1. TRIBUNE DES EXPERTS
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CHANGEMENTS FONDAMENTAUX A LA COMPTABILITE DES INSTRUMENTS FINANCIERS
Tout savoir sur la
nouvelle norme (IFRS 9)
La norme IFRS 9 apporte des changements
fondamentaux à la comptabilité des instruments
financiers. Cette norme entrée en vigueur depuis
le 1er janvier 2018, a entrainé un changement de
paradigme dans l’évaluation et la classification
des instruments financiers. Elle a pour objet
notamment, de renforcer la maîtrise du risque de
crédit des entreprises, surtout, celles du secteur
financier, par la mise en place d’un nouveau modèle
de dépréciation des créances en souffrance.
Historique
Tout est parti de la crise financière de 2008 qui a
eu des effets dévastateurs, sur les comptes des
banques qui apparemment, n’ont pas su anticiper
suffisamment les risques liés aux instruments
financiers qu’ils détenaient. Au lendemain de cette
crise, la norme IAS 39, ancienne norme traitant des
instruments financiers, a été remise en cause par
plusieurs, notamment le niveau de dépréciation
qui en ressort, qualifié d’insuffisant et tardif (« too
little, too late »). L’IASB a entrepris des travaux de
révision de la norme en ayant à l’esprit trois objectifs
fondamentaux :
-- Améliorer l’appréciation du risque de crédit, pour
éviter un provisionnement trop tardif en réponse
à la demande du G20 post crise de 2008 ;
-- Simplifier les approches en termes de
comptabilisation des instruments financiers, par
rapport à IAS 39 jugé complexe ;
-- Réduire les divergences IFRS /USGAAP.
La norme a été publiée en 2014 et est entrée en
vigueur le 1er
janvier 2018. Elle a été déclinée en
trois phases :
-- Phase 1 : Classement et évaluation
-- Phase 2 : Dépréciation
-- Phase 3 : Couverture (mise en application
reportée, les règles IAS 39 étant toujours en
application)
Le secteur financier sur le feu des projecteurs
Même si les entreprises de tous les secteurs
devront identifier l'impact de l'IFRS 9, l’impact de ce
changement est plus important pour les institutions
financières, du fait de leur cœur de métier qui
entraîne un risque de contrepartie énorme. Pour
les banques en particulier, les effets de l’adoption
et les efforts nécessaires pour l’adopter ont été
particulièrement importants. Il faut dire d’ailleurs
que le chantier est toujours en cours pour la plupart,
l’objectif étant d’affiner le dispositif entourant la
mise en œuvre efficace de la dite norme.
Kodjo AKPATIGBE
Expert-comptable diplômé
Auteur du blog Carrefour compta Afrique (www.
carrefourcompta.com)
Manager à KPMG TOGO et en pratique ininterrompue
des normes IFRS depuis plusieurs années.
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2. TRIBUNE DES EXPERTS
Comptabilité Internationale
Quoi de neuf dans IFRS 9 ?
La nouvelle norme présente des directives
révisées sur le classement et l'évaluation des
actifs financiers, y compris un nouveau modèle de
perte de crédit attendu pour le calcul de la perte
de valeur. Il complète, par ailleurs, les nouvelles
exigences générales en matière de comptabilité de
couverture publiées en 2013. La nouvelle norme
a un impact considérable sur la manière dont les
banques comptabilisent les pertes sur créances
dans leurs portefeuilles de prêts. Les provisions
pour créances douteuses sont plus importantes et
plus volatiles dans la majorité des cas.
Les nouvelles règles de classification et de mesure :
Tout dépend du résultat des tests.
Les bases d'évaluation autorisées pour les actifs
financiers dans la nouvelle norme sont : le coût
amorti, la juste valeur par le biais du résultat global
(capitaux propres) et juste valeur par le biais du
résultat net. Les critères de classification dans la
catégorie de mesure appropriée sont très différents
de celles retenues dans l’ancienne norme IAS 39 et
sont sujettes à deux éléments fondamentaux :
-- Le test du modèle de gestion (Business Model
test), et
-- Lescaractéristiquescontractuellesdel’instrument
(SPPI test)
Business Model Test
L’une des nouveautés apportées par l’IFRS 9 est la
notion du « Business model test ».
Ce test consiste à se poser la question de savoir
si l’objectif de l’entité lorsqu’elle acquiert des
instruments financiers est de :
-- détenir ces instruments pour en percevoir les flux
de trésorerie contractuels ; ou
-- réaliser la juste valeur de l’instrument avant sa
date de maturité contractuelle.
SPPI Test
Le second critère s’apprécie au niveau contrat. Il
vise à analyser les flux contractuels pour s’assurer
que les flux de trésorerie du contrat correspondent
uniquement à des remboursements du principal et
à des versements d’intérêts sur le principal restant
dû (Solely Payments of Principal and Interest) et
que les instruments peuvent à ce titre être qualifiés
de basiques. C’est ce qu’on appelle le test SPPI.
Ces tests sont d’une importance majeure car ils
vont déterminer si un actif financier doit être évalué
sur la base de son coût amorti : solution la moins
risquée en cas de crise financière par exemple ou
sur la base de sa juste valeur, par le compte de
résultat ou par les capitaux propres.
L’autre nouveauté au niveau de la classification
et l’évaluation des instruments financiers est que
les dérivés incorporés ne sont plus séparés des
hôtes d’actifs financiers; au lieu de cela, il existe
une nouvelle méthode pour évaluer l’ensemble de
l’instrument hybride.
Les nouvelles règles de dépréciation
IFRS 9 remplace le modèle de «perte encourue»
d'IAS 39 par un modèle de «perte de crédit
attendue», ce qui signifie qu'un événement de perte
n'aura plus lieu d'être avant la comptabilisation
d'une provision pour perte de valeur.
La norme vise à répondre aux préoccupations
relatives au provisionnement «trop peu et trop tard»
pour pertes sur prêts et accélère la comptabilisation
des pertes.
Le nouveau modèle s'applique aux actifs financiers
qui sont :
●● les titres de créance inscrits au bilan, tels que les
prêts ou les obligations ; et
●● classés comme évalués au coût amorti ou à la
juste valeur par les capitaux propres.
Il s'appliquera également à certains engagements
de prêt et garanties financières.
Des pertes de crédits avérés (Incurred Losses) vers
les pertes de crédits attendus (Expected Credit
Losses)
L’un des changements majeurs, sinon le
changement le plus significatif introduit par la norme
IFRS 9 est celui de l’Expected Credit Loss (ECL).
De quoi s’agit-il en bref ?
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3. La norme IAS 39 prévoyait que seules les pertes
de crédit “avérées“, c’est-à-dire celles qui résultent
d’un événement de défaut existant, devaient
donner lieu à la comptabilisation de dépréciations
pour risque de crédit. Dans ce modèle, en plus
des dépréciations sur base individuelle, étaient
constituées des dépréciations dites “collectives“
destinés à couvrir le risque de défaut identifié
à l’échelle d’un portefeuille, ainsi que pour
tenir compte des pertes encourues non encore
identifiées (“Incurred But Not Reported“ ou “IBNR“).
Les approches de dépréciation différaient selon les
pays, les banques et les produits considérés.
Le modèle de dépréciation d’IFRS 9 requiert
désormais de comptabiliser des dépréciations
sur l’ensemble des encours, et ce avant qu’un
événement de défaut ne soit observé. L’horizon à
considérer dépend de la dégradation du risque de
crédit depuis l’octroi des crédits.Ainsi donc les actifs
financiers doivent être stratifiés en 3 catégories
qualifiées de « Stage » ou « Bucket ».
●● Lorsque le risque de crédit d’un encours ne s’est
pas dégradé de manière significative depuis
l’origine (“Bucket 1”, encours non dégradés), les
dépréciations doivent correspondre aux pertes
de crédit attendues sur un horizon de douze
mois.
●● Lorsque le risque de crédit d’un encours s’est
dégradé de manière significative depuis l’origine
(“Bucket 2”, encours dégradés) ou lorsqu’un
événement de défaut est identifié (“Bucket 3”,
encours douteux), les dépréciations doivent
correspondre aux pertes de crédit attendues à
maturité.
Pour quantifier les pertes de crédit attendues, IFRS
9 requiert une approche prospective basée sur
plusieurs scénarios macroéconomiques (foward-
looking), contrairement à IAS 39 qui se fondait sur
une approche “meilleure estimation“.
Sans entrer dans les détails, il faut retenir que le
calcul de l’ECL se fait à travers le produit de trois
paramètres clés : La PD (Probability of Default/
Probabilité de défaut), la LGD (Loss Given Default/
Perte en cas de défaut) et EAD (Exposure at Default/
Exposition au risque de défaut). L’adéquation de
la calibration du modèle permettra d’obtenir un
résultat satisfaisant en termes d’adéquation Risque
et dépréciation.
Globalement, ce qui crée la différence dans ce
nouveau modèle est la dépréciation à constituer
sur les actifs du Bucket 1 et 2. Celles du bucket 3
rejoignant la dépréciation sur base individuelle qui
existait déjà sous IAS 39.
Des impacts significatifs issus de la transition
Quel impact de la transition sur les comptes des
grandes firmes internationales ?
Selon une étude menée par EY en 2018, la première
application d’IFRS 9 a conduit à une augmentation
sensible des dépréciations. Cette augmentation
et l’impact sur le ratio CET1 s’avèrent, pour la
plupart des banques, moins importants que ceux
initialement anticipés, en raison notamment du
contexte économique favorable lors de la transition.
À quelques exceptions près, les dépréciations
relatives aux crédits douteux (Stage 3 sous IFRS 9)
sont restées relativement stables, étant donné que
pour ces encours, la norme IAS 39 requérait déjà la
constitution de dépréciations évaluées sur la base
des pertes de crédit attendues. Pour les encours
Stage 1 (non dégradés) et Stage 2 (dégradés), les
dépréciations constituées avec le nouveau modèle
de dépréciation sont généralement supérieures
aux dépréciations ”collectives” précédemment
comptabilisées sous IAS 39.
Les analyses comparatives mettent également
en évidence des différences marquées entre
certains pays et entre certaines banques au sein
d’un même pays. Parmi les facteurs explicatifs
de ces différences, on retrouve des éléments
généralement susceptibles d’influer sur les niveaux
de dépréciations, tels que la taille des banques,
la composition de leurs portefeuilles de crédits
et leur dispersion géographique. Les disparités
observées reflètent aussi des différences relatives
aux estimations et jugements significatifs pris en
compte dans la modélisation des pertes de crédit
attendues.
Des éléments non directement liés à la nouvelle
approche de dépréciation, tels que des
reclassements, des changements des pratiques de
TRIBUNE DES EXPERTS
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4. write-off et le traitement des prêts achetés ou émis
dépréciés (Purchased or Originated Credit Impaired
ou “POCI”), ont également influé sur l’évolution des
dépréciations lors de la transition, et ce de façon
significative pour certaines banques.
Les interactions complexes entre ces différents
éléments illustrent les défis auxquels les banques
et les utilisateurs des états financiers sont
confrontés pour respectivement expliquer, ou pour
comprendre, l’évolution des dépréciations.
Quel impact sur les entreprises de l’espace
OHADA ?
Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises cotées
(titres inscrits à une bourse de valeurs) et celles
qui sollicitent un financement dans le cadre d’un
appel public à l’épargne, ont l’obligation d’établir
et présenter les états financiers annuels selon
les normes IFRS, en sus des états financiers
SYSCOHADA.
Ces états financiers, destinés exclusivement aux
marchés financiers, devront être conformes à
la nouvelle norme IFRS 9 dont un aperçu a été
présenté dans cet article.
Dans le guide d’application IFRS, il est aussi
présenté des modèles de présentation des Etats
financiers IFRS des établissements du secteur
bancaire, compagnies et sociétés d’assurance, ce
qui peut laisser penser que ces secteurs, exclus du
champs d’application du Syscohada, sont toutefois
concernés par cette mesure. Les avis sont partagés
sur le sujet. Dans ce contexte, il nous semble qu’en
l’absence d’une décision formelle des organes
de régulations et ou de supervision des secteurs
particuliers concernés, l’obligation d’établir les
comptes IFRS ne sauraient s’appliquer. Ainsi donc,
cette norme n’aura d’impact que sur les Etats
financiers des entités qui par décisions internes
ou pour des besoins de reporting seront amenées
à élaborer ou convertir leurs Etats financiers en
normes IFRS. Au cas échéant, l’impact attendu est
le même que celui évoqué au niveau international
(Dégradation du coût du risque et du ratio CET1).
Que pourraient signifier les changements pour
vous ?
La norme s'applique depuis les exercices ouverts
à compter du 1er
janvier 2018 et ce de façon
rétrospective avec certaines exemptions. L'adoption
anticipée a été autorisée.
Cependant, on n’est jamais assez préparé aux
impacts profonds de ces changements qui ont à
juste titre, nécessité des efforts considérables aux
institutions financières aussi bien au niveau des
ressources financières que techniques.
L’application de la nouvelle norme induit entre
autres :
-- la revue du système d’information des banques
appliquant les IFRS de façon à produire les
outputs nécessaires pour le niveau d’analyse
requit par la norme révisée.
-- le renforcement du système de gouvernance des
risques, notamment celui relatif à la calibration
des modèles de notation internes et à la revue
interne du modèle ECL.
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DEJA PARU
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Août 2018
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L’
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