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Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?




Chapitre 2 — Les constructeurs


Lʼinformatique moderne débute avec la naissance de lʼindustrie informatique qui est dʼabord mar-
quée par lʼère des constructeurs. Celle-ci va durer trente ans (et cʼest déjà beaucoup !), de 1960 à
1990. 

Cette ère débute donc en 1960 car cʼest le moment où lʼindustrie prend vraiment forme avec des
logiques de constructions en série et la notion de famille dʼordinateurs compatibles. Elle prend fin
en 1990 avec la sortie de Windows 3.0 car cʼest vraiment le moment où Microsoft sʼémancipe
dʼIBM et où lʼélève prend le pas sur -lʼancien- maître.

Les constructeurs ont dominé cette première période mais ils nʼont pu se maintenir au-delà (à part
IBM et HP) car la logique industrielle de lʼintégration verticale qui les guidait nʼétait plus valable
une fois que la technique avait mûri et sʼétait largement répandue à travers un vaste et dense ré-
seau de fournisseurs spécialisés, des composants électroniques de base aux logiciels en passant
par les périphériques.

        ===  Lʼorigine du mot informatique
        Philippe Dreyfus, ingénieur chez Bull en 1962, voulait traduire lʼexpression "computer
        science". Il a construit le mot "informatique" par contraction des mots "information" et "au-
        tomatique". Philippe Dreyfus a aussi inventé le mot "informatique" à ce moment-là parce
        quʼil voulait baptiser une société quʼil venait de créer, la SIA (Société dʼInformatique Appli-
        quée). Ce mot, qui nʼavait heureusement pas été déposé, fut adopté en 1967 par lʼAca-
        démie Française pour désigner la "science du traitement de lʼinformation".
        Ce néologisme a été adopté par plusieurs pays. La terminaison "tique", on lʼa dit, renvoie à
        "automatique", donc au processus de traitement des données. Considérons maintenant le
        mot "ordinateur". En 1954 IBM voulait trouver un nom français pour ses machines et éviter
        le mot "calculateur" qui lui semblait mauvais pour son image. Le linguiste Jacques Perret a
        proposé, dans sa lettre du 16 avril 1955, dʼutiliser le mot "ordinateur", mot ancien et passé
        dʼusage qui signifiait "celui qui met en ordre"; en liturgie il désigne celui qui confère un or-
        dre sacré.
        ===

LʼIBM 360, le méga projet qui structura lʼindustrie informatique durant 20 ans

Au début des années soixante, IBM est dans une situation délicate. Son activité informatique
commence à vraiment prendre de lʼampleur (chez IBM, le chiffre dʼaffaires généré par les ordina-
teurs dépassa celui des tabulatrices mécanographiques en 1962) mais la situation est chaotique :
en effet, IBM ne produit pas moins de sept modèles dʼordinateurs différents en 1960. Ce fraction-
nement de lʼoffre vient de la politique commerciale qui consiste à adresser chaque marché sépa-
rément, à les traiter comme des niches distinctes.

De plus, avant 1960, les connaissances des besoins, des modes dʼutilisation, des technologies et
de leur évolution future nʼétaient pas suffisantes pour définir des standards qui auraient pu servir
de base à une famille dʼordinateurs universels compatibles. Et IBM a toujours encouragé la con-
currence interne en matière de développement. La politique commerciale dʼIBM a toujours été de
coller au plus près à chaque marché, mais sa politique technique a toujours été de le faire avec le
moins de matériels différents possibles (ce quʼelle nʼa pas toujours été capable de faire dʼailleurs).

Sur le plan industriel, IBM ne tirait alors aucun bénéfice de sa taille puisque chaque type de ma-
chine était assemblé avec des composants différents. Pas moins de 2 500 circuits électroniques
distincts sont fabriqués cette année-là pour ces ordinateurs, tous différents et qui nʼont presque
rien en commun. Pareil pour les périphériques.



                                                             Page 14 - Première partie : lʼère du matériel
Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?

La division ordinateurs ressemble à une fédération de PME chacune travaillant dans son coin avec
ses propres équipes (tout est dupliqué : études, fabrication, marketing et même forces de vente !)
sans aucune coordination ni même lʼembryon dʼune politique commune.

Non seulement le problème était bien présent au niveau matériel mais il était encore plus aigu au
niveau logiciel : la prolifération des lignes dʼordinateurs avait engendré la multiplication des combi-
naisons logicielles associées. Les équipes de programmeurs dʼIBM étaient submergées par la né-
cessité dʼécrire et de réécrire les systèmes dʼexploitation et les applications pour les différentes
familles de systèmes et il paraissait clair, quʼà brève échéance, cette situation nʼétait pas tenable.

À côté de cela, la division mécanographique était bien mature et alignée sur la série 400 qui satis-
faisait lʼensemble des clients. La rationalisation de la production de la série 400 avait réduit les
coûts à un point tel quʼIBM nʼavait plus vraiment de concurrence sur le marché des machines de
bureau à cartes perforées.

La question de la migration fragilise la position de "Big Blue"

Le problème du fractionnement des gammes de systèmes touchait aussi les clients. Les ordina-
teurs ciblaient leurs niches de façon si étroite quʼil nʼétait pas possible dʼétendre les capacités dʼun
système plus que dʼun facteur 2. Donc, quand une société avait besoin dʼaccroître son système
informatique au-delà de cette limite, elle nʼavait pas dʼautre choix que de changer de type de ma-
chine. Mais, bien sûr, ce passage dʼune gamme à lʼautre impliquait forcément la réécriture des ap-
plications (toutes !) précédemment développées !

Cette migration coûtait souvent aussi cher sinon plus que le nouvel ordinateur. Et si les clients de-
vaient changer de système complètement, ils pouvaient tout aussi bien changer de fournisseur
sans augmenter lʼimpact négatif puisque tout était à refaire de toute façon… La direction dʼIBM
comprit bien quʼil y avait là un danger potentiel à tous les niveaux quʼil fallait adresser au plus vite.
La solution : le concept de famille de systèmes compatibles.

Tous ces éléments poussaient IBM à adopter le concept dʼune famille de systèmes compatibles au
plus tôt. Mais, dans le cas dʼIBM, cʼétait un challenge encore plus considérable que pour ses con-
currents. Tout dʼabord à cause du large spectre représenté par les clients de la compagnie. Un
système "universel" devait convenir et sʼadapter à toutes les tailles et à tous les secteurs.

Un vrai défi tant sur le plan matériel (une gamme étendue était nécessaire mais cela concernait
aussi les périphériques qui devaient être communs à toute la gamme de systèmes) que sur le plan
logiciel (tous les logiciels devaient être capables de tourner sans aucune modification de la plus
petite machine au plus gros mainframe… Sinon, le concept de famille compatible nʼavait pas de
sens). Ensuite parce que le fractionnement des systèmes au sein dʼIBM avait aussi entraîné un
fractionnement des intérêts… Des baronnies sʼétaient créées et il y avait beaucoup de résistances
au sein même de la compagnie pour faire "tomber les murs" et travailler enfin ensemble.

Un groupe de travail pour sortir de lʼimpasse : le SPREAD

En octobre 1961, la direction dʼIBM avait nommé un groupe de travail (le SPREAD) afin dʼétablir
un rapport prévisionnel sur ce projet de systèmes compatibles. À la fin de lʼannée 61, le SPREAD
avait remis son rapport dont les conclusions étaient radicales. Les estimations de dépenses
étaient à la hauteur des ambitions du projet  : le groupe avait prévu quʼil faudrait dépenser $125
millions rien que pour le logiciel alors que la compagnie se contentait alors de $10 millions par an
pour toute son activité logicielle… Bien entendu, ces estimations qui paraissaient alors délirantes
étaient bien en dessous de la réalité et cʼest quatre fois plus qui sera englouti par le seul système
dʼexploitation du 360 (pour un résultat médiocre en plus !). 

Cependant, le projet fut tout de même lancé au début de lʼannée 1962 et mené sur plusieurs sites
(y compris en Angleterre) dans le plus grand secret. Le budget alloué était colossal : 5 milliards de
dollars de lʼépoque, soit encore plus que pour le projet Manhattan qui permit la mise au point de la
bombe atomique en 1945 !
Les études coûtèrent $500 millions à elles seules et le développement dix fois plus… Cʼest lʼusine
de semi-conducteurs qui consomma le plus de ressources (les ateliers dʼassemblage classiques


Page 15 - Première partie : lʼère du matériel
Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?

coûtaient $120 le mètre carré mais la nouvelle "salle blanche" allait demander plus de $450 pour la
même surface !) mais cet énorme investissement assura lʼavenir dʼIBM dans ce domaine pendant
des années.

IBM fait un pari risqué avec le 360

Ce projet pharaonique était vraiment un "quitte ou double" pour la compagnie mais la direction de
lʼépoque était consciente quʼelle nʼavait pas le choix. Fin 63, le développement était en plein boom
et la direction commença à réfléchir à la question du lancement… Fallait-il annoncer lʼensemble de
la famille de systèmes en une seule fois ou, plus prudemment, faire une série dʼannonces pro-
gressivement ?
La première option était spectaculaire et assurait un impact maximum mais elle était aussi la plus
risquée : face à cette nouveauté, les clients risquaient de délaisser les anciens systèmes complè-
tement (et en particulier le 1401 qui était le hit de Big Blue à ce moment-là) !
Heureusement pour le management dʼIBM, cʼest un événement extérieur qui trancha le dilemme…

Lʼannonce du modèle H200 dʼHoneywell précipite le lancement du 360

En décembre 1963, Honeywell mis sur le marché le modèle H200 qui avait pour particularité dʼêtre
entièrement compatible avec lʼIBM 1401. Pour la première fois, les clients avaient une alternative à
IBM sans devoir refaire tous leurs programmes… Le H200 était entièrement compatible avec le
1401 mais en utilisant une électronique plus avancée, Honeywell obtient un rapport prix/perfor-
mance plus de quatre fois supérieur à la machine vedette dʼIBM !

Et comme le H200 était effectivement compatible en tous points, les clients pouvaient rendre leur
1401 loué à IBM et le remplacer par un système Honeywell pour bien moins cher à performances
égales ou bien plus performant pour un coût équivalent… Une proposition séduisante. Et le mar-
ché fut immédiatement séduit : durant la première semaine qui suivit lʼannonce du H200, Honey-
well reçut plus de commandes que lors des huit années précédentes de son activité sur ce marché
informatique !
Lʼarrivée du H200 coupa net le flux des commandes pour le 1401 et les prévisions étaient alar-
mantes : chez IBM, on redoutait que plus des 3/4 des utilisateurs du 1401 allaient basculer sur le
H200... Le moment était critique pour Big Blue, après avoir investi massivement sur sa nouvelle
gamme, voici quʼun concurrent asséchait son cash-flow avec une nouveauté fracassante !

En dépit de lʼeffort titanesque effectué par la compagnie sur le "new product line" ("la nouvelle li-
gne de produit", nom de code interne pour le projet 360), lʼengagement envers le 360 nʼétait pas
encore définitif… Preuve des hésitations internes, une évolution du 1401 (appelée 1401S) était
parallèlement en chantier. Mais lʼinitiative dʼHoneywell décida la direction dʼIBM à "mettre le pa-
quet" sur la nouvelle ligne et de tourner ainsi résolument le dos au passé. Le lancement du 360 fut
spectaculaire  : une grande mobilisation médiatique et marketing quʼon nʼavait encore jamais vue
pour le lancement dʼune gamme dʼordinateurs…

La gamme (limitée au départ à 5 modèles) fut annoncée le 7 avril 1964. Elle acceptait 40 modèles
de périphériques dont la fameuse imprimante 1403 introduite avec lʼordinateur commercial 1401
(et qui sera utilisée jusquʼaux années quatre-vingt). De plus, le système 360 comportait en stan-
dard un émulateur de 1401. Ce dernier point nʼest pas un détail mais bien un ajout intelligent per-
mettant à la base installée de "glisser" en douceur de lʼancien système vers le nouveau : lʼémula-
teur était capable dʼexécuter les programmes conçus pour le 1401 sur le 360 sans réécriture ni
modification, de quoi effectuer la migration progressivement. Ainsi, les clients du 1401 nʼétaient
plus tentés de passer à Honeywell puisquʼIBM offrait une voie dʼévolution vers le haut qui parais-
sait attrayante…

Et le résultat de ce pari risqué dépassa les espérances : immédiatement, des milliers de comman-
des affluèrent et, pendant deux ans, IBM ne fut capable dʼhonorer que la moitié des 9000 com-
mandes en attente. Dans les trois années qui suivirent le lancement du 360, les ventes et revenus
des locations montèrent à plus de $5 milliards, IBM ouvrit de nouvelles usines et fit monter ses ef-
fectifs jusquʼà employer presque 250 000 personnes dans le monde… Le 360 a été décrit comme
"lʼordinateur fait par IBM qui a fait IBM" et cʼétait tout à fait vrai : ce système a alimenté la crois-
sance de la compagnie pendant 30 ans et a défini lʼarchitecture de base des mainframes encore
en usage aujourdʼhui !


                                                              Page 16 - Première partie : lʼère du matériel

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Histoire de l'informatique
 

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  • 1. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? Chapitre 2 — Les constructeurs Lʼinformatique moderne débute avec la naissance de lʼindustrie informatique qui est dʼabord mar- quée par lʼère des constructeurs. Celle-ci va durer trente ans (et cʼest déjà beaucoup !), de 1960 à 1990.  Cette ère débute donc en 1960 car cʼest le moment où lʼindustrie prend vraiment forme avec des logiques de constructions en série et la notion de famille dʼordinateurs compatibles. Elle prend fin en 1990 avec la sortie de Windows 3.0 car cʼest vraiment le moment où Microsoft sʼémancipe dʼIBM et où lʼélève prend le pas sur -lʼancien- maître. Les constructeurs ont dominé cette première période mais ils nʼont pu se maintenir au-delà (à part IBM et HP) car la logique industrielle de lʼintégration verticale qui les guidait nʼétait plus valable une fois que la technique avait mûri et sʼétait largement répandue à travers un vaste et dense ré- seau de fournisseurs spécialisés, des composants électroniques de base aux logiciels en passant par les périphériques. ===  Lʼorigine du mot informatique Philippe Dreyfus, ingénieur chez Bull en 1962, voulait traduire lʼexpression "computer science". Il a construit le mot "informatique" par contraction des mots "information" et "au- tomatique". Philippe Dreyfus a aussi inventé le mot "informatique" à ce moment-là parce quʼil voulait baptiser une société quʼil venait de créer, la SIA (Société dʼInformatique Appli- quée). Ce mot, qui nʼavait heureusement pas été déposé, fut adopté en 1967 par lʼAca- démie Française pour désigner la "science du traitement de lʼinformation". Ce néologisme a été adopté par plusieurs pays. La terminaison "tique", on lʼa dit, renvoie à "automatique", donc au processus de traitement des données. Considérons maintenant le mot "ordinateur". En 1954 IBM voulait trouver un nom français pour ses machines et éviter le mot "calculateur" qui lui semblait mauvais pour son image. Le linguiste Jacques Perret a proposé, dans sa lettre du 16 avril 1955, dʼutiliser le mot "ordinateur", mot ancien et passé dʼusage qui signifiait "celui qui met en ordre"; en liturgie il désigne celui qui confère un or- dre sacré. === LʼIBM 360, le méga projet qui structura lʼindustrie informatique durant 20 ans Au début des années soixante, IBM est dans une situation délicate. Son activité informatique commence à vraiment prendre de lʼampleur (chez IBM, le chiffre dʼaffaires généré par les ordina- teurs dépassa celui des tabulatrices mécanographiques en 1962) mais la situation est chaotique : en effet, IBM ne produit pas moins de sept modèles dʼordinateurs différents en 1960. Ce fraction- nement de lʼoffre vient de la politique commerciale qui consiste à adresser chaque marché sépa- rément, à les traiter comme des niches distinctes. De plus, avant 1960, les connaissances des besoins, des modes dʼutilisation, des technologies et de leur évolution future nʼétaient pas suffisantes pour définir des standards qui auraient pu servir de base à une famille dʼordinateurs universels compatibles. Et IBM a toujours encouragé la con- currence interne en matière de développement. La politique commerciale dʼIBM a toujours été de coller au plus près à chaque marché, mais sa politique technique a toujours été de le faire avec le moins de matériels différents possibles (ce quʼelle nʼa pas toujours été capable de faire dʼailleurs). Sur le plan industriel, IBM ne tirait alors aucun bénéfice de sa taille puisque chaque type de ma- chine était assemblé avec des composants différents. Pas moins de 2 500 circuits électroniques distincts sont fabriqués cette année-là pour ces ordinateurs, tous différents et qui nʼont presque rien en commun. Pareil pour les périphériques. Page 14 - Première partie : lʼère du matériel
  • 2. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? La division ordinateurs ressemble à une fédération de PME chacune travaillant dans son coin avec ses propres équipes (tout est dupliqué : études, fabrication, marketing et même forces de vente !) sans aucune coordination ni même lʼembryon dʼune politique commune. Non seulement le problème était bien présent au niveau matériel mais il était encore plus aigu au niveau logiciel : la prolifération des lignes dʼordinateurs avait engendré la multiplication des combi- naisons logicielles associées. Les équipes de programmeurs dʼIBM étaient submergées par la né- cessité dʼécrire et de réécrire les systèmes dʼexploitation et les applications pour les différentes familles de systèmes et il paraissait clair, quʼà brève échéance, cette situation nʼétait pas tenable. À côté de cela, la division mécanographique était bien mature et alignée sur la série 400 qui satis- faisait lʼensemble des clients. La rationalisation de la production de la série 400 avait réduit les coûts à un point tel quʼIBM nʼavait plus vraiment de concurrence sur le marché des machines de bureau à cartes perforées. La question de la migration fragilise la position de "Big Blue" Le problème du fractionnement des gammes de systèmes touchait aussi les clients. Les ordina- teurs ciblaient leurs niches de façon si étroite quʼil nʼétait pas possible dʼétendre les capacités dʼun système plus que dʼun facteur 2. Donc, quand une société avait besoin dʼaccroître son système informatique au-delà de cette limite, elle nʼavait pas dʼautre choix que de changer de type de ma- chine. Mais, bien sûr, ce passage dʼune gamme à lʼautre impliquait forcément la réécriture des ap- plications (toutes !) précédemment développées ! Cette migration coûtait souvent aussi cher sinon plus que le nouvel ordinateur. Et si les clients de- vaient changer de système complètement, ils pouvaient tout aussi bien changer de fournisseur sans augmenter lʼimpact négatif puisque tout était à refaire de toute façon… La direction dʼIBM comprit bien quʼil y avait là un danger potentiel à tous les niveaux quʼil fallait adresser au plus vite. La solution : le concept de famille de systèmes compatibles. Tous ces éléments poussaient IBM à adopter le concept dʼune famille de systèmes compatibles au plus tôt. Mais, dans le cas dʼIBM, cʼétait un challenge encore plus considérable que pour ses con- currents. Tout dʼabord à cause du large spectre représenté par les clients de la compagnie. Un système "universel" devait convenir et sʼadapter à toutes les tailles et à tous les secteurs. Un vrai défi tant sur le plan matériel (une gamme étendue était nécessaire mais cela concernait aussi les périphériques qui devaient être communs à toute la gamme de systèmes) que sur le plan logiciel (tous les logiciels devaient être capables de tourner sans aucune modification de la plus petite machine au plus gros mainframe… Sinon, le concept de famille compatible nʼavait pas de sens). Ensuite parce que le fractionnement des systèmes au sein dʼIBM avait aussi entraîné un fractionnement des intérêts… Des baronnies sʼétaient créées et il y avait beaucoup de résistances au sein même de la compagnie pour faire "tomber les murs" et travailler enfin ensemble. Un groupe de travail pour sortir de lʼimpasse : le SPREAD En octobre 1961, la direction dʼIBM avait nommé un groupe de travail (le SPREAD) afin dʼétablir un rapport prévisionnel sur ce projet de systèmes compatibles. À la fin de lʼannée 61, le SPREAD avait remis son rapport dont les conclusions étaient radicales. Les estimations de dépenses étaient à la hauteur des ambitions du projet  : le groupe avait prévu quʼil faudrait dépenser $125 millions rien que pour le logiciel alors que la compagnie se contentait alors de $10 millions par an pour toute son activité logicielle… Bien entendu, ces estimations qui paraissaient alors délirantes étaient bien en dessous de la réalité et cʼest quatre fois plus qui sera englouti par le seul système dʼexploitation du 360 (pour un résultat médiocre en plus !).  Cependant, le projet fut tout de même lancé au début de lʼannée 1962 et mené sur plusieurs sites (y compris en Angleterre) dans le plus grand secret. Le budget alloué était colossal : 5 milliards de dollars de lʼépoque, soit encore plus que pour le projet Manhattan qui permit la mise au point de la bombe atomique en 1945 ! Les études coûtèrent $500 millions à elles seules et le développement dix fois plus… Cʼest lʼusine de semi-conducteurs qui consomma le plus de ressources (les ateliers dʼassemblage classiques Page 15 - Première partie : lʼère du matériel
  • 3. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? coûtaient $120 le mètre carré mais la nouvelle "salle blanche" allait demander plus de $450 pour la même surface !) mais cet énorme investissement assura lʼavenir dʼIBM dans ce domaine pendant des années. IBM fait un pari risqué avec le 360 Ce projet pharaonique était vraiment un "quitte ou double" pour la compagnie mais la direction de lʼépoque était consciente quʼelle nʼavait pas le choix. Fin 63, le développement était en plein boom et la direction commença à réfléchir à la question du lancement… Fallait-il annoncer lʼensemble de la famille de systèmes en une seule fois ou, plus prudemment, faire une série dʼannonces pro- gressivement ? La première option était spectaculaire et assurait un impact maximum mais elle était aussi la plus risquée : face à cette nouveauté, les clients risquaient de délaisser les anciens systèmes complè- tement (et en particulier le 1401 qui était le hit de Big Blue à ce moment-là) ! Heureusement pour le management dʼIBM, cʼest un événement extérieur qui trancha le dilemme… Lʼannonce du modèle H200 dʼHoneywell précipite le lancement du 360 En décembre 1963, Honeywell mis sur le marché le modèle H200 qui avait pour particularité dʼêtre entièrement compatible avec lʼIBM 1401. Pour la première fois, les clients avaient une alternative à IBM sans devoir refaire tous leurs programmes… Le H200 était entièrement compatible avec le 1401 mais en utilisant une électronique plus avancée, Honeywell obtient un rapport prix/perfor- mance plus de quatre fois supérieur à la machine vedette dʼIBM ! Et comme le H200 était effectivement compatible en tous points, les clients pouvaient rendre leur 1401 loué à IBM et le remplacer par un système Honeywell pour bien moins cher à performances égales ou bien plus performant pour un coût équivalent… Une proposition séduisante. Et le mar- ché fut immédiatement séduit : durant la première semaine qui suivit lʼannonce du H200, Honey- well reçut plus de commandes que lors des huit années précédentes de son activité sur ce marché informatique ! Lʼarrivée du H200 coupa net le flux des commandes pour le 1401 et les prévisions étaient alar- mantes : chez IBM, on redoutait que plus des 3/4 des utilisateurs du 1401 allaient basculer sur le H200... Le moment était critique pour Big Blue, après avoir investi massivement sur sa nouvelle gamme, voici quʼun concurrent asséchait son cash-flow avec une nouveauté fracassante ! En dépit de lʼeffort titanesque effectué par la compagnie sur le "new product line" ("la nouvelle li- gne de produit", nom de code interne pour le projet 360), lʼengagement envers le 360 nʼétait pas encore définitif… Preuve des hésitations internes, une évolution du 1401 (appelée 1401S) était parallèlement en chantier. Mais lʼinitiative dʼHoneywell décida la direction dʼIBM à "mettre le pa- quet" sur la nouvelle ligne et de tourner ainsi résolument le dos au passé. Le lancement du 360 fut spectaculaire  : une grande mobilisation médiatique et marketing quʼon nʼavait encore jamais vue pour le lancement dʼune gamme dʼordinateurs… La gamme (limitée au départ à 5 modèles) fut annoncée le 7 avril 1964. Elle acceptait 40 modèles de périphériques dont la fameuse imprimante 1403 introduite avec lʼordinateur commercial 1401 (et qui sera utilisée jusquʼaux années quatre-vingt). De plus, le système 360 comportait en stan- dard un émulateur de 1401. Ce dernier point nʼest pas un détail mais bien un ajout intelligent per- mettant à la base installée de "glisser" en douceur de lʼancien système vers le nouveau : lʼémula- teur était capable dʼexécuter les programmes conçus pour le 1401 sur le 360 sans réécriture ni modification, de quoi effectuer la migration progressivement. Ainsi, les clients du 1401 nʼétaient plus tentés de passer à Honeywell puisquʼIBM offrait une voie dʼévolution vers le haut qui parais- sait attrayante… Et le résultat de ce pari risqué dépassa les espérances : immédiatement, des milliers de comman- des affluèrent et, pendant deux ans, IBM ne fut capable dʼhonorer que la moitié des 9000 com- mandes en attente. Dans les trois années qui suivirent le lancement du 360, les ventes et revenus des locations montèrent à plus de $5 milliards, IBM ouvrit de nouvelles usines et fit monter ses ef- fectifs jusquʼà employer presque 250 000 personnes dans le monde… Le 360 a été décrit comme "lʼordinateur fait par IBM qui a fait IBM" et cʼétait tout à fait vrai : ce système a alimenté la crois- sance de la compagnie pendant 30 ans et a défini lʼarchitecture de base des mainframes encore en usage aujourdʼhui ! Page 16 - Première partie : lʼère du matériel