Droit des étrangers à l'usage des CPAS et services sociaux Denis FERON tabl...
Carte B aide sociale ou intégration sociale
1. “Droit des étrangers
à l’usage des CPAS et des services sociaux”
Denis FERON, 2015
Editions KLUWER
À paraître dans le courant du 1ersemestre 2015
Un étranger sous Carte B ouvre-t-il un droit à l'intégration sociale ouun
droit à l'aide sociale ?
Cette question paraît anodine mais semble quand même poser problème à plusieurs.
J’ai fourni dans un 1er temps une réponse de ... "normand" ...CELA DEPEND ...!
Pour une réponse claire et précise, il faut dans un 1er temps définir quelques concepts.
Concepts :
Carte B : une carte B est un Certificat d’Inscription au Registre des Etrangers CIRE.
Comme le nom l’indique, les personnes en possession d’une carte B sont donc
inscrites au registre des étrangers. Il s’agit donc d’étrangers.
Il existe 2 types de CIRE certificats d’inscription au registre des étrangers :
Carte A = certificat d’inscription au registre des étrangers « séjour
temporaire » ;
Carte B = certificat d’inscription au registre des étrangers (à la différence de la
carte A, les personnes en possession d’une carte B sont autorisées au séjour de
plus de 3 mois illimité).
A qui délivre-t-on des certificats d’inscription au registre des étrangers Carte A
ou Carte B ? Dans la mesure où un statut de séjour spécifique est déterminé pour les
citoyens de l’Union européenne et pour les membres de leur famille qui n’ont pas eux-
mêmes la nationalité d’un Etat membre de l’UE, les certificats d’inscription au registre
des étrangers ‘Carte A et Carte B) ne sont délivrés qu’aux étrangers hors Union
européenne qui sont admis ou autorisés au séjour de plus de 3 mois en Belgique.
La question posée ci-dessus devrait donc être libellée de la manière suivante puisque les
Cartes A et B sont toutes deux des certificats d’inscription au registre des étrangers :
Un étranger sous Carte A ou Carte B ouvre-t-il un droit à l'intégration
sociale ou un droit à l'aide sociale ?
Pour une réponse claire et précise, il est nécessaire de se rappeler comment est organisé notre
système de protection sociale.
Organisation de notre système de protection sociale :
Notre système de protection sociale repose sur 3 piliers :
Le 1er pilier est constitué des régimes contributifs de sécurité sociale ;
Le 2ème pilier est constitué des régimes non-contributifs de sécurité sociale ;
Le 3ème pilier est le régime de l’aide sociale.
2. Notre système de protection sociale fonctionne comme un « entonnoir » dans la mesure où ils
sont mis en place pour compenser l’absence de revenus lors de certains accidents ou faits de
la vie en garantissant un revenu de remplacement. Ils fonctionnent de manière résiduaire l’un
par rapport à l’autre de la manière suivante :
Le 2ème pilier est résiduaire par rapport au 1er pilier (les droits seront examinés sur base
des règles du 2ème pilier si aucun droit complet ne peut être activé sur base des règles
du 1er pilier) ;
Le 3ème pilier est résiduaire par rapport aux deux premiers piliers (les droits seront
examinés sur base des règles du 3ème pilier si aucun droit complet ne peut être activé
sur base des règles des 2 premiers piliers).
Le 3ème pilier, le régime de l’aide sociale constitue donc le dernier filet de protection dans
notre système de sécurité sociale.
1er Pilier : les régimes contributifs de sécurité sociale : appelés contributifs car ils
fonctionnent comme un système d’assurance sur base des cotisations sociales payées par
les travailleurs. Ce sont les systèmes de l’assurance chômage (pour les actifs qui n’ont pas
ou plus d’emploi), l’assurance soins de santé et invalidité (pour les actifs qui sont malades
et momentanément en incapacité de travail ou qui sont invalides en incapacité de travail
permanente) l’assurance pension (pour les actifs au terme de leur carrière professionnelle),
etc…. Dans un schéma simplifié et dans la mesure où le système fonctionne sur base des
cotisations payées par le travailleur, dans ces régimes aucune condition de nationalité
n’est fixée pour ouvrir les droits puisque c’est le retour des cotisations payées par le
travailleur.
2ème Pilier : les régimes non-contributifs de sécurité sociale : appelés non-contributifs
parce qu’il est financé directement par l’Etat pour les actifs qui n’ont pas ou pas
suffisamment cotisé pour ouvrir un droit à l’assurance chômage, soins de santé, pension,
etc…. Dans la mesure où l’Etat ne se reconnait des devoirs d’assistance et de protection
qu’à l’égard de ses nationaux ou qu’à l’égard des étrangers à qui il a donné un droit au
séjour pratiquement identique à celui d’un national (inscription au RP) ou pour lesquels il
a souscrit des conventions internationales, des conditions de nationalité sont mises pour
pouvoir bénéficier de ces régimes non-contributifs de sécurité sociale (belges, étrangers
inscrits au RP, citoyens UE, réfugiés, apatrides, …). Ce sont les régimes du droit à
l’intégration sociale, aux allocations aux handicapés, à la garantie de revenu pour
personne âgée GRAPA, ….
3ème Piler : le régime de l’aide sociale : ce régime de l’aide sociale est à charge de la
commune de résidence de la personne concernée selon un principe ancestral qui veut que
ce soit la commune qui prenne en charge « ses pauvres ». Entre temps, l’Etat a pris en
charge lui-même les frais de l’aide sociale des étrangers à qui il a donné un droit au séjour
de plus de 3 mois (inscription au RE) selon le principe que c’est celui qui octroi le droit
qui doit assurer les frais d’assistance et de protection le cas échéant.
Le schéma suivant peut dès lors être établi et, pour répondre à la question posée ci-
dessus, je propose le schéma de réflexion suivant :
1. 1ère question : la personne concernée peut-elle ouvrir des droits sur base du 1er pilier ?
si OUI elle doit faire valoir en priorité ces droits-là si NON il faut examiner les droits
sur base du 2ème pilier ;
2. 2ème question : la personne concernée peut-elle ouvrir des droits sur base du 2ème
pilier ? si OUI il faut lui appliquer le régime qui la concerne (droit à l’intégration
sociale, AH, GRAPPA, PFG,…) si NON c’est de l’assistance qui relève du 3ème pilier
soit de l’aide sociale.
3. 3ème pilier : ne peut s’activer que si la personne ne relève d’aucun des 2 premiers
piliers de la sécurité sociale.
3. Loi 08/07/1976 art. 60§7
Loi 26/05/2002 RI= droit à TRAVAIL
l’insertion professionnelle par les CPAS
Sécurité sociale
REGIMES CONTRIBUTIFS
AC Chômage Pas de condition de nationalité accès lié aux
cotisations sociales versées / stage à accomplir si
étranger = condition de légalité de séjour + permis de
travail
AMI Assurance Maladie Invalidité
Pension
Allocations familiales
Vacances annuelles
REGIMES NON CONTRIBUTIFS / RESIDUAIRES
GRAPA Conditions de nationalité: belge, réfugié, apatride,
étrangers inscrits au RP, règlements européens et
conventions internationales liant la Belgique +
condition de résidence
PFG Prestations Familiales Garanties
AH Allocations Handicapés
DIS sous forme d’emploi ou de RI revenu
d’intégration
CPAS
Insertion professionnelle
REGIME RESIDUAIRE
AS Aide Sociale (+ condition de résidence)
Pas de condition notamment d’âge ou de nationalité
(article 1er loi organique des CPAS + article 23 Constitution)
MAIS aide sociale limitée à l’aide médicale urgente uniquement si étranger en séjour illégal ou aide matérielle
sur base AR du 24/06/2004 en ce qui concerne l’aide due aux enfants
Qu’en est-il d’un étranger sous carte A ou B en matière de Droit à
l’Intégration Sociale ?
Le Droit à l’Intégration Sociale DIS qu’il soit sous forme d’un emploi ou d’un revenu
d’intégration RI relève du 2ème pilier de notre système de protection sociale soit le régime
résiduaire non-contributif. Il est totalement ou partiellement financé par l’Etat. Comme nous
l’avons vu ci-dessus, l’Etat ne se reconnait des devoirs d’assistance et de protection qu’à
l’égard de ses nationaux ou qu’à l’égard des étrangers à qui il a donné un droit au séjour
pratiquement identique à celui d’un national (inscription au RP) ou pour lesquels il a souscrit
des conventions internationales, des conditions de nationalité sont mises pour pouvoir
bénéficier de ces régimes non-contributifs de sécurité sociale (belges, étrangers inscrits au RP,
citoyens UE, réfugiés, apatrides, …).
C’est pour cette raison qu’apparaissent des conditions de nationalité.
En l’occurrence, s’agissant du droit à l’intégration sociale, les conditions sont fixées à l’article
3 de la loi du 26 mai 2002 fixant le droit à l’intégration sociale.
Les conditions à réunir sont au nombre de 6 et sont cumulatives c’est à qu’il faut toutes les
remplir pour ouvrir un droit à l’intégration sociale.
Il suffit qu’une seule ne soit pas remplie pour que le droit à l’intégration sociale ne puisse être
accordé.
Voici les conditions fixées à l’article 3 de la loi du 26 mai 2002 et qu’il faut toutes remplir
pour ouvrir un droit à l’intégration sociale :
« Art. 3. Pour pouvoirbénéficier du droit à l'intégration sociale,la personne doit simultanément et sans
préjudice des conditionsspécifiquesprévuespar cette loi :
1° avoir sa résidence effective en Belgique,dans le sens à déterminer par le Roi;
4. 2° être majeure ou assimilée à une personne majeure en application des dispositions de la présente loi;
3° appartenirà une des catégoriesde personnes suivantes :
- soit posséder la nationalité belge;
- [1 soit bénéficier, en tant que citoyende l'Union européenne ou en tant que membre de sa famille
qui l'accompagne ou le rejoint, d'un droit de séjour de plus de trois mois conformément à la loi du 15
décembre 1980 sur l'accèsau territoire,le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
Cette catégorie de personnes ne bénéficie du droit à l'intégrationsociale qu'après les trois premiers
mois de ce séjour;]1
- soit être inscrite comme étranger au registre de la population;
- soit être un apatride et tomber sous l'applicationde la Convention relative au statut des apatrides,
signée à New-York le 28 septembre 1954 et approuvée par la loi du 12 mai 1960;
- soit être un réfugié au sens de l'article 49 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire,le
séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers;
4° ne pas disposerde ressources suffisantes, ni pouvoir y prétendre ni être en mesure de se les procurer, soit
par ses efforts personnels,soit par d'autresmoyens. Le centre calcule les ressources de la personne
conformément aux dispositionsdu titre II, chapitre II;
5° être disposée à travailler,à moins que des raisons de santé ou d'équité l'en empêchent.
6° faire valoirses droits aux prestationsdont elle peut bénéficier en vertu de la législation sociale belge et
étrangère. ».
Comme nous l’avons vu ci-dessus, les personnes en possession d’une Carte A ou d’une Carte
B sont des étrangers.
Les conditions sur lesquelles il faut être particulièrement attentif pour une personne en
possession d’une Carte A ou d’une Carte B sont au nombre de 2.
Il s’agit de la condition fixée au point 1° (résidence effective) et au point 3° (les conditions de
nationalité).
En ce qui concerne la condition de résidence effective fixée au point 1°, un étranger doit,
selon les dispositions de l’article 2 de l’AR du 11/07/2002 portant exécution de la loi du
26/05/2002, être autorisé au séjour : « Art. 2. Est considéré comme ayant sa résidence effective en
Belgique au sens de l'article 3, 1°, de la loi, celui qui séjourne habituellement et en permanence sur le territoire
du Royaume, même s'il ne dispose pas d'un logement ou s'il n'est pas inscrit dans les registres de la population
visés à l'article 1, § 1, 1°, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, pour autant qu'il
soit autorisé au séjour sur le territoire du Royaume. ». Evidemment, il n’y a que les étrangers qui
doivent être autorisés au séjour pour pouvoir résider en Belgique.
Pour ce qui concerne la condition de nationalité fixée au point 3°, les personnes en possession
d’une Carte A ou d’une Carte B ne pourraient être qu’un réfugié ou un apatride.
En effet, un réfugié reconnu par la Belgique est dès la décision de reconnaissance autorisé au
séjour de plus de 3 mois illimité et mis en possession d’une carte B
Pour ce qui concerne l’apatride, une fois l’apatridie reconnue par le Tribunal de 1ère Instance,
l’étranger doit ensuite être autorisé au séjour de plus de 3 mois par l’Office des Etrangers. En
cas de décision positive, cela peut être un séjour de plus de 3 mois limité dont la prorogation
peut être assortie ou non de conditions à remplir (dans ce cas c’est une Carte A qui est
délivrée) ou un séjour de plus de 3 mois illimité (dans ce cas c’est une Carte B qui est
délivrée).
En conclusion
En droit à l’intégration sociale :
Seuls les réfugiés et les apatrides peuvent être en possession d’une Carte B et ouvrir
potentiellement un droit à l’intégration sociale ;
Seuls les apatrides peuvent être en possession d’une Carte A et ouvrir potentiellement
un droit à l’intégration sociale ;
Toutes autres personnes qu’un réfugié ou un apatride en possession d’une Carte A ou
d’une Carte B ne peuvent ouvrir un droit à l’intégration sociale. Dans ce cas, ce sera
de l’aide sociale – soit le 3ème pilier de notre système de protection sociale.
5. Schéma de synthèse reprenant les conditions de nationalité et les types de cartes en DIS :
Soit belge (art. 3, 3°, 1er tiret) RP CI de belge
Soit étranger UE et disposerd’une
autorisation de séjour de + 3 mois
et les membres de la famille
(art. 3, 3°, 2ème tiret)
RP
RE
Carte E +
Carte F +
Carte E
Carte F
Ces personnes sont autorisées au séjour permanent
Ces personnes sont autorisées au long séjour + de 3 mois –
ATTENTION : les conditions de séjours sont vérifiées durant
3 ans (parmi lesquelles : la qualité déclarée lors de la demande
d’enregistrement, ne pas être une charge déraisonnable pour le
système d’assistance publique ET faire partie du ménage du
citoyen de l’Union européenne rejoint)
Soit étranger ET inscrit au RP
(art. 3, 3°, 3ème tiret)
RP Carte C
Carte D
Ces personnes sont autorisées au séjour permanent
Ces personnes possèdent le statut de résident de longue durée
Soit apatrides reconnus
(art. 3, 3°, 4ème tiret)
RP
RE
Carte C
Carte A séjour
temporaire
Carte B séjour
illimité
Ces personnes sont autorisées au séjour permanent
Ces personnes sont autorisées au long séjour + de 3 mois
Soit réfugiés reconnus
(art. 3, 3°, 5ème tiret)
RP
RE
Carte C
Carte B séjour
illimité
Ces personnes sont autorisées à l’établissement
Ces personnes sont autorisées au long séjour + de 3 mois
Toutes autres situations ne relèvent pas de la loi du 26/05/2002 relative au droit à l’intégration sociale mais de
la loi du 08/07/1976 organique des CPAS donc de l’aide sociale.
Pour rappel, les Etats membres de l’UE avant le 01/05/2004 sont :
Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays -Bas, Autriche,
Portugal, Finlande, Suède et Royaume-Uni.
Les 10 nouveaux états membres depuis le 01/05/2004 sont :
Lettonie, Estonie, Lituanie, Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Malte et Chypre (la partie grecque
uniquement).
Les 2 nouveaux états membres depuis le 01/01/2007 sont :
Roumanie et Bulgarie.
Un nouvel Etat membre depuis le 01/01/2013 :
Croatie
ATTENTION: le droit des étrangers est une matière en constante évolution. La
réglementation et la jurisprudence peuvent donc évoluer dans le temps. La réponse qui est
formulée ci-dessus est une réponse à un moment donné. Dès lors, si la question se pose en un
temps différent il sera nécessaire de se poser la question si la réglementation et la
jurisprudence ne sont pas venues tempérés la réponse formulée ci-dessus.