1. 8|A&D
Odile Decq
LE DEVOIR DE RÊVER
L’immobilier tertiaire est trop souvent régi
par des préceptes conformistes où des
promoteurs inquiets tentent d’imposer des
concepts sans ambition aux architectes.
Les immeubles de bureaux ont pourtant
vocation à être bien plus que des produits
sécables imaginés pour satisfaire une
rentabilité à court terme. Le secteur ne
retirerait que des bénéfices à confier
des projets d’envergure à des architectes
au caractère bien trempé et à l’œuvre Beaucoup a été dit et écrit sur Odile Decq, elle a été qualifiée d’ar-
architecturale hors du commun. Odile Decq chitecte « gothique » ou « punk ». Lorsqu’on la côtoie, on découvre
fait partie de ceux qui peuvent initier une que la chevelure en majesté, le maquillage au tracé précis, la coupe
déstructurée du vêtement, les bijoux extravagants, les yeux noirs,
renaissance qui se fait encore attendre. ne sont en rien un costume d’apparat ou un masque derrière le-
quel elle se cacherait. Bien au contraire, ils la révèlent avec clarté
et l’exposent en toute transparence. L’architecte est fidèle à ses
convictions. Avec vigueur et générosité, Odile Decq vit chaque
jour dans le défi : celui d’être soi. Odile Decq est ce qu’elle fait :
l’œuvre architecturale et l’architecte ne sont qu’un(e). Avec elle,
l’architecture se transforme en « offrande d’humanité ». Issues d’un
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2. LE DEVOIR DE RÊVER A & D | 9
L’immeuble de logements et commerces
Novoli (3 800 m², 5,5 millions €) est situé à
Florence en bordure d’un parc, l’immeuble
est un volume non clos. Les façades orientées
sur le parc et exposées au soleil sont
protégées d’un trop fort ensoleillement par le
décalage progressif des loggias et balcons.
même creuset d’idées et d’inventions, les réalisations architectura- caractéristiques de son style. Les édifices conçus avec l’équipe
les d’Odile Decq ne se répètent jamais, ni ne se ressemblent. Nul de son agence ODBC sont « des vaisseaux flottants projetés vers
besoin d’être savant pour apprécier ou comprendre ses œuvres, l’infini, des vaisseaux métalliques ivres d’espace » raconte avec
elles sont accessibles. Il suffit de se laisser aller lyrisme mais vérité l’historien Michel Vernes.
au plaisir. La sensibilité et la curiosité sont les Le désir est stimulant A la brique, à la pierre ou au bois, Odile Decq
meilleurs moyens de compréhension car cette et nécessaire préfère le verre, le métal, le plastique. Si cette
architecture est avant tout d’essence charnelle. architecture est animée de contrastes et d’op-
Lorsqu’il s’agit de construire, Odile Decq propose toujours des positions, elle se définit également par une mise en forme de
points de vue nouveaux et inattendus. Elle maîtrise la complexité l’espace dans lequel l’être humain se déplace dans un nouveau
et son architecture est constituée de tensions diverses qui s’as- rapport à lui-même, dans lequel la lumière devient poésie. L’es-
socient et se repoussent ; les flèches et les incisions sont des pace et l’air sont des perpétuelles sources d’invention et sont bien
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3. 10 | A & D LE DEVOIR DE RÊVER
L’espace en « hyper tension » et décentré invite à
un parcours dynamique. Le dispositif de rampes
d’accès et de passerelles étagé autour de l’atrium
central relie activement tous les services, depuis
la conservation des œuvres jusqu’au centre de
documentation au dernier niveau.
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Le Fonds Régional d’Art Contemporain de
Bretagne sera terminé courant 2012 (5 000 m²,
11 millions €). Ce lieu d’art contemporain est
traité comme « une expérience de sensations ».
Le bâtiment se présente comme un bloc
monolithique, fendu en deux parallélépipèdes par
une percée verticale qui ouvre sur l’intérieur.
Il n’est pas saugrenu d’imaginer qu’Odile Decq puisse réinven-
ter l’immobilier tertiaire. En 1991, elle a conçu, avec son associé
Benoit Cornette, le siège social de la Banque Populaire de l’Ouest.
Ce bâtiment a marqué les esprits puisqu’il ne respectait pas le
protocole des immeubles de l’industrie bancaire et il demeure une
référence. A cette époque, déjà, alors que le mot n’est pas encore
à la mode, Odile Decq accompagne les employés lors de visites de
chantiers. Elle s’implique pour que la transition vers des plateaux
ouverts et libres soit la plus facile possible pour les utilisateurs.
Les différents protagonistes réunis par un projet d’immeuble de bu-
reaux (l’architecte, les dirigeants et les utilisateurs) n’ont pas tous
les mêmes intérêts, ni les mêmes attentes. Pour dépasser les contra-
dictions et les oppositions et réunir tout le monde autour d’une
seule idée, la réponse de l’architecte ne peut être que l’invention,
le délaissement des conventions architecturales, la soumission de
la routine et la corruption des habitudes. Ne pas se répéter exige de
connaître la culture de l’architecture, ses classiques, ses avant-gar-
des et ses exceptions sur le bout des doigts. Odile Decq n’accepte
de réaliser un projet immobilier que s’il lui est confié en totalité,
même si, en France, rares sont les architectes qui
L’architecture conçoivent l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment.
synthétise des Odile Decq aime se « mêler de tout » et c’est pour
cela que parfois elle inquiète ; récemment encore,
logiques contraires comme elle le raconte, « elle faisait peur ».
En veille permanente elle observe depuis vingt ans tout
plus que de la matière : « ils sont de la chair ». Le noir est bien ce qui a été réalisé en immobilier tertiaire. En matière
plus qu’une marque de fabrique puisque pour l’architecte « seul d’agencement intérieur, elle a remarqué les modes éphémères ou
le noir a du sens »; quant au rouge, c’est une lumière. Odile Decq l’insuffisance de contenu de certains concepts. Depuis toujours,
est convaincue que toute architecture est une expérimentation. elle a conscience que l’architecture d’un bâtiment exprime la
culture et l’image de marque d’une entreprise. Lors de la concep-
Dégagée des certitudes et des immobilismes, elle crée tion, les contraintes sont intégrées et l’environnement de travail
des constructions qui nous entraînent vers l’horizon. abordé comme un tout : « je pars de l’organisation de l’entreprise
L’architecte anglais Peter Cook remarque que le langage archi- pour définir ensuite l’enveloppe extérieure ». L’architecte n’a pas
tectural d’Odile Decq évolue constamment et qu’il est désormais d’images stéréotypées ou de recettes, elle pense aux personnes,
devenu « plus clair, moins rhétorique et mécanique qu’autrefois ». aux modes de travail, aux déplacements, à ce qui est formel et
Au cours des vingt dernières années plus d’une centaine de pro- ce qui est imprévu. Chaque projet est un cas particulier et appelle
jets ont été imaginés. Tous n’ont pas vu le jour, ce qu’Odile Decq une réponse unique. La conception navigue entre dedans et de-
accepte avec philosophie ; cela fait partie du quotidien et de la hors, Odile Decq accorde un soin particulier à imaginer des espa-
fonction de l’architecte d’inventer sans cesse. Elle est aussi, de- ces et des bâtiments en cohérence avec les réalités industrielles.
puis 2007, la directrice de l’École Spéciale d’Architecture à Paris. Elle a le souci de réaliser des projets « qui surprennent mais qui ne
Enseigner l’architecture lui permet « d’apprendre aux étudiants à choquent pas, auxquels l’utilisateur de bureau pourra adhérer ».
résister pour ne pas devenir de simples exécutants au service d’un Elle cherche à faire émerger une solution inédite d’espace de
client, car on devient architecte pour être libre ». Une attention travail, une synthèse des concepts existants (bureau individuel,
toute particulière est portée à la première année d’étude durant plateau ouvert avec postes en batterie, fixe et semi-fixe, bureaux
laquelle les futurs architectes apprennent à développer un posi- non affectés). Dans un contexte où l’immeuble de bureaux est
tionnement critique sur leur métier et leur rôle. Dans le cadre de toujours envisagé sous l’angle du produit, d’une marchandise et
l’école, « du projet est fabriqué en permanence ». A chaque fin de la rentabilité, elle affirme « qu’il faut savoir accepter qu’il y
de semestre, les travaux des étudiants sont exposés au public. ait de l’espace qui, à première vue, ne serve à rien ». La colère
Les élèves des écoles primaires environnantes sont accueillis : demeure indispensable à sa création. Odile Decq s’irrite de la
« il faut irriguer l’envie d’architecture dès le plus jeune âge » « neutralité bienveillante », cette nouvelle forme de pensée uni-
soutient Odile Decq. que qui se banalise et incite à vivre dans le moyen, dans des
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5. 12 | A & D LE DEVOIR DE RÊVER
Situées à l’extrémité de la presqu’île des Docks, les cinq bulles du
restaurant l’Archipel, comme une série d’îlots immobiles, complètent
l’ensemble urbain de Lyon-Confluence. Ces bulles se transforment en
fonction de leur utilisation (vestiaire, cuisine, salon, restaurant).
6. LE DEVOIR DE RÊVER A & D | 13
Le projet de la gare maritime de Tanger se fonde sur
un dispositif qui donne corps et rend palpable l’extrême
tension physique et mentale qui s’exprime à ce point de
passage entre l’Afrique et l’Europe. Cette proposition de
gare maritime est ultramoderne en termes de logistique,
de transport et de traitement des flux migratoires.
univers sans formes, sans odeurs, sans saveurs, sans angles et
sans aspérités. « Ne pas déplaire ne veut pas dire être neutre »,
L’agence ODBC
analyse-t-elle. « Les individus ne sont pas neutres, pourquoi en dates et en réalisations
s’obstine-t-on à vouloir les faire vivre dans un environnement
neutre ? » Chercherait-on à les neutraliser ? Pourquoi les bureaux 1986 Odile Decq et son compagnon
Benoît Cornette fondent l’agence
devraient-ils être très ordonnés ? « Le désordre est quelque chose
d’architecture ODBC.
de créatif, le désordre est nécessaire » ; il n’est pas antinomique 1990 Banque Populaire de l’Ouest.
du confort. Par l’architecture Odile Decq souhaite donner accès 1993 Viaduc de l’autoroute A 14.
à de nouvelles sensations, faire appel à la sensorialité en créant Bibliothèque de l’université de Nantes.
des ambiances différentes, grâce aux matières, aux couleurs et Installation Hypertension à Grenoble.
à la lumière. Le temps du travail ne doit pas être une punition. 1996 Lion d’Or à la biennale d’architecture
de Venise.
Quel serait l’utilité d’une architecture inféodée à la neutralité et
1998 Décès de Benoît Cornette. Odile Decq
refusant toute prise de risque ? poursuit l’aventure de l’agence ODBC.
2001 Extension du Musée d’Art Contemporain
« Les gens sont curieux en vérité, il faut jouer sur ce qui de Rome (MACRO).
peut les étonner, les surprendre ». Il devient indispensable 2003 Aménagement des bureaux de l’agence
de publicité AIR en Belgique.
de s’affranchir de la ligne droite, de l’alignement comme mode
Création du mobilier Métamorphose.
d’organisation de l’espace. « Dans le bureau comme en cuisine, 2004 Pavillon thématique « Images »
il y en a assez de ces façons de faire passe-partout ». Et si on pour l’Exposition internationale.
se laissait aller à imaginer le bureau avec liberté, comme ces 2005 Fonds Régional d’Art Contemporain
nouveaux chefs de cuisine qui développent une gastronomie de Bretagne.
surprenante et savoureuse ? Prendre des libertés dans le secteur 2006 Aménagement du voilier Wally 143’ Esense.
2007 Centre Greenland à Shanghai.
tertiaire se révèle difficile parce que les gardiens du temple sont
Pavillon 8, Les Docks, Quai Rambaud à Lyon.
nombreux : quand certains ne pensent qu’à la rentabilité, d’autres Port de Tanger, Terminal passagers.
se méfient de la nouveauté, recherchent le compromis, ne jurent 2009 Phantom, restaurant de l’Opéra Garnier.
que par les règlements et le principe de précaution. Odile Decq 2010 Installation Perspectives.
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7. 14 | A & D LE DEVOIR DE RÊVER L’extension du Musée d’Art contemporain
de Rome achevée en 2010 (12 000 m²,
budget de 22 millions €) est exceptionnelle
dans sa modernité et son accessibilité.
Inséré dans la complexité d’un ancien site
industriel et confronté à un patrimoine
historique, le nouveau musée se développe
autour du bâtiment existant avec évidence,
dynamisme et mouvement.
La toiture paysage
réinvente la place
publique romaine
ne baisse pas la garde et se méfie des attitudes ou compor-
tements aseptisés qu’elle juge dangereux à long terme ; nous
pourrions être entraînés dans un système de vie très normé qui
pourrait se révéler anti démocratique. « Vous avez le devoir de
rêver », rappelle-t-elle régulièrement à ses étudiants. « Rêver car
il n’y a pas d’autre méthode pour penser le monde de demain ».
Cette recommandation ne concerne pas seulement les jeunes
gens en devenir professionnel, mais chacun d’entre nous et plus
particulièrement tous les acteurs de la filière de l’immobilier
tertiaire. Les temps changent. Les conseils de l’architecte sont
entendus. Aujourd’hui l’agence ODBC déborde de commandes,
Odile Decq est devenue un nom et les développeurs immobiliers
ne s’y trompent pas, ils recherchent désormais sa signature, de-
venue une caution de singularité et même un argument de vente.
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