SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  13
Télécharger pour lire hors ligne
ITCOIN
Enjeux fiscaux et traitement pénal
Par
Laura JOUNDA SONKWA
Année : 2018
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I. Conséquences fiscales de l’usage du bitcoin
A. Quel régime d’imposition ?
B. TVA sur les opérations de change de bitcoins
II. Le traitement pénal du bitcoin
A. Les infractions résultant de l’usage du bitcoin
B. L’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin
2
INTRODUCTION
La logique d’efficacité à moindre coût est l’un des principes directeurs du monde des affaires.
Après plusieurs tentatives pour échapper au monopole bancaire, de nombreuses
cryptomonnaies ont été créées grâce à internet : le dash, le monero, l’ethereum, le litecoin, la
plus connue et la plus utilisée, le bitcoin.
Apparu pour la première fois en 2008 dans un article de recherche sur la cryptographie1
publié
sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto, le bitcoin est une « monnaie électronique,
décentralisée, partiellement anonyme, soutenue par aucun gouvernement ni entité légale »2
.
Cette monnaie reprend les technologies développées par David Chaum et Stefan Brands
(ecash), Adam Back (hashcash), Wei Dai (b-money), Nick Szabo (bitgold), avec pour
particularité d’améliorer le système de preuve de travail (Proof of Work). Le bitcoin fonctionne
sur la base d’un système peer to peer (pair à pair), c’est-à-dire un système décentralisé,
permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans
recours à un intermédiaire. Cette architecture s’oppose au système client-serveur, qui fait
intervenir un organisme central (la banque par exemple). Concrètement, le système fonctionne
comme suit.
Le bitcoin utilise la cryptographie par clés publique et privée. La clé privée est une clé aléatoire
dont l’utilisateur est le seul à en avoir connaissance, clé à partir de laquelle est automatiquement
déduite un algorithme (clé publique). Une adresse bitcoin est composée de ces deux clés et les
utilisateurs peuvent pour chaque transaction, créer une nouvelle adresse afin de préserver une
certaine confidentialité et conserver leur anonymat. L’adresse bitcoin se distingue donc ici du
numéro de compte bancaire, car on peut générer autant d’adresses que de transactions. Ces
différentes adresses sont contenues dans un portefeuille. Un solde en bitcoins est rattaché à la
clé publique de l’utilisateur et lorsque des bitcoins sont transmis d’un utilisateur à un autre, le
premier signe une transaction avec sa clé privée et la diffuse sur le réseau qui identifie sa
signature et crédite l’adresse du destinataire, qui peut à son tour transmettre les fonds reçus.
Mais il peut arriver qu’un utilisateur transmette des fonds déjà utilisés à un autre. Pour
empêcher cela, une liste publique dénommée blockchain contenant toutes les transactions
passées est maintenue collectivement par chaque ordinateur connecté au réseau, encore appelé
nœud du réseau. La blockchain n’est donc pas stockée quelque part (car le but est d’éviter toute
1
« Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System », 2008.
2
Sylvain MIGNOT, « Le bitcoin : Nature et fonctionnement », in Banque & Droit nº 159 janvier-février 2015, pp : 10-
13.
3
centralisation), mais est présente dans chaque ordinateur, si celui-ci a été préalablement
connecté au réseau par l’utilisateur3
. Ainsi, à chaque transaction on vérifiera que les bitcoins
envoyés n’ont pas déjà été dépensés. La transaction sera par la suite stockée dans la blockchain
avec d’autres transactions validées de la même manière. Toutefois, la blockchain ne peut
contenir qu’un nombre limité de bitcoins plafonné à vingt et un millions. Chiffre qui d’après
les statistiques, pourrait être atteint en 21414
. Cette limitation fait qu’il est aujourd’hui presque
impossible de créer des bitcoins individuellement, car, plus le temps passe, plus le nombre de
bitcoins généré diminue. D’où la mise en œuvre des coopératives de mineurs5
(mining pool).
Le bitcoin renferme donc deux acceptions : le bitcoin en tant que devise d’une part, et le bitcoin
en tant que système transactionnel de cette devise d’autre part. Dans sa première acception, sa
nature a suscité plusieurs débats sur la question de savoir s’il s’agit ou pas d’une monnaie. L’on
s’accorde à la qualifier de monnaie virtuelle, à la différence de la monnaie électronique. Cette
dernière est définie par l’article 2 de la Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du
Conseil du 16 septembre 2009 comme étant : « une valeur monétaire qui est stockée sous une
forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est
émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement […]et qui est acceptée par
une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». La monnaie
électronique conserve donc un lien avec la monnaie traditionnelle, ce qui n’est pas le cas avec
le bitcoin.
Système à la fois transparent (caractère public des transactions) et quasi anonyme, le bitcoin ne
saurait laisser le juriste indifférent. Quelles peuvent être les conséquences de l’utilisation de
cette monnaie virtuelle sur le système juridique ? La question renferme un intérêt à la fois
juridique, économique, social et actuel, tant elle permettra de voir comment le législateur
appréhende ce nouveau système et le comportement de ses utilisateurs. Pour cela, nous
parlerons d’une part des conséquences sur le plan fiscal de l’usage du bitcoin (I) et, d’autres
part, du traitement pénal réservé à l’usage frauduleux de cette monnaie virtuelle (II).
3
Pour connecter son ordinateur au réseau, il suffit de faire tourner sur celui-ci un logiciel appelé Bitcoin core.
4
Jean Luc, « En quelle année sera atteint le nombre maximal de bitcoin en circulation ? », Bitcoin.fr.
5
Le minage est le procédé qui permet de confirmer des transactions et d’émettre les bitcoins.
4
I. Conséquences fiscales de l’usage du bitcoin
Le bitcoin génère des gains qui ne peuvent passer inaperçus. D’après des estimations réalisées
en 2017, près de 33 milliards de dollars de bitcoins seraient en circulation6
. Le droit français
ne reste pas indifférent face à ce phénomène. Seront traitées dans cette partie les
problématiques relatives au régime d’imposition du bitcoin d’une part (A) et celles portants sur
l’application de la TVA aux opérations de change de bitcoins (B).
A. Quel régime d’imposition ?
En l’absence de dispositions législatives, la doctrine administrative a édicté des règles
d’imposition du bitcoin sur la base des articles 92 et 34 du Code général des impôts (BOI-
BNC-CHAMP-10-10-20-40, n°1080 ; BOI-BIC-CHAMP-60-50 n°730).Ainsi, elle considérait
les gains issus de l’achat et revente des bitcoins comme des bénéfices non commerciaux (BNC)
lorsque l’activité est occasionnelle et comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC)
lorsque l’activité est exercée à titre habituel. Ce dispositif a fait l’objet d’une contestation par
un contribuable, ce qui a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat rendue en date du 26 avril
2018 (CE, 26 avr. 2018, n°417809). Dans cette affaire, le contribuable invoquait notamment
une violation du principe d’égalité pour différence de traitement des bitcoins et des valeurs
mobilières et réclamait une imposition des gains issus de la cession des bitcoins suivant le
régime d’imposition des plus-values des biens meubles. Il était donc question pour le Conseil
d’Etat de se prononcer sur le régime fiscal applicable aux bitcoins et cryptomonnaies. Pour ce
faire, il a posé un principe et deux exceptions.
1. Principe : imposition des gains de cession des bitcoins suivant le régime des plus-values
La plus-value est un profit réalisé à l’occasion de la cession d’un bien. Elle est égale à la
différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien. La plus-value peut porter
tant sur la cession des biens meubles qu’immeubles. Ainsi, suivant l’article 150 UA du Code
général des impôts, lorsqu’elles portent sur la cession à titre onéreux de biens meubles ou de
droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques domiciliées en France, ces plus plus-
values sont soumises à l’impôt sur le revenu.
6
Jon RUSSEL, « Bitcoin just surged past 2000 for the first time », (en ligne), mis à jour le 20 mai 2017, consulté
le 29 mai 2018 : https://techcrunch.com/2017/05/20/btc2k/?guccounter=1.
5
Dans cette décision du 26 avril 2018, le Conseil d’Etat commence d’abord par déterminer la
nature des bitcoins, avant de se prononcer sur l’application du régime des plus-values. Il
rappelle le contenu de l’article 516 du Code civil qui dispose : « Tous les biens sont meubles
ou immeubles ». Puisque les unités de bitcoins ne relèvent pas de la catégorie des biens
immeubles, le juge en déduit qu’elles ont la nature de biens meubles et sont des biens meubles
incorporels. Sur cette base, les bitcoins peuvent donc être soumis au régime des plus-values
conformément à l’article 150 UA précité.
Rappelons que cet article ne s’applique pas aux cessions de biens meubles dont le prix est
inférieur ou égal à 5000 €. Cette décision du conseil est donc a priori avantageuse pour les
primo investisseurs dans le bitcoin ou les petites entreprises, car si ceux-ci réalisent une plus-
value inférieure à ce seuil, elle ne sera en principe pas taxée.
Si donc le Conseil d’Etat annule partiellement les commentaires du Bulletin officiel des
finances publiques qui indiquaient de manière générale que les produits tirés de la cession à
titre occasionnel de bitcoins sont des revenus relevant de la uniquement de la catégorie des
BNC ou BIC, il n’exclut pas cette option.
2. Exception : imposition des gains de cession des bitcoins au titre des BNC ou des BIC
Si les profits tirés de la cession des bitcoins par des particuliers relèvent en principe du régime
des plus-values de cession de biens meubles, il en va autrement lorsque les opérations de
cession, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles interviennent, entrent dans le champ
de dispositions relatives à d’autres catégories de revenus. Telle est la position du Conseil d’Etat.
Ces autres catégories de revenus concernent précisément les BNC et les BIC. Ainsi, « les gains
issus d’une opération de cession, le cas échéant unique, d’unités de bitcoin sont ainsi
susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure
où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement mais sont
la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce
système d’unité de compte virtuelle ». Par contre, lorsque ces gains proviennent de la cession à
titre habituel de bitcoins acquis en vue de leur revente, y compris lorsque cette cession prend
la forme d’un échange contre un autre bien meuble, dans des conditions caractérisant l’exercice
d’une profession commerciale, ils sont imposables dans la catégorie des BIC. On revient donc
ici au commentaire du BOFIP qui indiquait que les produits tirés de la cession à titre
occasionnel de bitcoins sont des revenus relevant de la catégorie des BNC, et ceux réalisés à
titre habituel dans le cadre d’une activité commerciale sont soumis au régime des BIC.
6
Une autre question s’est posée sur la soumission de la TVA aux cessions de bitcoins réalisées
à titre onéreux.
B. TVA sur les opérations de change de bitcoins
La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt sur la consommation (car supportée par le
consommateur) qui porte sur tous les biens ou services consommés ou utilisés en France. C’est
un impôt indirect dans la mesure où il n’est pas directement reversé par le contribuable (le
consommateur) au trésor. Il existe également une TVA intracommunautaire qui s’applique aux
opérations de livraison de biens ou de services effectuées au sein de l’Union européenne. Nous
parlerons brièvement du champ d’application de la TVA au niveau national avant de dire si les
opérations de change de bitcoins en sont exonérées ou pas.
1. Champ d’application de la TVA
Suivant l’article 256-I du Code général des impôts, « Sont soumises à la taxe sur la valeur
ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un
assujetti agissant en tant que tel ». Cet article définit le champ d’application de la TVA. Elle a
comme fait générateur soit la livraison d’un bien, soit la prestation d’un service. Deux
conditions doivent précisément être réunies pour qu’une opération soit imposée à la TVA. Il
faut une opération effectuée à titre onéreux (livraison de biens ou prestation de services) par
un assujetti en tant que tel. L’assujetti à la TVA s’entend de toute personne qui effectue de
manière indépendante une activité économique. Pour que l’opération puisse être soumise à la
TVA, l’assujetti doit agir dans le cadre de ses fonctions.
Certaines opérations sont exonérées de ce champ d’application. Il y a exonération lorsqu’une
opération entrant dans le champ d’application de la TVA est dispensée de cet impôt par une
disposition spéciale de la loi. Les exonérations sont donc en principe limitativement énumérées
par le législateur. On peut notamment citer les opérations de livraison intracommunautaires,
exportations et opérations assimilées, les opérations bancaires et financières. L’on se demande
dans ce dernier cas si les opérations de change de devises virtuelles telle que le bitcoin, peuvent
être considérées comme exonérées.
2. L’exonération des opérations de change de bitcoins
Pour répondre à la problématique relative à l’application de la TVA aux opérations de bitcoins,
nous distinguerons selon qu’on se trouve en droit national ou en droit communautaire.
7
En droit national, il n’existe pas de règlementation sur le bitcoin. On peut toutefois se référer à
l’article 261 C-a du Code général des impôts qui exclut du champ d’application de la TVA «
les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants,
paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du
recouvrement de créances ». On se demande si cet article doit être interprété dans un sens
limitatif ou si l’on peut, tenant compte de la lettre du texte, l’étendre au bitcoin. Pas de réponse
en droit national. On peut à ce titre se référer au droit communautaire.
Au sein de l’Union, la TVA est régie par la Directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre
2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. En son article 135 § 1-e, elle
dispose que sont exclues de TVA : « les opérations, y compris la négociation, portant sur les
devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, à
l’exception des monnaies et billets de collection, à savoir les pièces en or, en argent ou en autre
métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme
moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique ». Cet article parle des
moyens de paiement, ce qui nous amène à nous interroger sur le fait de savoir si le bitcoin peut
être considéré comme un moyen de paiement. La Cour de Justice de l’Union Européenne
(CJUE) a été saisie d’une demande de question préjudicielle à ce sujet.
Il s’agissait d’un litige opposant l’administration fiscale suédoise à un particulier concernant la
soumission à la TVA des opérations de change de devises traditionnelles contre une monnaie
virtuelle telle que le bitcoin ou inversement, moyennant rémunération. Les opérations en
l’espèce se limitaient donc à l’achat et à la vente d’unités de la devise virtuelle bitcoin en
échange de devises traditionnelles ou inversement. La principale difficulté consistait à savoir
si l’article 135 §1-e devrait être limité aux opérations de change telles qu’elles ont été décrites
ci-dessus ou pouvait être étendu aux opérations de change de bitcoins. La juridiction suédoise
a donc saisie la CJUE à cette fin.
La CJUE précise tout d’abord que les opérations en cause doivent être regardées comme des
prestations de services effectuées à titre onéreux contre remise d’une contrepartie qui présente
un lien direct avec le service rendu, dès lors que la société serait rémunérée par une contrepartie
correspondant à la marge qu’elle intègrerait dans le calcul des cours de change. Elle juge
ensuite que ces opérations entrent dans le champ d’application de l’article 135 § 1-e de la
directive TVA (CJUE, 5e
chambre, 22 Octobre 2015 - n° C-264/14). Selon la Cour, la monnaie
virtuelle y compris le bitcoin, constitue un moyen de paiement au même titre que les devises
traditionnelles. Ainsi, pour la CJUE, de la même manière que l’achat ou la vente de devises
officielles, à l’exception des frais de courtage, n’occasionne pas d’autres frais, l’acheteur ou le
8
vendeur dans le cadre d’une opération de change de bitcoins ne devrait également pas supporter
d’autres frais. Cette décision vient conforter les avantages du bitcoin. Il serait intéressant
d’analyser le traitement de cette monnaie virtuelle d’un point de vue pénal.
II. Le traitement pénal du bitcoin
Nous parlerons de deux aspects spécifiques au traitement pénal du bitcoin : les infractions
susceptibles d’être commises à travers l’usage de cette monnaie virtuelle (A) et les modalités
d’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin (B).
A. Les infractions résultant de l’usage du bitcoin
L’absence d’autorité centrale, l’irréversibilité des transactions, l’anonymat des utilisateurs (la
possibilité d’avoir plusieurs adresses), l’absence d’entité régulatrice sont autant d’éléments qui
justifient la multiplication d’infractions en lien avec l’usage du bitcoin. Ce dernier peut être
soit l’objet de ces infractions ou constituer un moyen de réalisation de celles-ci7
.
1. Les infractions réalisées en vue de l’obtention des bitcoins
C’est la situation dans laquelle une infraction a été réalisée dans le but de se procurer des
bitcoins. Nous évoquerons quatre situations spécifiques. La dernière est récente.
- les intrusions informatiques commises dans le but de se procurer des bitcoins : c’est le
cas de la création de programmes malveillants visant à infecter des ordinateurs afin de les faire
miner des bitcoins à l’insu des propriétaires desdits ordinateurs.
- L’escroquerie : Définie à l’article L 3131 du Code pénal, « l’escroquerie est le fait, soit par
l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par
l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la
déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs
ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou
décharge ». Elle peut se manifester par la mise en œuvre de manœuvres frauduleuses visant à
soustraire un utilisateur de ses bitcoins. Ce peut par exemple être le fait pour un utilisateur
d’essayer de falsifier l’historique de la blockchain pour donner l’impression d’être solvable
alors qu’il ne l’est pas.
7
Stephen ALMASEANU, « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais
- n°242 - page 11.
9
- L’exercice illégal de la profession de prestataire de services de paiement : Cette infraction
peut être réprimée sur la base des articles L. 521-1, L.521-2 et L. 572-5 du Code monétaire et
financier. En effet, dans sa position publiée le 29 janvier 2014, l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution (ACPR) considère que « dans le cadre d’une opération d’achat / vente de
bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir
des fonds de l’acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la
fourniture de services de paiement ». Cette position est confortée par une décision de la Cour
d’appel de Paris dans laquelle les juges affirment qu’un agrément est indispensable pour
exercer une activité d’intermédiaire en matière de bitcoins (CA Paris, 26 sept. 2013, n°
12/00161).
- Enlèvement et séquestration en vue de l’obtention d’une rançon en bitcoins : Il s’agit des
cas dans lesquels des ravisseurs procèdent à l’enlèvement de personnes et demande en retour
une rançon en bitcoins. Ces actes sont de plus en plus fréquents. Le plus récent s’est produit en
Afrique du Sud où des ravisseurs d’un jeune sud-africain de 13 ans, enlevé dans la ville de
Witbank, ont réclamé une rançon d’environ 100 000 euros en bitcoins8
. Mais avant cela, des
infractions pareilles s’étaient déjà produites dans l’Etat américain de Géorgie et en Ukraine.
L’exigence de paiement en bitcoins peut se justifier par le fait qu’il est difficile d’établir la
traçabilité des transactions effectuées en bitcoins à cause de la possibilité d’avoir plusieurs
adresses ; ce qui favorise également l’anonymat des utilisateurs.
En dehors de ces cas, le bitcoin peut aussi être utilisé comme moyen de financement du
terrorisme. Si à la base l’objectif était donc de faciliter les moyens de paiement dans les
relations d’affaires, cet objectif a été détournée à des fins frauduleuses. Nous étudierons le cas
spécifique du blanchiment d’argent.
2. Les infractions réalisées à l’aide des bitcoins : le cas spécifique du blanchiment
L’article 324-1 du Code pénal définit le blanchiment d’argent comme : « le fait de faciliter, par
tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un
crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » ou encore « le fait
d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du
produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ». Il peut s’agir de fonds issus du trafic de
stupéfiants par exemple, ou de toute autre infraction. L’auteur de l’infraction peut être
8
V. Notamment : « En Afrique du Sud, des ravisseurs exigent une rançon en monnaie virtuelle », France 24, 24
mai 2018 : http://www.france24.com/fr/20180524-afrique-sud-enlevement-demande-rancon-bitcoin-police-
witbank.
10
l’utilisateur de bitcoins, comme il peut s’agir de deux personnes différentes. Dans ce cas,
l’utilisateur de bitcoins sera considéré comme facilitateur. L’opération de blanchiment de
capitaux se déroule en trois phases : placement, dissimulation et conversion.
- Placement : Les fonds provenant de l’infraction permettront d’acquérir des bitcoins. C’est
l’introduction du fruit de l’infraction dans le circuit financier.
- Dissimulation : les bitcoins seront ensuite transformés en une autre devise officielle.
- Conversion : l’origine des biens est dissimulée et ils acquièrent une apparence de légalité.
Ce risque lié à l’utilisation du bitcoin a pour conséquence directe l’évasion fiscale. Aux
États‑Unis par exemple, en 2013, une action judiciaire a été engagée contre des fournisseurs
de plates‑formes de conversion, soupçonnés de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Le
blanchiment peut conduire en droit français à la confiscation du corps du délit. Comment une
telle saisie est-elle réalisable ?
B. L’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin
Conformément à l’article 131-21 du Code pénal, en cas de condamnation pour blanchiment, il
est possible pour le juge de prononcer des peines complémentaires telles que la confiscation.
Peine encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine
d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse. La
confiscation porte sur tous les biens de l’auteur de l’infraction, meubles ou immeubles, divis
ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre. La mise
en œuvre de cette saisie nécessite donc que l’on détermine d’abord la nature juridique des
bitcoins.
1. La détermination de la nature juridique du bitcoin
L’article L 131-21 du Code pénal parle de la saisie de tous types de biens, meubles ou
immeubles, indivis ou divis appartenant au propriétaire. A chaque catégorie de bien, il existe
un mode de saisie spécifique. Dans quelle catégorie ranger les bitcoins ?
Le bitcoin n’est ni une monnaie légale, ni une créance, ni un instrument financier. On sait avec
la décision de la CJUE du 22 octobre 2015 que cette monnaie virtuelle vaut comme moyen de
paiement au même titre que les devises virtuelles. Avant la décision du Conseil d’Etat du 26
avril 2018, certains auteurs de la doctrine considéraient le bitcoin comme un bien meuble
11
incorporel9
. Cette décision reprend cette qualification. Le Conseil d’Etat attribue aux bitcoins
la nature de biens meubles incorporel sur le fondement de l’article 516 du Code civil. Puisqu’il
s’agit de bien meubles incorporels, comment se déroulera la saisie des bitcoins dans le cadre
d’une procédure pénale ?
2. Le déroulement de la saisie
La saisie des bitcoins relève des articles 706-153 et 706-156 du Code de procédure pénale. Il
faut soit une décision du parquet suivie d’une autorisation préalable du juge des libertés et de
la détention pendant les enquêtes, soit une saisie par le magistrat instructeur pendant
l’information judiciaire. Cette dernière doit être effectuée après avoir pris connaissance des
réquisitions du ministère publique si la saisie est une saisie patrimoniale.
Lorsqu’au cours de l’enquête la restitution des biens meubles saisis et dont la conservation
n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, soit parce que le propriétaire ne peut être
identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l’objet dans un délai d’un mois à compter
d’une mise en demeure adressée à son domicile, les bitcoins saisis seront remis par le parquet
à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) et ce après
autorisation du juge des libertés et de la détention si on est en phase d’enquête. Si l’on est en
phase d’information judiciaire, la remise devra être effectuée par le magistrat instructeur.
L’AGRASC pourra procéder à la vente des bitcoins sur le fondement articles 41-5 alinéa 2 et
99-2 alinéa 2 du Code de procédure pénal.
On se demande comment va concrètement se dérouler la vente des bitcoins en cas de saisie.
L’AGRASC devra procéder à la création d’un portefeuille de bitcoins et d’une adresse à travers
laquelle elle pourra recevoir les bitcoins saisis. Pour effectuer la transaction, elle devra avoir
accès au portefeuille de l’auteur de l’infraction. Mais des difficultés peuvent se poser quant à
l’accès à la clé privée de ce dernier. Une fois la saisie effectuée, l’AGRASC devra procéder à
leur mise en vente. Pour ce faire, elle pourrait par exemple recourir à une coopérative de
mineurs telle que Plush Pool, dans le but de faciliter la mise en circulation des bitcoins.
En Europe, la France fut la première à démanteler un trafic bitcoin en 2014. Près de 200 000
euros de bitcoins ont été saisis10
. La saisie confiscation des bitcoins est donc possible.
9
Stephen Almaseanu, « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais -
n°242 - page 11.
10
Cf. « Bitcoin : le premier trafic démantelé en Europe est Français », Latribune.fr, 7 juill. 2014 :
https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20140707trib000838782/bitcoin-le-premier-trafic-demantele-
en-europe-est-francais.html.
12
BIBLIOGRAPHIE
• Articles
ALMASEANU S., « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles »,
Gazette du Palais - n°242 - page 11.
JEAN LUC, « En quelle année sera atteint le nombre maximal de bitcoin en circulation ? »,
Bitcoin.fr.
MIGNOT S., « Le bitcoin : Nature et fonctionnement », in Banque & Droit nº 159 janvier-
février 2015, pp : 10-13.
RUSSEL J., « Bitcoin just surged past 2000 for the first time », (en ligne), mis à jour le 20 mai
2017, consulté le 29 mai 2018 : https://techcrunch.com/2017/05/20/btc2k/?guccounter=1.
• Articles de presse
« En Afrique du Sud, des ravisseurs exigent une rançon en monnaie virtuelle », France 24, 24
mai 2018 : http://www.france24.com/fr/20180524-afrique-sud-enlevement-demande-rancon-
bitcoin-police-witbank.
« Bitcoin : le premier trafic démantelé en Europe est Français », Latribune.fr, 7 juill. 2014 :
https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20140707trib000838782/bitcoin-le-premier-
trafic-demantele-en-europe-est-francais.html.

Contenu connexe

Tendances

Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...
Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...
Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...Vidal Chriqui
 
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunités
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunitésBitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunités
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunitésChambé-Carnet
 
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles"
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles" IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles"
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles" Claire Bresson
 
Presentation CRYPTO DAY
Presentation CRYPTO DAYPresentation CRYPTO DAY
Presentation CRYPTO DAYCRYPTO APÉRO
 
Introduction au Bitcoin
Introduction au Bitcoin Introduction au Bitcoin
Introduction au Bitcoin Yacine Yakoubi
 
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolutionSilicon Comté
 
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)FrancisPouliot
 
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)Mathieu Jamar
 
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlace
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlaceInnovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlace
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlaceNazim Morera
 
Introduction au Bitcoin
Introduction au BitcoinIntroduction au Bitcoin
Introduction au BitcoinHETIC
 
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment mean
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment meanBlockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment mean
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment meanAlbin CAUDERLIER
 
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...Stéphane Traumat
 

Tendances (20)

Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...
Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...
Développer un serveur de micropayment bitcoin - REX sur 2 implémentations - O...
 
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunités
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunitésBitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunités
Bitcoin, initiation à l’argent P2P et opportunités
 
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles"
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles" IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles"
IdéeLab "Bitcoin et l'essor des monnaies virtuelles"
 
Bitcoin
Bitcoin Bitcoin
Bitcoin
 
Presentation CRYPTO DAY
Presentation CRYPTO DAYPresentation CRYPTO DAY
Presentation CRYPTO DAY
 
Blockchain
BlockchainBlockchain
Blockchain
 
Bitcoin/whuffie
Bitcoin/whuffieBitcoin/whuffie
Bitcoin/whuffie
 
Découvrir le Bitcoin
Découvrir le BitcoinDécouvrir le Bitcoin
Découvrir le Bitcoin
 
Introduction au Bitcoin
Introduction au Bitcoin Introduction au Bitcoin
Introduction au Bitcoin
 
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution
[22/03/2016] Conférence : Blockchain, disruption & révolution
 
La Blockchain : Au-delà du Bitcoin
La Blockchain : Au-delà du BitcoinLa Blockchain : Au-delà du Bitcoin
La Blockchain : Au-delà du Bitcoin
 
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)
Bitcoin: Repenser la monnaie (Bitcoin: rethinking money)
 
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)
Quel avenir pour le Bitcoin ? (+intro)
 
La technologie Blockchain - 1ere approche
La technologie Blockchain - 1ere approcheLa technologie Blockchain - 1ere approche
La technologie Blockchain - 1ere approche
 
Pres blockchain
Pres blockchainPres blockchain
Pres blockchain
 
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlace
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlaceInnovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlace
Innovation et technologie blockchain -intervention DigitalPlace
 
Introduction au Bitcoin
Introduction au BitcoinIntroduction au Bitcoin
Introduction au Bitcoin
 
Bitcoin tunisie
Bitcoin tunisieBitcoin tunisie
Bitcoin tunisie
 
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment mean
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment meanBlockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment mean
Blockchain Paris 2015 - Bitcoin, an almost perfect payment mean
 
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...
Blockchain : qu'est ce que c'est, comment ça marche et quels usages dans l'av...
 

Similaire à Bitcoin enjeux fiscaux et traitement pénal

Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docx
Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docxRéduction de moitié du bitcoin en 2024.docx
Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docxMartinez70
 
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoin
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoinBitcoin Day: tout savoir sur le bitcoin
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoinFrenchWeb.fr
 
Crypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_frCrypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_frMaddraieG
 
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdf
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdfBitcoin la monnaie numérique N°1.pdf
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdfMining Delta
 
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nuls
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nulsSupport de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nuls
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nulsSébastien Bourguignon
 
Mémento - Intro à la Blockchain
Mémento - Intro à la BlockchainMémento - Intro à la Blockchain
Mémento - Intro à la BlockchainSalesforce France
 
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)Arezki Bourihane
 
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalités
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalitésTunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalités
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalitésSébastien Bourguignon
 
how to eran free bitcoin
how to eran free bitcoinhow to eran free bitcoin
how to eran free bitcoinsweet-bitcoin
 
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhi
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhiCWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhi
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhiCapgemini
 
France, la future crypto nation ?
France, la future crypto nation ?France, la future crypto nation ?
France, la future crypto nation ?AlexandreLourimi1
 
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...EnjoyDigitAll by BNP Paribas
 
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain Bruno Pagni
 
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #Crypto
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #CryptoL'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #Crypto
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #CryptoHicham Sabre
 
Blockchain et droit
Blockchain et droitBlockchain et droit
Blockchain et droitSimon Polrot
 

Similaire à Bitcoin enjeux fiscaux et traitement pénal (20)

Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docx
Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docxRéduction de moitié du bitcoin en 2024.docx
Réduction de moitié du bitcoin en 2024.docx
 
Bitcoin
BitcoinBitcoin
Bitcoin
 
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoin
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoinBitcoin Day: tout savoir sur le bitcoin
Bitcoin Day: tout savoir sur le bitcoin
 
Crypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_frCrypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_fr
 
Crypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_frCrypto guide for_investors_fr
Crypto guide for_investors_fr
 
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdf
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdfBitcoin la monnaie numérique N°1.pdf
Bitcoin la monnaie numérique N°1.pdf
 
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nuls
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nulsSupport de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nuls
Support de la conférence Pink Innov' - La blockchain pour les nuls
 
Mémento - Intro à la Blockchain
Mémento - Intro à la BlockchainMémento - Intro à la Blockchain
Mémento - Intro à la Blockchain
 
Le Bitcoin: entre inefficacité et injustice?
Le Bitcoin: entre inefficacité et injustice?Le Bitcoin: entre inefficacité et injustice?
Le Bitcoin: entre inefficacité et injustice?
 
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)
Bitcoin (BOURIHANE Et YAKOUBI)
 
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalités
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalitésTunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalités
Tunisia Digital Summit - Keynote - Blockchain, mythes et réalités
 
Prez e démocratie
Prez e démocratiePrez e démocratie
Prez e démocratie
 
how to eran free bitcoin
how to eran free bitcoinhow to eran free bitcoin
how to eran free bitcoin
 
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhi
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhiCWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhi
CWIN17 Morocco / Bitcoin - the digital money salah essalhi
 
France, la future crypto nation ?
France, la future crypto nation ?France, la future crypto nation ?
France, la future crypto nation ?
 
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...
Blockchain, un pas vers la 4ème Révolution Industrielle ! Une infographie Enj...
 
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain
La crypto-monnaie : Bitcoin, Onecoin et Blockchain
 
Bitcoin.ppt
Bitcoin.pptBitcoin.ppt
Bitcoin.ppt
 
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #Crypto
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #CryptoL'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #Crypto
L'Essor des Crypto Monnaies et de la Blockchain #Crypto
 
Blockchain et droit
Blockchain et droitBlockchain et droit
Blockchain et droit
 

Bitcoin enjeux fiscaux et traitement pénal

  • 1. ITCOIN Enjeux fiscaux et traitement pénal Par Laura JOUNDA SONKWA Année : 2018
  • 2. 1 SOMMAIRE INTRODUCTION I. Conséquences fiscales de l’usage du bitcoin A. Quel régime d’imposition ? B. TVA sur les opérations de change de bitcoins II. Le traitement pénal du bitcoin A. Les infractions résultant de l’usage du bitcoin B. L’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin
  • 3. 2 INTRODUCTION La logique d’efficacité à moindre coût est l’un des principes directeurs du monde des affaires. Après plusieurs tentatives pour échapper au monopole bancaire, de nombreuses cryptomonnaies ont été créées grâce à internet : le dash, le monero, l’ethereum, le litecoin, la plus connue et la plus utilisée, le bitcoin. Apparu pour la première fois en 2008 dans un article de recherche sur la cryptographie1 publié sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto, le bitcoin est une « monnaie électronique, décentralisée, partiellement anonyme, soutenue par aucun gouvernement ni entité légale »2 . Cette monnaie reprend les technologies développées par David Chaum et Stefan Brands (ecash), Adam Back (hashcash), Wei Dai (b-money), Nick Szabo (bitgold), avec pour particularité d’améliorer le système de preuve de travail (Proof of Work). Le bitcoin fonctionne sur la base d’un système peer to peer (pair à pair), c’est-à-dire un système décentralisé, permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans recours à un intermédiaire. Cette architecture s’oppose au système client-serveur, qui fait intervenir un organisme central (la banque par exemple). Concrètement, le système fonctionne comme suit. Le bitcoin utilise la cryptographie par clés publique et privée. La clé privée est une clé aléatoire dont l’utilisateur est le seul à en avoir connaissance, clé à partir de laquelle est automatiquement déduite un algorithme (clé publique). Une adresse bitcoin est composée de ces deux clés et les utilisateurs peuvent pour chaque transaction, créer une nouvelle adresse afin de préserver une certaine confidentialité et conserver leur anonymat. L’adresse bitcoin se distingue donc ici du numéro de compte bancaire, car on peut générer autant d’adresses que de transactions. Ces différentes adresses sont contenues dans un portefeuille. Un solde en bitcoins est rattaché à la clé publique de l’utilisateur et lorsque des bitcoins sont transmis d’un utilisateur à un autre, le premier signe une transaction avec sa clé privée et la diffuse sur le réseau qui identifie sa signature et crédite l’adresse du destinataire, qui peut à son tour transmettre les fonds reçus. Mais il peut arriver qu’un utilisateur transmette des fonds déjà utilisés à un autre. Pour empêcher cela, une liste publique dénommée blockchain contenant toutes les transactions passées est maintenue collectivement par chaque ordinateur connecté au réseau, encore appelé nœud du réseau. La blockchain n’est donc pas stockée quelque part (car le but est d’éviter toute 1 « Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System », 2008. 2 Sylvain MIGNOT, « Le bitcoin : Nature et fonctionnement », in Banque & Droit nº 159 janvier-février 2015, pp : 10- 13.
  • 4. 3 centralisation), mais est présente dans chaque ordinateur, si celui-ci a été préalablement connecté au réseau par l’utilisateur3 . Ainsi, à chaque transaction on vérifiera que les bitcoins envoyés n’ont pas déjà été dépensés. La transaction sera par la suite stockée dans la blockchain avec d’autres transactions validées de la même manière. Toutefois, la blockchain ne peut contenir qu’un nombre limité de bitcoins plafonné à vingt et un millions. Chiffre qui d’après les statistiques, pourrait être atteint en 21414 . Cette limitation fait qu’il est aujourd’hui presque impossible de créer des bitcoins individuellement, car, plus le temps passe, plus le nombre de bitcoins généré diminue. D’où la mise en œuvre des coopératives de mineurs5 (mining pool). Le bitcoin renferme donc deux acceptions : le bitcoin en tant que devise d’une part, et le bitcoin en tant que système transactionnel de cette devise d’autre part. Dans sa première acception, sa nature a suscité plusieurs débats sur la question de savoir s’il s’agit ou pas d’une monnaie. L’on s’accorde à la qualifier de monnaie virtuelle, à la différence de la monnaie électronique. Cette dernière est définie par l’article 2 de la Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 comme étant : « une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement […]et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». La monnaie électronique conserve donc un lien avec la monnaie traditionnelle, ce qui n’est pas le cas avec le bitcoin. Système à la fois transparent (caractère public des transactions) et quasi anonyme, le bitcoin ne saurait laisser le juriste indifférent. Quelles peuvent être les conséquences de l’utilisation de cette monnaie virtuelle sur le système juridique ? La question renferme un intérêt à la fois juridique, économique, social et actuel, tant elle permettra de voir comment le législateur appréhende ce nouveau système et le comportement de ses utilisateurs. Pour cela, nous parlerons d’une part des conséquences sur le plan fiscal de l’usage du bitcoin (I) et, d’autres part, du traitement pénal réservé à l’usage frauduleux de cette monnaie virtuelle (II). 3 Pour connecter son ordinateur au réseau, il suffit de faire tourner sur celui-ci un logiciel appelé Bitcoin core. 4 Jean Luc, « En quelle année sera atteint le nombre maximal de bitcoin en circulation ? », Bitcoin.fr. 5 Le minage est le procédé qui permet de confirmer des transactions et d’émettre les bitcoins.
  • 5. 4 I. Conséquences fiscales de l’usage du bitcoin Le bitcoin génère des gains qui ne peuvent passer inaperçus. D’après des estimations réalisées en 2017, près de 33 milliards de dollars de bitcoins seraient en circulation6 . Le droit français ne reste pas indifférent face à ce phénomène. Seront traitées dans cette partie les problématiques relatives au régime d’imposition du bitcoin d’une part (A) et celles portants sur l’application de la TVA aux opérations de change de bitcoins (B). A. Quel régime d’imposition ? En l’absence de dispositions législatives, la doctrine administrative a édicté des règles d’imposition du bitcoin sur la base des articles 92 et 34 du Code général des impôts (BOI- BNC-CHAMP-10-10-20-40, n°1080 ; BOI-BIC-CHAMP-60-50 n°730).Ainsi, elle considérait les gains issus de l’achat et revente des bitcoins comme des bénéfices non commerciaux (BNC) lorsque l’activité est occasionnelle et comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) lorsque l’activité est exercée à titre habituel. Ce dispositif a fait l’objet d’une contestation par un contribuable, ce qui a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat rendue en date du 26 avril 2018 (CE, 26 avr. 2018, n°417809). Dans cette affaire, le contribuable invoquait notamment une violation du principe d’égalité pour différence de traitement des bitcoins et des valeurs mobilières et réclamait une imposition des gains issus de la cession des bitcoins suivant le régime d’imposition des plus-values des biens meubles. Il était donc question pour le Conseil d’Etat de se prononcer sur le régime fiscal applicable aux bitcoins et cryptomonnaies. Pour ce faire, il a posé un principe et deux exceptions. 1. Principe : imposition des gains de cession des bitcoins suivant le régime des plus-values La plus-value est un profit réalisé à l’occasion de la cession d’un bien. Elle est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien. La plus-value peut porter tant sur la cession des biens meubles qu’immeubles. Ainsi, suivant l’article 150 UA du Code général des impôts, lorsqu’elles portent sur la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques domiciliées en France, ces plus plus- values sont soumises à l’impôt sur le revenu. 6 Jon RUSSEL, « Bitcoin just surged past 2000 for the first time », (en ligne), mis à jour le 20 mai 2017, consulté le 29 mai 2018 : https://techcrunch.com/2017/05/20/btc2k/?guccounter=1.
  • 6. 5 Dans cette décision du 26 avril 2018, le Conseil d’Etat commence d’abord par déterminer la nature des bitcoins, avant de se prononcer sur l’application du régime des plus-values. Il rappelle le contenu de l’article 516 du Code civil qui dispose : « Tous les biens sont meubles ou immeubles ». Puisque les unités de bitcoins ne relèvent pas de la catégorie des biens immeubles, le juge en déduit qu’elles ont la nature de biens meubles et sont des biens meubles incorporels. Sur cette base, les bitcoins peuvent donc être soumis au régime des plus-values conformément à l’article 150 UA précité. Rappelons que cet article ne s’applique pas aux cessions de biens meubles dont le prix est inférieur ou égal à 5000 €. Cette décision du conseil est donc a priori avantageuse pour les primo investisseurs dans le bitcoin ou les petites entreprises, car si ceux-ci réalisent une plus- value inférieure à ce seuil, elle ne sera en principe pas taxée. Si donc le Conseil d’Etat annule partiellement les commentaires du Bulletin officiel des finances publiques qui indiquaient de manière générale que les produits tirés de la cession à titre occasionnel de bitcoins sont des revenus relevant de la uniquement de la catégorie des BNC ou BIC, il n’exclut pas cette option. 2. Exception : imposition des gains de cession des bitcoins au titre des BNC ou des BIC Si les profits tirés de la cession des bitcoins par des particuliers relèvent en principe du régime des plus-values de cession de biens meubles, il en va autrement lorsque les opérations de cession, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles interviennent, entrent dans le champ de dispositions relatives à d’autres catégories de revenus. Telle est la position du Conseil d’Etat. Ces autres catégories de revenus concernent précisément les BNC et les BIC. Ainsi, « les gains issus d’une opération de cession, le cas échéant unique, d’unités de bitcoin sont ainsi susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle ». Par contre, lorsque ces gains proviennent de la cession à titre habituel de bitcoins acquis en vue de leur revente, y compris lorsque cette cession prend la forme d’un échange contre un autre bien meuble, dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale, ils sont imposables dans la catégorie des BIC. On revient donc ici au commentaire du BOFIP qui indiquait que les produits tirés de la cession à titre occasionnel de bitcoins sont des revenus relevant de la catégorie des BNC, et ceux réalisés à titre habituel dans le cadre d’une activité commerciale sont soumis au régime des BIC.
  • 7. 6 Une autre question s’est posée sur la soumission de la TVA aux cessions de bitcoins réalisées à titre onéreux. B. TVA sur les opérations de change de bitcoins La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt sur la consommation (car supportée par le consommateur) qui porte sur tous les biens ou services consommés ou utilisés en France. C’est un impôt indirect dans la mesure où il n’est pas directement reversé par le contribuable (le consommateur) au trésor. Il existe également une TVA intracommunautaire qui s’applique aux opérations de livraison de biens ou de services effectuées au sein de l’Union européenne. Nous parlerons brièvement du champ d’application de la TVA au niveau national avant de dire si les opérations de change de bitcoins en sont exonérées ou pas. 1. Champ d’application de la TVA Suivant l’article 256-I du Code général des impôts, « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». Cet article définit le champ d’application de la TVA. Elle a comme fait générateur soit la livraison d’un bien, soit la prestation d’un service. Deux conditions doivent précisément être réunies pour qu’une opération soit imposée à la TVA. Il faut une opération effectuée à titre onéreux (livraison de biens ou prestation de services) par un assujetti en tant que tel. L’assujetti à la TVA s’entend de toute personne qui effectue de manière indépendante une activité économique. Pour que l’opération puisse être soumise à la TVA, l’assujetti doit agir dans le cadre de ses fonctions. Certaines opérations sont exonérées de ce champ d’application. Il y a exonération lorsqu’une opération entrant dans le champ d’application de la TVA est dispensée de cet impôt par une disposition spéciale de la loi. Les exonérations sont donc en principe limitativement énumérées par le législateur. On peut notamment citer les opérations de livraison intracommunautaires, exportations et opérations assimilées, les opérations bancaires et financières. L’on se demande dans ce dernier cas si les opérations de change de devises virtuelles telle que le bitcoin, peuvent être considérées comme exonérées. 2. L’exonération des opérations de change de bitcoins Pour répondre à la problématique relative à l’application de la TVA aux opérations de bitcoins, nous distinguerons selon qu’on se trouve en droit national ou en droit communautaire.
  • 8. 7 En droit national, il n’existe pas de règlementation sur le bitcoin. On peut toutefois se référer à l’article 261 C-a du Code général des impôts qui exclut du champ d’application de la TVA « les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances ». On se demande si cet article doit être interprété dans un sens limitatif ou si l’on peut, tenant compte de la lettre du texte, l’étendre au bitcoin. Pas de réponse en droit national. On peut à ce titre se référer au droit communautaire. Au sein de l’Union, la TVA est régie par la Directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. En son article 135 § 1-e, elle dispose que sont exclues de TVA : « les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, à l’exception des monnaies et billets de collection, à savoir les pièces en or, en argent ou en autre métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique ». Cet article parle des moyens de paiement, ce qui nous amène à nous interroger sur le fait de savoir si le bitcoin peut être considéré comme un moyen de paiement. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a été saisie d’une demande de question préjudicielle à ce sujet. Il s’agissait d’un litige opposant l’administration fiscale suédoise à un particulier concernant la soumission à la TVA des opérations de change de devises traditionnelles contre une monnaie virtuelle telle que le bitcoin ou inversement, moyennant rémunération. Les opérations en l’espèce se limitaient donc à l’achat et à la vente d’unités de la devise virtuelle bitcoin en échange de devises traditionnelles ou inversement. La principale difficulté consistait à savoir si l’article 135 §1-e devrait être limité aux opérations de change telles qu’elles ont été décrites ci-dessus ou pouvait être étendu aux opérations de change de bitcoins. La juridiction suédoise a donc saisie la CJUE à cette fin. La CJUE précise tout d’abord que les opérations en cause doivent être regardées comme des prestations de services effectuées à titre onéreux contre remise d’une contrepartie qui présente un lien direct avec le service rendu, dès lors que la société serait rémunérée par une contrepartie correspondant à la marge qu’elle intègrerait dans le calcul des cours de change. Elle juge ensuite que ces opérations entrent dans le champ d’application de l’article 135 § 1-e de la directive TVA (CJUE, 5e chambre, 22 Octobre 2015 - n° C-264/14). Selon la Cour, la monnaie virtuelle y compris le bitcoin, constitue un moyen de paiement au même titre que les devises traditionnelles. Ainsi, pour la CJUE, de la même manière que l’achat ou la vente de devises officielles, à l’exception des frais de courtage, n’occasionne pas d’autres frais, l’acheteur ou le
  • 9. 8 vendeur dans le cadre d’une opération de change de bitcoins ne devrait également pas supporter d’autres frais. Cette décision vient conforter les avantages du bitcoin. Il serait intéressant d’analyser le traitement de cette monnaie virtuelle d’un point de vue pénal. II. Le traitement pénal du bitcoin Nous parlerons de deux aspects spécifiques au traitement pénal du bitcoin : les infractions susceptibles d’être commises à travers l’usage de cette monnaie virtuelle (A) et les modalités d’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin (B). A. Les infractions résultant de l’usage du bitcoin L’absence d’autorité centrale, l’irréversibilité des transactions, l’anonymat des utilisateurs (la possibilité d’avoir plusieurs adresses), l’absence d’entité régulatrice sont autant d’éléments qui justifient la multiplication d’infractions en lien avec l’usage du bitcoin. Ce dernier peut être soit l’objet de ces infractions ou constituer un moyen de réalisation de celles-ci7 . 1. Les infractions réalisées en vue de l’obtention des bitcoins C’est la situation dans laquelle une infraction a été réalisée dans le but de se procurer des bitcoins. Nous évoquerons quatre situations spécifiques. La dernière est récente. - les intrusions informatiques commises dans le but de se procurer des bitcoins : c’est le cas de la création de programmes malveillants visant à infecter des ordinateurs afin de les faire miner des bitcoins à l’insu des propriétaires desdits ordinateurs. - L’escroquerie : Définie à l’article L 3131 du Code pénal, « l’escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ». Elle peut se manifester par la mise en œuvre de manœuvres frauduleuses visant à soustraire un utilisateur de ses bitcoins. Ce peut par exemple être le fait pour un utilisateur d’essayer de falsifier l’historique de la blockchain pour donner l’impression d’être solvable alors qu’il ne l’est pas. 7 Stephen ALMASEANU, « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais - n°242 - page 11.
  • 10. 9 - L’exercice illégal de la profession de prestataire de services de paiement : Cette infraction peut être réprimée sur la base des articles L. 521-1, L.521-2 et L. 572-5 du Code monétaire et financier. En effet, dans sa position publiée le 29 janvier 2014, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) considère que « dans le cadre d’une opération d’achat / vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir des fonds de l’acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement ». Cette position est confortée par une décision de la Cour d’appel de Paris dans laquelle les juges affirment qu’un agrément est indispensable pour exercer une activité d’intermédiaire en matière de bitcoins (CA Paris, 26 sept. 2013, n° 12/00161). - Enlèvement et séquestration en vue de l’obtention d’une rançon en bitcoins : Il s’agit des cas dans lesquels des ravisseurs procèdent à l’enlèvement de personnes et demande en retour une rançon en bitcoins. Ces actes sont de plus en plus fréquents. Le plus récent s’est produit en Afrique du Sud où des ravisseurs d’un jeune sud-africain de 13 ans, enlevé dans la ville de Witbank, ont réclamé une rançon d’environ 100 000 euros en bitcoins8 . Mais avant cela, des infractions pareilles s’étaient déjà produites dans l’Etat américain de Géorgie et en Ukraine. L’exigence de paiement en bitcoins peut se justifier par le fait qu’il est difficile d’établir la traçabilité des transactions effectuées en bitcoins à cause de la possibilité d’avoir plusieurs adresses ; ce qui favorise également l’anonymat des utilisateurs. En dehors de ces cas, le bitcoin peut aussi être utilisé comme moyen de financement du terrorisme. Si à la base l’objectif était donc de faciliter les moyens de paiement dans les relations d’affaires, cet objectif a été détournée à des fins frauduleuses. Nous étudierons le cas spécifique du blanchiment d’argent. 2. Les infractions réalisées à l’aide des bitcoins : le cas spécifique du blanchiment L’article 324-1 du Code pénal définit le blanchiment d’argent comme : « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » ou encore « le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ». Il peut s’agir de fonds issus du trafic de stupéfiants par exemple, ou de toute autre infraction. L’auteur de l’infraction peut être 8 V. Notamment : « En Afrique du Sud, des ravisseurs exigent une rançon en monnaie virtuelle », France 24, 24 mai 2018 : http://www.france24.com/fr/20180524-afrique-sud-enlevement-demande-rancon-bitcoin-police- witbank.
  • 11. 10 l’utilisateur de bitcoins, comme il peut s’agir de deux personnes différentes. Dans ce cas, l’utilisateur de bitcoins sera considéré comme facilitateur. L’opération de blanchiment de capitaux se déroule en trois phases : placement, dissimulation et conversion. - Placement : Les fonds provenant de l’infraction permettront d’acquérir des bitcoins. C’est l’introduction du fruit de l’infraction dans le circuit financier. - Dissimulation : les bitcoins seront ensuite transformés en une autre devise officielle. - Conversion : l’origine des biens est dissimulée et ils acquièrent une apparence de légalité. Ce risque lié à l’utilisation du bitcoin a pour conséquence directe l’évasion fiscale. Aux États‑Unis par exemple, en 2013, une action judiciaire a été engagée contre des fournisseurs de plates‑formes de conversion, soupçonnés de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Le blanchiment peut conduire en droit français à la confiscation du corps du délit. Comment une telle saisie est-elle réalisable ? B. L’exercice d’une saisie pénale sur le bitcoin Conformément à l’article 131-21 du Code pénal, en cas de condamnation pour blanchiment, il est possible pour le juge de prononcer des peines complémentaires telles que la confiscation. Peine encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse. La confiscation porte sur tous les biens de l’auteur de l’infraction, meubles ou immeubles, divis ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre. La mise en œuvre de cette saisie nécessite donc que l’on détermine d’abord la nature juridique des bitcoins. 1. La détermination de la nature juridique du bitcoin L’article L 131-21 du Code pénal parle de la saisie de tous types de biens, meubles ou immeubles, indivis ou divis appartenant au propriétaire. A chaque catégorie de bien, il existe un mode de saisie spécifique. Dans quelle catégorie ranger les bitcoins ? Le bitcoin n’est ni une monnaie légale, ni une créance, ni un instrument financier. On sait avec la décision de la CJUE du 22 octobre 2015 que cette monnaie virtuelle vaut comme moyen de paiement au même titre que les devises virtuelles. Avant la décision du Conseil d’Etat du 26 avril 2018, certains auteurs de la doctrine considéraient le bitcoin comme un bien meuble
  • 12. 11 incorporel9 . Cette décision reprend cette qualification. Le Conseil d’Etat attribue aux bitcoins la nature de biens meubles incorporel sur le fondement de l’article 516 du Code civil. Puisqu’il s’agit de bien meubles incorporels, comment se déroulera la saisie des bitcoins dans le cadre d’une procédure pénale ? 2. Le déroulement de la saisie La saisie des bitcoins relève des articles 706-153 et 706-156 du Code de procédure pénale. Il faut soit une décision du parquet suivie d’une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention pendant les enquêtes, soit une saisie par le magistrat instructeur pendant l’information judiciaire. Cette dernière doit être effectuée après avoir pris connaissance des réquisitions du ministère publique si la saisie est une saisie patrimoniale. Lorsqu’au cours de l’enquête la restitution des biens meubles saisis et dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l’objet dans un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure adressée à son domicile, les bitcoins saisis seront remis par le parquet à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) et ce après autorisation du juge des libertés et de la détention si on est en phase d’enquête. Si l’on est en phase d’information judiciaire, la remise devra être effectuée par le magistrat instructeur. L’AGRASC pourra procéder à la vente des bitcoins sur le fondement articles 41-5 alinéa 2 et 99-2 alinéa 2 du Code de procédure pénal. On se demande comment va concrètement se dérouler la vente des bitcoins en cas de saisie. L’AGRASC devra procéder à la création d’un portefeuille de bitcoins et d’une adresse à travers laquelle elle pourra recevoir les bitcoins saisis. Pour effectuer la transaction, elle devra avoir accès au portefeuille de l’auteur de l’infraction. Mais des difficultés peuvent se poser quant à l’accès à la clé privée de ce dernier. Une fois la saisie effectuée, l’AGRASC devra procéder à leur mise en vente. Pour ce faire, elle pourrait par exemple recourir à une coopérative de mineurs telle que Plush Pool, dans le but de faciliter la mise en circulation des bitcoins. En Europe, la France fut la première à démanteler un trafic bitcoin en 2014. Près de 200 000 euros de bitcoins ont été saisis10 . La saisie confiscation des bitcoins est donc possible. 9 Stephen Almaseanu, « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais - n°242 - page 11. 10 Cf. « Bitcoin : le premier trafic démantelé en Europe est Français », Latribune.fr, 7 juill. 2014 : https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20140707trib000838782/bitcoin-le-premier-trafic-demantele- en-europe-est-francais.html.
  • 13. 12 BIBLIOGRAPHIE • Articles ALMASEANU S., « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais - n°242 - page 11. JEAN LUC, « En quelle année sera atteint le nombre maximal de bitcoin en circulation ? », Bitcoin.fr. MIGNOT S., « Le bitcoin : Nature et fonctionnement », in Banque & Droit nº 159 janvier- février 2015, pp : 10-13. RUSSEL J., « Bitcoin just surged past 2000 for the first time », (en ligne), mis à jour le 20 mai 2017, consulté le 29 mai 2018 : https://techcrunch.com/2017/05/20/btc2k/?guccounter=1. • Articles de presse « En Afrique du Sud, des ravisseurs exigent une rançon en monnaie virtuelle », France 24, 24 mai 2018 : http://www.france24.com/fr/20180524-afrique-sud-enlevement-demande-rancon- bitcoin-police-witbank. « Bitcoin : le premier trafic démantelé en Europe est Français », Latribune.fr, 7 juill. 2014 : https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20140707trib000838782/bitcoin-le-premier- trafic-demantele-en-europe-est-francais.html.