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L A R É I N S T A L L A T I O N
E T L E S A D M I S S I O N S
H U M A N I T A I R E S
 SONT-ILS DES OUTILS HUMANITAIRES
OU DES INSTRUMENTS DE GESTION MIGRATOIRE ? 
Mémoire de fin d'études à portée théorique
Titre certifié "Manager de projets internationaux "
Filière Coopération et Action Humanitaire
Soutenance le XX/09/2018
LEA CLAISSE 
©LéaClaisse
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier en premier lieu Frédérique Doublet, cheffe du département d’asile et
de la protection au sein de la DGEF (Direction générale des étrangers en France) du Ministère
de l’Intérieur. Elle m’a donné l’opportunité de travailler sur le programme de réinstallation et
d’obtenir des informations dans tous les services de la DGEF. Elle s’est aussi proposée de suivre
les avancées de mon mémoire, ce qui me fut d’une grande aide, mon tuteur d’origine ayant eu
des empêchements. Possédant une vision globale du programme de réinstallation, elle m’a aidée
à définir la problématique et le plan. Elle a aussi pu m’obtenir des entretiens avec des membres
du HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) et des opérateurs liés au
programme de réinstallation tels que Forum Réfugiés.
Je tiens aussi à remercier Séverine Origny Fleishman, adjointe au chef du département. Elle
m’a donné l’opportunité de réaliser le lancement du programme de réinstallation des
Subsahariens et d’organiser le Core Group de la Méditerranée centrale relatif au développement
de la réinstallation. Ces deux activités ont été très enrichissantes pour l’écriture du mémoire.
Tout comme Frédérique Doublet, elle m’a appuyée dans mes recherches afin d’orienter
correctement ma problématique.
Je tiens à remercier tout le département de la Direction de l’Asile qui m’ont fourni les
documents nécessaires à la rédaction du mémoire. J’aimerais remercier tout particulièrement
l’équipe du département qui travaille sur le programme de réinstallation : Sandrine Cordeiro,
responsable du programme, ainsi que Johanna Robion, Julianne Mercier, et Hasan Izik.
Je tiens à remercier Forum Réfugiés et tout particulièrement Remy Court de m’avoir reçue une
journée à Lyon pour des entretiens. L’équipe de Forum m’a fourni des éléments précieux et
apporté une perspective nouvelle sur le programme de réinstallation. En effet, ils ont souligné
des points importants que j’espère avoir pu mettre en évidence dans mon mémoire. J’ai aussi
pu rencontrer l’opérateur Coallia que je remercie pour son accueil.
Enfin, je tiens à remercier Roberto Miranda, mon professeur de PGE (Politique des grandes
entreprises) en troisième année à 3A. Sachant que je n’avais pas de tuteur, il s’est porté
volontaire pour m’appuyer sur la rédaction de mon mémoire cet été. Son cours théorique a
permis d’éclaircir mes idées et sa bonne humeur m’a motivée pour la dernière ligne droite
3
SOMMAIRE
La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des
instruments de gestion migratoire ?
I. La genèse de la réinstallation et des admissions humanitaires
A. La réinstallation et l’admission humanitaire : des instruments de protection
internationale
B. L’évolution européenne : d’une incitation financière à un usage stratégique
C. La mise en œuvre de ces programmes
II. La réinstallation : action ou artifice humanitaire ?
A. La réinstallation est un engagement volontaire des États et de la communauté
internationale pour la protection des réfugiés
B. La réinstallation s’inscrit dans une logique de Co-développement
C. La réinstallation est aussi instrumentalisée politiquement
III. Prospectives de la réinstallation
A. Une vision stratégique globale : un cadre de l’UE pour la réinstallation
B. La réinstallation peut mener à des mesures de Co-développement
C. Les programmes complémentaires à la réinstallation : le parrainage privé
4
TABLE DES ABRÉVIATIONS
ADA : Attestation de demande d’asile
CADA : Centre d’accueil de demandeurs d’asile
CAI : Contrat d’accueil et d’intégration
CESE : Comité économique et social européen
CESEDA : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
CIR : Contrat d’intégration républicaine
CJUE : Cour de justice de l’Union Européenne
CPH : Centre provisoire d’hébergement
CSAI : Centre social d’aide aux migrants
DAR : Aide au développement pour les réfugiés
DGEF : Direction générale des étrangers en France
DIHAL : Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement
EASO : European Asylum Support Office
FAMI : Fonds Asile, Migration et Intégration
HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
MAEDI : Ministère des affaires étrangères et du développement international
MENA : Moyen-Orient et Afrique du Nord
OFII : Office français de l’immigration et de l’intégration
OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides
OIM : Organisation internationale pour les migrations
PPRD : Programme régional de développement et de la protection
RRF : Resettlement Registration Form
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
5
INTRODUCTION
La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des
instruments de gestion migratoire ?
« La communauté de la réinstallation se trouve à un tournant décisif, non
seulement parce qu’un nombre de plus en plus élevé de réfugiés ont
désespérément besoin d’une solution dans un pays tiers mais aussi parce
que la réponse internationale est sévèrement inadaptée »
William Lacy Swing, directeur général de l’Organisation internationale
pour les migrations.
La réinstallation occupe de nouveau le devant de la scène. Pourtant, en dépit d’un débat de la
communauté international intense, le sujet demeure sensible, voir miné. Pourquoi ? Parce que
durant les dernières années, il a été constamment instrumentalisé politiquement. Les objectifs,
les moyens, les dispositifs des programmes de réinstallation et d’admissions humanitaires ont
été perdus de vue. Seul le constat est unanime pour les acteurs de terrain : nous avons besoin
de financement plus fiables, d’un nombre plus élevé de pays de réinstallation, de quotas plus
grands et plus prévisibles et d’une meilleure inclusion des bénéficiaires.
La réinstallation consiste à transférer, à la demande du Haut-Commissariat aux réfugiés, des
réfugiés d’un pays d’asile à un autre État qui a accepté de les admettre et de leur accorder une
résidence permanente. Ainsi, la réinstallation permet d’accorder une protection internationale à
une personne vulnérable qui se trouve dans l’incapacité de s’intégrer durablement dans le
premier pays d’accueil.
Aujourd’hui, les trois dispositifs en faveur de la protection durable des réfugiés présentés par
le Haut-Commissariat aux réfugiés sont : le retour volontaire, l’intégration sur place, la
réinstallation. Jusqu’à présent, la réinstallation était conçue dans ce sens-là. Un réfugié sous
mandat du HCR est sélectionné, puis transféré dans un pays d’accueil ou il est suivi par une
6
association pour son intégration.
La réinstallation est réservée à une minorité. Parmi les millions de réfugiés, le HCR identifie
des réfugiés particulièrement vulnérables en besoin de réinstallation : environ 1% des réfugiés.
En 2017, 65 000 personnes ont été réinstallées dans le monde. Il n’existe pas pour les réfugiés
de droit à la réinstallation. Accepter ou non un réfugié à la réinstallation est une décision
discrétionnaire des États, insusceptible de recours juridique. Pour autant, un refus de
réinstallation ne leur fait pas perdre le statut de réfugié qu’ils ont dans le pays de premier asile.
Parce que la réinstallation ne peut bénéficier qu’à un petit nombre de réfugiés, le HCR promeut
aujourd’hui activement les admissions humanitaires qui consistent à l’ouverture d’autres voies
légales pour accéder à des pays tiers.
Désormais l’acuité des enjeux nous impose de rompre avec ces pratiques anciennes. Face à la
crise européenne, de nombreuses politiques récentes en matière de réinstallation ont émergé
comme des réponses à la crise. Dans le cadre d’une approche globale, l’Union Européenne a
fait de la réinstallation un instrument de gestion de crise.
La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des
instruments de gestion migratoire ?
Selon le droit humanitaire, quatre principes régissent une action humanitaire : Humanité,
Neutralité, Impartialité et Indépendance. Alors que selon l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM), la gestion migratoire est un « ensemble des décisions et des moyens destinés
à la réalisation d’objectifs déterminés dans le domaine de l’admission et du séjour des étrangers
ainsi que dans le domaine de l’asile et de la protection des réfugiés et autres personnes ayant
besoin de protection ».
À première vue, ces deux concepts que tout oppose semblent se rejoindre dans la pratique de la
réinstallation et des admissions humanitaires. Cette confusion découle d’un manque de
coordination internationale autour des objectifs qu’elle souhaite atteindre. Certains États
négocient leurs engagements de réinstallation avec le HCR, d’autre s’engagent de manière
bilatérale avec les pays d’accueil.
7
Le dispositif de réinstallation a rarement été examiné : comment fonctionne « l’industrie de la
réinstallation » ? Quelles sont les enjeux et les relations de pouvoir autour de cette pratique ?
Ces questions devraient se poser au niveau international, national mais aussi local pour tenter
de comprendre la pratique de la réinstallation et des admissions humanitaires.
Mes recherches sur la réinstallation et les admissions humanitaires se sont centrées
principalement sur trois grands axes.
Premièrement, une narration descriptive de l’évolution des politiques de la réinstallation et de
leur mise en œuvre en Europe et en France tout particulièrement.
Deuxièmement, les trois dimensions de l’expérience de la réinstallation : un outil de protection,
un instrument de Co-développement, et un outil de gestion migratoire. Cette partie me permet
d’expliquer mes hypothèses comme réponse possible à ma problématique afin de procéder
ensuite à une étude terrain analysant les bienfaits et les méfaits de la réinstallation et qui validera
ou non ces hypothèses.
Troisièmement, les prospectives de la réinstallation et des admissions humanitaires comme un
moyen pour influencer stratégiquement d’autres solutions durables. En effet, une bonne
pratique de la réinstallation peut conduire à des mesures de Co-développement non négligeables
dans le futur et à l’ouverture de nouveaux programmes complémentaires comme le parrainage
privé.
8
9
I) La genèse de la réinstallation et des autres voies d’accès
A. La réinstallation et l’admission humanitaire : des instruments de protection
international
1. Le rôle spécifique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
Aujourd’hui dans le monde, il y a plus de 65 millions de réfugiés et déplacés internes,
dont 22 millions de réfugiés qui ont trouvé refuge dans un pays tiers.
Selon la Convention de Genève de 1951 et son protocole additionnel de 1967, un réfugié est
une personne qui se trouve hors de son pays d’origine ; qui craint avec raison d’être persécutée
du fait de son appartenance communautaire, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social, ou de ses opinions politiques et qui ne peut ou ne veut
se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de la dite crainte.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies a pour but de sauvegarder les droits et le bien-être
des réfugiés. Il s’efforce de garantir à toute personne en besoin de protection, qu’elle puisse
exercer son droit d’asile et trouver un refuge sûr dans un autre Etat, avec pour option de
retourner volontairement chez elle, de s’intégrer sur place ou d’être réinstallée dans un pays
tiers.
En effet, il existe trois solutions durables ouvertes aux réfugiés promus par le Haut-
Commissariat pour les réfugiés (HCR) :
• Le rapatriement volontaire dans le pays d’origine une fois que la situation s’y est stabilisée.
• L’intégration sur place dans le pays de premier asile.
• La réinstallation dans un pays tiers dans le cas de situations où il est impossible pour une
personne de rentrer chez elle ou de rester dans le pays d’accueil.
L’agence travaille dans 130 pays, et s’occupe actuellement de 65 millions de personnes relevant
de sa compétence dont 32 millions de déplacés internes, 22,5 millions de réfugiés dont 17,2 de
10
réfugiés directement assistés par le HCR, 10 millions d’apatrides, et plus de 1,7 millions de
demandeurs d’asile. C’est en Afrique que se trouve le plus grand nombre de réfugiés (30% de
l’ensemble des réfugiés), vient ensuite le Moyen Orient (26%), l’Europe (17%), les Amériques
(16%) et l’Asie-Pacifique (11%).
Le HCR occupe une place particulière en France dans le domaine de l’asile. Le délégué en
France du HCR participe (sans voix délibérative) aux séances du conseil d’administration de
l’OFPRA (Office Français de protection des personnes réfugiés et apatrides). Chaque formation
de jugement de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), comporte parmi ses trois membres
un représentant français désigné par le HCR. C’est une particularité française. Aussi, les
autorités entretiennent des liens réguliers avec la délégation française du HCR ainsi qu’avec le
siège, sur des sujets d’intérêt commun. Des rencontres bilatérales à haut niveau sont organisées
une fois par an à Paris depuis 2011 par la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF),
associant le HCR et les acteurs institutionnels français sur les aspects généraux de l’asile et les
évolutions des politiques.
2. Une solution durable pour une minorité de réfugiés vulnérables
La réinstallation consiste à transférer, à la demande du HCR, des réfugiés d’un pays
d’asile à un autre Etat qui a accepté de les admettre et de leur accorder une résidence
permanente.
Parmi les millions de réfugiés, le HCR identifie des réfugiés particulièrement vulnérables en
besoin de réinstallation (environ 1% des réfugiés1
). Cela reste une solution minime. Il est
nécessaire de bien distinguer la réinstallation d’une « demande d’asile externalisée », comme
on peut l’entendre parfois à tort et qui est une procédure qui n’existe pas. Dans le cadre de la
réinstallation, il ne s’agit pas ici de demandeurs d’asile mais de réfugiés placés sous le mandat
du HCR. Il n’existe pas pour les réfugiés de droit à la réinstallation. Accepter ou non un réfugié
à la réinstallation est une décision discrétionnaire des Etats insusceptible de recours juridique.
Et un refus de réinstallation ne leur fait pas perdre le statut de réfugiés qu’ils ont dans le pays
de premier asile. En revanche, si la France dit non à la réinstallation, ce n’est pas un non pour
une demande d’asile. La confusion est fréquente2
.
1
http://www.unhcr.org/fr-fr/protection/resettlement/5890c4a34/apercu-reinstallation-refugies-seffectue-etats-
unis.html
2
Entretien avec Séverine Origny Freishmen, adjointe au chef du département de l’Asile et de la protection,
DGEF
11
Le dispositif de réinstallation répond à des objectifs qui correspondent à certains principes de
la Convention de Genève. Il s’agit de fournir une protection durable aux personnes vulnérables,
notamment lorsque les autres solutions ne sont pas possibles. Mettre en place « le principe de
solidarité internationale envers les pays de premier accueil, en répartissant les charges, afin de
les aider à faire face à l’afflux de réfugiés et à renforcer leurs capacités à les protéger »3
. La
réinstallation permet de trouver des solutions adaptées aux différents individus notamment en
offrant un accès direct au statut, une insertion professionnelle et un logement indépendant. Elle
permet aussi de « participer activement aux efforts de gestion de crise humanitaire »,
particulièrement celle de la crise actuelle en Syrie.
Le HCR estime en 2018 le nombre de personnes qui pourraient être en besoin de réinstallation
à près de 1,2 millions. C’est à dire le nombre de personnes qui rempliraient les critères de
vulnérabilité qu’il a établi et pour lesquels une installation dans un pays tiers serait la meilleure
solution. Environ 40% d’entre eux sont des Syriens, 12% sont des Congolais de RDC, 8% des
Centrafricains.
En pratique, les personnes réinstallées restent une infime minorité des réfugiés. En 2014, 73
000 personnes sont réinstallées dans le monde. En 2015, il s’agit de 81 000 personnes, mais en
2016 dans une année de forte mobilisation internationale, 126 000 personnes sont réinstallées.
En 2017, 65 000 personnes ont été réinstallées.
Le rapport d’activité du HCR indique qu’en 2017 :
- 172 000 réfugiés et migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée (119 350 en Italie,
29 700 en Grèce et 22 100 en Espagne). Parmi ces arrivants par la mer en Europe, 18,4 %
sont des enfants et plus de la moitié d’entre eux étaient non accompagnés ou séparés de leur
famille. Plus de 3120 réfugiés et migrants ont perdu la vie ou ont été portés disparus en
traversant la Méditerranée en 2017.
- La Turquie reste le pays qui abrite le plus grand nombre de réfugiés (3,4 millions de Syriens
et 343 000 réfugiés d’autres nationalités).
3
Réseau européen des migrations, Programme de réinstallation et d’admission humanitaire en Europe-qu’est ce
qui fonctionne ? 9 nov 2016, p20 (consulté le 02/02/18)
12
Le HCR ne cesse d’encourager les Etats Européens à proposer davantage de places de
réinstallation chaque année, tout en notant la forte progression réalisée en 2017. Cette année,
25 pays européens ont réinstallé environ 26 400 réfugiés, alors que 17 100 l’avaient été par 23
pays en 2016.
Parce que la réinstallation ne peut bénéficier qu’à un petit nombre de réfugiés, le HCR promeut
aujourd’hui activement l’ouverture d’autres voies légales pour accéder à des pays tiers. Cela
peut être, et on y reviendra, des programmes de parrainages privés, de la réunification familiale,
des programmes à l’attention des étudiants réfugiés.
3. L’évolution de ces outils de protection et les nouvelles directions stratégiques du HCR
La réinstallation, aujourd’hui élément essentiel de la protection internationale a évolué
au fil des décennies. Elle fut utilisée pour la première fois entre les deux guerres mondiales
notamment pour des russes fuyant la révolution dans les années 1920 en Chine, puis pour les
juifs fuyant les persécutions nazies.
En 1951, la création d’une nouvelle entité entièrement consacrée à la protection internationale
des réfugiés (HCR) a fait de la réinstallation un instrument clé de la protection des personnes
vulnérables.
La réinstallation des réfugiés Hongrois en 1956 est l’une des missions de réinstallation les plus
notable. Pendant la répression du pays, 180 000 Hongrois se sont enfuis vers l’Autriche et 20
000 autres vers la Yougoslavie4
. Plus de 37 pays tels que la Suède (73 000 personnes) et la
Norvège (1700 personnes) ont accepté d’accueillir les réfugiés Hongrois. A cette époque, le
Comité international de la Croix Rouge était fortement impliqué dans le processus de la
réinstallation. Il participa notamment à la réinstallation des minorités asiatiques expulsées de
l’Ouganda en 1972 et celle des latino-américains fuyants le Chili à partir de 1973. Lors de
l’exode massif des « Boat people »5
, certains pays d’accueil se sont mis à refuser l’entrée des
bateaux sur leur territoire. Face à cette crise humanitaire, la communauté internationale est
4
Réinstallation, Oxford Refugee Institute : la réinstallation des réfugiés Hongrois en 1956, Amanda Cellini,
pages 6-7 (consulté le 13/05/18)
5
http://www.unhcr.org/fr/5162da949.pdf Histoire de la Réinstallation, p49 (consulté le 6/03/18)
13
parvenue à un accord permettant un accès aux pays limitrophes précédant une réinstallation
dans des pays-tiers.
À ce jour, les États-Unis constituent historiquement le plus important pays de réinstallation,
malgré l’élection de Donald Trump. Ce dernier n’a pas arrêté le programme. Les objectifs sont
amoindris mais toujours présents. « Depuis 1975, les Etats-Unis ont accueilli plus de trois
millions de réfugiés pour la réinstallation 6
». Le Canada et l’Australie sont tout autant
importants dans l’histoire de la réinstallation. L’Union Européenne est en retard mais semble
s’investir davantage dans la réinstallation depuis la crise politique migratoire qui a bousculé
l’équilibre de ses États membres en 2015 suite à l’arrivée massive des Syriens.
La réinstallation n’est donc pas une procédure nouvelle, elle existe depuis des décennies, mais
elle a pris une dimension nouvelle ces dernières années, tout particulièrement dans le cadre de
la crise syrienne. Dans ce cadre, à partir de 2013, il y a eu une multiplication des appels à
solidarité vis à vis des pays de premier asile très touchés par la crise : tout particulièrement le
Liban, la Jordanie, et la Turquie. En 2016, plusieurs conférences internationales ont été
organisées pour mobiliser en faveur d’une plus grande coopération internationale afin de
partager de manière plus équitable les responsabilités envers les réfugiés. Il n’est plus ici
question de juste envoyer l’aide humanitaire au pays de premier asile, même si cela reste
indispensable, mais concrètement de soulager la charge qui pèse sur les pays de premier asile
en réinstallant des réfugiés qui s’y trouvent. C’est dans ce sens-là qu’a été organisée la réunion
de haut niveau sur le partage au plan mondial des responsabilités par des voies d’admission des
réfugiés syriens qui s’est tenue le 30 mars 2016 au HCR à Genève. Réunion symboliquement
ouverte par le Secrétaire Général des Nations Unies qui montre aussi l’implication croissante
de l’ONU dans la question migratoire. Environ 15 000 nouvelles places de réinstallation et
autres voies d’admission ont été confirmées pendant et immédiatement après la réunion de haut
niveau. Mais l’évènement le plus important est bien entendu la Résolution de l’AG des Nations
Unies du 19 septembre 2016 qui démontre une volonté politique des dirigeants mondiaux de
protéger les droits des migrants et des réfugiés et de partager la responsabilité à l’échelle
mondiale.
6
http://www.unhcr.org/fr-fr/protection/resettlement/5890c4a34/apercu-reinstallation-refugies-seffectue-etats-
unis.html
14
Les États membres sont parvenus à un consensus pour aboutir à la Déclaration de New York
des réfugiés et des migrants. Consensus d’autant plus remarqué que tous les États ne sont pas
signataires de la Convention de Genève sur les réfugiés.
Cette déclaration de 2016 s’engage de manière claire en faveur de la réinstallation et les autres
voies d’admission légales pour les réfugiés.
Elle dispose de trois paragraphes dédiés sur le sujet, les 77, 78 et 79 qui indiquent que :
• Les États s’engagent à accroitre le nombre de places à la réinstallation ou autres voies légales
(visas).
• Les États qui n’ont pas encore de programmes de réinstallation sont appelés à en mettre en
place, et ceux qui en ont à élargir leur programme.
• Les États sont invités à mettre en place d’autres programmes d’admission, réunification
familiale, parrainages.
En complément, en deçà, les extraits correspondants de la Déclaration :
« 77. Nous avons l’intention d’accroitre le nombre et la diversité des voies de droit offertes aux
réfugiés en vue de leur admission ou de leur réinstallation dans un pays tiers, ce qui, en plus
d’alléger le sort des intéressés, présente des avantages tant pour les pays tiers, qui reçoivent des
réfugiés que pour ceux qui accueillent d’importantes populations.
78. Nous exhortons les États qui n’ont pas encore mis en place des programmes de réinstallation
à envisager de le faire dans les meilleurs délais ; ceux qui l’ont déjà fait sont encouragés à en
augmenter l’étendue. Notre objectif est de fournir des lieux de réinstallation et d’autres voies
d’admission à une échelle qui permettrait de répondre aux besoins que le Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés recense annuellement.
79. Nous comptons envisager l’expansion des programmes d’admission humanitaire existants,
la possibilité de programmes d’évacuation temporaire (notamment pour raisons médicales), la
15
mise au point d’arrangements souples qui faciliteraient le regroupement familial, le parrainage
privé des réfugiés individuels, les possibilités, pour les réfugiés, de mobilité professionnelle,
notamment par le biais de partenariats avec le secteur privé, et d’accès aux études, au moyen
de bourses et de visas d’étudiants. »
Ces appels politiques ont été suivis d’effets puisqu’en 2016, la réinstallation a atteint son niveau
le plus haut en 20 ans.
Pour qu’il y ait un véritable partage de responsabilités, et pour maintenir la dynamique impulsée
en 2016, il y a deux enjeux importants :
• Continuer à élargir significativement les États qui mettent en place de la réinstallation pour
aller au-delà des principaux pays de réinstallation qui étaient jusqu’à encore récemment les
États-Unis et le Canada.
• Assurer la pérennité des programmes mis en place.
Dans le cadre du Pacte des réfugiés, en préparation par le HCR à la suite de la Déclaration de
New York, la réinstallation aura également un rôle important à jouer.
Au-delà de ces conférences, indispensables pour donner l’impulsion politique nécessaire à la
mise en place de programmes de réinstallation, le HCR a mis en place des instances pour
appuyer les États à la mise en place d’un programme de réinstallation. Des conférences
annuelles tripartites, HCR, États et ONG, sont organisées pour partager les expériences et ces
dernières années de nouveaux pays se sont joints à ces conférences, notamment des pays comme
le Brésil, l’Argentine, le Chili, le Japon.
Par ailleurs, lorsque le HCR souhaite mettre l’accent sur la réinstallation des réfugiés, il met en
place des « Core Groups », c’est à dire des groupes de travail qui permettent de partager
l’information sur la situation dans les pays de premier asile, de partager les expériences entre
les États de réinstallation mais aussi de réfléchir collectivement à l’amélioration des processus.
Dans ces enceintes, les nouveaux États de réinstallation peuvent trouver les réponses pratiques
aux questions qu’ils se posent pour mettre en place des programmes de réinstallation dans de
nouvelles zones. Il y a depuis 2013 un Core Group pour la réinstallation des Syriens, qui
regroupe 30 pays dont la France. Depuis 2017, un Core Group pour la réinstallation à partir des
16
pays qui se trouvent sur la route migratoire menant à la Méditerranée Centrale. Ce groupe est
co-présidé par le HCR et la France et regroupe une quinzaine d’États déjà présents sur la zone
ou envisageant de le faire.
Le budget pour les opérations du HCR en Europe s’élève à 876,3 MUSD pour 2018 ; 43% sont
destinés au soutien des réfugiés syriens et 32% à la situation de la Méditerranée Centrale.
4. Les engagements volontaires de la France en matière de réinstallation et d’admission
humanitaire
Les engagements de la France sont volontaires et dans le cadre des engagements pris
avec l’UE.
En plus d’un programme annuel de réinstallation mis en place depuis 2008 avec le HCR, la
France a initié en 2014 un programme d’accueil spécifique de 500 syriens, qui a été renouvelé
en 2015. Ces engagements ont été tenus. En 2014 et 2015, 943 personnes syriennes sont
arrivées, dont 394 du Liban et 436 de Jordanie, et 51 d’Egypte. Par ailleurs, 154 personnes
sélectionnées au titre des engagements pris en 2014/2015 sont arrivées en 2016.
En juillet 2014, les autorités françaises se sont engagées à accueillir des ressortissants irakiens
se trouvant encore en Irak et persécutés ou menacés en raison de leur appartenance à des
minorités religieuses, notamment ceux ayant fui les exactions commises récemment par les
groupes islamistes. Un dispositif spécifique d’accueil a été mis en place et concerne en premier
lieu les personnes ayant des membres de leur famille en France, ayant des liens forts avec la
France ou se trouvant dans une situation particulière de vulnérabilité. Ces personnes obtiennent
un visa de long séjour au titre de l’Asile leur permettant de pénétrer sur le territoire national. A
leur arrivée en France, ils doivent se présenter en préfecture afin d’obtenir un formulaire de
demande d’asile auprès de l’OFPRA. La préfecture leur remet alors un récépissé de six mois,
renouvelables, avec autorisation de travail. Au 31 aout 2017, 5655 accords ont été délivrés par
la Direction de l’Asile depuis août 2014.
17
Le tableau ci-dessous reflète annuellement le nombre de visas asile accordés aux Irakiens :
Visas asile
Irakiens (Nb
de pers.) au
31/08/2017
2014
(À compter du
1/08/2014)
2015 2016 2017 Total
Accords à la
délivrance de
visa
1253 2152 1284 966 5655
La France a considérablement renforcé ses efforts à partir de 2016, toujours de manière
volontaire : elle s’était engagée à accueillir plus de 10 000 personnes réinstallées. Ces
engagements s’inscrivaient dans le cadre de la décision européenne du Conseil du 22 juillet
2017 (2375 personnes), dans le cadre de la déclaration UE-Turquie (6000 personnes) et dans le
cadre d’un engagement bilatéral avec le Liban (2000 personnes). Près de 3660 personnes ont
été effectivement réinstallées sur la période 2016-2017. Sachant que l’engagement d’accueil au
titre de la décision européenne du 22 juillet 2015 a été atteint.
Compte tenu de l’importance de maintenir des engagements forts à l’attention des réfugiés
syriens, et de l’attention portée à la crise migratoire en Méditerranée nécessitant une réponse
adaptée à partir des pays de transit en Afrique, le Président de la République lors de sa rencontre
avec le Haut-Commissaire aux réfugiés en octobre 2017, a indiqué les nouveaux engagements
français pour 2018/2019. Ceux-ci prévoient les arrivées effectives sur le territoire de 10 000
réfugiés réinstallés sur la période. Par cet engagement, la France souhaite poursuivre les
engagements passés afin de permettre les arrivées effectives des personnes déjà identifiées à
partir de Turquie, Liban, Jordanie et prévoit de nouveaux engagements. Il fait suite notamment
aux engagements pris, le 27 juillet 2017, pour la mise en place de missions de protection, à
partir du Niger et du Tchad, dont des réfugiés qui auront été préalablement évacués de Libye
par le HCR, permettant l’accueil en France de 3000 personnes en besoin de protection
internationale.
La situation des migrants qui traversent la Libye est très critique. Beaucoup sont détenus dans
des conditions inhumaines, sont victimes de tortures ou de traitements cruels. Depuis novembre
2017, le HCR organise l’évacuation de personnes en besoin de protection vers le Niger,
priorisant les personnes en détention en Libye. Les nationalités concernées sont des Érythréens
et Ethiopiens, des Somaliens pour les évacués de Libye, Soudanais et Centrafricains pour les
18
réfugiés au Tchad, mais aussi des Ivoiriens, des Maliens, des Nigériens pour les réfugiés au
Niger. Ces opérations d’accueil en Afrique s’inscrivent dans une volonté d’apporter une
réponse globale à la crise migratoire en Méditerranée, en prévoyant d’un coté de mieux
contrôler l’immigration irrégulière et démanteler les filières de passeurs dans les pays menant
à la Méditerranée Centrale et d’un autre coté d’ouvrir une voie légale d’accès pour les personnes
en besoin de protection.
Par rapport aux engagements au Moyen Orient, il a été proposé d’augmenter le volume
d’accueil à partir du Liban au détriment de la Turquie. Sachant que les engagements antérieurs
vis-à-vis du Liban ont été tenus en matière de sélection (1711 personnes étaient en attente
d’arrivée début 2018), il a été proposé de sélectionner 800 personnes supplémentaires vis-à-vis
du Liban. De même, il a été proposé de reprendre des engagements vis-à-vis de la Jordanie à
hauteur de 260 personnes. En effet, il n’y avait pas eu de missions de sélection en Jordanie en
2017.
Le tableau ci-dessous tient compte de cette nouvelle proposition de répartition en faveur du
Liban et de la Jordanie :
PAYS A
PARTIR
DUQUEL A
LIEU LA
RÉINSTALL
ATION
Arrivées
2016/2017 au
titre des
engagements
précédents
(janvier 2016-
novembre
2017)
Engagements
2018/2019
(de décembre
2017 à octobre
2019)
Arrivés depuis
décembre
2017
Sélectionnés
et en attente
d’arriver
Reste à
sélectionner en
2018/2019
Liban 1565 2600 95 1705 800
Jordanie 662 300 3 29 268
Turquie 1140 4000 160 1776 2064
Niger 0 1500 46 22 1432
Tchad 0 1500 30 184 1286
Autres (sur
dossier)
290 100 14 71 15
Total 3657 10000 348 3787 5865
19
En dehors de ses engagements relatifs à la réinstallation et du régime d’asile de droit commun,
la France a mis en place d’autres outils de protection, notamment un « Corridor Humanitaire »
à partir du Liban. C’est un protocole pour la mise en œuvre d’une opération solidaire de 500
réfugiés en provenance du Liban d’ici fin 2018 signé entre, d’une part, le ministre de l’intérieur
et le Ministère des Affaires étrangères et, d’autre part, la Communauté de Saint’Egidio, la
Fédération protestante de France, la Fédération de l’entraide protestante, la conférence des
évêques de France et le Secours catholique-caritas France. Ce protocole, né grâce à une
mobilisation spontanée de la société civile, a pour objet de permettre l’accueil en France de
Syriens et Irakiens vulnérables réfugiés au Liban, sans distinction de confession. A leur arrivée
en France, ces réfugiés doivent, comme tout détenteur d’un visa au titre de l’asile, faire une
demande d’asile auprès de l’OFPRA.
L’ambition du projet est de permettre à des réfugiés en provenance du Liban d’être identifiés
par les réseaux des promoteurs sur place (affiliés à Sant’Egidio) mais également leur permettre
d’accéder légalement au territoire français, puis d’être accueillis et accompagnés par des
bénévoles des associations impliquées. Ces derniers s’engagent à prendre en charge, à leur frais,
leur voyage, leur accueil et leur hébergement jusqu’à une entrée dans un logement de droit
commun. Ce projet donne un cadre conventionnel et structuré à des opérations d’accueil
spontanées, mises en place via les visas au titre de l’asile, qui existent depuis 2014 dans le cadre
des minorités d’Irak. Ce projet s’inspire directement d’un dispositif mené au Liban par les
autorités italiennes sous l’égide de l’association catholique Sant’Egidio. En France, cet
engagement est distinct des dispositifs préexistants d’accueil de réfugiés (réinstallation et visa
au titre de l’asile de droit commun), et n’a pas vocation à s’y substituer.
Ce type de « parrainage privé », très développé dans les États anglo-saxons comme le Canada,
gagne en visibilité au niveau international. Mentionné dans la Déclaration de New York pour
les réfugiés et les migrants de septembre 2016 comme une voie légale d’accès à développer,
cela est fortement promu par le Haut-Commissariat aux Réfugiés qui y voit une opportunité
d’accroitre significativement l’accueil pour les réfugiés, en complément à la procédure de
réinstallation « traditionnelle » menée par le HCR.
20
B) L’évolution européenne : d’une incitation financière à un usage stratégique
Jusqu’en 2015, au niveau européen, la réinstallation était principalement considérée
comme relevant de la politique étrangère des États membres et laissée au niveau bilatéral entre
les États membres et le HCR.
Tout au plus, l’Union Européenne incitait financièrement ses membres à faire de la
réinstallation mais ni les procédures, ni les pays bénéficiaires de la réinstallation n’étaient
encadrés d’une quelconque manière. Des crédits forfaitaires du FAMI étaient accordés par
personne réinstallée, crédits majorés sur les personnes venant de certaines zones considérées
prioritaires pour l’UE ou si les réfugiés appartenaient à des catégories particulièrement
vulnérables.
1. Un tournant face à l’accroissement des flux migratoires
Face à l’accroissement des flux migratoires en Europe en 2015, l’UE a commencé à
vouloir donner une place plus importante à la réinstallation en l’inscrivant dans une stratégie
globale de réponse à la crise migratoire.
L’UE souhaite mettre en place des voies d’entrée sûres et légales en Europe pour les personnes
ayant besoin d’une protection internationale afin d’éviter que celles-ci ne viennent de manière
irrégulière en ayant recours à des réseaux de passeurs et prenant des risques pour leur vie.
Parallèlement, elle souhaite renforcer ses contrôles aux frontières extérieures de l’UE pour
limiter les flux de migrants fuyant pour des raisons économiques non éligibles à l’asile.
En avril 2015, le Conseil européen a insisté sur la nécessité de mettre en place un projet pilote
volontaire en matière de réinstallation dans toute l’UE, afin d’augmenter le nombre de places
proposées à des personnes ayant besoin d’une protection.
Cela s’est concrétisé en juillet 2015 avec les conclusions du Conseil en faveur de la
réinstallation qui prend un engagement de 22 000 réinstallés. La mise en place de cet
engagement doit tenir compte des régions prioritaires en matière de réinstallation, notamment
l’Afrique du Nord, le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique. Tous les pays s’y sont engagés
sauf la Hongrie. La France dans ce cadre s’est engagée à réinstaller 2375 réfugiés.
21
La relocalisation a été l’une des solutions lors de la crise européenne en 2015. Ce programme
découle des décisions du Conseil européen du 14 et 22 septembre 2015. La France s’y est
engagée à accueillir environ 30 000 demandeurs d’asile relocalisés. Cependant la relocalisation
s’adresse à des demandeurs d’asile et non pas à des réfugiés. C’est pour cela que je ne
développerai pas ce programme. Cela mélangerait les concepts.
2. L’usage stratégique de la réinstallation
En mars 2016, l’usage stratégique de la réinstallation dans le cadre d’une approche
globale de la gestion de la crise politique migratoire est encore accentué dans le cadre de la
Déclaration UE-Turquie. La réinstallation est ici présentée comme un moyen de négociation en
contrepartie d’une politique de réadmission des migrants vers la Turquie.
L’UE appelait les États membres à recentrer leurs efforts de réinstallation pris dans le cadre des
conclusions de Juillet 2015 vers la Turquie, puis une fois ces quotas atteints, les autorisait à
réaliser des réinstallations supplémentaires en les déduisant de leurs quotas de délocalisation
intra-UE.
Le mécanisme dit du 1/1 a été fortement contesté dans son principe même par le secteur
associatif. Le HCR lui-même a pris ses distances sur le sujet, en ne souhaitant pas cautionner
ce 1 pour 1, tout en appuyant la mise en place du volet réinstallation puisque c’était une
opportunité d’augmenter de manière significative la réinstallation à partir de la Turquie.
Dans les faits, le 1/1 n’a pas fonctionné et les États membres ont mis en place de la réinstallation
de Syriens indépendamment des retours des migrants vers la Turquie.
3. Un encadrement pour la réinstallation européenne ?
Les délais de réalisation des conclusions de juillet 2015 sont achevés. Au dernier rapport
fait par la Commission en novembre 2017, 81% des engagements pris dans ce cadre ont été
tenus. Un certain nombre d’États, comme la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et
Chypre se sont désengagés et n’ont procédé à aucune réinstallation dans le cadre de ces
conclusions.
22
L’UE a fait un nouvel appel pour la réinstallation 2018/2019, et incite les États Membres à
dépasser les 50 000 réinstallations, à partir de pays prioritaires que sont la Libye, l’Egypte, le
Niger, le Soudan, l’Ethiopie, le Tchad ainsi que la Turquie, la Jordanie et le Liban.
Parallèlement, l’UE souhaite davantage encadrer au niveau de l’Union Européenne la
réinstallation en prévoyant des plans européens de réinstallation et des procédures communes.
Un règlement est en cours de négociation actuellement, en phase de trilogie avec le Parlement
Européen. La réinstallation reste néanmoins une démarche volontaire des EM et cela a
clairement été demandé par ceux-ci dans le cadre des négociations.
Dans le cadre des négociations sur le règlement réinstallation, la France et d’autres pays ont
souhaité que le texte soit élargi à d’autres voies légales d’admission humanitaire afin de
permettre un accueil plus important de réfugiés dans ce cadre.
4. L’admission humanitaire et d’autres voies légales d’accès comme moyen d’élargir le
nombre de réfugiés pouvant être accueillis et de facilitation de l’insertion des réfugiés
Comme nous l’avons vu au début, et même si elle a connu une hausse importante, la
réinstallation reste réservée à un petit nombre de réfugiés. Aussi, au-delà de la réinstallation,
est-il nécessaire de prévoir d’autres voies légales complémentaires, plus souples qui permettent
de faire venir légalement des réfugiés.
Il y a tout d’abord la réunification familiale qui permet à un réfugié de faire venir son conjoint
et ses enfants mineurs.
Mais au-delà, il existe d’autres types de programmes qui se développent, et ces programmes
ont été dénommés dans le cadre du projet de règlement de réinstallation des programmes
d’admission humanitaire. Ces admissions humanitaires recouvrent des réalités variées et
peuvent notamment inclure des programmes comme les parrainages privés/communautaires et
les visas humanitaires.
23
L’autre forme d’admission humanitaire qui est encouragée sont les visas humanitaires ou les
visas au titre de l’asile. Une fois arrivés légalement dans les pays, les bénéficiaires d’un tel visa
peuvent faire une demande d’asile et bénéficieront alors des mêmes droits et avantages que tous
les autres demandeurs d’asile.
Des tentatives pour avoir une règlementation au niveau européen sur le sujet ont été tentées,
dans le cadre du code des visas, mais la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) a
reconnu qu’il s’agissait de visas long séjour et non pas de visas Schengen et que cela ne relevait
donc pas de la réglementation des visas.
Enfin, d’autres voies légales s’adressent à des étudiants réfugiés au travers de bourses pour
venir étudier dans un pays tiers.
C) La mise en œuvre de ces programmes
« Le succès de ce programme repose sur la capacité de coordination des
acteurs, qu’il s’agisse des postes consulaires, des missions menées par les
opérateurs et bien sûr le concours des préfets. »
Raphael Sodini, directeur de l’Asile.
1. Une opération partenariale
La réinstallation est une procédure partenariale qui implique de nombreux acteurs et qui
prend du temps. Dans un premier temps, le HCR identifie, sur la base de données ou
recommandations d’associations partenaires, des réfugiés vulnérables. Après avoir eu des
entretiens avec eux, le HCR établit un dossier qui est alors transmis à un pays tiers susceptible
de pouvoir les accueillir. Le dossier du HCR est un RRF (« Resettlement Registration Form »)
prenant la forme d’une carte d’identité et suivi du témoignage de la personne. Le pays de
réinstallation examine le dossier, soit sur la base d’un document écrit, soit en réalisant lui-même
des entretiens sur place dans le pays de premier asile. En France, c’est l’Office Français de
24
Protection des Réfugiés et Apatrides qui est en charge de réaliser des missions pour s’entretenir
avec les personnes sélectionnées par le HCR. Dans cette optique, l’OFPRA est aussi chargé de
la remise du statut puis de l’établissement des actes de naissance.
Si le dossier est accepté, le pays de réinstallation délivre alors un visa de long séjour et organise,
en lien avec l’Office des Migrations Internationale (OIM), le voyage vers la ville où le réfugié
sera accueilli. Un accueil spécifique est en général organisé pour ces réfugiés réinstallés.
Cet accueil comprend généralement des cours d’orientation culturelle, de langue et des
formations professionnelles, ainsi que des programmes favorisant l’accès à l’éducation et à
l’emploi. Toutefois la durée de cet accompagnement varie d’un État à l’autre. En Autriche, des
formations d’orientation culturelle de deux jours sont organisées pour les personnes
sélectionnées. En France, la formation dure une matinée. Cette session d’orientation est
primordiale dans la coordination du dispositif. En France et en Autriche, la diffusion de ces
informations est organisée conjointement avec l’OIM et permet aux arrivants un premier travail
d’adaptation à leur nouvelle vie. Les opérateurs de l’État soulignent le caractère essentiel de
ces formations pour la prise en charge et l’intégration des personnes une fois arrivées. Forum
Réfugiés a noté une différence entre les Syriens et les Subsahariens qui n’avaient pas eu droit
à une session d’orientation culturelle faute de moyens et de temps lors des missions.
L’intégration et le suivi de ces personnes ont étés plus compliqués. Ainsi l’association organise
par elle-même des sessions d’information culturelle afin de privilégier un accompagnement
personnalisé. Des informations sont donc régulièrement délivrées par un référent unique chargé
du suivi de ces personnes réinstallées.
Pour la France, ces opérations impliquent donc outre le HCR, l’Office Français de protection
des réfugiés et apatrides, l’Office des migrations internationales, les services consulaires, et des
associations partenaires chargées de l’accueil en France. La réinstallation est coordonnée par la
Direction de l’Asile de la Direction Générale des Étrangers en France du Ministère de
l’intérieur. En effet, la Direction de l’Asile pilote la politique notamment dans le cadre de ses
relations avec le HCR et de ses liens avec les postes consulaires afin de suivre l’évolution dans
le pays d’origine et vérifier que le retour n’est pas possible mais aussi de vérifier les conditions
d’intégration dans le pays de premier accueil ainsi que pour la délivrance des visas. La Direction
de l’Asile valide les listes de candidats et s’assure du suivi avec l’OIM et les opérateurs via
l’OFII pour le voyage, l’arrivée en France et le logement.
25
Cette coordination est un travail quotidien qui nécessite une organisation méthodique afin
d’éviter tout biais dans la communication qui pourrait ralentir le processus. La réussite du
dispositif passe donc par une bonne concertation des acteurs. À cette fin, plusieurs initiatives
sont notables : le programme SHARE fut initié en 2012 par le HCR, l’OIM ainsi que par le
Bureau Européen de la Commission Internationale Catholique pour les Migrations (ICMC).
« L’objectif de ce programme est de construire un réseau européen de villes et de régions
accueillant des réfugiés réinstallés. Sont associés à ce réseau les acteurs de la société civile
impliqués dans les politiques d’accueil et d’intégration des migrants et réfugiés. 7
» En France,
l’initiative la plus notable est tout d’abord l’élection en 2015 d’un préfet chargé de la mission
de coordination pour l’accueil des réfugiés syriens puis récemment la création d’un délégué
interministériel à l’intégration des réfugiés. La nomination d’Alain Régnier découle du « Plan
Migrants » du 12 juillet 2017. Le délégué « sera chargé de coordonner l’arrivée en France des
réinstallés et d’organiser leur accueil dans de bonnes conditions. Il coordonnera l’entrée des
réfugiés dans le logement. Cela suppose de mobiliser, dans les territoires, davantage de
logements vacants, y compris auprès de bailleurs privés. Les préfets et les opérateurs associatifs
seront mobilisés dans ce but 8
».
2. La procédure de soumission et d’examen des dossiers des programmes de
réinstallation et d’admission humanitaire
La première sélection du candidat pour la réinstallation ou les programmes d’admission
humanitaire est à la charge du HCR. S’agissant de la réinstallation, le HCR identifie les dossiers
susceptibles d’être soumis aux autorités françaises. Ce sont les autorités locales du HCR qui
transmettent les dossiers et non le siège. Il en est de même pour les Accords-Cadres. En
revanche, les dossiers Visa D sont transmis par les autorités consulaires françaises en Irak à la
DGEF.
Ce choix résulte d’une recherche dans la base de données du HCR : « Progress ». Cette base
de données actualise régulièrement les problèmes de protection auxquels sont confrontés les
7
Première étude ciblée 2016- Programmes de réinstallation et d’admission humanitaire en France- Étude
réalisée par le Point de contact français du Réseau européen des migrations- p 11 (consulté le 17.01.18)
8
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/24/six-mois-apres-le-poste-de-delegue-interministeriel-a-l-
integration-des-refugies-finalement-pourvu_5246381_3224.html
Le Monde, le 24 janvier 2018.
26
individus et l’évolution de leur situation. Le HCR ayant mené préalablement des entretiens avec
l’individu afin d’avoir le dossier le plus complet possible pour les placer sous mandat strict du
HCR. Cette étape résulte de l’analyse de plusieurs critères de vulnérabilité : besoin de
protection juridique et/ou physique du réfugié dans le pays d’asile ; survivants de violences et
de tortures ; besoins médicaux ; femmes et filles dans les situations à risque ; regroupement
familia l; enfants et adolescents dans les situations à risques ; absence d’autres solutions
durables à court terme9
. Le HCR peut attirer l’attention sur des dossiers urgents.
Une fois que la liste du HCR est prête, elle est envoyée au ministère de l’intérieur qui saisit
l’UCLAT afin de savoir si les personnes ne sont pas déjà enregistrées auprès de nos autorités.
Cette liste est transmise à l’OFPRA qui est chargé de l’examen des dossiers sur place lors des
missions foraines. Les missions foraines permettent aux agents de protection de l’OFPRA de
se déplacer, plusieurs fois dans l’année, afin d’entendre de potentiels réinstallés ou demandeurs
d’asile.
Les entretiens sont simultanément organisés par le HCR, l’OFPRA et l’OIM selon la
responsabilité de chacun. Les entretiens organisés sur place sont une spécificité propre à la
réinstallation. Les Accords-Cadres et les admissions humanitaires sont reçus par l’OFPRA une
fois sur le territoire français car c’est la responsabilité du ministère de l’intérieur d’autoriser un
Accord-Cadre à rentrer sur le territoire français, tout comme les visas accordés dans le cadre
des corridors humanitaires. Cependant, une fois sur le territoire, un accord-cadre ou une
personne des corridors humanitaires peut ne pas recevoir le statut de réfugié ou de protection
subsidiaire. L’OFPRA rend sa décision en toute indépendance. En cas de refus, ils pourront tout
de même faire appel à la CNDA (Cours Nationale du Droit d’Asile).
S’agissant de la réinstallation, la situation est différente car la personne est déjà réfugiée
lorsqu’elle arrive sur le territoire français. La direction de l’Asile est alors compétente pour
rendre la décision de réinstallation et l’OFPRA est chargé de la remise du statut aux personnes
réinstallées à leur arrivée en France.
9
Première étude ciblée 2016-Programmes de réinstallation et d’admission humanitaire en France- Réseau
Européen des Migrations- Juin 2016- p28 (consulté le 03.03.18)
27
Concernant les contrôles sanitaires, ils sont de la responsabilité de l’OIM. L’organisme est en
charge d’effectuer un examen médical. Celui-ci a lieu après la sélection, dans la phase de
préparation à l’arrivée. Cet examen à lieu 48 heures avant le départ du pays afin que sa situation
sanitaire n’évolue pas de manière imprévisible. Il a été mis en place afin de vérifier que les
personnes peuvent voyager. Le médecin en charge prescrit si besoin l’assistance nécessaire lors
du voyage. Cet examen permet aussi de clarifier les besoins des personnes vulnérables une fois
sur place, notamment pour les personnes immobilisées qui aurait besoin d’un logement
spécifique (logement PMR) ou d’un suivi médical spécifique. Cela peut engendrer des
problématiques au regard de la répartition des personnes sur le territoire, comme nous le verrons
plus loin. Si ces examens ont permis d’amoindrir les reports de départs, ils ne les ont pas
supprimés. Le transport de personnes vulnérables est un exercice délicat. Les équipes de l’OIM
peuvent en témoigner.
Tout comme les contrôles sanitaires, l’assistance avant le départ est à la charge de l’OIM. Il y
a de fortes relations entre le HCR et l’OIM quant à la transmission des dossiers sélectionnés par
les autorités françaises. La complémentarité des deux organismes est récente. Historiquement
concurrents, leur association a permis une meilleure coordination et une plus grande fluidité
quant au processus de réinstallation. L’OIM est chargé de tous les aspects logistiques des
missions tant au niveau de la sélection, que dans les modalités de transport à l’arrivée en France.
L’OIM est aussi responsable de plusieurs interfaces, avec le ministère de l’intérieur mais aussi
les opérateurs.
S’agissant du départ, l’OIM est chargé de faciliter l’obtention de l’autorisation de sortir du
territoire. Malgré tout, cela reste à la charge des autorités françaises. Le ministère de l’intérieur
envoi un courrier formel à l’ambassade du pays concerné qui assure par la suite que les
autorisations de sortie du territoire soient notifiées le plus rapidement possible par les autorités
libanaises ou turques. C’est dans la foulée de la réservation des billets d’avion pour le départ
que ce courrier est envoyé. Il est arrivé plusieurs fois que cette autorisation soit refusée ou
différée par la Turquie sans justification.
28
3. Le rôle des contrôles sécuritaires
Le rôle principal est de vérifier que la personne n’est pas une menace pour la sureté de
la France, notamment qu’elle n’est pas un risque terroriste. Il n’est pas attendu des services de
sécurité qu’ils vérifient le fait que les personnes soient éligibles au statut de réfugié. Ceci a déjà
été fait par le HCR et c’est l’OFPRA qui vérifie si oui ou non, au regard des critères de la
France, la personne est éligible au statut de réfugié en France. L’OFPRA est cependant toujours
présent sur place afin de faire les entretiens.
Un premier contrôle est fait en amont par criblage sur base par l’UCLAT. C’est la Direction de
l’Asile qui saisit l’UCLAT dès que le HCR lui transmet les dossiers des personnes. Si une alerte
est faite par l’UCLAT, les missionnaires qui vont faire les entretiens en sont informés. En
fonction du type d’alerte, il revient aux missionnaires de déterminer si oui ou non ils font un
entretien.
À titre d’exemple, l’UCLAT a remarqué qu’une personne fichée au Fichier des Personnes
Recherchées a été identifiée sur base. Les missionnaires ont eu un doute sur le fait qu’il
s’agissait bien de la même personne et ont préféré avant de le refuser faire un entretien sur
place. L’entretien a confirmé le doute d’homonymie. Les recherches complémentaires ont
permis de confirmer qu’il ne s’agissait pas de la même personne et cette dernière a pu être
acceptée.
Tous les adultes sont entendus en entretien par les services de sécurité. Les jeunes de 16 à 18
ans peuvent être entendus si les services de sécurité le jugent utile. C’est l’OIM qui est en charge
de faire le planning des entretiens en fonction de la disponibilité des interprètes. Aussi, les
agents de l’OFPRA ayant entendu aussi tous les réfugiés, il est nécessaire que les services de
sécurité puissent régulièrement échanger avec eux (étant entendu que la demande d’asile est
confidentielle et que l’OFPRA n’échangera pas d’informations sur le fond de la demande). Les
missionnaires disposent aussi des dossiers établis par le HCR, qui comportent des informations
sur la composition familiale, sur le parcours d’exil des réfugiés. La section relative aux risques
d’exclusion est intéressante au niveau sécuritaire car si le réfugié a par exemple été incorporé
dans un groupe armé c’est là que le HCR émet une alerte et explique pour quelles raisons il
considère que, malgré tout, la personne peut avoir le statut de réfugié.
Ces entretiens découlent d’une procédure administrative et policière attachée au respect de
l’identité française. Cependant, sans ralentir le rythme de la procédure, ils permettent d’éviter
de nombreux biais. A titre de comparaison, les États-Unis effectuent quant à eux quatre
29
entretiens sécuritaires. Rares sont les incidents perpétrés par les réinstallés, mais le risque n’est
pas nul. Les opérateurs ont fait remonter deux incidents durant l’année 2018 concernant des
réinstallés tenant des propos alarmants concernant Daesh. Si ces informations fuitent, ils
peuvent signer la fin du programme.
4. Les documents et services délivrés aux personnes réinstallées
Lors de l’arrivée des personnes réinstallées, les opérateurs sont en charge du suivi des
procédures administratives leur permettant d’ouvrir les droits des réinstallés.
Concernant les personnes bénéficiant du corridor humanitaire et tout autre admission
humanitaire c’est à dire les personnes arrivées en France avec un Visa D de long séjour, ils
doivent se rendre dans la préfecture et au guichet unique compétent, où un demandeur d’asile
classique dépose sa demande. Il s’agit d’une anomalie administrative. Lorsqu’ils auront déposé
leur demande, ils reçoivent un récépissé permettant d’attester de leur légitimité sur le territoire
français. Dans les 21 jours suivant la demande, les personnes doivent déposer leur demande à
l’OFPRA en précisant le fait de vouloir bénéficier du programme de réinstallation. Un
formulaire est prévu à cet effet.
Sachant que ces personnes sont déjà reconnues par le HCR comme réfugiées, il s’agit d’un
transfert de statut. Ils recevront une carte de résident de dix ans qui reconnait le statut de réfugié.
Pour le programme de réinstallation classique, c’est-à-dire « Hors Accord-Cadre », les
personnes ont déjà été entendues par l’OFPRA lors de ses missions foraines. En conséquent, ils
ne passent pas par la préfecture ni par l’OFPRA en arrivant. C’est dès leurs arrivées qu’ils
reçoivent la notification de la décision de l’OFRPA. Ils peuvent recevoir le statut de réfugié ou
une carte de séjour temporaire s’ils reçoivent la protection subsidiaire.
Les personnes réinstallées sont couvertes par les mêmes droits que les étrangers titulaires du
statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, notamment en matière de réunification familiale
et de naturalisation. La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile
et le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 précisent les conditions pour cette
réunification. Un dossier comprenant plusieurs justificatifs permet aux postes consulaires et à
la direction de l’Asile du Ministère de l’Intérieur d’instruire la demande. Les réfugiés réinstallés
30
peuvent obtenir la naturalisation française par décret dans les conditions que précise l’article
21-27 et 21-29 du Code Civil. Un réfugié pourra obtenir la naturalisation sans justifier d’une
résidence en France durant cinq ans, alors que le titulaire d’une protection subsidiaire devra la
justifier. Les opérateurs peuvent en théorie appuyer les familles réinstallées dans ces démarches.
Mais en pratique, l’aide de l’opérateur ne se fait que pour la réunification familiale. La
naturalisation venant bien après la fin de l’engagement de l’opérateur auprès de ces familles
réinstallées.
Les personnes réinstallées reçoivent une indemnité hebdomadaire qui correspond à une garantie
de ressource minimum, tout comme l’ADA (Allocation pour les Demandeurs d’Asile) qui
s’élève à 6,75 euros. En revanche, les personnes réinstallées, contrairement aux autres
bénéficiaires classiques d’une protection internationale, obtiennent une assistance en nature de
la part des opérateurs qui leur fournissent de la nourriture, des vêtements, le coût du transport,
du mobilier, des articles ménagers et autres besoins de première nécessité. Un contrôle médical
est fourni par l’OFII et des interprètes doivent être prévus par les opérateurs.
Concernant l’éducation des enfants, ils doivent être inscrits dans les rectorats le plus rapidement
possible. Concernant les personnes réinstallées dans un logement, l’inscription des enfants se
fait généralement plus rapidement car elle nécessite une adresse pérenne. Mais pour les
personnes réinstallées dans des centres de transit ou dans d’autres types de structures en
attendant qu’un logement soit trouvé par l’opérateur, l’inscription des enfants est compliquée
car ils pourront être déplacés dans un autre département. Ce qui est le cas des réfugiés réinstallés
Subsahariens. Les opérateurs ont alors ouvert des classes permettant aux enfants dans un
premier temps d’apprendre la langue française.
L’accès au droit CMU et CAF est réalisé par l’opérateur. D’une façon générale, la signature du
contrat d’intégration républicaine et l’inscription à Pôle Emploi sont réalisées une fois la famille
installée dans le logement. Rappelons que la durée d’accompagnement par l’opérateur est d’un
an et commence à compter du transfert des familles dans le logement pérenne.
31
5. La coordination des arrivées en France
Depuis 2016, la coordination des arrivées se fait en lien avec la Délégation
Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement (DIHAL) qui gère les relations
quotidiennes avec les opérateurs sur le terrain et s’assure des accords locaux. Afin d’organiser
l’arrivée, un appel à projet a été passé en 2016 par la DGEF (et financé par le FAMI). Onze
opérateurs ont été identifiés couvrant l’ensemble du territoire métropolitain. Les opérateurs sont
chargés de capter des logements et d’accompagner les réinstallés pendant 12 mois dans leurs
démarches. Pour chaque personne réinstallée, les opérateurs reçoivent 1000 euros afin de
pouvoir payer les frais quotidiens. S’agissant du Corridor Humanitaire, c’est l’association
Sant’Egidio qui assure le suivi des familles. Les onze opérateurs, signataires d’une convention
avec l’État au titre de la réinstallation sont : France Horizon, France Terre d’Asile, Forum
Réfugiés, Aurore, Coallia, Adoma, Entraide Pierre Valdo, Groupe SOS solidarités, Un Toit
Pour Tous, Viltais, Ampil.
Les opérateurs ont fait face à de fortes difficultés pour identifier les logements et à obtenir les
accords locaux (des maires et des préfets). Ceci a ralenti les arrivées sur le territoire.
Pour 2018, les arrivées sont planifiées mois par mois, des centres de transit sont ouverts pour
les familles pour lesquelles un logement ne serait pas trouvé à temps.
En effet, au 30 novembre 2017, 3154 des 6998 personnes sélectionnées sont effectivement
arrivées en France, soit seulement 45%. Ainsi, le bilan des arrivées et le rythme des remontées
de logement, malgré les efforts déployés pour faciliter l’obtention des accords locaux, amène
la DGEF à repenser les modalités d’accueil des réinstallés.
Afin que l’engagement présidentiel soit respecté, l’objectif des acteurs de la réinstallation est
d’accélérer le rythme des remontées de logements, et parallèlement des arrivées effectives. Ce
dernier doit être doublé pour passer d’environ 200 personnes par mois à 500 personnes chaque
mois.
A ce titre la DGEF a enclenché début mars 2018 la mise en place d’un nouveau processus
touchant tous les acteurs du programme concernant la coordination des arrivées.
32
Des places du DNA (hébergement du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile) ont
été mises à disposition, pour une durée temporaire, le temps que les opérateurs puissent trouver
une solution de logement. La plupart des personnes réinstallées depuis la mise en place du
dispositif ont été hébergées transitoirement dans une structure d’accueil (trois mois maximum)
puis placées dans un appartement définitif.
L’imposition aux opérateurs d’un planning mensuel d’arrivées découle de ces changements
dans l’organisation des arrivées. Les arrivées sont dorénavant planifiées. Selon ce dispositif, le
GIP répartit les personnes sélectionnées par liste d’arrivées prévisionnelles. Cette répartition
est réalisée en fonction de la date de sélection des réinstallés, de leur vulnérabilité ainsi que des
objectifs mensuels des opérateurs.
L’OIM doit réserver des vols en fonction du planning des arrivées et non plus au compte-goutte.
L’adresse définitive étant communiquée par l’opérateur dans un délai maximal de 40 jours
avant la date d’arrivée, cela peut engendrer des modifications dans la réservation des vols.
Ce changement d’organisation témoigne d’une volonté d’augmenter les quotas relatifs à la
réinstallation. Les objectifs augmentent et nécessitent une révision complète du programme.
Ces nouveaux engagements sont récents. Je n’ai pu qu’observer les premières modifications
dans ce changement d’organisation. D’autres me paraissent à l’avenir inévitables.
Pour les réinstallés à partir d’Afrique, afin de prendre en compte la nécessaire adaptation à nos
modes de vie, ils sont dans un premier temps hébergés dans une structure temporaire (collective
ou en diffus) avec un accompagnement très renforcé avant d’être orientés vers un logement
pérenne à l’issue d’une période de quatre mois.
6. La mobilisation des territoires pour l’intégration des réfugiés réinstallés: le rôle des
préfets et des élus locaux
Concernant la mobilisation des logements, il existe des approches très différentes dans
les pays de réinstallation européens.
33
Certains font appel à la répartition géographique, comme en Allemagne. Les réfugiés réinstallés
sont répartis dans les différentes régions, selon une clé de répartition. Au sein même des Lander,
une répartition est réalisée pour répartir les réfugiés dans les municipalités10
.
En France, d’autres critères sont utilisés car la mobilisation des logements nécessite le concours
des préfets et des élus locaux. La participation et la mobilisation des municipalités est donc
essentielle. Pour autant, à ce jour la répartition n’est le fait que de la disponibilité des
logements. Une clé de répartition a été pensée lors de la préparation de la loi pour un droit
d’asile effectif et une immigration maitrisée en janvier 2018. Elle prenait en compte le PIB de
chaque région ainsi que le taux de chômage et le nombre de demandeurs d’asile. Cependant,
cette clé de répartition n’a pas été abordée lors du vote de la loi et ne figura donc pas dans cette
dernière.
L’année 2018 marque cependant un tournant dans la réinstallation au regard des nouveaux
engagements français. La France a élargi son cercle de possibilités notamment sur les types
d’hébergements. Avant, seuls les logements dits du « parc social » étaient pris en compte pour
l’accueil des réinstallés. Cet accueil était organisé par l’opérateur et non par la municipalité.
L’attribution était organisée de telle sorte à favoriser le bail glissant. En effet, après environs
douze mois, les réinstallés doivent pouvoir payer le loyer et rester dans le logement attribué.
Cette situation a nécessité de renforcer la mobilisation des préfets et des élus locaux pour
accélérer l’accueil de ces publics. Une instruction leur a été adressée le 12 décembre 2017 qui
fixait à cet égard pour chaque région un niveau de logement à mobiliser qui doit servir à
l’accueil de ce public.
Au sein de chaque région, il appartient au préfet de décliner les objectifs régionaux par
département, de les inscrire dans les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et
des réfugiés (SRADAR) conformément au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile, en déterminant l’équilibre le plus adéquat en fonction des spécificités et des dynamiques
locales dans chacun des départements. Ainsi, les préfets doivent aussi prendre en compte la
présence des opérateurs assurant l’accompagnement des réfugiés.
10
Réseau européen des migrations (EMN) Programme de réinstallation et d’admission humanitaire en Europe-
qu’est ce qui fonctionne ? - 9 novembre 2016 (consulté en Novembre 2017)
34
Dans les territoires, le succès de cette politique dépend de l’identification des logements
disponibles. Tous les dispositifs possibles ont été activés par des actions de formation et
d’information auprès des bailleurs notamment. Malgré tout, les opérateurs soulignent toujours
les mêmes difficultés, notamment auprès des bailleurs privés. La promotion de ce dispositif
auprès des élus locaux souhaitant s’investir dans le champ de l’accueil des réfugiés est à cet
égard une nécessité. La communication locale est essentielle dans ce dispositif, le soutien des
préfets étant indispensable pour obtenir l’accord des élus locaux.
Forum Réfugiés, présent dans la région Rhône Alpes éprouve de plus en plus de difficultés à
capter des logements du fait des blocages politiques. Les réinstallés qu’ils soutiennent se
retrouvent de plus en plus dans des hébergements de transit.
La nomination du délégué interministériel à l’accueil et à l’intégration des réfugiés, Alain
Regnier, témoigne de la volonté de la France de faire de ce champ de l’action publique une
priorité. Il est notamment en charge d’accompagner les préfets tout au long de leur mission pour
rencontrer l’ensemble des acteurs locaux.
Rares sont les initiatives de la société civile concernant les réfugiés réinstallés, sans doute par
manque de communication. Pour autant, si elles existent, elles devront être soutenues par le
préfet. Ces initiatives sont la mise à disposition de logement par les particuliers, la promotion
de l’hébergement chez l’habitant et l’appui aux associations locales.
À titre d’exemple, dans le Bas-Rhin, des comités de pilotage sont organisés régulièrement par
la préfecture avec l’ensemble des acteurs locaux : Mairie, Sous-préfecture de Saverne,
Communauté des Communes, Responsables du couvent, Education National, CAF, CPAM,
l’opérateur France Horizon. Un suivi très étroit a été mis en place pour anticiper le rôle de
chacun. Une réunion d’information avec la population avait également été organisée en amont
des premières arrivées. L’acceptabilité politique locale s’est améliorée depuis. Dans la
Dordogne, trois comités de pilotage ont été organisés et présidés par la préfète. Ils réunissaient
les opérateurs et les administrations locales.
Il est intéressant de voir que le dispositif concernant l’ouverture des droits est changeant selon
les départements :
35
Concernant l’ouverture des droits, dans le Bas -Rhin, l’éducation nationale s’est déplacée dans
le centre d’accueil des réfugiés réinstallés une semaine après l’arrivée pour procéder à une
évaluation en vue d’orientation scolaire. Une personne est en poste dans le couvent de Thal-
Marmouthier qui accueil cinquante réfugiés subsahariens. Durant les premiers mois, le
professeur met l’accent sur l’apprentissage du français et les rudiments de la scolarisation.
Cependant, pendant la période estivale, il est nécessaire que les opérateurs trouvent des
partenariats. Dans le Bas-Rhin, les ouvertures de droits se sont faites en moins de deux mois.
Dans l’Allier, il n’y a aucun souci de scolarisation à Lalizolle. En revanche, dans le centre de
Gannat, aucun enfant n’est à ce jour scolarisé à la journée complète. L’opérateur en charge
évoque des problématiques relatives au comportement dans le groupe. En Dordogne,
l’éducation nationale est venue faire une évaluation des niveaux de scolarisation des enfants
afin de les orienter vers la classe adaptée.
La situation des isolés de moins de 25 est très délicate en France. Ils ont très peu de droits. C’est
un véritable vide juridique auquel n’échappent par les réfugiés réinstallés. De manière générale,
ils sont très peu car la France évite soigneusement de les sélectionner pour ce programme. Mais
avec les évacuations de Libye et l’accord mis en place avec le Niger, ils sont de plus en plus
nombreux.
Dans le Bas-Rhin, des solutions ad hoc ont été trouvées pour les isolés de moins de 25 ans. Par
exemple, une fratrie de trois isolés de moins de 25 ans s’est présentée, le premier a été reconnu
comme chef de famille et pourra ainsi percevoir des aides. Aussi, quatre jeunes femmes isolées
de moins de 25 ans ont créé une collocation à Nantes, elles vont bénéficier de la garantie jeune,
même si le niveau de langue requis n’est pas atteint. Une réunion avec l’Université de
Strasbourg va également être organisée pour envisager un partenariat pour des reprises
d’études. Le DIAIR compte travailler sur le service civique pour pouvoir l’ouvrir aux jeunes
reconnues comme réfugiées. D’autres réflexions sont en train de murir.
Concernant les sorties de logement, dans l’Allier l’opérateur souligne des blocages politiques
notamment suite à l’instruction du 12 décembre 2017. Dans le Rhône, les orientations se font
davantage vers le milieu rural pour les captations de logements pérennes car le parc est saturé
dans la métropole de Lyon.
36
Dans le Bas-Rhin, Pôle emploi a été mobilisé ainsi qu’un psychologue pour aider à identifier
les compétences de chacun. Dans l’Allier, la saison agricole facilite l’entrée sur le marché du
travail dans la région. Quelques jeunes sont déjà employés.
37
II. La réinstallation : action ou artifice humanitaire ?
Cette partie me permet d’expliquer mes hypothèses comme réponse possible à ma
problématique afin de procéder ensuite à une étude terrain qui analyse les bienfaits et les
méfaits de la réinstallation qui validera ou non ces hypothèses.
A) La réinstallation est un engagement volontaire des États et de la communauté
internationale pour la protection internationale des réfugiés
« Considérant que la France accorde une importance primordiale au
respect des droits de l’Homme dans le monde et sur son territoire et que les
questions humanitaires figurent au cœur de sa politique étrangère… 11
»
1. La réinstallation est un engagement fort, limité à la volonté des États
La réinstallation est un engagement volontaire de la part des États. Chaque État convient
avec le HCR du nombre de places qu’il souhaite offrir. Comme nous l’avons vu le Canada et
les États-Unis offrent un nombre important de places. Mais depuis l’élection de Trump, les
Etats-Unis, sans arrêter le programme, ont convenu d’un nombre de places inférieur à celui des
années précédentes. Aucune sanction ne leur a été appliquée. Malgré la signature d’un accord
avec le HCR, les États sont libres de toute obligation contractuelle. L’accord peut être modifié
ou amendé à tout moment. Cet accord précise les responsabilités de chacun afin d’assurer la
meilleure coordination possible dans l’application du programme de réinstallation12
. « Les
représentants des Parties harmoniseront au mieux leurs pratiques pour assurer la mise en œuvre
11
Accord-Cadre de coopération entre le Gouvernement de la République Française et l’Office du Haut-
Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
12
Annexe 8 : Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le haut-commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le
Niger
38
efficace du présent Accord. 13
» Mais les contractants peuvent se retirer à tout moment. L’État
conserve sa souveraineté.
À titre d’exemple, le Niger a décidé d’arrêter pendant un certain temps les évacuations de Libye,
les autorités nigériennes constatant une procédure à deux vitesses. Les évacuations vers le Niger
effectuées par le HCR sont rapides et efficaces. En revanche, les évacuations du Niger vers les
pays européens sont plus lentes. La proportion des personnes arrivant sur le territoire nigérien
et ceux sortant du territoire est inégale.
Les États sont libres de choisir le nombre de personnes accueillies tout comme la manière dont
celles-ci sont accueillies. Bien entendu, le HCR fixe les grandes lignes mais libre à chacun de
disposer des mesures. Le HCR propose, les États disposent. Il en découle des dispositifs
différents à toutes les étapes. Pour certains, la sélection est plus procédurale que d’autres pays.
Les États-Unis procèdent à quatre entretiens sécuritaires, alors que la France en réalise deux.
Le HCR ne peut que proposer et convaincre d’harmoniser les procédures entre les Etats afin de
perfectionner le système de réinstallation et d’admission humanitaire. C’est en ce sens que sont
organisés les Cores Groups. Les États volontaires à la réinstallation se réunissent quatre fois
par an afin de partager leurs bonnes pratiques. À ce jour, des Cores Groups ont lieux chaque
année : celui pour la protection des Syriens appelant à une participation active des pays
limitrophes à la Syrie que sont le Liban, la Jordanie, et la Turquie ; ainsi que le Core Groups de
la Méditerranée centrale qui favorise un développement de la réinstallation depuis l’Afrique
sahélienne. L’année 2018 est marquée par la présidence de la France dans ces Cores Groupes
et les nouveaux engagements pris par la France et l’Italie avec le Niger et le Tchad.
En plus de ces libertés quant à la mise en place du dispositif, les États après la première sélection
réalisée par le HCR peuvent favoriser l’accueil d’un certain type de personnes vulnérables. Pour
exemple, la France a du mal à accueillir les mineurs isolés du fait du manque de mesures
juridiques les concernant dans le droit français et incite donc le HCR à les écarter de la sélection.
Les engagements de l’Union Européenne encouragent fortement les pays membres de l’Union
européenne à offrir des places de réinstallation. L’Union Européenne a renforcé ses initiatives.
Les engagements de la France découlent par ailleurs des directives européennes. Les opérations
13
Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le Niger.
39
de réinstallation sont soigneusement suivies par le Commissaire européen pour la migration.
Pour autant, aucune mesure juridique ne les oblige à en contracter. Les seuls mineurs isolés qui
apparaissent sur les listes sont les évacués de Libye, qui sont des cas particuliers donc
exceptionnels. Le caractère volontaire de la réinstallation peut être dans ce cas à double
tranchant.
Le caractère volontaire de la réinstallation est aussi présent auprès des bénéficiaires, c’est à dire
les personnes vulnérables sélectionnées par le HCR pour une réinstallation. La réinstallation est
une proposition exceptionnelle faite par les équipes du HCR auprès des personnes sélectionnées
dans les camps de réfugiés ou les villes. Les familles ou personnes isolées se voyant proposer
le programme peuvent refuser d’y participer. C’est d’ailleurs leur unique liberté dans ce
programme. Aussi, ils peuvent se rétracter à tout moment. Nombreuses sont les annulations au
moment du départ.
2. La réinstallation : entre institutionnalisation et action humanitaire
Selon le droit International humanitaire, quatre principes régissent une action
humanitaire : Humanité, Neutralité, Impartialité et Indépendance14
. Le principe d’humanité vise
à alléger les souffrances. Celui de neutralité à ne pas prendre parti. L’aide humanitaire répond
uniquement aux besoins de la population vulnérable et est ainsi impartiale. Aussi, s’assurer une
indépendance permet aux humanitaires d’agir indépendamment de toute pression politique et
économique.
Le Mouvement internationale de la Croix Rouge développe sept piliers de l’action humanitaire :
Humanité, Impartialité, Neutralité, Indépendance, Volontariat, Unité, Universalité. Ces piliers
de l’action humanitaire permettent une distinction avec d’autres formes « d’aide » religieuse,
politiques, militaires par exemple.
Le Droit humanitaire est régi par les quatre conventions de Genève (ratifiées en 1949) et son
protocole de 1977. Ce sont des traités internationaux qui concernent notamment la protection
des civils lors de conflit internationaux. Plusieurs règles concernent le déplacement et les
personnes déplacées :
14
Protection Civile et Opérations d'Aide Humanitaire Européennes - Commission Européenne - Les principes
humanitaire (consulté le 26/07/18)
40
« Règle 129. A. Les parties à un conflit armé international ne peuvent procéder à une
déportation ou au transfert forcé de la totalité ou d’une partie de la population d’un territoire
occupé, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent.
B. Les parties à un conflit armé non international ne peuvent ordonner le déplacement de la
totalité ou d’une partie de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans
les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent.
Règle 130. Les États ne peuvent déporter ou transférer une partie de leur population civile dans
un territoire qu’ils occupent.
Règles 131. En cas de déplacement, toutes les mesures possibles doivent être prises afin que les
personnes civiles concernées soient accueillies dans des conditions satisfaisantes de logement,
d’hygiène, de salubrité, de sécurité, et d’alimentation et afin que les membres d’une même
famille ne soient pas séparés les uns des autres.
Règles 132. Les personnes déplacées ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité
leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur déplacement ont cessé
d’exister.
Règle 133. Les droits de propriété des personnes déplacées doivent être respectés. 15
»
Un autre ensemble de règles concernent les personnes bénéficiant d’une protection spécifique,
autrement dit les personnes dites vulnérables, les personnes âgées, les enfants, les femmes, et
les infirmes. Ces règles internationales sont retranscrites au niveau européen par le Consensus
européen sur l’aide humanitaire.
La réinstallation telle qu’elle est mise en place dans notre droit et mise en pratique sur le terrain
ne répond pas aux critères de l’action humanitaire tels qu’on a pu les théoriser.
Mais, le terme humanitaire s’est généralisé. On parle d’action humanitaire, de crise humanitaire,
de visa humanitaire, de couloir humanitaire, d’admission humanitaire notamment pour le
programme de réinstallation. La confusion se mêle lorsque ce sont des actions menées par des
instituons internationales ou encore des États Nations. La réinstallation et les admissions
humanitaires en sont un exemple. L’État, en partenariat avec des associations et des organismes
15
Revue internationale de la Croix-Rouge, Annexe : liste des règles coutumières du droit international
humanitaire, le traitement des personnes civiles et des personnes hors combat. (Consulté le 21/07/18)
41
internationaux, mène des programmes à visée humanitaire permettant la protection de
personnes vulnérables. On en perd de vue les acteurs principaux de l’action humanitaire.
Le terme humanitaire a pris de l’ampleur dans les années 70-80 durant la période postcoloniale.
Des organismes comme la Croix-Rouge ou Médecin sans frontières sont mis en avant. L’action
humanitaire était alors le fait d’organisations non gouvernementales (ONG) venant en aide aux
populations dans le besoin. Ce sont avant tout des structures privées souhaitant avant tout
s’éloigner le plus possible de la sphère politique. L’action humanitaire s’est ensuite développée
à travers les agences des Nations Unies. Tout l’ambivalence de l’action humanitaire prend alors
forme. Les principes d’indépendance et d’impartialité peuvent facilement être remis en cause.
L’aide humanitaire est complexe et paradoxale. Son histoire le démontre. Elle est en premier
lieu le fait de l’Eglise apportant une aide charitable aux plus démunis. Par ailleurs, les églises
ont été des lieux de refuge et de protection pour les personnes cherchant l’asile en temps de
guerre. De nos jours, des ONG comme Caritas ont une partie de leur identité affiliée à la
religion.
Une autre vision de l’aide apparait avec la philosophie des lumières et le principe d’humanisme
qui en découle. La philanthropie est laïcité et s’oppose alors à la charité. Après la seconde guerre
mondiale, ces deux courants se mêlent et l’aide humanitaire devient principalement apolitique.
Comme nous l’avons vu précédemment, les ONG émergent dans les années 70 et
s’internationalisent.
Le contexte politique et socio-économique impact fortement non seulement les visées des ONG
mais aussi leur identité. L’aide humanitaire devient souvent le fait de structures institutionnelles
complexes. La communication par les politiques de l’humanitaire permet de séduire le citoyen
en les éloignant du militantisme humaniste qui caractérise l’émergence des ONG. La guerre et
l’aide humanitaire s’entremêlent. Cette dernière est alors instrumentalisée. D’autant plus que
les financements des ONG proviennent généralement de l’État ou des organismes
institutionnels dans lesquels les États ont un certain pouvoir sur les décisions prises.
Les relations entre les ONG et les États sont de plus en plus complexes. Non seulement parce
qu’elles s’opposent mais d’autant plus lorsqu’elles doivent coopérer.
42
Rony Brauman, médecin engagé dans l’humanitaire, souligne que « C’est le cas de toute
organisation qui a tendance à devenir son propre but. Mais il faut ajouter que sans organisation,
l’action demeure insignifiante. La question n’est pas de choisir entre l’institutionnalisation et
l’action, mais d’articuler l’une et l’autre en se rappelant qu’une institution, si louable que soient
ses buts, n’est pas une valeur mais un outil.16
»
Le programme de réinstallation l’illustre parfaitement. Les associations travaillant aux frais de
l’État et au rythme de ses directives prennent une position ambivalente et délicate mais
permettent une action concrète.
3. L’usage stratégique de la réinstallation par le HCR
« La réinstallation ne peut pas être conçue comme un élément détaché de l’ensemble du régime
des réfugiés mais bien comme une partie intégrante d’une vision stratégique plus globale. Il
faut qu’elle fasse partie d’un ensemble de réponses complètes face à différentes situations
spécifiques de réfugiés dans le monde et qu’elle soit envisagée en association avec d’autres
réponses dans les États d’accueil du monde en développement et dans les pays d’origine. »
Alexander Betts, Professeur en migration forcée et affaires internationales, et Directeur du
Centre d’études sur les réfugiés.
La réinstallation est un programme développé à part entière. Pour autant, comme le souligne
Alexander Betts, la réinstallation ne peut être envisagée comme un élément détaché de
l’ensemble du régime de protection instauré pour les réfugiés. À cet égard, la réinstallation est
envisagée comme un outil parmi d’autres, permettant de garantir la protection des réfugiés.
C’est autour du programme de réinstallation qu’ont été créé des Cores Groups, permettant au
HCR de réunir les États afin de réfléchir collégialement à un système assurant une protection
efficace pour une crise en particulier. Le premier Core Group a débuté peu après la crise
syrienne affectant principalement les pays limitrophes à la Syrie que sont le Liban, la Jordanie,
et la Turquie. À travers ce Core Group, le HCR réalisa un plaidoyer auprès des pays membres
de l’Union européenne mais aussi auprès des pays favorisant les voies légales d’admission
comme le Canada et les Etats-Unis. Cette stratégie permet de répondre à deux objectifs du
16
Entretiens avec Rony Brauman https://www.cairn.info/revue-mouvements-2004-3-page-125.htm
43
HCR : trouver une solution durable pour les personnes vulnérables répondant aux critères du
statut de réfugié, et apporter un soutien aux pays accueillant un nombre important de réfugiés.
En plus de favoriser la participation active des pays à la réinstallation, ces Cores Groups
permettent un échange de bonnes pratiques. Comme nous l’avons vu les pays sont libres de
choisir leur sélection mais aussi le processus d’intégration par lequel ils souhaitent que les
réfugiés s’insèrent dans leur société. Pour autant, le HCR tend à un processus commun qui
faciliterait la réinstallation dans son ensemble, principalement durant l’étape de sélection dont
il est en partie en charge.
C'est dans cet esprit qu’est apparu le deuxième Core Group, celui de la Méditerranée centrale.
Depuis plusieurs années, des migrants traversent au péril de leur vie la Méditerranée centrale
pour rejoindre les côtes européennes par l’Italie, notamment en passant par la Libye où les
migrants sont exposés à des traitements inhumains. À ce jour, la Libye est occupée par quatre
milices. Tripoli, la capitale est divisée en trois. Il n’y a pas d’États, ni de gouvernement même
si les Nations Unies en reconnaissent un afin d’avoir un accès au territoire. Hormis Tripoli, le
HCR à accès à Sabratha, Misrata, Gharyan et Bani Walid.
La Libye n'est pas un État adhérent à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le
pays a signé la Convention de l'OUA de 1969 mais la Convention n'est pas appliquée : « il n'y
a pas de réfugiés en Libye, seulement des migrants illégaux ». Il n’y a eu aucun protocole
d'accord avec le HCR depuis 1991. Roberto Mignonne17
, responsable du HCR en Afrique du
Nord, souligne qu’il est nécessaire de travailler avec les médias libyens pour changer la
perception des réfugiés.
Jusqu'en décembre 2017, l'ensemble de l'équipe de pays des Nations Unies disposait de trois
places à Tripoli par roulement ; le nombre de places au HCR est passé à huit à la mi-décembre
2017. Le 7 février, le Secrétaire général des Nations Unies a approuvé la levée du statut
d'évacuation de Tripoli. Le HCR prévoit d'accroître sa présence internationale avec au moins
trente membres du personnel international.
17
Entretien avec Roberto Mignonne, Responsable du bureau Afrique du Nord du HCR
44
Le dispositif étant fragile, le HCR met toutes les chances de son côté afin de ne pas verrouiller
son accès au territoire. L’appui de la communauté internationale est insuffisant mais il a permis
la création du dispositif d’évacuation18
.
En 2017, le HCR et ses partenaires ont effectué 1 080 visites de suivi dans des centres de
détention en Libye. Plus de 170 visites ont été effectuées à ce jour en 2018.
Le HCR fournit une assistance médicale, des médicaments et a organisé une campagne de lutte
contre la gale pour les réfugiés et les migrants en détention. En 2017, 1 428 réfugiés ont pu être
libérés, et 843 en 2018.
La carte en dessous permet de voir les dix-sept centres de détention où le HCR peut réaliser des
évacuations de personnes réfugiées sur le territoire libyen depuis novembre 2017.
18
Annexe 7: UNHCR Libya Resettlement Upscaling - Sample analysis of direct resettlement submissions -
February 2018
45
Selon l’approche stratégique du HCR, la priorité est donnée aux personnes en détention ; aux
Africains sub-sahariens et aux plus vulnérables.
L'évacuation a lieu directement à partir des centres de détention avec les équipes du HCR qui
enregistrent les personnes avant l’évacuation.
Le HCR aide à organiser les documents de voyage et les visas de sortie. Les documents de
voyage passent des documents du CICR (Comité international de la Croix Rouge) aux
documents de voyage de l'ONU (HCR).
Toute la logistique (y compris les vols charters et les escortes) est organisée par l'équipe du
HCR directement, et non par l’OIM comme habituellement.
Étant donné que les conditions de sécurité à l’aéroport de Mitiga à Tripoli peuvent
compromettre les départs, le HCR étudie la possibilité d’organiser des vols à partir de Misrata.
Ce schéma publié par le HCR en mars 2018, présente les évacuations effectuées par le HCR fin
2017. Le Niger est le principal pays vers lequel les évacuations sont effectués (1020 personnes
46
évacuées)19
. L’Italie est le seul pays de l’Union européenne à pouvoir effectuer des évacuations
directes c’est à dire sans avoir besoin de passer par le Niger, car il est le seul pays à posséder
une ambassade sur le territoire Libyen. L’obtention des visas est ainsi possible. La Roumanie
est importante dans ce processus car deux centres de transit sont présents sur son territoire. La
Roumanie ne propose pas de solution durable pour les réfugiés mais est un « SAS de transit »
pour les pays européens.
La réinstallation directe en provenance de Libye reste la solution la plus importante pour les
réfugiés en Libye. La réinstallation en Libye a considérablement augmenté depuis octobre 2017
mais les besoins de réinstallation restent élevés. Les cas sont identifiés par le biais d'équipes de
protection communautaires du HCR. Tous les cas de réinstallation sont soumis à la
détermination du statut de réfugié - soit individuellement, soit par procédure fusionnée. Des
entretiens ont été réalisés en utilisant Skype depuis Tunis pour le moment, mais le personnel
s'est progressivement déplacé à Tripoli pour y mener des interviews.
Selon le HCR, le dispositif d’évacuation, comme nouvel élément stratégique commun, permet
aux évacués d’être réinstallés en toute sécurité, et d’avoir une répartition équitable entre les
pays européens. Les perdants de ce dispositif sont les trafiquants et les passeurs.
Le cadre logique et stratégique du HCR présente à ce jour l’option la plus cohérente pour
remplir les objectifs de la réinstallation. Elle serait la plus appropriée pour sortir de l’impasse
des personnes dans une solution cruelle.
19
Annexe 8 : Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le haut-commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le
Niger
47
4. La concurrence des ONG et des associations
« Les ONG ont une longue histoire de participation à l’identification et
l’orientation des cas de réinstallation. Elles ont aidé à accroître le nombre
de places, à améliorer les processus et à rendre la réinstallation plus
équitable et redevable pour les réfugiés. 20
»
Amy Slaughter.
La réinstallation ne pourrait exister sans la participation active de la société civile. L’État ne
pourrait répondre à lui seul aux besoins des quotas de la réinstallation. C’est à toutes les étapes
du processus que les ONG et les associations interviennent et leurs rôles n’ont pu être amoindris
au fur et à mesure de l’évolution du dispositif. À ces débuts, le HCR était uniquement en charge
de la négociation du nombre de place de réinstallation avec les États, il n’était pas en charge de
la sélection des personnes pour le programme, ce qui est le cas aujourd’hui. Ses missions se
sont élargies et son rôle est devenu incontournable. Le HCR a renforcé ses capacités internes,
et parallèlement son nombre de partenariats avec les ONG. À titre d’exemple, le HCR a
développé un partenariat avec l’IRC pour la sélection des réfugiés pakistanais. Les partenariats
ont permis au programme de réinstallation de grossir. Le nombre de places proposé a augmenté
au fur et à mesure. Cette participation accrue des ONG a permis de mettre en lumière des
questions d’équité et de responsabilité. Les motivations humanitaires étaient constamment
remises en question, notamment par la politique étrangère et son instrumentalisation que nous
verrons par la suite.
La qualité du dialogue entre le HCR et l’OIM ainsi qu’entre les opérateurs doit être primordiale.
Pour autant, la professionnalisation des organismes a complexifié leur relation tout en les
obligeant d’avantage à coopérer.
Historiquement, le HCR et l’OIM sont deux organismes internationaux détachés l’un de l’autre.
Ils ont tous deux un objectif commun : assurer la protection des réfugiés. Récemment, les deux
organismes ont été rattachés l’un à l’autre tout en conservant leurs rôles respectifs. Le HCR
20
Comment les ONG ont contribué à façonner la réinstallation, Amy Slaughter- Revue Migrations Forcées
numéro 54- février 2017
Mémoire sur la protection humanitaire
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Mémoire sur la protection humanitaire

  • 1. 1 L A R É I N S T A L L A T I O N E T L E S A D M I S S I O N S H U M A N I T A I R E S  SONT-ILS DES OUTILS HUMANITAIRES OU DES INSTRUMENTS DE GESTION MIGRATOIRE ?  Mémoire de fin d'études à portée théorique Titre certifié "Manager de projets internationaux " Filière Coopération et Action Humanitaire Soutenance le XX/09/2018 LEA CLAISSE  ©LéaClaisse
  • 2. 2 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier en premier lieu Frédérique Doublet, cheffe du département d’asile et de la protection au sein de la DGEF (Direction générale des étrangers en France) du Ministère de l’Intérieur. Elle m’a donné l’opportunité de travailler sur le programme de réinstallation et d’obtenir des informations dans tous les services de la DGEF. Elle s’est aussi proposée de suivre les avancées de mon mémoire, ce qui me fut d’une grande aide, mon tuteur d’origine ayant eu des empêchements. Possédant une vision globale du programme de réinstallation, elle m’a aidée à définir la problématique et le plan. Elle a aussi pu m’obtenir des entretiens avec des membres du HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) et des opérateurs liés au programme de réinstallation tels que Forum Réfugiés. Je tiens aussi à remercier Séverine Origny Fleishman, adjointe au chef du département. Elle m’a donné l’opportunité de réaliser le lancement du programme de réinstallation des Subsahariens et d’organiser le Core Group de la Méditerranée centrale relatif au développement de la réinstallation. Ces deux activités ont été très enrichissantes pour l’écriture du mémoire. Tout comme Frédérique Doublet, elle m’a appuyée dans mes recherches afin d’orienter correctement ma problématique. Je tiens à remercier tout le département de la Direction de l’Asile qui m’ont fourni les documents nécessaires à la rédaction du mémoire. J’aimerais remercier tout particulièrement l’équipe du département qui travaille sur le programme de réinstallation : Sandrine Cordeiro, responsable du programme, ainsi que Johanna Robion, Julianne Mercier, et Hasan Izik. Je tiens à remercier Forum Réfugiés et tout particulièrement Remy Court de m’avoir reçue une journée à Lyon pour des entretiens. L’équipe de Forum m’a fourni des éléments précieux et apporté une perspective nouvelle sur le programme de réinstallation. En effet, ils ont souligné des points importants que j’espère avoir pu mettre en évidence dans mon mémoire. J’ai aussi pu rencontrer l’opérateur Coallia que je remercie pour son accueil. Enfin, je tiens à remercier Roberto Miranda, mon professeur de PGE (Politique des grandes entreprises) en troisième année à 3A. Sachant que je n’avais pas de tuteur, il s’est porté volontaire pour m’appuyer sur la rédaction de mon mémoire cet été. Son cours théorique a permis d’éclaircir mes idées et sa bonne humeur m’a motivée pour la dernière ligne droite
  • 3. 3 SOMMAIRE La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des instruments de gestion migratoire ? I. La genèse de la réinstallation et des admissions humanitaires A. La réinstallation et l’admission humanitaire : des instruments de protection internationale B. L’évolution européenne : d’une incitation financière à un usage stratégique C. La mise en œuvre de ces programmes II. La réinstallation : action ou artifice humanitaire ? A. La réinstallation est un engagement volontaire des États et de la communauté internationale pour la protection des réfugiés B. La réinstallation s’inscrit dans une logique de Co-développement C. La réinstallation est aussi instrumentalisée politiquement III. Prospectives de la réinstallation A. Une vision stratégique globale : un cadre de l’UE pour la réinstallation B. La réinstallation peut mener à des mesures de Co-développement C. Les programmes complémentaires à la réinstallation : le parrainage privé
  • 4. 4 TABLE DES ABRÉVIATIONS ADA : Attestation de demande d’asile CADA : Centre d’accueil de demandeurs d’asile CAI : Contrat d’accueil et d’intégration CESE : Comité économique et social européen CESEDA : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CIR : Contrat d’intégration républicaine CJUE : Cour de justice de l’Union Européenne CPH : Centre provisoire d’hébergement CSAI : Centre social d’aide aux migrants DAR : Aide au développement pour les réfugiés DGEF : Direction générale des étrangers en France DIHAL : Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement EASO : European Asylum Support Office FAMI : Fonds Asile, Migration et Intégration HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés MAEDI : Ministère des affaires étrangères et du développement international MENA : Moyen-Orient et Afrique du Nord OFII : Office français de l’immigration et de l’intégration OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides OIM : Organisation internationale pour les migrations PPRD : Programme régional de développement et de la protection RRF : Resettlement Registration Form UA : Union Africaine UE : Union Européenne
  • 5. 5 INTRODUCTION La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des instruments de gestion migratoire ? « La communauté de la réinstallation se trouve à un tournant décisif, non seulement parce qu’un nombre de plus en plus élevé de réfugiés ont désespérément besoin d’une solution dans un pays tiers mais aussi parce que la réponse internationale est sévèrement inadaptée » William Lacy Swing, directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations. La réinstallation occupe de nouveau le devant de la scène. Pourtant, en dépit d’un débat de la communauté international intense, le sujet demeure sensible, voir miné. Pourquoi ? Parce que durant les dernières années, il a été constamment instrumentalisé politiquement. Les objectifs, les moyens, les dispositifs des programmes de réinstallation et d’admissions humanitaires ont été perdus de vue. Seul le constat est unanime pour les acteurs de terrain : nous avons besoin de financement plus fiables, d’un nombre plus élevé de pays de réinstallation, de quotas plus grands et plus prévisibles et d’une meilleure inclusion des bénéficiaires. La réinstallation consiste à transférer, à la demande du Haut-Commissariat aux réfugiés, des réfugiés d’un pays d’asile à un autre État qui a accepté de les admettre et de leur accorder une résidence permanente. Ainsi, la réinstallation permet d’accorder une protection internationale à une personne vulnérable qui se trouve dans l’incapacité de s’intégrer durablement dans le premier pays d’accueil. Aujourd’hui, les trois dispositifs en faveur de la protection durable des réfugiés présentés par le Haut-Commissariat aux réfugiés sont : le retour volontaire, l’intégration sur place, la réinstallation. Jusqu’à présent, la réinstallation était conçue dans ce sens-là. Un réfugié sous mandat du HCR est sélectionné, puis transféré dans un pays d’accueil ou il est suivi par une
  • 6. 6 association pour son intégration. La réinstallation est réservée à une minorité. Parmi les millions de réfugiés, le HCR identifie des réfugiés particulièrement vulnérables en besoin de réinstallation : environ 1% des réfugiés. En 2017, 65 000 personnes ont été réinstallées dans le monde. Il n’existe pas pour les réfugiés de droit à la réinstallation. Accepter ou non un réfugié à la réinstallation est une décision discrétionnaire des États, insusceptible de recours juridique. Pour autant, un refus de réinstallation ne leur fait pas perdre le statut de réfugié qu’ils ont dans le pays de premier asile. Parce que la réinstallation ne peut bénéficier qu’à un petit nombre de réfugiés, le HCR promeut aujourd’hui activement les admissions humanitaires qui consistent à l’ouverture d’autres voies légales pour accéder à des pays tiers. Désormais l’acuité des enjeux nous impose de rompre avec ces pratiques anciennes. Face à la crise européenne, de nombreuses politiques récentes en matière de réinstallation ont émergé comme des réponses à la crise. Dans le cadre d’une approche globale, l’Union Européenne a fait de la réinstallation un instrument de gestion de crise. La réinstallation et les admissions humanitaires sont-ils des outils humanitaires ou des instruments de gestion migratoire ? Selon le droit humanitaire, quatre principes régissent une action humanitaire : Humanité, Neutralité, Impartialité et Indépendance. Alors que selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la gestion migratoire est un « ensemble des décisions et des moyens destinés à la réalisation d’objectifs déterminés dans le domaine de l’admission et du séjour des étrangers ainsi que dans le domaine de l’asile et de la protection des réfugiés et autres personnes ayant besoin de protection ». À première vue, ces deux concepts que tout oppose semblent se rejoindre dans la pratique de la réinstallation et des admissions humanitaires. Cette confusion découle d’un manque de coordination internationale autour des objectifs qu’elle souhaite atteindre. Certains États négocient leurs engagements de réinstallation avec le HCR, d’autre s’engagent de manière bilatérale avec les pays d’accueil.
  • 7. 7 Le dispositif de réinstallation a rarement été examiné : comment fonctionne « l’industrie de la réinstallation » ? Quelles sont les enjeux et les relations de pouvoir autour de cette pratique ? Ces questions devraient se poser au niveau international, national mais aussi local pour tenter de comprendre la pratique de la réinstallation et des admissions humanitaires. Mes recherches sur la réinstallation et les admissions humanitaires se sont centrées principalement sur trois grands axes. Premièrement, une narration descriptive de l’évolution des politiques de la réinstallation et de leur mise en œuvre en Europe et en France tout particulièrement. Deuxièmement, les trois dimensions de l’expérience de la réinstallation : un outil de protection, un instrument de Co-développement, et un outil de gestion migratoire. Cette partie me permet d’expliquer mes hypothèses comme réponse possible à ma problématique afin de procéder ensuite à une étude terrain analysant les bienfaits et les méfaits de la réinstallation et qui validera ou non ces hypothèses. Troisièmement, les prospectives de la réinstallation et des admissions humanitaires comme un moyen pour influencer stratégiquement d’autres solutions durables. En effet, une bonne pratique de la réinstallation peut conduire à des mesures de Co-développement non négligeables dans le futur et à l’ouverture de nouveaux programmes complémentaires comme le parrainage privé.
  • 8. 8
  • 9. 9 I) La genèse de la réinstallation et des autres voies d’accès A. La réinstallation et l’admission humanitaire : des instruments de protection international 1. Le rôle spécifique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés Aujourd’hui dans le monde, il y a plus de 65 millions de réfugiés et déplacés internes, dont 22 millions de réfugiés qui ont trouvé refuge dans un pays tiers. Selon la Convention de Genève de 1951 et son protocole additionnel de 1967, un réfugié est une personne qui se trouve hors de son pays d’origine ; qui craint avec raison d’être persécutée du fait de son appartenance communautaire, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social, ou de ses opinions politiques et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de la dite crainte. Le Haut-Commissariat des Nations Unies a pour but de sauvegarder les droits et le bien-être des réfugiés. Il s’efforce de garantir à toute personne en besoin de protection, qu’elle puisse exercer son droit d’asile et trouver un refuge sûr dans un autre Etat, avec pour option de retourner volontairement chez elle, de s’intégrer sur place ou d’être réinstallée dans un pays tiers. En effet, il existe trois solutions durables ouvertes aux réfugiés promus par le Haut- Commissariat pour les réfugiés (HCR) : • Le rapatriement volontaire dans le pays d’origine une fois que la situation s’y est stabilisée. • L’intégration sur place dans le pays de premier asile. • La réinstallation dans un pays tiers dans le cas de situations où il est impossible pour une personne de rentrer chez elle ou de rester dans le pays d’accueil. L’agence travaille dans 130 pays, et s’occupe actuellement de 65 millions de personnes relevant de sa compétence dont 32 millions de déplacés internes, 22,5 millions de réfugiés dont 17,2 de
  • 10. 10 réfugiés directement assistés par le HCR, 10 millions d’apatrides, et plus de 1,7 millions de demandeurs d’asile. C’est en Afrique que se trouve le plus grand nombre de réfugiés (30% de l’ensemble des réfugiés), vient ensuite le Moyen Orient (26%), l’Europe (17%), les Amériques (16%) et l’Asie-Pacifique (11%). Le HCR occupe une place particulière en France dans le domaine de l’asile. Le délégué en France du HCR participe (sans voix délibérative) aux séances du conseil d’administration de l’OFPRA (Office Français de protection des personnes réfugiés et apatrides). Chaque formation de jugement de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), comporte parmi ses trois membres un représentant français désigné par le HCR. C’est une particularité française. Aussi, les autorités entretiennent des liens réguliers avec la délégation française du HCR ainsi qu’avec le siège, sur des sujets d’intérêt commun. Des rencontres bilatérales à haut niveau sont organisées une fois par an à Paris depuis 2011 par la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF), associant le HCR et les acteurs institutionnels français sur les aspects généraux de l’asile et les évolutions des politiques. 2. Une solution durable pour une minorité de réfugiés vulnérables La réinstallation consiste à transférer, à la demande du HCR, des réfugiés d’un pays d’asile à un autre Etat qui a accepté de les admettre et de leur accorder une résidence permanente. Parmi les millions de réfugiés, le HCR identifie des réfugiés particulièrement vulnérables en besoin de réinstallation (environ 1% des réfugiés1 ). Cela reste une solution minime. Il est nécessaire de bien distinguer la réinstallation d’une « demande d’asile externalisée », comme on peut l’entendre parfois à tort et qui est une procédure qui n’existe pas. Dans le cadre de la réinstallation, il ne s’agit pas ici de demandeurs d’asile mais de réfugiés placés sous le mandat du HCR. Il n’existe pas pour les réfugiés de droit à la réinstallation. Accepter ou non un réfugié à la réinstallation est une décision discrétionnaire des Etats insusceptible de recours juridique. Et un refus de réinstallation ne leur fait pas perdre le statut de réfugiés qu’ils ont dans le pays de premier asile. En revanche, si la France dit non à la réinstallation, ce n’est pas un non pour une demande d’asile. La confusion est fréquente2 . 1 http://www.unhcr.org/fr-fr/protection/resettlement/5890c4a34/apercu-reinstallation-refugies-seffectue-etats- unis.html 2 Entretien avec Séverine Origny Freishmen, adjointe au chef du département de l’Asile et de la protection, DGEF
  • 11. 11 Le dispositif de réinstallation répond à des objectifs qui correspondent à certains principes de la Convention de Genève. Il s’agit de fournir une protection durable aux personnes vulnérables, notamment lorsque les autres solutions ne sont pas possibles. Mettre en place « le principe de solidarité internationale envers les pays de premier accueil, en répartissant les charges, afin de les aider à faire face à l’afflux de réfugiés et à renforcer leurs capacités à les protéger »3 . La réinstallation permet de trouver des solutions adaptées aux différents individus notamment en offrant un accès direct au statut, une insertion professionnelle et un logement indépendant. Elle permet aussi de « participer activement aux efforts de gestion de crise humanitaire », particulièrement celle de la crise actuelle en Syrie. Le HCR estime en 2018 le nombre de personnes qui pourraient être en besoin de réinstallation à près de 1,2 millions. C’est à dire le nombre de personnes qui rempliraient les critères de vulnérabilité qu’il a établi et pour lesquels une installation dans un pays tiers serait la meilleure solution. Environ 40% d’entre eux sont des Syriens, 12% sont des Congolais de RDC, 8% des Centrafricains. En pratique, les personnes réinstallées restent une infime minorité des réfugiés. En 2014, 73 000 personnes sont réinstallées dans le monde. En 2015, il s’agit de 81 000 personnes, mais en 2016 dans une année de forte mobilisation internationale, 126 000 personnes sont réinstallées. En 2017, 65 000 personnes ont été réinstallées. Le rapport d’activité du HCR indique qu’en 2017 : - 172 000 réfugiés et migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée (119 350 en Italie, 29 700 en Grèce et 22 100 en Espagne). Parmi ces arrivants par la mer en Europe, 18,4 % sont des enfants et plus de la moitié d’entre eux étaient non accompagnés ou séparés de leur famille. Plus de 3120 réfugiés et migrants ont perdu la vie ou ont été portés disparus en traversant la Méditerranée en 2017. - La Turquie reste le pays qui abrite le plus grand nombre de réfugiés (3,4 millions de Syriens et 343 000 réfugiés d’autres nationalités). 3 Réseau européen des migrations, Programme de réinstallation et d’admission humanitaire en Europe-qu’est ce qui fonctionne ? 9 nov 2016, p20 (consulté le 02/02/18)
  • 12. 12 Le HCR ne cesse d’encourager les Etats Européens à proposer davantage de places de réinstallation chaque année, tout en notant la forte progression réalisée en 2017. Cette année, 25 pays européens ont réinstallé environ 26 400 réfugiés, alors que 17 100 l’avaient été par 23 pays en 2016. Parce que la réinstallation ne peut bénéficier qu’à un petit nombre de réfugiés, le HCR promeut aujourd’hui activement l’ouverture d’autres voies légales pour accéder à des pays tiers. Cela peut être, et on y reviendra, des programmes de parrainages privés, de la réunification familiale, des programmes à l’attention des étudiants réfugiés. 3. L’évolution de ces outils de protection et les nouvelles directions stratégiques du HCR La réinstallation, aujourd’hui élément essentiel de la protection internationale a évolué au fil des décennies. Elle fut utilisée pour la première fois entre les deux guerres mondiales notamment pour des russes fuyant la révolution dans les années 1920 en Chine, puis pour les juifs fuyant les persécutions nazies. En 1951, la création d’une nouvelle entité entièrement consacrée à la protection internationale des réfugiés (HCR) a fait de la réinstallation un instrument clé de la protection des personnes vulnérables. La réinstallation des réfugiés Hongrois en 1956 est l’une des missions de réinstallation les plus notable. Pendant la répression du pays, 180 000 Hongrois se sont enfuis vers l’Autriche et 20 000 autres vers la Yougoslavie4 . Plus de 37 pays tels que la Suède (73 000 personnes) et la Norvège (1700 personnes) ont accepté d’accueillir les réfugiés Hongrois. A cette époque, le Comité international de la Croix Rouge était fortement impliqué dans le processus de la réinstallation. Il participa notamment à la réinstallation des minorités asiatiques expulsées de l’Ouganda en 1972 et celle des latino-américains fuyants le Chili à partir de 1973. Lors de l’exode massif des « Boat people »5 , certains pays d’accueil se sont mis à refuser l’entrée des bateaux sur leur territoire. Face à cette crise humanitaire, la communauté internationale est 4 Réinstallation, Oxford Refugee Institute : la réinstallation des réfugiés Hongrois en 1956, Amanda Cellini, pages 6-7 (consulté le 13/05/18) 5 http://www.unhcr.org/fr/5162da949.pdf Histoire de la Réinstallation, p49 (consulté le 6/03/18)
  • 13. 13 parvenue à un accord permettant un accès aux pays limitrophes précédant une réinstallation dans des pays-tiers. À ce jour, les États-Unis constituent historiquement le plus important pays de réinstallation, malgré l’élection de Donald Trump. Ce dernier n’a pas arrêté le programme. Les objectifs sont amoindris mais toujours présents. « Depuis 1975, les Etats-Unis ont accueilli plus de trois millions de réfugiés pour la réinstallation 6 ». Le Canada et l’Australie sont tout autant importants dans l’histoire de la réinstallation. L’Union Européenne est en retard mais semble s’investir davantage dans la réinstallation depuis la crise politique migratoire qui a bousculé l’équilibre de ses États membres en 2015 suite à l’arrivée massive des Syriens. La réinstallation n’est donc pas une procédure nouvelle, elle existe depuis des décennies, mais elle a pris une dimension nouvelle ces dernières années, tout particulièrement dans le cadre de la crise syrienne. Dans ce cadre, à partir de 2013, il y a eu une multiplication des appels à solidarité vis à vis des pays de premier asile très touchés par la crise : tout particulièrement le Liban, la Jordanie, et la Turquie. En 2016, plusieurs conférences internationales ont été organisées pour mobiliser en faveur d’une plus grande coopération internationale afin de partager de manière plus équitable les responsabilités envers les réfugiés. Il n’est plus ici question de juste envoyer l’aide humanitaire au pays de premier asile, même si cela reste indispensable, mais concrètement de soulager la charge qui pèse sur les pays de premier asile en réinstallant des réfugiés qui s’y trouvent. C’est dans ce sens-là qu’a été organisée la réunion de haut niveau sur le partage au plan mondial des responsabilités par des voies d’admission des réfugiés syriens qui s’est tenue le 30 mars 2016 au HCR à Genève. Réunion symboliquement ouverte par le Secrétaire Général des Nations Unies qui montre aussi l’implication croissante de l’ONU dans la question migratoire. Environ 15 000 nouvelles places de réinstallation et autres voies d’admission ont été confirmées pendant et immédiatement après la réunion de haut niveau. Mais l’évènement le plus important est bien entendu la Résolution de l’AG des Nations Unies du 19 septembre 2016 qui démontre une volonté politique des dirigeants mondiaux de protéger les droits des migrants et des réfugiés et de partager la responsabilité à l’échelle mondiale. 6 http://www.unhcr.org/fr-fr/protection/resettlement/5890c4a34/apercu-reinstallation-refugies-seffectue-etats- unis.html
  • 14. 14 Les États membres sont parvenus à un consensus pour aboutir à la Déclaration de New York des réfugiés et des migrants. Consensus d’autant plus remarqué que tous les États ne sont pas signataires de la Convention de Genève sur les réfugiés. Cette déclaration de 2016 s’engage de manière claire en faveur de la réinstallation et les autres voies d’admission légales pour les réfugiés. Elle dispose de trois paragraphes dédiés sur le sujet, les 77, 78 et 79 qui indiquent que : • Les États s’engagent à accroitre le nombre de places à la réinstallation ou autres voies légales (visas). • Les États qui n’ont pas encore de programmes de réinstallation sont appelés à en mettre en place, et ceux qui en ont à élargir leur programme. • Les États sont invités à mettre en place d’autres programmes d’admission, réunification familiale, parrainages. En complément, en deçà, les extraits correspondants de la Déclaration : « 77. Nous avons l’intention d’accroitre le nombre et la diversité des voies de droit offertes aux réfugiés en vue de leur admission ou de leur réinstallation dans un pays tiers, ce qui, en plus d’alléger le sort des intéressés, présente des avantages tant pour les pays tiers, qui reçoivent des réfugiés que pour ceux qui accueillent d’importantes populations. 78. Nous exhortons les États qui n’ont pas encore mis en place des programmes de réinstallation à envisager de le faire dans les meilleurs délais ; ceux qui l’ont déjà fait sont encouragés à en augmenter l’étendue. Notre objectif est de fournir des lieux de réinstallation et d’autres voies d’admission à une échelle qui permettrait de répondre aux besoins que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés recense annuellement. 79. Nous comptons envisager l’expansion des programmes d’admission humanitaire existants, la possibilité de programmes d’évacuation temporaire (notamment pour raisons médicales), la
  • 15. 15 mise au point d’arrangements souples qui faciliteraient le regroupement familial, le parrainage privé des réfugiés individuels, les possibilités, pour les réfugiés, de mobilité professionnelle, notamment par le biais de partenariats avec le secteur privé, et d’accès aux études, au moyen de bourses et de visas d’étudiants. » Ces appels politiques ont été suivis d’effets puisqu’en 2016, la réinstallation a atteint son niveau le plus haut en 20 ans. Pour qu’il y ait un véritable partage de responsabilités, et pour maintenir la dynamique impulsée en 2016, il y a deux enjeux importants : • Continuer à élargir significativement les États qui mettent en place de la réinstallation pour aller au-delà des principaux pays de réinstallation qui étaient jusqu’à encore récemment les États-Unis et le Canada. • Assurer la pérennité des programmes mis en place. Dans le cadre du Pacte des réfugiés, en préparation par le HCR à la suite de la Déclaration de New York, la réinstallation aura également un rôle important à jouer. Au-delà de ces conférences, indispensables pour donner l’impulsion politique nécessaire à la mise en place de programmes de réinstallation, le HCR a mis en place des instances pour appuyer les États à la mise en place d’un programme de réinstallation. Des conférences annuelles tripartites, HCR, États et ONG, sont organisées pour partager les expériences et ces dernières années de nouveaux pays se sont joints à ces conférences, notamment des pays comme le Brésil, l’Argentine, le Chili, le Japon. Par ailleurs, lorsque le HCR souhaite mettre l’accent sur la réinstallation des réfugiés, il met en place des « Core Groups », c’est à dire des groupes de travail qui permettent de partager l’information sur la situation dans les pays de premier asile, de partager les expériences entre les États de réinstallation mais aussi de réfléchir collectivement à l’amélioration des processus. Dans ces enceintes, les nouveaux États de réinstallation peuvent trouver les réponses pratiques aux questions qu’ils se posent pour mettre en place des programmes de réinstallation dans de nouvelles zones. Il y a depuis 2013 un Core Group pour la réinstallation des Syriens, qui regroupe 30 pays dont la France. Depuis 2017, un Core Group pour la réinstallation à partir des
  • 16. 16 pays qui se trouvent sur la route migratoire menant à la Méditerranée Centrale. Ce groupe est co-présidé par le HCR et la France et regroupe une quinzaine d’États déjà présents sur la zone ou envisageant de le faire. Le budget pour les opérations du HCR en Europe s’élève à 876,3 MUSD pour 2018 ; 43% sont destinés au soutien des réfugiés syriens et 32% à la situation de la Méditerranée Centrale. 4. Les engagements volontaires de la France en matière de réinstallation et d’admission humanitaire Les engagements de la France sont volontaires et dans le cadre des engagements pris avec l’UE. En plus d’un programme annuel de réinstallation mis en place depuis 2008 avec le HCR, la France a initié en 2014 un programme d’accueil spécifique de 500 syriens, qui a été renouvelé en 2015. Ces engagements ont été tenus. En 2014 et 2015, 943 personnes syriennes sont arrivées, dont 394 du Liban et 436 de Jordanie, et 51 d’Egypte. Par ailleurs, 154 personnes sélectionnées au titre des engagements pris en 2014/2015 sont arrivées en 2016. En juillet 2014, les autorités françaises se sont engagées à accueillir des ressortissants irakiens se trouvant encore en Irak et persécutés ou menacés en raison de leur appartenance à des minorités religieuses, notamment ceux ayant fui les exactions commises récemment par les groupes islamistes. Un dispositif spécifique d’accueil a été mis en place et concerne en premier lieu les personnes ayant des membres de leur famille en France, ayant des liens forts avec la France ou se trouvant dans une situation particulière de vulnérabilité. Ces personnes obtiennent un visa de long séjour au titre de l’Asile leur permettant de pénétrer sur le territoire national. A leur arrivée en France, ils doivent se présenter en préfecture afin d’obtenir un formulaire de demande d’asile auprès de l’OFPRA. La préfecture leur remet alors un récépissé de six mois, renouvelables, avec autorisation de travail. Au 31 aout 2017, 5655 accords ont été délivrés par la Direction de l’Asile depuis août 2014.
  • 17. 17 Le tableau ci-dessous reflète annuellement le nombre de visas asile accordés aux Irakiens : Visas asile Irakiens (Nb de pers.) au 31/08/2017 2014 (À compter du 1/08/2014) 2015 2016 2017 Total Accords à la délivrance de visa 1253 2152 1284 966 5655 La France a considérablement renforcé ses efforts à partir de 2016, toujours de manière volontaire : elle s’était engagée à accueillir plus de 10 000 personnes réinstallées. Ces engagements s’inscrivaient dans le cadre de la décision européenne du Conseil du 22 juillet 2017 (2375 personnes), dans le cadre de la déclaration UE-Turquie (6000 personnes) et dans le cadre d’un engagement bilatéral avec le Liban (2000 personnes). Près de 3660 personnes ont été effectivement réinstallées sur la période 2016-2017. Sachant que l’engagement d’accueil au titre de la décision européenne du 22 juillet 2015 a été atteint. Compte tenu de l’importance de maintenir des engagements forts à l’attention des réfugiés syriens, et de l’attention portée à la crise migratoire en Méditerranée nécessitant une réponse adaptée à partir des pays de transit en Afrique, le Président de la République lors de sa rencontre avec le Haut-Commissaire aux réfugiés en octobre 2017, a indiqué les nouveaux engagements français pour 2018/2019. Ceux-ci prévoient les arrivées effectives sur le territoire de 10 000 réfugiés réinstallés sur la période. Par cet engagement, la France souhaite poursuivre les engagements passés afin de permettre les arrivées effectives des personnes déjà identifiées à partir de Turquie, Liban, Jordanie et prévoit de nouveaux engagements. Il fait suite notamment aux engagements pris, le 27 juillet 2017, pour la mise en place de missions de protection, à partir du Niger et du Tchad, dont des réfugiés qui auront été préalablement évacués de Libye par le HCR, permettant l’accueil en France de 3000 personnes en besoin de protection internationale. La situation des migrants qui traversent la Libye est très critique. Beaucoup sont détenus dans des conditions inhumaines, sont victimes de tortures ou de traitements cruels. Depuis novembre 2017, le HCR organise l’évacuation de personnes en besoin de protection vers le Niger, priorisant les personnes en détention en Libye. Les nationalités concernées sont des Érythréens et Ethiopiens, des Somaliens pour les évacués de Libye, Soudanais et Centrafricains pour les
  • 18. 18 réfugiés au Tchad, mais aussi des Ivoiriens, des Maliens, des Nigériens pour les réfugiés au Niger. Ces opérations d’accueil en Afrique s’inscrivent dans une volonté d’apporter une réponse globale à la crise migratoire en Méditerranée, en prévoyant d’un coté de mieux contrôler l’immigration irrégulière et démanteler les filières de passeurs dans les pays menant à la Méditerranée Centrale et d’un autre coté d’ouvrir une voie légale d’accès pour les personnes en besoin de protection. Par rapport aux engagements au Moyen Orient, il a été proposé d’augmenter le volume d’accueil à partir du Liban au détriment de la Turquie. Sachant que les engagements antérieurs vis-à-vis du Liban ont été tenus en matière de sélection (1711 personnes étaient en attente d’arrivée début 2018), il a été proposé de sélectionner 800 personnes supplémentaires vis-à-vis du Liban. De même, il a été proposé de reprendre des engagements vis-à-vis de la Jordanie à hauteur de 260 personnes. En effet, il n’y avait pas eu de missions de sélection en Jordanie en 2017. Le tableau ci-dessous tient compte de cette nouvelle proposition de répartition en faveur du Liban et de la Jordanie : PAYS A PARTIR DUQUEL A LIEU LA RÉINSTALL ATION Arrivées 2016/2017 au titre des engagements précédents (janvier 2016- novembre 2017) Engagements 2018/2019 (de décembre 2017 à octobre 2019) Arrivés depuis décembre 2017 Sélectionnés et en attente d’arriver Reste à sélectionner en 2018/2019 Liban 1565 2600 95 1705 800 Jordanie 662 300 3 29 268 Turquie 1140 4000 160 1776 2064 Niger 0 1500 46 22 1432 Tchad 0 1500 30 184 1286 Autres (sur dossier) 290 100 14 71 15 Total 3657 10000 348 3787 5865
  • 19. 19 En dehors de ses engagements relatifs à la réinstallation et du régime d’asile de droit commun, la France a mis en place d’autres outils de protection, notamment un « Corridor Humanitaire » à partir du Liban. C’est un protocole pour la mise en œuvre d’une opération solidaire de 500 réfugiés en provenance du Liban d’ici fin 2018 signé entre, d’une part, le ministre de l’intérieur et le Ministère des Affaires étrangères et, d’autre part, la Communauté de Saint’Egidio, la Fédération protestante de France, la Fédération de l’entraide protestante, la conférence des évêques de France et le Secours catholique-caritas France. Ce protocole, né grâce à une mobilisation spontanée de la société civile, a pour objet de permettre l’accueil en France de Syriens et Irakiens vulnérables réfugiés au Liban, sans distinction de confession. A leur arrivée en France, ces réfugiés doivent, comme tout détenteur d’un visa au titre de l’asile, faire une demande d’asile auprès de l’OFPRA. L’ambition du projet est de permettre à des réfugiés en provenance du Liban d’être identifiés par les réseaux des promoteurs sur place (affiliés à Sant’Egidio) mais également leur permettre d’accéder légalement au territoire français, puis d’être accueillis et accompagnés par des bénévoles des associations impliquées. Ces derniers s’engagent à prendre en charge, à leur frais, leur voyage, leur accueil et leur hébergement jusqu’à une entrée dans un logement de droit commun. Ce projet donne un cadre conventionnel et structuré à des opérations d’accueil spontanées, mises en place via les visas au titre de l’asile, qui existent depuis 2014 dans le cadre des minorités d’Irak. Ce projet s’inspire directement d’un dispositif mené au Liban par les autorités italiennes sous l’égide de l’association catholique Sant’Egidio. En France, cet engagement est distinct des dispositifs préexistants d’accueil de réfugiés (réinstallation et visa au titre de l’asile de droit commun), et n’a pas vocation à s’y substituer. Ce type de « parrainage privé », très développé dans les États anglo-saxons comme le Canada, gagne en visibilité au niveau international. Mentionné dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants de septembre 2016 comme une voie légale d’accès à développer, cela est fortement promu par le Haut-Commissariat aux Réfugiés qui y voit une opportunité d’accroitre significativement l’accueil pour les réfugiés, en complément à la procédure de réinstallation « traditionnelle » menée par le HCR.
  • 20. 20 B) L’évolution européenne : d’une incitation financière à un usage stratégique Jusqu’en 2015, au niveau européen, la réinstallation était principalement considérée comme relevant de la politique étrangère des États membres et laissée au niveau bilatéral entre les États membres et le HCR. Tout au plus, l’Union Européenne incitait financièrement ses membres à faire de la réinstallation mais ni les procédures, ni les pays bénéficiaires de la réinstallation n’étaient encadrés d’une quelconque manière. Des crédits forfaitaires du FAMI étaient accordés par personne réinstallée, crédits majorés sur les personnes venant de certaines zones considérées prioritaires pour l’UE ou si les réfugiés appartenaient à des catégories particulièrement vulnérables. 1. Un tournant face à l’accroissement des flux migratoires Face à l’accroissement des flux migratoires en Europe en 2015, l’UE a commencé à vouloir donner une place plus importante à la réinstallation en l’inscrivant dans une stratégie globale de réponse à la crise migratoire. L’UE souhaite mettre en place des voies d’entrée sûres et légales en Europe pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale afin d’éviter que celles-ci ne viennent de manière irrégulière en ayant recours à des réseaux de passeurs et prenant des risques pour leur vie. Parallèlement, elle souhaite renforcer ses contrôles aux frontières extérieures de l’UE pour limiter les flux de migrants fuyant pour des raisons économiques non éligibles à l’asile. En avril 2015, le Conseil européen a insisté sur la nécessité de mettre en place un projet pilote volontaire en matière de réinstallation dans toute l’UE, afin d’augmenter le nombre de places proposées à des personnes ayant besoin d’une protection. Cela s’est concrétisé en juillet 2015 avec les conclusions du Conseil en faveur de la réinstallation qui prend un engagement de 22 000 réinstallés. La mise en place de cet engagement doit tenir compte des régions prioritaires en matière de réinstallation, notamment l’Afrique du Nord, le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique. Tous les pays s’y sont engagés sauf la Hongrie. La France dans ce cadre s’est engagée à réinstaller 2375 réfugiés.
  • 21. 21 La relocalisation a été l’une des solutions lors de la crise européenne en 2015. Ce programme découle des décisions du Conseil européen du 14 et 22 septembre 2015. La France s’y est engagée à accueillir environ 30 000 demandeurs d’asile relocalisés. Cependant la relocalisation s’adresse à des demandeurs d’asile et non pas à des réfugiés. C’est pour cela que je ne développerai pas ce programme. Cela mélangerait les concepts. 2. L’usage stratégique de la réinstallation En mars 2016, l’usage stratégique de la réinstallation dans le cadre d’une approche globale de la gestion de la crise politique migratoire est encore accentué dans le cadre de la Déclaration UE-Turquie. La réinstallation est ici présentée comme un moyen de négociation en contrepartie d’une politique de réadmission des migrants vers la Turquie. L’UE appelait les États membres à recentrer leurs efforts de réinstallation pris dans le cadre des conclusions de Juillet 2015 vers la Turquie, puis une fois ces quotas atteints, les autorisait à réaliser des réinstallations supplémentaires en les déduisant de leurs quotas de délocalisation intra-UE. Le mécanisme dit du 1/1 a été fortement contesté dans son principe même par le secteur associatif. Le HCR lui-même a pris ses distances sur le sujet, en ne souhaitant pas cautionner ce 1 pour 1, tout en appuyant la mise en place du volet réinstallation puisque c’était une opportunité d’augmenter de manière significative la réinstallation à partir de la Turquie. Dans les faits, le 1/1 n’a pas fonctionné et les États membres ont mis en place de la réinstallation de Syriens indépendamment des retours des migrants vers la Turquie. 3. Un encadrement pour la réinstallation européenne ? Les délais de réalisation des conclusions de juillet 2015 sont achevés. Au dernier rapport fait par la Commission en novembre 2017, 81% des engagements pris dans ce cadre ont été tenus. Un certain nombre d’États, comme la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et Chypre se sont désengagés et n’ont procédé à aucune réinstallation dans le cadre de ces conclusions.
  • 22. 22 L’UE a fait un nouvel appel pour la réinstallation 2018/2019, et incite les États Membres à dépasser les 50 000 réinstallations, à partir de pays prioritaires que sont la Libye, l’Egypte, le Niger, le Soudan, l’Ethiopie, le Tchad ainsi que la Turquie, la Jordanie et le Liban. Parallèlement, l’UE souhaite davantage encadrer au niveau de l’Union Européenne la réinstallation en prévoyant des plans européens de réinstallation et des procédures communes. Un règlement est en cours de négociation actuellement, en phase de trilogie avec le Parlement Européen. La réinstallation reste néanmoins une démarche volontaire des EM et cela a clairement été demandé par ceux-ci dans le cadre des négociations. Dans le cadre des négociations sur le règlement réinstallation, la France et d’autres pays ont souhaité que le texte soit élargi à d’autres voies légales d’admission humanitaire afin de permettre un accueil plus important de réfugiés dans ce cadre. 4. L’admission humanitaire et d’autres voies légales d’accès comme moyen d’élargir le nombre de réfugiés pouvant être accueillis et de facilitation de l’insertion des réfugiés Comme nous l’avons vu au début, et même si elle a connu une hausse importante, la réinstallation reste réservée à un petit nombre de réfugiés. Aussi, au-delà de la réinstallation, est-il nécessaire de prévoir d’autres voies légales complémentaires, plus souples qui permettent de faire venir légalement des réfugiés. Il y a tout d’abord la réunification familiale qui permet à un réfugié de faire venir son conjoint et ses enfants mineurs. Mais au-delà, il existe d’autres types de programmes qui se développent, et ces programmes ont été dénommés dans le cadre du projet de règlement de réinstallation des programmes d’admission humanitaire. Ces admissions humanitaires recouvrent des réalités variées et peuvent notamment inclure des programmes comme les parrainages privés/communautaires et les visas humanitaires.
  • 23. 23 L’autre forme d’admission humanitaire qui est encouragée sont les visas humanitaires ou les visas au titre de l’asile. Une fois arrivés légalement dans les pays, les bénéficiaires d’un tel visa peuvent faire une demande d’asile et bénéficieront alors des mêmes droits et avantages que tous les autres demandeurs d’asile. Des tentatives pour avoir une règlementation au niveau européen sur le sujet ont été tentées, dans le cadre du code des visas, mais la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) a reconnu qu’il s’agissait de visas long séjour et non pas de visas Schengen et que cela ne relevait donc pas de la réglementation des visas. Enfin, d’autres voies légales s’adressent à des étudiants réfugiés au travers de bourses pour venir étudier dans un pays tiers. C) La mise en œuvre de ces programmes « Le succès de ce programme repose sur la capacité de coordination des acteurs, qu’il s’agisse des postes consulaires, des missions menées par les opérateurs et bien sûr le concours des préfets. » Raphael Sodini, directeur de l’Asile. 1. Une opération partenariale La réinstallation est une procédure partenariale qui implique de nombreux acteurs et qui prend du temps. Dans un premier temps, le HCR identifie, sur la base de données ou recommandations d’associations partenaires, des réfugiés vulnérables. Après avoir eu des entretiens avec eux, le HCR établit un dossier qui est alors transmis à un pays tiers susceptible de pouvoir les accueillir. Le dossier du HCR est un RRF (« Resettlement Registration Form ») prenant la forme d’une carte d’identité et suivi du témoignage de la personne. Le pays de réinstallation examine le dossier, soit sur la base d’un document écrit, soit en réalisant lui-même des entretiens sur place dans le pays de premier asile. En France, c’est l’Office Français de
  • 24. 24 Protection des Réfugiés et Apatrides qui est en charge de réaliser des missions pour s’entretenir avec les personnes sélectionnées par le HCR. Dans cette optique, l’OFPRA est aussi chargé de la remise du statut puis de l’établissement des actes de naissance. Si le dossier est accepté, le pays de réinstallation délivre alors un visa de long séjour et organise, en lien avec l’Office des Migrations Internationale (OIM), le voyage vers la ville où le réfugié sera accueilli. Un accueil spécifique est en général organisé pour ces réfugiés réinstallés. Cet accueil comprend généralement des cours d’orientation culturelle, de langue et des formations professionnelles, ainsi que des programmes favorisant l’accès à l’éducation et à l’emploi. Toutefois la durée de cet accompagnement varie d’un État à l’autre. En Autriche, des formations d’orientation culturelle de deux jours sont organisées pour les personnes sélectionnées. En France, la formation dure une matinée. Cette session d’orientation est primordiale dans la coordination du dispositif. En France et en Autriche, la diffusion de ces informations est organisée conjointement avec l’OIM et permet aux arrivants un premier travail d’adaptation à leur nouvelle vie. Les opérateurs de l’État soulignent le caractère essentiel de ces formations pour la prise en charge et l’intégration des personnes une fois arrivées. Forum Réfugiés a noté une différence entre les Syriens et les Subsahariens qui n’avaient pas eu droit à une session d’orientation culturelle faute de moyens et de temps lors des missions. L’intégration et le suivi de ces personnes ont étés plus compliqués. Ainsi l’association organise par elle-même des sessions d’information culturelle afin de privilégier un accompagnement personnalisé. Des informations sont donc régulièrement délivrées par un référent unique chargé du suivi de ces personnes réinstallées. Pour la France, ces opérations impliquent donc outre le HCR, l’Office Français de protection des réfugiés et apatrides, l’Office des migrations internationales, les services consulaires, et des associations partenaires chargées de l’accueil en France. La réinstallation est coordonnée par la Direction de l’Asile de la Direction Générale des Étrangers en France du Ministère de l’intérieur. En effet, la Direction de l’Asile pilote la politique notamment dans le cadre de ses relations avec le HCR et de ses liens avec les postes consulaires afin de suivre l’évolution dans le pays d’origine et vérifier que le retour n’est pas possible mais aussi de vérifier les conditions d’intégration dans le pays de premier accueil ainsi que pour la délivrance des visas. La Direction de l’Asile valide les listes de candidats et s’assure du suivi avec l’OIM et les opérateurs via l’OFII pour le voyage, l’arrivée en France et le logement.
  • 25. 25 Cette coordination est un travail quotidien qui nécessite une organisation méthodique afin d’éviter tout biais dans la communication qui pourrait ralentir le processus. La réussite du dispositif passe donc par une bonne concertation des acteurs. À cette fin, plusieurs initiatives sont notables : le programme SHARE fut initié en 2012 par le HCR, l’OIM ainsi que par le Bureau Européen de la Commission Internationale Catholique pour les Migrations (ICMC). « L’objectif de ce programme est de construire un réseau européen de villes et de régions accueillant des réfugiés réinstallés. Sont associés à ce réseau les acteurs de la société civile impliqués dans les politiques d’accueil et d’intégration des migrants et réfugiés. 7 » En France, l’initiative la plus notable est tout d’abord l’élection en 2015 d’un préfet chargé de la mission de coordination pour l’accueil des réfugiés syriens puis récemment la création d’un délégué interministériel à l’intégration des réfugiés. La nomination d’Alain Régnier découle du « Plan Migrants » du 12 juillet 2017. Le délégué « sera chargé de coordonner l’arrivée en France des réinstallés et d’organiser leur accueil dans de bonnes conditions. Il coordonnera l’entrée des réfugiés dans le logement. Cela suppose de mobiliser, dans les territoires, davantage de logements vacants, y compris auprès de bailleurs privés. Les préfets et les opérateurs associatifs seront mobilisés dans ce but 8 ». 2. La procédure de soumission et d’examen des dossiers des programmes de réinstallation et d’admission humanitaire La première sélection du candidat pour la réinstallation ou les programmes d’admission humanitaire est à la charge du HCR. S’agissant de la réinstallation, le HCR identifie les dossiers susceptibles d’être soumis aux autorités françaises. Ce sont les autorités locales du HCR qui transmettent les dossiers et non le siège. Il en est de même pour les Accords-Cadres. En revanche, les dossiers Visa D sont transmis par les autorités consulaires françaises en Irak à la DGEF. Ce choix résulte d’une recherche dans la base de données du HCR : « Progress ». Cette base de données actualise régulièrement les problèmes de protection auxquels sont confrontés les 7 Première étude ciblée 2016- Programmes de réinstallation et d’admission humanitaire en France- Étude réalisée par le Point de contact français du Réseau européen des migrations- p 11 (consulté le 17.01.18) 8 https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/24/six-mois-apres-le-poste-de-delegue-interministeriel-a-l- integration-des-refugies-finalement-pourvu_5246381_3224.html Le Monde, le 24 janvier 2018.
  • 26. 26 individus et l’évolution de leur situation. Le HCR ayant mené préalablement des entretiens avec l’individu afin d’avoir le dossier le plus complet possible pour les placer sous mandat strict du HCR. Cette étape résulte de l’analyse de plusieurs critères de vulnérabilité : besoin de protection juridique et/ou physique du réfugié dans le pays d’asile ; survivants de violences et de tortures ; besoins médicaux ; femmes et filles dans les situations à risque ; regroupement familia l; enfants et adolescents dans les situations à risques ; absence d’autres solutions durables à court terme9 . Le HCR peut attirer l’attention sur des dossiers urgents. Une fois que la liste du HCR est prête, elle est envoyée au ministère de l’intérieur qui saisit l’UCLAT afin de savoir si les personnes ne sont pas déjà enregistrées auprès de nos autorités. Cette liste est transmise à l’OFPRA qui est chargé de l’examen des dossiers sur place lors des missions foraines. Les missions foraines permettent aux agents de protection de l’OFPRA de se déplacer, plusieurs fois dans l’année, afin d’entendre de potentiels réinstallés ou demandeurs d’asile. Les entretiens sont simultanément organisés par le HCR, l’OFPRA et l’OIM selon la responsabilité de chacun. Les entretiens organisés sur place sont une spécificité propre à la réinstallation. Les Accords-Cadres et les admissions humanitaires sont reçus par l’OFPRA une fois sur le territoire français car c’est la responsabilité du ministère de l’intérieur d’autoriser un Accord-Cadre à rentrer sur le territoire français, tout comme les visas accordés dans le cadre des corridors humanitaires. Cependant, une fois sur le territoire, un accord-cadre ou une personne des corridors humanitaires peut ne pas recevoir le statut de réfugié ou de protection subsidiaire. L’OFPRA rend sa décision en toute indépendance. En cas de refus, ils pourront tout de même faire appel à la CNDA (Cours Nationale du Droit d’Asile). S’agissant de la réinstallation, la situation est différente car la personne est déjà réfugiée lorsqu’elle arrive sur le territoire français. La direction de l’Asile est alors compétente pour rendre la décision de réinstallation et l’OFPRA est chargé de la remise du statut aux personnes réinstallées à leur arrivée en France. 9 Première étude ciblée 2016-Programmes de réinstallation et d’admission humanitaire en France- Réseau Européen des Migrations- Juin 2016- p28 (consulté le 03.03.18)
  • 27. 27 Concernant les contrôles sanitaires, ils sont de la responsabilité de l’OIM. L’organisme est en charge d’effectuer un examen médical. Celui-ci a lieu après la sélection, dans la phase de préparation à l’arrivée. Cet examen à lieu 48 heures avant le départ du pays afin que sa situation sanitaire n’évolue pas de manière imprévisible. Il a été mis en place afin de vérifier que les personnes peuvent voyager. Le médecin en charge prescrit si besoin l’assistance nécessaire lors du voyage. Cet examen permet aussi de clarifier les besoins des personnes vulnérables une fois sur place, notamment pour les personnes immobilisées qui aurait besoin d’un logement spécifique (logement PMR) ou d’un suivi médical spécifique. Cela peut engendrer des problématiques au regard de la répartition des personnes sur le territoire, comme nous le verrons plus loin. Si ces examens ont permis d’amoindrir les reports de départs, ils ne les ont pas supprimés. Le transport de personnes vulnérables est un exercice délicat. Les équipes de l’OIM peuvent en témoigner. Tout comme les contrôles sanitaires, l’assistance avant le départ est à la charge de l’OIM. Il y a de fortes relations entre le HCR et l’OIM quant à la transmission des dossiers sélectionnés par les autorités françaises. La complémentarité des deux organismes est récente. Historiquement concurrents, leur association a permis une meilleure coordination et une plus grande fluidité quant au processus de réinstallation. L’OIM est chargé de tous les aspects logistiques des missions tant au niveau de la sélection, que dans les modalités de transport à l’arrivée en France. L’OIM est aussi responsable de plusieurs interfaces, avec le ministère de l’intérieur mais aussi les opérateurs. S’agissant du départ, l’OIM est chargé de faciliter l’obtention de l’autorisation de sortir du territoire. Malgré tout, cela reste à la charge des autorités françaises. Le ministère de l’intérieur envoi un courrier formel à l’ambassade du pays concerné qui assure par la suite que les autorisations de sortie du territoire soient notifiées le plus rapidement possible par les autorités libanaises ou turques. C’est dans la foulée de la réservation des billets d’avion pour le départ que ce courrier est envoyé. Il est arrivé plusieurs fois que cette autorisation soit refusée ou différée par la Turquie sans justification.
  • 28. 28 3. Le rôle des contrôles sécuritaires Le rôle principal est de vérifier que la personne n’est pas une menace pour la sureté de la France, notamment qu’elle n’est pas un risque terroriste. Il n’est pas attendu des services de sécurité qu’ils vérifient le fait que les personnes soient éligibles au statut de réfugié. Ceci a déjà été fait par le HCR et c’est l’OFPRA qui vérifie si oui ou non, au regard des critères de la France, la personne est éligible au statut de réfugié en France. L’OFPRA est cependant toujours présent sur place afin de faire les entretiens. Un premier contrôle est fait en amont par criblage sur base par l’UCLAT. C’est la Direction de l’Asile qui saisit l’UCLAT dès que le HCR lui transmet les dossiers des personnes. Si une alerte est faite par l’UCLAT, les missionnaires qui vont faire les entretiens en sont informés. En fonction du type d’alerte, il revient aux missionnaires de déterminer si oui ou non ils font un entretien. À titre d’exemple, l’UCLAT a remarqué qu’une personne fichée au Fichier des Personnes Recherchées a été identifiée sur base. Les missionnaires ont eu un doute sur le fait qu’il s’agissait bien de la même personne et ont préféré avant de le refuser faire un entretien sur place. L’entretien a confirmé le doute d’homonymie. Les recherches complémentaires ont permis de confirmer qu’il ne s’agissait pas de la même personne et cette dernière a pu être acceptée. Tous les adultes sont entendus en entretien par les services de sécurité. Les jeunes de 16 à 18 ans peuvent être entendus si les services de sécurité le jugent utile. C’est l’OIM qui est en charge de faire le planning des entretiens en fonction de la disponibilité des interprètes. Aussi, les agents de l’OFPRA ayant entendu aussi tous les réfugiés, il est nécessaire que les services de sécurité puissent régulièrement échanger avec eux (étant entendu que la demande d’asile est confidentielle et que l’OFPRA n’échangera pas d’informations sur le fond de la demande). Les missionnaires disposent aussi des dossiers établis par le HCR, qui comportent des informations sur la composition familiale, sur le parcours d’exil des réfugiés. La section relative aux risques d’exclusion est intéressante au niveau sécuritaire car si le réfugié a par exemple été incorporé dans un groupe armé c’est là que le HCR émet une alerte et explique pour quelles raisons il considère que, malgré tout, la personne peut avoir le statut de réfugié. Ces entretiens découlent d’une procédure administrative et policière attachée au respect de l’identité française. Cependant, sans ralentir le rythme de la procédure, ils permettent d’éviter de nombreux biais. A titre de comparaison, les États-Unis effectuent quant à eux quatre
  • 29. 29 entretiens sécuritaires. Rares sont les incidents perpétrés par les réinstallés, mais le risque n’est pas nul. Les opérateurs ont fait remonter deux incidents durant l’année 2018 concernant des réinstallés tenant des propos alarmants concernant Daesh. Si ces informations fuitent, ils peuvent signer la fin du programme. 4. Les documents et services délivrés aux personnes réinstallées Lors de l’arrivée des personnes réinstallées, les opérateurs sont en charge du suivi des procédures administratives leur permettant d’ouvrir les droits des réinstallés. Concernant les personnes bénéficiant du corridor humanitaire et tout autre admission humanitaire c’est à dire les personnes arrivées en France avec un Visa D de long séjour, ils doivent se rendre dans la préfecture et au guichet unique compétent, où un demandeur d’asile classique dépose sa demande. Il s’agit d’une anomalie administrative. Lorsqu’ils auront déposé leur demande, ils reçoivent un récépissé permettant d’attester de leur légitimité sur le territoire français. Dans les 21 jours suivant la demande, les personnes doivent déposer leur demande à l’OFPRA en précisant le fait de vouloir bénéficier du programme de réinstallation. Un formulaire est prévu à cet effet. Sachant que ces personnes sont déjà reconnues par le HCR comme réfugiées, il s’agit d’un transfert de statut. Ils recevront une carte de résident de dix ans qui reconnait le statut de réfugié. Pour le programme de réinstallation classique, c’est-à-dire « Hors Accord-Cadre », les personnes ont déjà été entendues par l’OFPRA lors de ses missions foraines. En conséquent, ils ne passent pas par la préfecture ni par l’OFPRA en arrivant. C’est dès leurs arrivées qu’ils reçoivent la notification de la décision de l’OFRPA. Ils peuvent recevoir le statut de réfugié ou une carte de séjour temporaire s’ils reçoivent la protection subsidiaire. Les personnes réinstallées sont couvertes par les mêmes droits que les étrangers titulaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, notamment en matière de réunification familiale et de naturalisation. La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 précisent les conditions pour cette réunification. Un dossier comprenant plusieurs justificatifs permet aux postes consulaires et à la direction de l’Asile du Ministère de l’Intérieur d’instruire la demande. Les réfugiés réinstallés
  • 30. 30 peuvent obtenir la naturalisation française par décret dans les conditions que précise l’article 21-27 et 21-29 du Code Civil. Un réfugié pourra obtenir la naturalisation sans justifier d’une résidence en France durant cinq ans, alors que le titulaire d’une protection subsidiaire devra la justifier. Les opérateurs peuvent en théorie appuyer les familles réinstallées dans ces démarches. Mais en pratique, l’aide de l’opérateur ne se fait que pour la réunification familiale. La naturalisation venant bien après la fin de l’engagement de l’opérateur auprès de ces familles réinstallées. Les personnes réinstallées reçoivent une indemnité hebdomadaire qui correspond à une garantie de ressource minimum, tout comme l’ADA (Allocation pour les Demandeurs d’Asile) qui s’élève à 6,75 euros. En revanche, les personnes réinstallées, contrairement aux autres bénéficiaires classiques d’une protection internationale, obtiennent une assistance en nature de la part des opérateurs qui leur fournissent de la nourriture, des vêtements, le coût du transport, du mobilier, des articles ménagers et autres besoins de première nécessité. Un contrôle médical est fourni par l’OFII et des interprètes doivent être prévus par les opérateurs. Concernant l’éducation des enfants, ils doivent être inscrits dans les rectorats le plus rapidement possible. Concernant les personnes réinstallées dans un logement, l’inscription des enfants se fait généralement plus rapidement car elle nécessite une adresse pérenne. Mais pour les personnes réinstallées dans des centres de transit ou dans d’autres types de structures en attendant qu’un logement soit trouvé par l’opérateur, l’inscription des enfants est compliquée car ils pourront être déplacés dans un autre département. Ce qui est le cas des réfugiés réinstallés Subsahariens. Les opérateurs ont alors ouvert des classes permettant aux enfants dans un premier temps d’apprendre la langue française. L’accès au droit CMU et CAF est réalisé par l’opérateur. D’une façon générale, la signature du contrat d’intégration républicaine et l’inscription à Pôle Emploi sont réalisées une fois la famille installée dans le logement. Rappelons que la durée d’accompagnement par l’opérateur est d’un an et commence à compter du transfert des familles dans le logement pérenne.
  • 31. 31 5. La coordination des arrivées en France Depuis 2016, la coordination des arrivées se fait en lien avec la Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement (DIHAL) qui gère les relations quotidiennes avec les opérateurs sur le terrain et s’assure des accords locaux. Afin d’organiser l’arrivée, un appel à projet a été passé en 2016 par la DGEF (et financé par le FAMI). Onze opérateurs ont été identifiés couvrant l’ensemble du territoire métropolitain. Les opérateurs sont chargés de capter des logements et d’accompagner les réinstallés pendant 12 mois dans leurs démarches. Pour chaque personne réinstallée, les opérateurs reçoivent 1000 euros afin de pouvoir payer les frais quotidiens. S’agissant du Corridor Humanitaire, c’est l’association Sant’Egidio qui assure le suivi des familles. Les onze opérateurs, signataires d’une convention avec l’État au titre de la réinstallation sont : France Horizon, France Terre d’Asile, Forum Réfugiés, Aurore, Coallia, Adoma, Entraide Pierre Valdo, Groupe SOS solidarités, Un Toit Pour Tous, Viltais, Ampil. Les opérateurs ont fait face à de fortes difficultés pour identifier les logements et à obtenir les accords locaux (des maires et des préfets). Ceci a ralenti les arrivées sur le territoire. Pour 2018, les arrivées sont planifiées mois par mois, des centres de transit sont ouverts pour les familles pour lesquelles un logement ne serait pas trouvé à temps. En effet, au 30 novembre 2017, 3154 des 6998 personnes sélectionnées sont effectivement arrivées en France, soit seulement 45%. Ainsi, le bilan des arrivées et le rythme des remontées de logement, malgré les efforts déployés pour faciliter l’obtention des accords locaux, amène la DGEF à repenser les modalités d’accueil des réinstallés. Afin que l’engagement présidentiel soit respecté, l’objectif des acteurs de la réinstallation est d’accélérer le rythme des remontées de logements, et parallèlement des arrivées effectives. Ce dernier doit être doublé pour passer d’environ 200 personnes par mois à 500 personnes chaque mois. A ce titre la DGEF a enclenché début mars 2018 la mise en place d’un nouveau processus touchant tous les acteurs du programme concernant la coordination des arrivées.
  • 32. 32 Des places du DNA (hébergement du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile) ont été mises à disposition, pour une durée temporaire, le temps que les opérateurs puissent trouver une solution de logement. La plupart des personnes réinstallées depuis la mise en place du dispositif ont été hébergées transitoirement dans une structure d’accueil (trois mois maximum) puis placées dans un appartement définitif. L’imposition aux opérateurs d’un planning mensuel d’arrivées découle de ces changements dans l’organisation des arrivées. Les arrivées sont dorénavant planifiées. Selon ce dispositif, le GIP répartit les personnes sélectionnées par liste d’arrivées prévisionnelles. Cette répartition est réalisée en fonction de la date de sélection des réinstallés, de leur vulnérabilité ainsi que des objectifs mensuels des opérateurs. L’OIM doit réserver des vols en fonction du planning des arrivées et non plus au compte-goutte. L’adresse définitive étant communiquée par l’opérateur dans un délai maximal de 40 jours avant la date d’arrivée, cela peut engendrer des modifications dans la réservation des vols. Ce changement d’organisation témoigne d’une volonté d’augmenter les quotas relatifs à la réinstallation. Les objectifs augmentent et nécessitent une révision complète du programme. Ces nouveaux engagements sont récents. Je n’ai pu qu’observer les premières modifications dans ce changement d’organisation. D’autres me paraissent à l’avenir inévitables. Pour les réinstallés à partir d’Afrique, afin de prendre en compte la nécessaire adaptation à nos modes de vie, ils sont dans un premier temps hébergés dans une structure temporaire (collective ou en diffus) avec un accompagnement très renforcé avant d’être orientés vers un logement pérenne à l’issue d’une période de quatre mois. 6. La mobilisation des territoires pour l’intégration des réfugiés réinstallés: le rôle des préfets et des élus locaux Concernant la mobilisation des logements, il existe des approches très différentes dans les pays de réinstallation européens.
  • 33. 33 Certains font appel à la répartition géographique, comme en Allemagne. Les réfugiés réinstallés sont répartis dans les différentes régions, selon une clé de répartition. Au sein même des Lander, une répartition est réalisée pour répartir les réfugiés dans les municipalités10 . En France, d’autres critères sont utilisés car la mobilisation des logements nécessite le concours des préfets et des élus locaux. La participation et la mobilisation des municipalités est donc essentielle. Pour autant, à ce jour la répartition n’est le fait que de la disponibilité des logements. Une clé de répartition a été pensée lors de la préparation de la loi pour un droit d’asile effectif et une immigration maitrisée en janvier 2018. Elle prenait en compte le PIB de chaque région ainsi que le taux de chômage et le nombre de demandeurs d’asile. Cependant, cette clé de répartition n’a pas été abordée lors du vote de la loi et ne figura donc pas dans cette dernière. L’année 2018 marque cependant un tournant dans la réinstallation au regard des nouveaux engagements français. La France a élargi son cercle de possibilités notamment sur les types d’hébergements. Avant, seuls les logements dits du « parc social » étaient pris en compte pour l’accueil des réinstallés. Cet accueil était organisé par l’opérateur et non par la municipalité. L’attribution était organisée de telle sorte à favoriser le bail glissant. En effet, après environs douze mois, les réinstallés doivent pouvoir payer le loyer et rester dans le logement attribué. Cette situation a nécessité de renforcer la mobilisation des préfets et des élus locaux pour accélérer l’accueil de ces publics. Une instruction leur a été adressée le 12 décembre 2017 qui fixait à cet égard pour chaque région un niveau de logement à mobiliser qui doit servir à l’accueil de ce public. Au sein de chaque région, il appartient au préfet de décliner les objectifs régionaux par département, de les inscrire dans les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés (SRADAR) conformément au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en déterminant l’équilibre le plus adéquat en fonction des spécificités et des dynamiques locales dans chacun des départements. Ainsi, les préfets doivent aussi prendre en compte la présence des opérateurs assurant l’accompagnement des réfugiés. 10 Réseau européen des migrations (EMN) Programme de réinstallation et d’admission humanitaire en Europe- qu’est ce qui fonctionne ? - 9 novembre 2016 (consulté en Novembre 2017)
  • 34. 34 Dans les territoires, le succès de cette politique dépend de l’identification des logements disponibles. Tous les dispositifs possibles ont été activés par des actions de formation et d’information auprès des bailleurs notamment. Malgré tout, les opérateurs soulignent toujours les mêmes difficultés, notamment auprès des bailleurs privés. La promotion de ce dispositif auprès des élus locaux souhaitant s’investir dans le champ de l’accueil des réfugiés est à cet égard une nécessité. La communication locale est essentielle dans ce dispositif, le soutien des préfets étant indispensable pour obtenir l’accord des élus locaux. Forum Réfugiés, présent dans la région Rhône Alpes éprouve de plus en plus de difficultés à capter des logements du fait des blocages politiques. Les réinstallés qu’ils soutiennent se retrouvent de plus en plus dans des hébergements de transit. La nomination du délégué interministériel à l’accueil et à l’intégration des réfugiés, Alain Regnier, témoigne de la volonté de la France de faire de ce champ de l’action publique une priorité. Il est notamment en charge d’accompagner les préfets tout au long de leur mission pour rencontrer l’ensemble des acteurs locaux. Rares sont les initiatives de la société civile concernant les réfugiés réinstallés, sans doute par manque de communication. Pour autant, si elles existent, elles devront être soutenues par le préfet. Ces initiatives sont la mise à disposition de logement par les particuliers, la promotion de l’hébergement chez l’habitant et l’appui aux associations locales. À titre d’exemple, dans le Bas-Rhin, des comités de pilotage sont organisés régulièrement par la préfecture avec l’ensemble des acteurs locaux : Mairie, Sous-préfecture de Saverne, Communauté des Communes, Responsables du couvent, Education National, CAF, CPAM, l’opérateur France Horizon. Un suivi très étroit a été mis en place pour anticiper le rôle de chacun. Une réunion d’information avec la population avait également été organisée en amont des premières arrivées. L’acceptabilité politique locale s’est améliorée depuis. Dans la Dordogne, trois comités de pilotage ont été organisés et présidés par la préfète. Ils réunissaient les opérateurs et les administrations locales. Il est intéressant de voir que le dispositif concernant l’ouverture des droits est changeant selon les départements :
  • 35. 35 Concernant l’ouverture des droits, dans le Bas -Rhin, l’éducation nationale s’est déplacée dans le centre d’accueil des réfugiés réinstallés une semaine après l’arrivée pour procéder à une évaluation en vue d’orientation scolaire. Une personne est en poste dans le couvent de Thal- Marmouthier qui accueil cinquante réfugiés subsahariens. Durant les premiers mois, le professeur met l’accent sur l’apprentissage du français et les rudiments de la scolarisation. Cependant, pendant la période estivale, il est nécessaire que les opérateurs trouvent des partenariats. Dans le Bas-Rhin, les ouvertures de droits se sont faites en moins de deux mois. Dans l’Allier, il n’y a aucun souci de scolarisation à Lalizolle. En revanche, dans le centre de Gannat, aucun enfant n’est à ce jour scolarisé à la journée complète. L’opérateur en charge évoque des problématiques relatives au comportement dans le groupe. En Dordogne, l’éducation nationale est venue faire une évaluation des niveaux de scolarisation des enfants afin de les orienter vers la classe adaptée. La situation des isolés de moins de 25 est très délicate en France. Ils ont très peu de droits. C’est un véritable vide juridique auquel n’échappent par les réfugiés réinstallés. De manière générale, ils sont très peu car la France évite soigneusement de les sélectionner pour ce programme. Mais avec les évacuations de Libye et l’accord mis en place avec le Niger, ils sont de plus en plus nombreux. Dans le Bas-Rhin, des solutions ad hoc ont été trouvées pour les isolés de moins de 25 ans. Par exemple, une fratrie de trois isolés de moins de 25 ans s’est présentée, le premier a été reconnu comme chef de famille et pourra ainsi percevoir des aides. Aussi, quatre jeunes femmes isolées de moins de 25 ans ont créé une collocation à Nantes, elles vont bénéficier de la garantie jeune, même si le niveau de langue requis n’est pas atteint. Une réunion avec l’Université de Strasbourg va également être organisée pour envisager un partenariat pour des reprises d’études. Le DIAIR compte travailler sur le service civique pour pouvoir l’ouvrir aux jeunes reconnues comme réfugiées. D’autres réflexions sont en train de murir. Concernant les sorties de logement, dans l’Allier l’opérateur souligne des blocages politiques notamment suite à l’instruction du 12 décembre 2017. Dans le Rhône, les orientations se font davantage vers le milieu rural pour les captations de logements pérennes car le parc est saturé dans la métropole de Lyon.
  • 36. 36 Dans le Bas-Rhin, Pôle emploi a été mobilisé ainsi qu’un psychologue pour aider à identifier les compétences de chacun. Dans l’Allier, la saison agricole facilite l’entrée sur le marché du travail dans la région. Quelques jeunes sont déjà employés.
  • 37. 37 II. La réinstallation : action ou artifice humanitaire ? Cette partie me permet d’expliquer mes hypothèses comme réponse possible à ma problématique afin de procéder ensuite à une étude terrain qui analyse les bienfaits et les méfaits de la réinstallation qui validera ou non ces hypothèses. A) La réinstallation est un engagement volontaire des États et de la communauté internationale pour la protection internationale des réfugiés « Considérant que la France accorde une importance primordiale au respect des droits de l’Homme dans le monde et sur son territoire et que les questions humanitaires figurent au cœur de sa politique étrangère… 11 » 1. La réinstallation est un engagement fort, limité à la volonté des États La réinstallation est un engagement volontaire de la part des États. Chaque État convient avec le HCR du nombre de places qu’il souhaite offrir. Comme nous l’avons vu le Canada et les États-Unis offrent un nombre important de places. Mais depuis l’élection de Trump, les Etats-Unis, sans arrêter le programme, ont convenu d’un nombre de places inférieur à celui des années précédentes. Aucune sanction ne leur a été appliquée. Malgré la signature d’un accord avec le HCR, les États sont libres de toute obligation contractuelle. L’accord peut être modifié ou amendé à tout moment. Cet accord précise les responsabilités de chacun afin d’assurer la meilleure coordination possible dans l’application du programme de réinstallation12 . « Les représentants des Parties harmoniseront au mieux leurs pratiques pour assurer la mise en œuvre 11 Accord-Cadre de coopération entre le Gouvernement de la République Française et l’Office du Haut- Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés 12 Annexe 8 : Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le Niger
  • 38. 38 efficace du présent Accord. 13 » Mais les contractants peuvent se retirer à tout moment. L’État conserve sa souveraineté. À titre d’exemple, le Niger a décidé d’arrêter pendant un certain temps les évacuations de Libye, les autorités nigériennes constatant une procédure à deux vitesses. Les évacuations vers le Niger effectuées par le HCR sont rapides et efficaces. En revanche, les évacuations du Niger vers les pays européens sont plus lentes. La proportion des personnes arrivant sur le territoire nigérien et ceux sortant du territoire est inégale. Les États sont libres de choisir le nombre de personnes accueillies tout comme la manière dont celles-ci sont accueillies. Bien entendu, le HCR fixe les grandes lignes mais libre à chacun de disposer des mesures. Le HCR propose, les États disposent. Il en découle des dispositifs différents à toutes les étapes. Pour certains, la sélection est plus procédurale que d’autres pays. Les États-Unis procèdent à quatre entretiens sécuritaires, alors que la France en réalise deux. Le HCR ne peut que proposer et convaincre d’harmoniser les procédures entre les Etats afin de perfectionner le système de réinstallation et d’admission humanitaire. C’est en ce sens que sont organisés les Cores Groups. Les États volontaires à la réinstallation se réunissent quatre fois par an afin de partager leurs bonnes pratiques. À ce jour, des Cores Groups ont lieux chaque année : celui pour la protection des Syriens appelant à une participation active des pays limitrophes à la Syrie que sont le Liban, la Jordanie, et la Turquie ; ainsi que le Core Groups de la Méditerranée centrale qui favorise un développement de la réinstallation depuis l’Afrique sahélienne. L’année 2018 est marquée par la présidence de la France dans ces Cores Groupes et les nouveaux engagements pris par la France et l’Italie avec le Niger et le Tchad. En plus de ces libertés quant à la mise en place du dispositif, les États après la première sélection réalisée par le HCR peuvent favoriser l’accueil d’un certain type de personnes vulnérables. Pour exemple, la France a du mal à accueillir les mineurs isolés du fait du manque de mesures juridiques les concernant dans le droit français et incite donc le HCR à les écarter de la sélection. Les engagements de l’Union Européenne encouragent fortement les pays membres de l’Union européenne à offrir des places de réinstallation. L’Union Européenne a renforcé ses initiatives. Les engagements de la France découlent par ailleurs des directives européennes. Les opérations 13 Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le Niger.
  • 39. 39 de réinstallation sont soigneusement suivies par le Commissaire européen pour la migration. Pour autant, aucune mesure juridique ne les oblige à en contracter. Les seuls mineurs isolés qui apparaissent sur les listes sont les évacués de Libye, qui sont des cas particuliers donc exceptionnels. Le caractère volontaire de la réinstallation peut être dans ce cas à double tranchant. Le caractère volontaire de la réinstallation est aussi présent auprès des bénéficiaires, c’est à dire les personnes vulnérables sélectionnées par le HCR pour une réinstallation. La réinstallation est une proposition exceptionnelle faite par les équipes du HCR auprès des personnes sélectionnées dans les camps de réfugiés ou les villes. Les familles ou personnes isolées se voyant proposer le programme peuvent refuser d’y participer. C’est d’ailleurs leur unique liberté dans ce programme. Aussi, ils peuvent se rétracter à tout moment. Nombreuses sont les annulations au moment du départ. 2. La réinstallation : entre institutionnalisation et action humanitaire Selon le droit International humanitaire, quatre principes régissent une action humanitaire : Humanité, Neutralité, Impartialité et Indépendance14 . Le principe d’humanité vise à alléger les souffrances. Celui de neutralité à ne pas prendre parti. L’aide humanitaire répond uniquement aux besoins de la population vulnérable et est ainsi impartiale. Aussi, s’assurer une indépendance permet aux humanitaires d’agir indépendamment de toute pression politique et économique. Le Mouvement internationale de la Croix Rouge développe sept piliers de l’action humanitaire : Humanité, Impartialité, Neutralité, Indépendance, Volontariat, Unité, Universalité. Ces piliers de l’action humanitaire permettent une distinction avec d’autres formes « d’aide » religieuse, politiques, militaires par exemple. Le Droit humanitaire est régi par les quatre conventions de Genève (ratifiées en 1949) et son protocole de 1977. Ce sont des traités internationaux qui concernent notamment la protection des civils lors de conflit internationaux. Plusieurs règles concernent le déplacement et les personnes déplacées : 14 Protection Civile et Opérations d'Aide Humanitaire Européennes - Commission Européenne - Les principes humanitaire (consulté le 26/07/18)
  • 40. 40 « Règle 129. A. Les parties à un conflit armé international ne peuvent procéder à une déportation ou au transfert forcé de la totalité ou d’une partie de la population d’un territoire occupé, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent. B. Les parties à un conflit armé non international ne peuvent ordonner le déplacement de la totalité ou d’une partie de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent. Règle 130. Les États ne peuvent déporter ou transférer une partie de leur population civile dans un territoire qu’ils occupent. Règles 131. En cas de déplacement, toutes les mesures possibles doivent être prises afin que les personnes civiles concernées soient accueillies dans des conditions satisfaisantes de logement, d’hygiène, de salubrité, de sécurité, et d’alimentation et afin que les membres d’une même famille ne soient pas séparés les uns des autres. Règles 132. Les personnes déplacées ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur déplacement ont cessé d’exister. Règle 133. Les droits de propriété des personnes déplacées doivent être respectés. 15 » Un autre ensemble de règles concernent les personnes bénéficiant d’une protection spécifique, autrement dit les personnes dites vulnérables, les personnes âgées, les enfants, les femmes, et les infirmes. Ces règles internationales sont retranscrites au niveau européen par le Consensus européen sur l’aide humanitaire. La réinstallation telle qu’elle est mise en place dans notre droit et mise en pratique sur le terrain ne répond pas aux critères de l’action humanitaire tels qu’on a pu les théoriser. Mais, le terme humanitaire s’est généralisé. On parle d’action humanitaire, de crise humanitaire, de visa humanitaire, de couloir humanitaire, d’admission humanitaire notamment pour le programme de réinstallation. La confusion se mêle lorsque ce sont des actions menées par des instituons internationales ou encore des États Nations. La réinstallation et les admissions humanitaires en sont un exemple. L’État, en partenariat avec des associations et des organismes 15 Revue internationale de la Croix-Rouge, Annexe : liste des règles coutumières du droit international humanitaire, le traitement des personnes civiles et des personnes hors combat. (Consulté le 21/07/18)
  • 41. 41 internationaux, mène des programmes à visée humanitaire permettant la protection de personnes vulnérables. On en perd de vue les acteurs principaux de l’action humanitaire. Le terme humanitaire a pris de l’ampleur dans les années 70-80 durant la période postcoloniale. Des organismes comme la Croix-Rouge ou Médecin sans frontières sont mis en avant. L’action humanitaire était alors le fait d’organisations non gouvernementales (ONG) venant en aide aux populations dans le besoin. Ce sont avant tout des structures privées souhaitant avant tout s’éloigner le plus possible de la sphère politique. L’action humanitaire s’est ensuite développée à travers les agences des Nations Unies. Tout l’ambivalence de l’action humanitaire prend alors forme. Les principes d’indépendance et d’impartialité peuvent facilement être remis en cause. L’aide humanitaire est complexe et paradoxale. Son histoire le démontre. Elle est en premier lieu le fait de l’Eglise apportant une aide charitable aux plus démunis. Par ailleurs, les églises ont été des lieux de refuge et de protection pour les personnes cherchant l’asile en temps de guerre. De nos jours, des ONG comme Caritas ont une partie de leur identité affiliée à la religion. Une autre vision de l’aide apparait avec la philosophie des lumières et le principe d’humanisme qui en découle. La philanthropie est laïcité et s’oppose alors à la charité. Après la seconde guerre mondiale, ces deux courants se mêlent et l’aide humanitaire devient principalement apolitique. Comme nous l’avons vu précédemment, les ONG émergent dans les années 70 et s’internationalisent. Le contexte politique et socio-économique impact fortement non seulement les visées des ONG mais aussi leur identité. L’aide humanitaire devient souvent le fait de structures institutionnelles complexes. La communication par les politiques de l’humanitaire permet de séduire le citoyen en les éloignant du militantisme humaniste qui caractérise l’émergence des ONG. La guerre et l’aide humanitaire s’entremêlent. Cette dernière est alors instrumentalisée. D’autant plus que les financements des ONG proviennent généralement de l’État ou des organismes institutionnels dans lesquels les États ont un certain pouvoir sur les décisions prises. Les relations entre les ONG et les États sont de plus en plus complexes. Non seulement parce qu’elles s’opposent mais d’autant plus lorsqu’elles doivent coopérer.
  • 42. 42 Rony Brauman, médecin engagé dans l’humanitaire, souligne que « C’est le cas de toute organisation qui a tendance à devenir son propre but. Mais il faut ajouter que sans organisation, l’action demeure insignifiante. La question n’est pas de choisir entre l’institutionnalisation et l’action, mais d’articuler l’une et l’autre en se rappelant qu’une institution, si louable que soient ses buts, n’est pas une valeur mais un outil.16 » Le programme de réinstallation l’illustre parfaitement. Les associations travaillant aux frais de l’État et au rythme de ses directives prennent une position ambivalente et délicate mais permettent une action concrète. 3. L’usage stratégique de la réinstallation par le HCR « La réinstallation ne peut pas être conçue comme un élément détaché de l’ensemble du régime des réfugiés mais bien comme une partie intégrante d’une vision stratégique plus globale. Il faut qu’elle fasse partie d’un ensemble de réponses complètes face à différentes situations spécifiques de réfugiés dans le monde et qu’elle soit envisagée en association avec d’autres réponses dans les États d’accueil du monde en développement et dans les pays d’origine. » Alexander Betts, Professeur en migration forcée et affaires internationales, et Directeur du Centre d’études sur les réfugiés. La réinstallation est un programme développé à part entière. Pour autant, comme le souligne Alexander Betts, la réinstallation ne peut être envisagée comme un élément détaché de l’ensemble du régime de protection instauré pour les réfugiés. À cet égard, la réinstallation est envisagée comme un outil parmi d’autres, permettant de garantir la protection des réfugiés. C’est autour du programme de réinstallation qu’ont été créé des Cores Groups, permettant au HCR de réunir les États afin de réfléchir collégialement à un système assurant une protection efficace pour une crise en particulier. Le premier Core Group a débuté peu après la crise syrienne affectant principalement les pays limitrophes à la Syrie que sont le Liban, la Jordanie, et la Turquie. À travers ce Core Group, le HCR réalisa un plaidoyer auprès des pays membres de l’Union européenne mais aussi auprès des pays favorisant les voies légales d’admission comme le Canada et les Etats-Unis. Cette stratégie permet de répondre à deux objectifs du 16 Entretiens avec Rony Brauman https://www.cairn.info/revue-mouvements-2004-3-page-125.htm
  • 43. 43 HCR : trouver une solution durable pour les personnes vulnérables répondant aux critères du statut de réfugié, et apporter un soutien aux pays accueillant un nombre important de réfugiés. En plus de favoriser la participation active des pays à la réinstallation, ces Cores Groups permettent un échange de bonnes pratiques. Comme nous l’avons vu les pays sont libres de choisir leur sélection mais aussi le processus d’intégration par lequel ils souhaitent que les réfugiés s’insèrent dans leur société. Pour autant, le HCR tend à un processus commun qui faciliterait la réinstallation dans son ensemble, principalement durant l’étape de sélection dont il est en partie en charge. C'est dans cet esprit qu’est apparu le deuxième Core Group, celui de la Méditerranée centrale. Depuis plusieurs années, des migrants traversent au péril de leur vie la Méditerranée centrale pour rejoindre les côtes européennes par l’Italie, notamment en passant par la Libye où les migrants sont exposés à des traitements inhumains. À ce jour, la Libye est occupée par quatre milices. Tripoli, la capitale est divisée en trois. Il n’y a pas d’États, ni de gouvernement même si les Nations Unies en reconnaissent un afin d’avoir un accès au territoire. Hormis Tripoli, le HCR à accès à Sabratha, Misrata, Gharyan et Bani Walid. La Libye n'est pas un État adhérent à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le pays a signé la Convention de l'OUA de 1969 mais la Convention n'est pas appliquée : « il n'y a pas de réfugiés en Libye, seulement des migrants illégaux ». Il n’y a eu aucun protocole d'accord avec le HCR depuis 1991. Roberto Mignonne17 , responsable du HCR en Afrique du Nord, souligne qu’il est nécessaire de travailler avec les médias libyens pour changer la perception des réfugiés. Jusqu'en décembre 2017, l'ensemble de l'équipe de pays des Nations Unies disposait de trois places à Tripoli par roulement ; le nombre de places au HCR est passé à huit à la mi-décembre 2017. Le 7 février, le Secrétaire général des Nations Unies a approuvé la levée du statut d'évacuation de Tripoli. Le HCR prévoit d'accroître sa présence internationale avec au moins trente membres du personnel international. 17 Entretien avec Roberto Mignonne, Responsable du bureau Afrique du Nord du HCR
  • 44. 44 Le dispositif étant fragile, le HCR met toutes les chances de son côté afin de ne pas verrouiller son accès au territoire. L’appui de la communauté internationale est insuffisant mais il a permis la création du dispositif d’évacuation18 . En 2017, le HCR et ses partenaires ont effectué 1 080 visites de suivi dans des centres de détention en Libye. Plus de 170 visites ont été effectuées à ce jour en 2018. Le HCR fournit une assistance médicale, des médicaments et a organisé une campagne de lutte contre la gale pour les réfugiés et les migrants en détention. En 2017, 1 428 réfugiés ont pu être libérés, et 843 en 2018. La carte en dessous permet de voir les dix-sept centres de détention où le HCR peut réaliser des évacuations de personnes réfugiées sur le territoire libyen depuis novembre 2017. 18 Annexe 7: UNHCR Libya Resettlement Upscaling - Sample analysis of direct resettlement submissions - February 2018
  • 45. 45 Selon l’approche stratégique du HCR, la priorité est donnée aux personnes en détention ; aux Africains sub-sahariens et aux plus vulnérables. L'évacuation a lieu directement à partir des centres de détention avec les équipes du HCR qui enregistrent les personnes avant l’évacuation. Le HCR aide à organiser les documents de voyage et les visas de sortie. Les documents de voyage passent des documents du CICR (Comité international de la Croix Rouge) aux documents de voyage de l'ONU (HCR). Toute la logistique (y compris les vols charters et les escortes) est organisée par l'équipe du HCR directement, et non par l’OIM comme habituellement. Étant donné que les conditions de sécurité à l’aéroport de Mitiga à Tripoli peuvent compromettre les départs, le HCR étudie la possibilité d’organiser des vols à partir de Misrata. Ce schéma publié par le HCR en mars 2018, présente les évacuations effectuées par le HCR fin 2017. Le Niger est le principal pays vers lequel les évacuations sont effectués (1020 personnes
  • 46. 46 évacuées)19 . L’Italie est le seul pays de l’Union européenne à pouvoir effectuer des évacuations directes c’est à dire sans avoir besoin de passer par le Niger, car il est le seul pays à posséder une ambassade sur le territoire Libyen. L’obtention des visas est ainsi possible. La Roumanie est importante dans ce processus car deux centres de transit sont présents sur son territoire. La Roumanie ne propose pas de solution durable pour les réfugiés mais est un « SAS de transit » pour les pays européens. La réinstallation directe en provenance de Libye reste la solution la plus importante pour les réfugiés en Libye. La réinstallation en Libye a considérablement augmenté depuis octobre 2017 mais les besoins de réinstallation restent élevés. Les cas sont identifiés par le biais d'équipes de protection communautaires du HCR. Tous les cas de réinstallation sont soumis à la détermination du statut de réfugié - soit individuellement, soit par procédure fusionnée. Des entretiens ont été réalisés en utilisant Skype depuis Tunis pour le moment, mais le personnel s'est progressivement déplacé à Tripoli pour y mener des interviews. Selon le HCR, le dispositif d’évacuation, comme nouvel élément stratégique commun, permet aux évacués d’être réinstallés en toute sécurité, et d’avoir une répartition équitable entre les pays européens. Les perdants de ce dispositif sont les trafiquants et les passeurs. Le cadre logique et stratégique du HCR présente à ce jour l’option la plus cohérente pour remplir les objectifs de la réinstallation. Elle serait la plus appropriée pour sortir de l’impasse des personnes dans une solution cruelle. 19 Annexe 8 : Accord entre le gouvernement de la République du Niger et le haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le Niger
  • 47. 47 4. La concurrence des ONG et des associations « Les ONG ont une longue histoire de participation à l’identification et l’orientation des cas de réinstallation. Elles ont aidé à accroître le nombre de places, à améliorer les processus et à rendre la réinstallation plus équitable et redevable pour les réfugiés. 20 » Amy Slaughter. La réinstallation ne pourrait exister sans la participation active de la société civile. L’État ne pourrait répondre à lui seul aux besoins des quotas de la réinstallation. C’est à toutes les étapes du processus que les ONG et les associations interviennent et leurs rôles n’ont pu être amoindris au fur et à mesure de l’évolution du dispositif. À ces débuts, le HCR était uniquement en charge de la négociation du nombre de place de réinstallation avec les États, il n’était pas en charge de la sélection des personnes pour le programme, ce qui est le cas aujourd’hui. Ses missions se sont élargies et son rôle est devenu incontournable. Le HCR a renforcé ses capacités internes, et parallèlement son nombre de partenariats avec les ONG. À titre d’exemple, le HCR a développé un partenariat avec l’IRC pour la sélection des réfugiés pakistanais. Les partenariats ont permis au programme de réinstallation de grossir. Le nombre de places proposé a augmenté au fur et à mesure. Cette participation accrue des ONG a permis de mettre en lumière des questions d’équité et de responsabilité. Les motivations humanitaires étaient constamment remises en question, notamment par la politique étrangère et son instrumentalisation que nous verrons par la suite. La qualité du dialogue entre le HCR et l’OIM ainsi qu’entre les opérateurs doit être primordiale. Pour autant, la professionnalisation des organismes a complexifié leur relation tout en les obligeant d’avantage à coopérer. Historiquement, le HCR et l’OIM sont deux organismes internationaux détachés l’un de l’autre. Ils ont tous deux un objectif commun : assurer la protection des réfugiés. Récemment, les deux organismes ont été rattachés l’un à l’autre tout en conservant leurs rôles respectifs. Le HCR 20 Comment les ONG ont contribué à façonner la réinstallation, Amy Slaughter- Revue Migrations Forcées numéro 54- février 2017