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39RMS+ N° 5 - 2019
Q
ue se passerait-il s’il l’électricité venait subitement
à s’arrêter? Que se passerait-il à partir de 12
heures, puis de deux jours sans électricité? Les
conjectures indiquent une augmentation considérable
des problèmes dans nos sociétés, problèmes de sécurité y
compris. C’est cela, un blackout.1
La RMS y a consacré un
dossier l’automne dernier.2
Mais pourquoi alors revenir sur
ce risque? Outre la nécessité de rappeler l’existence de ce
risque, on peut identifier cinq raisons principales. Celles-ci
concernent tant la protection du pays que la préparation
de l’armée en passant par la préparation individuelle.
Un des risques les plus importants pour la Suisse
Premièrement, il faut le rappeler: le blackout est un des
risques les plus importants pour la Suisse aujourd’hui. On
estime à minimum 2 à 4 milliards les pertes économiques
par jour en cas d’interruption de l’approvisionnement
électrique. Des dizaines de personnes pourraient décéder
du fait de l’arrêt de leurs équipements d’assistance.
De plus, l’ensemble du réseau de télécommunications
serait mis hors service ou fortement perturbé. Gérer
la crise deviendrait de plus en plus difficile. Sans
rétablissement rapide du réseau, les conséquences
économiques pourraient se chiffrer en dizaines voire en
centaines de milliards de francs.
Un risque potentiellement terminal
Deuxièmement, le risque de blackout peut poten-
tiellement devenir «terminal». Si la durée de l’inter-
ruption en courant excédait dix jours et qu’aucune
assistance extérieure n’était reçue, ce risque pourrait
1 La définition d’un blackout est «une rupture de l’approvisionnement
électrique sur une zone plus ou moins importante et d’une durée plus
ou moins longue».
2 Chambaz, G.régoire, «Dossier Blackout», Revue militaire suisse, No.
5, 2018.
être définitivement fatal pour la Suisse. En effet, plus
l’interruption en courant est longue, plus les chances de
reconstruire le réseau électrique se réduisent.
Comme nos sociétés sont devenues pratiquement
entièrement dépendantes à l’électricité, les conséquences
pourraient alors être colossales. Les analyses réalisées
aux Etats-Unis d’un tel scénario estiment que 90% de la
population pourrait mourir dans les six mois.
Amorcer une démarche de résilience
Troisièmement, le risque de blackout met en évidence
les vulnérabilités critiques du pays et des modes de vie
modernes. De cette manière, parler du risque de blackout,
c’est inviter à considérer la résilience (ou le manque)
de nos systèmes modernes. Evoquer ce type de risques
pourrait alors inciter à une discussion sur d’autres risques
et vulnérabilités, par exemple les cyberattaques ou encore
les effets du changement climatique. Comme la tendance
de ces deux catégories est à l’augmentation, la nécessité
de ces discussions devient de plus en plus pressante.
Reconnaître ces risques et vulnérabilités – qu’ils soient
liés ou non au risque de blackout – constitue une étape
indispensable pour traiter la thématique en vue de
renforcer les vulnérabilités identifiées. En outre, cette
reconnaissance permet d’amorcer une démarche de
résilience sous la forme d’une préparation mentale.3
Renforcer la capacité de l’armée à agir
Quatrièmement, la vulnérabilité, les impacts et la
préparation de l’armée à un blackout est une thématique
de sécurité nationale. Si il est à envisager que l’institution
se soit déjà saisie du problème, rien n’indique qu’une
analyse des risques suffisante a été menée, que les mesures
3 A noter que si la préparation mentale ne se suffit pas à elle-même, elle
constitue une étape importante d’une démarche de résilience.
Cinq raisons de se renseigner sur le risque de blackout
Cap Grégoire Chambaz
Rédacteur adjoint, RMS+
Protection de la population
Le blackout désigne l’interruption de
l’approvisionnement en électricité de durée
variable sur un territoire donné. C’est un des
risques les plus importants pour la Suisse.
Illustration © Nick Youngson.
40 RMS+ N°5 - 2019
appropriées ont été prises, et qu’un robuste processus
d’adaptation à l’évolution du risque a été mise en place.
De plus, il n’est pas sûr que l’institution militaire réponde
à toutes les questions que le risque de blackout implique,
comme la capacité à mobiliser et à celle de remplir ses
missions (voir encadré).
Danscecadre,lescitoyens-soldatsdecepays–cadresounon
– ont un rôle à jouer dans la préparation de l’outil militaire à
un scénario de blackout et aux risques futurs, surtout si les
efforts de l’institution n’auraient pas été suffisants.
Se préparer au risque et assister la population
Cinquièmement, se renseigner sur le risque de blackout
est une étape obligée pour s’y préparer et identifier
clairement les besoins à remplir en cas de coupure de
courant. Outre la préparation mentale, cette démarche
d’anticipation peut permettre d’accroître la résilience
personnelle, communautaire et même sociétale. Cet
accroissement peut se produire par la constitution
de réserves, l’équipement en matériels à même de
fonctionner en mode dégradé, des simulations ou des
exercices de blackout – pouvant prendre la forme ludique
d’aventures – et la préparation à la gestion de crise
communautaire en cultivant les liens sociaux.
Ces actions sont capitales et devraient servir au-delà d’une
préparation au risque de blackout. Elles augmentent la
résilienceàtouttyped’événementenétablissantuneculture
positive du risque. Elle permettent de limiter l’angoisse en
catalysant l’action. Elles favorisent l’action citoyenne par
le renforcement des liens sociaux. La préparation est, dans
l›ensemble, un acte prosocial. Celui qui peut s›aider en cas
de problème pourra peut-être aider son prochain. Il sera
une charge de moins pour les autorités.
En conclusion
Les raisons de se renseigner sur le risque de blackout ne
manquent pas. S’y intéresser et agir pourrait demain faire
la différence. Dans le scénario où un blackout devrait se
produire, quelle serait la première étape de préparation?
Plustôtellesserontamorcées,pluslesrisquesserontréduits.
G. C.
10 questions fondamentales pour l'armée
1. Quelles missions l'Armée peut-elle remplir sans appro-
visionnement en électricité? Pendant combien de temps?
Quelles compétences critiques de l'Armée ne peuvent pas
être assurées sans approvisionnement électrique?
2.Jusqu'à quel niveau dégradé l'Armée peut-elle fonc-
tionner? Quels moyens pourraient permettre d'accroître
leur capacité à durer? Comment accroître la capacité de
l'armée à fonctionner en milieu degradé?
3.Quelle est la capacité de l'armée à mobiliser en cas de
coupure de courant?
4.L'Arméeest-elleencorecompétentepourréparerdeslignes
électriques ou de télécommunications? Si non, qu'est-il
entrepris pour maintenir un noyau de compétence?
5. Quelle est la capacité à durer de la conduite supérieure de
l'armée? Quelle est la capacité de réserve des installations
de conduite? Les rôles critiques sont-ils dupliqués, voire
triplés? Les opérations peuvent-elles être assurées avec la
moitié ou le tiers du personnel? Les communications avec
les divisions territoriales et les unités critiques peut-elle
être assurées?
6.Quel est le niveau de protection de l'armée face à des
attaques électromagnétiques ou des perturbations géo-
magnétiques? Quelle est l'étendue des dommages estimés
en cas de l'un ou de l'autre? Quel serait le coût d'un
durcissement des matériels et installations?
7. L'armée peut-elle organiser des exercices simulant un
blackout (pas d'alimentation en électricité et de réseau
téléphonique)? Si non, quels sont les obstacles? Comment
peut-on les lever?
8.Quel devrait être le rôle de l'armée dans la protection des
infrastructures critiques? A partir de quel moment le
fonctionnement de ces infrastructures devient vital pour
l'Armée? Est-ce que les dispositifs d'autoprotection de
l'armée devraient intégrer les infrastructures dont celle-
ci dépend directement pour accomplir ses prestations de
base?
9.Quelle est la place de la cyberdéfense dans la protection du
pays, compte tenu de la vulnérabilité des infrastructures
critiques (surtout électriques)? A partir de quel seuil de
menace le développement de capacités de dissuasion
cyber se justifierait-il?
10.Comment l'Armée pourrait-elle sensibiliser son personnel
et la milice au risque de blackout? Comment ceux-ci
pourraient-ils à leur tour à la sensibilisation? Et comment
ceux-ci pourraient efficacement soutenir les autorités en
cas de besoin, même si ils ne sont pas mobilisés?
Effets d'un des blackouts de mars 2019 au Venezuela. Les vues satellite du Venezuela renseignent les différences dans l'approvisionnement en courant
entre la nuit du 7 mars et 8 mars 2019. Crédit photo © NASA
41RMS+ N° 5 - 2019
L
esrisquesd’unblackoutpeuventêtreconsidérables
et même terminaux. Alors, pourquoi n’en parle-
t-on pas plus? Cette question appelle plusieurs
éléments de réponse différents.
La socialisation
Le premier élément est la socialisation des individus.
La socialisation désigne le processus social par lequel
l’individu assimile les normes et les valeurs de la société
(ou de la partie de la société) dans laquelle il est grandi.
La socialisation a pour conséquence l’intériorisation de
l’ordre du monde comme juste et naturel. Ce processus
se poursuit à l’âge adulte. Dans ce cadre, l’immense
partie des individus nés après 1945 considèrent la paix,
la prospérité et un approvisionnement énergétique
permanent comme des constantes de leur monde.
L’alimentation électrique en continu fait partie de
cet ordre du monde. C’est un «donné» qui semble
immuable.
Cette socialisation est si ancrée qu’imaginer un monde
sans électricité, ne serait-ce que pour plusieurs heures,
fait partie du registre de la fiction. S’interroger la
plausibilité de la future sécurité de l’approvisionnement
électrique peut déranger. Alors, envisager plusieurs
jours de coupure d’électricité peut alors sembler
impensable… Cette croyance que l’approvisionnement
électrique est garanti est un obstacle à tous les niveaux
à toute démarche de préparation au risque de blackout.
Le biais anthropique
Le biais anthropique s’inscrit dans le prolongement
d’une socialisation à l’échelle de la société. Le biais
anthropique représente la croyance que si aucun
événement n’a détruit l’humanité par le passé (ou les
sociétés modernes), alors aucun ne le pourra dans
le futur. Ce biais est l’expression d’un raisonnement
illogique, car le passé n’est pas une assurance pour le
futur. En conséquence, le biais anthropique permet
surtout d’écarter les interrogations dérangeantes,
comme la potentialité d’un risque de blackout terminal.
L’inverse serait pourtant non seulement plus logique,
mais plus prudent: évaluer rigoureusement ce risque
pour pouvoir sérieusement s’y préparer.
La culture professionnelle
Untroisièmeélémentderéponsesetrouvedanslaculture
professionnelle des milieux de l’électricité. Cette culture
peut avoir tendance à minimiser les risques autour de
l’approvisionnement électrique. Outre une évaluation
du risque pouvant être réellement basse, cette tendance
se nourrit de deux facteurs: premièrement, une fausse
association entre compétence professionnelle et risque
de blackout. En conséquence, le milieu de l’électricité
pourrait avoir pour tendance à minimiser les risques,
car associant ceux-ci à un défaut de compétences. Ceci
n’est pourtant pas le cas la plupart du temps.
Le deuxième facteur est une croyance dans l’infaillibilité
de la technologie ou dans la capacité à maîtriser tous
les risques. Ce facteur est en lien avec le premier :
l’entretien de cette croyance sert alors à éviter les (parfois
douloureuses) remises en question. Toutefois, les cas
invalidant cette croyance ne sont pas uniques, c’est
même généralement le contraire. Combinés, ces deux
facteurs contribuent à une minimisation ou une sous-
représentation du risque par le milieu de l’électricité,
qui est ensuite relayé ailleurs. A l’inverse, envisager de
possibles défaillances permet de mieux s’y préparer.
Les raisons économiques
Les raisons économiques constituent le quatrième et
dernier élément de réponse. Il est possible d’envisager
le risque de blackout et d’évaluer à la fois ses impacts
et sa probabilité. Cependant, les investissements requis
pour circonscrire le risque sont considérables, de
Blackout – Pourquoi n’en parle-t-on pas plus ?
Cap Grégoire Chambaz
Rédacteur adjoint, RMS+
Protection de la population
Blackout à New York (Meatpacking district)
après le passage de l'ouragan Sandy en 2012.
Photo © Dan Nguyen.
42 RMS+ N°5 - 2019
sorte que l’incitation à traiter le risque peut fortement
diminuer. Il pourrait être envisageable de consolider
le réseau par étapes. Toutefois, la légitimité de ces
investissements pourrait être remise en question.
En effet, ces investissements nécessitent des actions
dépassant le cadre immédiat de la temporalité politique
(la réélection) et du coup ne présentent aucun avantage
pour les politiques voulant aborder le problème.
De plus, tout investissement pour renforcer le réseau
s’inscrit dans le paradoxe suivant: plus ceux-ci sont
conséquents, plus ils doivent se justifier étant donné
qu’aucun blackout ne se serait produit. Cette situation
politiquement perverse ou logiquement paradoxale ne
fournit pas d’incitation politique ou économique pour
traiter la problématique. Les politiques ou responsables
qui voudraient se saisir du problème peuvent
difficilement s’appuyer sur d’autres arguments que
moraux ou philosophiques pour se saisir du problème.
Conclusion
Le silence autour du risque de blackout a plusieurs
raisons. Prises individuellement, celles-ci n’expliquent
pas l’ensemble de l’absence de discussion autour du
risque. C’est leur combinaison qui rend difficile toute
priseencomptedurisque.Enconséquence,uneapproche
à plusieurs niveaux s’impose pour communiquer sur le
risque.
G.C.
Toronto lors du blackout nord-américain de 2003.
Crédit photo © OhanaUnited
News
Bataillon hôpital
Le bataillon hôpital 2 a préparé à Bure son cours de
répétition sous la direction de son nouveau commandant, le
major EMG Raoul Barca. Cette formation se compose d’une
compagnie d’état-major et de deux compagnies hôpital –
soit un total de 500 militaires. Seule réserve stratégique
dont dispose la Confédération dans le domaine des soins, ce
corps de troupe peut être amené à:
- soutenir un hôpital civil;
- exploiter un centre opératoire protégé (COP);
- installer et exploiter une station de soins improvisés (SSI);
- installer et exploiter un hôpital militaire.
Lors des derniers cours, le bataillon a été engagé dans le
cadre des hôpitaux de Fribourg (2015), Neuchâtel (2016),
Valais (2017) et du CHUV (2018). Il est en mesure d’appuyer
de manière efficace et crédible le personnel civil lors de
circonstances exceptionnelles. Le but de ces engagements
est d’entraîner la collaboration entre soldats et personnel
soignant. Un cinquième des militaires incorporés sont en
effet des professionnels de santé. Les militaires incorporés
peuvent être mobilisés dans un délai de 2-3 jours car le
bataillon est une troupe de milice à disponibilité élevée
(MADE).
Réd. RMS+
43RMS+ N° 5 - 2019
L
a durée d’un backout dépend de la capacité à
reconstruire le réseau après être tombé. Cette
reconstruction passe par un «blackstart», c’est-
à-dire une étape de «démarrage à froid». C’est une
étape délicate qui demande une coordination à tous les
échelons du réseau. En effet, si le réseau reconstruit est
instable, il s’effondrera à nouveau.
La nécessité de l’électricité «pilotable»
Le reconstruction nécessite de l’électricité «pilotable», à
savoir produite par des générateurs qui peuvent produire
ce qu’il leur est spécifié. C’est le cas des centrales à
gaz, charbon ou encore des centrales nucléaires ou
hydroélectriques. Cette électricité «pilotable» est indis-
pensable lors de la reconstruction du réseau. Elle permet
de contrôler ce qui est injecté et de resynchroniser
graduellement le réseau. En sans absence, la recons-
truction du réseau est beaucoup plus difficile, voire
impossible. Le fait de disposer d’une importante capacité
de production solaire ou l’éolienne n’est d’aucun secours
dans ce cas.
Une reconstruction par étape
La reconstruction du réseau s’effectue généralement
en étapes. En raison des moindres réserves des parties
du réseau, l’électricité peut ne pas être rétablie partout
ou alors être rétablie en la rationnant. Cette situation
peut durer aussi longtemps qu’il faut pour stabiliser le
réseau et rétablir la capacité de transport du réseau ou de
production électrique d’un territoire. Elle pourrait même
s’étaler sur des mois. Ce point est généralement ignoré
lors des scénarios d’entraînement à la gestion de crise.
De	difficultés	qui	s’accroissent	avec	le	temps
Plus la reconstruction du réseau tarde, plus la difficulté
de reconstruire le réseau augmente. L’expérience jusqu’à
aujourd’hui suggère que les blackouts de 24 heures ou
moins sont probablement tous récupérables. Toutefois,
plus cette opération prends du temps, plus il devient
difficile d’effectuer un blackstart. En effet, les postes de
contrôle, logiciels de gestion du réseau et moyens de
communication présents dans chaque infrastructure
électrique sont alimentés par une réserve en cas de
blackout – des batteries ou des générateurs.
Au bout d’une certaine durée – au maximum cinq jours,
cette réserve est épuisée. Il faut alors procéder à une
reconstruction entièrement manuelle du réseau, et ce
en l’absence de moyens de communication. La difficulté
de cette tâche suggère que la reconstruction d’un réseau
au-delà de cinq jours serait très difficile C’est pourquoi
le blackout pourrait devenir permanent au-delà d’une
certaine durée. Tous les efforts possibles doivent être
entrepris pour éviter une telle situation, qui deviendrait
terminale en cas d’absence de secours extérieurs.
G.C.
La problématique de la reconstruction du réseau après un blackout
Cap Grégoire Chambaz
Rédacteur adjoint, RMS+
Protection de la population
Une génératrice d’urgence (moteur diesel).
La capacité de réserve des génératrices
d’urgence, respectivement des batteries
dans les stations de transformation et de
distribution du courant est déterminante
dans la reconstruction du réseau électrique
après un blackout.
Photographie © wikipedia.
L’absence de lumière lors des opérations de sauvetage pendant un
blackout constitue une difficulté supplémentaire. Ici, un exercice
d’extinction de feu à l’intérieur d’une structure à la base de Yokota.
Crédit photo © U.S. Air Force photo/Osakabe Yasuo

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RMS appronfondissement risque blackout 2019

  • 1. 39RMS+ N° 5 - 2019 Q ue se passerait-il s’il l’électricité venait subitement à s’arrêter? Que se passerait-il à partir de 12 heures, puis de deux jours sans électricité? Les conjectures indiquent une augmentation considérable des problèmes dans nos sociétés, problèmes de sécurité y compris. C’est cela, un blackout.1 La RMS y a consacré un dossier l’automne dernier.2 Mais pourquoi alors revenir sur ce risque? Outre la nécessité de rappeler l’existence de ce risque, on peut identifier cinq raisons principales. Celles-ci concernent tant la protection du pays que la préparation de l’armée en passant par la préparation individuelle. Un des risques les plus importants pour la Suisse Premièrement, il faut le rappeler: le blackout est un des risques les plus importants pour la Suisse aujourd’hui. On estime à minimum 2 à 4 milliards les pertes économiques par jour en cas d’interruption de l’approvisionnement électrique. Des dizaines de personnes pourraient décéder du fait de l’arrêt de leurs équipements d’assistance. De plus, l’ensemble du réseau de télécommunications serait mis hors service ou fortement perturbé. Gérer la crise deviendrait de plus en plus difficile. Sans rétablissement rapide du réseau, les conséquences économiques pourraient se chiffrer en dizaines voire en centaines de milliards de francs. Un risque potentiellement terminal Deuxièmement, le risque de blackout peut poten- tiellement devenir «terminal». Si la durée de l’inter- ruption en courant excédait dix jours et qu’aucune assistance extérieure n’était reçue, ce risque pourrait 1 La définition d’un blackout est «une rupture de l’approvisionnement électrique sur une zone plus ou moins importante et d’une durée plus ou moins longue». 2 Chambaz, G.régoire, «Dossier Blackout», Revue militaire suisse, No. 5, 2018. être définitivement fatal pour la Suisse. En effet, plus l’interruption en courant est longue, plus les chances de reconstruire le réseau électrique se réduisent. Comme nos sociétés sont devenues pratiquement entièrement dépendantes à l’électricité, les conséquences pourraient alors être colossales. Les analyses réalisées aux Etats-Unis d’un tel scénario estiment que 90% de la population pourrait mourir dans les six mois. Amorcer une démarche de résilience Troisièmement, le risque de blackout met en évidence les vulnérabilités critiques du pays et des modes de vie modernes. De cette manière, parler du risque de blackout, c’est inviter à considérer la résilience (ou le manque) de nos systèmes modernes. Evoquer ce type de risques pourrait alors inciter à une discussion sur d’autres risques et vulnérabilités, par exemple les cyberattaques ou encore les effets du changement climatique. Comme la tendance de ces deux catégories est à l’augmentation, la nécessité de ces discussions devient de plus en plus pressante. Reconnaître ces risques et vulnérabilités – qu’ils soient liés ou non au risque de blackout – constitue une étape indispensable pour traiter la thématique en vue de renforcer les vulnérabilités identifiées. En outre, cette reconnaissance permet d’amorcer une démarche de résilience sous la forme d’une préparation mentale.3 Renforcer la capacité de l’armée à agir Quatrièmement, la vulnérabilité, les impacts et la préparation de l’armée à un blackout est une thématique de sécurité nationale. Si il est à envisager que l’institution se soit déjà saisie du problème, rien n’indique qu’une analyse des risques suffisante a été menée, que les mesures 3 A noter que si la préparation mentale ne se suffit pas à elle-même, elle constitue une étape importante d’une démarche de résilience. Cinq raisons de se renseigner sur le risque de blackout Cap Grégoire Chambaz Rédacteur adjoint, RMS+ Protection de la population Le blackout désigne l’interruption de l’approvisionnement en électricité de durée variable sur un territoire donné. C’est un des risques les plus importants pour la Suisse. Illustration © Nick Youngson.
  • 2. 40 RMS+ N°5 - 2019 appropriées ont été prises, et qu’un robuste processus d’adaptation à l’évolution du risque a été mise en place. De plus, il n’est pas sûr que l’institution militaire réponde à toutes les questions que le risque de blackout implique, comme la capacité à mobiliser et à celle de remplir ses missions (voir encadré). Danscecadre,lescitoyens-soldatsdecepays–cadresounon – ont un rôle à jouer dans la préparation de l’outil militaire à un scénario de blackout et aux risques futurs, surtout si les efforts de l’institution n’auraient pas été suffisants. Se préparer au risque et assister la population Cinquièmement, se renseigner sur le risque de blackout est une étape obligée pour s’y préparer et identifier clairement les besoins à remplir en cas de coupure de courant. Outre la préparation mentale, cette démarche d’anticipation peut permettre d’accroître la résilience personnelle, communautaire et même sociétale. Cet accroissement peut se produire par la constitution de réserves, l’équipement en matériels à même de fonctionner en mode dégradé, des simulations ou des exercices de blackout – pouvant prendre la forme ludique d’aventures – et la préparation à la gestion de crise communautaire en cultivant les liens sociaux. Ces actions sont capitales et devraient servir au-delà d’une préparation au risque de blackout. Elles augmentent la résilienceàtouttyped’événementenétablissantuneculture positive du risque. Elle permettent de limiter l’angoisse en catalysant l’action. Elles favorisent l’action citoyenne par le renforcement des liens sociaux. La préparation est, dans l›ensemble, un acte prosocial. Celui qui peut s›aider en cas de problème pourra peut-être aider son prochain. Il sera une charge de moins pour les autorités. En conclusion Les raisons de se renseigner sur le risque de blackout ne manquent pas. S’y intéresser et agir pourrait demain faire la différence. Dans le scénario où un blackout devrait se produire, quelle serait la première étape de préparation? Plustôtellesserontamorcées,pluslesrisquesserontréduits. G. C. 10 questions fondamentales pour l'armée 1. Quelles missions l'Armée peut-elle remplir sans appro- visionnement en électricité? Pendant combien de temps? Quelles compétences critiques de l'Armée ne peuvent pas être assurées sans approvisionnement électrique? 2.Jusqu'à quel niveau dégradé l'Armée peut-elle fonc- tionner? Quels moyens pourraient permettre d'accroître leur capacité à durer? Comment accroître la capacité de l'armée à fonctionner en milieu degradé? 3.Quelle est la capacité de l'armée à mobiliser en cas de coupure de courant? 4.L'Arméeest-elleencorecompétentepourréparerdeslignes électriques ou de télécommunications? Si non, qu'est-il entrepris pour maintenir un noyau de compétence? 5. Quelle est la capacité à durer de la conduite supérieure de l'armée? Quelle est la capacité de réserve des installations de conduite? Les rôles critiques sont-ils dupliqués, voire triplés? Les opérations peuvent-elles être assurées avec la moitié ou le tiers du personnel? Les communications avec les divisions territoriales et les unités critiques peut-elle être assurées? 6.Quel est le niveau de protection de l'armée face à des attaques électromagnétiques ou des perturbations géo- magnétiques? Quelle est l'étendue des dommages estimés en cas de l'un ou de l'autre? Quel serait le coût d'un durcissement des matériels et installations? 7. L'armée peut-elle organiser des exercices simulant un blackout (pas d'alimentation en électricité et de réseau téléphonique)? Si non, quels sont les obstacles? Comment peut-on les lever? 8.Quel devrait être le rôle de l'armée dans la protection des infrastructures critiques? A partir de quel moment le fonctionnement de ces infrastructures devient vital pour l'Armée? Est-ce que les dispositifs d'autoprotection de l'armée devraient intégrer les infrastructures dont celle- ci dépend directement pour accomplir ses prestations de base? 9.Quelle est la place de la cyberdéfense dans la protection du pays, compte tenu de la vulnérabilité des infrastructures critiques (surtout électriques)? A partir de quel seuil de menace le développement de capacités de dissuasion cyber se justifierait-il? 10.Comment l'Armée pourrait-elle sensibiliser son personnel et la milice au risque de blackout? Comment ceux-ci pourraient-ils à leur tour à la sensibilisation? Et comment ceux-ci pourraient efficacement soutenir les autorités en cas de besoin, même si ils ne sont pas mobilisés? Effets d'un des blackouts de mars 2019 au Venezuela. Les vues satellite du Venezuela renseignent les différences dans l'approvisionnement en courant entre la nuit du 7 mars et 8 mars 2019. Crédit photo © NASA
  • 3. 41RMS+ N° 5 - 2019 L esrisquesd’unblackoutpeuventêtreconsidérables et même terminaux. Alors, pourquoi n’en parle- t-on pas plus? Cette question appelle plusieurs éléments de réponse différents. La socialisation Le premier élément est la socialisation des individus. La socialisation désigne le processus social par lequel l’individu assimile les normes et les valeurs de la société (ou de la partie de la société) dans laquelle il est grandi. La socialisation a pour conséquence l’intériorisation de l’ordre du monde comme juste et naturel. Ce processus se poursuit à l’âge adulte. Dans ce cadre, l’immense partie des individus nés après 1945 considèrent la paix, la prospérité et un approvisionnement énergétique permanent comme des constantes de leur monde. L’alimentation électrique en continu fait partie de cet ordre du monde. C’est un «donné» qui semble immuable. Cette socialisation est si ancrée qu’imaginer un monde sans électricité, ne serait-ce que pour plusieurs heures, fait partie du registre de la fiction. S’interroger la plausibilité de la future sécurité de l’approvisionnement électrique peut déranger. Alors, envisager plusieurs jours de coupure d’électricité peut alors sembler impensable… Cette croyance que l’approvisionnement électrique est garanti est un obstacle à tous les niveaux à toute démarche de préparation au risque de blackout. Le biais anthropique Le biais anthropique s’inscrit dans le prolongement d’une socialisation à l’échelle de la société. Le biais anthropique représente la croyance que si aucun événement n’a détruit l’humanité par le passé (ou les sociétés modernes), alors aucun ne le pourra dans le futur. Ce biais est l’expression d’un raisonnement illogique, car le passé n’est pas une assurance pour le futur. En conséquence, le biais anthropique permet surtout d’écarter les interrogations dérangeantes, comme la potentialité d’un risque de blackout terminal. L’inverse serait pourtant non seulement plus logique, mais plus prudent: évaluer rigoureusement ce risque pour pouvoir sérieusement s’y préparer. La culture professionnelle Untroisièmeélémentderéponsesetrouvedanslaculture professionnelle des milieux de l’électricité. Cette culture peut avoir tendance à minimiser les risques autour de l’approvisionnement électrique. Outre une évaluation du risque pouvant être réellement basse, cette tendance se nourrit de deux facteurs: premièrement, une fausse association entre compétence professionnelle et risque de blackout. En conséquence, le milieu de l’électricité pourrait avoir pour tendance à minimiser les risques, car associant ceux-ci à un défaut de compétences. Ceci n’est pourtant pas le cas la plupart du temps. Le deuxième facteur est une croyance dans l’infaillibilité de la technologie ou dans la capacité à maîtriser tous les risques. Ce facteur est en lien avec le premier : l’entretien de cette croyance sert alors à éviter les (parfois douloureuses) remises en question. Toutefois, les cas invalidant cette croyance ne sont pas uniques, c’est même généralement le contraire. Combinés, ces deux facteurs contribuent à une minimisation ou une sous- représentation du risque par le milieu de l’électricité, qui est ensuite relayé ailleurs. A l’inverse, envisager de possibles défaillances permet de mieux s’y préparer. Les raisons économiques Les raisons économiques constituent le quatrième et dernier élément de réponse. Il est possible d’envisager le risque de blackout et d’évaluer à la fois ses impacts et sa probabilité. Cependant, les investissements requis pour circonscrire le risque sont considérables, de Blackout – Pourquoi n’en parle-t-on pas plus ? Cap Grégoire Chambaz Rédacteur adjoint, RMS+ Protection de la population Blackout à New York (Meatpacking district) après le passage de l'ouragan Sandy en 2012. Photo © Dan Nguyen.
  • 4. 42 RMS+ N°5 - 2019 sorte que l’incitation à traiter le risque peut fortement diminuer. Il pourrait être envisageable de consolider le réseau par étapes. Toutefois, la légitimité de ces investissements pourrait être remise en question. En effet, ces investissements nécessitent des actions dépassant le cadre immédiat de la temporalité politique (la réélection) et du coup ne présentent aucun avantage pour les politiques voulant aborder le problème. De plus, tout investissement pour renforcer le réseau s’inscrit dans le paradoxe suivant: plus ceux-ci sont conséquents, plus ils doivent se justifier étant donné qu’aucun blackout ne se serait produit. Cette situation politiquement perverse ou logiquement paradoxale ne fournit pas d’incitation politique ou économique pour traiter la problématique. Les politiques ou responsables qui voudraient se saisir du problème peuvent difficilement s’appuyer sur d’autres arguments que moraux ou philosophiques pour se saisir du problème. Conclusion Le silence autour du risque de blackout a plusieurs raisons. Prises individuellement, celles-ci n’expliquent pas l’ensemble de l’absence de discussion autour du risque. C’est leur combinaison qui rend difficile toute priseencomptedurisque.Enconséquence,uneapproche à plusieurs niveaux s’impose pour communiquer sur le risque. G.C. Toronto lors du blackout nord-américain de 2003. Crédit photo © OhanaUnited News Bataillon hôpital Le bataillon hôpital 2 a préparé à Bure son cours de répétition sous la direction de son nouveau commandant, le major EMG Raoul Barca. Cette formation se compose d’une compagnie d’état-major et de deux compagnies hôpital – soit un total de 500 militaires. Seule réserve stratégique dont dispose la Confédération dans le domaine des soins, ce corps de troupe peut être amené à: - soutenir un hôpital civil; - exploiter un centre opératoire protégé (COP); - installer et exploiter une station de soins improvisés (SSI); - installer et exploiter un hôpital militaire. Lors des derniers cours, le bataillon a été engagé dans le cadre des hôpitaux de Fribourg (2015), Neuchâtel (2016), Valais (2017) et du CHUV (2018). Il est en mesure d’appuyer de manière efficace et crédible le personnel civil lors de circonstances exceptionnelles. Le but de ces engagements est d’entraîner la collaboration entre soldats et personnel soignant. Un cinquième des militaires incorporés sont en effet des professionnels de santé. Les militaires incorporés peuvent être mobilisés dans un délai de 2-3 jours car le bataillon est une troupe de milice à disponibilité élevée (MADE). Réd. RMS+
  • 5. 43RMS+ N° 5 - 2019 L a durée d’un backout dépend de la capacité à reconstruire le réseau après être tombé. Cette reconstruction passe par un «blackstart», c’est- à-dire une étape de «démarrage à froid». C’est une étape délicate qui demande une coordination à tous les échelons du réseau. En effet, si le réseau reconstruit est instable, il s’effondrera à nouveau. La nécessité de l’électricité «pilotable» Le reconstruction nécessite de l’électricité «pilotable», à savoir produite par des générateurs qui peuvent produire ce qu’il leur est spécifié. C’est le cas des centrales à gaz, charbon ou encore des centrales nucléaires ou hydroélectriques. Cette électricité «pilotable» est indis- pensable lors de la reconstruction du réseau. Elle permet de contrôler ce qui est injecté et de resynchroniser graduellement le réseau. En sans absence, la recons- truction du réseau est beaucoup plus difficile, voire impossible. Le fait de disposer d’une importante capacité de production solaire ou l’éolienne n’est d’aucun secours dans ce cas. Une reconstruction par étape La reconstruction du réseau s’effectue généralement en étapes. En raison des moindres réserves des parties du réseau, l’électricité peut ne pas être rétablie partout ou alors être rétablie en la rationnant. Cette situation peut durer aussi longtemps qu’il faut pour stabiliser le réseau et rétablir la capacité de transport du réseau ou de production électrique d’un territoire. Elle pourrait même s’étaler sur des mois. Ce point est généralement ignoré lors des scénarios d’entraînement à la gestion de crise. De difficultés qui s’accroissent avec le temps Plus la reconstruction du réseau tarde, plus la difficulté de reconstruire le réseau augmente. L’expérience jusqu’à aujourd’hui suggère que les blackouts de 24 heures ou moins sont probablement tous récupérables. Toutefois, plus cette opération prends du temps, plus il devient difficile d’effectuer un blackstart. En effet, les postes de contrôle, logiciels de gestion du réseau et moyens de communication présents dans chaque infrastructure électrique sont alimentés par une réserve en cas de blackout – des batteries ou des générateurs. Au bout d’une certaine durée – au maximum cinq jours, cette réserve est épuisée. Il faut alors procéder à une reconstruction entièrement manuelle du réseau, et ce en l’absence de moyens de communication. La difficulté de cette tâche suggère que la reconstruction d’un réseau au-delà de cinq jours serait très difficile C’est pourquoi le blackout pourrait devenir permanent au-delà d’une certaine durée. Tous les efforts possibles doivent être entrepris pour éviter une telle situation, qui deviendrait terminale en cas d’absence de secours extérieurs. G.C. La problématique de la reconstruction du réseau après un blackout Cap Grégoire Chambaz Rédacteur adjoint, RMS+ Protection de la population Une génératrice d’urgence (moteur diesel). La capacité de réserve des génératrices d’urgence, respectivement des batteries dans les stations de transformation et de distribution du courant est déterminante dans la reconstruction du réseau électrique après un blackout. Photographie © wikipedia. L’absence de lumière lors des opérations de sauvetage pendant un blackout constitue une difficulté supplémentaire. Ici, un exercice d’extinction de feu à l’intérieur d’une structure à la base de Yokota. Crédit photo © U.S. Air Force photo/Osakabe Yasuo