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Caribbean Regional Seminar 2013
Third International Decade for the Eradication of Colonialism: First quarter review of
developments & trends
Special Committee on decolonization
United Nations
Quito, Ecuador
28-30 May 2013
M. Roch Wamytan
New Caledonia
Décolonisation et droit de vote
en Kanaky/Nouvelle-Calédonie
Texte écrit par M. Roch Wamytan
et présenté par Stéphanie Graff en conférence Skype
Résumé biographique
M. Roch WAMYTAN est un homme politique et chef coutumier kanak
indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, né à Nouméa le 13 décembre 1950 et père de quatre
enfants. Il est membre de l’Union Calédonienne et du FLNKS.
Signataire de l’Accord de Nouméa (1998) en tant que président du FLNKS, Roch
Wamytan est aujourd’hui Premier vice-président du Congrès de Nouvelle-Calédonie depuis
son élection à ce poste le 29 août 2012.
Précédemment, Roch Wamytan a été président du Congrès (2011-2012), président du
Groupe du Fer de Lance Mélanésien (2001-2003), Vice président du FLNKS chargé des
relations internationales (1990 – 1995) président du FLNKS (1995-2001), président de
l’Union Calédonienne (1999-2001), ministre du gouvernement chargé des affaires
2
coutumières (1999- 2001 puis 2002-2004) président du groupe FLNKS au Congrès de la
Nouvelle Calédonie (1989 – 1995, 2009 – 2011)
Il est aussi grand-chef du district du Pont-des-Français, tribu de Saint Louis, sur la
commune du Mont Dore depuis juillet 1987. A ce titre il est membre de droit du Conseil
consultatif coutumier de sa région coutumière : la région Djubea-Kapone.
Résumé de la présentation
La Nouvelle-Calédonie est réinscrite sur la liste des pays à décoloniser des Nations
Unies depuis 1986. Aujourd’hui, elle est dans une phase critique de son histoire puisqu’elle
est proche de la sortie de l’Accord de Nouméa, signé en 1998 et considéré comme un
processus de décolonisation du pays. Il est prévu dans cet accord une consultation sur
l’accession à la pleine souveraineté qui doit se dérouler entre 2014 et 2018 selon le résultat
des élections provinciales de 2014.
Aujourd’hui ces élections sont en cours de préparation au travers de l’élaboration et de la
révision des listes électorales qui constituent les corps électoraux spéciaux (pour les élections
provinciales et pour la consultation référendaire d’autodétermination).
Cette présentation vise à dénoncer les problèmes rencontrés ces derniers temps lors de la
révision des listes électorales.
L’histoire montre néanmoins que les problèmes de constitution du corps électoral devant
s’exprimer sur la question de l’autodétermination sont récurrents en Nouvelle-Calédonie. Ils
ne sont que le miroir de la politique de l’Etat français qui vise à rendre les Kanak minoritaires
afin de maintenir sa souveraineté et ses intérêts en Nouvelle-Calédonie et en Océanie. Cette
politique peut se résumer en quelques mots : ligne rouge de l’indépendance interdite.
Texte
Introduction
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité Spécial de Décolonisation,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’Equateur,
3
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, Monsieur le président, pour votre
élection et celles des membres de votre bureau à la tête de cet important Comité chargé des
problèmes de décolonisation. Permettez-moi aussi de saluer l’immense contribution de votre
Comité qui a permis à de nombreux peuples colonisés d’accéder à l’indépendance et de vous
féliciter pour l’adoption de la résolution réinscrivant la Polynésie sur la liste des pays à
décoloniser en ce 17 mai 2013. Cette réinscription est d’une grande importance pour la
Nouvelle-Calédonie puisque comme nous, la Polynésie est colonisée par la France.
Avant de vous exposer les difficultés que nous rencontrons alors que nous sommes à
la sortie de l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par le FLNKS (Front de libération
nationale kanak et socialiste), le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la république)
et l’Etat français, j’aimerais enfin vous remercier chaleureusement de nous avoir invités à
participer à cet important séminaire régional. Comme vous devez le savoir, Julien Boanemoi
était celui qui devait assister au séminaire pour représenter Roch Wamytan. Mais il a eu des
problèmes durant son voyage et il a été bloqué en Nouvelle-Zélande. Nous voudrions nous
excuser sincèrement des désagréments causés et voudrions vous exprimer notre gratitude pour
avoir rendant possible cette présentation par Skype. Je m’appelle Stéphanie Graff. Je suis
conseillère politique de Monsieur Wamytan. Je m’exprime devant vous aujourd’hui pour
représenter Monsieur Roch Wamytan, signataire de l’Accord de Nouméa de1998 et vice-
président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, qui était préalablement invité en tant qu’expert,
mais qui pour des raisons d’emploi du temps n’a malheureusement pas pu participer à ce
séminaire. Il participe en ce moment à des consultations en Papouasie Nouvelle Guinée au
sein d’un groupe de personnalités éminentes, chargé de dresser les visions pour les 25 ans à
venir de l’organisation régionale du Groupe du Fer de lance mélanésien dont est membre à
part entière notre mouvement de libération le FLNKS.
Nous sommes rassemblés aujourd’hui, alors que nous sommes à la fin du premier
quart de la troisième décennie pour l’éradication du colonialisme, afin de discuter de
l’évolution du plan d’action pour l’éradication du colonialisme et de l’avancée des processus
de décolonisation dans les territoires encore non autonomes.
4
La Nouvelle-Calédonie est réinscrite sur la liste des pays à décoloniser depuis 1986.
Elle entre aujourd’hui dans une phase critique du processus de décolonisation mis en place
par l’Accord de Nouméa puisque nous sommes à la sortie de l’Accord et que nous préparons
les élections provinciales de 2014 qui doivent permettre la tenue de la consultation
référendaire sur l’accession à la pleine souveraineté du pays, entre 2014 et 2018.
Nous rencontrons dans la préparation de ces élections de nombreuses difficultés pour
l’élaboration du corps électoral restreint. C’est pour cette raison que nous avons choisi de
focaliser cette intervention sur la question des corps électoraux spéciaux pour les élections
provinciales et la consultation référendaire d’autodétermination. Qui vote est bien entendu
central dans l’exercice du droit à l’autodétermination d’un peuple colonisé.
Nous commencerons donc par replacer le cadre historique au travers des différents
accords qui ont abouti à la définition des corps électoraux spéciaux. L’histoire bégaye car les
difficultés pour la composition du corps électoral pour les référendums d’autodétermination
est en Nouvelle-Calédonie récurrente et redondante.
Nous vous exposerons ensuite les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui avant
de développer ce qui demeure une constante dans le temps : la politique mise en place par
l’Etat français vise à empêcher l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. En effet, ces
difficultés ne sont pour nous qu’une preuve de plus de la volonté de l’Etat de tout faire pour
maintenir sa souveraineté et défendre ses intérêts en Nouvelle-Calédonie.
La Nouvelle Calédonie, à cause de l’histoire de la colonisation, contrairement au droit
international, est en 2013 toujours colonisée par l’Etat français et donc considérée comme
française et européenne. Depuis la signature des Accords de Matignon, l’Etat français adopte
une attitude d’arbitre entre « deux communautés » : les indépendantistes et anti-
indépendantistes. C’est une manœuvre que l’on peut qualifier de celle connue
« pyromane/pompier ». Car l’Etat français n’est pas arbitre de la colonisation en Nouvelle-
Calédonie, il en est le premier acteur.
Nous terminerons par vous soumettre nos craintes pour l’avenir mais aussi nos espoirs
et nos attentes, et les solutions qui pourraient être mises en place avec votre soutien.
5
Car il s’agit pour nous aujourd’hui de trouver des solutions afin que d’une part, le
peuple colonisé puisse exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance selon les
accords politiques et historiques passés avec l’Etat et selon le respect du droit international sur
la décolonisation. Mais aussi il s’agit de réfléchir ensemble aux mesures à prendre afin que le
colonialisme soit éradiqué en Nouvelle-Calédonie avant la fin de la troisième décennie.
1. Historique du droit de vote et de la colonie de peuplement
Le peuple kanak s’est de tout temps battu pour sa liberté et son indépendance. De 1853
à nos jours, notre histoire est celle de luttes incessantes.
Depuis 1975, le peuple kanak, peuple colonisé de Nouvelle-Calédonie, revendique son
droit à l’indépendance.
Selon l’ONU, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre des
décolonisations concerne le peuple colonisé. Mais historiquement les Kanak ont choisi
d’ouvrir ce droit à d'autres dans leur pays.
Ainsi, en 1983, il y a donc 30 ans, lors des négociations de Nainville-les-Roches entre
l’Etat, les représentants du Front Indépendantiste, et le Rassemblement pour la Calédonie
dans la République, le peuple kanak, souhaitant exercer son droit à l’autodétermination, avait
malgré tout accepté d’intégrer dans le corps électoral de ce référendum ceux considérés
comme étant « victimes de l’histoire », c’est-à-dire les descendants de colons, de bagnards, ou
encore de communards. C’est pour cette raison que le corps électoral pour le référendum a été
élargi à ceux envers qui les Kanak acceptaient de tendre la main pour construire ensemble le
pays de demain.
Mais l’Etat n’a eu de cesse de chercher à rendre les Kanak minoritaires afin de
maintenir sa souveraineté en Nouvelle-Calédonie. Ce fut d’ailleurs la raison pour laquelle
l’insurrection de 1984 commença. Il s’agissait de boycotter le statut du Ministre socialiste
6
Georges Lemoine dont le corps électoral pour le référendum ne respectait pas les
engagements pris à Nainville-les-Roches.
La signature des Accords de Matignon-Oudinot en 1988 et Nouméa en 1998
constituent de même des accords qui sont pour nous des étapes sur la voie de l’indépendance,
l’indépendance qui viendra « clôturer ce chapitre inachevé de l’histoire » comme l’a rappelé
l’ancien secrétaire générale de l’ONU, Mr. Kofi Annan le 12 février 2003 et selon les
encouragements de Ban Ki-Moon pour accélérer les processus de décolonisation1
.
Les Accords de Matignon-Oudinot, comme l’Accord de Nouméa, sont des accords de
décolonisation, ayant eu pour conséquence de ramener et de maintenir la paix en Nouvelle
Calédonie. Ils ne sont pas à proprement parler des accords de paix comme certains hauts
responsables français l’ont affirmé. Ces accords devaient permettre de remettre le kanak au
centre du dispositif, et préparer le pays à exercer pleinement son droit à l’autodétermination
en accompagnant l’émergence d’une conscience commune dans le cadre d’une citoyenneté
calédonienne. Celle-ci se base justement sur la définition du corps électoral spécial pour les
élections provinciales et du corps électoral spécial pour la consultation sur l’accession du
territoire à la pleine souveraineté.
Le corps électoral spécial pour les élections provinciales est défini à l’article 1882
de la
loi organique de 1999 faisant suite à l’Accord de Nouméa.
1
Source : Déclaration de Ban Ki-Moon, vendredi 21 février 2013, lors de l’ouverture de la session annuelle du
Comité Spécial de Décolonisation.
2
Article 188 : « I. - Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des
électeurs satisfaisant à l’une des conditions suivantes :
a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de
la consultation du 8 novembre 1998 ;
b) Etre inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection
au congrès et aux assemblées de province ;
c) Avoir atteint l’âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-
Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8
novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d’une durée de domicile de
dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection.
II. - Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des
études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les
7
Le corps électoral pour les élections provinciales est différent du corps électoral pour
la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté qui lui, fait l’objet de l’article 2183
de
la même loi organique.
Néanmoins, les élections provinciales de mai 2014 seront d’une grande importance
dans le processus de décolonisation en cours en Nouvelle-Calédonie puisque, pour que la
consultation électorale sur l’accession à la pleine souveraineté soit organisée par le territoire
de Nouvelle-Calédonie dès 2014, il faut que les 3/5ème
des élus du Congrès l’aient décidé. A
défaut pour le Congrès de réunir cette majorité qualifiée, l’Etat français organise la
consultation d’accession à la pleine souveraineté à partir de 2018.
Le référendum sur l’indépendance est demandé par les indépendantistes depuis qu’ils
revendiquent l’indépendance (1975). Mais l’Etat n’a eu de cesse de le repousser, prétextant
personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la
condition de domicile. »
3
Article 218 : « Sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de
celle-ci et qui remplissent l’une des conditions suivantes :
a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;
b) N’étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la
condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ;
c) N’ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-
respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles
ou médicales ;
d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts
matériels et moraux ;
e) Avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux;
f) Pouvoir justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la
consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ;
g) Etre nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ;
h) Etre nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir
eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.
Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des
études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les
personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la
condition de domicile. »
8
que le pays n’était pas prêt. Ainsi, d’accord en accord, le corps électoral pour le référendum a
été élargi. Le FLNKS a accepté grand nombres de concessions. Mais aujourd’hui les conflits
d’interprétation laissent la place à des dérives inquiétantes. La volonté de l’Etat masquée sous
une neutralité virginale et relayée par celle des anti-indépendantistes de plus en plus
revendicative, poussent toujours plus loin l’élargissement des corps électoraux spéciaux.
Il nous faut impérativement dénoncer ces dérives qui menacent le processus de
décolonisation en cours, mais qui menace aussi la paix en Nouvelle-Calédonie. L’histoire des
décolonisations a de plus montré la nécessaire vigilance lorsqu’on voit ce dont a été capable le
système colonial : exclusion des indigènes du droit de vote, double collège, colonie de
peuplement, vrais faux référendum coloniaux, trucage des listes, etc.
2. Problèmes et enjeux actuels pour l’élaboration des corps électoraux
spéciaux
Le 29 mars 2013, la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et du Parti
travailliste vous a envoyé, Monsieur le Président, un courrier pour vous informer des
problèmes rencontrés concernant la révision de la liste électorale spéciale, pour les élections
provinciales. Nous profitons de cette occasion, Monsieur le Président, pour vous remercier de
votre réponse à notre courrier, envoyée le 8 avril et dans laquelle vous nous encouragez à
participer au séminaire afin de discuter ensemble des problèmes que nous rencontrons et d’y
trouver des solutions.
Chaque année, du 1er
mars au 16 avril, ont lieu les commissions administratives de
contrôle de la liste électorale spéciale dans les 33 communes qui composent la Nouvelle-
Calédonie. Ces commissions de révision de la liste électorale spéciale sont prévues à l’article
1894
de la loi organique.
4
Article 189 : « I. - Les électeurs remplissant les conditions fixées à l’article 188 sont inscrits sur la liste
électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste
électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin.
II. - Une commission administrative spéciale est chargée dans chaque bureau de vote de l’établissement de la
liste électorale spéciale et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin. Elle est composée :
9
1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation, président ;
2° Du délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire ;
3° Du maire de la commune ou de son représentant ;
4° De deux électeurs de la commune, désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie.
En cas de partage des voix au sein de la commission administrative, celle du président est prépondérante.
La commission peut consulter un ou plusieurs représentants de la coutume désignés selon les usages reconnus,
ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux.
La commission est habilitée à procéder ou à faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes
investigations utiles.
III. - La commission inscrit sur la liste électorale spéciale, à leur demande, les électeurs remplissant les
conditions exigées par l’article 188. Ces personnes produisent tous les éléments de nature à prouver qu’elles
remplissent ces conditions.
Elle procède en outre à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à
la date de clôture des listes électorales et remplissant les mêmes conditions. Elle reçoit à cette fin les
informations mentionnées à l’article L. 17-1 du code électoral.
L’électeur qui fait l’objet d’une radiation ou d’un refus d’inscription ou dont l’inscription est contestée est averti
sans frais et peut présenter ses observations.
IV. - La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont permanents.
Ils font l’objet d’une révision annuelle.
L’élection se fait sur la liste révisée pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste.
Lors de la révision de la liste électorale spéciale précédant la tenue d’élections au congrès et aux assemblées de
province organisées à leur terme normal au mois de mai, les dispositions de l’article L. 11-1 du code électoral
sont applicables aux personnes qui remplissent la condition d’âge entre la clôture définitive de la liste électorale
spéciale et la date du scrutin.
Au cas où les élections au congrès et aux assemblées de province sont organisées postérieurement au mois de
mai, sont inscrites d’office sur la liste électorale de leur domicile réel les personnes qui remplissent la condition
d’âge entre la dernière clôture définitive des listes et la date du scrutin, sous réserve qu’elles répondent aux
autres conditions prescrites par la loi.
Quand il a été fait application des dispositions de l’alinéa précédent, la liste électorale complétée en conséquence
entre en vigueur à la date de l’élection.
Peuvent être inscrites sur la liste électorale spéciale en dehors des périodes de révision, outre les personnes
mentionnées à l’article L. 30 du code électoral, celles qui remplissent en cours d’année les conditions prévues
aux b et c du I de l’article 188. Les demandes d’inscription déposées en application du présent alinéa sont,
accompagnées des justifications nécessaires, déposées à la mairie ; elles sont transmises à la commission prévue
au II qui statue, sauf recours au tribunal de première instance.
Les rectifications à la liste électorale spéciale prévues au présent article sont effectuées sans délai, nonobstant la
clôture de la période de révision par la commission prévue au II. Elles pourront être contestées devant le tribunal
de première instance qui statue conformément aux dispositions de l’article L. 25 du code électoral.
10
L’objet de ces commissions est d’étudier toutes les demandes faites par des personnes
souhaitant être inscrites sur la liste électorale spéciale et décider si ces personnes peuvent
figurer sur celles-ci ou non.
Laissez-moi vous énumérer, parmi d’autres, certains des problèmes de procédures et
surtout d’interprétation des textes que nous rencontrons au niveau des commissions
administratives de révision de la liste électorale spéciale :
 le FLNKS est toujours minoritaire : en effet, chaque commission est composée de cinq
personnes, présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier
Président de la Cour de cassation, et au sein de laquelle siège aussi un délégué
électeur désigné par le FLNKS. La décision se prend à la majorité. Or les délégués
FLNKS sont toujours minoritaires, en particulier dans les mairies du Grand Sud de la
Nouvelle-Calédonie majoritairement non indépendantistes. Les trois autres personnes
de la commission sot un représentant de l’Etat, un représentant de la mairie et un
délégué électeur désigné par le RPCR (le RUMP actuellement) ;
 près de 1870 personnes kanak ne pourront pas exercer leur droit à l’autodétermination
car ils figurent sur un tableau annexe des électeurs non admis à voter aux prochaines
V. - La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont mis à jour au plus tard le 30 avril de chaque année et, en
cas de dissolution ou d’élection partielles, au plus tard dix jours avant la date du scrutin.
VI. - Les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l’exception des articles L. 11 à L.
16, des deuxième à dernier alinéas de l’article L. 17, et des articles L. 17-1, L. 23, L. 37 et L. 40 sont applicables
pour l’établissement de la liste électorale spéciale prévue au I.
Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire :
1° “ Haut-commissaire “ au lieu de : “ préfet “ ;
2° “ Chef de subdivision administrative “ au lieu de :” sous-préfet “ ;
3° “ Tribunal de première instance “ au lieu de : “ tribunal d’instance “.
VII. - L’Institut territorial de la statistique et des études économiques tient un fichier général des électeurs
inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie pour l’élection du Président de la République, des
députés à l’Assemblée nationale, des conseils municipaux et du Parlement européen et pour les référendums ; ce
fichier comporte également les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des
assemblées de province.
Pour l’exercice de ces attributions, l’Institut territorial de la statistique et des études économiques agit pour le
compte de l’Etat et est placé sous l’autorité du haut-commissaire de la République.
Une convention entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie fixe les modalités d’application du présent article, dans les
conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
11
élections provinciales. Or nous constatons dans les commissions administratives de
révision des listes le rejet de dossiers de personnes kanak souhaitant voter aux
élections provinciales. Cette année encore, plus de 200 Kanak ont été placés sur le
tableau annexe des électeurs non admis à voter aux prochaines élections provinciales ;
 de plus, basée sur des interprétations biaisées et orientées du texte, nous constatons
dans les commissions la décision de faire figurer sur la liste électorale spéciale de
nombreux électeurs qui, pour nous, ne remplissent pas les conditions prévues par
l’Accord de Nouméa, rappelée par la loi constitutionnelle n°2007-237 du 23 février
2007.
Aujourd’hui encore, nous constatons que les procédures ne sont pas respectées, que de
nombreux Kanak ne pourront pas exercer leur droit à l’autodétermination par le vote, tandis
que d’autres le feront à leur place ; alors que les textes ne le permettent pas rendant toujours
encore plus les Kanak minoritaires pour la future consultation électorale d’accession à la
pleine souveraineté.
Comme l’explique Mathias Chauchat, professeur calédonien agrégé de droit5
, nous
assistons de plus à des manœuvres et des tentatives de contournement de l’Accord de
Nouméa, notamment par la proposition de modification de la loi organique. Monsieur
Chauchat affirme que « sous prétexte de définir la citoyenneté, qui est parfaitement délimitée
jusqu’au nom de chaque individu aujourd’hui, il a été proposé une nouvelle fois d’en élargir
le périmètre. ». Or, cette méthode permettra de contourner l’impossibilité juridique de revenir
sur le corps électoral gelé grâce à son inclusion dans la Constitution de la France.
Pour la révision des listes électorales spéciales, aucune formation n’a été fournie,
aucun support nécessaire (tableau annexe de 1998) pour siéger dans les commissions de
révision des listes. Les membres du FLNKS siégeant au sein de ces commissions se sentaient
démunis face à la complexité de la définition du corps en électoral et de sa mise en
application. D’autre part, aucune formation ou campagne d’information n’a été réalisée auprès
du peuple kanak, et notamment vers sa jeunesse afin qu’elle soit parfaitement consciente des
démarches à effectuer pour pouvoir exercer son droit à l’autodétermination. Selon le Plan
5
Source : « Note sur le corps électoral citoyen » écrite par Mathias Chauchat suite à la réunion du 26 avril 2013
au Haut-commissariat à l’initiative du Haut-commissaire de la République française en Nouvelle-Calédonie.
12
d’action pour la deuxième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme, « [l’]
Organisation des Nations Unies devrait, en collaboration avec les puissances administrantes,
veiller à ce que tous les processus d’autodétermination soient précédés de campagnes
d’éducation politique adéquates et impartiales. ». C’est ce que nous souhaiterions vivement au
vue de la situation actuelle.
De plus, il nous paraît primordial d’ajouter que concernant le corps électoral spécial
pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, censée se dérouler entre
2014 et 2018, et dont la définition est différente que pour le corps électoral spécial pour les
élections provinciales, aucun travail n’a été commencé pour l’élaboration de cette liste. L’Etat
ne nous fournit aucun support alors que nous sommes entre un an et cinq ans de cette
consultation. Rappelons que le point 5 de l’accord de Nouméa précise que cette consultation,
sous forme de question, portera sur « le transfert à la Nouvelle Calédonie des compétences
régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la
citoyenneté en nationalité ».
Un groupe de travail présidé par le Haut commissaire en Nouvelle Calédonie doit se
pencher sur la préparation cette consultation référendaire dans les semaines à venir. Par
ailleurs le comité de pilotage sur l’avenir institutionnel du pays mis en place en juin 2010 lors
de la réunion des signataires de l’accord de Nouméa propose des pistes de réflexion sur les
différentes alternatives statutaires.
Il convient cependant de rester vigilant sur d’éventuelles manœuvres de l’Etat
consistant à modifier la question prévue dans le texte de l’accord et la loi organique de 1999,
afin d’orienter le choix des populations calédoniennes vers une annulation du référendum sur
l’indépendance et le remplacer par un nouvel accord de type Matignon et Nouméa.
3. Politique de l’Etat français : ligne rouge de l’indépendance interdite ?
Comme l’histoire des décolonisations nous l’a montré, la France ne souhaite pas
l’indépendance de notre pays, comme elle ne souhaite pas non plus l’indépendance de « ses »
outre-mer.
13
Son refus manifesté à l’égard de la réinscription de la Polynésie sur la liste des
territoires non autonomes et ses accusations envers l’ONU, je cite, d’ « ingérence flagrante,
d’absence complète de respect pour les choix démocratique des Polynésiens, de détournement
des objectifs fixés en matière de décolonisation »6
n’en sont qu’une autre preuve.
La France met tout en œuvre pour empêcher l’accession de nos pays à la pleine
souveraineté : tentatives de neutralisation et de déstabilisation, des partis indépendantistes et
des mouvements de libération nationale, assassinats des leaders indépendantistes, pratiques de
manipulation et de déstabilisation testées et mises en œuvre dans d’ex-colonies françaises. La
Françafrique en est un exemple.
Ainsi, un Comité Vérité s’est créé à la suite du 30ème
anniversaire de l’assassinat de
Pierre DECLERCQ, secrétaire général de l’Union Calédonienne, en 1981. Les descendants de
plusieurs personnes assassinées en Nouvelle-Calédonie pendant la période dite des
« Evènements » ont exprimé leur souhait de savoir la vérité sur l’assassinat de leur père,
grand- père, oncle, etc. Les membres du Comité considèrent que, dans une perspective de
construction de l’avenir du pays, il faut être au clair avec son passé. Trop de zones d’ombre
entourent ces morts et notamment concernant les commanditaires de plusieurs assassinats.
C’est dans cette recherche de vérité que travaillent actuellement les membres du Comité
vérité.
De plus, le peuple kanak est asphyxié par une politique d’immigration massive en
provenance de la France et des territoires d’outre-mer français. Le peuple kanak devient de
plus en plus minoritaire dans son propre pays. Le flux migratoire a considérablement
augmenté depuis la signature des Accords de Matignon et de Nouméa. Cela malgré les
promesses de Mr Michel Rocard qui s’était engagé en tant que Premier ministre lors de la
signature des Accords de Matignon en 1988 à bloquer les flux migratoires.
Cette immigration concerne principalement la Province Sud où le spectre de la
partition se dessine par un peuplement à majorité européenne. Le scénario est bien connu, il a
6
Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/onu/evenements-et-actualites-lies-
aux/actualites-21429/article/resolution-adoptee-par-l-assemblee
14
échoué aux Nouvelles Hébrides (Vanuatu) en 1980 mais a réussi pour l’île de Mayotte aux
îles Comores en 19757
. L’ONU condamne d’ailleurs la France, depuis 1975, pour
l’occupation illégale de Mayotte. Plus de 20 résolutions ont été votées dans ce sens, sans
résultat tangible à ce jour.
Cette immigration massive porte préjudice au processus de décolonisation et au droit à
l’autodétermination et à l’indépendance du peuple colonisé, le peuple kanak, et aux citoyens
calédoniens à qui il a tendu la main pour construire un pays libre et indépendant.
Le but est clair, il s’agit de peupler la Nouvelle-Calédonie (dans la droite ligne de la
circulaire du Premier Ministre Mesmer en 1972) afin de noyer le Kanak démographiquement
pour le priver d’accéder à l’indépendance.
A ce jour, nous avons des doutes et émettons des suppositions, qui restent à vérifier,
que la colonie de peuplement qui continue à arriver de Métropole est une colonie de
peuplement "choisie". C’est-à-dire que certaines personnes qui arriveraient, notamment pour
des postes dans la fonction publique seraient incitées à venir en Nouvelle-Calédonie parce
qu’elles correspondraient aux critères pour pouvoir voter à la consultation sur l’accession du
territoire à la pleine souveraineté.
Or, selon le Plan d’action pour la deuxième Décennie internationale de l’élimination
du colonialisme, « [l]es puissances administrantes devraient veiller à ce que l’exercice du
droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition
démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires
qu’elles administrent. ».
De plus, nous assistons à une mise progressive sous assistance économique du pays
par l’Etat français. En effet, n’ayant pas la moindre intention de se retirer de cette région Asie
Pacifique, « nouveau lieu de la croissance mondiale » comme le précisait récemment le
président américain Barak OBAMA, la France maintient ses territoires d’outre mer dans une
situation d’assistanat par l’immigration "ciblée et choisie", la défiscalisation à outrance, les
7
Cf. intervention du CAAC (Collectif des Associations et des Amis des Comores) lors de la semaine
anticoloniale le 24 février 2013 : http://www.anticolonial.net/spip.php?article2863
15
transferts financiers et l’indexation des salaires des fonctionnaires, tous ces éléments qui
contribuent à créer une bulle artificielle où se développe une croissance factice avec de hauts
revenus, une vie chère et de fortes inégalités sociales.
Il est clair, qu’au nom de la grandeur de la France, de sa place dans le monde, de ses
intérêts supérieurs, de son rang de deuxième puissance maritime au monde derrière les USA,
celle-ci souhaite s’assurer de garder les pouvoirs régaliens en Nouvelle-Calédonie, et ce
d’autant plus que l’Océanie est considéré comme le nouveau centre du monde8
.
4. La Nouvelle-Calédonie est océanienne, la France est européenne.
Récemment, un colloque organisé par le sénat français en janvier 2013 à Paris a
confirmé à nouveau l’intérêt de la France pour ses territoires français du Pacifique. Il est
désormais admis que le Pacifique est devenu le centre de la croissance mondiale, muni d’un
potentiel considérable pouvant relever les défis du 21ième siècle (énergie, matières premières,
nourriture).
L’avenir est désormais tourné vers les exploitations des ressources marines qui
deviennent de forts vecteurs d’emploi par la biodiversité, les ressources halieutiques,
l’exploitation des terres rares (permettant d’extraire les métaux rares entrant dans la
fabrication des ordinateurs, tablettes, Smartphones, lasers, panneaux photovoltaïques, radars,
missiles).
Les intervenants de ce colloque préconisaient ainsi de défendre dans cette partie du
monde les intérêts supérieurs de la France en lien avec les entreprises françaises publiques et
privées dont par exemple la compagnie pétrolière TOTAL au travers des projets de gaz en
Papouasie Nouvelle Guinée ou celles opérant déjà en Nouvelle Calédonie et Polynésie
française. La France défend aussi ses intérêts en se servant des territoires français comme tête
de pont ou base arrière de la France et de l’Europe.
8
Sources : http://www.defence.gov.au/WhitePaper2013/docs/WP_2013_web.pdf +
http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/livre-blanc-2013
16
Le FLNKS a donné du temps au temps pour construire et atteindre son indépendance.
Des résultats importants ont été obtenus, mais des dérives graves suite à une volonté délibérée
d’enfermement de l’Etat, ont conduit la Nouvelle Calédonie vers une trappe dans laquelle la
France l’enferme de plus en plus au nom des intérêts supérieurs de la Nation.
Il est donc nécessaire de trouver la bonne porte de sortie pour contrer cette stratégie.
Notamment par un renforcement de la place du FLNKS au sein du Groupe du Fer de Lance
Mélanésien et une coopération rapprochée avec le Forum du Pacifique. S’agissant du Groupe
du Fer de lance mélanésien, il est ainsi hors de question pour le moment, tant que la Nouvelle-
Calédonie n’est pas indépendante, que le FLNKS y puisse céder sa place au gouvernement de
la Nouvelle-Calédonie. Il en est de même en ce qui concerne le Forum du Pacifique pour
lequel nous pensons que la Nouvelle-Calédonie ne doit pas obtenir le statut de membre à part
entière tant qu’elle n’est pas indépendante. Car ce serait à coup sûr faire entrer la France,
suivant le principe du « cheval de Troie » dans ces organisations régionales qui ont été de tous
les combats pour l’indépendance du peuple kanak.
Par ailleurs, il est nécessaire que le Groupe du Fer de Lance Mélanésien continue de
porter la parole du FLNKS au Forum des Iles du Pacifique, au mouvement des pays non
alignés et à l’ONU. De son coté, le FLNKS par ses représentants institutionnels en Kanaky
devra redynamiser le partenariat avec le Groupe du Fer de Lance Mélanésien par la formation
des cadres, la coopération économique et commerciale, le développement des échanges, etc.
La présidence de l’organisation régionale revenant pour deux ans au FLNKS après la tenue du
sommet en juin prochain, constituera une opportunité historique pour ancrer encore plus la
Nouvelle Calédonie dans son environnement mélanésien et océanien. Notre pays qui va
commémorer les 160 ans de prise de possession par la France le 24 septembre 2013, n’a pas
vocation à jouer éternellement le rôle de faire valoir de son autorité de tutelle dont le seul but
est d’affirmer aux yeux des nations de cette région son statut de pays « océanien » afin de tirer
profit de cette position. La réalité géographique et politique rappelle que la France, située à
20000 km du pacifique est un état européen et non océanien. Tordre le coup en permanence à
cette réalité de base équivaut à entretenir le système colonialiste et impérialiste, et fait le lit
des futures situations conflictuelles. Plus que jamais la Nouvelle Calédonie, la Mélanésie et le
Pacifique, ont besoin de stabilité, de cohésion et de paix.
17
Conclusions et recommandations
Aux termes de cet exposé nous souhaitons vous exprimer aussi nos craintes.
Avec un corps électoral biaisé aux provinciales et à la consultation sur l'accession à la
pleine souveraineté, les résultats vont être erronés. Si la consultation pour l’accession du pays
à la pleine souveraineté se solde par un échec et que la Nouvelle-Calédonie n’accède pas à
l’indépendance, n’y a t-il pas un risque que celle-ci soit retirée de la liste des pays à
décoloniser? Car l'objectif de l'Etat est bien le retrait de la Nouvelle-Calédonie de la liste.
D'ailleurs l'Etat a toujours été contre la réinscription de la Nouvelle-Calédonie sur la
liste, comme il l’a été pour la Polynésie. L'Etat fait tout pour que les résultats des votes à venir
soient en sa faveur d'où les manœuvres sur les corps électoraux spéciaux et la perpétuation
d’une colonisation de peuplement "choisi".
En conséquence, nous souhaiterions une intervention plus importante et plus directe de
l’ONU en ce qui concerne le contrôle de l’Accord de Nouméa, tant sur le plan de son
application, que sur les nombreux pièges qui en détournent l’esprit et la lettre.
Nous sollicitons les Nations Unies dans son rôle de « faire tout ce qu’il faut pour que
le colonialisme soit éliminé complètement et rapidement », et donc de ne plus laisser de temps
au temps. En effet pour la Nouvelle Calédonie cette année 2013 commémore des évènements
importants : 160 ans de colonisation, 135 ans de la révolte kanak de 1878, 60 ans de l’entrée
des kanak dans les institutions calédoniennes, 30 ans des accords de Nainville les roches, 25
ans des accords de Matignon-Oudinot et 15 ans des accords de Nouméa. Afin de nous aider à
« fermer cette parenthèse de l’histoire » qu’est la colonisation de notre pays, l’ONU doit
pleinement jouer son rôle d’acteur dans le cadre de la « décennie d’action » pour mettre fin
rapidement, aux manœuvres et aux freins contre la décolonisation.
Ainsi, l’objectif du séminaire étant d’assister le Comité spécial de décolonisation dans
la recherche de solutions pratiques et d’approches politiques à mener pour poursuivre le
18
processus de décolonisation des Nations Unies, nous pensons qu’une surveillance locale
importante et permanente par des experts nommés par les Nations Unies sur l’ensemble des
préparatifs à l’exercice du droit à l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie serait
primordiale pour assurer le rôle d’arbitre qui revient à l’ONU et non à l’Etat colonisateur, et
ce afin de veiller au respect du droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple
colonisé et des populations auxquelles il a ouvert l’exercice de ces droits. La dernière mission
du Comité Spécial de Décolonisation s’est effectuée conjointement avec une mission du
Forum du Pacifique en 1999.
En outre, face au problème du rapport de force inégal entre le peuple colonisé et l’Etat
colonisateur, renforcé par la colonie de peuplement anti-indépendantiste et afin de rendre les
kanak minoritaires, nous aimerions avoir des garanties que le cas de la Nouvelle-Calédonie
soit toujours sous surveillance de l'ONU et que la Nouvelle-Calédonie ne soit pas retirée de la
liste. Car nous pensons qu’il s’agit là d’une option sérieusement envisagée et travaillée par la
France en cas d’échec de la consultation référendaire. Ainsi, par mesure de précaution et de
sécurité, ne serait-ce pas une possibilité de garantie que le FLNKS obtienne le statut de MLN
(Mouvement de libération nationale) au sein de l'ONU? Cette question se pose lorsqu’on
assiste aux tentatives de l’Etat de minimiser à chaque occasion la légitimité du FLNKS à
l’instar du dernier comité des signataires de décembre 2012.
Nous réitérons notre confiance dans toutes les formes d’actions que vous pourrez
entreprendre, notamment auprès de la puissance administrante afin de faire respecter l’accord
de Nouméa, accord de décolonisation par essence.
Permettez-moi avant de conclure de remercier votre organisation pour toutes les
contributions apportées à notre lutte dans le passé et pour celles à venir. Je remercie enfin le
soutien à notre combat du Mouvement des Pays non alignés, ainsi que l’appui permanent du
Groupe du fer de Lance Mélanésien et du Forum du Pacifique à notre revendication
d’indépendance.
Je vous remercie de votre attention.
Julien Boanemoi (pour Roch Wamytan)

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  • 1. Caribbean Regional Seminar 2013 Third International Decade for the Eradication of Colonialism: First quarter review of developments & trends Special Committee on decolonization United Nations Quito, Ecuador 28-30 May 2013 M. Roch Wamytan New Caledonia Décolonisation et droit de vote en Kanaky/Nouvelle-Calédonie Texte écrit par M. Roch Wamytan et présenté par Stéphanie Graff en conférence Skype Résumé biographique M. Roch WAMYTAN est un homme politique et chef coutumier kanak indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, né à Nouméa le 13 décembre 1950 et père de quatre enfants. Il est membre de l’Union Calédonienne et du FLNKS. Signataire de l’Accord de Nouméa (1998) en tant que président du FLNKS, Roch Wamytan est aujourd’hui Premier vice-président du Congrès de Nouvelle-Calédonie depuis son élection à ce poste le 29 août 2012. Précédemment, Roch Wamytan a été président du Congrès (2011-2012), président du Groupe du Fer de Lance Mélanésien (2001-2003), Vice président du FLNKS chargé des relations internationales (1990 – 1995) président du FLNKS (1995-2001), président de l’Union Calédonienne (1999-2001), ministre du gouvernement chargé des affaires
  • 2. 2 coutumières (1999- 2001 puis 2002-2004) président du groupe FLNKS au Congrès de la Nouvelle Calédonie (1989 – 1995, 2009 – 2011) Il est aussi grand-chef du district du Pont-des-Français, tribu de Saint Louis, sur la commune du Mont Dore depuis juillet 1987. A ce titre il est membre de droit du Conseil consultatif coutumier de sa région coutumière : la région Djubea-Kapone. Résumé de la présentation La Nouvelle-Calédonie est réinscrite sur la liste des pays à décoloniser des Nations Unies depuis 1986. Aujourd’hui, elle est dans une phase critique de son histoire puisqu’elle est proche de la sortie de l’Accord de Nouméa, signé en 1998 et considéré comme un processus de décolonisation du pays. Il est prévu dans cet accord une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté qui doit se dérouler entre 2014 et 2018 selon le résultat des élections provinciales de 2014. Aujourd’hui ces élections sont en cours de préparation au travers de l’élaboration et de la révision des listes électorales qui constituent les corps électoraux spéciaux (pour les élections provinciales et pour la consultation référendaire d’autodétermination). Cette présentation vise à dénoncer les problèmes rencontrés ces derniers temps lors de la révision des listes électorales. L’histoire montre néanmoins que les problèmes de constitution du corps électoral devant s’exprimer sur la question de l’autodétermination sont récurrents en Nouvelle-Calédonie. Ils ne sont que le miroir de la politique de l’Etat français qui vise à rendre les Kanak minoritaires afin de maintenir sa souveraineté et ses intérêts en Nouvelle-Calédonie et en Océanie. Cette politique peut se résumer en quelques mots : ligne rouge de l’indépendance interdite. Texte Introduction Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité Spécial de Décolonisation, Mesdames et Messieurs les représentants de l’Equateur,
  • 3. 3 Mesdames et Messieurs, Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, Monsieur le président, pour votre élection et celles des membres de votre bureau à la tête de cet important Comité chargé des problèmes de décolonisation. Permettez-moi aussi de saluer l’immense contribution de votre Comité qui a permis à de nombreux peuples colonisés d’accéder à l’indépendance et de vous féliciter pour l’adoption de la résolution réinscrivant la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser en ce 17 mai 2013. Cette réinscription est d’une grande importance pour la Nouvelle-Calédonie puisque comme nous, la Polynésie est colonisée par la France. Avant de vous exposer les difficultés que nous rencontrons alors que nous sommes à la sortie de l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la république) et l’Etat français, j’aimerais enfin vous remercier chaleureusement de nous avoir invités à participer à cet important séminaire régional. Comme vous devez le savoir, Julien Boanemoi était celui qui devait assister au séminaire pour représenter Roch Wamytan. Mais il a eu des problèmes durant son voyage et il a été bloqué en Nouvelle-Zélande. Nous voudrions nous excuser sincèrement des désagréments causés et voudrions vous exprimer notre gratitude pour avoir rendant possible cette présentation par Skype. Je m’appelle Stéphanie Graff. Je suis conseillère politique de Monsieur Wamytan. Je m’exprime devant vous aujourd’hui pour représenter Monsieur Roch Wamytan, signataire de l’Accord de Nouméa de1998 et vice- président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, qui était préalablement invité en tant qu’expert, mais qui pour des raisons d’emploi du temps n’a malheureusement pas pu participer à ce séminaire. Il participe en ce moment à des consultations en Papouasie Nouvelle Guinée au sein d’un groupe de personnalités éminentes, chargé de dresser les visions pour les 25 ans à venir de l’organisation régionale du Groupe du Fer de lance mélanésien dont est membre à part entière notre mouvement de libération le FLNKS. Nous sommes rassemblés aujourd’hui, alors que nous sommes à la fin du premier quart de la troisième décennie pour l’éradication du colonialisme, afin de discuter de l’évolution du plan d’action pour l’éradication du colonialisme et de l’avancée des processus de décolonisation dans les territoires encore non autonomes.
  • 4. 4 La Nouvelle-Calédonie est réinscrite sur la liste des pays à décoloniser depuis 1986. Elle entre aujourd’hui dans une phase critique du processus de décolonisation mis en place par l’Accord de Nouméa puisque nous sommes à la sortie de l’Accord et que nous préparons les élections provinciales de 2014 qui doivent permettre la tenue de la consultation référendaire sur l’accession à la pleine souveraineté du pays, entre 2014 et 2018. Nous rencontrons dans la préparation de ces élections de nombreuses difficultés pour l’élaboration du corps électoral restreint. C’est pour cette raison que nous avons choisi de focaliser cette intervention sur la question des corps électoraux spéciaux pour les élections provinciales et la consultation référendaire d’autodétermination. Qui vote est bien entendu central dans l’exercice du droit à l’autodétermination d’un peuple colonisé. Nous commencerons donc par replacer le cadre historique au travers des différents accords qui ont abouti à la définition des corps électoraux spéciaux. L’histoire bégaye car les difficultés pour la composition du corps électoral pour les référendums d’autodétermination est en Nouvelle-Calédonie récurrente et redondante. Nous vous exposerons ensuite les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui avant de développer ce qui demeure une constante dans le temps : la politique mise en place par l’Etat français vise à empêcher l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. En effet, ces difficultés ne sont pour nous qu’une preuve de plus de la volonté de l’Etat de tout faire pour maintenir sa souveraineté et défendre ses intérêts en Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle Calédonie, à cause de l’histoire de la colonisation, contrairement au droit international, est en 2013 toujours colonisée par l’Etat français et donc considérée comme française et européenne. Depuis la signature des Accords de Matignon, l’Etat français adopte une attitude d’arbitre entre « deux communautés » : les indépendantistes et anti- indépendantistes. C’est une manœuvre que l’on peut qualifier de celle connue « pyromane/pompier ». Car l’Etat français n’est pas arbitre de la colonisation en Nouvelle- Calédonie, il en est le premier acteur. Nous terminerons par vous soumettre nos craintes pour l’avenir mais aussi nos espoirs et nos attentes, et les solutions qui pourraient être mises en place avec votre soutien.
  • 5. 5 Car il s’agit pour nous aujourd’hui de trouver des solutions afin que d’une part, le peuple colonisé puisse exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance selon les accords politiques et historiques passés avec l’Etat et selon le respect du droit international sur la décolonisation. Mais aussi il s’agit de réfléchir ensemble aux mesures à prendre afin que le colonialisme soit éradiqué en Nouvelle-Calédonie avant la fin de la troisième décennie. 1. Historique du droit de vote et de la colonie de peuplement Le peuple kanak s’est de tout temps battu pour sa liberté et son indépendance. De 1853 à nos jours, notre histoire est celle de luttes incessantes. Depuis 1975, le peuple kanak, peuple colonisé de Nouvelle-Calédonie, revendique son droit à l’indépendance. Selon l’ONU, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre des décolonisations concerne le peuple colonisé. Mais historiquement les Kanak ont choisi d’ouvrir ce droit à d'autres dans leur pays. Ainsi, en 1983, il y a donc 30 ans, lors des négociations de Nainville-les-Roches entre l’Etat, les représentants du Front Indépendantiste, et le Rassemblement pour la Calédonie dans la République, le peuple kanak, souhaitant exercer son droit à l’autodétermination, avait malgré tout accepté d’intégrer dans le corps électoral de ce référendum ceux considérés comme étant « victimes de l’histoire », c’est-à-dire les descendants de colons, de bagnards, ou encore de communards. C’est pour cette raison que le corps électoral pour le référendum a été élargi à ceux envers qui les Kanak acceptaient de tendre la main pour construire ensemble le pays de demain. Mais l’Etat n’a eu de cesse de chercher à rendre les Kanak minoritaires afin de maintenir sa souveraineté en Nouvelle-Calédonie. Ce fut d’ailleurs la raison pour laquelle l’insurrection de 1984 commença. Il s’agissait de boycotter le statut du Ministre socialiste
  • 6. 6 Georges Lemoine dont le corps électoral pour le référendum ne respectait pas les engagements pris à Nainville-les-Roches. La signature des Accords de Matignon-Oudinot en 1988 et Nouméa en 1998 constituent de même des accords qui sont pour nous des étapes sur la voie de l’indépendance, l’indépendance qui viendra « clôturer ce chapitre inachevé de l’histoire » comme l’a rappelé l’ancien secrétaire générale de l’ONU, Mr. Kofi Annan le 12 février 2003 et selon les encouragements de Ban Ki-Moon pour accélérer les processus de décolonisation1 . Les Accords de Matignon-Oudinot, comme l’Accord de Nouméa, sont des accords de décolonisation, ayant eu pour conséquence de ramener et de maintenir la paix en Nouvelle Calédonie. Ils ne sont pas à proprement parler des accords de paix comme certains hauts responsables français l’ont affirmé. Ces accords devaient permettre de remettre le kanak au centre du dispositif, et préparer le pays à exercer pleinement son droit à l’autodétermination en accompagnant l’émergence d’une conscience commune dans le cadre d’une citoyenneté calédonienne. Celle-ci se base justement sur la définition du corps électoral spécial pour les élections provinciales et du corps électoral spécial pour la consultation sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté. Le corps électoral spécial pour les élections provinciales est défini à l’article 1882 de la loi organique de 1999 faisant suite à l’Accord de Nouméa. 1 Source : Déclaration de Ban Ki-Moon, vendredi 21 février 2013, lors de l’ouverture de la session annuelle du Comité Spécial de Décolonisation. 2 Article 188 : « I. - Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l’une des conditions suivantes : a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ; b) Etre inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection au congrès et aux assemblées de province ; c) Avoir atteint l’âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle- Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d’une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection. II. - Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les
  • 7. 7 Le corps électoral pour les élections provinciales est différent du corps électoral pour la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté qui lui, fait l’objet de l’article 2183 de la même loi organique. Néanmoins, les élections provinciales de mai 2014 seront d’une grande importance dans le processus de décolonisation en cours en Nouvelle-Calédonie puisque, pour que la consultation électorale sur l’accession à la pleine souveraineté soit organisée par le territoire de Nouvelle-Calédonie dès 2014, il faut que les 3/5ème des élus du Congrès l’aient décidé. A défaut pour le Congrès de réunir cette majorité qualifiée, l’Etat français organise la consultation d’accession à la pleine souveraineté à partir de 2018. Le référendum sur l’indépendance est demandé par les indépendantistes depuis qu’ils revendiquent l’indépendance (1975). Mais l’Etat n’a eu de cesse de le repousser, prétextant personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. » 3 Article 218 : « Sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de celle-ci et qui remplissent l’une des conditions suivantes : a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; b) N’étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ; c) N’ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non- respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ; d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux ; e) Avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux; f) Pouvoir justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ; g) Etre nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ; h) Etre nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. »
  • 8. 8 que le pays n’était pas prêt. Ainsi, d’accord en accord, le corps électoral pour le référendum a été élargi. Le FLNKS a accepté grand nombres de concessions. Mais aujourd’hui les conflits d’interprétation laissent la place à des dérives inquiétantes. La volonté de l’Etat masquée sous une neutralité virginale et relayée par celle des anti-indépendantistes de plus en plus revendicative, poussent toujours plus loin l’élargissement des corps électoraux spéciaux. Il nous faut impérativement dénoncer ces dérives qui menacent le processus de décolonisation en cours, mais qui menace aussi la paix en Nouvelle-Calédonie. L’histoire des décolonisations a de plus montré la nécessaire vigilance lorsqu’on voit ce dont a été capable le système colonial : exclusion des indigènes du droit de vote, double collège, colonie de peuplement, vrais faux référendum coloniaux, trucage des listes, etc. 2. Problèmes et enjeux actuels pour l’élaboration des corps électoraux spéciaux Le 29 mars 2013, la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et du Parti travailliste vous a envoyé, Monsieur le Président, un courrier pour vous informer des problèmes rencontrés concernant la révision de la liste électorale spéciale, pour les élections provinciales. Nous profitons de cette occasion, Monsieur le Président, pour vous remercier de votre réponse à notre courrier, envoyée le 8 avril et dans laquelle vous nous encouragez à participer au séminaire afin de discuter ensemble des problèmes que nous rencontrons et d’y trouver des solutions. Chaque année, du 1er mars au 16 avril, ont lieu les commissions administratives de contrôle de la liste électorale spéciale dans les 33 communes qui composent la Nouvelle- Calédonie. Ces commissions de révision de la liste électorale spéciale sont prévues à l’article 1894 de la loi organique. 4 Article 189 : « I. - Les électeurs remplissant les conditions fixées à l’article 188 sont inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin. II. - Une commission administrative spéciale est chargée dans chaque bureau de vote de l’établissement de la liste électorale spéciale et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin. Elle est composée :
  • 9. 9 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation, président ; 2° Du délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire ; 3° Du maire de la commune ou de son représentant ; 4° De deux électeurs de la commune, désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. En cas de partage des voix au sein de la commission administrative, celle du président est prépondérante. La commission peut consulter un ou plusieurs représentants de la coutume désignés selon les usages reconnus, ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux. La commission est habilitée à procéder ou à faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes investigations utiles. III. - La commission inscrit sur la liste électorale spéciale, à leur demande, les électeurs remplissant les conditions exigées par l’article 188. Ces personnes produisent tous les éléments de nature à prouver qu’elles remplissent ces conditions. Elle procède en outre à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture des listes électorales et remplissant les mêmes conditions. Elle reçoit à cette fin les informations mentionnées à l’article L. 17-1 du code électoral. L’électeur qui fait l’objet d’une radiation ou d’un refus d’inscription ou dont l’inscription est contestée est averti sans frais et peut présenter ses observations. IV. - La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont permanents. Ils font l’objet d’une révision annuelle. L’élection se fait sur la liste révisée pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste. Lors de la révision de la liste électorale spéciale précédant la tenue d’élections au congrès et aux assemblées de province organisées à leur terme normal au mois de mai, les dispositions de l’article L. 11-1 du code électoral sont applicables aux personnes qui remplissent la condition d’âge entre la clôture définitive de la liste électorale spéciale et la date du scrutin. Au cas où les élections au congrès et aux assemblées de province sont organisées postérieurement au mois de mai, sont inscrites d’office sur la liste électorale de leur domicile réel les personnes qui remplissent la condition d’âge entre la dernière clôture définitive des listes et la date du scrutin, sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions prescrites par la loi. Quand il a été fait application des dispositions de l’alinéa précédent, la liste électorale complétée en conséquence entre en vigueur à la date de l’élection. Peuvent être inscrites sur la liste électorale spéciale en dehors des périodes de révision, outre les personnes mentionnées à l’article L. 30 du code électoral, celles qui remplissent en cours d’année les conditions prévues aux b et c du I de l’article 188. Les demandes d’inscription déposées en application du présent alinéa sont, accompagnées des justifications nécessaires, déposées à la mairie ; elles sont transmises à la commission prévue au II qui statue, sauf recours au tribunal de première instance. Les rectifications à la liste électorale spéciale prévues au présent article sont effectuées sans délai, nonobstant la clôture de la période de révision par la commission prévue au II. Elles pourront être contestées devant le tribunal de première instance qui statue conformément aux dispositions de l’article L. 25 du code électoral.
  • 10. 10 L’objet de ces commissions est d’étudier toutes les demandes faites par des personnes souhaitant être inscrites sur la liste électorale spéciale et décider si ces personnes peuvent figurer sur celles-ci ou non. Laissez-moi vous énumérer, parmi d’autres, certains des problèmes de procédures et surtout d’interprétation des textes que nous rencontrons au niveau des commissions administratives de révision de la liste électorale spéciale :  le FLNKS est toujours minoritaire : en effet, chaque commission est composée de cinq personnes, présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier Président de la Cour de cassation, et au sein de laquelle siège aussi un délégué électeur désigné par le FLNKS. La décision se prend à la majorité. Or les délégués FLNKS sont toujours minoritaires, en particulier dans les mairies du Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie majoritairement non indépendantistes. Les trois autres personnes de la commission sot un représentant de l’Etat, un représentant de la mairie et un délégué électeur désigné par le RPCR (le RUMP actuellement) ;  près de 1870 personnes kanak ne pourront pas exercer leur droit à l’autodétermination car ils figurent sur un tableau annexe des électeurs non admis à voter aux prochaines V. - La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont mis à jour au plus tard le 30 avril de chaque année et, en cas de dissolution ou d’élection partielles, au plus tard dix jours avant la date du scrutin. VI. - Les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l’exception des articles L. 11 à L. 16, des deuxième à dernier alinéas de l’article L. 17, et des articles L. 17-1, L. 23, L. 37 et L. 40 sont applicables pour l’établissement de la liste électorale spéciale prévue au I. Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire : 1° “ Haut-commissaire “ au lieu de : “ préfet “ ; 2° “ Chef de subdivision administrative “ au lieu de :” sous-préfet “ ; 3° “ Tribunal de première instance “ au lieu de : “ tribunal d’instance “. VII. - L’Institut territorial de la statistique et des études économiques tient un fichier général des électeurs inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie pour l’élection du Président de la République, des députés à l’Assemblée nationale, des conseils municipaux et du Parlement européen et pour les référendums ; ce fichier comporte également les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Pour l’exercice de ces attributions, l’Institut territorial de la statistique et des études économiques agit pour le compte de l’Etat et est placé sous l’autorité du haut-commissaire de la République. Une convention entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie fixe les modalités d’application du présent article, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
  • 11. 11 élections provinciales. Or nous constatons dans les commissions administratives de révision des listes le rejet de dossiers de personnes kanak souhaitant voter aux élections provinciales. Cette année encore, plus de 200 Kanak ont été placés sur le tableau annexe des électeurs non admis à voter aux prochaines élections provinciales ;  de plus, basée sur des interprétations biaisées et orientées du texte, nous constatons dans les commissions la décision de faire figurer sur la liste électorale spéciale de nombreux électeurs qui, pour nous, ne remplissent pas les conditions prévues par l’Accord de Nouméa, rappelée par la loi constitutionnelle n°2007-237 du 23 février 2007. Aujourd’hui encore, nous constatons que les procédures ne sont pas respectées, que de nombreux Kanak ne pourront pas exercer leur droit à l’autodétermination par le vote, tandis que d’autres le feront à leur place ; alors que les textes ne le permettent pas rendant toujours encore plus les Kanak minoritaires pour la future consultation électorale d’accession à la pleine souveraineté. Comme l’explique Mathias Chauchat, professeur calédonien agrégé de droit5 , nous assistons de plus à des manœuvres et des tentatives de contournement de l’Accord de Nouméa, notamment par la proposition de modification de la loi organique. Monsieur Chauchat affirme que « sous prétexte de définir la citoyenneté, qui est parfaitement délimitée jusqu’au nom de chaque individu aujourd’hui, il a été proposé une nouvelle fois d’en élargir le périmètre. ». Or, cette méthode permettra de contourner l’impossibilité juridique de revenir sur le corps électoral gelé grâce à son inclusion dans la Constitution de la France. Pour la révision des listes électorales spéciales, aucune formation n’a été fournie, aucun support nécessaire (tableau annexe de 1998) pour siéger dans les commissions de révision des listes. Les membres du FLNKS siégeant au sein de ces commissions se sentaient démunis face à la complexité de la définition du corps en électoral et de sa mise en application. D’autre part, aucune formation ou campagne d’information n’a été réalisée auprès du peuple kanak, et notamment vers sa jeunesse afin qu’elle soit parfaitement consciente des démarches à effectuer pour pouvoir exercer son droit à l’autodétermination. Selon le Plan 5 Source : « Note sur le corps électoral citoyen » écrite par Mathias Chauchat suite à la réunion du 26 avril 2013 au Haut-commissariat à l’initiative du Haut-commissaire de la République française en Nouvelle-Calédonie.
  • 12. 12 d’action pour la deuxième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme, « [l’] Organisation des Nations Unies devrait, en collaboration avec les puissances administrantes, veiller à ce que tous les processus d’autodétermination soient précédés de campagnes d’éducation politique adéquates et impartiales. ». C’est ce que nous souhaiterions vivement au vue de la situation actuelle. De plus, il nous paraît primordial d’ajouter que concernant le corps électoral spécial pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, censée se dérouler entre 2014 et 2018, et dont la définition est différente que pour le corps électoral spécial pour les élections provinciales, aucun travail n’a été commencé pour l’élaboration de cette liste. L’Etat ne nous fournit aucun support alors que nous sommes entre un an et cinq ans de cette consultation. Rappelons que le point 5 de l’accord de Nouméa précise que cette consultation, sous forme de question, portera sur « le transfert à la Nouvelle Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ». Un groupe de travail présidé par le Haut commissaire en Nouvelle Calédonie doit se pencher sur la préparation cette consultation référendaire dans les semaines à venir. Par ailleurs le comité de pilotage sur l’avenir institutionnel du pays mis en place en juin 2010 lors de la réunion des signataires de l’accord de Nouméa propose des pistes de réflexion sur les différentes alternatives statutaires. Il convient cependant de rester vigilant sur d’éventuelles manœuvres de l’Etat consistant à modifier la question prévue dans le texte de l’accord et la loi organique de 1999, afin d’orienter le choix des populations calédoniennes vers une annulation du référendum sur l’indépendance et le remplacer par un nouvel accord de type Matignon et Nouméa. 3. Politique de l’Etat français : ligne rouge de l’indépendance interdite ? Comme l’histoire des décolonisations nous l’a montré, la France ne souhaite pas l’indépendance de notre pays, comme elle ne souhaite pas non plus l’indépendance de « ses » outre-mer.
  • 13. 13 Son refus manifesté à l’égard de la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires non autonomes et ses accusations envers l’ONU, je cite, d’ « ingérence flagrante, d’absence complète de respect pour les choix démocratique des Polynésiens, de détournement des objectifs fixés en matière de décolonisation »6 n’en sont qu’une autre preuve. La France met tout en œuvre pour empêcher l’accession de nos pays à la pleine souveraineté : tentatives de neutralisation et de déstabilisation, des partis indépendantistes et des mouvements de libération nationale, assassinats des leaders indépendantistes, pratiques de manipulation et de déstabilisation testées et mises en œuvre dans d’ex-colonies françaises. La Françafrique en est un exemple. Ainsi, un Comité Vérité s’est créé à la suite du 30ème anniversaire de l’assassinat de Pierre DECLERCQ, secrétaire général de l’Union Calédonienne, en 1981. Les descendants de plusieurs personnes assassinées en Nouvelle-Calédonie pendant la période dite des « Evènements » ont exprimé leur souhait de savoir la vérité sur l’assassinat de leur père, grand- père, oncle, etc. Les membres du Comité considèrent que, dans une perspective de construction de l’avenir du pays, il faut être au clair avec son passé. Trop de zones d’ombre entourent ces morts et notamment concernant les commanditaires de plusieurs assassinats. C’est dans cette recherche de vérité que travaillent actuellement les membres du Comité vérité. De plus, le peuple kanak est asphyxié par une politique d’immigration massive en provenance de la France et des territoires d’outre-mer français. Le peuple kanak devient de plus en plus minoritaire dans son propre pays. Le flux migratoire a considérablement augmenté depuis la signature des Accords de Matignon et de Nouméa. Cela malgré les promesses de Mr Michel Rocard qui s’était engagé en tant que Premier ministre lors de la signature des Accords de Matignon en 1988 à bloquer les flux migratoires. Cette immigration concerne principalement la Province Sud où le spectre de la partition se dessine par un peuplement à majorité européenne. Le scénario est bien connu, il a 6 Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/onu/evenements-et-actualites-lies- aux/actualites-21429/article/resolution-adoptee-par-l-assemblee
  • 14. 14 échoué aux Nouvelles Hébrides (Vanuatu) en 1980 mais a réussi pour l’île de Mayotte aux îles Comores en 19757 . L’ONU condamne d’ailleurs la France, depuis 1975, pour l’occupation illégale de Mayotte. Plus de 20 résolutions ont été votées dans ce sens, sans résultat tangible à ce jour. Cette immigration massive porte préjudice au processus de décolonisation et au droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple colonisé, le peuple kanak, et aux citoyens calédoniens à qui il a tendu la main pour construire un pays libre et indépendant. Le but est clair, il s’agit de peupler la Nouvelle-Calédonie (dans la droite ligne de la circulaire du Premier Ministre Mesmer en 1972) afin de noyer le Kanak démographiquement pour le priver d’accéder à l’indépendance. A ce jour, nous avons des doutes et émettons des suppositions, qui restent à vérifier, que la colonie de peuplement qui continue à arriver de Métropole est une colonie de peuplement "choisie". C’est-à-dire que certaines personnes qui arriveraient, notamment pour des postes dans la fonction publique seraient incitées à venir en Nouvelle-Calédonie parce qu’elles correspondraient aux critères pour pouvoir voter à la consultation sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté. Or, selon le Plan d’action pour la deuxième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme, « [l]es puissances administrantes devraient veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles administrent. ». De plus, nous assistons à une mise progressive sous assistance économique du pays par l’Etat français. En effet, n’ayant pas la moindre intention de se retirer de cette région Asie Pacifique, « nouveau lieu de la croissance mondiale » comme le précisait récemment le président américain Barak OBAMA, la France maintient ses territoires d’outre mer dans une situation d’assistanat par l’immigration "ciblée et choisie", la défiscalisation à outrance, les 7 Cf. intervention du CAAC (Collectif des Associations et des Amis des Comores) lors de la semaine anticoloniale le 24 février 2013 : http://www.anticolonial.net/spip.php?article2863
  • 15. 15 transferts financiers et l’indexation des salaires des fonctionnaires, tous ces éléments qui contribuent à créer une bulle artificielle où se développe une croissance factice avec de hauts revenus, une vie chère et de fortes inégalités sociales. Il est clair, qu’au nom de la grandeur de la France, de sa place dans le monde, de ses intérêts supérieurs, de son rang de deuxième puissance maritime au monde derrière les USA, celle-ci souhaite s’assurer de garder les pouvoirs régaliens en Nouvelle-Calédonie, et ce d’autant plus que l’Océanie est considéré comme le nouveau centre du monde8 . 4. La Nouvelle-Calédonie est océanienne, la France est européenne. Récemment, un colloque organisé par le sénat français en janvier 2013 à Paris a confirmé à nouveau l’intérêt de la France pour ses territoires français du Pacifique. Il est désormais admis que le Pacifique est devenu le centre de la croissance mondiale, muni d’un potentiel considérable pouvant relever les défis du 21ième siècle (énergie, matières premières, nourriture). L’avenir est désormais tourné vers les exploitations des ressources marines qui deviennent de forts vecteurs d’emploi par la biodiversité, les ressources halieutiques, l’exploitation des terres rares (permettant d’extraire les métaux rares entrant dans la fabrication des ordinateurs, tablettes, Smartphones, lasers, panneaux photovoltaïques, radars, missiles). Les intervenants de ce colloque préconisaient ainsi de défendre dans cette partie du monde les intérêts supérieurs de la France en lien avec les entreprises françaises publiques et privées dont par exemple la compagnie pétrolière TOTAL au travers des projets de gaz en Papouasie Nouvelle Guinée ou celles opérant déjà en Nouvelle Calédonie et Polynésie française. La France défend aussi ses intérêts en se servant des territoires français comme tête de pont ou base arrière de la France et de l’Europe. 8 Sources : http://www.defence.gov.au/WhitePaper2013/docs/WP_2013_web.pdf + http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/livre-blanc-2013
  • 16. 16 Le FLNKS a donné du temps au temps pour construire et atteindre son indépendance. Des résultats importants ont été obtenus, mais des dérives graves suite à une volonté délibérée d’enfermement de l’Etat, ont conduit la Nouvelle Calédonie vers une trappe dans laquelle la France l’enferme de plus en plus au nom des intérêts supérieurs de la Nation. Il est donc nécessaire de trouver la bonne porte de sortie pour contrer cette stratégie. Notamment par un renforcement de la place du FLNKS au sein du Groupe du Fer de Lance Mélanésien et une coopération rapprochée avec le Forum du Pacifique. S’agissant du Groupe du Fer de lance mélanésien, il est ainsi hors de question pour le moment, tant que la Nouvelle- Calédonie n’est pas indépendante, que le FLNKS y puisse céder sa place au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il en est de même en ce qui concerne le Forum du Pacifique pour lequel nous pensons que la Nouvelle-Calédonie ne doit pas obtenir le statut de membre à part entière tant qu’elle n’est pas indépendante. Car ce serait à coup sûr faire entrer la France, suivant le principe du « cheval de Troie » dans ces organisations régionales qui ont été de tous les combats pour l’indépendance du peuple kanak. Par ailleurs, il est nécessaire que le Groupe du Fer de Lance Mélanésien continue de porter la parole du FLNKS au Forum des Iles du Pacifique, au mouvement des pays non alignés et à l’ONU. De son coté, le FLNKS par ses représentants institutionnels en Kanaky devra redynamiser le partenariat avec le Groupe du Fer de Lance Mélanésien par la formation des cadres, la coopération économique et commerciale, le développement des échanges, etc. La présidence de l’organisation régionale revenant pour deux ans au FLNKS après la tenue du sommet en juin prochain, constituera une opportunité historique pour ancrer encore plus la Nouvelle Calédonie dans son environnement mélanésien et océanien. Notre pays qui va commémorer les 160 ans de prise de possession par la France le 24 septembre 2013, n’a pas vocation à jouer éternellement le rôle de faire valoir de son autorité de tutelle dont le seul but est d’affirmer aux yeux des nations de cette région son statut de pays « océanien » afin de tirer profit de cette position. La réalité géographique et politique rappelle que la France, située à 20000 km du pacifique est un état européen et non océanien. Tordre le coup en permanence à cette réalité de base équivaut à entretenir le système colonialiste et impérialiste, et fait le lit des futures situations conflictuelles. Plus que jamais la Nouvelle Calédonie, la Mélanésie et le Pacifique, ont besoin de stabilité, de cohésion et de paix.
  • 17. 17 Conclusions et recommandations Aux termes de cet exposé nous souhaitons vous exprimer aussi nos craintes. Avec un corps électoral biaisé aux provinciales et à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté, les résultats vont être erronés. Si la consultation pour l’accession du pays à la pleine souveraineté se solde par un échec et que la Nouvelle-Calédonie n’accède pas à l’indépendance, n’y a t-il pas un risque que celle-ci soit retirée de la liste des pays à décoloniser? Car l'objectif de l'Etat est bien le retrait de la Nouvelle-Calédonie de la liste. D'ailleurs l'Etat a toujours été contre la réinscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste, comme il l’a été pour la Polynésie. L'Etat fait tout pour que les résultats des votes à venir soient en sa faveur d'où les manœuvres sur les corps électoraux spéciaux et la perpétuation d’une colonisation de peuplement "choisi". En conséquence, nous souhaiterions une intervention plus importante et plus directe de l’ONU en ce qui concerne le contrôle de l’Accord de Nouméa, tant sur le plan de son application, que sur les nombreux pièges qui en détournent l’esprit et la lettre. Nous sollicitons les Nations Unies dans son rôle de « faire tout ce qu’il faut pour que le colonialisme soit éliminé complètement et rapidement », et donc de ne plus laisser de temps au temps. En effet pour la Nouvelle Calédonie cette année 2013 commémore des évènements importants : 160 ans de colonisation, 135 ans de la révolte kanak de 1878, 60 ans de l’entrée des kanak dans les institutions calédoniennes, 30 ans des accords de Nainville les roches, 25 ans des accords de Matignon-Oudinot et 15 ans des accords de Nouméa. Afin de nous aider à « fermer cette parenthèse de l’histoire » qu’est la colonisation de notre pays, l’ONU doit pleinement jouer son rôle d’acteur dans le cadre de la « décennie d’action » pour mettre fin rapidement, aux manœuvres et aux freins contre la décolonisation. Ainsi, l’objectif du séminaire étant d’assister le Comité spécial de décolonisation dans la recherche de solutions pratiques et d’approches politiques à mener pour poursuivre le
  • 18. 18 processus de décolonisation des Nations Unies, nous pensons qu’une surveillance locale importante et permanente par des experts nommés par les Nations Unies sur l’ensemble des préparatifs à l’exercice du droit à l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie serait primordiale pour assurer le rôle d’arbitre qui revient à l’ONU et non à l’Etat colonisateur, et ce afin de veiller au respect du droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple colonisé et des populations auxquelles il a ouvert l’exercice de ces droits. La dernière mission du Comité Spécial de Décolonisation s’est effectuée conjointement avec une mission du Forum du Pacifique en 1999. En outre, face au problème du rapport de force inégal entre le peuple colonisé et l’Etat colonisateur, renforcé par la colonie de peuplement anti-indépendantiste et afin de rendre les kanak minoritaires, nous aimerions avoir des garanties que le cas de la Nouvelle-Calédonie soit toujours sous surveillance de l'ONU et que la Nouvelle-Calédonie ne soit pas retirée de la liste. Car nous pensons qu’il s’agit là d’une option sérieusement envisagée et travaillée par la France en cas d’échec de la consultation référendaire. Ainsi, par mesure de précaution et de sécurité, ne serait-ce pas une possibilité de garantie que le FLNKS obtienne le statut de MLN (Mouvement de libération nationale) au sein de l'ONU? Cette question se pose lorsqu’on assiste aux tentatives de l’Etat de minimiser à chaque occasion la légitimité du FLNKS à l’instar du dernier comité des signataires de décembre 2012. Nous réitérons notre confiance dans toutes les formes d’actions que vous pourrez entreprendre, notamment auprès de la puissance administrante afin de faire respecter l’accord de Nouméa, accord de décolonisation par essence. Permettez-moi avant de conclure de remercier votre organisation pour toutes les contributions apportées à notre lutte dans le passé et pour celles à venir. Je remercie enfin le soutien à notre combat du Mouvement des Pays non alignés, ainsi que l’appui permanent du Groupe du fer de Lance Mélanésien et du Forum du Pacifique à notre revendication d’indépendance. Je vous remercie de votre attention. Julien Boanemoi (pour Roch Wamytan)