This presentation by Elie COHEN, Economist, Research director at France's national scientifc research centre (CNRS) and Professor at SciencesPo, was made during the discussion “Competition Under fire” held at the 18th meeting of the OECD Global Forum on Competition on 5 December 2019. More papers and presentations on the topic can be found at oe.cd/cunf.
Competition and Innovation - The Role of Innovation in Enforcement Cases – OE...
Competition Under Fire – COHEN – December 2019 OECD discussion
1. Crise de la régulation
concurrentielle européenne
Affaire Alstom Siemens : L’Europe a
les mains propres mais n’a pas de
mains
2. Alstom-Siemens Les termes du débat
• La politique de la concurrence européenne a été au cœur d’un débat public
animé opposant la Commissaire européenne Mme Vestager aux ministres français
et allemand de l’économie.
• Pour Vestager, la politique de la concurrence était un Trésor à préserver
absolument car elle préservait le pouvoir d’achat des ménages et stimulait
l’innovation alors que la politique des champions nationaux ou européens est
toujours une affaire de capture et d’interventionnisme. Les entreprises
européennes n’ont pas besoin du soutien de leurs états ajoute-t-elle
• Pour les ministres de l’économie français et allemand la décision de censurer
l’alliance Alstom-Siemens était une erreur économique et politique.
• Le prétexte a cette polémique a donc été le rejet de la fusion Alstom-Siemens
dans les trains à grande vitesse et la signalisation ferroviaire. Mais L’enjeu réel
était plutôt la réponse industrielle au défi chinois. Ainsi se trouvait à nouveau
posée la question « politique industrielle vs politique de la concurrence » . Ainsi se
trouvait aussi posée la question du fonctionnement des institutions
communautaires.
• Un débat entre économistes a opposé les défenseurs systématiques des bienfaits
de la concurrence à ceux qui tentent de contextualiser les choix.
3. AS : Une affaire emblématique
• Pourquoi est ce devenu une affaire emblématique de la stratégie
compétitive européenne ?
– D’abord parce que la DG Comp et Mme Vestager auréolés de
leur lutte contre les GAFA ont fait une erreur d’analyse sur AS
(Argument de la contestabilite des marchés : l’absence de
concurrence en t ne signifie pas qu’en t1 un concurrent ne va
pas apparaître au vu des conditions de marché)
– … et du coup la légitimité de la politique de la concurrence , de
ses bases théoriques et de ses outils sont interrogés (Toutes les
concentrations ne sont pas nécessairement négatives
économiquement ! Argument de la concurrence systémique
chinoise)
– Et Ensuite parce que pour la première fois les colbertistes
français, et les ordo-libéraux allemands se sont entendus pour
remettre en cause la DGComp en proposant une réforme du
règlement des concentrations et pour réhabiliter la politique
industrielle
4. La motivation du rejet
• Rappel Décision de Vestager : rejet d’une fusion qui allait faire de
l’ensemble Alstom-Siemens un groupe largement dominant sur le marché
européen après avoir tenté de casser la logique industrielle en demandant
que le nouvel ensemble cède une filiere TGV !!
• Mariage de raison sur un marché en attrition après des guerres
incessantes et un affaiblissement global (épuisement du modèle du
conglomérat technologique et disparition de la CGE)
• Mais selon la Commissaire Vestager cette fusion avait des effets négatifs
• - sur le consommateur européen : le marché pertinent reste européen
refus de considérer la concurrence systémique chinoise qui se traduit par
des aides publiques et une moindre rentabilité pour emporter les marchés
tiers
• - Des effets négatifs aussi dus à la promotion de champions Européens par
rapport a une logique de concurrence libre et non faussée : les grandes
concentrations sont négatives pour l’activité pour l’emploi l’investissement
et l ‘innovation
• Rejet de la fusion enfin au motif que l’entrée de CRRC, l’acteur chinois
dominant au niveau mondial sur le marché européen était une
perspective lointaine
5. Une triple erreur
• Cette décision est une Triple erreur : pourquoi ?
• Théorie économique argument Baumol : contestabllité des marchés .
L’argument de l’absence de concurrence chinoise à horizon prévisible était
faux théoriquement et s’est révélé faux pratiquement.
• Erreur économique car la Commission affaiblit deux acteurs majeurs d’un
secteur industriel et refus d’une riposte appropriée à la concurrence
systémique chinoise.
• Erreur Politique c’est une instance communautaire qui censure la
première réponse franco allemande aux nouveaux défis
• Le débat n’a pas opposé deux visions politiques de la concurrence au sein
de l’Europe, pour faire court les ordo libéraux aux tenants de
l’intervention de l’état, pour promouvoir une base industrielle mais les
tenants d’une approche globale et mondiale de la concurrence à ceux qui
défendaient le respect du seul code des concentrations.
6. La contribution des économistes
• Le Débat a aussi opposé les économistes entre eux avec deux contributions
majeures celle de Thomas Philippon (The great Reversal et note CAE) et celle de
l’Ecole de Toulouse (Rey & Tirole)
• le Premier vantant les mérites de la politique de la concurrence européenne qui
évite les rentes de monopole des Gafam et qui établit que la concentration
débridée aux USA a eu un impact négatif sur l’emploi, l’investissement et
l’innovation ;
• les seconds plaidant pour l’indépendance de l’autorité de la concurrence en toute
circonstances et notamment comme rempart contre le lobbyisme des firmes
• L’Objection Baumoi sur la contestabilité des marchés n’est pas prise en compte par
ces deux écoles
• L’Objection Aghion-Cohen trouve tout son sens : l’Europe a les mains propres mais
n’a pas de mains, les GAFAM et les BATX sont aux USA et en Chine, la RGPD est en
Europe !
• Une triple erreur et une contribution des économistes au débat détâchée du
contexte vont provoquer en Europe un débat sur la politique industrielle et une
interrogation sur les institutions communautaires.
7. Légitimation de la politique industrielle
• La querelle commerciale initiée par les USA sur les vols de propriété intellectuelle,
l’inquiétude allemande face à la perte de joyaux industriels acquis par les chinois,
l’érosion de l’avantage compétitif allemand , la grande mutation numérique en
cours … tout pointe vers la concurrence systémique chinoise et l’absence de
réponse appropriée de la part de l’Europe. Réflexion renouvelée sur la politique
industrielle avec même une dimension sectorielle (Germany 2030, Plan Altmeier-
Le Maire, Plan BDI …)
• Que faire dans l’IA, l’industrie du futur, le VE, l’Internet des objets, la chimie verte,
les techno de decarbonation …
• Que faire pour établir la réciprocité avec la Chine
• Comment mettre un terme à la relation inégale en matière d’investissements dans
les actifs stratégiques
• Comment promouvoir une réponse coordonnée dans les techno géneriques, les
deep tech, les technologies duales
• Comment promouvoir les champions européens dans les secteurs capitalistiques
mais aussi les start ups …
8. Légitimation aussi de la réforme des institutions communautaires et même
du règlement des concentrations !
• En effet ce que révèle la défense de la DG Comp
• c’est d’une part, un logiciel communautaire bloqué sur
la seule perspective de l’intégration qui passe par le
démantèlement des positions dominantes nationales
et le refus de les voire se reconstituer au niveau
européen
• et d’autre part, les effets pervers d’un fonctionnement
communautaire en silos qui ne communiquent pas ce
qui interdit de penser les effets agrégés de l’ensemble
de politiques commerciale ET de concurrence,
économique ET géopolitique.
9. Que conclure ?
• Concurrence utile pour l’innovation, utile pour les consommateurs et même les
producteurs ! Surtout quand l’enjeu cesse d’être le rattrapage et devient la
croissance par l’innovation.
• Le volet antitrust de la politique de la concurrence n’est pas en cause non plus, ce
qui l’est c’est un règlement de concentrations qui nous prive d’outils de réponse
appropriés dans le nouveau monde sino-américain
• Avec le recul certains refus de concentrations en Europe ont été malheureux on
peut donc critiquer certains usages de cette politique et en même temps saluer le
rôle exemplaire de la Commission face aux GAFA
• Pour un usage mieux adapté donc de l’outil concurrentiel .
• Mais réflexion nouvelle à mener sur une politique intégrée de la concurrence et de
la politique commerciale de l’action économique et de l’action extérieure =>
apprentissage de la puissance et de la stratégie. Par la volonté des USA et de la
Chine les règles multilatérales de l’échange se transforment en rapports de force
(weaponisation) l’UE est un empire de la règle elle et de ce fait en désavantage
compétitif !
• La réforme a démarré en Europe : procureur commercial, actions sectorielles en
matière industrielle, protection des pépites technologiques par screening de
l’investissement …..