1
Figure 23 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2)de Ia
1.1.2.Bromation Br2/FeCl3
La bromation est connue pour être une méthode de choix pour débuter la fonctionnalisation d’un cycle
aromatique.
Br Br Br Br Br
Br2
Br Br Br
Ia Ib
Schéma 5 : Représentation des sous-produits possibles pour une double bromation de Ia
Dans la littérature, une double bromation a été répertoriée sur Ia pour former avec 48% de rendement le
34,35
composé Ib en utilisant comme agent de bromation la N-bromosuccinimide (NBS) . Cette réaction a été
tentée en laboratoire mais n’a pu être reproduite. L’autre méthode de bromation utilise le brome pur et un
61
acide de Lewis . Des chercheurs ont ainsi pu réaliser des monobromations de Ia, ainsi que des bromations sur
d’autres composés pyrèniques : le 4,5,9,10-tétrahydropyrène et le 2,7-di-tert-butylpyrène Elles sont décrites
36 37
avec les même réactifs (FeCl3 et Br2) dans l’eau et dans le dichlorométhane . Les deux conditions sont
extrêmement différentes puisque Ia et ses dérivés sont insolubles dans l’eau, on aura donc une réaction
hétérogène, alors qu’ils se dissolvent souvent très bien dans la plupart des phases organiques.
30
31. Nous avons essayé en parallèle les deux conditions et constaté qu’elles n’ont pas une réelle influence sur le
rendement de la réaction (35% pour des réactions à l’échelle de 100 mg de Ia). Nous avons décidé de garder la
réaction en phase aqueuse car le traitement du brut réactionnel est plus facile : il suffit de filtrer le milieu et de
rincer le solide abondamment à l’eau pour récupérer les produits organiques formés.
Ces réactions utilisent un acide de Lewis comme catalyseur, nous avons utilisé du chlorure de fer (III) comme
mentionné dans la littérature.
Br Br Fe Cl3 HBr
Fe
Cl3
H Fe
Br Fe Cl3 Br Cl3
Br Br Br
H
Schéma 6 : Mécanisme de la bromation de Ia assistée par un acide de Lewis (FeCl3)
La quantité de brome est un paramètre important : utiliser 2.5 équivalents semble être le meilleur rapport pour
****
obtenir le plus de Ib pur possible. En CCM , le brut réactionnel obtenu avec 2.5 équivalent ne montre que
deux taches, très proches l’une de l’autre (RF = 0.91 et 0.85 en élution avec de l’hexane). L’élution au toluène
ne permet pas de les distinguer. Ces deux produits ne sont pas séparables par chromatographie, cependant ils
ont une solubilité différente dans l’hexane et plusieurs précipitations dans l’hexane froid permettent d’obtenir
sous forme solide le produit qui sera identifié comme Ib pur. Le composé le plus soluble n’a pas pu être
identifié formellement car non isolé d’autres sous-produits de réactions, mais les spectres RMN du proton
suggèrent le produit monobromé. Des quantités supérieures de brome ont mené à de nouveaux signaux
d’impureté dans les spectres RMN, mais aucune nouvelle tache en CCM. L’analyse par spectrométrie de masse
a permis de relever des masses compatibles avec le produit monobromé (m/z=287), dibromé (m/z=366) et
tribromé (m/z=444).
La réaction a été portée avec succès sur un gramme et le rendement a pu être optimisé à 75% de Ib, mais il
convient de signaler que cette purification est rendue difficile par le fait que le nombre de filtrations à l’hexane
n’a pu être fixé pour l’obtention de tout le composé Ib pur. Il n’est pas totalement insoluble dans l’hexane, ce
qui signifie qu’une partie du produit demeure dans les filtrats sauf en cas d’utilisation d’un minimum d’hexane
mais on risque alors de ne plus dissoudre entièrement les autres produits secondaires.
Si nécessaire, il est possible de purifier davantage le produit en réalisant une recristallisation à froid dans
l’acétate d’éthyle. Ce procédé diminue grandement la quantité de produit obtenu, aussi il a seulement été
utilisé pour obtenir le composé sous une forme cristalline très pure afin de caractériser la structure de la
molécule par diffraction aux rayons X.
1.1.3.Structure du composé dibromé formé.
A première vue on pourrait penser que la dibromation donne lieu à deux isomères : le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-
hexahydropyrène et le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (figure 24).
Si les deux composés sont présents après la réaction, leurs comportements en chromatographie sur couche
mince sont exactement identiques car on ne distingue qu’un seul spot, quel que soit l’éluant. Une simple
prédiction des signaux en RMN du proton permet de se rendre compte que les spectres des deux isomères
seront très semblables :
Comme illustré sur la figure 24, la différence spectrale entre les deux isomères provient de la multiplicité des
protons des positions 2 et 7 : un triplet de triplet ou deux quintuplets. Sachant que pour le triplet de triplet, la
****
Chromatographie sur Couche Mince.
31
32. différence entre le couplage avec le triplet 1 et le triplet 2 sera minime, cela risque de former un quintuplet;
quant aux deux quintuplets, la différence de déplacement chimique entre les deux signaux peut ne pas être
significative non plus. Les deux signaux vont donc probablement se chevaucher.
Quintuplet 2 Triplet de triplet
Triplet 2 Triplet 2
Triplet 2
Triplet 1
Br Br Singulet 1 Br
Singulet 1 Singulet 1
Br
Singulet 1
Triplet 1 Triplet 1 Triplet 2
Triplet 1
Quintuplet 1 Triplet de triplet
4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène
(Id) ( Ib )
Figure 24 : Les deux isomères pouvant être formés en dibromation de Ia : le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Id,
à gauche) et le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib, à droite); ainsi que la prévision de multiplicité des signaux
1
RMN H.
1
L’analyse RMN H du produit pur obtenu après recristallisation (figure 25) ne permet pas de déterminer
clairement lequel des deux isomères nous obtenons, même si l’on peut supposer n’en avoir qu’un des deux. En
l’absence de référence, les signaux que l’on obtient ne peuvent être attribués à l’un ou à l’autre isomère. Les
spectres que nous obtenons pour notre produit final nous permettent de voir le singulet aromatique à δ=7.40
1
Figure 25 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation
32
33. ppm pour les protons en 5 et 10, les deux triplets aliphatiques à δ=3.08 et δ=2.99 ppm pour les protons en 1, 3,
6,8, et un quintuplet à δ=2.03 ppm. Ce quintuplet ne permet pas de trancher entre les deux structures, mais
c’est lui qui nous permet de penser qu’un seul isomère se soit formé : la superposition d’un triplet de triplet et
de deux quintuplets aurait produit un massif plus important.
Après la RMN du proton, nous avons essayé de différencier les deux structures par la RMN du carbone.
Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Ib :
Trois signaux de carbones aliphatiques :
- carbones 12 et 15
- carbones 13 et 16
- carbones 11 et 14
Cinq signaux de carbones aromatiques :
- carbones 2 et 9
- carbones 8 et 1
- carbones 7 et 6
- carbones 3 et 10
Figure 26 : Composé Ib avec - carbones 4 et 5
numérotation complète des
carbones pour la prédiction du
13
nombre de signaux en RMN C
Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Id :
Quatre signaux de carbones aliphatiques :
- carbones 11 et 13
- carbones 14 et 16
- carbone 12
- carbone 15
Six signaux de carbones aromatiques :
- carbones 1 et 9
- carbones 2 et 8
- carbones 3 et 7
- carbones 6 et 10
Figure 27 : Composé Id avec
numérotation complète des - carbone 4
carbones pour la prédiction du - carbone 5
13
nombre de signaux en RMN C
33
34. 13
Figure 28 : Spectre RMN C (75Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation
13
Sur le spectre RMN C seuls trois signaux apparaissent en zone aliphatique contre quatre prévus pour Id. On
peut donc avancer avec plus de certitude que le produit formé est bel est bien Ib. On ne peut rien déduire des
signaux en zone aromatique, il n’y en a que quatre de visibles. Quelque soit le composé on attendait plus de
pics, mais les carbones quaternaires ont souvent des signaux plus faibles qui, ici, peuvent s’être perdus dans le
bruit.
Une preuve formelle de la structure du composé Ib
est fournie par la caractérisation en diffraction aux
rayons X du produit de bromation cristallisé. La
††††
structure de Ib , vue sous deux angles différents,
est donnée à la figure 29. Les deux traits plus
sombres correspondent aux atomes de brome, et ils
sont disposés en position 4 et 9 sur l’hydropyrène. Il
est aussi à noter que le composé Ib adopte, à l’état
cristallin, la conformation chaise.
Figure 29 : Structure moléculaire obtenue par analyse par
diffraction aux rayons X.
††††
La structure cristallographique de Ib a été résolue par le professeur Christophe Vanden Velde de la Haute-
Ecole Karel de Grote. Nous lui sommes très reconnaissants pour son aide.
34
35. En parallèle de la caractérisation spectrale, nous nous sommes penchés plus en détail sur le mécanisme de la
réaction, pour voir si nous pouvions trouver un indice quant aux produits formés. La première bromation peut
avoir lieu à n’importe quel endroit sur l’hexahydropyrène : chaque position aromatique est identique. En
revanche, lors de deuxième bromation, les positions 5, 9 et 10 du 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène ne
sont plus équivalentes.
Sur le benzène, la présence d’un brome oriente les bromations suivantes en ortho et para par effet mésomère
donneur. D’autre part, par effet inductif capteur, le brome désactive la réactivité du cycle vis-à-vis de la
substitution électrophile. Cet effet inductif est un effet local qui agit davantage sur les positions ortho que sur
la position para. La double bromation fournit donc un mélange de o-dibromobenzène et de p-dibromobenzène
39
avec une majorité de produit en para .
Br Br Br
Br
Br
Schéma 7 : Double bromation sur le benzène et formation des deux isomère ortho (17%) et
para (83%)
On peut supposer que les mêmes effets électroniques soient à l’œuvre dans le cas de l’hexahydropyrène et
qu’ils permettent d’obtenir comme produit de la dibromation le dérivé 4,9 uniquement :
- la position 5 est désactivée par rapport aux deux autres par l’effet inductif capteur du brome qui
appauvrit la densité électronique du carbone et le rend moins réactif vis-à-vis des électrophiles.
- La position 9 est activée par rapport à la position 10 par l’effet mésomère donneur du brome. En
délocalisant un de ses doublets, le brome stabilise l’intermédiaire de réaction et donc favorise l’attaque de
l’électrophile par la position 9 et pas par la position 10.
- La position 10 possède une réactivité très semblable à celle de la position 4 lors de la première
bromation, un peu diminuée par l’effet inductif du brome en 4 mais à cette distance, l’effet est probablement
minime. Nous pensons qu’un effet cinétique privilégiera la substitution électrophile aromatique sur la position
activée dans les cas de concentration faible en brome, ce qui est atteint par l’addition au goutte à goutte d’une
solution diluée.
Br
Br
Fe Br
Cl3
Position 5 désactivée par effet
inductif par rapport à la position 9
Schéma 8 : Mécanisme de promotion de la position 9 pour la bromation sur le
4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène
En conclusion, le composé Ib a pu être obtenu avec un rendement de 75% sans avoir recours à la
1
chromatographie. Sa structure moléculaire est démontrée au-delà de tout doute par les techniques de RMN H,
13
RMN C et par diffraction RX.
Nous pouvons maintenant synthétiser la série de molécules désirées à l’aide de plusieurs réactions de couplage
et de la réaction d’oxydation qui seront l’objet des paragraphes suivants.
35
36. 1.2. Oxydation ou couplage ?
Une fois le composé 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) obtenu, deux routes de synthèse
sont envisageables : la première réaliserait le couplage directement sur le pyrène hydrogéné tandis
que la seconde transformerait l’hydropyrène en pyrène et nous éviterait de réaliser la réaction
d’oxydation sur les produits de couplages, ce qui pourrait les altérer.
1.2.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)-1, 2, 3, 6, 7,8-hexahydropyrène (IIa)40,43
Nous avons d’abord essayé de réaliser un couplage sur le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène.
Ce premier couplage est le couplage de Sonogashira utilisé pour greffer des groupements alcynes aux
positions occupées par les bromes. Il est aussi fort utilisé dans la synthèse de polymères conjugués.
Dans notre cas, le rôle de l’alcyne est tenu par l’éthynyltriméthylsilane (IVa).
Br Pd(PPh3 )2 Cl2 Si
CuI
Br Si
Et3N/THF (50/50)
80°C
IVa Si
Ib
IIa
Schéma 9 : réaction de couplage entre le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) et
l'éthynyltriméthylsilane (IVa)
Les conditions du couplage entre un halogénure d’aryle et un alcyne permettant ce type de réaction
à température ambiante ont été décrites par Sonogashira en 1975 : un catalyseur palladié,
typiquement le Pd(PPh3)2Cl2, utilisé avec de l’iodure de cuivre (I) et une amine basique.
La réaction a été réalisée sur 100 mg de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène avec 2.5
équivalents d’éthynyltriméthylsilane dans un milieu formé de 10 mL de triéthylamine et de 10 mL de
THF. Par rapport au 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène, 5% de catalyseur palladié et 10%
d’iodure de cuivre ont été utilisés. La proportion d’iodure de cuivre est justifiée ici par la difficulté de
prélever une plus faible quantité (moins de 5 mg). L’évolution de la réaction n’a pu être suivie
efficacement par CCM car une seule tache d’élution apparait en front de solvant pour le brut
réactionnel ainsi que pour le mélange (brut/Ib). Dans le doute nous avons laissé réagir pendant 12h.
Les prédictions RMN 1H du produit final prévoient un important pic singulet aux alentours de 0 ppm
pour les méthyles rattachés aux siliciums, avec un ratio de 1 sur 9 par rapport aux protons
aromatiques, facilement identifiables. En évaporant le solvant du milieu, nous évacuons aussi le
réactif IVa qui possède un point d’ébullition relativement bas (54°C). L’analyse RMN nous permet de
voir les pics aliphatiques et aromatiques qui caractérisaient Ib mais aucun signal significatif
n’apparait près de 0 ppm, ce qui signifie que les éthynylsilanes ne se sont pas couplés avec Ib.
La voie de synthèse commençant par le couplage est donc mise de côté, aussi suite au succès de la
réaction d’oxydation et de la purification de son produit (voir paragraphe suivant).
36
37. 1.2.2.L’oxydation du 4,9-dibromo-1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ib)41,42
Pour réaliser une déshydrogénation, de nombreuses méthodes sont à disposition. La plus répandue
est bien entendu la déshydrogénation par palladium sur charbon, qui doit être réalisée à très hautes
températures. Comme méthode alternative, les quinones sont parfois utilisées pour l’aromatisation
de composés déshydrogénés. Parmi les quinones, la 2,3,5,6-tétrachloro-p-benzoquinone (p-chloranil)
et la 2,3-dichloro-5,6-dicyano-p-benzoquinone (DDQ) sont les plus utilisées. Les benzoquinones sont
extrêmement sensibles à l’eau en présence de laquelle elles se dégradent rapidement et forment les
hydroquinones ; leur utilisation nécessite des conditions totalement anhydres.
p-Chloranyl
Br Br
ou DDQ
Br Toluène anhydre Br
ref lux sous Argon
12h
Ib Ic
Schéma 10 : Réaction d'aromatisation de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-
hexahydropyrène (Ib) par le p-chloranil ou par le DDQ pour obtenir le 4,9-
dibromopyrène (Ic)
La réaction s’effectue via un transfert d’hydrure et fonctionnera d’autant mieux que le carbocation formé sera
stabilisé. Voici le mécanisme proposé pour l’aromatisation de Ic par le DDQ (il est le même pour la réaction au
p-chloranil) :
O OH
O H
CN Cl CN
Cl CN + H+ Cl
Cl CN Cl CN
H Cl CN OH
H H OH
H O
DDQ
Br
H H
Br H H
H
Br - H+ Br
Ib
Br Br
Schéma 11 : Mécanisme de la déshydrogénation par le DDQ.
Le transfert d’hydrure, thermodynamiquement très défavorable, est suivi d’un transfert de proton qui achève
de former la double liaison sur l’hydropyrène et d’un équilibre céto-énolique du phénol. Le carbocation formé
durant la réaction est efficacement stabilisé par conjugaison avec les deux cycles aromatiques de la molécule.
37
38. H H
H H H H H H
H H H H
Br Br
Br Br
Br Br
Br Br
H H
H H H H
Br Br
Br Br
Schéma 12 : Stabilisation du carbocation formé par conjugaison avec les cycles aromatiques.
Il reste ensuite quatre protons à enlever pour former les deux dernières nouvelles doubles liaisons et récupérer
l’aromaticité du pyrène. Les réactions suivantes sont à nouveau tirées par l’aromaticité de l’hydroquinone mais
aussi par celle du pyrène. La réaction génère une double liaison par molécule de réactif (DDQ ou
chloranil) et comme trois doubles liaisons doivent être mises en place, il faudra utiliser au minimum
trois équivalents.
1.2.2.1. Oxydation par le p-chloranil
L’aromatisation de Ib par le p-chloranil a été inspirée d’une réaction d’oxydation décrite dans la
littérature sur un composé proche : le 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène41. Le réactif étant
disponible au laboratoire, c’est le premier que nous avons utilisé.
O La réaction avec le p-chloranil a été effectuée sur 100 mg de Ib dans 30 mL de
Cl Cl
toluène anhydre avec 3.5 équivalents de p-chloranil en suivant les indictions
rapportées dans le schéma 10.
Cl Cl
O Par CCM on contrôle l’avancement de la réaction jusqu’à consommation totale
Figure 30 : 2, 3, d’hexahydropyrène. On effectue une colonne de chromatographie sur alumine avec
5,6- le toluène comme éluant et le solide récupéré est analysé par RMN 1H. Le spectre
tétrachlorobenzo- montre des signaux dans la zone aromatique, mais encore de nombreux signaux
quinone
aliphatiques. Nous concluons à une aromatisation seulement partielle du produit de
départ.
1.2.2.2. Oxydation par le DDQ :
Le DDQ, ou 2,3-dichloro-5,6-dicyanobenzoquinone, est un oxydant plus fort que le p-chloranil et est
aussi largement utilisé. Comme le p-chloranil n’avait que partiellement réalisé l’oxydation, il semblait
O normal d’essayer avec un oxydant plus puissant.
Cl CN
Figure 31 : 2,3-dichloro- 5 ,6-
Cl CN dicyanobenzoquinone
O
38