1. EXE? OTC 38:Mise en page 1 3/04/09 10:55 Page 12
FOCUS
>> Réforme des normes
IFRS 7 et IAS 39
Geoffrey LALLEMENT, Consultant confirmé
Laurent de CASTELBAJAC, Manager
La crise des subprimes, prémices de la crise mondiale que nous traversons actuellement, a
poussé banquiers et politiques (notamment les ministres des finances et les gouverneurs des
Banques Centrales du G7) à faire pression sur l’IASB (1), afin que celui-ci réajuste ses normes
dans le même esprit que l’assouplissement des US GAAP (2) par les autorités américaines à fin
septembre 2008.
Le 15 octobre 2008, la Commission Européenne a adopté le règlement CE 1004/2008 relatif
aux amendements des normes IAS 39 (« Instruments Financiers : comptabilisation et évalua-
tion ») et IFRS 7 (« Instruments Financiers : informations à fournir »), permettant son utilisation
dès l’arrêté de septembre 2008. Ce règlement fait suite à l’adoption le 11 octobre dernier de
ces amendements par l’IASB pour permettre, dans des circonstances rares, de reclasser dans
d’autres catégories certains instruments financiers détenus à des fins de transaction (catégo-
rie « Trading »). L’amendement de l’IFRS 7 précise l’information à fournir en cas de reclas-
sement des instruments financiers prévus par l’amendement à l’IAS 39.
L’objectif est double : permettre aux institutions financières d’atténuer les impacts liés à la crise
sur leurs comptes et harmoniser les règles comptables européennes et américaines.
Quels sont les impacts de la crise financière de 2007/2008 sur la valorisation des instruments
financiers et les risques pour les entreprises ? Quelles sont les solutions apportées par l’adop-
tion des amendements à IAS 39 et IFRS 7 ? Quel en est l’impact pour la comptabilité des
11
entreprises ?
>> Harmonisation des normes US >> Les risques liés à la valorisation
et européenne des instruments financiers
Selon René Ricol (3), les entreprises cotées sur le marché Les modifications de l’IFRS 7 précisent les informations à
américain traversent mieux la crise que celles cotées en communiquer sur les retraitements effectués dans le cadre
Europe en raison d’une rédaction plus claire et plus précise de l’utilisation de l’amendement de la norme IAS 39. Elles
des US GAAP par comparaison aux IFRS. Il insiste notam- viennent s’ajouter aux dispositions déjà existantes permettant
ment sur la nécessité de « restaurer une égalité entres règles de renforcer la transparence, notamment en matière de
européennes et américaines »(4). description des principaux risques.
Les informations sur les reclassements concernent notam-
L’amendement à IAS 39 adopté par l’IASB constitue une ment les situations dans lesquelles ceux-ci ont été réalisés et
étape cruciale de convergence avec le référentiel américain, les impacts sur les états financiers. Il convient de préciser les
concernant le reclassement possible de certains instruments montants reclassés, la provenance et la destination des
financiers. reclassements, et les valeurs comptables et de marché des
actifs reclassés pour les périodes en cours et passées.
Le risque de distorsion de concurrence entre banques
européennes et américaines est réel en raison d’une dispo- >> L’impact de la crise financière
sition des US GAAP autorisant dans de rares cas le reclas- sur la valorisation des instru-
sement d’actifs du portefeuille de négociation (trading book) ments financiers
vers le portefeuille bancaire (banking book), c’est-à-dire le
portefeuille de créances conservées à échéance, avec un « A bien des égards, la crise actuelle est une crise de valorisa-
effet rétroactif au 1er juillet 2008, donc sur les comptes du tion (5) ». Elle a mis en exergue la difficulté de valoriser des ins-
troisième trimestre. Or, l’IAS 39 (avant amendement) interdit truments financiers complexes mais aussi vanilles, dans des
ce type de transfert. Le trading book est évalué à la juste marchés inactifs ou dans des circonstances exceptionnelles.
valeur - et donc essentiellement en mark-to-market - et le Elle a également démontré que la valorisation des instruments
banking book au coût amorti. financiers n’est pas qu’une question de comptabilité.
(1) IASB : International Accounting Standard Board - (2) US GAAP : US Generally Accepted Accounting Principles - (3) René RICOL, ancien président des
commissaires aux comptes, a été nommé en octobre 2008 par le Président Nicolas SARKOZY, « médiateur du crédit » chargé de veiller à la bonne marche du
crédit aux entreprises, dans les banques et auprès des acteurs publics. - (4) Rapport sur la crise financière mondiale, remis au Président de la République
française, septembre 2008. (5) « Leçons de la crise. Réflexions d’un banquier central sur certains enjeux de politique comptable », Christian Noyer, gouverneur
de la Banque de France, Rencontre européenne de la profession comptable, 11 décembre 2008.
2. EXE? OTC 38:Mise en page 1 3/04/09 10:55 Page 13
FOCUS
Comment valoriser et évaluer un actif en fonction d’un Afin d’intégrer ces nouvelles règles, les entreprises vont
marché si celui-ci est inactif ou inexistant, ou si la valeur de devoir analyser la nouvelle vision que cela apporte, déter-
marché n’est plus un critère pertinent ? miner ce qui peut être impacté (périmètre de consolidation,
comptabilisation des instruments financiers, provisions, infor-
Les amendements aux IFRS 7 et IAS 39 permettent alors mation à fournir, etc.), intégrer la nouvelle classification des
d’estimer, sous certaines conditions, au coût amorti des instruments financiers ou encore maîtriser les deux modes
opérations évaluées précédemment à la juste valeur. d’évaluation différents et les mettre en place.
En effet, le recours à la notion de juste valeur, même si elle
n’est pas à l’origine de la crise, en a cependant amplifié >> L’application des nouvelles
les conséquences par un phénomène de dépréciation auto- normes en pratique
entretenu des actifs.
On dispose à ce jour des premiers exemples pratiques de
La juste valeur d’un instrument financier est « le montant pour mise en œuvre de l’amendement, puisqu’il a été utilisé par
lequel un actif peut être échangé ou un passif éteint entre certains établissements à l’occasion des arrêtés des troisiè-
deux parties bien informées et consentantes dans le cadre me et quatrième trimestres de l’année 2008.
d’une transaction effectuée dans des conditions de concur- Il nous a ainsi paru intéressant d’examiner les résultats
rence normale (at arm’s lenght) »(6). concrets de cet amendement.
Le problème lié à la juste valeur vient du fait que l’on part du TROISIÈME TRIMESTRE 2008
principe que l’on évolue dans des marchés financiers Pour l’arrêté des comptes du troisième trimestre 2008, la
efficients qui procurent alors la meilleure méthode pour la Deutsche Bank a utilisé les nouvelles règles (7), ce qui lui a
valorisation d’un actif financier donné. Or, en période d’insta- évité 845 millions d’euros de dépréciation d’actifs, et lui a
bilité, le dernier prix de transaction n’est pas forcément un permis de présenter un résultat net positif.
critère pertinent. La valorisation à la juste valeur a ainsi Cependant certaines banques, telles que Société Générale
conduit à une représentation biaisée du profil de risque et ou UBS, ont décidé de ne pas y avoir recours, quand bien
des performances des établissements financiers. même celle-ci aurait pu permettre une amélioration de leur
résultat.
Les nouvelles dispositions proposent l’adoption des
principes suivants : en l’absence de données de marché QUATRIÈME TRIMESTRE 2008
pertinentes, les entreprises pourront utiliser le mark-to-model, La publication tardive de l’amendement (11 octobre) explique
c’est-à-dire des modèles de valorisation se basant sur que peu de banques y ont eu recours pour les comptes du
d’autres critères que le mark-to-market. troisième trimestre.
12 >> Quels impacts pour les comptes En revanche, la plupart des banques françaises ont choisi de
de l’entreprise ? mettre en application cet amendement pour les comptes du
quatrième trimestre.
L’IASB propose d’aménager l’approche de la juste valeur
dans un contexte de marché inactif, en permettant de reclas- Les informations présentées (cf. encart page 13) sont issues
ser certains instruments financiers de la catégorie « détenus des communiqués de presse et des résultats publiés à ce
à des fins commerciales » et « disponibles pour la vente » jour. Dans l’attente des documents de synthèse, force est
dans une autre catégorie. Ce reclassement possible se de constater la difficulté de comparer les données, chaque
justifie par la situation exceptionnelle que présente la crise groupe présentant à sa façon l’impact du reclassement, avec
financière. Il autorise à compter du 1er juillet 2008 à reclasser des niveaux de détail divers. Les données présentées
des titres vers les catégories de prêts et créances, non sont donc partielles, mais apportent néanmoins un éclairage
évalués à la juste valeur. intéressant.
Cette possibilité de reclassement doit avoir pour effet de >> Conclusion
limiter l’impact négatif des fluctuations de ces actifs sur le
marché et de réduire l’incertitude sur la valeur comptable des L’amendement offert par les normes IAS 39 et IFRS 7 a été
établissements bancaires et des compagnies d’assurance utilisé significativement pour la clôture du 31/12/2008 et
plus particulièrement. semble avoir été bien accueilli par les établissements finan-
ciers, qui espèrent toutefois voir leur périmètre s’élargir.
Cette reclassification des instruments financiers va naturel-
lement impacter les comptes. Les reclassements doivent Son utilisation reste néanmoins hétérogène et ne favorise
être effectués à la juste valeur des actifs en date de reclas- ni la transparence des comptes ni leur comparabilité,
sement. Cette juste valeur devient alors le prix de revient mais introduisant un changement de méthode en cours d’exer-
interdit toute reprise de gains ou de pertes constatés en cice. Enfin, cette mesure a été prise dans l’urgence, et les
résultat avant ce reclassement. L’application de la norme dommages collatéraux qu’elle pourrait engendrer, n’ont pas
permet de transférer des actifs financiers initialement enregis- encore été identifiés •
trés dans une rubrique comptable nécessitant l’utilisation du
mark-to-market vers d’autres rubriques (held-to-maturity ou
Available for sales, par exemple).
(6) Définition de l’IASB de la juste valeur applicable dans IAS 39.- (7) Assemblée Nationale, Rapport d’Information sur « L’Europe face à la crise financière »,
3 décembre 2008.
3. EXE? OTC 38:Mise en page 1 3/04/09 10:55 Page 14
FOCUS
APPLICATION DE L’AMENDEMENT IAS 39
Montant d’actifs reclassés NATIXIS
Natixis a reclassé en « Loans & Receivable (8) » 11 577 Mg
ETABLISSEMENT ACTIFS RECLASSÉS
d’actifs éligibles, se répartissant avant reclassement de la
(EN Md)
façon suivante :
DEXIA 100 000 • 8 813 Mg en « trading »,
• 2 764 Mg en « Available for Sale ».
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE 28 600
Ce reclassement a ainsi permis de diminuer de 310 Mg
BNP PARIBAS 7 800 les dépréciations/moins-values latentes (les dépréciations/
moins-values latentes passant de 380 millions avec l’ancienne
CASA 12 000 méthode à 70 millions avec la nouvelle).
NATIXIS 11 577 Les deux actionnaires principaux de Natixis (Banques Popu-
laires & Caisses d’Epargne) n’ont pas communiqué sur
l’amendement. Ils sont toutefois indirectement concernés
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
via la remontée des résultats de Natixis.
28,6 milliards d’euros d’actifs éligibles ont été ainsi reclassés
au 4e trimestre qui ont permis de générer un effet positif de
1,5 milliards d’euros en PNB. CASA
Ces reclassements se décomposent de la façon suivante : L’activité de BFI de CASA a reclassé en prêts et créances
• 23,3 milliards transférés du portefeuille « trading » vers le 12 Mds g au 4e trimestre 2008.
portefeuille « prêts et créances »,
Ces reclassements opérés sur les actifs évalués à la juste
• 1 milliard transféré du portefeuille « trading » vers le porte-
valeur ont porté sur des CDO cash, des CLO, des ABS, des FRN
feuille « Actifs disponibles à la vente »,
et des encours initialement à syndiquer.
• 4,3 milliards transférés du portefeuille « Actifs disponibles
à la vente » vers le portefeuille « prêts et créances ». Ces modifications ont eu un impact positif sur le 4e trimestre
de CASA lui permettant d’améliorer son résultat net de
A noter également, un effet positif en gains ou pertes latents
498 Mg.
en différés de 0,5 milliards d’euros induit par ces reclas-
sements.
DEXIA
13
BNP PARIBAS Le groupe franco-belge a reclassé près de 100 milliards
d’euros d’actifs :
L’impact sur les comptes du groupe BNP Paribas n’est pas
• 91 milliards ont été transférés du portefeuille « Actifs
aussi important que sur les comptes de la Société Générale.
disponibles à la vente » vers le portefeuille « prêts et
Les reclassements comptables opérés par le groupe ont été créances »,
les suivants : • 7 milliards transférés du portefeuille « trading » vers le
• 7,1 milliards transférés du portefeuille « trading » vers le portefeuille « prêts et créances »,
portefeuille « prêts et créances », • De façon marginale, 3 milliards ont été transférés du
• 0,7 milliards transférés du portefeuille « trading » vers le portefeuille « trading » vers le portefeuille « Actifs dispo-
portefeuille « Actifs disponibles à la vente ». nibles à la vente ».
Ces 7,8 milliards d’actifs reclassés ont généré un impact L’impact sur le résultat est limité (le montant précis de cet
positif sur le résultat (avant impôts) de 424 millions d’euros. impact n’a pas été communiqué).
OTC Conseil va participer au Forum CXP sur le thème
Maintenir le Cap : les atouts du progiciel
18 juin 2009 - Etoile Saint-Honoré - Paris
Nous animerons un atelier sur la sécurisation du Système d'Information par la gestion des risques. Nous évoquerons à
cette occasion les méthodologies de gouvernance et les meilleures pratiques, les bénéfices attendus d'une gestion des
risques SI optimisée ainsi que les outils disponibles du marché.
VOTRE CONTACT
OTC CONSEIL
Christine LABARRE - clabarre@otc-conseil.fr
(8) Prêts et créances