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Année universitaire 2021-2022
Promo*:  L1 (Parcours): ………………………….  L2  L3  M1  M2
Semestre* :  1  2  3  4  5  6 / Session* :  1  2
N° Nom (par ordre alpha.) Prénom
1 Berthon Lisa
2 Nauche Gwladys
3 Thaize Candice
4
5
TD : Violences intrafamiliales
Enseignant, tuteur : Konig Scappaticci
Jour et horaire du TD : Mercredi 15h30-17h30
Titre du dossier :
Les parents pervers narcissiques et les conséquences de la transmission
transgénérationnelle.
Note oral / 20 Coef =
Note de l’écrit / 20 Coef =
Note finale / 20
PARTIE RESERVEE A L’ENSEIGNANT
REMARQUES / COMMENTAIRES :
…………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………
* Cochez la case correspondante. shs/examens
LES PARENTS PERVERS NARCISSIQUES ET LES
CONSEQUENCES DE LATRANSMISSION
TRANSGENERATIONNELLE.
Table des matières
Introduction....................................................................................................................................1
1. Description du cas clinique .....................................................................................................3
2. L’évolution de l’enfant au côté de la perversion parentale.....................................................7
2.1. Les premières interactions entre l’enfant et le parent au fonctionnement pervers. .................. 7
2.2. L’impact des violences psychologiques et physiques d’un parent pervers narcissique sur
l’enfant. .................................................................................................................................................. 8
2.3. Du traumatisme à la résilience ..................................................................................................10
3. Le parent pervers narcissique. ..............................................................................................13
3.1. Une victime ou l’auteur ? ..........................................................................................................13
3.2. Comment exerce-t-il son emprise ?...........................................................................................14
3.3. La face cachée ...........................................................................................................................16
4. Les grands-parents, le début de la répétition transgénérationnelle ? ..................................18
4.1. L’existence d’une emprise sur leur fils.......................................................................................18
4.2. Une possible emprise sur leur petit-fils.....................................................................................19
4.3. Un cercle vicieux........................................................................................................................20
5. La mère : une tendance à être attirée par un pervers narcissique ? .....................................22
5.1. Les grands-parents maternels : problèmes d’attachement ?.....................................................22
5.2. L’emprise du pervers sur elle.....................................................................................................22
5.3. Le détachement de la mère.......................................................................................................24
6. Conclusion.............................................................................................................................26
7. Bibliographie ........................................................................................................................27
Annexe .........................................................................................................................................29
1
Introduction
« Si l’on tient compte de la sous-notification des abus perpétrés, on estime que sur les 204
millions d’enfants de moins de 18 ans vivant dans la Région européenne de l’OMS, 9,6 %
subissent des sévices sexuels, 22,9 % des sévices physiques et 29,1 % des sévices
psychologiques. » (OMS, 2020).
Notre dossier va porter sur le thème de recherche suivant : les violences psychologiques (aussi
appelé violence morale, mentale ou émotionnelle). Cette thématique s’est avérée être très
intéressante pour nous car elle est moins abordée en tant que sujet de travail. Également, elle
est vaguement évoquée dans notre société. En effet, les violences psychologiques sont plus
difficiles à reconnaître car elles ne laissent pas de traces sur le corps. C’est une réalité moins
visible dont la reconnaissance s'établit par les paroles de la victime, qui porte, généralement en
elle, beaucoup de honte et de tabou impliquant une grande culpabilité.
Par définition les violences psychologiques sont, d’après la psychologue clinicienne Alexandra
Lecart, « des violences subtiles, maîtrisées, très souvent instrumentales qui se différencient de
la violences éruptives, physique, beaucoup plus visibles. La violence psychologique est une
forme de violence ou d’abus envers autrui, sans qu’une violence physique soit mise en œuvre
directement. Elle se caractérise par le comportement moralement agressif ou violent d’un
individu vis-à-vis d’un autre individu. Elle peut se manifester par des paroles ou des actes qui
influencent l’autre dans ses sentiments d’être aimé ou détesté. Selon les droits français, les
violences psychologiques sont des actes répétés qui peuvent être constitués de paroles et/ou
d’autres agissements, d’une dégradation des conditions de vie entraînant une altération de la
santé physique ou mentale ». (Lecart, 2021)
Plus précisément, nous avons choisi pour ce dossier de travailler sur les violences
psychologiques au sein de la famille et plus particulièrement sur les parents pervers narcissiques
et les conséquences de la transmission transgénérationnelle.
Une définition donnée par Alberto Eiguer, dans la revue Trouble de la personnalité, nous a
parue très juste. Ainsi il dit « le pervers narcissique est calculateur ainsi que moins porté vers
la jouissance ; c’est pour cette raison qu’il prolifère dans des contextes où il est question
d’exercice du pouvoir. Il agit par intimidation, produisant perplexité, paralysie, dévalorisation,
envahissement de l’esprit par de la culpabilité chez ses victimes, qui finissent par accepter tout
2
genre de compromission au détriment de leur estime de soi, à accepter même de démanteler un
aspect de leur narcissisme ou de justifier, voire d’exécuter, des actes contraires à leur morale
propre. »
Ces premières recherches ont donné naissance à de nombreux questionnements pour nous toutes
dont nous sommes très curieuses de répondre. En effet, nous nous demandons comment une
relation toxique s’installe dans une famille. Existe-il des facteurs prédéfinis. Est-ce que la
perversion narcissique apparaît de manière brutale. Quelles sont les conséquences sur le
développement global d’un enfant… Nous avons à la suite résumé ces questions en une
problématique générale qui est la suivante : comment se développent les perversions
narcissiques à travers les générations et quelles sont leurs conséquences ?
Afin de répondre à cette problématique et à l’aide de notre cas clinique nous aborderons
l’évolution psychologique d'un enfant auprès d'un pervers narcissique pour en venir au
fonctionnement d’un parent pervers narcissique dans un second temps. Nous continuerons notre
recherche sur une partie consacrée à la transmission transgénéraltionnelle des grands-parents
puis nous clôturons notre dossier sur l’analyse du choix du partenaire non-hasard.
3
1. Description du cas clinique
Notre cas clinique est tiré du livre “Et moi alors ?” écrit par Lucas T., il s’agit d’un livre
où Lucas à fait le témoignage de son combat et celui de sa mère contre son père, pervers
narcissique. Nous allons procéder à une description du cas clinique de façon chronologique
pour que vous puissiez facilement comprendre toutes les étapes du témoignage.
Dès la grossesse, Lucas n’était pas réellement voulu par son père. Toute fois avant la séparation
du couple, son père disait à sa mère qu’en cas de divorce, il la ferait passer pour folle et donc
que Lucas irait vivre chez lui. Malgré les menaces du père, c'est la mère qui à obtenue la garde
de Lucas lors de leur divorce, Lucas à 3 ans à ce moment-là… Son père doit venir le chercher
un week-end sur deux. Toutefois, lorsqu’il a la garde durant les vacances, il lui achète des jouets
tous les jours et l’emmène souvent voir sa mère. Sachant que Lucas aime les jouets, il dit à sa
maman qu’il préfère vivre chez son père. Son père lui fait également des promesses, mais il ne
les tient pas et dit à l’enfant qu’il n’a jamais rien promis. Suite à cela, Lucas commence petit à
petit à moins aimer y aller.
Il est important de notifier aussi que la mère de Lucas a eu trois enfants avant lui issus d'une
précédente union qui ont également subi quelque peu les perversions du père de Lucas.
Pour en revenir à Lucas, à 4 ans et demi, après un weekend chez son père, Lucas revient en état
de choc et refuse de le voir pendant 6 mois. Lucas était plutôt effrayé d’aller chez son père, il
ne dormait pas dans la chambre qui lui était attribuée. Son père préférait le prendre dans son lit
car il n’était pas capable de le rassurer. Lucas faisait des crises de panique dès qu’il entendait
frapper, il se réfugiait sous le lit et hurlait pour ne pas partir. Sa mère l’emmène chez plusieurs
psychiatres et psychologues (certains sont menacés, ont peur du père) puis commence un long
combat juridique.
À 5 ans, le père de Lucas va lui dire qu’il a des cadeaux pour lui et que s’il les veut, afin de le
faire revenir chez lui. Puis, lorsqu’il accepte d’y retourner son père va lui présenter les cadeaux
mais va l’empêcher de les ouvrir. Cette scène se reproduit plusieurs fois, y compris pour son
anniversaire. Depuis qu’il a 5 ans, Lucas compare son père aux monstres dans les dessins
animés.
4
En outre, Lucas est un enfant qui n’a pas de copains, il préfère jouer seul. Pour lui, les autres
ont sûrement une vie normale et quand il les voit rire, il sent bien qu’ils n’ont pas peur. Il évite
les garçons de son âge, préfère les jeux calmes et les enfants plus petits car ne lui font pas peur.
De même, il n’ose pas se défendre quand les autres enfants lui font du mal physiquement. Il
subit beaucoup de harcèlement.
En ce qui concerne la relation de ses parents, son père cherche toujours un sujet de dispute. Il
est important de notifier qu’il était violent avec sa mère durant leur relation. Son père lance
souvent des petites phrases méchantes, toujours de façon injustifiée : « N’importe quelle mère
verrait que son enfant a une petite tâche au coin de la bouche. » Fait des signes très peu cordiaux
à la mère : le majeur en l’air, ou le pouce glissant sur la gorge…
Lorsque sa mère décide de porter plainte pour la première fois pour le coup de poing qu’il lui a
donné au visage après leur séparation alors qu’elle avait Lucas dans les bras, il se défend en
disant que c’est elle qui l’aurait frappé en premier, en allant même dire que c’est un homme
battu.
À ses 8 ans, par peur de se tromper, Lucas va avoir beaucoup de difficultés voire un blocage à
l’école. Cela va suivre sur un harcèlement de la part du professeur, qui va l'humilier devant
toute la classe et le traiter de fainéant à longueur de temps. Suite à cela, son père se fait allié de
son maître et en profite pour l’humilier davantage.
Un jour, alors qu’il est chez ses grands-parents paternels, Lucas est jeté violemment sur le
canapé par son père quand sa grand-mère annonce que puisqu'il ne mange pas ce qu’elle a
préparé, il est méchant, malvenu chez eux et qu’il ne mérite pas de rester à table. Son père se
rallie donc systématiquement à leur avis. Il parle peu, s’il parle, il se met à bégayer. Chez eux,
on ne parle pas, on obéit. Sa grand-mère va notamment faire état de l’aide éducative qu’elle
peut apporter à son fils, qu’elle traite donc encore comme un être incapable d’éduquer lui-même
son enfant. D’autre part, il arrive que son père punisse le chat, lui fasse du mal. Il le jette contre
les murs, ou encore dans la baignoire alors que Lucas est en train de prendre son bain. Puis, le
chien des grands parents est lavé au karcher, attaché à une très courte chaîne… D’ailleurs, quand
son grand-père paternel lui fait du mal en le pinçant très fort dans la nuque et qu’il pleure, son
père ne le console pas. À ce moment-là, son père lui dit que lui il lui fait bien plus mal parfois
et qu’il ne pleure pas. Son père dit qu’ayant été battu enfant, n’en étant pas mort, il ne faut pas
qu’il exagère. Il dit qu’il veut faire de Lucas un homme. Chez sa famille du côté paternel, ils
rient de sa sensibilité. Son père le menace même de lui « casser la gueule » quand il n’obéit
5
pas…Lorsque Lucas rentre de weekend chez son père, il va utiliser fréquemment des remarques
que son père fait contre sa mère et commence à mal parler à sa mère. Elle lui demande, par
exemple, pourquoi il vient de lui lancer un « tu ne comprends vraiment rien ! » et, tête baissée,
il lui dit que c'est ce qu’il a entendu dans les conversations entre son père et ses grands-parents.
Le père tente toujours de convaincre Lucas de venir habiter avec lui. Cependant, Lucas ne veut
pas, certaines fois il appelle son père pour ne pas aller chez lui, toutefois, Lucas culpabilise...
Lorsqu’il déménage, il n’avertit pas sa mère et c’est Lucas qui lui annonce. A l’inverse, lorsque
sa mère déménage et le prévient, il fait envoyer un courrier par son avocat mettant en avant des
intentions malveillantes de sa mère à son égard qui sont inventées de toute pièce... Devant le
juge, son père va dire, via plusieurs arguments, que sa mère est fautive de tout.
À l’âge de 9 ans, Lucas doit dormir chez l’amie de son père le weekend. Cette dernière est
méchante avec lui, l’humilie, le couple trouve ça drôle, alors que Lucas est en larmes.
De plus, son père va le faire dormir dans la chambre conjugale, profitant du matin où son amie
dort encore pour se livrer à des exhibitions répétées. Les fois où son père se « secouait » nu
devant lui, lui faisait peur car à ce moment-là, en plus, il avait les yeux révulsés. Son père
s’amuse aussi à lui raconter des histoires sordides. Il lui arrive aussi d’être pris de
vomissements, les nuits précédant son départ chez son père. Lucas demande souvent à sa mère
quand il ne sera plus obligé d’y aller.
Un jour, à ses 10 ans, Lucas rentre de chez son père, sous le choc, suppliant sa mère de ne plus
jamais y retourner. Ce jour-là, il est persuadé qu’il échappe à une mort certaine, physique ou
psychologique. Après cela, quand le weekend arrive, Lucas est tétanisé face à l’attente de son
père. Ses dessins, à la veille de partir chez son père, sont toujours tout noirs. Quand son père
arrive, il hurle, pleure et il est impossible de le calmer. Dans ces moment-là, son père n’hésite
pas à rouler tranquillement une cigarette, et reste complètement impassible.
Le père nie tout ce que Lucas à raconter en revenant du week-end, il fait passer la mère pour la
méchante en disant qu’elle a transformé tout ce que Lucas a raconté, car elle est jalouse que
leur enfant soit heureux avec son père. Suite au fait que Lucas ait parlé de ce qu’il s’est passé,
le père va se rendre dans l’école, sans autorisation et va mettre un coup de poing à son fils.
Lucas finit avec le nez en sang et comprend qu’il n’aurait pas dû parler. À partir de ce moment-
là, son père ne se présente plus pendant plus de 6 mois.
6
À 11 ans, son père refait surface. Rien ne va changer, lorsque son père arrive la panique le
prend, il parle de mourir, il hurle. La plupart du temps, son père réagit toujours de la même
manière en ayant aucun plaisir à le voir, aucun mot gentil, aucune émotion en le voyant pleurer.
Sa froideur terrifie Lucas.
À 12 ans, aux vacances de Pâques, son père l’emmène en vacances avec sa copine et lui promet
un copain, ses vacances vont s’avérer être un vrai cauchemar. Son père tente toujours de
l’éloigner de sa mère en faisant des allusions permanentes sur l’éducation qu’elle lui donne. Au
bout d’un moment son père renonce à ses droits de visite, Lucas se sent revivre. Au fil des mois,
devant les refus répétés de Lucas, face surtout au rapport d’expertise, son père va alors se
positionner en victime. Il explique que c’est pour lui un “sacrifice” de renoncer à ses droits.
Maintenant nous allons vous présenter plus en détails cette transmission, les acteurs et ses
conséquences.
7
2. L’évolution de l’enfant au côté de la perversion parentale
2.1.Les premières interactions entre l’enfant et le parent au fonctionnement
pervers.
D’après Annick Le Nestour et Gisèle Apter, dans la relation entre le bébé et le parent pervers
il peut exister dans les interactions deux phénomènes qui résonnent assez fort chez le bébé. Le
premier est “le trop du trop” et le deuxième “le trop de trop peu”. Le développement des bébés
est inhibé lorsque ces processus d’excitation extrême influent sur les interactions. Cela
provoque chez eux d’importants mécanismes de défenses qui leur évitent de ressentir l’intensité
des tensions insupportables.
Plus tard, l'enfant n’investira pas ou investira au minimum le parent pervers pour ne pas être
déçu. C’est également ce qu’a fait son parent dans le passé, c’est ici que commence la
transmission transgénérationnelle.
De plus, pour survivre à la persécution du parent l’enfant va intérioriser "l'expérience traversée
du non vécu” développé par Winnicott, il s’agit d’un déni de perception : “il ne s’est rien passée,
il n’y a jamais eu de victimes, il n’y a jamais eu de bourreau”. Les comportements sadiques
pourront donc être automatisés voire même amplifiés chez la génération qui suit.
Ensuite, un autre mécanisme de défense peut être observé dans ces cas-là, il s’agit du déni des
ressentis des éprouvés corporels, sensoriels et celui de leurs sources. L’enfant va reproduire les
comportements violents qu’il a vu. Il est incapable de distinguer l’agresseur et l’agressé, ce
mécanisme se fait de façon inconsciente et peut amener à une mégalomanie exercer de façon
contrôlée dissimulant ainsi la détresse du sujet.
Par exemple, le jeu préféré de Lucas était de prendre son ours en peluche, de l’asseoir et de lui
donner des leçons de vie alors qu’il n’a que 8 ans, il lui expliquait qu’il faut être gentil, toutefois
quand Lucas était tourmenté par ses interrogations sans réponse, il décidait de punir le petit ours
en le jetant à terre.
Le troisième mode de défense est le déni des affects par blindage avec clivages multiples.
L’enfant ressent des choses mais ces dernières sont aussitôt traduites par la culpabilité et la
honte : “ je suis touché, j’en ai honte”; “il m’a battu, ça me soulage”. De l’autre côté le parent
n’hésite pas à lui dire des choses telles que “si je te frappe c’est pour ton bien”.
8
Lucas à longuement intégrer ce dernier mécanisme de défense. Le fait que son père lui disait
souvent que ce qu’il faisait c’était pour son bien. Lucas a donc normalisé les violences qu’il
subissait, il se disait que ce n'étaient pas graves et qu’il devait le mériter.
2.2.L’impact des violences psychologiques et physiques d’un parent pervers
narcissique sur l’enfant.
Nous nous sommes appuyés dans cette partie sur l’article « Portrait des conséquences
associées aux maltraitances infantiles intrafamiliales à partir d’une recension d’écrits
scientifiques » écrit par Iliona Wattel.
Tout d’abord l’enfant peut présenter de nombreux symptômes du fait de cette maltraitance
psychologique mais également physique.
Dans le cas de Lucas, nous pouvons constater des troubles alimentaires, il refuse de manger de
nouvelles choses, pour lui cela représenterait en quelque sorte une perte de repère. Nous
pouvons aussi relier cela à sa peur, presque phobique, de grandir. En effet, il dit « si je ne mange
pas, je ne grandirai pas et si je ne grandis pas, je ne deviendrai pas comme mon père. ».
Nous pouvons également observer des troubles du sommeil, quand il rentre de chez son père.
Du fait des violences psychologique et physique subie, il met énormément de temps à retrouver
un rythme de sommeil stable. Il fait beaucoup de cauchemars qui le conduisent à l’épuisement
ou cela peut même aller jusqu’à lui faire taper sa tête sur le mur. Les troubles du sommeil
peuvent aussi avoir une incidence sur le fonctionnement cognitif, notamment, sur des troubles
que l’enfant présentera la journée, comme les difficultés d’attention que Lucas a à l’école.
Ensuite, l’enfant pendant son développement peut perdre confiance envers l’adulte.
Il s’avère que le parent toxique ne remplit pas le rôle « protecteur » qu’il devrait, l’enfant reçoit
ainsi que de la violence en réponse à ses besoins. De ce fait sa vision des rapports affectifs et
familiaux est bouleversée, et peut aussi impacter ses futurs rapports sociaux. Dans notre cas
clinique on constate que Lucas ne fait confiance à aucun adulte qu’il rencontre, tout comme il
ne fait absolument plus confiance à son père, il dit : « je n’oublie pas que certains adultes ne
m’ont pas aidé, ne m’ont pas écouté, ni cru, je n’oublie pas la méfiance qu’au final, m’inspirent
les adultes ». Nous pouvons penser que Lucas n’est pas assez pris en considération par les
adultes extérieurs, aucun ne l'écoute ou ne le croit lorsqu’il explique les maltraitances invisibles
qu’il subit de la part de son père.
9
Lucas explique clairement que les insultes répétées à longueur de temps tels que « idiot », «
incapable », « nul » ou les critiques à son égard tels que « ce n’est pas une flèche » on rapidement
détruit son estime de soi. Il est montré que ces violences impactent l’estime de soi et engendre
d'importantes failles narcissiques. (Gruyer & coll., 1991)
« En plus de l’estime de soi, les relations sociales de l’enfant sont également affectées.
Les enfants maltraités estiment en effet avoir moins d’amis, nourrissent moins d’ambitions et
souffrent d’un manque de confiance en eux (Kim Oates, Forest, & Peacock, 1985) » (I. Wattel,
2020). Lucas n’avait pas d’amis et à l’école il a subi du harcèlement de la part de ses camarades.
Il préférait donc rester seul à la récréation et se créer des amis imaginaires pour jouer avec lui.
Son plus grand souhait serait de rencontrer des enfants comme lui, qui subissent les mêmes
choses.
En ce qui concerne la culpabilité et la honte qui sont omniprésentes chez le sujet victime de
perversion narcissique, les phrases péjoratives ajoutées aux menaces de l’adulte ne font pas bon
ménage et engendrent chez l’enfant un sentiment profond de dévalorisation. « Celui-ci se sentira
coupable de ne pas avoir pu se défendre face aux violences, mais aussi coupable vis-à-vis de
son agresseur, qui parvient à retourner l’accusation de ses méfaits contre la victime. » (I. Wallet,
2020). Dans le cas de Lucas, il a une peur atroce de son père, cette peur est en particulier dû à
un épisode qu’on développera ensuite, mais également aux menaces proférées par le père qui
entretient cette peur. Ces menaces sont énormément présentes dans les violences faites à Lucas,
par exemple « si tu continues comme ça je vais te casser la gueule » alors que l’enfant n’avait
que 8 ans.
Pour finir, nous voulons parler du climat incestuel que nous avons constaté dans la relation du
père et de l’enfant mais qui reste toutefois assez flou.
Dans son livre Lucas a d’ailleurs ajouté à la fin une lettre qu’il avait écrit en 6ème
où il tente de
décrire ce que son père lui fait subir. Nous pouvons notamment lire dans cette dernière « j’ai
un père méchant, qui montre son zizi et qui dance tout nu » (Annexe 1).
De plus, le témoignage de Lucas commence par cette fameuse nuit qui a fait qu’il ne veut plus
retourner chez son père, puis au fur et à mesure nous apprenons que le père commet des actes
d’exhibitions, Lucas raconte « mon père se « secouait » nu devant moi ». De même quand il va
chez son père, Lucas doit dormir dans le lit de son père, puis quand son père retrouve une
compagne, Lucas dort au pied de leur lit. Nous avons donc pensé à l’inceste en lisant cela. Pour
10
nous, le fait que Lucas ne veuille absolument pas retourner chez son père, cela pourrait être un
comportement d’évitement vis-à-vis de son agresseur.
Néanmoins nous pensons que l’épisode de cette fameuse nuit que Lucas ne décrit pas en détails
dans son témoignage car il l’a oublié serait peut-être dû à un refoulement du traumatisme. Le
refoulement se définissant comme un mécanisme de défense du psychisme contre l’intrusion
du traumatisme (Wattel, 2020).
Ferenczi (2009) explique qu’il est impossible d’échapper à la source traumatique extérieure,
l’enfant pour survivre, opère donc un clivage de la personnalité. Ainsi il va détruire sa partie
sensible et garder que la partie insensible et inatteignable de son être. Ce qui expliquerait les
comportements d’isolement chez l’enfant.
Ici l’incapacité de remémoration de l’événement est aussi un mécanisme défensif qui peut
amener vers une amnésie dissociative.
2.3.Du traumatisme à la résilience
A l’adolescence le sujet peut avoir une prise de conscience, un dévoilement. Ceci va
pouvoir l’amener à un désir d’indépendance pouvant ainsi le faire s’éloigner progressivement
de l’agresseur. Les violences cesseront d’être physiques et ne resteront que psychologiques. Ce
mécanisme prendra plus ou moins longtemps en fonction des sujets, tout comme il peut ne pas
s’opérer. A ce moment-là, la culpabilité et la honte ressenties chez la victime face à ses
violences sont omniprésentes et peuvent empêcher la prise de conscience. Néanmoins Lucas a
réussi à prendre de l’assurance à l’entrée dans l’adolescence et s’est éloigné de son père et de
sa nocivité.
Ensuite, il est évident que tout le monde ne réagit pas de la même façon aux traumatismes subis.
C’est ici qu’intervient la résilience, « celle-ci consiste en la capacité d’un individu à maintenir
une adaptation optimale malgré l’expérience d’événements déstabilisants et de conditions de
vie difficiles ». (Wattel, 2020)
Toutefois, la capacité de résilience diffère en fonction de chaque individu. D’après Stephen et
Joubert (2000), certains facteurs favorisent la résilience, pour en citer quelques-uns, il y a
l’estime de soi, la capacité d’adaptation, la créativité, l’humour, la spiritualité ou encore les
habiletés sociales. De plus, l’entourage social joue un rôle très important dans ce processus,
leur soutien est fondamental lorsque le traumatisme survient. Lucas, explique bien dans son
11
témoignage que l’équilibre qu’il a trouvé entre sa mère et son beau-père, ses frères et sœurs
ainsi que chez ses grands-parents maternels a été central dans sa reconstruction et sa prise de
confiance. De même il a également réussi a retrouvé de l’assurance sociale en se rapprochant
d’enfant de son âge. Sa confiance en lui grandit grâce à ses bonnes notes, il explique dans son
témoignage qu’il a pris sa revanche à l’école en étant autonome et bon élève dans toutes les
matières.
En outre, ce processus de résilience serait comme un travail en plusieurs étapes. La première
étant pour le sujet violenté de prendre conscience de ce qu’il a subi et de son traumatisme.
Par la suite, le sujet doit trouver un moyen de vivre avec ce dernier et de le surmonter. Par
exemple, certains s’enferment dans le déni et d'autres combattent pour briser le silence. Pour
Lucas, c’est le témoignage de son combat qui lui a permis de briser le silence.
Nous pouvons approfondir cette notion de processus de résilience en développant ces étapes à
l’aide des facteurs de protection expliqué sous un aspect plus schématique cette fois-ci.
Nous retrouvons donc les facteurs affectifs, où interviennent des relations chaleureuses entre le
sujet en résilience et ses proches. Aussi l’affection joue un grand rôle dans l’enfance du sujet,
c’est pour cela que dans la plupart des cas avec des enfants résilients après des maltraitances on
constate qu’ils ont le soutien affectueux d’autres proches, que ce soit de grands-parents ou du
deuxième parent, tout comme expliqué précédemment pour Lucas.
Bien que les facteurs affectifs soient l’un des plus important et des plus présents au niveau de
la résilience, on retrouve d’autres catégories de facteurs comme, les facteurs cognitifs ou encore
les facteurs conatifs. (Lecomte, 1999)
Ainsi les personnes résilientes peuvent se fixer des objectifs à tenir en élaborant des stratégies.
Grâce à l’analyse de leur situation et de leur souffrance, elles pourront prendre une grande
distance qui permettra de ne pas se laisser dépasser. B. Cyrulnik explique que certains enfants
ont la capacité de transformer leur histoire personnelle en récit. Nous remarquons que c’est le
cas pour Lucas qui a dévoilé toute son expérience et la souffrance qu’il a subi en en faisant un
récit. B. Cyrulnik « souligne que la mise en mot d'une souffrance respecte presque toujours les
règles du bon théa
̂ tre : l'identité narrative de l'auteur, l'action, le but, la scène, l'instrument. Au
point parfois de reconstruire le passé : « Quand on raconte son passé, on ne le revit pas, on le
reconstruit. Ce qui ne veut pas dire qu'on l'invente. Ce n'est pas un mensonge. Mais tout ne fait
12
pas événement dans une vie. On ne met en mémoire que ce à quoi on a été rendu sensible. » »
(Lecomte, 1999). Lucas était adulte lorsqu’il a écrit son témoignage, ainsi en le lisant nous
avons pu voir la reconstruction de son passé à l’aide de ses souvenirs et de ceux de sa maman.
Première hypothèse : nous supposons qu’en cas de non-résilience, cela amènerait à une
répétition transgénérationnelle.
13
3. Le parent pervers narcissique.
3.1.Une victime ou l’auteur ?
Comme nous l’avons énoncé, le père de Lucas est le pervers narcissique. Le pervers
narcissique use de nombreuses stratégies. La principale est la manipulation. Tout au long de
notre cas, nous remarquons que le père se pose en victime. Ce point est un des traits typiques
retrouvés chez le pervers narcissique. En effet, il essaye de manipuler les autres en faisant croire
que c’est lui qui subit les injustices et les méfaits. Le père de Lucas retourne sans cesse les
accusations de la mère contre elle, comme il le dit « il va la faire passer pour une folle ». Ainsi
la justice se tourne toujours de son côté car il a une habilité déconcertante à se faire passer pour
un bon parent. De même, la manipulation du côté de la justice et des professionnels est tellement
présente qu’il parvient sans problème à faire peur à une psychologue qui suivait Lucas et sa
mère. Cette dernière arrête donc de les aider et rédige un faux compte rendu en faveur du père.
Ensuite, les pervers narcissiques vivent dans une réalité qui leur est propre. Le monde réel est
insupportable pour eux alors ils créent un autre monde dans lequel ils se sentent exister en
s’appuyant sur l’objet. Ainsi, c’est quand la vie réelle les rattrape qu’ils vont inventer et
affabuler en se positionnant en tant que victime. De ce fait, ils racontent et inventent des faits
de toutes pièces.
Le pervers narcissique revendique toujours que c’est la faute de quelqu’un d’autre, rien n’est
jamais de la sienne. Dans le témoignage de Lucas, nous retrouvons sans cesse des phrases telles
que « c’est ta mère le problème », « c’est de sa faute », « c’est à cause d’elle ». Il va aller jusqu’à
l’accuser d’aliénation parentale en la diabolisant, sans preuve et les avocats vont le croire en
tenant la mère responsable des troubles de Lucas. Le pervers narcissique refuse d’admettre et
d’assumer ses propres actes. C’est un réel mécanisme de défense qu’il met en place, appelé
l’identification projective. Par définition, c’est « le dépôt dans l’autre des états émotionnels et
affectifs ingérables pour le sujet » selon notre professeur de psychopathologie, Monsieur
Levèque.
Ce comportement du père nous fait penser à une structure psychique infantile conservée. En
d’autres termes, le père se comporte comme un enfant, avec une frustration insupportable, ne
supportant pas d’être pris en défaut. Ainsi, il attaque pour protéger cette frustration et en pensant
14
à son propre plaisir. Pour satisfaire ce dernier, le pervers narcissique transforme l’autre en objet
en le conquérant, le contrôlant, en « l’inféodisant à son entier profit narcissique ». (Robin, 2019)
3.2.Comment exerce-t-il son emprise ?
Ainsi, pour mieux comprendre le fonctionnement d’un pervers narcissique, nous nous
sommes penchées sur la mise en place de son emprise. Premièrement, il manipule en mettant
en place des masques et en procédant par mimétisme. Autrement dit, il imite les comportements
des autres, il s'adapte aux autres individus pour paraître conforme à leurs idées et à leurs
pensées. De ce fait, nous pouvons dire qu’il mène une double vie, une double personnalité. A
l’extérieur de la famille de Lucas, il va être un homme exemplaire et respectueux. Alors qu’à
l’intérieur de la sphère familiale il est d’une réelle toxicité qui détruit la vie de Lucas.
De plus, s’ajoute à cela de nombreux mensonges construits de toutes pièces où il fait jouer sa
propre vie, avec ses propres valeurs et ses sentiments. C’est un réel mythomane qui parvient à
faire croire à tout le monde un faux personnage, cela même sans preuve.
De plus, comme expliqué précédemment, le pervers narcissique met en place des stratégies.
Dans le livre, quand Lucas était petit, le père tente de le manipuler afin de l’attirer chez lui et
pour blesser indirectement la mère. Pour cela il venait le chercher chez sa mère en lui achetant
toujours un ou deux jouets, grâce à cela Lucas pensait qu’il était mieux avec son père.
Cependant, plus le temps passe, plus le réel visage du pervers narcissique se révèle en tant qu’un
être destructeur. En effet, le père lui fait la promesse de lui acheter plein de jouets mais en
réalité, il ne le fait pas et garantie à Lucas qu'il s'est trompé.
De ce fait, il sait subtilement interférer la vérité avec des mensonges ce qui trouble en
permanence la conscience de Lucas, qui ne sait plus départager du vrai du faux, du menteur et
de la victime. Par exemple lorsque Lucas se plaint de ce que son père lui a dit, il réplique « tu
sais très bien que ce n’est pas la vérité », « tu ne dis pas la vérité ». Il n’hésite pas à dire à son
fils qu’il se trompe et que lui seul détient la vérité. Grâce à cela le père arrive à le faire
culpabiliser car l’enfant pense que c’est lui qui est en tort.
Ensuite, le père se sert de son fils pour se sentir supérieur en l’humiliant. Dans un passage du
livre, Lucas pleure car il se sent extrêmement mal chez son père. Son père, au lieu de le rassurer
et de comprendre ce qu’il ne va pas, se met à rire de ses larmes. Il trouve que son enfant
exagère. Nous observons ici une absence d’empathie, le pervers narcissique est incapable
15
d’aimer, de ressentir les émotions de l’autre et de s’adapter à celles-ci. Au contraire, il utilise
l’humiliation en réduisant sa victime en un être incapable. D’après Alberto Eiguer, le pervers
narcissique va critiquer la victime de manière indirecte (avec des reproches et allusions) qui
l’amènent à se remettre en question. Il procède également avec des critiques directes qui
écrasent complètement l’estime de soi de la victime. (Eiguer, La perversion narcissique, un
concept en évolution, 2008) Il éprouve une indifférence à la souffrance de l’autre. Grâce à ces
humiliations, le pervers narcissique va se mettre à la place du Moi de sa victime et prendre le
rôle du surmoi pour leur donner leçon.
Pour exercer son emprise sur sa victime, le pervers narcissique utilise aussi beaucoup de
menace, par exemple le père de Lucas n'hésite pas à faire pression sur la mère en disant qu’il
portera plainte si d’ici 15 jours elle n’a pas changé les chaussures de Lucas qui ne sont pas à
son goût.
En outre, pour que Lucas soit entièrement son objet, il tente de l’éloigner de sa mère en lui
interdisant de la contacter, en parlant de manière négative d’elle avec des insultes, des menaces,
des reproches (« si tes résultats scolaires ne sont pas bons c’est la faute de ta mère »). Il se base
notamment sur l’éducation donnée par la mère, qu’elle traiterait Lucas comme un bébé en lui
attribuant des mots doux, et qu’il ne doit pas pleurer car c’est un homme. « Je veux faire de toi
un homme » lui dit-il.
Puis, nous pouvons relever que les arrivées du père de Lucas sont toujours marquées par des
coups violents avec la porte de la voiture ou de la maison. Il est très agressif et ne cesse d’hurler
en faisant des doigts d’honneur ou en mettant le pouce qui glisse sous la gorge devant son fils.
En effet, lorsque le pervers narcissique ne se sent pas satisfait (rare qu’il soit satisfait) de ce
qu’il a, il utilise la violence et la force pour signe d’autorité en puisant ses ressources dans
l’agressivité.
Finalement, le pervers narcissique utilise principalement la violence psychologique qui lui
permet d’avoir le pouvoir tout en préservant son image. Cependant, le pervers narcissique peut
ajouter une forme de violence physique lorsque la violence morale n’est pas suffisamment «
présente » et que la situation lui échappe. Dans le cas de Lucas, il a subi des coups notamment
un dans le nez lorsque Lucas a décidé de parler de ce qu’il subissait chez son père.
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3.3.La face cachée
Le pervers narcissique est un être de souffrance. Il se construit autour d’un réel vide, d’un
Moi non accompli et complètement immature.
Afin de protéger ses failles, il met en place des mécanismes de défenses. Le premier que nous
avons relevé est le déni. Par définition, c’est « refuser de reconnaître certains aspects
douloureux de la réalité externe ou de l’expérience subjective qui seraient évidents pour les
autres » selon le DSM IV, cité par Delphine Calamy. (Calamy, s.d.)
Selon le psychologue clinicien, Pascal Couderc, lorsque le pervers narcissique dévalorise sa
victime c’est pour tenter « de réparer son narcissisme », en se revalorisant, en nourrissant son
égo pour construire une identité acceptable. (Couderc P. , 2021) Ainsi, il dénigre la part
mauvaise de lui en se voyant que parfait et exemplaire. Selon Couderc, il serait possible que le
pervers narcissique, n’a pas été, petit, « accueilli positivement dans le monde réel et qu’il fasse
l’objet des critiques négatives par ses parents ». (Couderc P. , 2021) Cela crée une faille
narcissique chez l’enfant, n’ayant pas construit assez solidement son estime de soi.
Nous pouvons relier le déni au clivage car quand le sujet passe d’un état à un autre, il va dénier
l’état antérieur. Il est incapable de reconnaitre ses comportements mauvais, nous disons qu’il
est clivé. Par définition, c’est la « division du soi et des objets en parties entièrement bonnes ou
mauvaises et se manifeste par le renversement soudain et complet de tous les sentiments et
conceptions concernant soi-même ou une personne particulière ». (Chabrol, 2005)
Ensuite, nous avons également relever l’identification projective, que nous avons abordé
précédemment. Nous avons aussi relevé un autre mécanisme de défense appelé le déplacement.
Lorsqu’il est violent avec son chat : il le punit, lui fait du mal, le jette contre les murs ou dans
la baignoire où Lucas prend son bain. Ce passage nous fait penser que le père transfère un
sentiment ou une réaction d’un objet à un autre objet qui est habituellement moins menaçant
(exemple ici d’un chat). Il déplace sa souffrance chez le chat en le martyrisant. (Chabrol, 2005)
Ainsi, selon Chantal Wagner « le Moi pervers lutte contre une menace d’effondrement via les
procédés du déni et de l’expulsion projective de ses rejetons psychiques les plus toxiques ».
(Wagner, 2012) Autrement dit, ces mécanismes de défense sont des protections qui permettent
au pervers narcissique de lutter contre un vide qui le constitue et qu’il est une menace de le
disloquer, de créer sa mort psychique.
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En effet, le pervers narcissique lutte contre le danger de basculer dans un état psychotique qui
peut le mener vers le morcellement psychique. De ce fait, pour ne pas sombrer dans la folie, il
va donc utiliser l’autre. Ainsi, il va toujours lutter contre ses propres conflits et ses frustrations
qui peuvent montrer son impuissance, sa fragilité et ses faiblesses. Selon Paul-Claude Racamier
: « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée
de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver
ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui ». (Racamier, 1992) C’est pour
cette raison, qu’il doit toujours avoir le contrôle sur son environnement, qu’il ment, qu’il
détourne les pensées de ses victimes, se montre formidable en dehors du cocon familial.
Nous suggérons que le père de Lucas lutte contre plusieurs angoisses. La première est l’angoisse
de morcellement. En d’autres termes, c'est la sensation de partir en morceaux, de se démembrer,
de se déconstruire. Sa principale peur inconsciente est de partir en mille morceaux dans un vide
géant. La deuxième est l’angoisse de castration. Le pervers narcissique n’aurait ainsi pas atteint
l’œdipe en fantasmant le désir de sa mère (parent de sexe opposé) et la rivalité avec son père (à
l’autre parent) car il a grandi dans un contexte non favorable, dont nous allons beaucoup revenir
juste après. Selon Racamier, le pervers narcissique serait resté dans ce qu’il appelle l’antœdipe
(phase avant l’œdipe), où il sent que son existence est complètement niée par ses parents comme
un mauvais objet. (Racamier, 1992) Cela nous fait évidemment penser au sentiment d’abandon,
à l’angoisse d’abandon qui est étroitement lié avec l’angoisse de perte, c'est-à-dire de perdre
l’objet sur lequel il s’appuie ou de perdre l'amour de l’objet, dans ce cas-là, ses parents.
Le père a un fonctionnement psychique profondément fragile, basé sur une relation
pathologique. Étant inconscient de son comportement, de ses actes, paroles, il met en place les
mécanismes pour en réalité lutter contre ses propres carences. En effet, l’enfance du pervers
narcissique a subi beaucoup de manques et de violences. La vie émotionnelle de celui-ci a été
fortement fragilisée. Ainsi, il s’est construit un personnage avec une structure mentale
déséquilibrée et une carence sur les plans affectifs. Ces carences vont alors construire des affects
et des comportements en se basant sur un rapport de domination où l’autre est ennemi qu’il doit
détruire pour survivre. Ainsi, nous pouvons nous questionner sur l’enfance du père de Lucas.
Deuxième hypothèse : cette emprise ne disparaît pas entre les générations ? Les grands-parents
paternels sont-ils également potentiellement toxiques ?
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4. Les grands-parents, le début de la répétition transgénérationnelle
?
4.1.L’existence d’une emprise sur leur fils.
L’emprise par définition, du latin prehendere, signifie « envahissement » « mainmise,
domination exercée par une personne sur une ou plusieurs personnes, qui a pour résultat qu’elle
s’empare de son esprit ou de sa volonté ». « Une forme de domination morale, intellectuelle
invisible dans laquelle la victime ne se rend pas compte du processus de domination mis en
place. » (Dictionnaire de l’Académie française, 8ème
édition, 1932-35) (Tenenbaum, 2017).
« La pulsion d’attachement lie le sujet à un objet dans une relation de dépendance passive et
dans la recherche d’un amour primaire jamais obtenu » (Dietrich) (Tenenbaum, 2017). En effet
il existe des parents persécuteurs que l’on peut définir de toxiques, ils exercent de par leur
emprise parentale des maltraitances qui reste inconnu de l’extérieur car elles se passent
essentiellement dans la famille. Ici on suppose que c’est le cas des parents du père de Lucas.
Également, afin de ne pas se sentir rejeter les enfants victimes de parents maltraitants vont tout
faire pour obtenir l’approbation de ces derniers en maintenant une fusion beaucoup trop grande
sur le long terme, ils se soumettent entièrement à leurs bourreaux.
Nous savons que le père de Lucas est encore sous l'emprise de ses parents car il a été un enfant
battu et a été victime de violences psychologiques. Comme le dit Smith (2011), « Les situations
de dépendance favorisent l’éclosion d’une relation d’emprise : dépendance affective,
hiérarchique, financière, et, en dernière instance, narcissique… » (Les violences
psychologiques : comprendre pour agir)
Contrairement à son père nous savons que Lucas a sa mère, ce qui lui permet de ne pas être
complètement dépendant de son père. Cependant, peut-être que le père de Lucas, comme nous
le supposons juste avant a deux parents toxiques, et n’a pas eu de moyen de ne pas être
complètement dépendant d’eux. Comme Perrone et Nannini l’ont expliqué (1995), « l’auteur
de l’emprise parvient à « programmer » la personne qui en est victime à croire que sa survie
même dépend de lui, notamment au niveau narcissique. Souvent après un premier temps
d’idéalisation visant à piéger la personne victime dans le miroir déformant de la séduction, le
comportement pervers débouche sur une relation plus ouvertement agressive avec
dénigrements, humiliations, déni d’existence… » Le père de Lucas veut montrer à son propre
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père qu’il est devenu un homme en traitant son fils de cette manière. Lucas va presque toujours
chez ses grands-parents quand son père vient le chercher, ici nous pouvons voir une emprise
des parents du père sur ce dernier. Il semble continuer à aller les voir très souvent donc nous
pouvons voir que d’une certaine façon il ne s’est pas détaché d’eux.
Dans son livre, Lucas décrit son père comme « un mort vivant, qui ne sait pas vivre encore
moins quand il est là-bas. » Son père semble dire oui à tout ce que disent ses parents, peut-être
que dire non est signe de punition ? Comme le fait que si Lucas désobéit alors il sera puni.
Nous pouvons voir l’emprise des parents sur leur enfant dans le sens où tout ce qu’il fait c’est
reproduire leurs actes qu’il a probablement vécu pendant toute son enfance, et encore même
peut-être aujourd’hui. Face à ces parents, il semble être une tout autre personne que quand il est
avec son fils. Dans ce cas-là, il bégaie, parle peu, se fait petit alors qu’avec son fils c’est tout le
contraire. C’est comme si les rôles s’échangeaient = schéma transgénérationnel.
Parallèlement, on sait que ses parents brutalisent leur chien au karcher et on apprend que lui
brutalise son propre chat. Nous nous rendons bien compte que le père de Lucas reproduit
complètement ce que ses parents font subir aux animaux, lui ont fait subir…
4.2.Une possible emprise sur leur petit-fils.
Tout comme sur leur fils, il est probable qu’inconsciemment ils aient une emprise sur le
petit-fils car tout ce qu’ils disent, leur éducation sur leur propre fils va se répercuter sur leur
petit-fils. Nous pouvons voir que les violences physiques sur le petit fils quand son grand-père
paternel le pince très fort dans la nuque et qu’il se met à pleurer. Lucas devient le « souffre-
douleur » de tous quand la famille paternelle est réunie. Ils rient de sa sensibilité car chez eux
il faut être fort.
Supposons que les grands-parents soient pervers narcissiques, ou que seulement l’un des deux,
alors « l’accomplissement de la perversion, narcissique ou non, est par nature intime : la relation
duelle y est particulièrement propice, car elle favorise les processus d’emprise et le secret.
Cependant, quelle jouissance ultime, dans la perversion narcissique, de pouvoir exercer son «
art » au vu et au su de tous, de mettre sous emprise un groupe entier, d’ajouter l’humiliation
publique à la victimisation privée. » (Les violences psychologiques : comprendre pour agir)
Un jour, il est jeté violemment sur le canapé par son père parce que sa grand-mère annonce que
vu qu’il ne veut pas manger ce qu’elle a préparé, il est méchant et malvenu chez eux et qu’il ne
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mérite donc pas de rester à table, ce qui lui verra de ne pas manger ce jour-là. D’une certaine
façon, ici on dirait que le père s’occupe de mettre en action la violence à la place de ses parents.
Comme si inconsciemment il savait que ce que sa mère a dit à Lucas voulait dire que ce dernier
devait être puni. Nous nous rendons aussi compte que ses grands-parents vont user du même
chantage que son père, en mars, 3 mois après Noël, il reçoit ses cadeaux de Noel. Cependant, il
ne peut pas repartir avec, ils resteront chez ses grands-parents.
4.3.Un cercle vicieux.
Nous nous rendons donc bien compte que dans le cas de Lucas, il s’agit d’une boucle
infernale, d’un cercle vicieux et c’est là tout le résumé de la répétition transgénérationnelle.
C’est comme cela que les maltraitances infantiles perdurent. Ses grands-parents semblent avoir
été violents physiquement et psychologiquement avec leur fils. Aujourd'hui c’est le fils qui
humilie son enfant, le nie et sa violence s’étend même jusqu’aux animaux tout comme pour les
grands-parents. Donc pour notre cas clinique nous pouvons clairement parler d’un schéma
transgénérationnel. « Qu’il soit appelé trans- ou inter-, le Générationnel « c’est ce qui est relatif
à la transmission-transformation, à des degrés infiniment variables, des matériaux psychiques,
entre les sujets des générations successives » (A. Carel) » (Baranes, J. (2002)
Le repentir d'un analyste : nouveaux développements pour le transgénérationnel). Autrement
dit, « les enfants victimes de ces violences par les parents ne sortent pas forcément de la boucle''.
Ils pensent « j’ai été éduqué comme ça donc j’éduque comme ça, je n’en suis pas mort moi ».
Il commet une réitération des violences sur son fils.
D’après Iliona Wallet, « le sujet ayant subi des maltraitances infantiles présente
plus de risque de réitérer celles-ci au sein de son propre foyer (Benarous & coll., 2014). Cette
répétition provient d’un processus d’identification à l’agresseur : il s’agit là d’un mécanisme
primaire mis en place par le psychisme afin de survivre aux violences subies. » Bien
évidemment de nombreux facteurs entrent en jeu et influencent le comportement futur de
l’individu.
De même, à travers une étude faite sur des parents maltraitants leurs enfants, il a été constaté
que la plupart d’entre eux avaient été victime de violences durant leur enfance. Il s’avère en
effet que les deux tiers des parents maltraitants expliquent avoir subi des violences physique ou
psychologique durant leur enfance et le tiers restant lui déclare avoir été victime d’abus sexuels.
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Dans la moitié des cas, les parents ont été abusés par une ou plusieurs personnes de leur propre
famille (Massé, p239-249, 1994).
Ici nous pouvons faire écho à notre sous-partie sur la résilience développée dans notre partie
précédente. Nous nous rendons clairement compte que pour le père de Lucas il n’y a eu aucun
processus de résilience. Nous pouvons donc supposer que si le père de Lucas avait pu
développer un processus de résilience il n’y aurait sûrement pas eu de reproduction de violence
sur son fils. La résilience lui aurait permis de surmonter ses traumatismes infantiles. Nous
pouvons penser que dans son entourage il n’avait aucun autre proche en dehors de ses parents
sur qui se raccrocher afin d’avoir des relations chaleureuses permettant d’être résilient. Un
pédopsychiatre du nom de Antoine Guédeney, membre de l’Institut de psychanalyse de Paris
explique « on n’est pas résilient tout seul, sans être en relation ».
Également, des études montrent que les parents ayant brisé « le cercle vicieux de la maltraitance
dont ils avaient été victimes, vivent généralement une relation de couple stable et épanouissante,
au point que l'on constate parfois une stabilité conjugale supérieure à celle qui a cours dans la
population générale » (Lecomte, 1999).
Les parents reproduisant le comportement de leurs propres parents auront tendance à nier ou du
moins à minimiser les maltraitances subit dans l’enfance. Au contraire les parents qui voit ces
maltraitances comme une injustice grave auront, eux, plus tendance à briser le cercle vicieux,
en ne reproduisant les comportements parentaux, d’ailleurs ces personnes y parviennent
souvent. Dans le cas du père de Lucas nous voyons clairement qu’il minimise ce qu’il a vécu
notamment quand son fils se plaint de ce qu’il subit, le père rétorque qu’il a subi pire et que
cela lui a permis de devenir un homme.
Troisième hypothèse : outre la transmission générationnelle, nous pouvons supposer que
certaines personnes sont plus propices à être attirées par les pervers narcissiques que d’autres.
22
5. La mère : une tendance à être attirée par un pervers narcissique ?
5.1.Les grands-parents maternels : problèmes d’attachement ?
Nous avons trouvé pertinent de développer une partie concernant la mère qui elle aussi a
été victime du pervers narcissique et notamment la première. Nous savons que le pervers
narcissique ne choisit pas ses victimes au hasard ainsi il était important pour nous d’essayer de
comprendre la relation que la mère pouvait entretenir avec ses parents.
Nous ne savons pas grand-chose du rapport que la mère de Lucas avec ses parents. Cependant,
nous savons que les grands-parents maternels ont été aussi une aide pour Lucas. Il est probable
que la mère de Lucas n’ait pas eu toujours des bons rapports avec ses parents et que cela a pu
la pousser à être une « proie facile » pour le pervers narcissique.
Tout ce que nous pourrons dire seront seulement des suppositions. Il est possible qu’il y ait un
faible attachement des parents sur la mère et cela peut amener à fragiliser son estime d’elle-
même ce qui a pu permettre au pervers narcissique de l’atteindre plus facilement. Comme nous
avons pu le voir, il existe plusieurs formes d’attachement. Il est probable que la mère de Lucas
ait eu un attachement plutôt insécure préoccupée. Cela signifie qu’elle aurait une image
négative d’elle-même en pensant souvent que c’est sa faute, mais qu’elle ait une image plutôt
positive des autres en les voyant comme des personnes capables d’être sources de sécurité.
Donc, cet attachement a surement, d’une certaine manière, incité la mère à faire confiance plus
facilement, sans grande méfiance au père de Lucas. (Cours Merrucci, 2019, développement
psychologique)
5.2.L’emprise du pervers sur elle
Roger Dorey (1981) définit cette relation d’emprise comme une « action d’appropriation
par dépossession de l’autre ». Le pervers narcissique arrive à avoir un certain contrôle sur sa
compagne puisqu’il arrive a dissimulé un message derrière des bonnes intentions. En général,
la victime ne se rend pas compte de tout l’ampleur qu’il y a derrière ces messages et ne prend
que le côté « positif » des paroles du pervers. Comme l’explique Alberto Eiguer (2008) : « la
dimension d’obligation, de coercition est, bien que toujours présente, dissimulée derrière un
message paré « de bonnes intentions ». Il est aussi possible que quelque chose dans la vie de la
23
victime ait été fragilisée. Peut-être que la victime a une faible estime d’elle-même ce qui
pourrait permettre au pervers narcissique de se saisir d’elle plus facilement. « Si la victime se
laisse abuser, c’est qu’elle peut se trouver dans une situation de fragilité, qu’elle est en deuil ou
craint de perdre son emploi. Le pervers narcissique le perçoit ». (Alberto Eiguer, 2008)
Au départ, il est probable que le pervers narcissique complimente beaucoup afin de redorer
l’image qu’elle a d’elle-même afin de l’attirer et de la manipuler plus facilement. De plus, « les
pervers narcissiques peuvent se dire coupables pour des fautes mineures, se confondant en
excuses, s’ils pensent que cela amènera les autres à se sentir proche d’eux ». (Alberto Eiguer,
2008) Cependant, au fur et à mesure, il deviendra de plus en plus vexant dans ses paroles et la
dénigrera de plus en plus. Parallèlement, le pervers narcissique étant un manipulateur cherchera
à « pousser la victime à la faute pour la critiquer ensuite et la mettre à sa merci enfin ». (Alberto
Eiguer, 2008)
De plus, les pervers narcissiques sont souvent connus pour être des séducteurs en plus d’être
manipulateurs. Comme on le voit bien dans le cas clinique, son comportement change en
fonction qu’il soit avec son fils, son ex-femme ou alors des amis. C’est sûrement en séduisant
son ex-femme qu’il avait réussi à l’avoir. Marc Olano (2018) résume bien comment le père de
Lucas a dû procéder face à sa mère : « dans le face-à-face, ils paraissent sincères et touchants,
peuvent feindre de s’intéresser aux autres, se montrer empathiques et même reconnaître leurs
torts, mais toujours dans le but de s’attirer des bonnes grâces. C’est dans l’ombre qu’ils agissent,
ce qui trompera leurs victimes. Une fois démasqués, ils crient à l’injustice. Incapables de se
remettre en question, certains seraient tout simplement incurables ». Nous l’avons bien
remarqué lors des nombreux entretiens judiciaires et psychologiques.
La mère de Lucas, pour différentes raisons, a mis du temps pour réussir à se détacher de
l’emprise de son ex-mari. En effet, le pervers narcissique arrive à éloigner complètement sa
victime de tout entourage. Il fait en sorte que cette dernière n’ait que lui et devienne dépendante
de lui. « Le but recherché est l’utilisation des ressources de l’autre ; le patient aurait besoin des
compétences de cet autre ; il aimerait se nourrir de sa vitalité, de son enthousiasme. Cette
stratégie est la conséquence d’un sentiment d’envie ; l’autre serait ainsi un ustensile au service
des fonctions dont le pervers narcissique craint de manquer ». (Alberto Eiguer, 2008) Il est
possible que la mère de Lucas se soit enfermée dans cette relation et que pendant un moment
elle ait été dans une forme de cercle vicieux. C’est pourquoi Marc Olano (2018) explique que
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« des femmes, et aussi des hommes, persistent dans des relations dans lesquelles ils sont
instrumentalisés, voire maltraités, tout en défendant leur partenaire (…) lorsque celui-ci est mis
en cause par l'entourage. La victime pourrait donc bien se trouver complice de son bourreau
malgré elle, d'où la nécessité de l'aider à repérer les faiblesses dans lesquelles s'engouffre le
pervers, pour mieux s'en défendre ». De plus, la femme du pervers narcissique va souvent
chercher à le défendre, à lui trouver des excuses tout en remettant la faute sur elle-même. Par
exemple, si son mari s’énerve elle va dire que c’est de sa faute, que c’est parce qu’elle a fait
quelque chose de travers. Comme Simone Korff-Sausse l’explique, en général, les compagnes
du pervers narcissique « se trouvent dans l’identification à l’agresseur de Ferenczi, où l’enfant-
victime intériorise la culpabilité que ne ressent pas l’adulte-agresseur, s’exposant à une énorme
confusion, où « l’enfant est déjà clivé, à la fois innocent et coupable, et sa confiance dans le
témoignage de ses propres sens en est brisée » (1933, p. 130) ».
Pour conclure, le pervers narcissique a réussi à attirer la mère de Lucas en trouvant une faille
chez elle, en lui plaisant et en l’attirant. De plus, en se faisant souvent passé lui-même pour une
victime afin de la faire culpabiliser. Alberto Eiguer (2008) résume bien le comportement que le
père de Lucas a sûrement eu avec sa mère :
« Dans tous les cas, l’éthique du pervers narcissique répond à une banalisation de ses méfaits
il y aurait toujours une raison présentée comme suffisamment noble pour balayer les
principes, la sérénité, le prestige ou les secrets de celui qui est en face. Comme il sait que
chacun a quelque chose à se reprocher, il n’hésitera pas à exploiter cet aspect. A ce titre, un
oubli chez la victime sera désigné comme négligence ; une erreur, comme manque d’affection
; la spontanéité, comme agressivité larvée. Il traitera facilement l’autre de « fou ». Les actes
manqués de la vie quotidienne seront interprétés sous l’angle d’une logique qui ignore
l’inconscient. Tout serait volontaire, partant d’une mauvaise intention. »
5.3.Le détachement de la mère
Comme expliquait précédemment, la mère de Lucas était surement dans une situation de
dépendance à son ex-mari. Nous pouvons donc se demander comment elle a réussi à s’en sortir.
Nous pouvons penser qu’à un moment donné elle a eu un déclic assez important qui a marqué
un tournant dans ces violences psychologiques et physiques qu’elle subissait. Il est peut-être
possible que ce déclic ait eu lieu le jour où son ex-mari l’a frappée alors qu’elle avait Lucas,
qui était encore un bébé, dans ses bras. L’entrée de Lucas dans sa vie lui a peut-être permis de
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se rendre compte qu’elle était dans un déni face au comportement de son mari. Cette partie de
la vie de la mère de Lucas a été traumatisant pour cette dernière. Dans son cas, nous pouvons
parler d’un « traumatisme de type 2 » dont parle Lenore Terr (1991), il s’agit d’un « trauma lent
et qui correspond à une situation de menace, de violence et de stress intenses qui se répètent ».
(Jean-Luc Tilmant, 2019) Cela revient aux violences physiques et psychologiques dont elle a
été victime, nous pouvons même parler de harcèlement qu’elle subit encore du père. « Le choc
de la rencontre avec le manipulateur pervers est comparable à un volcan crachant brusquement
le feu de ses entrailles tout en libérant un nuage de fumée toxique qui vient obscurcir le ciel de
notre conscience, recouvrir ce que nous sommes réellement ». (G. Schmit, J-L Tilmant, 2019)
Parallèlement, il est aussi peut-être possible qu’un retour important de ses parents dans sa vie
lui ait permis de se rendre compte de ce qu’elle subissait.
Si la mère de Lucas à réussir à se reconnaitre en tant que victime c’est une forme de première
étape vers la résilience. « Le processus de résilience s’engage lorsqu’un individu (ou un
groupe), confronté à un traumatisme, réussi à activer de manière adéquate des modalités
protectrices qui lui permettent de se reconstruire ». (Marie Anaut, 2012) Il est possible qu’elle
ait trouvé le courage, la volonté de se reconstruire pour son fils. En effet, dans certains cas, un
traumatisme peut aussi tuer. Marie Anaut (2012) explique que le processus de résilience se fait
en deux étapes. Tout d’abord il y a la « confrontation au trauma et résistance à la désorganisation
psychique » puis il y a « l’intégration, l’élaboration et reprise d’un néo-développement ». La
première phase renvoie plus à une « phase de réponse au danger est surtout marquée par
l’activation de mécanismes de défense visant à atténuer la charge émotionnelle du traumatisme
» (Marie Anaut, 2012) tandis que la seconde « s’étaye sur le travail de liaisons des affects pour
répondre à l’irreprésentable et lui attribuer un sens ». (Marie Anaut, 2012) Dans cette deuxième
phase, il s’agit plus d’une compréhension du traumatisme pour pouvoir avancer. Pour conclure,
si la mère de Lucas a réussi à se détacher du pervers narcissique c’est probablement grâce à la
naissance de Lucas mais aussi grâce à une prise de conscience de sa part.
26
6. Conclusion
« L’enfant victime d’agressions physiques, de violences psychologiques, d’abandon, de
négligences ou de privation de soins est protégé par la société. Chaque adulte doit contribuer,
autant qu’il lui est possible, à cette protection. » (Servicepublic.fr. « Enfant battu, maltraité ou
privé de soin ») Grâce à des associations de défense des enfants, le parent non pervers
narcissique pourrait protéger son enfant qui recevrait une aide afin de retrouver espoir, une
estime de soi et une dignité. De même, à l’adolescence si l’enfant à une prise de conscience il
pourrait lui-même contacter des aides extérieures.
En outre, ce dossier nous a permis de comprendre le fonctionnement des parents pervers
narcissiques ainsi que les conséquences qu’ils pouvaient avoir sur leurs enfants et dans la
transmission transgénérationnelle. Le pervers narcissique est une pathologie complexe a étudiée
et a décelée. Son impact sur les autres est puissant et peut provoquer de nombreux dégâts sur
les victimes. C’est ce que nous avons pu voir dans le témoignage de Lucas qui était riche en
détails, nous avons pu suivre l’évolution de Lucas à travers ce livre.
Finalement nous remarquons que la première victime dans l’histoire était la mère, elle s’est
laissé séduire par le pervers narcissique puis s’est retrouvée sous son emprise. Nous pouvons
donc penser que le pervers narcissique choisi en premier lieu un(e) conjoint(e) puis exerce son
emprise sur ce(tte) dernier(e) avant de devenir un parent pervers narcissique et généré une
possible transmission transgénérationnelle, dans les cas où le couple donne naissance à un
enfant.
Cependant nous pouvons voir que la chaîne transgénérationnelle n’est pas si fatidique que cela
dont Lucas en est un parfait exemple. À travers son témoignage, il est parvenu à réaliser un
travail d’élaboration de ses conflits internes. Ainsi, ses dires ont permis de casser ce cercle
vicieux.
27
7. Bibliographie
Anaut, M. (2012). Chapitre 1. Traumatisme, humour et résilience: Élaboration du traumatisme
et utilisation de l’humour dans le processus de résilience. Dans : Roland Coutanceau éd.,
Trauma et résilience: Victimes et auteurs (pp. 1-14). Paris: Dunod.
https://doi.org/10.3917/dunod.lemit.2012.01.0001"
Calamy, D. (s.d.). Le déni de la souffrance psychique. Récupéré sur ALLTIME NETWORK:
https://psychiatre-delphinecalamy.fr/index.php/deni-de-souffrance-psychique/
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Couderc, P. (2021). Le dénigrement. Récupéré sur Pervers narcissique: https://www.pervers-
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narcissique.com/les-techniques-de-manipulation/le-denigrement/
Eiguer, A. (2008). La perversion narcissique, un concept en évolution. L'information
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Korff-Sausse, S. (2003). La femme du pervers narcissique. Revue française de psychanalyse,
67, 925-942. https://doi.org/10.3917/rfp.673.0925
Lecart, A. (2021). Violences psychologiques, violences invisibles. Récupéré sur Alexandra
Lecart : http://www.psychologue-riviere.com/les-violences-psychologiques/
Lecomte, J. (2016, 7 avril). La résilience. Résister aux traumatismes. Sciences Humaines, 99.
https://www.scienceshumaines.com/la-resilience-resister-aux-traumatismes_fr_11193.html
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Lyon.
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l’enfant, 4(2-3), 239-249.
http://classiques.uqac.ca/contemporains/masse_raymond/antecedents_violence/texte.html
Merucci (2019), cours de développement psychologique. Licence 2, université catholique de
Lyon.
28
Olano, M. (2018). Pervers narcissiques : de purs manipulateurs ?. Les Grands Dossiers des
Sciences Humaines, 50, 8-8. https://doi.org/10.3917/gdsh.050.0008
Organisation mondiale de la santé. (2020, 13 janvier). La violence à l’égard des enfants :
lutter contre les sévices cachés. https://www.euro.who.int/fr/home. Consulté le 14 décembre
2021, à l’adresse https://www.euro.who.int/fr/health-topics/disease-prevention/violence-and-
injuries/news/news/2020/01/violence-against-children-tackling-hidden-abuse
Racamier, P. C. (1992). Pensée perverse et décervelage. Revue de psychanalyse groupale,
137-155.
Robin, C. B. (2019, juillet 18). Le pervers narcissique. Récupéré sur WordPress:
https://psychologuesaintmaur.com/2019/07/18/le-pervers-narcissique-3/
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LEDUC.
Tilmant, J. (2019). Définitions. Dans : , J. Tilmant, Du trauma à la résilience (pp. 15-21). Nîmes
: Champ social.
Veríssimo, M., Salvaterra, F., Santos, A. & Santos, O. (2008). Le modèle de représentation
interne maternel et le comportement de base de sécurité de l'enfant dans un groupe d'enfants
adoptés. Devenir, 20, 347-359. https://doi.org/10.3917/dev.084.0347
Wagner, C. (2012). Relation d’objet dans la perversion narcissique. Se soutenir : déconstruire
l’autre. L’information psychiatrique, 21-28.
29
Annexe
Lettre écrite par Lucas à ses onze ans.

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Les parents pervers narcissiques et les conséquences de la transmission transgénérationnelle

  • 1. Année universitaire 2021-2022 Promo*:  L1 (Parcours): ………………………….  L2  L3  M1  M2 Semestre* :  1  2  3  4  5  6 / Session* :  1  2 N° Nom (par ordre alpha.) Prénom 1 Berthon Lisa 2 Nauche Gwladys 3 Thaize Candice 4 5 TD : Violences intrafamiliales Enseignant, tuteur : Konig Scappaticci Jour et horaire du TD : Mercredi 15h30-17h30 Titre du dossier : Les parents pervers narcissiques et les conséquences de la transmission transgénérationnelle. Note oral / 20 Coef = Note de l’écrit / 20 Coef = Note finale / 20 PARTIE RESERVEE A L’ENSEIGNANT REMARQUES / COMMENTAIRES : ………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………… * Cochez la case correspondante. shs/examens
  • 2.
  • 3. LES PARENTS PERVERS NARCISSIQUES ET LES CONSEQUENCES DE LATRANSMISSION TRANSGENERATIONNELLE.
  • 4. Table des matières Introduction....................................................................................................................................1 1. Description du cas clinique .....................................................................................................3 2. L’évolution de l’enfant au côté de la perversion parentale.....................................................7 2.1. Les premières interactions entre l’enfant et le parent au fonctionnement pervers. .................. 7 2.2. L’impact des violences psychologiques et physiques d’un parent pervers narcissique sur l’enfant. .................................................................................................................................................. 8 2.3. Du traumatisme à la résilience ..................................................................................................10 3. Le parent pervers narcissique. ..............................................................................................13 3.1. Une victime ou l’auteur ? ..........................................................................................................13 3.2. Comment exerce-t-il son emprise ?...........................................................................................14 3.3. La face cachée ...........................................................................................................................16 4. Les grands-parents, le début de la répétition transgénérationnelle ? ..................................18 4.1. L’existence d’une emprise sur leur fils.......................................................................................18 4.2. Une possible emprise sur leur petit-fils.....................................................................................19 4.3. Un cercle vicieux........................................................................................................................20 5. La mère : une tendance à être attirée par un pervers narcissique ? .....................................22 5.1. Les grands-parents maternels : problèmes d’attachement ?.....................................................22 5.2. L’emprise du pervers sur elle.....................................................................................................22 5.3. Le détachement de la mère.......................................................................................................24 6. Conclusion.............................................................................................................................26 7. Bibliographie ........................................................................................................................27 Annexe .........................................................................................................................................29
  • 5. 1 Introduction « Si l’on tient compte de la sous-notification des abus perpétrés, on estime que sur les 204 millions d’enfants de moins de 18 ans vivant dans la Région européenne de l’OMS, 9,6 % subissent des sévices sexuels, 22,9 % des sévices physiques et 29,1 % des sévices psychologiques. » (OMS, 2020). Notre dossier va porter sur le thème de recherche suivant : les violences psychologiques (aussi appelé violence morale, mentale ou émotionnelle). Cette thématique s’est avérée être très intéressante pour nous car elle est moins abordée en tant que sujet de travail. Également, elle est vaguement évoquée dans notre société. En effet, les violences psychologiques sont plus difficiles à reconnaître car elles ne laissent pas de traces sur le corps. C’est une réalité moins visible dont la reconnaissance s'établit par les paroles de la victime, qui porte, généralement en elle, beaucoup de honte et de tabou impliquant une grande culpabilité. Par définition les violences psychologiques sont, d’après la psychologue clinicienne Alexandra Lecart, « des violences subtiles, maîtrisées, très souvent instrumentales qui se différencient de la violences éruptives, physique, beaucoup plus visibles. La violence psychologique est une forme de violence ou d’abus envers autrui, sans qu’une violence physique soit mise en œuvre directement. Elle se caractérise par le comportement moralement agressif ou violent d’un individu vis-à-vis d’un autre individu. Elle peut se manifester par des paroles ou des actes qui influencent l’autre dans ses sentiments d’être aimé ou détesté. Selon les droits français, les violences psychologiques sont des actes répétés qui peuvent être constitués de paroles et/ou d’autres agissements, d’une dégradation des conditions de vie entraînant une altération de la santé physique ou mentale ». (Lecart, 2021) Plus précisément, nous avons choisi pour ce dossier de travailler sur les violences psychologiques au sein de la famille et plus particulièrement sur les parents pervers narcissiques et les conséquences de la transmission transgénérationnelle. Une définition donnée par Alberto Eiguer, dans la revue Trouble de la personnalité, nous a parue très juste. Ainsi il dit « le pervers narcissique est calculateur ainsi que moins porté vers la jouissance ; c’est pour cette raison qu’il prolifère dans des contextes où il est question d’exercice du pouvoir. Il agit par intimidation, produisant perplexité, paralysie, dévalorisation, envahissement de l’esprit par de la culpabilité chez ses victimes, qui finissent par accepter tout
  • 6. 2 genre de compromission au détriment de leur estime de soi, à accepter même de démanteler un aspect de leur narcissisme ou de justifier, voire d’exécuter, des actes contraires à leur morale propre. » Ces premières recherches ont donné naissance à de nombreux questionnements pour nous toutes dont nous sommes très curieuses de répondre. En effet, nous nous demandons comment une relation toxique s’installe dans une famille. Existe-il des facteurs prédéfinis. Est-ce que la perversion narcissique apparaît de manière brutale. Quelles sont les conséquences sur le développement global d’un enfant… Nous avons à la suite résumé ces questions en une problématique générale qui est la suivante : comment se développent les perversions narcissiques à travers les générations et quelles sont leurs conséquences ? Afin de répondre à cette problématique et à l’aide de notre cas clinique nous aborderons l’évolution psychologique d'un enfant auprès d'un pervers narcissique pour en venir au fonctionnement d’un parent pervers narcissique dans un second temps. Nous continuerons notre recherche sur une partie consacrée à la transmission transgénéraltionnelle des grands-parents puis nous clôturons notre dossier sur l’analyse du choix du partenaire non-hasard.
  • 7. 3 1. Description du cas clinique Notre cas clinique est tiré du livre “Et moi alors ?” écrit par Lucas T., il s’agit d’un livre où Lucas à fait le témoignage de son combat et celui de sa mère contre son père, pervers narcissique. Nous allons procéder à une description du cas clinique de façon chronologique pour que vous puissiez facilement comprendre toutes les étapes du témoignage. Dès la grossesse, Lucas n’était pas réellement voulu par son père. Toute fois avant la séparation du couple, son père disait à sa mère qu’en cas de divorce, il la ferait passer pour folle et donc que Lucas irait vivre chez lui. Malgré les menaces du père, c'est la mère qui à obtenue la garde de Lucas lors de leur divorce, Lucas à 3 ans à ce moment-là… Son père doit venir le chercher un week-end sur deux. Toutefois, lorsqu’il a la garde durant les vacances, il lui achète des jouets tous les jours et l’emmène souvent voir sa mère. Sachant que Lucas aime les jouets, il dit à sa maman qu’il préfère vivre chez son père. Son père lui fait également des promesses, mais il ne les tient pas et dit à l’enfant qu’il n’a jamais rien promis. Suite à cela, Lucas commence petit à petit à moins aimer y aller. Il est important de notifier aussi que la mère de Lucas a eu trois enfants avant lui issus d'une précédente union qui ont également subi quelque peu les perversions du père de Lucas. Pour en revenir à Lucas, à 4 ans et demi, après un weekend chez son père, Lucas revient en état de choc et refuse de le voir pendant 6 mois. Lucas était plutôt effrayé d’aller chez son père, il ne dormait pas dans la chambre qui lui était attribuée. Son père préférait le prendre dans son lit car il n’était pas capable de le rassurer. Lucas faisait des crises de panique dès qu’il entendait frapper, il se réfugiait sous le lit et hurlait pour ne pas partir. Sa mère l’emmène chez plusieurs psychiatres et psychologues (certains sont menacés, ont peur du père) puis commence un long combat juridique. À 5 ans, le père de Lucas va lui dire qu’il a des cadeaux pour lui et que s’il les veut, afin de le faire revenir chez lui. Puis, lorsqu’il accepte d’y retourner son père va lui présenter les cadeaux mais va l’empêcher de les ouvrir. Cette scène se reproduit plusieurs fois, y compris pour son anniversaire. Depuis qu’il a 5 ans, Lucas compare son père aux monstres dans les dessins animés.
  • 8. 4 En outre, Lucas est un enfant qui n’a pas de copains, il préfère jouer seul. Pour lui, les autres ont sûrement une vie normale et quand il les voit rire, il sent bien qu’ils n’ont pas peur. Il évite les garçons de son âge, préfère les jeux calmes et les enfants plus petits car ne lui font pas peur. De même, il n’ose pas se défendre quand les autres enfants lui font du mal physiquement. Il subit beaucoup de harcèlement. En ce qui concerne la relation de ses parents, son père cherche toujours un sujet de dispute. Il est important de notifier qu’il était violent avec sa mère durant leur relation. Son père lance souvent des petites phrases méchantes, toujours de façon injustifiée : « N’importe quelle mère verrait que son enfant a une petite tâche au coin de la bouche. » Fait des signes très peu cordiaux à la mère : le majeur en l’air, ou le pouce glissant sur la gorge… Lorsque sa mère décide de porter plainte pour la première fois pour le coup de poing qu’il lui a donné au visage après leur séparation alors qu’elle avait Lucas dans les bras, il se défend en disant que c’est elle qui l’aurait frappé en premier, en allant même dire que c’est un homme battu. À ses 8 ans, par peur de se tromper, Lucas va avoir beaucoup de difficultés voire un blocage à l’école. Cela va suivre sur un harcèlement de la part du professeur, qui va l'humilier devant toute la classe et le traiter de fainéant à longueur de temps. Suite à cela, son père se fait allié de son maître et en profite pour l’humilier davantage. Un jour, alors qu’il est chez ses grands-parents paternels, Lucas est jeté violemment sur le canapé par son père quand sa grand-mère annonce que puisqu'il ne mange pas ce qu’elle a préparé, il est méchant, malvenu chez eux et qu’il ne mérite pas de rester à table. Son père se rallie donc systématiquement à leur avis. Il parle peu, s’il parle, il se met à bégayer. Chez eux, on ne parle pas, on obéit. Sa grand-mère va notamment faire état de l’aide éducative qu’elle peut apporter à son fils, qu’elle traite donc encore comme un être incapable d’éduquer lui-même son enfant. D’autre part, il arrive que son père punisse le chat, lui fasse du mal. Il le jette contre les murs, ou encore dans la baignoire alors que Lucas est en train de prendre son bain. Puis, le chien des grands parents est lavé au karcher, attaché à une très courte chaîne… D’ailleurs, quand son grand-père paternel lui fait du mal en le pinçant très fort dans la nuque et qu’il pleure, son père ne le console pas. À ce moment-là, son père lui dit que lui il lui fait bien plus mal parfois et qu’il ne pleure pas. Son père dit qu’ayant été battu enfant, n’en étant pas mort, il ne faut pas qu’il exagère. Il dit qu’il veut faire de Lucas un homme. Chez sa famille du côté paternel, ils rient de sa sensibilité. Son père le menace même de lui « casser la gueule » quand il n’obéit
  • 9. 5 pas…Lorsque Lucas rentre de weekend chez son père, il va utiliser fréquemment des remarques que son père fait contre sa mère et commence à mal parler à sa mère. Elle lui demande, par exemple, pourquoi il vient de lui lancer un « tu ne comprends vraiment rien ! » et, tête baissée, il lui dit que c'est ce qu’il a entendu dans les conversations entre son père et ses grands-parents. Le père tente toujours de convaincre Lucas de venir habiter avec lui. Cependant, Lucas ne veut pas, certaines fois il appelle son père pour ne pas aller chez lui, toutefois, Lucas culpabilise... Lorsqu’il déménage, il n’avertit pas sa mère et c’est Lucas qui lui annonce. A l’inverse, lorsque sa mère déménage et le prévient, il fait envoyer un courrier par son avocat mettant en avant des intentions malveillantes de sa mère à son égard qui sont inventées de toute pièce... Devant le juge, son père va dire, via plusieurs arguments, que sa mère est fautive de tout. À l’âge de 9 ans, Lucas doit dormir chez l’amie de son père le weekend. Cette dernière est méchante avec lui, l’humilie, le couple trouve ça drôle, alors que Lucas est en larmes. De plus, son père va le faire dormir dans la chambre conjugale, profitant du matin où son amie dort encore pour se livrer à des exhibitions répétées. Les fois où son père se « secouait » nu devant lui, lui faisait peur car à ce moment-là, en plus, il avait les yeux révulsés. Son père s’amuse aussi à lui raconter des histoires sordides. Il lui arrive aussi d’être pris de vomissements, les nuits précédant son départ chez son père. Lucas demande souvent à sa mère quand il ne sera plus obligé d’y aller. Un jour, à ses 10 ans, Lucas rentre de chez son père, sous le choc, suppliant sa mère de ne plus jamais y retourner. Ce jour-là, il est persuadé qu’il échappe à une mort certaine, physique ou psychologique. Après cela, quand le weekend arrive, Lucas est tétanisé face à l’attente de son père. Ses dessins, à la veille de partir chez son père, sont toujours tout noirs. Quand son père arrive, il hurle, pleure et il est impossible de le calmer. Dans ces moment-là, son père n’hésite pas à rouler tranquillement une cigarette, et reste complètement impassible. Le père nie tout ce que Lucas à raconter en revenant du week-end, il fait passer la mère pour la méchante en disant qu’elle a transformé tout ce que Lucas a raconté, car elle est jalouse que leur enfant soit heureux avec son père. Suite au fait que Lucas ait parlé de ce qu’il s’est passé, le père va se rendre dans l’école, sans autorisation et va mettre un coup de poing à son fils. Lucas finit avec le nez en sang et comprend qu’il n’aurait pas dû parler. À partir de ce moment- là, son père ne se présente plus pendant plus de 6 mois.
  • 10. 6 À 11 ans, son père refait surface. Rien ne va changer, lorsque son père arrive la panique le prend, il parle de mourir, il hurle. La plupart du temps, son père réagit toujours de la même manière en ayant aucun plaisir à le voir, aucun mot gentil, aucune émotion en le voyant pleurer. Sa froideur terrifie Lucas. À 12 ans, aux vacances de Pâques, son père l’emmène en vacances avec sa copine et lui promet un copain, ses vacances vont s’avérer être un vrai cauchemar. Son père tente toujours de l’éloigner de sa mère en faisant des allusions permanentes sur l’éducation qu’elle lui donne. Au bout d’un moment son père renonce à ses droits de visite, Lucas se sent revivre. Au fil des mois, devant les refus répétés de Lucas, face surtout au rapport d’expertise, son père va alors se positionner en victime. Il explique que c’est pour lui un “sacrifice” de renoncer à ses droits. Maintenant nous allons vous présenter plus en détails cette transmission, les acteurs et ses conséquences.
  • 11. 7 2. L’évolution de l’enfant au côté de la perversion parentale 2.1.Les premières interactions entre l’enfant et le parent au fonctionnement pervers. D’après Annick Le Nestour et Gisèle Apter, dans la relation entre le bébé et le parent pervers il peut exister dans les interactions deux phénomènes qui résonnent assez fort chez le bébé. Le premier est “le trop du trop” et le deuxième “le trop de trop peu”. Le développement des bébés est inhibé lorsque ces processus d’excitation extrême influent sur les interactions. Cela provoque chez eux d’importants mécanismes de défenses qui leur évitent de ressentir l’intensité des tensions insupportables. Plus tard, l'enfant n’investira pas ou investira au minimum le parent pervers pour ne pas être déçu. C’est également ce qu’a fait son parent dans le passé, c’est ici que commence la transmission transgénérationnelle. De plus, pour survivre à la persécution du parent l’enfant va intérioriser "l'expérience traversée du non vécu” développé par Winnicott, il s’agit d’un déni de perception : “il ne s’est rien passée, il n’y a jamais eu de victimes, il n’y a jamais eu de bourreau”. Les comportements sadiques pourront donc être automatisés voire même amplifiés chez la génération qui suit. Ensuite, un autre mécanisme de défense peut être observé dans ces cas-là, il s’agit du déni des ressentis des éprouvés corporels, sensoriels et celui de leurs sources. L’enfant va reproduire les comportements violents qu’il a vu. Il est incapable de distinguer l’agresseur et l’agressé, ce mécanisme se fait de façon inconsciente et peut amener à une mégalomanie exercer de façon contrôlée dissimulant ainsi la détresse du sujet. Par exemple, le jeu préféré de Lucas était de prendre son ours en peluche, de l’asseoir et de lui donner des leçons de vie alors qu’il n’a que 8 ans, il lui expliquait qu’il faut être gentil, toutefois quand Lucas était tourmenté par ses interrogations sans réponse, il décidait de punir le petit ours en le jetant à terre. Le troisième mode de défense est le déni des affects par blindage avec clivages multiples. L’enfant ressent des choses mais ces dernières sont aussitôt traduites par la culpabilité et la honte : “ je suis touché, j’en ai honte”; “il m’a battu, ça me soulage”. De l’autre côté le parent n’hésite pas à lui dire des choses telles que “si je te frappe c’est pour ton bien”.
  • 12. 8 Lucas à longuement intégrer ce dernier mécanisme de défense. Le fait que son père lui disait souvent que ce qu’il faisait c’était pour son bien. Lucas a donc normalisé les violences qu’il subissait, il se disait que ce n'étaient pas graves et qu’il devait le mériter. 2.2.L’impact des violences psychologiques et physiques d’un parent pervers narcissique sur l’enfant. Nous nous sommes appuyés dans cette partie sur l’article « Portrait des conséquences associées aux maltraitances infantiles intrafamiliales à partir d’une recension d’écrits scientifiques » écrit par Iliona Wattel. Tout d’abord l’enfant peut présenter de nombreux symptômes du fait de cette maltraitance psychologique mais également physique. Dans le cas de Lucas, nous pouvons constater des troubles alimentaires, il refuse de manger de nouvelles choses, pour lui cela représenterait en quelque sorte une perte de repère. Nous pouvons aussi relier cela à sa peur, presque phobique, de grandir. En effet, il dit « si je ne mange pas, je ne grandirai pas et si je ne grandis pas, je ne deviendrai pas comme mon père. ». Nous pouvons également observer des troubles du sommeil, quand il rentre de chez son père. Du fait des violences psychologique et physique subie, il met énormément de temps à retrouver un rythme de sommeil stable. Il fait beaucoup de cauchemars qui le conduisent à l’épuisement ou cela peut même aller jusqu’à lui faire taper sa tête sur le mur. Les troubles du sommeil peuvent aussi avoir une incidence sur le fonctionnement cognitif, notamment, sur des troubles que l’enfant présentera la journée, comme les difficultés d’attention que Lucas a à l’école. Ensuite, l’enfant pendant son développement peut perdre confiance envers l’adulte. Il s’avère que le parent toxique ne remplit pas le rôle « protecteur » qu’il devrait, l’enfant reçoit ainsi que de la violence en réponse à ses besoins. De ce fait sa vision des rapports affectifs et familiaux est bouleversée, et peut aussi impacter ses futurs rapports sociaux. Dans notre cas clinique on constate que Lucas ne fait confiance à aucun adulte qu’il rencontre, tout comme il ne fait absolument plus confiance à son père, il dit : « je n’oublie pas que certains adultes ne m’ont pas aidé, ne m’ont pas écouté, ni cru, je n’oublie pas la méfiance qu’au final, m’inspirent les adultes ». Nous pouvons penser que Lucas n’est pas assez pris en considération par les adultes extérieurs, aucun ne l'écoute ou ne le croit lorsqu’il explique les maltraitances invisibles qu’il subit de la part de son père.
  • 13. 9 Lucas explique clairement que les insultes répétées à longueur de temps tels que « idiot », « incapable », « nul » ou les critiques à son égard tels que « ce n’est pas une flèche » on rapidement détruit son estime de soi. Il est montré que ces violences impactent l’estime de soi et engendre d'importantes failles narcissiques. (Gruyer & coll., 1991) « En plus de l’estime de soi, les relations sociales de l’enfant sont également affectées. Les enfants maltraités estiment en effet avoir moins d’amis, nourrissent moins d’ambitions et souffrent d’un manque de confiance en eux (Kim Oates, Forest, & Peacock, 1985) » (I. Wattel, 2020). Lucas n’avait pas d’amis et à l’école il a subi du harcèlement de la part de ses camarades. Il préférait donc rester seul à la récréation et se créer des amis imaginaires pour jouer avec lui. Son plus grand souhait serait de rencontrer des enfants comme lui, qui subissent les mêmes choses. En ce qui concerne la culpabilité et la honte qui sont omniprésentes chez le sujet victime de perversion narcissique, les phrases péjoratives ajoutées aux menaces de l’adulte ne font pas bon ménage et engendrent chez l’enfant un sentiment profond de dévalorisation. « Celui-ci se sentira coupable de ne pas avoir pu se défendre face aux violences, mais aussi coupable vis-à-vis de son agresseur, qui parvient à retourner l’accusation de ses méfaits contre la victime. » (I. Wallet, 2020). Dans le cas de Lucas, il a une peur atroce de son père, cette peur est en particulier dû à un épisode qu’on développera ensuite, mais également aux menaces proférées par le père qui entretient cette peur. Ces menaces sont énormément présentes dans les violences faites à Lucas, par exemple « si tu continues comme ça je vais te casser la gueule » alors que l’enfant n’avait que 8 ans. Pour finir, nous voulons parler du climat incestuel que nous avons constaté dans la relation du père et de l’enfant mais qui reste toutefois assez flou. Dans son livre Lucas a d’ailleurs ajouté à la fin une lettre qu’il avait écrit en 6ème où il tente de décrire ce que son père lui fait subir. Nous pouvons notamment lire dans cette dernière « j’ai un père méchant, qui montre son zizi et qui dance tout nu » (Annexe 1). De plus, le témoignage de Lucas commence par cette fameuse nuit qui a fait qu’il ne veut plus retourner chez son père, puis au fur et à mesure nous apprenons que le père commet des actes d’exhibitions, Lucas raconte « mon père se « secouait » nu devant moi ». De même quand il va chez son père, Lucas doit dormir dans le lit de son père, puis quand son père retrouve une compagne, Lucas dort au pied de leur lit. Nous avons donc pensé à l’inceste en lisant cela. Pour
  • 14. 10 nous, le fait que Lucas ne veuille absolument pas retourner chez son père, cela pourrait être un comportement d’évitement vis-à-vis de son agresseur. Néanmoins nous pensons que l’épisode de cette fameuse nuit que Lucas ne décrit pas en détails dans son témoignage car il l’a oublié serait peut-être dû à un refoulement du traumatisme. Le refoulement se définissant comme un mécanisme de défense du psychisme contre l’intrusion du traumatisme (Wattel, 2020). Ferenczi (2009) explique qu’il est impossible d’échapper à la source traumatique extérieure, l’enfant pour survivre, opère donc un clivage de la personnalité. Ainsi il va détruire sa partie sensible et garder que la partie insensible et inatteignable de son être. Ce qui expliquerait les comportements d’isolement chez l’enfant. Ici l’incapacité de remémoration de l’événement est aussi un mécanisme défensif qui peut amener vers une amnésie dissociative. 2.3.Du traumatisme à la résilience A l’adolescence le sujet peut avoir une prise de conscience, un dévoilement. Ceci va pouvoir l’amener à un désir d’indépendance pouvant ainsi le faire s’éloigner progressivement de l’agresseur. Les violences cesseront d’être physiques et ne resteront que psychologiques. Ce mécanisme prendra plus ou moins longtemps en fonction des sujets, tout comme il peut ne pas s’opérer. A ce moment-là, la culpabilité et la honte ressenties chez la victime face à ses violences sont omniprésentes et peuvent empêcher la prise de conscience. Néanmoins Lucas a réussi à prendre de l’assurance à l’entrée dans l’adolescence et s’est éloigné de son père et de sa nocivité. Ensuite, il est évident que tout le monde ne réagit pas de la même façon aux traumatismes subis. C’est ici qu’intervient la résilience, « celle-ci consiste en la capacité d’un individu à maintenir une adaptation optimale malgré l’expérience d’événements déstabilisants et de conditions de vie difficiles ». (Wattel, 2020) Toutefois, la capacité de résilience diffère en fonction de chaque individu. D’après Stephen et Joubert (2000), certains facteurs favorisent la résilience, pour en citer quelques-uns, il y a l’estime de soi, la capacité d’adaptation, la créativité, l’humour, la spiritualité ou encore les habiletés sociales. De plus, l’entourage social joue un rôle très important dans ce processus, leur soutien est fondamental lorsque le traumatisme survient. Lucas, explique bien dans son
  • 15. 11 témoignage que l’équilibre qu’il a trouvé entre sa mère et son beau-père, ses frères et sœurs ainsi que chez ses grands-parents maternels a été central dans sa reconstruction et sa prise de confiance. De même il a également réussi a retrouvé de l’assurance sociale en se rapprochant d’enfant de son âge. Sa confiance en lui grandit grâce à ses bonnes notes, il explique dans son témoignage qu’il a pris sa revanche à l’école en étant autonome et bon élève dans toutes les matières. En outre, ce processus de résilience serait comme un travail en plusieurs étapes. La première étant pour le sujet violenté de prendre conscience de ce qu’il a subi et de son traumatisme. Par la suite, le sujet doit trouver un moyen de vivre avec ce dernier et de le surmonter. Par exemple, certains s’enferment dans le déni et d'autres combattent pour briser le silence. Pour Lucas, c’est le témoignage de son combat qui lui a permis de briser le silence. Nous pouvons approfondir cette notion de processus de résilience en développant ces étapes à l’aide des facteurs de protection expliqué sous un aspect plus schématique cette fois-ci. Nous retrouvons donc les facteurs affectifs, où interviennent des relations chaleureuses entre le sujet en résilience et ses proches. Aussi l’affection joue un grand rôle dans l’enfance du sujet, c’est pour cela que dans la plupart des cas avec des enfants résilients après des maltraitances on constate qu’ils ont le soutien affectueux d’autres proches, que ce soit de grands-parents ou du deuxième parent, tout comme expliqué précédemment pour Lucas. Bien que les facteurs affectifs soient l’un des plus important et des plus présents au niveau de la résilience, on retrouve d’autres catégories de facteurs comme, les facteurs cognitifs ou encore les facteurs conatifs. (Lecomte, 1999) Ainsi les personnes résilientes peuvent se fixer des objectifs à tenir en élaborant des stratégies. Grâce à l’analyse de leur situation et de leur souffrance, elles pourront prendre une grande distance qui permettra de ne pas se laisser dépasser. B. Cyrulnik explique que certains enfants ont la capacité de transformer leur histoire personnelle en récit. Nous remarquons que c’est le cas pour Lucas qui a dévoilé toute son expérience et la souffrance qu’il a subi en en faisant un récit. B. Cyrulnik « souligne que la mise en mot d'une souffrance respecte presque toujours les règles du bon théa ̂ tre : l'identité narrative de l'auteur, l'action, le but, la scène, l'instrument. Au point parfois de reconstruire le passé : « Quand on raconte son passé, on ne le revit pas, on le reconstruit. Ce qui ne veut pas dire qu'on l'invente. Ce n'est pas un mensonge. Mais tout ne fait
  • 16. 12 pas événement dans une vie. On ne met en mémoire que ce à quoi on a été rendu sensible. » » (Lecomte, 1999). Lucas était adulte lorsqu’il a écrit son témoignage, ainsi en le lisant nous avons pu voir la reconstruction de son passé à l’aide de ses souvenirs et de ceux de sa maman. Première hypothèse : nous supposons qu’en cas de non-résilience, cela amènerait à une répétition transgénérationnelle.
  • 17. 13 3. Le parent pervers narcissique. 3.1.Une victime ou l’auteur ? Comme nous l’avons énoncé, le père de Lucas est le pervers narcissique. Le pervers narcissique use de nombreuses stratégies. La principale est la manipulation. Tout au long de notre cas, nous remarquons que le père se pose en victime. Ce point est un des traits typiques retrouvés chez le pervers narcissique. En effet, il essaye de manipuler les autres en faisant croire que c’est lui qui subit les injustices et les méfaits. Le père de Lucas retourne sans cesse les accusations de la mère contre elle, comme il le dit « il va la faire passer pour une folle ». Ainsi la justice se tourne toujours de son côté car il a une habilité déconcertante à se faire passer pour un bon parent. De même, la manipulation du côté de la justice et des professionnels est tellement présente qu’il parvient sans problème à faire peur à une psychologue qui suivait Lucas et sa mère. Cette dernière arrête donc de les aider et rédige un faux compte rendu en faveur du père. Ensuite, les pervers narcissiques vivent dans une réalité qui leur est propre. Le monde réel est insupportable pour eux alors ils créent un autre monde dans lequel ils se sentent exister en s’appuyant sur l’objet. Ainsi, c’est quand la vie réelle les rattrape qu’ils vont inventer et affabuler en se positionnant en tant que victime. De ce fait, ils racontent et inventent des faits de toutes pièces. Le pervers narcissique revendique toujours que c’est la faute de quelqu’un d’autre, rien n’est jamais de la sienne. Dans le témoignage de Lucas, nous retrouvons sans cesse des phrases telles que « c’est ta mère le problème », « c’est de sa faute », « c’est à cause d’elle ». Il va aller jusqu’à l’accuser d’aliénation parentale en la diabolisant, sans preuve et les avocats vont le croire en tenant la mère responsable des troubles de Lucas. Le pervers narcissique refuse d’admettre et d’assumer ses propres actes. C’est un réel mécanisme de défense qu’il met en place, appelé l’identification projective. Par définition, c’est « le dépôt dans l’autre des états émotionnels et affectifs ingérables pour le sujet » selon notre professeur de psychopathologie, Monsieur Levèque. Ce comportement du père nous fait penser à une structure psychique infantile conservée. En d’autres termes, le père se comporte comme un enfant, avec une frustration insupportable, ne supportant pas d’être pris en défaut. Ainsi, il attaque pour protéger cette frustration et en pensant
  • 18. 14 à son propre plaisir. Pour satisfaire ce dernier, le pervers narcissique transforme l’autre en objet en le conquérant, le contrôlant, en « l’inféodisant à son entier profit narcissique ». (Robin, 2019) 3.2.Comment exerce-t-il son emprise ? Ainsi, pour mieux comprendre le fonctionnement d’un pervers narcissique, nous nous sommes penchées sur la mise en place de son emprise. Premièrement, il manipule en mettant en place des masques et en procédant par mimétisme. Autrement dit, il imite les comportements des autres, il s'adapte aux autres individus pour paraître conforme à leurs idées et à leurs pensées. De ce fait, nous pouvons dire qu’il mène une double vie, une double personnalité. A l’extérieur de la famille de Lucas, il va être un homme exemplaire et respectueux. Alors qu’à l’intérieur de la sphère familiale il est d’une réelle toxicité qui détruit la vie de Lucas. De plus, s’ajoute à cela de nombreux mensonges construits de toutes pièces où il fait jouer sa propre vie, avec ses propres valeurs et ses sentiments. C’est un réel mythomane qui parvient à faire croire à tout le monde un faux personnage, cela même sans preuve. De plus, comme expliqué précédemment, le pervers narcissique met en place des stratégies. Dans le livre, quand Lucas était petit, le père tente de le manipuler afin de l’attirer chez lui et pour blesser indirectement la mère. Pour cela il venait le chercher chez sa mère en lui achetant toujours un ou deux jouets, grâce à cela Lucas pensait qu’il était mieux avec son père. Cependant, plus le temps passe, plus le réel visage du pervers narcissique se révèle en tant qu’un être destructeur. En effet, le père lui fait la promesse de lui acheter plein de jouets mais en réalité, il ne le fait pas et garantie à Lucas qu'il s'est trompé. De ce fait, il sait subtilement interférer la vérité avec des mensonges ce qui trouble en permanence la conscience de Lucas, qui ne sait plus départager du vrai du faux, du menteur et de la victime. Par exemple lorsque Lucas se plaint de ce que son père lui a dit, il réplique « tu sais très bien que ce n’est pas la vérité », « tu ne dis pas la vérité ». Il n’hésite pas à dire à son fils qu’il se trompe et que lui seul détient la vérité. Grâce à cela le père arrive à le faire culpabiliser car l’enfant pense que c’est lui qui est en tort. Ensuite, le père se sert de son fils pour se sentir supérieur en l’humiliant. Dans un passage du livre, Lucas pleure car il se sent extrêmement mal chez son père. Son père, au lieu de le rassurer et de comprendre ce qu’il ne va pas, se met à rire de ses larmes. Il trouve que son enfant exagère. Nous observons ici une absence d’empathie, le pervers narcissique est incapable
  • 19. 15 d’aimer, de ressentir les émotions de l’autre et de s’adapter à celles-ci. Au contraire, il utilise l’humiliation en réduisant sa victime en un être incapable. D’après Alberto Eiguer, le pervers narcissique va critiquer la victime de manière indirecte (avec des reproches et allusions) qui l’amènent à se remettre en question. Il procède également avec des critiques directes qui écrasent complètement l’estime de soi de la victime. (Eiguer, La perversion narcissique, un concept en évolution, 2008) Il éprouve une indifférence à la souffrance de l’autre. Grâce à ces humiliations, le pervers narcissique va se mettre à la place du Moi de sa victime et prendre le rôle du surmoi pour leur donner leçon. Pour exercer son emprise sur sa victime, le pervers narcissique utilise aussi beaucoup de menace, par exemple le père de Lucas n'hésite pas à faire pression sur la mère en disant qu’il portera plainte si d’ici 15 jours elle n’a pas changé les chaussures de Lucas qui ne sont pas à son goût. En outre, pour que Lucas soit entièrement son objet, il tente de l’éloigner de sa mère en lui interdisant de la contacter, en parlant de manière négative d’elle avec des insultes, des menaces, des reproches (« si tes résultats scolaires ne sont pas bons c’est la faute de ta mère »). Il se base notamment sur l’éducation donnée par la mère, qu’elle traiterait Lucas comme un bébé en lui attribuant des mots doux, et qu’il ne doit pas pleurer car c’est un homme. « Je veux faire de toi un homme » lui dit-il. Puis, nous pouvons relever que les arrivées du père de Lucas sont toujours marquées par des coups violents avec la porte de la voiture ou de la maison. Il est très agressif et ne cesse d’hurler en faisant des doigts d’honneur ou en mettant le pouce qui glisse sous la gorge devant son fils. En effet, lorsque le pervers narcissique ne se sent pas satisfait (rare qu’il soit satisfait) de ce qu’il a, il utilise la violence et la force pour signe d’autorité en puisant ses ressources dans l’agressivité. Finalement, le pervers narcissique utilise principalement la violence psychologique qui lui permet d’avoir le pouvoir tout en préservant son image. Cependant, le pervers narcissique peut ajouter une forme de violence physique lorsque la violence morale n’est pas suffisamment « présente » et que la situation lui échappe. Dans le cas de Lucas, il a subi des coups notamment un dans le nez lorsque Lucas a décidé de parler de ce qu’il subissait chez son père.
  • 20. 16 3.3.La face cachée Le pervers narcissique est un être de souffrance. Il se construit autour d’un réel vide, d’un Moi non accompli et complètement immature. Afin de protéger ses failles, il met en place des mécanismes de défenses. Le premier que nous avons relevé est le déni. Par définition, c’est « refuser de reconnaître certains aspects douloureux de la réalité externe ou de l’expérience subjective qui seraient évidents pour les autres » selon le DSM IV, cité par Delphine Calamy. (Calamy, s.d.) Selon le psychologue clinicien, Pascal Couderc, lorsque le pervers narcissique dévalorise sa victime c’est pour tenter « de réparer son narcissisme », en se revalorisant, en nourrissant son égo pour construire une identité acceptable. (Couderc P. , 2021) Ainsi, il dénigre la part mauvaise de lui en se voyant que parfait et exemplaire. Selon Couderc, il serait possible que le pervers narcissique, n’a pas été, petit, « accueilli positivement dans le monde réel et qu’il fasse l’objet des critiques négatives par ses parents ». (Couderc P. , 2021) Cela crée une faille narcissique chez l’enfant, n’ayant pas construit assez solidement son estime de soi. Nous pouvons relier le déni au clivage car quand le sujet passe d’un état à un autre, il va dénier l’état antérieur. Il est incapable de reconnaitre ses comportements mauvais, nous disons qu’il est clivé. Par définition, c’est la « division du soi et des objets en parties entièrement bonnes ou mauvaises et se manifeste par le renversement soudain et complet de tous les sentiments et conceptions concernant soi-même ou une personne particulière ». (Chabrol, 2005) Ensuite, nous avons également relever l’identification projective, que nous avons abordé précédemment. Nous avons aussi relevé un autre mécanisme de défense appelé le déplacement. Lorsqu’il est violent avec son chat : il le punit, lui fait du mal, le jette contre les murs ou dans la baignoire où Lucas prend son bain. Ce passage nous fait penser que le père transfère un sentiment ou une réaction d’un objet à un autre objet qui est habituellement moins menaçant (exemple ici d’un chat). Il déplace sa souffrance chez le chat en le martyrisant. (Chabrol, 2005) Ainsi, selon Chantal Wagner « le Moi pervers lutte contre une menace d’effondrement via les procédés du déni et de l’expulsion projective de ses rejetons psychiques les plus toxiques ». (Wagner, 2012) Autrement dit, ces mécanismes de défense sont des protections qui permettent au pervers narcissique de lutter contre un vide qui le constitue et qu’il est une menace de le disloquer, de créer sa mort psychique.
  • 21. 17 En effet, le pervers narcissique lutte contre le danger de basculer dans un état psychotique qui peut le mener vers le morcellement psychique. De ce fait, pour ne pas sombrer dans la folie, il va donc utiliser l’autre. Ainsi, il va toujours lutter contre ses propres conflits et ses frustrations qui peuvent montrer son impuissance, sa fragilité et ses faiblesses. Selon Paul-Claude Racamier : « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui ». (Racamier, 1992) C’est pour cette raison, qu’il doit toujours avoir le contrôle sur son environnement, qu’il ment, qu’il détourne les pensées de ses victimes, se montre formidable en dehors du cocon familial. Nous suggérons que le père de Lucas lutte contre plusieurs angoisses. La première est l’angoisse de morcellement. En d’autres termes, c'est la sensation de partir en morceaux, de se démembrer, de se déconstruire. Sa principale peur inconsciente est de partir en mille morceaux dans un vide géant. La deuxième est l’angoisse de castration. Le pervers narcissique n’aurait ainsi pas atteint l’œdipe en fantasmant le désir de sa mère (parent de sexe opposé) et la rivalité avec son père (à l’autre parent) car il a grandi dans un contexte non favorable, dont nous allons beaucoup revenir juste après. Selon Racamier, le pervers narcissique serait resté dans ce qu’il appelle l’antœdipe (phase avant l’œdipe), où il sent que son existence est complètement niée par ses parents comme un mauvais objet. (Racamier, 1992) Cela nous fait évidemment penser au sentiment d’abandon, à l’angoisse d’abandon qui est étroitement lié avec l’angoisse de perte, c'est-à-dire de perdre l’objet sur lequel il s’appuie ou de perdre l'amour de l’objet, dans ce cas-là, ses parents. Le père a un fonctionnement psychique profondément fragile, basé sur une relation pathologique. Étant inconscient de son comportement, de ses actes, paroles, il met en place les mécanismes pour en réalité lutter contre ses propres carences. En effet, l’enfance du pervers narcissique a subi beaucoup de manques et de violences. La vie émotionnelle de celui-ci a été fortement fragilisée. Ainsi, il s’est construit un personnage avec une structure mentale déséquilibrée et une carence sur les plans affectifs. Ces carences vont alors construire des affects et des comportements en se basant sur un rapport de domination où l’autre est ennemi qu’il doit détruire pour survivre. Ainsi, nous pouvons nous questionner sur l’enfance du père de Lucas. Deuxième hypothèse : cette emprise ne disparaît pas entre les générations ? Les grands-parents paternels sont-ils également potentiellement toxiques ?
  • 22. 18 4. Les grands-parents, le début de la répétition transgénérationnelle ? 4.1.L’existence d’une emprise sur leur fils. L’emprise par définition, du latin prehendere, signifie « envahissement » « mainmise, domination exercée par une personne sur une ou plusieurs personnes, qui a pour résultat qu’elle s’empare de son esprit ou de sa volonté ». « Une forme de domination morale, intellectuelle invisible dans laquelle la victime ne se rend pas compte du processus de domination mis en place. » (Dictionnaire de l’Académie française, 8ème édition, 1932-35) (Tenenbaum, 2017). « La pulsion d’attachement lie le sujet à un objet dans une relation de dépendance passive et dans la recherche d’un amour primaire jamais obtenu » (Dietrich) (Tenenbaum, 2017). En effet il existe des parents persécuteurs que l’on peut définir de toxiques, ils exercent de par leur emprise parentale des maltraitances qui reste inconnu de l’extérieur car elles se passent essentiellement dans la famille. Ici on suppose que c’est le cas des parents du père de Lucas. Également, afin de ne pas se sentir rejeter les enfants victimes de parents maltraitants vont tout faire pour obtenir l’approbation de ces derniers en maintenant une fusion beaucoup trop grande sur le long terme, ils se soumettent entièrement à leurs bourreaux. Nous savons que le père de Lucas est encore sous l'emprise de ses parents car il a été un enfant battu et a été victime de violences psychologiques. Comme le dit Smith (2011), « Les situations de dépendance favorisent l’éclosion d’une relation d’emprise : dépendance affective, hiérarchique, financière, et, en dernière instance, narcissique… » (Les violences psychologiques : comprendre pour agir) Contrairement à son père nous savons que Lucas a sa mère, ce qui lui permet de ne pas être complètement dépendant de son père. Cependant, peut-être que le père de Lucas, comme nous le supposons juste avant a deux parents toxiques, et n’a pas eu de moyen de ne pas être complètement dépendant d’eux. Comme Perrone et Nannini l’ont expliqué (1995), « l’auteur de l’emprise parvient à « programmer » la personne qui en est victime à croire que sa survie même dépend de lui, notamment au niveau narcissique. Souvent après un premier temps d’idéalisation visant à piéger la personne victime dans le miroir déformant de la séduction, le comportement pervers débouche sur une relation plus ouvertement agressive avec dénigrements, humiliations, déni d’existence… » Le père de Lucas veut montrer à son propre
  • 23. 19 père qu’il est devenu un homme en traitant son fils de cette manière. Lucas va presque toujours chez ses grands-parents quand son père vient le chercher, ici nous pouvons voir une emprise des parents du père sur ce dernier. Il semble continuer à aller les voir très souvent donc nous pouvons voir que d’une certaine façon il ne s’est pas détaché d’eux. Dans son livre, Lucas décrit son père comme « un mort vivant, qui ne sait pas vivre encore moins quand il est là-bas. » Son père semble dire oui à tout ce que disent ses parents, peut-être que dire non est signe de punition ? Comme le fait que si Lucas désobéit alors il sera puni. Nous pouvons voir l’emprise des parents sur leur enfant dans le sens où tout ce qu’il fait c’est reproduire leurs actes qu’il a probablement vécu pendant toute son enfance, et encore même peut-être aujourd’hui. Face à ces parents, il semble être une tout autre personne que quand il est avec son fils. Dans ce cas-là, il bégaie, parle peu, se fait petit alors qu’avec son fils c’est tout le contraire. C’est comme si les rôles s’échangeaient = schéma transgénérationnel. Parallèlement, on sait que ses parents brutalisent leur chien au karcher et on apprend que lui brutalise son propre chat. Nous nous rendons bien compte que le père de Lucas reproduit complètement ce que ses parents font subir aux animaux, lui ont fait subir… 4.2.Une possible emprise sur leur petit-fils. Tout comme sur leur fils, il est probable qu’inconsciemment ils aient une emprise sur le petit-fils car tout ce qu’ils disent, leur éducation sur leur propre fils va se répercuter sur leur petit-fils. Nous pouvons voir que les violences physiques sur le petit fils quand son grand-père paternel le pince très fort dans la nuque et qu’il se met à pleurer. Lucas devient le « souffre- douleur » de tous quand la famille paternelle est réunie. Ils rient de sa sensibilité car chez eux il faut être fort. Supposons que les grands-parents soient pervers narcissiques, ou que seulement l’un des deux, alors « l’accomplissement de la perversion, narcissique ou non, est par nature intime : la relation duelle y est particulièrement propice, car elle favorise les processus d’emprise et le secret. Cependant, quelle jouissance ultime, dans la perversion narcissique, de pouvoir exercer son « art » au vu et au su de tous, de mettre sous emprise un groupe entier, d’ajouter l’humiliation publique à la victimisation privée. » (Les violences psychologiques : comprendre pour agir) Un jour, il est jeté violemment sur le canapé par son père parce que sa grand-mère annonce que vu qu’il ne veut pas manger ce qu’elle a préparé, il est méchant et malvenu chez eux et qu’il ne
  • 24. 20 mérite donc pas de rester à table, ce qui lui verra de ne pas manger ce jour-là. D’une certaine façon, ici on dirait que le père s’occupe de mettre en action la violence à la place de ses parents. Comme si inconsciemment il savait que ce que sa mère a dit à Lucas voulait dire que ce dernier devait être puni. Nous nous rendons aussi compte que ses grands-parents vont user du même chantage que son père, en mars, 3 mois après Noël, il reçoit ses cadeaux de Noel. Cependant, il ne peut pas repartir avec, ils resteront chez ses grands-parents. 4.3.Un cercle vicieux. Nous nous rendons donc bien compte que dans le cas de Lucas, il s’agit d’une boucle infernale, d’un cercle vicieux et c’est là tout le résumé de la répétition transgénérationnelle. C’est comme cela que les maltraitances infantiles perdurent. Ses grands-parents semblent avoir été violents physiquement et psychologiquement avec leur fils. Aujourd'hui c’est le fils qui humilie son enfant, le nie et sa violence s’étend même jusqu’aux animaux tout comme pour les grands-parents. Donc pour notre cas clinique nous pouvons clairement parler d’un schéma transgénérationnel. « Qu’il soit appelé trans- ou inter-, le Générationnel « c’est ce qui est relatif à la transmission-transformation, à des degrés infiniment variables, des matériaux psychiques, entre les sujets des générations successives » (A. Carel) » (Baranes, J. (2002) Le repentir d'un analyste : nouveaux développements pour le transgénérationnel). Autrement dit, « les enfants victimes de ces violences par les parents ne sortent pas forcément de la boucle''. Ils pensent « j’ai été éduqué comme ça donc j’éduque comme ça, je n’en suis pas mort moi ». Il commet une réitération des violences sur son fils. D’après Iliona Wallet, « le sujet ayant subi des maltraitances infantiles présente plus de risque de réitérer celles-ci au sein de son propre foyer (Benarous & coll., 2014). Cette répétition provient d’un processus d’identification à l’agresseur : il s’agit là d’un mécanisme primaire mis en place par le psychisme afin de survivre aux violences subies. » Bien évidemment de nombreux facteurs entrent en jeu et influencent le comportement futur de l’individu. De même, à travers une étude faite sur des parents maltraitants leurs enfants, il a été constaté que la plupart d’entre eux avaient été victime de violences durant leur enfance. Il s’avère en effet que les deux tiers des parents maltraitants expliquent avoir subi des violences physique ou psychologique durant leur enfance et le tiers restant lui déclare avoir été victime d’abus sexuels.
  • 25. 21 Dans la moitié des cas, les parents ont été abusés par une ou plusieurs personnes de leur propre famille (Massé, p239-249, 1994). Ici nous pouvons faire écho à notre sous-partie sur la résilience développée dans notre partie précédente. Nous nous rendons clairement compte que pour le père de Lucas il n’y a eu aucun processus de résilience. Nous pouvons donc supposer que si le père de Lucas avait pu développer un processus de résilience il n’y aurait sûrement pas eu de reproduction de violence sur son fils. La résilience lui aurait permis de surmonter ses traumatismes infantiles. Nous pouvons penser que dans son entourage il n’avait aucun autre proche en dehors de ses parents sur qui se raccrocher afin d’avoir des relations chaleureuses permettant d’être résilient. Un pédopsychiatre du nom de Antoine Guédeney, membre de l’Institut de psychanalyse de Paris explique « on n’est pas résilient tout seul, sans être en relation ». Également, des études montrent que les parents ayant brisé « le cercle vicieux de la maltraitance dont ils avaient été victimes, vivent généralement une relation de couple stable et épanouissante, au point que l'on constate parfois une stabilité conjugale supérieure à celle qui a cours dans la population générale » (Lecomte, 1999). Les parents reproduisant le comportement de leurs propres parents auront tendance à nier ou du moins à minimiser les maltraitances subit dans l’enfance. Au contraire les parents qui voit ces maltraitances comme une injustice grave auront, eux, plus tendance à briser le cercle vicieux, en ne reproduisant les comportements parentaux, d’ailleurs ces personnes y parviennent souvent. Dans le cas du père de Lucas nous voyons clairement qu’il minimise ce qu’il a vécu notamment quand son fils se plaint de ce qu’il subit, le père rétorque qu’il a subi pire et que cela lui a permis de devenir un homme. Troisième hypothèse : outre la transmission générationnelle, nous pouvons supposer que certaines personnes sont plus propices à être attirées par les pervers narcissiques que d’autres.
  • 26. 22 5. La mère : une tendance à être attirée par un pervers narcissique ? 5.1.Les grands-parents maternels : problèmes d’attachement ? Nous avons trouvé pertinent de développer une partie concernant la mère qui elle aussi a été victime du pervers narcissique et notamment la première. Nous savons que le pervers narcissique ne choisit pas ses victimes au hasard ainsi il était important pour nous d’essayer de comprendre la relation que la mère pouvait entretenir avec ses parents. Nous ne savons pas grand-chose du rapport que la mère de Lucas avec ses parents. Cependant, nous savons que les grands-parents maternels ont été aussi une aide pour Lucas. Il est probable que la mère de Lucas n’ait pas eu toujours des bons rapports avec ses parents et que cela a pu la pousser à être une « proie facile » pour le pervers narcissique. Tout ce que nous pourrons dire seront seulement des suppositions. Il est possible qu’il y ait un faible attachement des parents sur la mère et cela peut amener à fragiliser son estime d’elle- même ce qui a pu permettre au pervers narcissique de l’atteindre plus facilement. Comme nous avons pu le voir, il existe plusieurs formes d’attachement. Il est probable que la mère de Lucas ait eu un attachement plutôt insécure préoccupée. Cela signifie qu’elle aurait une image négative d’elle-même en pensant souvent que c’est sa faute, mais qu’elle ait une image plutôt positive des autres en les voyant comme des personnes capables d’être sources de sécurité. Donc, cet attachement a surement, d’une certaine manière, incité la mère à faire confiance plus facilement, sans grande méfiance au père de Lucas. (Cours Merrucci, 2019, développement psychologique) 5.2.L’emprise du pervers sur elle Roger Dorey (1981) définit cette relation d’emprise comme une « action d’appropriation par dépossession de l’autre ». Le pervers narcissique arrive à avoir un certain contrôle sur sa compagne puisqu’il arrive a dissimulé un message derrière des bonnes intentions. En général, la victime ne se rend pas compte de tout l’ampleur qu’il y a derrière ces messages et ne prend que le côté « positif » des paroles du pervers. Comme l’explique Alberto Eiguer (2008) : « la dimension d’obligation, de coercition est, bien que toujours présente, dissimulée derrière un message paré « de bonnes intentions ». Il est aussi possible que quelque chose dans la vie de la
  • 27. 23 victime ait été fragilisée. Peut-être que la victime a une faible estime d’elle-même ce qui pourrait permettre au pervers narcissique de se saisir d’elle plus facilement. « Si la victime se laisse abuser, c’est qu’elle peut se trouver dans une situation de fragilité, qu’elle est en deuil ou craint de perdre son emploi. Le pervers narcissique le perçoit ». (Alberto Eiguer, 2008) Au départ, il est probable que le pervers narcissique complimente beaucoup afin de redorer l’image qu’elle a d’elle-même afin de l’attirer et de la manipuler plus facilement. De plus, « les pervers narcissiques peuvent se dire coupables pour des fautes mineures, se confondant en excuses, s’ils pensent que cela amènera les autres à se sentir proche d’eux ». (Alberto Eiguer, 2008) Cependant, au fur et à mesure, il deviendra de plus en plus vexant dans ses paroles et la dénigrera de plus en plus. Parallèlement, le pervers narcissique étant un manipulateur cherchera à « pousser la victime à la faute pour la critiquer ensuite et la mettre à sa merci enfin ». (Alberto Eiguer, 2008) De plus, les pervers narcissiques sont souvent connus pour être des séducteurs en plus d’être manipulateurs. Comme on le voit bien dans le cas clinique, son comportement change en fonction qu’il soit avec son fils, son ex-femme ou alors des amis. C’est sûrement en séduisant son ex-femme qu’il avait réussi à l’avoir. Marc Olano (2018) résume bien comment le père de Lucas a dû procéder face à sa mère : « dans le face-à-face, ils paraissent sincères et touchants, peuvent feindre de s’intéresser aux autres, se montrer empathiques et même reconnaître leurs torts, mais toujours dans le but de s’attirer des bonnes grâces. C’est dans l’ombre qu’ils agissent, ce qui trompera leurs victimes. Une fois démasqués, ils crient à l’injustice. Incapables de se remettre en question, certains seraient tout simplement incurables ». Nous l’avons bien remarqué lors des nombreux entretiens judiciaires et psychologiques. La mère de Lucas, pour différentes raisons, a mis du temps pour réussir à se détacher de l’emprise de son ex-mari. En effet, le pervers narcissique arrive à éloigner complètement sa victime de tout entourage. Il fait en sorte que cette dernière n’ait que lui et devienne dépendante de lui. « Le but recherché est l’utilisation des ressources de l’autre ; le patient aurait besoin des compétences de cet autre ; il aimerait se nourrir de sa vitalité, de son enthousiasme. Cette stratégie est la conséquence d’un sentiment d’envie ; l’autre serait ainsi un ustensile au service des fonctions dont le pervers narcissique craint de manquer ». (Alberto Eiguer, 2008) Il est possible que la mère de Lucas se soit enfermée dans cette relation et que pendant un moment elle ait été dans une forme de cercle vicieux. C’est pourquoi Marc Olano (2018) explique que
  • 28. 24 « des femmes, et aussi des hommes, persistent dans des relations dans lesquelles ils sont instrumentalisés, voire maltraités, tout en défendant leur partenaire (…) lorsque celui-ci est mis en cause par l'entourage. La victime pourrait donc bien se trouver complice de son bourreau malgré elle, d'où la nécessité de l'aider à repérer les faiblesses dans lesquelles s'engouffre le pervers, pour mieux s'en défendre ». De plus, la femme du pervers narcissique va souvent chercher à le défendre, à lui trouver des excuses tout en remettant la faute sur elle-même. Par exemple, si son mari s’énerve elle va dire que c’est de sa faute, que c’est parce qu’elle a fait quelque chose de travers. Comme Simone Korff-Sausse l’explique, en général, les compagnes du pervers narcissique « se trouvent dans l’identification à l’agresseur de Ferenczi, où l’enfant- victime intériorise la culpabilité que ne ressent pas l’adulte-agresseur, s’exposant à une énorme confusion, où « l’enfant est déjà clivé, à la fois innocent et coupable, et sa confiance dans le témoignage de ses propres sens en est brisée » (1933, p. 130) ». Pour conclure, le pervers narcissique a réussi à attirer la mère de Lucas en trouvant une faille chez elle, en lui plaisant et en l’attirant. De plus, en se faisant souvent passé lui-même pour une victime afin de la faire culpabiliser. Alberto Eiguer (2008) résume bien le comportement que le père de Lucas a sûrement eu avec sa mère : « Dans tous les cas, l’éthique du pervers narcissique répond à une banalisation de ses méfaits il y aurait toujours une raison présentée comme suffisamment noble pour balayer les principes, la sérénité, le prestige ou les secrets de celui qui est en face. Comme il sait que chacun a quelque chose à se reprocher, il n’hésitera pas à exploiter cet aspect. A ce titre, un oubli chez la victime sera désigné comme négligence ; une erreur, comme manque d’affection ; la spontanéité, comme agressivité larvée. Il traitera facilement l’autre de « fou ». Les actes manqués de la vie quotidienne seront interprétés sous l’angle d’une logique qui ignore l’inconscient. Tout serait volontaire, partant d’une mauvaise intention. » 5.3.Le détachement de la mère Comme expliquait précédemment, la mère de Lucas était surement dans une situation de dépendance à son ex-mari. Nous pouvons donc se demander comment elle a réussi à s’en sortir. Nous pouvons penser qu’à un moment donné elle a eu un déclic assez important qui a marqué un tournant dans ces violences psychologiques et physiques qu’elle subissait. Il est peut-être possible que ce déclic ait eu lieu le jour où son ex-mari l’a frappée alors qu’elle avait Lucas, qui était encore un bébé, dans ses bras. L’entrée de Lucas dans sa vie lui a peut-être permis de
  • 29. 25 se rendre compte qu’elle était dans un déni face au comportement de son mari. Cette partie de la vie de la mère de Lucas a été traumatisant pour cette dernière. Dans son cas, nous pouvons parler d’un « traumatisme de type 2 » dont parle Lenore Terr (1991), il s’agit d’un « trauma lent et qui correspond à une situation de menace, de violence et de stress intenses qui se répètent ». (Jean-Luc Tilmant, 2019) Cela revient aux violences physiques et psychologiques dont elle a été victime, nous pouvons même parler de harcèlement qu’elle subit encore du père. « Le choc de la rencontre avec le manipulateur pervers est comparable à un volcan crachant brusquement le feu de ses entrailles tout en libérant un nuage de fumée toxique qui vient obscurcir le ciel de notre conscience, recouvrir ce que nous sommes réellement ». (G. Schmit, J-L Tilmant, 2019) Parallèlement, il est aussi peut-être possible qu’un retour important de ses parents dans sa vie lui ait permis de se rendre compte de ce qu’elle subissait. Si la mère de Lucas à réussir à se reconnaitre en tant que victime c’est une forme de première étape vers la résilience. « Le processus de résilience s’engage lorsqu’un individu (ou un groupe), confronté à un traumatisme, réussi à activer de manière adéquate des modalités protectrices qui lui permettent de se reconstruire ». (Marie Anaut, 2012) Il est possible qu’elle ait trouvé le courage, la volonté de se reconstruire pour son fils. En effet, dans certains cas, un traumatisme peut aussi tuer. Marie Anaut (2012) explique que le processus de résilience se fait en deux étapes. Tout d’abord il y a la « confrontation au trauma et résistance à la désorganisation psychique » puis il y a « l’intégration, l’élaboration et reprise d’un néo-développement ». La première phase renvoie plus à une « phase de réponse au danger est surtout marquée par l’activation de mécanismes de défense visant à atténuer la charge émotionnelle du traumatisme » (Marie Anaut, 2012) tandis que la seconde « s’étaye sur le travail de liaisons des affects pour répondre à l’irreprésentable et lui attribuer un sens ». (Marie Anaut, 2012) Dans cette deuxième phase, il s’agit plus d’une compréhension du traumatisme pour pouvoir avancer. Pour conclure, si la mère de Lucas a réussi à se détacher du pervers narcissique c’est probablement grâce à la naissance de Lucas mais aussi grâce à une prise de conscience de sa part.
  • 30. 26 6. Conclusion « L’enfant victime d’agressions physiques, de violences psychologiques, d’abandon, de négligences ou de privation de soins est protégé par la société. Chaque adulte doit contribuer, autant qu’il lui est possible, à cette protection. » (Servicepublic.fr. « Enfant battu, maltraité ou privé de soin ») Grâce à des associations de défense des enfants, le parent non pervers narcissique pourrait protéger son enfant qui recevrait une aide afin de retrouver espoir, une estime de soi et une dignité. De même, à l’adolescence si l’enfant à une prise de conscience il pourrait lui-même contacter des aides extérieures. En outre, ce dossier nous a permis de comprendre le fonctionnement des parents pervers narcissiques ainsi que les conséquences qu’ils pouvaient avoir sur leurs enfants et dans la transmission transgénérationnelle. Le pervers narcissique est une pathologie complexe a étudiée et a décelée. Son impact sur les autres est puissant et peut provoquer de nombreux dégâts sur les victimes. C’est ce que nous avons pu voir dans le témoignage de Lucas qui était riche en détails, nous avons pu suivre l’évolution de Lucas à travers ce livre. Finalement nous remarquons que la première victime dans l’histoire était la mère, elle s’est laissé séduire par le pervers narcissique puis s’est retrouvée sous son emprise. Nous pouvons donc penser que le pervers narcissique choisi en premier lieu un(e) conjoint(e) puis exerce son emprise sur ce(tte) dernier(e) avant de devenir un parent pervers narcissique et généré une possible transmission transgénérationnelle, dans les cas où le couple donne naissance à un enfant. Cependant nous pouvons voir que la chaîne transgénérationnelle n’est pas si fatidique que cela dont Lucas en est un parfait exemple. À travers son témoignage, il est parvenu à réaliser un travail d’élaboration de ses conflits internes. Ainsi, ses dires ont permis de casser ce cercle vicieux.
  • 31. 27 7. Bibliographie Anaut, M. (2012). Chapitre 1. Traumatisme, humour et résilience: Élaboration du traumatisme et utilisation de l’humour dans le processus de résilience. Dans : Roland Coutanceau éd., Trauma et résilience: Victimes et auteurs (pp. 1-14). Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.lemit.2012.01.0001" Calamy, D. (s.d.). Le déni de la souffrance psychique. Récupéré sur ALLTIME NETWORK: https://psychiatre-delphinecalamy.fr/index.php/deni-de-souffrance-psychique/ Chabrol, H. (2005). Les mécanismes de défense. Recherche en soins infirmiers, 31-42. Couderc, P. (2021). Le dénigrement. Récupéré sur Pervers narcissique: https://www.pervers- narcissique.com/les-techniques-de-manipulation/le-denigrement/ Couderc, P. (2021). Le dénigrement. Récupéré sur Pervers narcissique: https://www.pervers- narcissique.com/les-techniques-de-manipulation/le-denigrement/ Eiguer, A. (2008). La perversion narcissique, un concept en évolution. L'information psychiatrique, 84, 193-199. https://doi.org/10.3917/inpsy.8403.0193 Korff-Sausse, S. (2003). La femme du pervers narcissique. Revue française de psychanalyse, 67, 925-942. https://doi.org/10.3917/rfp.673.0925 Lecart, A. (2021). Violences psychologiques, violences invisibles. Récupéré sur Alexandra Lecart : http://www.psychologue-riviere.com/les-violences-psychologiques/ Lecomte, J. (2016, 7 avril). La résilience. Résister aux traumatismes. Sciences Humaines, 99. https://www.scienceshumaines.com/la-resilience-resister-aux-traumatismes_fr_11193.html Leveque (2021), cours de psychopathologie de l’enfant. Licence 3, université catholique de Lyon. MASSÉ, R. M. (1994). Antécédents de violence et transmission intergénérationnelle de la maltraitance. P.R.I.S.M.E., Psychiatrie, recherche et intervention en santé mentale de l’enfant, 4(2-3), 239-249. http://classiques.uqac.ca/contemporains/masse_raymond/antecedents_violence/texte.html Merucci (2019), cours de développement psychologique. Licence 2, université catholique de Lyon.
  • 32. 28 Olano, M. (2018). Pervers narcissiques : de purs manipulateurs ?. Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, 50, 8-8. https://doi.org/10.3917/gdsh.050.0008 Organisation mondiale de la santé. (2020, 13 janvier). La violence à l’égard des enfants : lutter contre les sévices cachés. https://www.euro.who.int/fr/home. Consulté le 14 décembre 2021, à l’adresse https://www.euro.who.int/fr/health-topics/disease-prevention/violence-and- injuries/news/news/2020/01/violence-against-children-tackling-hidden-abuse Racamier, P. C. (1992). Pensée perverse et décervelage. Revue de psychanalyse groupale, 137-155. Robin, C. B. (2019, juillet 18). Le pervers narcissique. Récupéré sur WordPress: https://psychologuesaintmaur.com/2019/07/18/le-pervers-narcissique-3/ Tenenbaum, S. (2017). Se libérer de l’emprise émotionnelle (Développement personnel). LEDUC. Tilmant, J. (2019). Définitions. Dans : , J. Tilmant, Du trauma à la résilience (pp. 15-21). Nîmes : Champ social. Veríssimo, M., Salvaterra, F., Santos, A. & Santos, O. (2008). Le modèle de représentation interne maternel et le comportement de base de sécurité de l'enfant dans un groupe d'enfants adoptés. Devenir, 20, 347-359. https://doi.org/10.3917/dev.084.0347 Wagner, C. (2012). Relation d’objet dans la perversion narcissique. Se soutenir : déconstruire l’autre. L’information psychiatrique, 21-28.
  • 33. 29 Annexe Lettre écrite par Lucas à ses onze ans.