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sommaire ●
Dossier spécial
Face à la crise
Comment le monde réagit
et s’adapte
Gagnez
des places de cinéma
(pour deux personnes)
pour le dernier film
d’Erwin Wagenhofer
Let’s Make Money
;
JEU CONCOURS
32Irak
Un pays déchiré
mais qui avance7 les sources de cette semaine
8 l’éditorial par Philippe Thureau-Dangin
8 l’invitée K’Naan, URB Magazine, Los Angeles
10 à l’affiche Vanda Pignato
10 ils et elles ont dit
d’un continent à l’autre
13 france
TÉMOIGNAGE L’Algérie, quelques journalistes français et moi
MARCHANDAGE Voler au secours de la Grèce... et du Rafale
CULTURE Cette douce France qui m’a trahi
POLÉMIQUE La nébuleuse stratégie de Mme
Zorro en Afrique
16 europe
MOLDAVIE Les pompiers pyromanes de Chisinau
GÉORGIE Saakachvili marque des points face à l’opposition
ROYAUME-UNI Scotland Yard dans la tourmente
ITALIE Un désastre qui ne surprend pas
ESPAGNE Les lycéens moins tentés par les drogues
POLOGNE Lech Walesa voit rouge
SUÈDE Dix pièces de théâtre pour mieux se comprendre
22 amériques
MEXIQUE Mazatlán, ses plages, ses truands
CUBA Les touristes américains se font désirer
CANADA Rien de nouveau au Nunavut
BOLIVIE Le président, la faim et les moyens
26 asie
DOSSIER Inde : le grand show démocratique
THAÏLANDE Ambiance révolutionnaire à Bangkok
INDONÉSIE Les démocrates résistent aux mauvaises tentations
JAPON Obama ravive un vieil espoir
32 moyen-orient
IRAK Un pays déchiré mais qui avance
ARABIE SAOUDITE Le prince Nayef bientôt sur le trône ?
ÉMIRATS ARABES UNIS Dubaï fait la chasse au bétel
34 afrique
ALGÉRIE Un programme chargé pour Bouteflika
MADAGASCAR L’Afrique australe se trompe de combat
AFRIQUE SUBSAHARIENNE Crise, vous avez dit crise ?
enquêtes et reportages
36 en couverture Obama l’hyperprésident
44 entretien avec Rita Levi Montalcini
47 enquête Israël : tant de colonies hors la loi…
50 débatStatistiques ethniques,arme à double tranchant
intelligences
52 économie
ALIMENTATION Un milliard d’affamés dans le monde
AUTOMOBILE Comment Ford espère s’en sortir tout seul
EMPLOI L’économie informelle amortit les effets de la crise
55 écologie
AGRICULTURE La mort annoncée d’un grenier à blé
56 sciences
ASTROPHYSIQUE Comment fabriquer des astres miniatures
57 multimédia
STRATÉGIE Les mauvais plans de la presse masculine
rubriques
58 le livre Ritual Gunung Kemukus, de F. Rahardi
58 saveurs Belgique : l’asperge à toutes les sauces
59 insolites Après la case élection, la case HP
MakiGalimberti
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 5 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
26Dossier Inde
Le grand show
démocratique
44Entretien
avec Rita Levi
Montalcini
58Le livre
La montagne
magique
BonaBeding
36En couverture
Obama
l’hyperprésident
963 p5:Mise en page 1 14/04/09 19:12 Page 5
7. les sources ●
PARMI LES SOURCES CETTE SEMAINE
ABC 267 000 ex., Espagne,
quotidien. Journal monarchiste
et conservateur depuis sa
création en 1903, ABC a un
aspect un peu désuet unique
en son genre : une centaine
de pages agrafées, avec une
grande photo à la une.
HA’ARETZ 80 000 ex., Israël,
quotidien. Premier journal
publié en hébreu sous le
mandat britannique, en 1919,
“Le Pays” est le journal de
référence chez les politiques
et les intellectuels israéliens.
CAPETIMES 48 000 ex., Afrique
du Sud, quotidien. L’un des
plus vieux journaux
sud-africains, fondé en 1876
par St Leger, un immigré
irlandais, CapeTimes a su
évoluer pour maintenir son
audience. Journal local, il
publie aussi des analyses,
pertinentes, sur les questions
nationales et internationales.
Ses éditoriaux expriment des
opinions plutôt libérales.
CHENGDU SHANGBAO 620 000 ex.
Chine, quotidien. Le “Journal
commercial de Chengdu”, qui
appartient au groupe Chengdu
Ribao Baoye Jituan, est diffusé
dans la province du Sichuan
ainsi que dans la municipalité
autonome de Chongqing,
ce qui lui garantit d’être
le quotidien le plus important
de l’ouest de la Chine.
CLARÍN 650 000 ex., Argentine,
quotidien. Né en 1947, “Le
Clairon” est le titre le plus lu
d’Argentine. Il couvre l’actualité
nationale et internationale. Fait
rare sur le continent, Clarín est
présent dans plusieurs pays
d’Amérique latine grâce à son
réseau de correspondants.
DAGENS NYHETER 360 000 ex.,
Suède, quotidien. Fondé en
1864, c’est le grand quotidien
libéral du matin. Sa page 6 est
célèbre pour les grands débats
d’actualité. “Les Nouvelles du
jour” appartient au groupe
Bonnier, le plus grand éditeur
et propriétaire de journaux en
Suède. Le titre est passé en
format tabloïd en 2004.
THE DAILY STAR 15 000 ex., Liban,
quotidien. “L’Etoile du jour”
est le premier quotidien en
langue étrangère au Liban.
Indépendant et bien documenté,
il publie régulièrement des
articles de la presse anglo-saxonne.
THE DAILYTELEGRAPH 904 660 ex.,
Royaume-Uni, quotidien.
Atlantiste et antieuropéen sur
le fond, pugnace et engagé sur
la forme, c’est le grand journal
conservateur de référence.Fondé
en 1855, il est le dernier des
quotidiens de qualité à ne pas
avoir abandonné le grand format.
L’ESPRESSO 430 000 ex., Italie,
hebdomadaire. Fondé en 1955
par Eugenio Scalfari, qui créera
ensuite La Repubblica, le titre
s’est vite imposé comme le grand
hebdomadaire de centre gauche.
Il appartient à l’industriel
piémontais Carlo De Benedetti,
qui possède également
La Repubblica. Il mène
une lutte acharnée contre
la politique de Berlusconi.
FINANCIALTIMES 448 000 ex.,
Royaume-Uni, quotidien. Le
journal de référence, couleur
saumon, de la City et du reste
du monde. Une couverture
exhaustive de la politique
internationale, de l’économie et
du management.
FRONTLINE 224 000 ex., Inde,
bimensuel. Fondé en 1984, ce
magazine de Madras
appartient au groupe du grand
quotidien du Sud The Hindu.
Volontiers critique à l’égard du
gouvernement, ce journal
indépendant a aussi construit
sa bonne réputation pour sa
couverture du Sri Lanka.
THE GUARDIAN 364 600 ex.,
Royaume-Uni, quotidien.
Depuis 1821, l’indépendance,
la qualité et l’engagement à
gauche caractérisent ce titre qui
abrite certains des chroniqueurs
les plus respectés du pays.
ISTOÉ 370 000 ex., Brésil,
hebdomadaire. Fondé en 1976,
“C’est-à-dire” s’est imposé
comme un des principaux
hebdomadaires du pays. De
tendance libérale et situé au
centre gauche, Istoé s’est bâti
une solide réputation pour
son regard à la fois large
et indépendant, en accord
avec l’esprit combatif
prodémocratique qui oriente
ce magazine depuis sa création.
JORNAL DE LETRAS 11 500 ex.,
Portugal, bimensuel. Le
journal de référence du monde
lusophone dans le domaine des
lettres, des arts et de la culture
en général. Propriété du
groupe suisse Edipresse.
KOMPAS 450 000 ex., Indonésie,
quotidien. Fondé en 1965 pour
s’opposer à la presse
communiste, écrit en
indonésien, “Boussole” est le
plus grand quotidien national,
la référence, avec des enquêtes
de fond sur des faits de société
et des reportages sur les îles
“extérieures”, indonésiennes
mais souvent oubliées par le
centre, Java.
LA LIBRE BELGIQUE 60 900 ex.,
Belgique, quotidien. Ce titre de
qualité des francophones s’est
ouvert à de nouvelles
thématiques sans renier ses
origines catholiques. Edité par
Informations et productions
multimédias (IPM), qui
détiennent également La
Dernière Heure-Les Sports, la
“Libre” a modifié
l’organisation de ses rubriques,
en 1999, puis son format,
en 2002.
MAINICHI SHIMBUN 3 960 000 ex.
(édition du matin),
1 660 000 ex. (édition du soir
au contenu très différent),
Japon, quotidien. Fondé en
1872 sous le nom de Tokyo
Nichi Nichi Shimbun,le
Mainichi Shimbun est le plus
ancien quotidien japonais.
Il a pris la dénomination
actuelle en 1943 lors d’une
fusion avec l’Osaka Mainichi
Shimbun. Centriste, le “Journal
de tous les jours” est le
troisième quotidien national
du pays par la diffusion.
AL-MUSTAQBAL 10 000 ex., Liban,
quotidien. Fondé en 1999 et
spécialisé dans la politique,
“L’Avenir” appartient à l’empire
médiatique de l’ex-Premier
ministre libanais Rafic Hariri
(assassiné le 14 février 2005).
THE NATIONAL 50 000 ex., Emirats
arabes unis, quotidien. Le titre,
créé début 2008, appartient à
une société d'investissement du
prince héritier Mohammed
ben Zayed Al-Nahyan. Ainsi, il
est souvent peu critique dans
sa couverture des événements
intérieurs. Sur l'international,
en revanche, il offre souvent
des reportages et des analyses
de grande qualité.
TA NEA 77 000 ex., Grèce,
quotidien. “Les Nouvelles” est
un titre prestigieux
appartenant au puissant
groupe de presse Lambrakis.
C’est un quotidien de
l’après-midi, proche du
Mouvement socialiste
panhellénique (PASOK).
Populaire et sérieux, il consacre
ses pages à la politique intérieure
et internationale, aux loisirs, au
sport et aux petites annonces.
NEWSWEEK 4 000 000 ex.,
Etats-Unis, hebdomadaire.
Créé en 1933 sur le modèle de
Time, le titre est le deuxième
magazine le plus lu par les
Américains. Il est, en revanche,
le tout premier sur le plan
international. Il compte quatre
éditions en anglais et huit en
langues locales. Sa diffusion
atteint chaque semaine
3,1 millions d’exemplaires aux
Etats-Unis et plus de 900 000
dans le reste du monde.
THE NEWYORKTIMES 1 160 000 ex.
(1 700 000 le dimanche),
Etats-Unis, quotidien. Avec
1 000 journalistes, 29 bureaux
à l’étranger et plus de 80 prix
Pulitzer, c’est de loin le premier
quotidien du pays, dans lequel
on peut lire “all the news that’s
fit to print”(toute l’information
digne d’être publiée).
NEZAVISSIMAÏA GAZETA 42 000 ex.,
Russie, quotidien. “Le Journal
indépendant” a vu le jour fin
1990. Démocrate sans être
libéral, dirigé parVitali
Tretiakov, une personnalité du
journalisme russe, il fut une
tribune critique de centre
gauche. En 2001, il a changé
de rédacteur en chef. Moins
austère, plus accessible, il est
aussi moins virulent.
THE OBSERVER 449 140 ex.,
Royaume-Uni, hebdomadaire.
Le plus ancien des journaux du
dimanche (1791) est aussi l’un
des fleurons de la “qualité
britannique”. Il appartient au
même groupe que le quotidien
The Guardian mais est
d’obédience libérale.
OUTLOOK 250 000 ex., Inde,
hebdomadaire. Créé en
octobre 1995, le titre est très
vite devenu l’un des hebdos de
langue anglaise les plus lus en
Inde. Sa diffusion suit de près
celle d’IndiaToday, l’autre
grand hebdo indien, dont il se
démarque par ses positions
nettement plus critiques.
EL PAÍS 444 000 ex. (777 000 ex.
le dimanche),Espagne,quotidien.
Né en mai 1976, six mois après
la mort de Franco, “Le Pays”
est une institution. Il est le plus
vendu des quotidiens
d’information générale et s’est
imposé comme l’un des vingt
meilleurs journaux du monde.
Plutôt proche des socialistes, il
appartient au groupe de
communication PRISA.
LE PAYS 20 000 ex.,
Burkina Faso, quotidien.
Fondé en octobre 1991,
ce journal indépendant
est rapidement devenu le titre
le plus populaire du Burkina
Faso. Proche de l’opposition,
il multiplie les éditoriaux
au vitriol.
THE POLITICO 25 000 ex.,
Etats-Unis, quotidien.
Estimant que la presse
avait de plus en plus tendance
à négliger l’actualité
politique, deux signatures
importantes du Washington
Post, John F. Harris et Jim
VandeHei, ont quitté
leur journal pour fonder ce
quotidien en ligne
dont une version papier
est diffusée gratuitement
dans la capitale américaine.
PROCESO 100 000 ex.,
Mexique, hebdomadaire.
Créé en 1976
par Julio Scherer García, vieux
routier du journalisme
mexicain,le titre reste fidèle
à son engagement à gauche.
Ses reportages
et son analyse de l’actualité
en font un magazine
de qualité.
LE QUOTIDIEN D’ORAN 190 000 ex.,
Algérie, quotidien.
Quotidien régional fondé
en 1994 à Oran, devenu
national en 1997, c’est
désormais le premier quotidien
francophone du pays. Sérieux,
surtout lu par les cadres, il
rassemble les meilleures
signatures de journalistes et
d’intellectuels d’Algérie dans
son édition du jeudi.
THE STRAITSTIMES 388 000 ex.,
Singapour, quotidien. Fondé
en 1845, c’est le quotidien le
plus lu de la cité-Etat. Journal
anglophone de référence en
Asie du Sud-Est, il adopte des
positions proches du
gouvernement singapourien
mais offre de bonnes analyses
sur tous les pays voisins.
TEMPO 160 000 ex., Indonésie,
hebdomadaire. Le titre fut
publié pour la première fois en
avril 1971 par P.T. Grafitti
Pers, dans l’intention d’offrir
au public indonésien de
nouvelles façons de lire
l’information : une liberté
d’analyse et le respect des
divergences d’opinion.
THETIMES 618 160 ex.,
Royaume-Uni, quotidien. Le
plus ancien des quotidiens
britanniques (1785) et le plus
connu à l’étranger appartient
depuis 1981 à Rupert
Murdoch. Il a longtemps été le
journal de référence et la voix
de l’establishment.Aujourd’hui,
il a un peu perdu de son
influence et les mauvaises
langues l’accusent de refléter
les idées conservatrices
de son propriétaire.
TIMPUL 47 000 ex., Moldavie,
quotidien. “LeTemps”,
hebdomadaire depuis sa création
en 2003, devient quotidien en
mars 2009. Il est édité par le
groupe de presseTimpul de
dimineata (Le temps du matin).
24 SAATI 10 000 ex., Géorgie,
quotidien. “24 Heures” a été
créé en 2002 par le groupe
RUSTAVI 2 (propriétaire
de la chaîne de télé RUSTAVI 2
qui a fait l’objet d’une tentative
de fermeture par
l’administration Chevardnadze
en 2001). Ce quotidien
à la sensibilité libérale et
pro-occidentale est réputé
pour ses signatures, sa qualité
d’écriture et ses photos.
THETORONTO STAR 400 000 ex.,
Canada (Ontario), quotidien.
Fondé en 1893 lors d'un conflit
social, le journal continue de
défendre les intérêts des
travailleurs. Il se fait fort de
défendre aussi une vision du
Canada fort, uni et indépendant,
la justice sociale, les libertés
civiles et individuelles,
l'engagement civique.
URB MAGAZINE 75 000 ex.,
Etats-Unis, mensuel. En 1990,
le DJ et grapheur Raymond
Roker lançait une feuille de
chou de 24 pages dédiée à la
musique électronique et au
hip-hop. Aujourd’hui, URB
(pour "urban") est un mensuel
de plus de 150 pages diffusé
internationalement. Son
horizon s’est élargi à la house
et à la soul, et il s’intéresse
également à l’art en général et
à la technologie.
THEWALL STREET JOURNAL
2 000 000 ex., Etats-Unis,
quotidien. C’est la bible des
milieux d’affaires. Mais à
manier avec précaution : d’un
côté, des enquêtes et
reportages de grande qualité ;
de l’autre, des pages éditoriales
tellement partisanes qu’elles
tombent trop souvent dans la
mauvaise foi la plus flagrante.
THEWASHINGTON POST 700 000 ex.,
Etats-Unis, quotidien.
Recherche de la vérité,
indépendance : la publication
des rapports secrets du
Pentagone sur la guerre du
Vietnam ou les révélations sur
l’affaire duWatergate ont
démontré que le Post vit selon
certains principes. Un grand
quotidien de centre droit.
DIEWELT 202 000 ex.,
Allemagne, quotidien. “Le
Monde”, porte-drapeau des
éditions Springer, est une sorte
de Figaro à l’allemande.
Très complet dans le domaine
économique, il est aussi lu
pour ses pages concernant
le tourisme et l’immobilier.
WIRED ITALIA 250 000 ex.,
Italie, mensuel. La version
transalpine du célèbre
magazine de nouvelles
technologies (fondé en
mars 1993 à San Francisco)
paraît à Milan depuis mars
2009. Elle reproduit
le graphisme et reprend
une petite partie du contenu
de Wired.
TEHELKA 100 000 ex., Inde, hebdomadaire.
Créé en 2000,Tehelka était à l’origine un jour-
nal en ligne connu pour son indépendance.
Devenu magazine en 2004, il a bâti sa répu-
tation grâce à ses enquêtes sur la corruption
et est devenu une référence en révélant les scan-
dales liés au trucage des matchs de cricket.
Edité par Courrier international SA, société anonyme avec directoire
et conseil de surveillance au capital de 106 400 €
Actionnaire : Le Monde Publications internationales SA.
Directoire : Philippe Thureau-Dangin, président et directeur de la publication ;
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Conseil de surveillance : David Guiraud, président ; Eric Fottorino, vice-président
Dépôt légal : avril 2009 - Commission paritaire n° 0712C82101
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(Japon) Moyen-Orient Marc Saghié (chef de service, 16 69), Hamdam Mostafavi
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Nagahama (japonais), Ngoc-Dung Phan (anglais, vietnamien), Olivier Ragasol
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Révision Elisabeth Berthou (chef de service, 16 42), Pierre Bancel, Philippe
Czerepak, Fabienne Gérard, Philippe Planche
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(16 83), Lidwine Kervella (16 10)
Maquette Marie Varéon (chef de service, 16 67), Catherine Doutey,
Nathalie Le Dréau, Gilles de Obaldia , Denis Scudeller, Jonnathan Renaud-Badet
Cartographie Thierry Gauthé (16 70) Infographie Catherine Doutey (16 66),
Emmanuelle Anquetil (colorisation) Calligraphie Hélène Ho (Chine), Abdollah
Kiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon) Informatique Denis Scudeller (16 84)
Fabrication Patrice Rochas (directeur) et Nathalie Communeau (directrice
adjointe, 01 48 88 65 35). Impression, brochage : Maury, 45191 Malesherbes.
Routage : France-Routage, 77183 Croissy-Beaubourg
Ont participé à ce numéro Alice Andersen, Hanno Baumfelder, Gilles Berton,
Aurélie Boissière, Marianne Bonneau, Jean-Baptiste Bor, Valérie Brunissen,
Geneviève Deschamps, Valeria Dias de Abreu, Alexandre Errichiello, Mira Kamdar,
Charlotte de L’Escale, Françoise Liffran, Valentine Morizot, Amal Neffati, Marina
Niggli, Josiane Pétricca, Laurent Raymond, Margaux Revol, Stéphanie Saindon,
Isabelle Taudière, Emmanuel Tronquart, Zhang Zhulin
ADMINISTRATION - COMMERCIAL
Directeur délégué Régis Confavreux (17 46).Assistantes : Sophie Jan et Natacha
Scheubel (16 99). Responsable contrôle de gestion : Stéphanie Davoust (16 05),
Laura Barbier. Responsable des droits : Dalila Bounekta (16 16). Comptabilité :
01 48 88 45 02
Relations extérieures Victor Dekyvère (16 44) Partenariats Sophie Jan (16 99)
Ventes au numéro Directeur commercial : Patrick de Baecque. Responsable
publications : Brigitte Billiard. Direction des ventes au numéro : Hervé Bonnaud.
Chef de produit : Jérôme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40). Diffusion
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Montillet Marketing, abonnement Pascale Latour (directrice, 16 90), Sophie
Gerbaud (16 18), Véronique Lallemand (16 91), Sweeta Subbaamah (16 89)
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Courrier international n° 963
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COURRIER INTERNATIONAL N° 963 7 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
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8. ÉDITORIAL l’invité ●
K’Naan, URB Magazine (extraits), Los Angeles
P
eut-on vraiment être pour la piraterie ? A part
les bandits des mers et les jeunes filles qui fan-
tasment sur Johnny Depp, est-ce qu’un indi-
vidu attaché à un honnête comportement
humain peut vraiment déclarer soutenir la
piraterie ? Eh bien, en Somalie, la réponse est :
c’est compliqué. Il est vrai que le détourne-
ment des navires dans le golfe d’Aden fait
peser une menace importante sur cette route commer-
ciale très fréquentée entre l’Asie et l’Europe. Il est éga-
lement vrai que l’argent est le principal objectif pour la
plupart des pirates qui opèrent sur ces vastes côtes. Mais
il se trouve que nous, les Somaliens, avons un peu de mal
à condamner nos pirates.
Voilà pourquoi.
La Somalie n’a plus de
gouvernement en état de
marche depuis 1991.Après le
renversement de Siyad Barre,
le dictateur qui a dirigé le pays
pendant une vingtaine d’an-
nées, deux grandes forces du
clan Hawiye sont arrivées au
pouvoir.Ali Mahdi et le géné-
ral Mohamed Farah Aidid, les
deux chefs des rebelles
Hawiye, ont à l’époque été
considérés comme des libé-
rateurs. Leur unité et celle de
leurs clans respectifs n’ont
cependant duré que très peu de temps : un désaccord sur
le fait de savoir qui allait passer du statut de chef de milice
à celui de président a provoqué l’une des guerres les plus
dévastatrices de l’histoire somalienne et a fait des millions
de réfugiés et des centaines de milliers de morts. Or la
guerre coûte cher et les milices ont besoin de nourriture
pour leur famille et de jaad (un stimulant à base d’am-
phétamines) pour les combats. Les hommes d’Aidid ont
alors commencé à piller les camions de l’aide interna-
tionale qui apportaient des vivres aux masses affamées
et à en revendre le contenu pour continuer leur guerre.Ali
Mahdi avait pour sa part les yeux rivés sur une ressource
plus vaste et moins exploitée : l’océan Indien.
A cette époque, les pêcheurs locaux dénonçaient déjà
ces bateaux qui entraient illégalement dans les eaux
somaliennes et volaient tout le poisson, mais ils n’étaient
pas entendus. Au même moment, une pratique plus
sinistre et plus méprisante fut lancée. Une société suisse
du nom d’Achair Partners et une entreprise italienne
appelée Progresso conclurent avec Ali Mahdi un accord
qui les autorisait à déposer des conteneurs de déchets
dans les eaux somaliennes. Ces sociétés européennes
versaient, dit-on, dans les 3 dollars la tonne [8 dollars
selon un article de Times de mars 2005] aux seigneurs
de la guerre, alors qu’en Europe se débarrasser d’une
tonne de déchets coûte dans les 1 000 dollars.
Le tsunami de 2004 a fracassé plusieurs conteneurs
qui se sont répandus sur la côte et des milliers de per-
sonnes de la région du Puntland ont commencé à se
plaindre de troubles graves et sans précédent : hémor-
ragies abdominales, ulcères cutanés et plusieurs symp-
tômes similaires à ceux du
cancer. Selon Nick Nuttall,
un porte-parole du Pro-
gramme des Nations unies
pour l’environnement, les
conteneurs renfermaient dif-
férents types de déchets,
parmi lesquels “de l’uranium,
d’autres déchets radioactifs,des
métaux lourds, comme du
plomb, du cadmium, du mer-
cure, et des déchets chimiques”.
Et cette pratique continue de
nos jours, selon les Nations
unies. Ce n’est que plusieurs
mois plus tard que les
pêcheurs locaux, accompa-
gnés de milices terrestres, se sont lancés sur les eaux pour
empêcher les Occidentaux de détruire complètement et
en toute impunité la vie marine somalienne. Aujourd’hui,
leurs objectifs sont moins nobles et les anciens pêcheurs
et leurs milices se sont mis à rançonner les navires. Cette
forme de piraterie représente un élément important de
l’économie somalienne, en particulier dans la région où
les sociétés privées de traitement des déchets ont enterré
leurs pièges mortels pour notre pays.
Il est temps que le monde donne au peuple soma-
lien l’assurance que ces activités occidentales illégales
cesseront si nos pirates mettent fin à leurs opérations.
Nous ne voulons pas que l’UE et l’OTAN protègent les
voyous qui se débarrassent chez nous de leurs déchets
nucléaires. Pour moi, cette nouvelle crise est une ques-
tion de justice – mais de justice pour qui ? Ça reste à
voir. Comme on le constate en ce moment, le pirate des
uns est le garde-côte des autres. ■
Après presque cent jours d’exer-
cice du pouvoir, on connaît
habituellement assez bien un nou-
veau président. Pour ce qui est
d’Obama, ce n’est pas le cas. Dans
les grandes lignes, on voit sa poli-
tique, mais l’homme garde ses
mystères et ses objectifs sont mal connus. Malgré
l’état de grâce dont il bénéficie, quatre types de cri-
tiques lui sont adressées, qui viennent des médias,
de la droite et de son propre camp.
Des observateurs lui reprochent une certaine
improvisation. Ses erreurs dans le choix des
hommes sont montrées du doigt. Avoir tenu à gar-
der Timothy Geithner comme ministre des
Finances, malgré ses démêlés fiscaux, serait une
preuve que l’ambition d’Obama de composer un
gouvernement “propre” n’est qu’une façade… Il
y a une part de vrai dans ces critiques : le 44e
pré-
sident des Etats-Unis fait confiance aux hommes
et aux femmes qui l’entourent. Au point parfois
d’oublier de les contrôler.
Deuxième critique, martelée par les républicains
dès le jour de sa prise de fonctions : Obama est
un étatiste, une sorte de liberal prêt à nationaliser,
à augmenter les impôts et, finalement, à réduire
l’espace de liberté des Américains. L’argument,
en grande partie dénué de fondements, fait
mouche dans une partie de l’opinion. C’est pour-
quoi Obama, qui voulait pourtant rassembler les
Américains, les divise au contraire.Très apprécié
par une forte majorité, il est détesté par une mino-
rité. Mais sans doute sa couleur de peau y est-elle
pour quelque chose…
Troisième angle d’attaque : il ne réforme pas assez.
Cette fois, ce sont plusieurs économistes proches
des démocrates, comme Joseph Stiglitz et Paul
Krugman, qui s’en prennent au président [voir
notre dossier pp.36-43]. A leurs yeux, Obama rate-
rait une chance historique de nettoyer le système
financier américain (et mondial), ferait trop
confiance à des hommes comme Geithner, qui
viennent précisément de Wall Street, autrement
dit des suppôts du diable… Et ces économistes
appellent à des nationalisations en masse, une
forme de gestion de l’économie peu en vogue
outre-Atlantique, qui passerait de toute manière
très difficilement l’obstacle du Congrès, lequel a
son mot à dire – beaucoup plus qu’en France,
où nous avons un Parlement aux ordres.
Enfin, quatrième tir direct, celui qui vient de The
Economist.L’hebdomadaire britannique, très influent
en Amérique, a consacré voici trois semaines une
couverture à Obama avec un titre sévère : “Lear-
ning the Hard Way” [Apprentissage à la dure]. Prin-
cipaux reproches : le président veut trop en faire ;
et il s’occupe à la fois du court terme et du long
terme. Bref, il ferait mieux de consacrer toutes ses
forces à la crise économique et de laisser le reste (la
couverture santé, l’immigration, l’écologie,Cuba, etc.)
pour des jours meilleurs.
Je pense pour ma part que The Economist se
trompe. Outre le fait qu’un mandat ne dure que
quatre ans, c’est tout à l’honneur d’Obama de
prendre à bras-le-corps tous les dossiers aban-
donnés ou gâchés par Bush. Car c’est dans ces
moments de crise que l’on peut imposer d’autres
paradigmes. Et il le fait avec plus de méthode
et plus de profondeur qu’un Nicolas Sarkozy,
toujours suspect d’opportunisme. L’hyperpré-
sident, le vrai, c’est lui.
Philippe Thureau-Dangin
Les quatre critiques
et l’hyperprésident
BenjaminKanarek
Pirates par
désespoir
■ Poète et chanteur de hip-hop somalien,
K’Naan,né en 1978,a vécu à Mogadiscio,
avant que sa famille ne quitte le pays, en
proie à la guerre civile, pour s’installer à
New York puis à Toronto. Repéré en 2001
parYoussou N’Dour,il a,depuis,enregistré
un album et effectué plusieurs tournées.
AndrewH.Walker/GettyImages
R E C T I F I C A T I F
■ Production d’or
Dans le petit texte
d’accompagnement
de l’article “Nouvelle
ruée vers l’or”
(CI n° 959, du 19 mars 2009,
p. 47), nous avons
écrit par erreur
qu’en 2008 la Chine
avait extrait 300 millions
de tonnes d’or.
“Si c’était le cas”,
nous fait remarquer
un lecteur, “l’or n’aurait plus
qu’une très faible valeur !”
La production aurifère
de la Chine est en réalité
de 300 tonnes,
ce qui fait de ce pays
le numéro un mondial.
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 8 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
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10. à l’affiche ●
Salvador Une passion nommée Vanda
L
’histoire qui a transformé la
Brésilienne Vanda Pignato en
première dame du Salvador est
digne d’un roman.Alors qu’elle
dirigeait le centre d’études de
l’ambassade du Brésil au Sal-
vador, elle a un jour été conviée
à donner son avis sur l’impor-
tation de plusieurs telenovelas brésiliennes
en Amérique centrale. Au siège de la
chaîne Canal 12, chargée d’acheter les
séries, elle a demandé à rencontrer le
journaliste vedette de la station, Mau-
ricio Funes, également correspondant
de CNN au Salvador. “J’étais une fan de
son style et de son indépendance”, explique-
t-elle en évoquant cette première ren-
contre, il y a quinze ans. “Ce fut un véri-
table coup de foudre, comme dans les
meilleures telenovelas”, raconte-t-elle.
Le chapitre le plus récent de cette belle
histoire d’amour vient de s’écrire à la
suite de l’élection de Mauricio Funes
(49 ans) à la présidence de la République
du Salvador [le 15 mars dernier]. Son
parti, l’ancien bras armé du FMLN (le
Front de libération nationale Farabundo
Martí), a déposé les armes en 1992 après
douze ans de guerre civile. “C’est le
triomphe des citoyens qui ont foi en l’espé-
rance et ont vaincu la peur”, a déclaré
Funes la nuit de son élection. Cette
phrase rappelle étrangement celle du pré-
sident [brésilien] Lula da Silva lors de
son élection en 2002.
Cinq jours après ce triomphe électoral,
le nouveau président salvadorien a débar-
qué à São Paulo au bras de la première
dame. Ils sont allés directement chez les
parents deVanda, àTatapué, un quartier
pauvre de la ville où Vanda a vécu jus-
qu’à ses 27 ans. Le couple venait cher-
cher leur fils, Gabriel, âgé de 17 mois,
qu’ils avaient envoyé fin janvier au Bré-
sil pour l’éloigner des remous de la cam-
pagne électorale. “La séparation a été dra-
matique, mais nous n’avions pas le choix.
Nous avions fait l’objet de beaucoup de
menaces”, expliqueVanda, qui est deve-
nue mère à 45 ans.
Le destin deVanda Pignato a toujours été
lié au Salvador. Lorsqu’elle a commencé
sa carrière d’avocate spécialisée dans la
défense des droits de l’homme, elle a
fondé plusieurs associations d’aide huma-
nitaire en direction des pays d’Amérique
centrale ravagés par des guerres civiles.
C’est à cette époque qu’elle a rencontré
son premier mari, le Salvadorien Ernesto
Zelayandía, représentant du FMLN au
Brésil. Quand la jeune femme a décidé de
partir vivre au Salvador, en 1992, le
FMLN s’est transformé en parti politique
et s’est lancé à la conquête du pouvoir par
le biais des urnes. Quatre fois de suite,
le parti de gauche a échoué aux élections.
Jusqu’à la victoire de mars dernier.
En 1993, le gouvernement brésilien d’Ita-
mar Franco engage Vanda à diriger le
Centre d’études de l’ambassade du Bré-
sil au Salvador. Une responsabilité qu’elle
avait conservée jusqu’à ces dernières
semaines, mais qu’elle a abandonnée
depuis qu’elle est devenue première dame
du Salvador, pour éviter les conflits d’in-
térêts diplomatiques. En octobre dernier,
elle a décidé de prendre la nationalité sal-
vadorienne. Parallèlement à son travail
à l’ambassade,Vanda est restée militante
politique. Elle a fondé le secrétariat des
relations internationales du PT [Parti des
travailleurs, le parti du président Lula da
Silva]. Elle a étendu cette représentation
à toute l’Amérique centrale. Dès le début
de la campagne de son mari, elle s’est
chargée de le présenter au président bré-
silien. Le contact étroit qu’elle a su favo-
riser entre les deux hommes a permis de
désamorcer les critiques des adversaires
politiques de Funes, qui accusaient l’an-
cien guérillero de vouloir transformer le
Salvador en satellite duVenezuela. Le Sal-
vador de Funes semble aujourd’hui plus
s’apparenter à la gauche modérée d’un
Lula qu’à l’extrémisme antiaméricain d’un
Chávez. Un atout important pour ce petit
pays, dont l’allié principal reste les Etats-
Unis : les transferts d’argent envoyés par
les quelque 2 millions de Salvadoriens
émigrés aux Etats-unis représentent 17 %
de son PIB.
Luiza Villaméa, Istoé, São Paulo
I L S E T E L L E S O N T D I T
PERSONNALITÉS DE DEMAIN
BARACK OBAMA, président
des Etats-Unis
■ Vantard
Préfère-t-il porter des slips ou
des caleçons ? “Je ne veux pas
répondre à ce genre de questions
humiliantes.Mais je suis aussi beau
en slip qu’en caleçon.”
(The Guardian, Londres)
JOHN GRAY, philosophe
britannique
■ Déçu
“On n’affronte pas nos problèmes.
Le monde politique vit sous Prozac.”
A propos de la crise financière
actuelle,qui,selon lui,est une crise
du capitalisme global.
(The Independent, Londres)
LECH WALESA,
ex-président
de la Pologne
■ Encourageant
“Si vous voulez vous battre,ne m’at-
tendez pas ! Commencez de lutter
tout de suite !” Avec une centaine
d’autres personnalités – comme
Jimmy Carter ou Mikhaïl Gorba-
tchev –, il a signé un appel au
secrétaire général des Nations
unies Ban Ki-moon, pour qu’il fasse
pression sur la junte militaire bir-
mane afin qu’elle libère tous les
prisonniers politiques du pays.
(The Irrawaddy, Chiangmai)
MICHAEL
BLOOMBERG,
maire
de New York
■ Expert
Pour lui, il n’y a
aucune corrélation
entre la crise
économique et
les fusillades
qui ensan-
glantent sa
ville. “Ceux qui sortent de
chez eux pour tuer d’autres
gens ne lisent pas le Wall Street
Journal”, croit savoir cet
homme d’affaires qui a fait fortune
dans l’information financière.
(The Politico, Arlington)
GEORGE CAESAR,
homme d’affaires
britannique (76 ans)
■ Joueur
“Dans la vie, il faut savoir prendre
des risques”, explique ce jeune
marié, qui a choisi pour
épouse Linda Calvey,
alias “La Veuve noire”.
La nouvelle madame
Caesar, qui a passé
28 de ses 61 prin-
temps en prison
pour meurtre,
doit son sur-
nom au fait
que la plupart
de ses amants
ont été assas-
sinés ou ont fini derrière
les barreaux.
(The SundayTimes,Londres)
GAFUR LIVAL, directeur
du Centre régional
d’analyses de Kaboul
■ Amnésique
“Les Russes doivent revenir en
Afghanistan !” Selon lui, Moscou
pourrait jouer un rôle déterminant
dans la reconstruction de l’Etat
afghan et apporter de l’aide à la
coalition internationale contre le
terrorisme. (Akipress.kg, Bichkek)
ABDULLAH GÜL, président
de la Turquie
■ Faiseur de miracles
“Le conflit du Haut-Karabakh est le
problème le plus grave dans le Cau-
case [du Sud]. Je pense que ce pro-
blème sera résolu avant la fin de
2009.”Cette région majoritairement
peuplée par les Arméniens a fait
sécession de l’Azerbaïdjan en
1994, mais son indépendance
n’est pas reconnue par la com-
munauté internationale.
(Trend.az, Bakou)
SAYEDDA WARSI
Etonnante tory
Femme, jeune, issue
de la classe ouvrière,
d’origine pakistanaise,
musulmane et mère céli-
bataire d’une fille de
11 ans, Sayedda Warsi
n’a pas le profil habituel
d’une baronne britan-
nique. Elle siège pourtant
à la Chambre des lords depuis deux ans,sur les
bancs,paradoxe supplémentaire,du Parti conser-
vateur. Car,à 38 ans,la musulmane la plus puis-
sante du Royaume – comme le dit la Commis-
sion pour l’égalité et les droits de l’homme – est
l’un des visages de la modernisation des tories
engagée par leur leader, David Cameron. Pour
elle,être conservatrice,c’est avoir “la vision que,
si vous travaillez dur, vous pouvez être ce que
vous voulez”. Une leçon qu’elle tient de son père,
arrivé du Pakistan avec 2,5 livres en poche ; il a
été successivement conducteur de bus, puis
chauffeur avant de monter une prospère affaire
de vente de literie.
Adolescente,elle se voyait dans le théâtre,dra-
maturge ou metteuse en scène,quand sa mère
la voulait comptable, ou avocate, ou médecin.
Elle n’aimait ni le sang ni les chiffres ; elle fit du
droit. Désormais ministre de la Cohésion sociale
du cabinet fantôme, elle soigne son profil poli-
tique en fustigeant l’attitude “paternaliste” des
travaillistes envers les minorités ethniques et reli-
gieuses. Ce qui ne l’empêche pas, au risque
de déplaire à ses collègues, d’estimer que les
lois antiterroristes radicalisent les jeunes musul-
mans et de défendre le dialogue avec l’extrême
droite et les organisations islamistes radicales.
(D’après The Guardian, Londres)
ZUHAL SULTAN
Tout pour la musique
Il y a quelques jours,
cette pianiste de
17 ans donnait son pre-
mier récital à Londres.
Mais elle s’est déjà,avec
l’Orchestre national sym-
phonique irakien,où elle
est désormais soliste,
produite aux Etats-Unis,
en France et dans bien d’autres pays. Elle a
vécu son adolescence dans un Irak en guerre,
a perdu son père et sa mère au cours des
quatre dernières années – l’un de maladie,
l’autre dans les violences liées au conflit ; elle
a dû travailler seule son piano entre 2004
et 2007 : sa professeure avait quitté le pays.
A 6 ans, elle jouait sur un clavier électrique
d’enfant des airs entendus à la télévision. Sa
mère l’a alors mise au “vrai” piano, avec une
professeure réputée qui a rapidement quali-
fié Zuhal de “miracle”. La fillette a ensuite
étudié à la prestigieuse Ecole de musique
et de danse de Bagdad, avant d’être admise
à l’Orchestre national.
Zuhal Sultan a désormais deux ambitions :
créer dans son pays un orchestre national de
jeunes musiciens et devenir la première
femme chef d’orchestre en Irak. Elle semble
être sur la bonne voie.
(D’après The Times, Londres)
VANDA PIGNATO, 46 ans,est l’épouse du premier
président de gauche du Salvador, Mauricio Funes.
Cette avocate brésilienne d’origine modeste, spé-
cialiste de la défense des droits de l’homme et
proche du président Lula, a provoqué un rappro-
chement politique entre le Brésil et le Salvador.
RexFeatures/Rex/SIPA
DR
DR
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 10 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
◀ Dessin de Prigge, Etats-Unis.
963 p.10:Mise en page 1 14/04/09 19:13 Page 10
13. TÉMOIGNAGE
L’Algérie, quelques journalistes français et moi
Peu avant l’élection présidentielle algérienne, le journaliste Akram Belkaïd a été
assailli de demandes pressantes de confrères français. Récit drolatique.
LE QUOTIDIEN D’ORAN
Alger
P
remier appel. Allô ? Bonjour.
Akrane Belkaïm ? Comment ?
Oui, oui, c’est ça. Je n’ai pas
l’habitude de prononcer votre
nom. Je vous appelle de la part deWas-
sila. Son nom de famille ? Je ne l’ai pas
en tête mais elle travaille de temps en
temps pour nous.Vous devinez pour-
quoi je vous appelle. Non ? C’est à pro-
pos de l’élection présidentielle en Algé-
rie. J’ai besoin du nom d’un ou deux
économistes sur place que je pourrais
interviewer. Mon adresse mail ?Vous
ne pouvez pas me la donner tout de
suite ? D’accord, je compte sur vous,
hein ?* [Les astérisques et notes affé-
rentes sont de l’auteur.]
Second appel. Allô, Akram Bel-
kaïd ? Je vous téléphone parce que j’ai
trouvé votre nom sur Internet. Je vous
explique : on va faire une petite cou-
verture de l’élection présidentielle algé-
rienne. Est-ce que vous seriez d’accord
pour être interviewé en direct ? Ce
serait vers 6 h 40. Non, non, c’est bien
du matin que je parle.Vous ne pouvez
vraiment pas ? C’est dommage. Sinon,
vous n’auriez pas quelqu’un à nous
recommander ? Un journaliste algé-
rien par exemple. D’accord, je vous
donne mon adresse mail, ce serait
sympa de votre part.*
Troisième appel. Bonjour, mon-
sieur Belkaïd.Voilà, nous organisons
un plateau à propos de l’Algérie et on
aimerait savoir si vous pouviez nous
aider à le composer. On cherche des
intervenants à propos de l’Algérie qui
aient des choses à dire. Par exemple,
un intellectuel qui serait contre le pou-
voir et un autre qui serait plutôt parti-
san du président Bouteflika. L’idée,
c’est vraiment d’avoir un débat tendu
et sans concessions. Notre règle aussi,
c’est de ne pas inviter les journalistes,
mais je fais appel à vous pour avoir vos
idées. Non, je n’ai aucun budget pour
cela et c’est vraiment une demande
confraternelle. D’accord. Je vous laisse
le temps de la réflexion et vous reve-
nez vers moi. Merci. Au revoir.*
Quatrième appel. Bonjour, mon-
sieur. Je vous téléphone parce que j’ai
un vrai souci. Je cherche en vain un
universitaire français spécialiste de l’Al-
gérie. Oui, oui, je connais les noms de
Stora et de Harbi, mais je cherchais
plutôt un politologue de la jeune géné-
ration. C’est incroyable, non ? On se
dit que les relations entre les deux pays
sont telles qu’il devrait y avoir des
légions de spécialistes, mais je ne trouve
personne.
Cinquième appel. Allô, Akra Bel-
naïm ? Je me permets de vous rappe-
ler parce que je n’ai pas reçu votre
message concernant les économistes
algériens.Vous m’avez oublié ? C’est
vraiment urgent, vous savez. Si vous le
souhaitez, je ne dirai pas que j’ai eu
leur numéro par votre biais. Je sais que
dans certains pays ça ne se fait pas de
donner les coordonnées de ses contacts
à des gens qu’on ne connaît pas. Dites,
pendant que je vous ai, sur quoi à votre
avis faut-il insister à propos de l’ac-
tualité économique algérienne ? Les
tensions sur le prix du tabac à chiquer ?
Vous rigolez ? Non, je ne savais pas que
c’était un vrai dossier. Ah ouais, c’est
original. Ecoutez, je vais creuser ça et
j’attends votre courriel.*
ALLÔ ? VOUS NE CONNAÎTRIEZ
PAS UN GÉNÉRAL, PAR HASARD ?
Sixième appel. Bonjour, monsieur, je
vous téléphone parce que nous orga-
nisons le plateau pour l’émission de
dimanche prochain. On n’en est pas
encore sûr, mais on risque de parler de
l’Algérie. Il y a d’autres sujets concur-
rents, notamment avec ce qu’il se passe
à l’université en France, mais on
penche de plus en plus vers le thème
algérien.On a pensé à vous inviter,mais
avant j’aimerais savoir quelle est votre
position sur cette élection. Comment ?
Je veux simplement m’assurer qu’il n’y
aura pas de redondance sur le plateau.
C’est important pour la bonne marche
de l’émission.Si on invite six personnes
qui ont le même avis, c’est une catas-
trophe pour la bonne marche de l’émis-
sion. Je veux être sûr de votre catégo-
rie pour la bonne marche de l’émission.
Je vous rassure, on fait ça pour tous les
thèmes, ce n’est pas parce qu’il s’agit
de l’Algérie,c’est pour la bonne marche
de l’émission.Ça vous intéresse ? Non ?
Ah bon ?**
Septième appel. Akram Belkaïd ?
Bonjour, je ne sais pas si vous vous sou-
venez de moi, mais on s’était croisés à
Alger en 1992. Ecoutez, depuis, j’ai
vraiment tourné le dos à l’actualité
maghrébine puisque je suis allé vivre
pendant quinze ans en Amérique du
Sud. Là, je reviens à Paris et je me
disais que l’élection présidentielle serait
une bonne occasion pour reprendre le
dossier algérien. Si ça ne vous dérange
pas, j’aimerais bien qu’on se rencontre
pendant deux ou trois heures pour en
parler.Vous êtes très occupé ? Oui, je
comprends. La presse algérienne sur
Internet ? Le problème, c’est que je ne
lis pas l’arabe. Ah, il y a des titres en
langue française ? Ah oui, ça me
revient. Bon, d’accord, je vais com-
mencer par ça et puis j’essaie quand
même de vous rappeler ensuite, hein ?*
Huitième appel.Akrim ? Bonjour,
je ne veux pas avoir l’air de vous har-
celer, mais j’espère toujours avoir les
deux contacts que vous m’avez promis.
Cela dit, je suis en train de me deman-
der si je ne vais pas changer mon fusil
d’épaule. Plutôt que de m’intéresser à
l’économie, j’aimerais mieux parler de
l’armée.Vous n’auriez pas le numéro
de téléphone d’un général ? Quelqu’un
qui parlerait en français et qui ne serait
pas trop langue de bois. Pourquoi vous
criez ? Mais faut pas vous énerver
comme ça !
Conclusion : cette chronique est
dédiée à mes confrères de France, de
Suisse et d’ailleurs, dont le profes-
sionnalisme fait honneur à notre cor-
poration. Etre en amont, lire, s’infor-
mer sur les réalités complexes de
l’Algérie avant de songer à écrire la
moindre ligne ou d’enregistrer le
moindre son : voilà leur démarche, qui
relève de l’excellence. Quant aux
autres, ceux qui vous harcèlent au télé-
phone à J-1 pour savoir qui pourrait
leur donner le portable d’un conseiller
de Bouteflika (comme si c’était un dû
et que le journaliste algérien, doigt sur
la couture du pantalon, ne saurait faire
autrement qu’obéir), je ne peux que
leur conseiller de faire leur métier de
manière un peu plus sérieuse et res-
pectueuse des autres. Akram Belkaïd
* Compte dessus et bois de l’eau fraîche.
** Monte sept marches et bois de l’eau
fraîche.
france ●
MARCHANDAGE
Voler au secours
de la Grèce…
et du Rafale
F
ace aux pressions nationales et
internationales qui pèsent sur
la Grèce, son Premier ministre
[conservateur], Costas Caramanlis, a
appelé Nicolas Sarkozy au secours.
Entre les rapports étrangers de plus en
plus sceptiques et la situation intérieure
qui empire [les mouvements sociaux
se multiplient, sur fond de crise éco-
nomique et financière], le Premier
ministre grec a clairement demandé le
soutien du président français à l’occa-
sion d’une rencontre officieuse les 9 et
10 avril derniers à Paris.
Officiellement, ce passage parisien
se justifiait par le besoin urgent de
changer l’image de la Grèce. Les
médias internationaux ont pris l’ha-
bitude de faire de notre pays le mou-
ton noir de l’Europe. Aucun chef
d’Etat européen n’est mieux à même
de renverser cette tendance que Nico-
las Sarkozy. Mais la bonne volonté du
président français n’est pas gratuite.
La Grèce a donné priorité à la
France pour l’équipement futur de son
armée. Si l’on réfute, côté français
comme côté grec, l’idée d’un lien entre
l’aide politique de Paris et la vente
d’armement, elle saute cependant aux
yeux. La France a d’ores et déjà mis
en route la production de six frégates
et espère aussi vendre plusieurs avions
de type Rafale d’ici à 2011. La Grèce
serait ainsi le premier pays européen
à acheter des Rafale, une prouesse
dont le président français ne peut que
se féliciter. En échange, il peut donc
s’engager à soutenir la Grèce. D’im-
portants conseillers se sont ainsi
empressés de relayer les commentaires
de Nicolas Sarkozy : “J’entends beau-
coup de choses sur la Grèce.Je sais qu’il
y a beaucoup d’exagérations dans les
médias internationaux. Je ne laisserai
pas certains propager de fausses infor-
mations sur [ce pays].”
Le gouvernement grec peine de
plus en plus à convaincre la Com-
mission européenne et tous les acteurs
économiques internationaux que les
mesures déjà prises suffiront à réfor-
mer l’économie du pays. Costas Cara-
manlis a donc demandé à son ami
Nicolas Sarkozy d’appuyer les de-
mandes de prêts de la Grèce et d’in-
fluer sur ses partenaires européens.
L’idéal serait que M. Sarkozy souffle
à Mme
Merkel de ne pas trop mettre
l’accent sur l’endettement de la Grèce
[celle-ci a vu récemment sa note de
crédit abaissée par l’agence de nota-
tion Standard and Poor’s, en particu-
lier à cause de sa gigantesque dette
publique – 93 % du PIB en 2008] ; et,
dans la mesure du possible, le prési-
dent français pourrait convaincre les
hauts fonctionnaires britanniques
d’être moins méfiants à l’égard de la
politique suivie par Caramanlis.
Dionysis Nassopoulos,
Ta Nea (extraits), Athènes
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 13 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
■ Livre
Alberto Toscano
– souvent publié
dans nos pages –
aime la France, où,
depuis 1986, il est
installé comme
“correspondant
permanent”
de nombreux
médias italiens.
Il vient de publier
chez Hachette
Littératures une
Critique amoureuse
des Français pleine
d’humour.
De la gastronomie
à Carla Bruni
en passant par le
rôle du Parlement,
notre individualisme
ou encore la Sécu,
tout y passe.
Epinglant
quelques-uns
de nos lieux
communs
nationaux,
le journaliste laisse
parfois percer
de l’agacement,
mais plus souvent
encore une certaine
tendresse.
▶ Dessin d’Ares
paru dans
Juventud Rebelde,
La Havane.
963 p13:Mise en page 1 14/04/09 19:14 Page 13
14. CULTURE
Cette douce France qui m’a trahi
Que reste-t-il du génie et de la tradition d’accueil français que l’écrivain portugais João de Melo a tant aimés ?
Rien, ou si peu : quelques paysages et le geste crâne d’une ex-première dame de France.
JORNAL DE LETRAS
Lisbonne
D
ans l’île de mon enfance,
la France n’existait pas.
Les plus âgés parlaient du
Brésil et duVenezuela, et
plus tard du Canada et de l’Amérique,
vers où partaient bateaux, avions, pen-
sées et soupirs. Bien avant d’être un
territoire, la France fut d’abord une
carte. J’en ai pris conscience quand,
déjà parti des Açores, j’ai vu s’éloigner
par-delà la frontière ceux qui tra-
vaillaient dans les champs et les chan-
tiers de ce “continent”. Ils passaient “a
salto” [expression qui désigne le fran-
chissement clandestin, le “saut”, des
frontières par des milliers d’immigrés
portugais – en une décennie (1960-
1970), le nombre de Portugais en
France passa de 50 000 à plus de
700 000] de frontière en frontière, vers
une autre monnaie, une autre langue,
une autre vie.
La France, on la connaissait par les
manuels d’histoire et de géographie, à
travers la voix de ses poètes et de ses
chanteurs ; à travers ses révolutions, sa
langue et sa culture. Moi-même, je suis
né politiquement en Mai 68. Aujour-
d’hui encore, alors que j’ai voyagé sur
d’autres continents, dans d’autres pays,
villes ou îles enchanteresses, il n’existe
pas pour moi de plus belle ville que
Paris, ni de paysage plus cohérent et
agréable que celui de ces terres labou-
rées, avec leurs bois cantonnés au bout
des champs. Ma France, ce sont les
châteaux de la Loire, les églises et les
monuments gothiques, les trésors du
Louvre (les nationaux et ceux qui ont
été pillés par les armées de Napoléon),
la peinture de Renoir et Monet, la
musique de Debussy, Ravel et Berlioz,
le cinéma de Lelouch, Truffaut et
Godard. Et sa prodigieuse littérature.
Or cette France-là appartient au
passé. C’est comme si son présent
n’existait pas. Quand je donnais des
cours, il y avait dans mon école un
manuel de français intitulé La Douce
France* : un adjectif qui me semble
parfaitement convenir à ce pays. La
langue, le vert harmonieux et lisse du
paysage, la campagne et ses villages
innombrables, ses maisons blanches
aux toits rouges ou noirs, ses voix qui
vous saluent, qui pour tout ou rien
vous disent “pardon”* dans les rues de
Paris. Et cette fameuse douceur fran-
çaise.Aujourd’hui, je me sens trahi par
la France. J’ai assisté au déclin de la
langue française dans le monde avec
le même sentiment de perte que j’ai
ressenti lorsque j’ai vu s’effacer tout ce
qui, il n’y a pas si longtemps, nour-
rissait l’éclat, la joie et même la fierté
de notre idée personnelle de la France.
Elle dictait le goût, l’esthétique, la pen-
sée et la mémoire de toute l’Europe.
Grandiose, démocratique et libertaire,
elle recueillait dans ses bras généreux
les émigrés, les exilés politiques, les
déserteurs et les réfractaires des guerres
coloniales [entre 1961 et 1974, s’agis-
sant du Portugal].
LE PLUS BEAU PAYS D’EUROPE
N’EST PLUS LE CENTRE DU MONDE
Aujourd’hui, ce n’est plus vrai.
D’autres façons d’être, d’autres langues
et d’autres destins ont surgi ; nous n’al-
lons plus la voir au cinéma, nous ne la
lisons et ne l’entendons presque plus,
nous ne connaissons plus sa musique,
exceptée celle des vieux ou anciens
noms qui nous sont restés éternels, et
nous ne croyons plus depuis longtemps
à ses voix politiques et culturelles. La
France d’aujourd’hui est tout juste celle
des Français d’aujourd’hui, que nous
ne connaissons pas.
Nous nous sentons tous trahis et
quelque peu fâchés avec la France,
malgré nous*. Elle qui nous a donné
une langue pour nous exprimer, la plus
riche des langues latines, mais nous
l’oublions peu à peu parce que nous
ne la pratiquons plus, parce que nous
la laissons tomber en fragments hors
de nous. Elle nous a donné un cinéma
unique, dans lequel elle mettait à nu
l’intimité du monde ; elle nous a donné
des causes, des exemples, des hymnes,
des révolutions de mai, le temps des
cerises, des génies aussi spontanément
hors normes que ses empereurs et ses
marquises adultères. Personne n’a
chanté le monde, l’abandon, la pau-
vreté, les artistes, les amants et le vin
comme Rimbaud, Lautréamont, Mal-
larmé ou Aragon ; et peu d’écrivains
comme Hugo, Balzac, Proust, Stend-
hal et Flaubert nous ont enseigné à
regarder la condition humaine et à res-
tituer l’universalité de l’Homme dans
la poétique de la création par la parole
et le langage.
La France continue à être le plus
beau pays d’Europe et pourtant, depuis
quelques années, elle a cessé d’être le
centre de l’Europe et du monde. Il
existe des pays de la sorte, qui par-
fois s’oublient eux-mêmes. On dit que
l’Italie perd son âme chaque fois
qu’elle élève sur l’autel de la politique
un être aussi hétérodoxe que Silvio
Berlusconi ; l’Amérique, elle, a
retrouvé la sienne en élisant Obama.
Quant à l’âme de la France, je ne sais
où elle se trouve. Personne ne parle
français en dehors de chez elle. Per-
sonne ne se rappelle d’un grand livre
qui l’a ému ces trente dernières années,
d’un film comme Les Uns et les Autres
ou La Grande Bouffe, d’une chanson
comme Le Déserteur, d’un tableau total
comme tous ceux de Monet, d’un uto-
piste ou d’un héros contemporains. Je
mens : il existe une nouvelle héroïne
silencieuse. Elle s’appelle Cécilia je-ne-
sais-plus-comment.Vous ne la connais-
sez pas ? Elle a préféré un vrai amour
à la perspective d’habiter à l’Elysée
(une décision de grande dame !) et de
devenir la première esclave de Sarkozy.
Président élu de cette autre France
sans âme. João de Melo
* En français dans le texte.
france
POLÉMIQUE
La nébuleuse stratégie de Mme
Zorro en terre africaine
En répondant avec un tel retard au fameux discours prononcé à Dakar par Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal poursuit un jeu politique
purement français. Sans que le continent noir n’ait rien à y gagner.
S
i Zorro, le fameux redresseur de torts,
avait eu une épouse, peut-être se
serait-elle prénommée Ségolène. La
présidente de la région Poitou-Charentes,
en France, arrivée au Sénégal [le 4 avril]
pour une visite de cinq jours, a tenu à faire
elle aussi son discours africain, après celui
de Nicolas Sarkozy, encore bien présent
dans les mémoires. S’adressant depuis
Dakar au Sénégal et à l’Afrique entière,
Mme
Royal a descendu en flammes et dans
les moindres détails la thèse qui constituait
les fondements du discours du fraîchement
élu Nicolas Sarkozy, dans cette même capi-
tale sénégalaise, en juillet 2007, et qui avait
suscité en son temps une vive polémique
tant sur le continent noir que dans la classe
politique française. Les propos de Sarkozy
avaient provoqué un tollé, on s’en souvient,
et la désormais célèbre petite phrase
“l’homme africain n’est pas entré dans l’His-
toire” avait valu à son auteur les qualifica-
tifs de “raciste” et d’“insultant” de la part
de l’essentiel de l’intelligentsia africaine.
Mais on ne se souvient pas d’une quel-
conque déclaration de Mme
Royal au
moment des faits. Ségolène Royal, qui n’en
est d’ailleurs pas, depuis le fameux discours
du président français, à son premier voyage
au Sénégal, pays où elle est née et auquel
elle reste tout naturellement attachée.
Pourquoi alors avoir choisi de faire une
telle déclaration seulement maintenant ?
Pourquoi avoir attendu plus de vingt mois
avant de prendre à contre-pied la thèse de
Nicolas Sarkozy ? Si ces propos ne parti-
cipent pas d’un savant calcul politique, ils
y ressemblent fort. Ce chassé-croisé des
pontes politiques français s’apparente un
peu à un jeu de rivalités auquel ils se livre-
raient en terre africaine. La présidente de
région a délibérément choisi de relancer
une polémique. A dessein. Mais elle ne fait
pas l’unanimité. Ni au Sénégal ni en
Afrique, et certainement pas dans l’Hexa-
gone. Le tout premier à qui elle cause de
l’embarras est peut-être le président séné-
galais, qui, bien que s’étant érigé violem-
ment contre les propos de Sarko, n’a
cependant pas reçu la dame Royal de pas-
sage à Dakar. Ce qui n’est pas peu dire.
En tout état de cause, on ne voit pas
vraiment ce que le continent africain gagne
dans cette polémique. Autant on a fran-
chement détesté les propos de Nicolas Sar-
kozy en juillet 2007, autant on ne voit pas
de réel intérêt au discours nouveau de
Ségolène. Sarkozy ou Royal, c’est presque
du pareil au même, bonnet blanc et blanc
bonnet. De leurs deux rhétoriques suc-
cessives et antagonistes, le continent noir
ne retire rien. On a même presque envie
de préférer la stratégie du premier à celle
de la seconde. Lui présente à tout le moins
l’avantage de la clarté, et il se laisse faci-
lement déchiffrer. La seconde est plus dif-
ficilement perceptible : elle avance mas-
quée, on ne lit pas aisément dans ses
pensées. Et on se demande duquel des
deux on doit le plus se méfier.
Lassané,
Le Pays, Ouagadougou
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 14 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
▲ Dessin de Javier
de Juan paru dans
El País Semanal,
Madrid.
963 p14:Mise en page 1 14/04/09 17:51 Page 14
16. MOLDAVIE
Les pompiers pyromanes de Chisinau
Depuis l’annonce de la victoire du Parti communiste aux élections législatives, la capitale moldave vit au rythme
des émeutes, des rumeurs et de la peur. Et si le pouvoir était derrière tout cela ?
TIMPUL
Chisinau
P
our que les communistes
puissent se maintenir au
pouvoir après les élections
du 5 avril, il leur fallait un
événement symbolique qui non seu-
lement impressionne le monde, mais
leur assure aussi les moyens d’un
contrôle accru sur la société moldave.
A ce titre, l’incendie et la mise à sac,
le 7 avril, du Parlement et du siège de
la présidence rappelle étonnamment
l’incendie du Reichstag [dans la nuit
du 26 au 27 février 1933. Cet incen-
die avait servi de prétexte à Hitler
pour déclencher une campagne de
répression contre les communistes
allemands]. Et en mettant les choses
bout à bout, nous sommes en droit
de nous demander si la destruction
de ces institutions de l’Etat n’est pas
l’œuvre des communistes eux-mêmes.
N’oublions pas la vague d’interpel-
lations après les événements, les vio-
lences policières et la mort à ce jour
inexpliquée d’un jeune manifestant
[voir ci-contre].
Comme si, à l’instar des nazis en
1933, le régime deVladimirVoronine
s’employait à mettre en place un
“troisième Reich”, isolé du reste de
l’Europe et toujours contrôlé par les
mêmes clans qui, depuis huit ans,
gouvernent la Moldavie [issu du
Parti communiste moldave, le
PCRM, le présidentVoronine est au
pouvoir depuis 2001]. Comme si le
but de Voronine était de discrédi-
ter l’opposition [représentée par le
Parti libéral démocrate, le Parti libé-
ral et l’Alliance Notre Moldavie] en
la présentant à l’intérieur comme à
l’extérieur du pays comme un
“ramassis de bandits guidés par le
monde interlope”. Voilà pourquoi
Voronine attendait de pouvoir impli-
quer l’opposition. Et quoi de
meilleur que l’incendie des symboles
gouvernementaux devant les camé-
ras de télévision ?
Les images de cet événement
avaient pour but de démontrer au
monde entier que l’arrivée au pou-
voir de l’opposition aurait signifié la
destruction de l’Etat moldave et le
retour du chaos. Par cette provoca-
tion, les communistes voulaient éga-
lement démontrer que la République
moldave est un “morceau de choix”
pour la Roumanie.
En clair, ils expliquaient que les
manifestations ont été mises en scène
et financées par la Roumanie pour
faire tomber le pouvoir à Chisinau.
Voilà pourquoi, après l’incendie du
“Reichstag” de Chisinau, les postes
de frontière avec la Roumanie ont
été fermés, les visas pour les citoyens
roumains rétablis et l’ambassadeur
de Roumanie à Chisinau, FilipTeo-
dorescu, expulsé. Ces actions ont été
précédées par les félicitations
envoyées àVoronine par le président
russe, Dmitri Medvedev, à l’occa-
sion de sa victoire aux élections. Des
félicitations arrivées, rappelons-le,
avant les résultats officiels du scru-
tin de dimanche [les communistes
avaient réuni près de 50 % des suf-
frages]. C’est ainsi que l’opposition
s’est retrouvée piégée. Le mouve-
ment spontané des jeunes a été com-
promis et Voronine a repris l’initia-
tive médiatique et politique. Le seul
allié des opposants àVoronine, l’Oc-
cident démocratique, n’a réagi que
très mollement aux provocations de
Chisinau, afin de ne pas froisser la
Russie. Certains diplomates occi-
dentaux gardent probablement
e n c o r e e n m é m o i r e l e s d o u x
moments passés dans la fraîcheur
des caves à vin de Cr icova et
Milesti… Ils refusent de comprendre
que ce qui se passe aujourd’hui à
Chisinau est dirigé contre la Rou-
manie et l’Europe et que Voronine
ne fait qu’obéir aux ordres venus de
Moscou. Ils ne veulent pas voir que
son “Reich” n’est plus seulement un
cauchemar mais qu’il est en train de
devenir réalité.
Constantin Tanase*
* Journaliste et écrivain, directeur du journal
Timpul.
europe ●
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 16 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
B
E
S
S
A
R
A
B
I
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Chisinau
Tiraspol
Courrierinternational
MOLDAVIE
ROUMANIE
UKRAINE
UKRAINE
Dniestr
Prout
M E R
N O I R EDanube
TRANSDNIESTRIE
0 80 km
VU DE MOSCOU LaTransdniestrie bientôt indépendante ?
Le facteur roumain, dont le président
moldave, Vladimir Voronine, a ouver-
tement parlé le 8 avril comme ayant influé
sur les troubles qui ont eu lieu à Chisi-
nau, a poussé la Transdniestrie à récla-
mer des garanties sur le maintien de son
statut à part [la république de Transd-
niestrie, région russophone de Moldavie,
a fait sécession en 1991], ainsi que nous
l’a confié son ministre des Affaires étran-
gères, Vladimir Iastrebtchak.
D’après plusieurs hommes politiques
russes, l’assaut donné le 7 avril au Par-
lement de Moldavie et le contexte qui l’en-
toure pourraient mettre un terme aux
négociations entre Chisinau et Tiraspol*,
et reposer la question de la reconnais-
sance de cette république.
La Transdniestrie a annoncé qu’elle ren-
forçait les contrôles à sa frontière avec la
Moldavie afin d’éviter que les troubles ne
s’étendent à la rive gauche [du Dniestr,
son territoire], ce que nous a confirmé
le ministre de la Sécurité de Transdniestrie,
Vladimir Antioufeïev. Vladimir Iastrebtchak,
de son côté, a commenté ainsi la situa-
tion : “Il y a vingt ans, la menace de réuni-
fication de la Moldavie à la Roumanie a
été à l’origine du conflit qui a opposé les
deux rives du Dniestr [et déclenché une
guerre civile meurtrière]. Depuis, le facteur
roumain ne s’est pas évaporé, ce que
confirment les événements de Chisinau.
Vu la situation, nous devons nous soucier
de la sécurité et des intérêts de la popu-
lation de notre région. Nous sommes déter-
minés à tout faire pour que l’on nous
accorde l’ensemble des garanties que le
président de la Transdniestrie (Igor Smir-
nov) a exposées à Dmitri Medvedev, la pre-
mière d’entre elles étant la préservation
de l’indépendance de la Transdniestrie.”
En Russie, Konstantin Zatouline, député de
la Douma et directeur de l’Institut des pays
de la CEI, n’exclut pas que les événements
qui se sont déroulés en Moldavie puissent
contribuer à lancer la procédure de recon-
naissance de l’indépendance de la Trans-
dniestrie. La Douma a fait part de sa pré-
occupation face aux émeutes de Chisinau,
dans lesquelles elle a décelé la trace d’un
facteur extérieur : “Les autorités moldaves,
souveraines, sont parfaitement en droit
d’instaurer, de restaurer et de maintenir
l’ordre constitutionnel et la stabilité dans
leurs pays.”
Selon Konstantin Kossatchev, président
de la commission parlementaire des
Affaires étrangères, cette phrase est l’une
des plus importantes de la déclaration
énoncée par la Douma lors de sa séance
de mercredi soir.
Le ministère russe des Affaires étrangères
est parvenu à la conclusion que les
troubles en Moldavie avaient été organi-
sés par des forces que ne satisfont ni la
stabilité qui règne à l’intérieur du pays,
ni la politique étrangère équilibrée de Chi-
sinau. “Certains n’appréciaient vraisem-
blablement pas les prémices de calme, de
stabilité sociale et économique établies
ces dernières années, ni la politique exté-
rieure équilibrée des dirigeants du pays,
qui venaient de recevoir de la société un
mandat pour continuer dans cette voie”,
est-il dit dans la déclaration du ministère.
Le ministère russe des Affaires étrangères
rappelle qu’un peu plus tôt, le Kremlin
s’était rallié à l’opinion des observateurs
internationaux de l’OSCE, du Conseil de
l’Europe, de la CEI, du Parlement euro-
péen et d’autres organisations, selon
laquelle les citoyens moldaves s’étaient
librement exprimés à travers leur vote,
dans un total respect des normes démo-
cratiques et juridiques.
Svetlana Gamova,
Nezavissimaïa Gazeta (extraits), Moscou
* Après la guerre russo-géorgienne d’août 2008,
qui a débouché sur la reconnaissance par Mos-
cou de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Os-
sétie du Sud, le Kremlin avait fait de la Molda-
vie le terrain de démonstration d’une politique
étrangère plus “pacifique” et plus “intégratrice”
dans l’espace postsoviétique.
Ainsi, deux rencontres avaient été organisées
avec les présidents de Moldavie et de Transd-
niestrie, avec pour objectif le retour de la région
rebelle au sein de la Moldavie en échange de la
garantie donnée par cette dernière de ne jamais
adhérer à l’OTAN.
▲ “Les chevaliers de la mort. La police torture
à mort les jeunes détenus” accuse sur sa une
le quotidien Jurnal de Chisinau dans son édi-
tion du 14 mars 2009.
963 p16:Mise en page 1 14/04/09 18:53 Page 16
17. GÉORGIE
Saakachvili marque des
points face à l’opposition
Pas de violence policière mais un appel au
dialogue. Le président a réussi à désarçonner
tous ceux qui réclamaient son départ.
24 SAATI
Tbilissi
S
upposons que Mikheïl Saa-
kachvili ne parte pas. Retom-
berons-nous alors dans la vio-
lence ? Cette question inquiète
tout le monde. Les opposants qui
avaient annoncé que les manifestations
du 9 avril sonneraient le glas du pou-
voir de Saakachvili [voir CI no
962 du
9 avril 2009] ont conféré à cette date
une charge apocalyptique. Alors, soit
la promesse de destituer le pouvoir était
un simple bluff, soit l’opposition avait
de bonnes raisons de faire une annonce
aussi fracassante.
La rhétorique de nos partis d’op-
position est certes radicale, elle n’en
demeure pas moins vide. C’est pour-
quoi une partie de l’opposition a tou-
jours protesté contre la sacralisation
du 9 avril. Elle refuse toute action vio-
lente. Mais peut-on être sûr qu’un sit-
in pacifique sine die est leur unique
programme ? “A plusieurs reprises,nous
avons appelé [l’ensemble de l’opposition]
à ne pas prendre tout le monde en otage
avec cette date du 9 avril… Nous avons
déjà connu des moments où, au cours de
grands rassemblements [antigouverne-
mentaux], les organisateurs ne savaient
plus quoi faire ni quelle attitude adopter…
Or cela peut les conduire à envenimer la
situation artificiellement”, rappelle Pir-
kiaTchikhradzé, membre de l’Alliance
pour la Géorgie [rassemblement de
plusieurs mouvements d’opposition].
En conséquence, l’opposition peut
pousser à des provocations pour ne pas
perdre la face.
Lors des manifestations [anti-
présidentielles violemment répri-
mées] du 7 novembre 2007, l’oppo-
sition avait protesté pacifiquement.
C’est le pouvoir, arrogant et cynique,
qui avait riposté avec violence. Mais,
aujourd’hui, les autorités ont changé
de stratégie. Même le visage du pré-
sident, parlant de la nécessité de dia-
loguer, est différent. Les commen-
taires des dirigeants du pays sont
différents. Ils sont moins agressifs.
Et l’appel au dialogue a retenti non
plus pendant, mais bien avant les
manifestations. Le pouvoir a compris
qu’une répétition du 7 novembre lui
serait fatale. Ces derniers jours, plu-
sieurs officiers de police occidentaux
sont venus partager leur expérience
avec leurs collègues géorgiens.
Si le pouvoir a tiré les leçons du
7 novembre 2007, il n’en est pas de
même pour l’opposition. Hétérogène,
elle ne peut s’appuyer sur un leader
unique, et sa principale revendication
– le départ volontaire du chef de
l’Etat – est trop radicale. Par ailleurs,
les sympathisants eux-mêmes n’arrivent
pas à déceler un programme d’action
claire et compréhensible. En revanche,
de nombreux opposants regrettent
que n’ait pas été mise à profit, dans
les mois qui ont suivi le 7 novembre
2007,l’émotion qui s’était emparée du
peuple, scandalisé et choqué. L’oppo-
sition avait alors battu en retraite.
Aussi, le seul vrai danger aujour-
d’hui est que l’opposition, de peur d’un
nouveau fiasco, ait recours à la provo-
cation. Ce que notre société doit rete-
nir, c’est qu’en dépit de ses erreurs le
pouvoir actuel a réussi à transformer
l’Etat “bâtard” de l’époque d’Edouard
Chevardnadzé en un Etat capable de
survivre à la guerre [russo-géorgienne]
d’août 2008. Néanmoins, l’Etat géor-
gien n’est pas encore assez fort pour
survivre à une nouvelle crise politique
et à des provocations. De cet Etat
dépend la vie de chaque citoyen. Le
chaos des années 1990 peut encore
revenir si l’opposition l’appelle de ses
vœux. Eka Kvetsitadzé
▲ Dessin deTiounine, Moscou.
CWS/CartoonArtsInternational
963 p17:Mise en page 1 14/04/09 14:38 Page 17
18. ROYAUME-UNI
Scotland Yard dans la tourmente
La mort d’un manifestant anti-G20 et la démission du patron de la section antiterroriste mettent en lumière
les dysfonctionnements et la politisation de la police britannique.
THE GUARDIAN (extraits)
Londres
I
l règne un grave désordre dans
la police britannique. L’humi-
liation expresse de Bob Quick,
le chef de l’antiterrorisme à
ScotlandYard, et la suspension à retar-
dement de l’officier de police qui a
frappé Ian Tomlinson [mort d’une
crise cardiaque lors des manifestations
contre le G20, le 1er
avril] peuvent
apparaître comme de malheureux
incidents isolés et sans lien l’un avec
l’autre. Pourtant, chacun met en
lumière une controverse centrale dans
la conduite des affaires policières
depuis un demi-siècle : la gouvernance
dans le cas de Bob Quick et la vio-
lence dans celui deTomlinson. Et tous
deux posent la même question, plus
globale et sans réponse : comment
créer au mieux la police dont nous
avons besoin ?
La démission de Bob Quick [le
9 janvier] est un événement extrême-
ment inhabituel. Le chef de l’antiter-
rorisme a commis une lamentable
erreur en se faisant photographier avec
un document détaillant une opération
terroriste ultrasensible [qui a dû être
lancée plus tôt que prévue]. Mais l’idée
qu’un QG du terrorisme aurait ainsi
appris l’imminence de cette opération
contre Al-Qaida dans le nord de l’An-
gleterre m’apparaît comme un pré-
texte fallacieux et bien commode.
C’est pour des raisons purement
politiques que Bob Quick a perdu son
poste. Les conservateurs le pointaient
du doigt, estimant depuis l’affaire
Damian Green [un député dont les
bureaux ont été abusivement perqui-
sitionnés en novembre dernier] qu’il
leur était hostile. Cela l’a rendu vul-
nérable. Mais il a avant tout démis-
sionné parce que la ministre de l’In-
térieur, la travailliste Jacqui Smith,
affaiblie [parce que son mari a loué
des films pornos aux frais du contri-
buable], ne pouvait pas se permettre
de ne pas se montrer impitoyable. Bob
Quick rejoint l’ancien directeur de
ScotlandYard, sir Ian Blair [poussé à
la démission par le maire de Londres
Boris Johnson en octobre 2008], dans
les rangs des hauts fonctionnaires de
la police récemment victimes d’im-
broglios politiques.
Le sort de Bob Quick illustre la
politisation croissante de l’adminis-
tration policière. Il y a trente ans, Mar-
garetThatcher pouvait dire : “Ce dont
la police a besoin,c’est de soutien,pas de
critiques.” Aujourd’hui, personne ne
croit une seule seconde qu’un gou-
vernement conservateur ferait preuve
de moins d’ingérence que ceux de
Tony Blair ou de Gordon Brown.
En attendant, la mort de IanTom-
linson remet l’accent sur des ques-
tions de maintien de l’ordre que tous
les gouvernements ont vainement
tenté de résoudre depuis plus de
trente ans. L’affaire oblige à s’inter-
roger sur quatre sujets essentiels : la
violence policière, la formation et la
culture de la force publique, les pou-
voirs des forces de l’ordre et les
plaintes au sujet des policiers.
LES POUVOIRS DE LA POLICE
ONT ÉTÉ CODIFIÉS
Les garanties mises en place par le
Police and Criminal Evidence Act de
1984 ont permis de réduire considé-
rablement les violences policières
envers les suspects. La formation et
la culture ont été améliorées grâce à
une série de mesures, dont la plus
importante est le recrutement de
femmes. Les pouvoirs de la police ont
été codifiés, quoique formidablement
accrus, surtout en réaction au terro-
risme. Et il existe désormais un sys-
tème indépendant de contrôle des
plaintes contre la police.
Pourtant, l’affaireTomlinson prouve
aussi à quel point les choses ont peu
changé. La violence et les stratégies de
contrôle des manifestants anti-G20 rap-
pellent non seulement la mort de Blair
Peach sous les coups de la police en
1979,mais aussi les heures sombres du
XIXe
siècle.Avec la hausse du chômage,
si les idées d’extrême droite commen-
cent à se banaliser, les incidents de ce
type pourraient devenir aussi courants
que du temps des manifestations à
Grosvenor Square ou Grunwick et de
la grève des mineurs [dans les années
1960, 1970 et 1980]. Si l’on juge la
situation à l’aune de cette époque, il
est probable que le recours à des pou-
voirs spéciaux dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme pour répondre à
la menace de troubles potentiels finisse
par poser également problème.
Les gens doués d’une bonne
mémoire auront aussi reconnu cer-
tains aspects de la culture policière
à l’œuvre dans l’affaireTomlinson. Ce
dernier, comme Peach, a été attaqué
par des policiers antiémeute bien
équipés qui, au début du moins, ont
gardé le silence quant à leurs agisse-
ments et ont pu compter sur le ser-
vice de presse de la police, qui s’est
chargé de diffuser pour leur venir en
aide des versions fallacieuses des évé-
nements. Complot qui n’a été éventé
qu’avec l’aide de caméras tenues par
des particuliers, caméras que la police
souhaiterait faire interdire.
Est-il possible de réformer le
maintien de l’ordre de façon équili-
brée, alors que la question des pou-
voirs de la police se trouve au cœur
d’une méprisable surenchère parti-
sane, et que les politiques sont de plus
en plus prompts à limoger de hauts
responsables pour des motifs politi-
ciens ? Difficile de se montrer opti-
miste. Si les troubles de l’ordre public
ne cessent pas, que l’on découvre
encore des complots terroristes et que
les médias continuent d’encourager
le recours à la force plutôt qu’un
maintien de l’ordre moins brutal, la
situation risque surtout d’empirer.
Martin Kettle
ITALIE
Un désastre qui ne surprend pas
Les retards dans l’application des règles antisismiques adoptées en 2002 sont en partie responsables
de l’ampleur des dégâts provoqués par le séisme qui a fait, le 6 avril, 290 morts dans les Abruzzes.
L
e Pr
Franco Barberi, vulcanologue et
président de la commission parle-
mentaire sur la Prévention des
risques majeurs, ne mâche pas ses mots
sur l’effondrement des édifices publics de
L’Aquila, le chef-lieu de la province des
Abruzzes. “Un tel spectacle d’inefficacité et un
tel manque d’anticipation sont absolument déso-
lants dans un pays comme le nôtre qui se heurte
depuis longtemps aux conséquences tragiques
des tremblements de terre, lance-t-il. Les res-
ponsabilités sont nombreuses,à tous les niveaux.
Malheureusement,en Italie,on ne sait pas rete-
nir les leçons du passé.”
Après la tragédie de San Giuliano di
Puglia [dans les Pouilles] où seule l’école
– bâtiment dont la solidité aurait dû être irré-
prochable – s’était effondrée, causant la mort
de 27 enfants en 2002, de nouvelles règles
avaient été édictées. Sept ans ont passé depuis
ce séisme aux conséquences scandaleuses
mais limitées, et les contrôles censés s’exer-
cer sur les édifices publics ne sont toujours
pas opérationnels. De report en report, l’en-
trée en vigueur des nouvelles normes est sans
arrêt ajournée. La loi ignore le rythme de la
Terre. De nombreuses personnes sont mortes
dans le séisme des Abruzzes à cause de véri-
fications que les législateurs ont préféré dif-
férer. Sur plus de 70 000 bâtiments à exa-
miner, seuls 7 000 dans toute l’Italie ont fait
l’objet de vérifications, c’est-à-dire à peine
10 %. Dans les Abruzzes, le pourcentage est
encore plus faible. Ce qui est en tout cas cer-
tain, c’est qu’aucune vérification n’avait été
effectuée sur les bâtiments dévastés de
L’Aquila, alors même que la Protection civile
disposait de 280 millions d’euros, alloués à
l’analyse de la fragilité des édifices straté-
giques et à leur mise en sécurité.
Aucune précaution n’a été prise malgré
les essaims sismiques constatés dernièrement.
La présidente de la province de L’Aquila, Ste-
fania Pezzopane, parle de “tragédie annoncée”.
“Depuis deux mois,on assistait à de nombreuses
secousses, comme celle, assez importante, du
30 mars,qui a entraîné la fermeture de plusieurs
écoles. J’ai l’impression qu’on a sous-estimé la
situation”, affirme-t-elle. Plus grave encore
que le cas de la préfecture, celui de l’hôpi-
tal San Salvatore. Ouvert en 1994, il aurait
dû résister à n’importe quel type de séisme.
Il a au contraire été rapidement évacué à
cause des fissures structurelles observées dans
l’armature en béton. “Le pire,c’est que cet hôpi-
tal a coûté extrêmement cher”, rappelle son
directeur, Roberto Merzetti. “D’après les plans
dont nous disposons,il a été conçu pour résister à
des tremblements de terre bien plus violents que
celui que nous venons de subir.”
On ne sait pas quelles garanties avaient
été données concernant le dortoir universi-
taire.Toujours est-il que le bâtiment s’est lui
aussi littéralement écroulé, entraînant la mort
de plusieurs étudiants. Il avait été construit
en béton armé, mais il s’est fissuré à plusieurs
endroits sous l’effet des secousses. Un béton
armé manifestement particulier, voire
inadapté, sur lequel des constructeurs mal-
honnêtes pourraient avoir spéculé, en réali-
sant des armatures de mauvaise qualité.
Primo di Nicola, L’Espresso, Rome
europe
▲ Dessin d’Ingram
Pinn paru dans le
FinancialTimes,
Londres.
▶ W E B + ◀
Plus d’infos sur courrierinternational.com
Une interview d’Alastair
Campbell, ancien conseiller
de Tony Blair
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 18 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
963 p.18:Mise en page 1 14/04/09 16:14 Page 18
20. POLOGNE
Lech Walesa voit rouge
Excédé par les accusations portées contre lui, l’ancien leader du mouvement Solidarnosc menace de s’exiler
et de rendre son prix Nobel de la paix.
P
awel Zyzak. Age : 24 ans. Diplômé
en histoire, il est “chargé des photo-
copies” à l’Institut de la mémoire
nationale de Varsovie (IPN). Il pourrait
passer inaperçu s’il n’était pas l’auteur de
l’ouvrage LechWalesa :l’idée et l’histoire, un
mémoire de maîtrise obtenu dans la très
respectable université des Jagellons à Cra-
covie. Un texte riche en révélations sur
la jeunesse du leader du syndicat Solidar-
nosc, devenu président de la nouvelle
Pologne. Qu’il ait eu un enfant hors
mariage et un penchant pour la bagarre,
comme beaucoup de jeunes issus des cam-
pagnes polonaises, passe encore. Mais
Zyzak accuseWalesa d’avoir uriné dans un
bénitier quand il avait 8 ans… Pour étayer
ses révélations, l’apprenti historien s’ap-
puie sur des sources anonymes. “N’em-
pêche que dans le village où a vécu le jeune
Walesa, on ne parle que de ça”, rapporte le
quotidien de droite Dziennik. Le quotidien
PolskaTheTimes cherche à en savoir un peu
plus sur Zyzak. “Il a essayé de passer son
doctorat,mais sans succès.Sur 38 postulants,
il était 37e
”, précise le journal.
Déjà accusé en 2008 par des historiens
de l’IPN d’être un indic de la police poli-
tique à l’époque communiste, LechWalesa
s’est fâché tout rouge. Il a même menacé
de s’exiler et de rendre son prix Nobel si les
auteurs de ces “pamphlets absurdes” n’étaient
pas punis. Pour lui, l’IPN est à l’origine de
cette campagne de calomnies. Pour beau-
coup, cette institution chargée de faire la
lumière sur le passé communiste de la
Pologne aurait perdu de sa neutralité depuis
qu’elle est dirigée par des proches des frères
Kaczynski. Plusieurs de ses historiens ont,
d’ailleurs, été récemment décorés par le pré-
sident, qui a loué leur “courage”. “Le prési-
dent Lech Kaczynski profite de sa position pour
mener une guerre contre son ennemi personnel,
qui est aussi celui de son frère Jaroslaw [leader
du parti Droit et justice]”, estime le quoti-
dien GazetaWyborcza, dirigé par l’ancien
opposant Adam Michnik. Pour sa part, Ewa
Milewicz, journaliste dans ce quotidien,
a décidé de rendre la décoration que Lech
Kaczynski lui a décernée pour son impli-
cation dans l’opposition anticommuniste.
“Sans LechWalesa, le mur de Berlin serait
peut-être encore là, explique-t-elle. Le cou-
rage consiste-t-il à ressortir les dossiers et à
les interpréter de façon unilatérale ? A stig-
matiser des gens comme LechWalesa ?”, s’in-
terroge-t-elle dans une lettre adressée au
président Lech Kaczynski.
Des voix s’élèvent demandant la ferme-
ture pure et simple de l’IPN. “Ce serait
injuste et absurde”, considère l’hebdoma-
daire Newsweek Polska.“Il faut,au contraire,
généraliser l’accès aux archives des services de
sécurité communistes”. “Le président peut
décerner les décorations à sa guise, mais
d’autres ont aussi le droit de juger de ses choix.
Le geste de renvoyer une médaille peut sembler
d’une autre époque.Mais à cette époque révo-
lue, les choix moraux étaient clairs et hon-
nêtes”, regrette Adam Szostkiewicz, de
l’hebdomadaire de gauche Polityka, “oppo-
sant anticommuniste de base”, comme il se
décrit lui-même. “Chez nous, l’IPN est un
Etat dans l’Etat composé d’historiens archi-
vistes qui sont à la fois procureurs et juges”,
s’indigne l’hebdomadaire Przeglad, proche
des postcommunistes de l’Alliance de la
gauche démocratique (SLD). Le Premier
ministre, Donald Tusk, lui-même ancien
membre de Solidarnosc, a pris la défense
deWalesa, qui “restera toujours un trésor du
patrimoine national.[…] Je voudrais deman-
der aux historiens de l’IPN de ne pas abuser
des fonds publics. L’IPN ne peut survivre que
s’il reste neutre, politiquement et idéologique-
ment. L’institut n’a pas vocation à tresser des
couronnes de laurier àWalesa ni à le salir”,
a-t-il ajouté en guise de conclusion. ◼
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 20 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
europe
ESPAGNE
Les lycéens moins tentés par les drogues
Après dix ans de hausse ininterrompue, l’usage du cannabis et de la cocaïne commence à baisser
chez les adolescents. Un succès, dans un pays qui compte parmi les plus gros consommateurs d’Europe.
ABC
Madrid
C
onscients des effets dévas-
tateurs des drogues, les ado-
lescents espagnols ont réduit
leur consommation de l’une
des plus nocives, la cocaïne. C’est ce
qui ressort du rapport annuel de l’Or-
gane international de contrôle des
stupéfiants (OICS), rendu public en
février dernier. Cet organisme des
Nations unies vient confirmer une ten-
dance déjà détectée dans l’“Enquête
sur les drogues en milieu scolaire”
de 2007 et dans différentes études
réalisées par la Délégation gou-
vernementale pour le Plan natio-
nal sur les drogues.
Les chiffres montrent en
effet que la consommation de
“poudre blanche” a baissé de
trois points chez les 14-18 ans,
stoppant ainsi une tendance qui
semblait imparable depuis plus
de dix ans, puisque l’abus de
cette substance avait été multi-
plié par quatre. Aujourd’hui,
les chiffres sont éloquents :
alors que 7,2 % des jeunes de
cette tranche d’âge déclaraient,
en 2004, avoir essayé la co-
caïne au cours de l’année écou-
lée, ils n’étaient plus que 4,1 %
en 2007.
Le phénomène demeure tout
de même préoccupant car ces
4,1 % d’une population de
2,3 millions de 14-18 ans suppo-
sent que près de 100 000 adoles-
cents espagnols – 94 307 plus
exactement – “jouent” avec l’une des
substances les plus nocives qui soient
pour leur santé physique et mentale.
La bonne nouvelle que constitue
la baisse de la consommation de
cocaïne chez les adolescents espa-
gnols contraste avec les chiffres
européens. D’après le rapport de
l’OICS, 250 000 Européens ont
consommé de la co-
caïne plusieurs
fois au
cours des douze derniers mois et
sa consommation a triplé chez les
15-64 ans, surtout dans des pays
comme le Royaume-Uni, l’Italie, l’Al-
lemagne et la France.
L’Espagne ne se distingue pas uni-
quement pour avoir commencé timi-
dement à gagner la bataille contre la
cocaïne. Elle obtient aussi de petits
succès dans la lutte contre la consom-
mation de cannabis. Comme le note
l’OICS, si cette drogue est la plus
consommée en Europe et si l’Espagne
compte parmi les pays où le plus grand
nombre de personnes en ont fait l’ex-
périence, notre pays a réussi à en sta-
biliser la consommation chez les
jeunes, après dix années de hausse
ininterrompue. Pour autant il ne
convient pas de baisser la garde : quel-
que 48 000 adolescents espagnols ont
de sérieux risques de devenir accros au
cannabis, selon les derniers chiffres en
date du Plan national sur les drogues ;
le nombre de consommateurs quoti-
diens augmente ; deux lycéens sur dix
avouent encore avoir fumé un joint au
cours du mois précédent et les ado-
lescents s’initient de plus en plus jeunes
au cannabis – à 14 ans en moyenne.
Le panorama reste désolant quand
on sait que le cannabis est à l’origine
de nombre de problèmes chez les ado-
lescents : troubles de la mémoire, mau-
vais résultats scolaires, absentéisme,
bagarres, voire épisodes psychotiques
pour certains.
Le rapport analyse également
l’autre facette de la lutte contre le
monstre silencieux des drogues : les
saisies, qui sont en hausse aussi bien
pour la cocaïne que pour le cannabis
et l’héroïne. A nouveau, l’Espagne se
distingue comme l’un des “principaux
points d’entrée” de la cocaïne en
Europe, ce qui l’a “contrainte à redou-
bler d’efforts pour accroître les saisies”.
Selon l’OICS, c’est grâce à cette inten-
sification des contrôles que l’on est
parvenu à faire baisser la consomma-
tion de cette substance chez les jeunes.
Pour ce qui est du cannabis,
l’Espagne a été en 2007 le pays où le
volume de résine de cannabis saisi
a été le plus élevé au monde, avec
plus de 653 tonnes saisies, soit une
hausse de 42 % par rapport à l’année
précédente. M. J. Pérez-Barco
17,2
4,8
20,8
6,2
22,5
7,2
25,1
4,1
1998 2000 2002 2004 2007
20,1
Part des Espagnols de 14 à 18 ans
ayant consommé :
Joints et rails en recul
4,5
du cannabis
(au cours des 30 derniers jours, en %)
de la cocaïne
(au cours des 12 derniers mois, en %)
Source:“ABC”,ministèredelaSantéespagnol
▼ Dessin de
Victoria Martos
paru dans
El Mundo,
Madrid.
963 p20:Mise en page 1 14/04/09 16:30 Page 20
21. SUÈDE
Dix pièces de théâtre pour mieux se comprendre
Pendant une semaine, la radio publique suédoise a diffusé des dramatiques venues des quatre coins de l’Europe.
La pièce suisse parlait d’euthanasie, la danoise de racisme, et l’irlandaise d’avortement…
DAGENS NYHETER
Stockholm
P
e n d a n t u n e s e m a i n e ,
l’émission Radioteatern de
la radio publique suédoise
a diffusé “A l’écoute de l’Eu-
rope” : une série de pièces de théâtre
écrites pour la radio, originaires de
dix pays européens et traduites en
suédois. “Notre ambition est de faire
découvrir la sphère publique européenne
à travers la culture”, explique le res-
ponsable de Radioteatern, Jasenko
Selimovic*.
“Nous savons beaucoup de choses
concernant la politique et l’économie
en Europe, mais très peu concernant la
culture. Ce que nous savons de la
France, par exemple, ce sont les caillas-
sages dans les banlieues, mais quel livre
français est l’équivalent du Journal
d’un auteur dramatique de Lars
Norén ?”
Radioteatern a demandé l’auto-
risation à un certain nombre de pays
européens de faire traduire en sué-
dois leurs pièces radiophoniques les
plus connues. “Si ce sont précisément
ces dix pièces-là, ce n’est pas unique-
ment parce que c’étaient les plus inté-
ressantes. Il y a aussi des raisons pure-
ment pratiques. Par exemple, nous
attendons toujours une pièce d’Ukraine,
et je ne plaisante pas quand je vous dis
qu’il faut l’autorisation de la Banque
nationale d’Ukraine et de trois minis-
tères différents pour la faire venir ici.”
Jasenko Selimovic a voulu cap-
ter les sujets qui font l’actualité dans
chaque pays. La pièce venue de
Suisse traite ainsi de l’euthanasie, où
elle est autorisée mais reste très
controversée. La pièce danoise s’ins-
pire des attentats du 11 septembre
et le débat haineux, parfois écœu-
rant, sur l’immigration au Dane-
mark. Et la pièce irlandaise aborde
la question de l’avortement. “Nous
autres Suédois avons peut-être du mal
à comprendre que cela puisse prêter à
débat mais, en Irlande, l’avortement est
un sujet extrêmement sensible”, rap-
pelle Selimovic.
D’après la définition du Conseil
de l’Europe, le Vieux Continent est
composé de quarante-sept nations.
Jasenko Selimovic précise qu’il aurait
aimé couvrir un éventail de pays plus
large. De plus, dans sa sélection, les
pays occidentaux sont largement
majoritaires. L’un des problèmes de
fond est que le théâtre radiopho-
nique n’existe pas partout. “La plu-
part du temps, l’existence du théâtre
radiophonique est liée à une forte tra-
dition de service public. Il existe cer-
taines initiatives intéressantes en Europe
de l’Est, avec des projets à faibles bud-
gets mais passionnants. Mais il est clair
que les pays occidentaux investissent
généralement plus et exigent également
plus de leur théâtre.”
En Suède, Radioteatern a vu son
succès nettement amplifié par la pos-
sibilité d’écouter l’émission sur
Internet. “Le taux d’écoute sur Inter-
net est en augmentation constante. Le
fait de pouvoir choisir le moment où l’on
veut écouter permet la concentration
nécessaire pour apprécier le théâtre
radiophonique à sa juste valeur”,
affirme Jasenko Selimovic.
Sofia Curman
* Né à Sarajevo en 1968, for mé à
l’académie de théâtre de la ville et à
l’Institut d’art dramatique de Stockholm,
Jasenko Selimovic a été directeur
artistique du théâtre de Göteborg.
I l est aussi chroniqueur régulier de
l’hebdomadaire Fokus.
COURRIER INTERNATIONAL N° 963 21 DU 16 AU 22 AVRIL 2009
europe
▶ Dessin de
Leonard Beard paru
dans El Periodicó
de Catalunya,
Barcelone.
963 p21:Mise en page 1 14/04/09 15:30 Page 21