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161216 bien grandir
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Bien grandir
La genèse d'une entreprise s'apparente à tout acte
créatif : le créateur y exprime ce qu'il a en soi. Il
répond à un besoin propre ou à un manque ressenti
par lui et supposé du coup, exister chez d'autres. Rares
sont les entreprises créées à partir d'une analyse
approfondie du marché !
Ce faisant, l'entrepreneur extériorise dans sa société sa
personnalité, sa vision du monde...
Là aussi, le Créateur la crée « à son image » !
L'entreprise est en quelque sorte une partie de lui-
même.
Créature-créateur sont indissociables.
Ceci est d'autant plus vrai en PME. Du fait de leur âge,
d'abord, l'influence du fondateur est souvent encore
très prégnante. Du fait de leur taille ensuite, l'impact
du patron y est toujours important.
Pourtant, il en est de l'entreprise comme de l'enfant :
en grandissant – et pour survivre –, l'une comme
l'autre sont condamnés à s'autonomiser. Il en va de la
pérennité de la créature ! Le fondateur est certes à
l'origine de l'entreprise, il n'est pas pour autant
l'entreprise. Celle-ci doit pouvoir exister sans lui, son
offre (au sens de la promesse - souvent implicite que
l'entreprise fait à son marché) doit pouvoir être portée
par d'autres voire être influencée par d'autres pour
s'adapter aux évolutions du monde.
Le fondateur – tout comme l'entreprise – doit
l'accepter. Le cap est parfois franchi difficilement, de
la part d'une entreprise qui se sent orpheline de sa
figure tutélaire ou par le créateur qui perd son statut
central alors qu'il a souvent fait beaucoup de sacrifices
pour son entreprise : vie de famille, loisirs, et parfois
patrimoine privé.
Prégnant dans les premières années de
développement, cette problématique l'est également
en cas de rachat. La tentation existe pour le repreneur
de vouloir modeler l'entreprise « à son image ».
Nous revient en mémoire le cas de cet entrepreneur
qui, sensible à l'art et au luxe, impulsa des
changements culturels, en partie pour faire coïncider
la culture de l'entreprise à ses goûts. Il en résulta un
« dépositionnement » identitaire important dans une
entreprise enracinée dans la technique, et une
fragilisation du lien entre ce fabricant et ses
distributeurs.
Plus spectaculaire encore, cette autre PME de la
salaisonnerie, serviteur dévoué et efficace des
bouchers indépendants, que son repreneur, passionné
d'aviation, lança à l'assaut de la GMS, uniquement
pour pouvoir générer un chiffre d'affaire et une
rentabilité plus importante... La croissance du chiffre
fut certes au rendez-vous – et donc l'avion privé pour
le patron –, mais la dépendance aux « diktats » des
grandes enseignes aussi... Elle ne tarda pas à
condamner l'entreprise.
Finalement, ne faudrait-il pas s'inspirer de cet autre
patron, restaurateur quasi autodidacte dans ce
domaine, qui reprenant une pizzeria, déclara :
« l'entreprise marchait avant moi, pourquoi tout
changer ? A moi de faire qu'elle marche avec moi de
la même façon, demain » ?
Qu'a-t-il fait ? Trois fois rien, dira-t-on. Et pourtant
c’est fondamental !
Il s'est d'abord assuré de comprendre l'offre : un
moment de convivialité, autour de bons plats italiens
avec un patron et des serveurs affables. Ensuite il a
recruté du personnel partageant ces valeurs et les a
formé à l'offre. Pari gagné ! Que le patron soit là ou
non, les clients eux, répondent présents et le
restaurant est connu dans son quartier et au-delà ! Du
Figaro au Boston Globe, les critiques soulignent son
caractère unique, ses plats de qualité et son ambiance
conviviale.
Prendre conscience que ce n'est pas l'entreprise qui est
au service de son dirigeant mais que c'est ce dernier
qui est au service de l'offre de l'entreprise, n'est-ce pas
finalement, là aussi, l'un des secrets de la pérennité ?
© N. Ederlé – juillet 2016
Les opinions émises dans cet article doivent être considérées
comme propres à l'auteur. Elles ne sauraient engager les
institutions pour lesquelles il travaille.