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LA PROCÉDURE D’ACTION DE GROUPE EN SANTÉ ENTRE EN VIGUEUR LE 28 SEPTEMBRE 2016
1. Le décret d’application des dispositions
de la Loi Touraine du 26 janvier 2016
sur l’action de groupe en matière de
santé a été publié au Journal Officiel,
aujourd’hui même, 27 septembre 2016.
Des actions de groupe pourront donc être
introduites dès le 28 septembre 2016 au
titre de produits de santé commercialisés
avant l’entrée en vigueur de la Loi
Touraine.
Ce nouveau dispositif risque d’entraîner
des conséquences financières (et de
réputation) importantes pour les acteurs
de la santé qui seront visés par les futures
actions de groupe.
I. Caractéristiques de l’action de
groupe en matière de santé
L’action de groupe en matière de santé
repose sur une logique et une structure
similaires à celle créée par la Loi Hamon
de 2014. Le législateur a néanmoins
élargi substantiellement son champ
d’application afin de faciliter l’introduction
d’actions de groupe.
- Un monopole confié aux associa-
tions d’usagers du système de santé
agréées
La procédure d’action de groupe est
ouverte aux associations d’usagers
agréées au niveau régional ou national.
A ce jour, près de 500 associations
d’usagers peuvent donc introduire des
actions de groupe dans le domaine de la
santé, contre seulement 15 associations
de consommateurs dans la procédure
créée par la Loi Hamon.
- Un champ d’application large
L’objet de l’action de groupe est la
réparation des préjudices individuels
résultant de dommages corporels subis
par des usagers du système de santé
placés dans une « situation similaire ou
identique ». Ces préjudices doivent avoir
pour cause commune les manquements
d’un producteur ou d’un fournisseur d’un
produit de santé ou ceux d’un prestataire
lors de l’utilisation d’un produit de santé.
Les produits de santé sont ceux
mentionnés dans la liste non-exhaustive
de l’article L. 5311-1 du Code de la santé
publique. Ils comprennent notamment les
médicaments, les dispositifs médicaux,
les produits sanguins, les produits
cosmétiques, les lentilles de contact, etc.
- Une procédure en deux phases
Phase 1 : La procédure permettra
de rechercher la responsabilité des
professionnels sur le fondement des
régimes de responsabilité existant déjà
(ex. : responsabilité des laboratoires
pharmaceutiques en raison d’un défaut
de leur produit ; responsabilité pour
faute d’un hôpital lors de l’utilisation d’un
produit de santé ; etc.).
L’action pourra être introduite devant les
juridictions judiciaires ou administratives
sur le fondement de quelques « cas
individuels » décrits dans l’acte introductif.
Il n’y a pas de phase de certification (qui
existe dans le modèle américain), ce qui
signifie que la recevabilité de l’action est
appréciée par les juges en même temps
que la responsabilité du professionnel.
Lorsque le professionnel sera reconnu
responsable, le tribunal identifiera dans
un même jugement les critères de
rattachement au groupe et les modalités
de publicité. Après l’épuisement des
voies de recours (appel et cassation),
les mesures de publicité seront mises
en œuvre et commencera alors la phase
d’indemnisation.
Phase 2 : Une fois informés du jugement,
les usagers du système de santé
concernés pourront choisir d’adhérer au
groupe (système d’opt-in tardif). Le délai
pour adhérer au groupe sera fixé par le
juge ; il ne pourra cependant pas être
inférieur à 6 mois ni supérieur à 5 ans.
Si le professionnel refuse d’indemniser
certains usagers, ces derniers devront in-
troduire une action en justice individuelle
devant le juge ayant statué sur la respon-
sabilité du professionnel dans le cadre de
l’action de groupe.
II. Portée du décret d’application du
26 septembre 2016
- Une application immédiate du
nouveau dispositif
À défaut de disposition spécifique dans le
décret, des actions de groupe pourront
être initiées dès le 28 septembre 2016
relativement à des produits de santé mis
sur le marché et/ou à des manquements
commis préalablement à l’entrée en
vigueur de la Loi Touraine (sous réserve
des règles de prescription). Cette
application immédiate est évidemment
source d’une grande insécurité juridique
pour les professionnels concernés.
- Un décret a minima
Le décret d’application apporte certaines
précisions sur la procédure d’action
de groupe. Ainsi, et sauf disposition
contraire, s’appliqueront à l’action de
groupe les règles de droit commun fixées
dans le Code de justice administrative et
le Code de procédure civile (procédure
ordinaire devant le Tribunal de grande
instance, TGI).
Poursuivant un objectif de rapidité des
procédures,ledécretd’applicationapporte
par ailleurs une dérogation aux règles de
l’appel en prévoyant expressément que la
procédure d’appel contre les jugements
rendus en matière d’action de groupe
sera celle réservée aux affaires évidentes
et/ou urgentes (article 905 du Code de
procédure civile). Ce dernier point est
contestable dès lors que les actions de
groupe sont des procédures complexes.
Le décret prévoit également que
l’association requérante devra exposer
dans l’acte introductif, sous peine de
nullité, les cas individuels justifiant son
action de groupe.
- Les lacunes du décret
Le décret d’application n’apporte au final
que peu de précisions sur la procédure
d’action de groupe et laisse de côté
certains points pourtant essentiels.
Le décret ne prévoit ainsi aucune règle
spécifique s’agissant de la compétence
territoriale, contrairement à ce qui a été
fait en matière d’action de groupe dans
le domaine de la consommation. Cette
lacune est majeure et le risque de forum
shopping très important. Il existe en
effet désormais 164 TGI et 42 tribunaux
administratifs, qui ont tous compétence
pour connaître des actions de groupe.
Au vu des règles de compétence de droit
commun, les associations pourront en
conséquence constituer leur dossier de
telle sorte qu’elles choisiront en définitive
le tribunal devant lequel porter leur
action.
Aucune limite n’a par ailleurs été
fixée quant aux mesures de publicité
susceptibles d’être ordonnées. Un tribunal
pourrait donc condamner le professionnel
à financer et à mettre en œuvre une
campagne de publicité à la télévision
dont l’objet serait d’informer le public
de sa condamnation et des conditions
d’indemnisation. Les conséquences
en termes d’image seraient bien
évidemment catastrophiques et le coût
de telles mesures très élevé.
En conclusion, le champ structurel-
lement large de l’action de groupe
« santé » et le caractère lacunaire
du décret d’application ont pour effet
d’accroître les risques d’instrumenta-
lisation de cette nouvelle procédure.
Cela est d’autant plus préjudiciable
que les litiges touchant à la santé
publique sont sensibles par nature et
que leur exposition médiatique est
particulièrement importante.
FLASH
LA PROCÉDURE D’ACTION DE GROUPE EN SANTÉ ENTRE EN
VIGUEUR LE 28 SEPTEMBRE 2016
CONTENTIEUX / SANTÉ
Kami Haeri
Associé
khaeri@augdeb.com
Benoît Javaux
Counsel
bjavaux@augdeb.com
Isabelle Vigier
Counsel
ivigier@augdeb.com
Septembre 2016
August & Debouzy