L’interopérabilité, socle pour le développement à grande échelle du télésuivi...
La technologie RFID pour la sante
1. La technologie RFID pour la santé:
Les applications dans le domaine médical
Geoffrey Delille
Telecom Lille 1
Geoffrey.Delille@gmail.com
Wan Muzaffar Wan Hashim
Telecom Lille 1
Wanmuz86@gmail.com
Abstract : Nous commençons tout juste à entendre
parler d’hôpital du futur : une enceinte utilisant des
objets communicants afin de rendre les services
plus fluides et efficaces. Cet article met en avant les
applications rendues possibles dans ce domaine par
la technologie Radio Frequency IDentification. Les
problématiques spécifiques au domaine médical
rendent sa démocratisation délicate, tout comme
son coût qui rebute les pays en développement alors
que certaines applications comme la lutte contre le
trafic de faux médicaments leurs sont spécialement
dédiées. Toutefois, chaque jour de nouvelles
applications sont créées, mises à l’étude ou
utilisées, malgré la réticence d’une partie de la
population.
Mots-clés : RFID, E-santé, Localisation, hôpital du
futur, objet communicant.
Introduction
L’utilisation de la technologie RFID est très
prometteuse pour le monde médical. C’est sans
doute l’un des domaines où son potentiel pourra le
mieux s’exprimer. En effet, celle-ci pourra
permettre de traiter plus rapidement les
informations, tout en limitant les sources d’erreurs.
Les patients seront ainsi mieux pris en charge de
leurs admissions jusqu’à leurs sorties, en passant
par les différents soins et examens qu’ils
nécessiteraient.
Actuellement, dans la majorité des hôpitaux, non
seulement en France mais dans le monde entier, de
nombreuses tâches répétitives sont réalisées à la
main et les informations sont pour la plupart écrites
sur des fiches manuscrites.
Les erreurs humaines sont donc fréquentes et les
conséquences dans ce milieu peuvent-être fatales.
Plusieurs affaires ont ainsi défrayé la chronique,
parmi lesquelles des opérations réalisées sur les
mauvais patients ou encore l’administration par
erreur d’un médicament à la place d’un autre.
Le monde de la santé est un milieu très particulier
qui a évolué de manière très significative ces
dernières décennies. Nous avons assisté à une
amélioration des moyens techniques mis à
disposition du personnel soignant, mais aussi à une
augmentation du nombre de personnes prises en
charge.
En d’autres termes, le nombre d’admis a
augmenté, tout comme le nombre d’examens. Ceci
a eu pour conséquence d’augmenter le temps
moyen passé dans les institutions hospitalières
d’une part, et de dégrader les prises en charge. Cette
dégradation est devenue d’autant plus importante
avec les réductions d’effectifs.
La solution à ces problèmes pourrait donc venir
d’un nouvel équipement, s’interfaçant avec un
système d’informations efficace: les puces RFID.
I) La technologie RFID
Le sigle RFID, de l’anglais Radio Frequency
Identification, est conçu pour diffuser
l’identification des objets ou des personnes. Le
réseau RFID est constitué de trois différentes
entités : les étiquettes RFID, les lecteurs et les
serveurs. Il existe deux types d’étiquettes différents:
actives et passives. Les étiquettes actives peuvent
émettre spontanément, contrairement aux étiquettes
passives qui n’émettent que lorsqu’elles sont
interrogées. Elles sont composées d’une antenne,
d’une puce en semi-conducteur attachée à
l’antenne. C’est le lecteur d’étiquettes qui fournit
l’énergie aux étiquettes passives, qui la capte par
leurs antennes.
Les échanges d’informations entre ces deux
entités commencent quand le lecteur transmet un
signal selon une fréquence donnée vers les
étiquettes situées dans son champ de lecture.
Celles-ci transmettent un signal en retour. Lorsque
les étiquettes sont "réveillées" par le lecteur, un
dialogue s’établit selon un protocole de
communications prédéfinis, et les données sont
échangées [figure 1].
Figure 1 : Communication entre étiquette et lecteur RFID
Les étiquettes RFID fonctionnent à basses ou
moyennes fréquences. Elles utilisent le champ
électromagnétique créé par l’antenne du lecteur et
l’antenne de l’étiquette pour communiquer. Le
champ électromagnétique alimente l’étiquette et
active la puce. Cette dernière va exécuter les
programmes pour lesquels elle a été conçue. Pour
transmettre les informations qu’elle contient, elle va
créer une modulation d’amplitude ou de phase sur
la fréquence porteuse. Le lecteur reçoit ces
informations et les transforme en code binaire.
2. Dans le sens lecteur vers étiquette, l’opération est
symétrique, le lecteur émet des informations par
modulation sur la porteuse. Les modulations sont
analysées par la puce et numérisées [1].
Les lecteurs transfèrent ensuite les informations
contenues dans les étiquettes RFID à une grappe de
serveurs, qui constitue la troisième partie du
système RFID. Ces serveurs traitent ensuite les
données obtenues et un middleware leur permet de
communiquer entre eux et d’utiliser ces
informations selon leurs besoins.
II) Les applications dans le domaine médical
Comme son nom l’indique, la RFID a été conçue
dans le but de faire de l’identification. Dans le
domaine médical, elle servira à l’identification des
patients, des objets, et des médicaments afin de
réduire les erreurs médicales et d’améliorer les
conditions de vie des patients. [2]
L’état français a réservé une somme de 10
milliards d’euros sur 5 ans dans le cadre du plan
«Hôpital 2012». Quelques CHU dont l'hôpital de
Nice testent déjà depuis 2007 cette nouvelle
méthode de travail. [3,4] Dans cet hôpital, en
collaboration avec STMicroelectronics pour la
fabrication de la puce et IBM pour l'intégration et la
partie logicielle, chaque patient est équipé à son
arrivée d'un bracelet RFID [figure 2] comportant
son identité et le degré de gravité de ses
symptômes, évaluée sur une échelle chiffrée.
Figure 2 : Un patient équipé d’un bracelet RFID
L'application informatique établit ensuite un
parcours médical prenant en compte le degré
d'urgence relative, la disponibilité des différents
équipements et médecins. L'objectif final étant
d'éviter les goulets d'étranglement et d'améliorer la
prise en charge du patient. Nous avons pu constater
une amélioration de la durée moyenne du parcours
d’un patient qui a été ramenée de cinq à quatre
heures. Le système permet également d’améliorer le
contrôle des équipements médicaux qui possèdent
désormais tous une étiquette RFID.
L’autre effet positif est la possibilité de facturer
l'exhaustivité des actes, ce qui est indispensable
pour prétendre à une comptabilité analytique digne
de ce nom, comme le souligne le docteur Patrick
Mallea [4]. D'autant qu’avec la tarification à l'acte,
les financements dépendent de la capacité des
hôpitaux à mesurer précisément leurs coûts.
Voyons maintenant quelques exemples plus
concrets sur l’hôpital du futur.
II.A) Aide aux personnes dépendantes
Les personnes fragiles, dépendantes ou démentes
sont également visées par ces innovations. L’un des
meilleurs exemples est donné par la maison de
retraite Gilbert Forestier à Lomme [5]. Cette
dernière a équipé chacun de ses résidents d’une
puce RFID sous la forme d’une montre [figure 3].
Quelques lecteurs [figure 4] sont répartis afin de
couvrir l’intégralité du bâtiment et ainsi capter les
informations émises par les bracelets.
Figure 3 : Un bracelet RFID Figure 4 : Un lecteur RFID
Les bracelets sont d’une grande utilité d’un point
de vue sécurité. D’une part, le personnel est en
mesure de savoir en temps-réel et avec une
précision suffisante, la localisation de tel ou tel
patient. Lorsqu’un patient tombe ou fait un malaise,
le bracelet averti automatiquement le personnel
soignant en précisant le lieu où il se trouve. De
plus, le résident peut également appeler un soignant
en appuyant sur le bouton de son bracelet. D’autre
part, avant la mise en place de ce système, un
patient par jour fuguait. Ces derniers étant bien
souvent déments, ils se retrouvaient perdus dehors,
sans repère et mettaient donc involontairement leurs
vies en jeu. Le lecteur placé sur la porte de sortie
permet de verrouiller la porte dès qu’un patient s’en
approche. D’un point de vue purement médical, ce
bracelet permet de surveiller la durée et la qualité
du sommeil et ainsi d’équilibrer plus facilement les
traitements médicaux [figure 5].
Figure 5 : Surveillance du sommeil des résidents
3. II.B) Gestion des prélèvements sanguins
Qu’il s’agisse de dons de sang, de prélèvements
pour effectuer des tests ou de gestion des
échantillons, le travail effectué est important,
fastidieux et sujet à de multiples erreurs.
L’utilisation d’étiquettes RFID permet de faciliter
le processus de gestion. Les prélèvements peuvent
être équipés d’étiquettes. Un lecteur RFID permet
de connaître les informations relatives au sang
(groupe sanguin, rhésus, etc.).
Ainsi lorsqu’un malade doit recevoir du sang,
l’opérateur chargé de cette opération utilise
l’ordinateur équipé d’un lecteur RFID pour vérifier
la bonne adéquation du sang pour la transfusion.
Cette façon de procéder diminue de manière
drastique les erreurs humaines. Même si
actuellement des systèmes à base de codes barres
sont utilisés, ils n’empêchent pas les erreurs. Il est
également important de noter qu’en cas de crise
majeure (et donc à un moment où beaucoup de
transfusions sanguines sont nécessaires),
l’utilisation des RFID s’avère plus efficace: avec
moins de contrôles à effectuer manuellement, le
personnel peut concentrer son attention sur les
manipulations et gagner en efficacité [6].
De plus, la RFID permet un contrôle de qualité à
tout moment pendant la durée de vie de
l’échantillon. Dans cette optique, Siemens et
MacoPharma, un fabricant de pochettes sanguines,
ont conçu des pochettes avec une puce RFID et un
capteur de température intégré. Il faut en effet que
la température soit contrôlée car chaque composant
du sang a ses exigences : les plaquettes peuvent être
stockées 8 jours à une température de 20 degrés, les
globules rouges à 4 degrés durant une période de 4
à 6 semaines, en fonction de la solution alimentaire
dans laquelle elles sont conservées, et le plasma
peut être congelé. «Elles nous permettent de gérer
les échantillons biologiques de manière plus
sécurisée et plus fiable, afin d'éliminer les pertes de
temps et d'augmenter la disponibilité et la fiabilité
des données liées à chaque échantillon», explique le
docteur Christian Chabannon, responsable du centre
de thérapie cellulaire de l'institut Paoli Calmettes.
Un autre avantage de ces étiquettes électroniques
est qu’elles résistent nettement mieux aux
conditions extrêmes de températures. Auparavant,
les chercheurs avaient recours aux codes barres ou
au marquage manuel pour identifier les tubes. Ces
méthodes étaient dérisoires puisque les tubes selon
les analyses à effectuer peuvent être baignés dans
de l'azote liquide à une température de -196°
Celsius et lors des analyses, la température peut
même augmenter de 125° en quelques secondes [7].
II.C) suivi des médicaments.
Les médicaments contrefaits sont devenus
monnaie courante, notamment sur Internet mais
aussi sur les marchés parallèles et dans les pays
pauvres. Ils s’avèrent être dangereux, soit pour leurs
effets nocifs, soit parce qu’ils n’en ont justement
aucun.
L’utilisation d’étiquettes RFID s’impose comme
un indicateur bien plus fiable que les codes-barres
actuellement utilisés qui sont facilement
falsifiables. Elle permet de s’assurer de l’identité du
médicament. De plus, arracher l’étiquette d’un
médicament ne permet pas de le détourner dans la
mesure où un produit sans étiquette est considéré
comme dangereux. Pour que la protection soit
efficace, les étiquettes ne doivent pas être placées
sur les boites, mais sur chacune des plaquettes
contenues dans les boites.
Chaque plaquette contiendrait alors un code
d’identification, une date de péremption, une date
de production ou tout autre élément permettant
d’attester de la conformité du médicament auprès
des différents intervenants de la filière. De cette
façon, les fraudes, les placebos et autres produits
périmés pourront être plus facilement éliminés.
III) Les limites de cette technologie
III.A) Le secret médical
Le secteur médical est un secteur particulier. Il est
soumis à de nombreuses réglementations, parmi
lesquelles l’obligation de protéger le secret médical.
Les technologies de radio-identification peuvent
être utiles pour des finalités légitimes bien définies,
mais pourrait permettre potentiellement un
profilage des individus du fait de l’accumulation
d’informations sur les patients. La CNIL
(Commission Nationale de l’Informatique et des
Libertés) considère qu’il s’agit d’un risque tout à
fait particulier et considère que les informations des
puces RFID sont des données personnelles au sens
de la loi Informatique et Libertés comme à celui de
la directive 95/46. Les exigences en termes de
sécurité et de protection des informations sont donc
extrêmement fortes et devront bénéficier d’une
attention toute particulière pour ces nouveaux
systèmes [8]. L’autre enjeu est de veiller à ce
qu’une personne habilitée ne puisse accéder qu’aux
informations dont elle a besoin pour soigner le
patient.
III.B) Les risques sanitaires
Par ailleurs, puisque nous abordons le thème de la
santé, qu’en est-il des risques sanitaires liés à
l’utilisation d’une telle technologie ? A ce sujet, en
novembre 2005, l’Affset (Agence française de
sécurité sanitaire de l'environnement) avait été
4. saisie par l'association France Nature
Environnement pour évaluer les impacts éventuels
des technologies d'identification par
radiofréquences (RFID) sur l'environnement et la
santé humaine. Dans son avis, publié en Février
2009 [9], l'Afsset indique que « les valeurs limites
d'exposition des personnes aux champs
électromagnétiques proposées par l'ICNIRP1 en
1998 ont été reprises par la réglementation
française, et n'ont pas été remises en cause depuis
lors par cette commission. Ces valeurs limites
garantissent la protection des personnes contre les
effets connus et avérés de l'exposition aux champs
électromagnétiques. »
L'Afsset reste prudente en soulignant que « les
systèmes RFID engendrent une exposition très
faible des personnes au champ électromagnétique,
en comparaison d'autres sources, comme par
exemple l'usage d'un téléphone mobile».
Dans le cadre professionnel cependant, « du fait des
faibles distances observées entre l'interrogateur et
certains postes de travail, l'exposition
professionnelle, quoique toujours inférieure aux
valeurs limites d'exposition dans les cas observés,
peut être non négligeable. Il existe donc une très
grande variabilité des situations d'exposition. »
L'agence recommande donc une poursuite des
études sur les effets biologiques des rayonnements
aux fréquences spécifiques des RFID, et de
«concentrer les recherches sur les expositions
professionnelles utilisant des systèmes RFID à
fonctionnement continu, qui représentent les
scénarios d'exposition identifiés les plus
défavorables».
L'association relève parmi les points clés du
rapport que « les experts ne se sont pas penchés sur
le cas des effets d'implantation de RFID dans le
corps humain, pratique qui est déjà une réalité dans
d'autres pays ». A ce sujet, l’un des rares
témoignages provient du Dr John Halamka de
Boston qui a implanté une puce RFID sous sa peau.
Il a confirmé qu’il n’avait ressenti aucun effet
physique suite à l’opération d’insertion de la puce
qui a eu lieu seulement en 5 minutes. Cette puce
RFID reste indétectable par les détecteurs de
métaux à l’aéroport ou bien par une radiographie de
la main. En revanche, cette puce a pu être repérée
par le lecteur RFID d’un supermarché qui opère à la
fréquence de 134,2 kHz. Bien heureusement, ce
lecteur n’a pas réussi à lire les informations dans
l’étiquette [10].
III.C) L’acceptation de la société
La question de l’acceptation de la société envers
cette nouvelle technologie se pose toujours. Les
gens sont-ils prêts à ce que les informations
médicales soient stockées dans une base de données
? Est-il nécessaire que chaque patient soit localisé
durant tout son séjour à l'hôpital ? Le SNPI
(Syndicat National des Professionnels Infirmiers) a
écrit une lettre au ministère de la santé [11] pour
dénoncer cette pratique qu’ils considèrent comme
dégradante et qui ne devrait être utilisée que pour
des nourrissons ou des personnes démentes
incapables de décliner leur identité ou leurs
symptômes. De nombreuses infirmières ont refusé
de participer à ce qu’elles appellent une
“chosification du patient” et préfèrent défendre la
valeur et la dignité humaine du malade au sein de
l’univers hospitalier.
Conclusion
La technologie RFID est pleine de promesses.
Cependant, comme tout nouveau système, il
possède ses avantages et ses inconvénients. De
nombreuses applications au niveau médical restent
à inventer ou à perfectionner. Les principaux enjeux
resteront la sécurité et la confidentialité des
informations, son acceptation par la société et
également son coût qui jouera sans doute en sa
défaveur. A titre d’exemple, les pays pauvres qui
sont pourtant les plus touchés par le trafic de
médicaments ne seront sans doute pas en mesure de
s’équiper pour enrayer cette menace.
Références
1) Gencod EAN France (2004) L’identification par
Radio Fréquence Principe et applications.
2) Annals of telecommunication Sept/Oct 2010
RFID in eHealth systems: applications, challenges
and perspectives
3) L’hôpital du futur mise sur la traçabilité, La
Tribune, MERCREDI 14 NOVEMBRE 2007
4) L'hôpital de Nice « trace » les malades grâce à la
RFID Les Echos n° 2002 8 -18 /10/07 • page 23
5) Reportage d’EuraRFID « La montre RFID pour
les seniors », www.dailymotion.com/citceurarfid
6) RFID et l'internet des choses, Hervé Chabanne,
Hermès, page 137 à 139
7) Guillemin C (juillet 2005), Des hôpitaux
marseillais mettent la RFID en tube, ZDNet.
8) La radio-identification, Fiche pratique CNIL,
http://www.cnil.fr/
9) AVIS de l’Agence française de sécurité sanitaire
de l’environnement et du travail (AFFSET)
26/1/2009
10) What are the Benefits and Risks of Fitting
Patients With RFID Devices?: John Halamka's
Viewpoint: RFID Devices Enable Patients to Be
Stewards of Their Own Health Data,
http://www.medscape.com/
11) Actions du Lobby infirmier, Bracelet
d’identification : le SNPI saisit le Ministère, site
Syndicat Infirmière, http://www.syndicat-
infirmier.com