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SON EXCELLENCE
M. HEIKO MAAS,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR INTERIM
DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE
Berlin
SON EXCELLENCE
M. JEAN-YVES LE DRIAN
MINISTRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Paris
Ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie
Moscou, 6 novembre 2021
Chers collègues,
J'ai bien reçu votre message du 4 novembre 2021 réagissant à nos propositions du 29 octobre sur le
contenu du document final d'une éventuelle réunion des ministres des affaires étrangères du Format
Normandie.
Je ne le cacherai pas : votre réponse a été décevante. Ce qui mérite d'être mentionné, c'est la phrase
selon laquelle nos propositions contiennent des dispositions qui « ne seront certainement pas
acceptées »dans le Format Normandie, notamment « l'organisation d'un dialogue direct entre Kiev,
Donetsk et Lougansk ». En outre, vous soulignez l'absence dans notre projet d'une déclaration selon
laquelle la MSS de l'OSCE devrait avoir « un accès sûr et sécurisé dans toute l'Ukraine pour remplir
son mandat ».
À cet égard, je tiens à vous rappeler une fois de plus que les conditions requises pour un accord
avec Donetsk et Lougansk sur l'ensemble des questions liées au statut spécial de ces territoires, à la
réforme constitutionnelle en Ukraine (avec la décentralisation comme élément clé) et à la
préparation des élections locales sont directement énoncées aux paragraphes 9, 11 et 12 du paquet
de mesures de Minsk. En outre, le paragraphe 13 fait explicitement référence à la nécessité de créer
des groupes de travail au sein du groupe de contact trilatéral pour mettre en œuvre les aspects
pertinents des accords de Minsk.
Votre déclaration sur le rejet du dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk discrédite donc la
signature conjointe des dirigeants allemands et français sur le document du 12 février 2015.
La décision n° 1117 du Conseil permanent de l'OSCE du 21 mars 2014 définissant le mandat de la
MSS de l'OSCE contient effectivement une disposition prévoyant un accès « sûr et sécurisé » pour
les membres de la MSS dans toute l'Ukraine « afin de remplir leur mandat ». Cependant, vous,
chers collègues, avez choisi de rester silencieux sur un certain nombre d'éléments clés de ce même
mandat, qui est énoncé au paragraphe 3 de la décision du Conseil permanent. Elle stipule
explicitement que la MSS doit agir « de manière impartiale et transparente » et est tenue « d'établir
des contacts avec les autorités locales, régionales et centrales, la société civile, les groupes
ethniques et religieux, et de faciliter le dialogue sur le terrain » afin de remplir ses missions. En
d'autres termes, la MSS ne peut remplir son mandat que par le biais du dialogue mentionné ci-
dessus, qui nécessite notamment un accord avec les autorités locales du Donbass sur les procédures
spécifiques d'accès à une partie particulière du territoire contrôlé par Donetsk et Lougansk. Cette
pratique est d'ailleurs utilisée avec succès depuis de nombreuses années, ce qui démontre que les
dirigeants de la MSS ont bien compris ses pouvoirs.
Puisque vous parlez du mandat de la MSS, je voudrais attirer l'attention sur la performance tout à
fait insatisfaisante de la mission dans l'exercice de responsabilités clés telles que la surveillance du
« respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris les droits des personnes
appartenant à des minorités nationales » et le soutien au respect de ces droits. Permettez-moi de
noter que cela s'applique à l'ensemble du territoire de l'Ukraine.
Dans votre message du 4 novembre dernier, vous mentionnez également au passage que nos
propositions « contiennent plusieurs points qui dépassent largement les prérogatives du Format
Normandie » et « ont peu à voir avec la mise en œuvre des accords de Minsk ». Je suis bien
conscient de la réticence de Berlin et de Paris à discuter concrètement des questions clés du
règlement, mais je vous serais néanmoins très reconnaissant de bien vouloir clarifier les points de
notre projet du 29 octobre 2021 qui sont concernés.
Vous indiquez que vous présentez votre projet alternatif de déclaration commune, qui vous semble
plus adapté pour atteindre un consensus au sein du Format Normandie. Dans votre message du 4
novembre 2021 et dans le projet de déclaration commune ci-joint, vous faites la promotion de
l'agenda en quatre points que vous souhaitez.
Le premier est la stabilisation du régime de cessez-le-feu et le strict respect des « mesures
additionnelles visant à renforcer le cessez-le-feu » du 22 juillet 2020. Ce sujet est régulièrement
discuté au sein du Groupe de contact trilatéral (GCT) - c'est là, plutôt que dans le Format
Normandie, que travaillent les représentants politiques et militaires du Donbass et de l'Ukraine, dont
dépend le cessez-le-feu. Les autorités de Donetsk et de Lougansk ont depuis longtemps donné
l'ordre de se conformer aux « mesures additionnelles » susmentionnées et les appliquent
strictement. Après de longues périodes de dérobade, Kiev a finalement accepté ces engagements,
mais le mois dernier, le commandement des forces armées ukrainiennes a officiellement désavoué
cette décision. Il a été annoncé publiquement que les commandants sur le terrain (parmi lesquels,
comme vous le comprenez, il y a pas mal d'ultra-radicaux des bataillons dits volontaires) peuvent
décider eux-mêmes quand et comment ouvrir le feu. Par conséquent, il vous suffit d'obliger Kiev à
mettre en œuvre les « mesures additionnelles » du 22 juillet 2020 afin de réaliser la tâche que vous
vous êtes fixée.
Toutes les autres questions liées à la sécurité énumérées dans votre projet de déclaration conjointe
relèvent également de la compétence du GCT, mais vous les formulez de manière impérative, en
ignorant de fait la nécessité d'un accord avec Donetsk et Lougansk, inscrite dans le paquet de
mesures.
Le deuxième point de votre proposition d'ordre du jour ministériel est le « recentrage sur la mise en
œuvre intégrale des conclusions du sommet de Paris ». Et pour cela, chers collègues, il n'est pas
nécessaire de convoquer une réunion ministérielle. La seule chose requise est que Berlin et Paris
forcent leurs protégés à Kiev à mettre en œuvre ce à quoi nos dirigeants ont souscrit le 9 décembre
2019. Au demeurant, un rappel de ces accords figure dans notre projet de document final de
l'éventuelle réunion ministérielle du Format Normandie du 29 octobre 2021 - mais pas comme un
sujet de discussion, mais comme la nécessité pour Kiev de les mettre en œuvre de bonne foi et sans
délai.
Le troisième point de votre version de l'ordre du jour suggère d'aborder les « aspects juridiques et
les dispositions politiques énumérés dans les accords de Minsk ». En parlant de choses légales,
j'attire à nouveau votre attention sur les points 9, 11 et 12 du paquet de mesures de Minsk, qui
exigent un dialogue direct entre Kiev et Donetsk et Lougansk. Permettez-moi de vous rappeler que,
puisque vous en appelez à la loi, ce paquet de mesures a été approuvé par le Conseil de sécurité des
Nations unies et a acquis le statut de document juridiquement contraignant. Votre déclaration
catégorique selon laquelle le dialogue direct est inacceptable pourrait (je ne veux pas le croire)
signifier qu'en proposant un tel agenda, vous voulez réécrire les accords de Minsk.
Le quatrième point de votre ordre du jour - « discuter d'un processus de suivi ambitieux » - n'a pas
de sens, du moins pas si vous ne clarifiez pas ce que vous voulez dire. À en juger par la section
correspondante de votre projet de déclaration conjointe, nous sommes invités à approuver un
sommet au Format Normandie dans un avenir proche pour que les dirigeants puissent « échanger
leurs points de vue » sur les questions sur lesquelles ils se sont déjà mis d'accord le 12 février 2015.
Il semble qu'il s'agisse à nouveau d'une tentative de créer les conditions d'une révision radicale du
paquet de mesures pour faire plaisir à Kiev, qui refuse officiellement et publiquement de l'appliquer.
Soit dit en passant, lorsque nous parlons des décisions adoptées à Minsk le 12 février 2015, nous
omettons quelque peu la déclaration des dirigeants des quatre pays approuvée à l'époque, qui, en
plus de soutenir les accords de Minsk (y compris leur signature par les représentants de Donetsk et
de Lougansk), contient un certain nombre d'engagements politiques plus larges. Il s'agit notamment
de « renforcer la coopération entre l'UE, l'Ukraine et la Russie », de soutenir les négociations « pour
trouver une solution pratique aux préoccupations de la Russie concernant l'accord de libre-échange
UE-Ukraine » et de s'engager en faveur de « l'idée d'un espace humanitaire et économique commun
de l'Atlantique au Pacifique ». Il serait important de porter ces tâches majeures à l'attention de nos
chefs d'État ou de gouvernement à un moment donné afin de résoudre les problèmes systémiques
qui affectent nos relations.
Vous concluez le message que vous m'avez adressé le 4 novembre en déclarant que vous êtes
d'accord pour que les parties au conflit appliquent pleinement les accords de Minsk. Compte tenu
des faits ci-dessus concernant votre interprétation de ces accords, une telle déclaration semble
surréaliste.
J'ai également attiré l'attention sur le fait que vous avez complètement ignoré un aspect de notre
projet de document final, à savoir la nécessité de mettre fin aux activités législatives constantes des
autorités ukrainiennes visant à saper la position de la langue russe et des langues d'autres minorités
nationales dans l'éducation et dans la vie quotidienne en général, ce qui contredit non seulement les
engagements de Kiev dans le cadre du paquet de mesures, mais aussi la Constitution ukrainienne et
ses obligations en vertu de nombreuses conventions internationales et européennes. Vous avez
également laissé sans commentaires notre thèse selon laquelle le projet de loi « sur la politique de
transition de l'État » introduit par le gouvernement de Zelensky signifie essentiellement qu'il est
interdit aux officiels ukrainiens d'appliquer les accords de Minsk. Vous avez jugé bon de garder le
silence sur ce sujet, bien que lors d'une conversation téléphonique entre les dirigeants de la Russie,
de l'Allemagne et de la France le 11 octobre 2021, une attention particulière ait été accordée à ce
sujet, A. Merkel et E. Macron assurant V. Poutine qu'ils s'adresseraient spécifiquement au président
ukrainien pour l'influencer à retirer ce projet de loi. Cela n'a pas eu lieu et vous en êtes bien
conscients.
En ce qui concerne vos affirmations selon lesquelles nos dirigeants ont « confirmé la nécessité »
d'une réunion ministérielle du Format Normandie. Lors de la conversation susmentionnée du 11
octobre, Vladimir Poutine, répondant aux appels répétés de ses interlocuteurs, a déclaré qu'il
chargerait son ministre des affaires étrangères « d'explorer une telle possibilité ». C'est exactement
ce que nous faisons, en cherchant, dans le cadre des travaux préparatoires, à exposer honnêtement -
dans un premier temps - les raisons de l'impasse dans laquelle se trouvent les efforts de mise en
œuvre de tous les accords du Format Normandie précédents.
Enfin, la date précise que vous avez proposée pour la réunion - le 11 novembre de cette année à
Paris. Nous avons expliqué à plusieurs reprises à nos partenaires allemands et français que ce qui
nous importe le plus, c'est le contenu des discussions éventuelles et l’état de la mise en œuvre des
décisions des sommets précédents. Sinon, les contacts et les accords de nos dirigeants seront
discrédités, comme c'est d'ailleurs le cas avec les résultats du sommet au Format Normandie du 9
décembre 2019 à Paris. Mais même en faisant abstraction de votre volonté de substituer la
substance aux événements protocolaires pour le plaisir d'organiser ces événements, je ne peux
m'empêcher d'exprimer ma perplexité face à la date proposée. Le 11 novembre a été mentionné par
Jean-Yves Le Drian lors d'un entretien avec moi à Rome en marge du sommet du G20 le 30 octobre
dernier. J'ai répondu en reprenant l'argument ci-dessus sur la priorité inconditionnelle de l'aspect
substantiel des contacts et en ajoutant que, de toute façon, j'ai un programme chargé pour le 11
novembre à Moscou, y compris des entretiens avec le ministre des affaires étrangères d'un pays ami.
Par conséquent, les déclarations publiques qui ont suivi notre conversation à Rome, selon lesquelles
la France avait proposé le 11 novembre pour une réunion ministérielle et attendait la réaction de
Moscou, pour ne pas dire plus, ne semblent pas tout à fait correctes.
Chers collègues, je réitère notre attachement absolu à la mise en œuvre du Paquet de mesures de
Minsk, tel qu'il a été convenu par nos dirigeants et signé par les participants au groupe de contact, y
compris les dirigeants de certaines zones des régions de Donetsk et de Lougansk en Ukraine. Une
réaffirmation claire de l’essence du document susmentionné est essentielle pour surmonter les
obstacles artificiels créés en cours de route. Il n'y a aucune ambiguïté, tout est écrit noir sur blanc,
surtout l'exigence d'un dialogue direct entre les parties nommées dans son texte. C'est précisément
ce que notre projet du 29 octobre vise à faire.
J'espère que vous examinerez les commentaires ci-dessus en relation avec le message que vous
m'avez adressé le 4 novembre de cette année et que vous fournirez une réponse concrète plus
détaillée qui ne contournera pas les problèmes les plus fondamentaux créés par la politique
délibérée des autorités de Kiev visant à annuler toutes les décisions prises par les dirigeants du
Format Normandie. Seule une telle approche permettra de travailler de manière constructive pour
convenir des modalités nécessaires à une réunion ministérielle du Format Normandie.
Sergueï Lavrov

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Réponse de la Russie du 6 novembre 2021, à destination de la France et de l'Allemagne

  • 1. SON EXCELLENCE M. HEIKO MAAS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR INTERIM DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE Berlin SON EXCELLENCE M. JEAN-YVES LE DRIAN MINISTRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Paris Ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie Moscou, 6 novembre 2021 Chers collègues, J'ai bien reçu votre message du 4 novembre 2021 réagissant à nos propositions du 29 octobre sur le contenu du document final d'une éventuelle réunion des ministres des affaires étrangères du Format Normandie. Je ne le cacherai pas : votre réponse a été décevante. Ce qui mérite d'être mentionné, c'est la phrase selon laquelle nos propositions contiennent des dispositions qui « ne seront certainement pas acceptées »dans le Format Normandie, notamment « l'organisation d'un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk ». En outre, vous soulignez l'absence dans notre projet d'une déclaration selon laquelle la MSS de l'OSCE devrait avoir « un accès sûr et sécurisé dans toute l'Ukraine pour remplir son mandat ». À cet égard, je tiens à vous rappeler une fois de plus que les conditions requises pour un accord avec Donetsk et Lougansk sur l'ensemble des questions liées au statut spécial de ces territoires, à la réforme constitutionnelle en Ukraine (avec la décentralisation comme élément clé) et à la préparation des élections locales sont directement énoncées aux paragraphes 9, 11 et 12 du paquet de mesures de Minsk. En outre, le paragraphe 13 fait explicitement référence à la nécessité de créer des groupes de travail au sein du groupe de contact trilatéral pour mettre en œuvre les aspects pertinents des accords de Minsk. Votre déclaration sur le rejet du dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk discrédite donc la signature conjointe des dirigeants allemands et français sur le document du 12 février 2015. La décision n° 1117 du Conseil permanent de l'OSCE du 21 mars 2014 définissant le mandat de la MSS de l'OSCE contient effectivement une disposition prévoyant un accès « sûr et sécurisé » pour les membres de la MSS dans toute l'Ukraine « afin de remplir leur mandat ». Cependant, vous, chers collègues, avez choisi de rester silencieux sur un certain nombre d'éléments clés de ce même mandat, qui est énoncé au paragraphe 3 de la décision du Conseil permanent. Elle stipule explicitement que la MSS doit agir « de manière impartiale et transparente » et est tenue « d'établir des contacts avec les autorités locales, régionales et centrales, la société civile, les groupes ethniques et religieux, et de faciliter le dialogue sur le terrain » afin de remplir ses missions. En d'autres termes, la MSS ne peut remplir son mandat que par le biais du dialogue mentionné ci- dessus, qui nécessite notamment un accord avec les autorités locales du Donbass sur les procédures spécifiques d'accès à une partie particulière du territoire contrôlé par Donetsk et Lougansk. Cette pratique est d'ailleurs utilisée avec succès depuis de nombreuses années, ce qui démontre que les dirigeants de la MSS ont bien compris ses pouvoirs.
  • 2. Puisque vous parlez du mandat de la MSS, je voudrais attirer l'attention sur la performance tout à fait insatisfaisante de la mission dans l'exercice de responsabilités clés telles que la surveillance du « respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités nationales » et le soutien au respect de ces droits. Permettez-moi de noter que cela s'applique à l'ensemble du territoire de l'Ukraine. Dans votre message du 4 novembre dernier, vous mentionnez également au passage que nos propositions « contiennent plusieurs points qui dépassent largement les prérogatives du Format Normandie » et « ont peu à voir avec la mise en œuvre des accords de Minsk ». Je suis bien conscient de la réticence de Berlin et de Paris à discuter concrètement des questions clés du règlement, mais je vous serais néanmoins très reconnaissant de bien vouloir clarifier les points de notre projet du 29 octobre 2021 qui sont concernés. Vous indiquez que vous présentez votre projet alternatif de déclaration commune, qui vous semble plus adapté pour atteindre un consensus au sein du Format Normandie. Dans votre message du 4 novembre 2021 et dans le projet de déclaration commune ci-joint, vous faites la promotion de l'agenda en quatre points que vous souhaitez. Le premier est la stabilisation du régime de cessez-le-feu et le strict respect des « mesures additionnelles visant à renforcer le cessez-le-feu » du 22 juillet 2020. Ce sujet est régulièrement discuté au sein du Groupe de contact trilatéral (GCT) - c'est là, plutôt que dans le Format Normandie, que travaillent les représentants politiques et militaires du Donbass et de l'Ukraine, dont dépend le cessez-le-feu. Les autorités de Donetsk et de Lougansk ont depuis longtemps donné l'ordre de se conformer aux « mesures additionnelles » susmentionnées et les appliquent strictement. Après de longues périodes de dérobade, Kiev a finalement accepté ces engagements, mais le mois dernier, le commandement des forces armées ukrainiennes a officiellement désavoué cette décision. Il a été annoncé publiquement que les commandants sur le terrain (parmi lesquels, comme vous le comprenez, il y a pas mal d'ultra-radicaux des bataillons dits volontaires) peuvent décider eux-mêmes quand et comment ouvrir le feu. Par conséquent, il vous suffit d'obliger Kiev à mettre en œuvre les « mesures additionnelles » du 22 juillet 2020 afin de réaliser la tâche que vous vous êtes fixée. Toutes les autres questions liées à la sécurité énumérées dans votre projet de déclaration conjointe relèvent également de la compétence du GCT, mais vous les formulez de manière impérative, en ignorant de fait la nécessité d'un accord avec Donetsk et Lougansk, inscrite dans le paquet de mesures. Le deuxième point de votre proposition d'ordre du jour ministériel est le « recentrage sur la mise en œuvre intégrale des conclusions du sommet de Paris ». Et pour cela, chers collègues, il n'est pas nécessaire de convoquer une réunion ministérielle. La seule chose requise est que Berlin et Paris forcent leurs protégés à Kiev à mettre en œuvre ce à quoi nos dirigeants ont souscrit le 9 décembre 2019. Au demeurant, un rappel de ces accords figure dans notre projet de document final de l'éventuelle réunion ministérielle du Format Normandie du 29 octobre 2021 - mais pas comme un sujet de discussion, mais comme la nécessité pour Kiev de les mettre en œuvre de bonne foi et sans délai. Le troisième point de votre version de l'ordre du jour suggère d'aborder les « aspects juridiques et les dispositions politiques énumérés dans les accords de Minsk ». En parlant de choses légales, j'attire à nouveau votre attention sur les points 9, 11 et 12 du paquet de mesures de Minsk, qui exigent un dialogue direct entre Kiev et Donetsk et Lougansk. Permettez-moi de vous rappeler que, puisque vous en appelez à la loi, ce paquet de mesures a été approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies et a acquis le statut de document juridiquement contraignant. Votre déclaration
  • 3. catégorique selon laquelle le dialogue direct est inacceptable pourrait (je ne veux pas le croire) signifier qu'en proposant un tel agenda, vous voulez réécrire les accords de Minsk. Le quatrième point de votre ordre du jour - « discuter d'un processus de suivi ambitieux » - n'a pas de sens, du moins pas si vous ne clarifiez pas ce que vous voulez dire. À en juger par la section correspondante de votre projet de déclaration conjointe, nous sommes invités à approuver un sommet au Format Normandie dans un avenir proche pour que les dirigeants puissent « échanger leurs points de vue » sur les questions sur lesquelles ils se sont déjà mis d'accord le 12 février 2015. Il semble qu'il s'agisse à nouveau d'une tentative de créer les conditions d'une révision radicale du paquet de mesures pour faire plaisir à Kiev, qui refuse officiellement et publiquement de l'appliquer. Soit dit en passant, lorsque nous parlons des décisions adoptées à Minsk le 12 février 2015, nous omettons quelque peu la déclaration des dirigeants des quatre pays approuvée à l'époque, qui, en plus de soutenir les accords de Minsk (y compris leur signature par les représentants de Donetsk et de Lougansk), contient un certain nombre d'engagements politiques plus larges. Il s'agit notamment de « renforcer la coopération entre l'UE, l'Ukraine et la Russie », de soutenir les négociations « pour trouver une solution pratique aux préoccupations de la Russie concernant l'accord de libre-échange UE-Ukraine » et de s'engager en faveur de « l'idée d'un espace humanitaire et économique commun de l'Atlantique au Pacifique ». Il serait important de porter ces tâches majeures à l'attention de nos chefs d'État ou de gouvernement à un moment donné afin de résoudre les problèmes systémiques qui affectent nos relations. Vous concluez le message que vous m'avez adressé le 4 novembre en déclarant que vous êtes d'accord pour que les parties au conflit appliquent pleinement les accords de Minsk. Compte tenu des faits ci-dessus concernant votre interprétation de ces accords, une telle déclaration semble surréaliste. J'ai également attiré l'attention sur le fait que vous avez complètement ignoré un aspect de notre projet de document final, à savoir la nécessité de mettre fin aux activités législatives constantes des autorités ukrainiennes visant à saper la position de la langue russe et des langues d'autres minorités nationales dans l'éducation et dans la vie quotidienne en général, ce qui contredit non seulement les engagements de Kiev dans le cadre du paquet de mesures, mais aussi la Constitution ukrainienne et ses obligations en vertu de nombreuses conventions internationales et européennes. Vous avez également laissé sans commentaires notre thèse selon laquelle le projet de loi « sur la politique de transition de l'État » introduit par le gouvernement de Zelensky signifie essentiellement qu'il est interdit aux officiels ukrainiens d'appliquer les accords de Minsk. Vous avez jugé bon de garder le silence sur ce sujet, bien que lors d'une conversation téléphonique entre les dirigeants de la Russie, de l'Allemagne et de la France le 11 octobre 2021, une attention particulière ait été accordée à ce sujet, A. Merkel et E. Macron assurant V. Poutine qu'ils s'adresseraient spécifiquement au président ukrainien pour l'influencer à retirer ce projet de loi. Cela n'a pas eu lieu et vous en êtes bien conscients. En ce qui concerne vos affirmations selon lesquelles nos dirigeants ont « confirmé la nécessité » d'une réunion ministérielle du Format Normandie. Lors de la conversation susmentionnée du 11 octobre, Vladimir Poutine, répondant aux appels répétés de ses interlocuteurs, a déclaré qu'il chargerait son ministre des affaires étrangères « d'explorer une telle possibilité ». C'est exactement ce que nous faisons, en cherchant, dans le cadre des travaux préparatoires, à exposer honnêtement - dans un premier temps - les raisons de l'impasse dans laquelle se trouvent les efforts de mise en œuvre de tous les accords du Format Normandie précédents. Enfin, la date précise que vous avez proposée pour la réunion - le 11 novembre de cette année à Paris. Nous avons expliqué à plusieurs reprises à nos partenaires allemands et français que ce qui
  • 4. nous importe le plus, c'est le contenu des discussions éventuelles et l’état de la mise en œuvre des décisions des sommets précédents. Sinon, les contacts et les accords de nos dirigeants seront discrédités, comme c'est d'ailleurs le cas avec les résultats du sommet au Format Normandie du 9 décembre 2019 à Paris. Mais même en faisant abstraction de votre volonté de substituer la substance aux événements protocolaires pour le plaisir d'organiser ces événements, je ne peux m'empêcher d'exprimer ma perplexité face à la date proposée. Le 11 novembre a été mentionné par Jean-Yves Le Drian lors d'un entretien avec moi à Rome en marge du sommet du G20 le 30 octobre dernier. J'ai répondu en reprenant l'argument ci-dessus sur la priorité inconditionnelle de l'aspect substantiel des contacts et en ajoutant que, de toute façon, j'ai un programme chargé pour le 11 novembre à Moscou, y compris des entretiens avec le ministre des affaires étrangères d'un pays ami. Par conséquent, les déclarations publiques qui ont suivi notre conversation à Rome, selon lesquelles la France avait proposé le 11 novembre pour une réunion ministérielle et attendait la réaction de Moscou, pour ne pas dire plus, ne semblent pas tout à fait correctes. Chers collègues, je réitère notre attachement absolu à la mise en œuvre du Paquet de mesures de Minsk, tel qu'il a été convenu par nos dirigeants et signé par les participants au groupe de contact, y compris les dirigeants de certaines zones des régions de Donetsk et de Lougansk en Ukraine. Une réaffirmation claire de l’essence du document susmentionné est essentielle pour surmonter les obstacles artificiels créés en cours de route. Il n'y a aucune ambiguïté, tout est écrit noir sur blanc, surtout l'exigence d'un dialogue direct entre les parties nommées dans son texte. C'est précisément ce que notre projet du 29 octobre vise à faire. J'espère que vous examinerez les commentaires ci-dessus en relation avec le message que vous m'avez adressé le 4 novembre de cette année et que vous fournirez une réponse concrète plus détaillée qui ne contournera pas les problèmes les plus fondamentaux créés par la politique délibérée des autorités de Kiev visant à annuler toutes les décisions prises par les dirigeants du Format Normandie. Seule une telle approche permettra de travailler de manière constructive pour convenir des modalités nécessaires à une réunion ministérielle du Format Normandie. Sergueï Lavrov