2. 107
En croisière côtière et surtout hauturière, l’énergie est toujours le nerf
de la guerre. Surtout si on n’entend pas se priver d’un niveau de confort
autrefois réservé à l’habitat terrestre, et qui désormais s’embarque.
Alain RoupiePierre-Yves PoulainTexte Photos
Quelle énergie
pour quel confort ?
réparer un grand croiseur comme notre
Lagoon, c’est forcément faire des choix et
des compromis. En matière d’énergie, en
particulier, il y a un arbitrage à faire entre
autonomie énergétique, équipements
de confort… et budget. L’idée, avant
de se lancer tête baissée dans l’achat
de générateurs et de batteries, est de bien évaluer ses besoins,
c’est-à-dire de dresser son bilan énergétique. Un travail qui
se décline dans deux configurations, navigation (pilote, feux…)
et mouillage (sono, voire climatisation ou chauffage). Car
en grande croisière, si on est naturellement amené à faire de
longues navigations, on passe surtout beaucoup de temps au
mouillage. En général, on consomme davantage en navigation,
parce qu’on est sous pilote à peu près 24 heures sur 24. Mais
l’exercice du bilan énergétique a cela de salutaire qu’il permet de
réaliser que la consommation au mouillage n’est pas négligeable
non plus. Partant de ce constat, on peut par exemple imaginer
un « pack énergie » qui absorbe cette consommation courante
avec des énergies renouvelables (ça tombe bien, en catamaran
on a de grandes surfaces pour les panneaux solaires), et un
générateur pour absorber les pics et assurer en cas d’urgence.
P
3. 108
L’énergie
J’équipe mon cata épisode 1 épisode 2 épisode 3
Lieu / Période Novembre, décembre, Février, mars, Du mois d’avril
janvier septembre et octobre au mois d’août
Dunkerque 5 ampères/heure 17 ampères/heure 34 ampères/heure
Toulon 11 ampères/heure 25 ampères/heure 43 ampères/heure
Production attendue pour un panneau de 100 W
Besoins Confort Optimisés
Consommateur Consommation Temps d’utilisation Conso sur 24 h Temps d’utilisation Conso sur 24 h
Pilote 4 ampères 24 heures 96 ampères 14 heures 56 ampères
Instruments 0,4 ampère 24 heures 9,6 ampères 24 heures 9,6 ampères
Feux de navigation (LED) 0,2 ampère 12 heures 2,4 ampères 12 heures 2,4 ampères
VHF veille 0,2 ampère 24 heures 4,8 ampères 24 heures 4,8 ampères
VHF émission 4,4 ampères 0,2 heure 0,88 ampère 0,1 heure 0,44 ampère
Recharge téléphone (1)
0,3 ampère 1 heure 0,3 ampère 0,5 heure 0,15 ampère
Recharge iPad (1)
0,4 ampère 3 heures 1,2 ampère 1 heure 0,4 ampère
Réfrigérateur 2,4 ampères 20 heures 48 ampères 12 heures 28,8 ampères
Plafonnier carré 0,8 ampère 1 heure 0,8 ampère 0,5 heure 0,4 ampère
Veille table à cartes 0,5 ampère 10 heures 5 ampères 4 heures 2 ampères
Eclairage table à cartes 0,7 ampère 2 heures 1,4 ampère 0,5 heure 0,35 ampère
Eclairage cabine 0,9 ampère 1 heure 0,9 ampère 0,5 heure 0,45 ampère
Eclairages carré (LED x 2) 0,3 ampère 1 heure 0,3 ampère 0 heure 0 ampère
Groupe eau douce 7,6 ampères 1 heure 7,6 ampères 0,5 heure 3,8 ampères
Hi-fi (CD) 2 ampères 7 heures 14 ampères 3 heures 6 ampères
Total 193,18 ampères 115,59 ampères
La consommation en navigation
Éolienne et hydrogénérateur
sont aussi des possibilités
pour produire de l’énergie
renouvelable. Mais au
mouillage, seule l’éolienne
fonctionne !
4. 109109
L’AVIS DU CLIENT : J’ai opté pour un groupe
Onan de 11 kg, que l’équipe d’ACV a monté
dans un coffre avant, avec les filtres parfaite-
ment accessibles pour l’entretien. Cela a été
réalisé après livraison du bateau, car je m’étais
décidé trop tard pour l’avoir en monte d’origine.
Je ne suis pas certain de m’en servir
tous les jours, mais c’est une vraie sécurité.
Coté panneaux, j’ai pris là aussi une vraie
marge par rapport à l’option catalogue,
mais cela me dispensait d’une éolienne qui m’aurait empêché de fixer
mes porte-cannes à pêche ! Côté batteries, la dotation standard m’a
paru bien pensée, avec 6 x 140 A en servitude, 2 x 100 A pour les
moteurs, et bien sûr une batterie indépendante pour le groupe
L’AVIS DU VENDEUR : Nous avons convaincu Corinne et Éric de ne pas
lésiner sur les panneaux solaires. Tant qu’à avoir un portique au-dessus
des bossoirs, autant le charger avec un maximum de puissance. Nous
avons customisé un support orientable qui accepte 3 x 330 W, en lieu
et place des 4 x 120 W de l’option chantier. Notre calcul étant que
ces panneaux doivent pouvoir quotidiennement alimenter le groupe
froid et le dessalinisateur sans avoir recours au générateur. Le choix
de batterie standard est très cohérent, d’autant qu’il est plus facile
de les remplacer à l’identique autour du monde que dans le cas
de batteries au gel, un peu plus chères et moins fréquentes. Nous
avons enfin monté un convertisseur 220 V Victron, qui peut quand même
se révéler pratique dans le cas d’un long séjour loin des marinas.
L’AVIS DE L’EXPERT (Jean-Baptiste HALLO, Pochon) :
La combinaison panneaux/groupe est un bon compromis, car elle
va permettre de donner la priorité au soleil, ou, en son absence, avoir
recours au gasoil. Une sorte de « double indépendance » qui est
rassurante. La technologie des panneaux a beaucoup évolué, et leur
prix a chuté. C’est une énergie facile et rapide. Sur un multicoque
où la place ne manque pas, un portique orientable sur les bossoirs
augmentera l’exposition, à l’inverse de panneaux placés de façon fixe,
et notamment les fameux panneaux souples que l’on retrouve de plus
en plus souvent installés en série par les chantiers, dont le rendement
est forcément moindre en dehors des heures zénithales,
et le placement parfois ombragé par la grand-voile.
Une autre combinaison pourrait consister à marier une éolienne
avec un hydrogénérateur. L’éolienne est de moins en moins courante
car elle souffre d’un déficit d’intérêt basé sur le cliché du bruit et
des vibrations. Mais là encore, les récentes évolutions ont permis
d’atteindre de bons rendements avec beaucoup moins de nuisances,
à condition bien sûr de soigner le montage du mât en le confiant
à un spécialiste.
L’hydrogénérateur est plus discret et très efficace, mais
a un inconvénient de taille : il faut naviguer ! Ceci dit, il présente
un rendement intéressant dès 3-4 nœuds, et un vrai plus au-delà
de 6 nœuds, avec une traînée négligeable sur une unité de cette taille.
Reste la pile à combustible, meilleur rendement coût/encombrement,
qu’il faut considérer comme un groupe avec son stock de carburant,
et qui a l’énorme avantage d’être silencieuse, disponible 24h/24
et parfaitement linéaire dans son rendement.
Quel que soit le mode de production choisi, il faut bien évidemment
calculer en amont la consommation moyenne quotidienne de tous
les appareils du bord. À ce calcul je recommande toujours d’ajouter
20 %, pour être certain de ne pas être pris en défaut.
Voilà un vrai sujet. Le bilan énergétique d’un catamaran
de 45 pieds peut vite affoler les compteurs. Surtout
dans le cas de Corinne et Éric qui ont privilégié
la recherche d’autonomie et un véritable confort
domestique. Là aussi, des choix coûteux, mais
qui sont à mettre en comparaison avec les frais de port
dans les marinas où l’on vient se brancher en 220 V
« comme à la maison ».
Avec la combinaison panneaux/groupe, une « double indépendance »
Les panneaux solaires (3 x 330 W) étalent
la consommation quotidienne du groupe froid
et du dessalinisateur. Pour une meilleure
productivité tout au long de la journée,
ils ont été montés sur un support orientable
afin d’être toujours présentés à la
perpendiculaire des rayons du soleil.
Le groupe électrogène a été monté a posteriori
dans une des soutes avant, loin du cockpit,
pour ne pas déranger l’équipage.
5. 110
Partir au soleil implique de pouvoir conserver des vivres
dans les meilleures conditions. Si, en plus, vous
voulez boire frais et n’aimez pas transpirer, le froid
devient un véritable sujet, qui sera évidemment lié
à celui de l’énergie (voir plus bas).
L’AVIS DU CLIENT : J’ai trouvé que la dotation de base en froid proposée
par le chantier était un peu limite pour un bateau qui peut aller loin
et embarquer de la famille et des amis. J’ai donc pris sans réfléchir l’option
congélateur, disposé à droite en entrant dans le carré. J’ai par la suite,
après livraison du bateau, monté moi-même un frigo de 85 litres (NDLR :
non proposé par le chantier) dans la descente bâbord, en lieu et place
d’un placard, pour le dédier uniquement aux boissons. J’ai enfin créé
une sorte de cave à vins avec des étagères dans la pointe avant, en espérant
que la température n’abîme pas mes meilleures bouteilles ! J’ai acheté
moi-même un four à micro-ondes que j’ai inséré dans l’emplacement
prévu à cet effet, et enfin modifié les raccords de gaz pour installer 2 x 13 kg
sous la banquette arrière, ce qui me permet de brancher facilement
la plancha que j’ai fixée sur le balcon arrière.
L’AVIS DU VENDEUR : Corinne et Éric ont, comme beaucoup de clients,
accordé une place importante au froid, probablement habitués au confort
d’une cuisine de maison qui offre beaucoup d’espace. Le sacrifice
d’un placard dans la descente peut se discuter, mais Éric a réalisé
cette installation lui-même. L’autre sujet qui ne se discute pas
est la climatisation réversible optionnelle proposée par le chantier, un choix
de raison car c’est non seulement un argument incontournable à la revente,
mais surtout une installation qui ne peut être réalisée a posteriori.
Les raccords de gaz « bricolés » sont en général à proscrire, pour
des raisons évidentes de sécurité, même si l’installation d’Éric va lui offrir
tout ce dont rêve un amateur de grillades !
Le froid et le chaud
L’eau douce
Le Lagoon 450 est proposé
avec 4x175 litres d’eau douce,
idéalement répartis. Un volume
qui paraît suffisant, surtout si on
l’agrémente d’un dessalinisateur.
Là encore un investissement
non négligeable, mais qui contribue
grandement à l’autonomie. Trois
cuves à eaux noires (une par salle
de bains) permettent aussi de
prolonger le mouillage avant
de se mettre à la recherche d’une
pompe ou d’une zone de vidange.
L’AVIS DU CLIENT : Sur les conseils d’ACV,
j’ai opté pour un modèle Aquabase qui produit
110 l/heure, qu’ils m’ont parfaitement monté.
Je voulais absolument du 12 V, et le chantier,
à l’époque, ne proposait que des modèles
en 220V.
L’AVIS DU VENDEUR : Le gros intérêt du 12V
est évidemment de pouvoir le faire fonctionner
avec les panneaux solaires (voir plus bas).
Ce modèle Aquabase est le plus gros débit
dans ce voltage, mais nous a paru suffisant au
regard de la capacité de stockage du bateau.
À noter que les nouveaux modèles Lagoon
proposent désormais du 12 V dans leur
J’équipe mon cata épisode 1 épisode 2 épisode 3
6. 111
Fountaine-Pajot :
s’adapter à l’international
Pour Steven Guedeu, directeur commercial
du chantier Foutaine-Pajot, la question
de l’équipement telle qu’elle se pose
à un chantier qui exporte une bonne partie
de sa production appelle nécessairement
une réponse internationale, intégrant
des éléments climatiques et liés aux
pratiques locales. On lui donne la parole.
« Nous vendons nos bateaux dans le monde entier, et nous devons non seulement
adapter ces bateaux aux normes des pays dans lesquels ils sont livrés mais aussi
aux demandes des clients, parfois très différentes. D’où une liste d’options assez
ouverte, qui vient en complément du modèle standard. Par exemple, la climatisation
et le groupe sont absolument incontournables aux USA, un pays où il n’est pas rare
qu’on nous demande de climatiser même le flybridge… ! Là où un client en Méditerranée
ne sera pas forcément intéressé par ces éléments. Notre politique est de faire confiance
à nos distributeurs pour faire ce travail d’adaptation, quitte à aller chercher des complé-
ments en dehors de notre liste d’options. À une condition bien sûr : l’installation doit être
faite dans les règles de l’art, sans affecter l’intégrité du bateau, faut de quoi la garantie
chantier pourrait être remise en question. Certains clients nous appellent parfois de
l’autre bout du monde quand ils ont un problème, en pensant que cela vient du chantier.
Or cela peut tout à faire provenir d’une installation un peu bricolée qui n’était pas
conforme au cahier des charges du bateau…Mieux vaut donc être très transparent sur
« qui fait quoi », ce qui est sous-traité et ce qui demeure de la responsabilité de chacun.
Pour ce qui est de nos propres options, nous les montons
en usine sur les modèles qui sortent de nos lignes. Mais
cela concerne les demandes les plus courantes. Le métier
de notre bureau d’études est de concevoir des bateaux,
pas des options, et notre capacité de production est déjà
poussée à son maximum. Autrement dit, l’équipement
optionnel du bateau est un sujet qui dépend aujourd’hui
plus du concessionnaire et de sa relation avec le client
final. Vendre une annexe, par exemple, ce n’est pas notre
métier. Nous en avons une au catalogue, mais compre-
nons très bien qu’un client porte son choix sur une autre
marque ou un autre modèle, pour peu que celui-ci soit
compatible avec nos bossoirs et leur contrainte de charge. Nous réfléchissons d’ailleurs
à créer une filiale dédiée à ces besoins, qui serait justement là pour aider le concession-
naire à monter des options sur mesure qui seraient garanties. Nous avons parfois
des demandes un peu étonnantes, comme ce client nordique qui voulait faire installer
un sauna dans sa cabine… Une option qui n’était bien sûr pas dans notre catalogue !
Ou encore des demandes de livraison de bateaux sans gréement, voire sans moteur.
La personnalisation est dans l’air du temps : nos clients ajoutent en moyenne 30 %
au prix de base pour équiper leur bateau. Certains marchés, comme les USA, vont
jusqu’à dépenser ensuite 30 % supplémentaires après la livraison pour les suréquiper. »
Et chez les autres ?
Nos clients
ajoutent en
moyenne 30 %
au prix de base
pour équiper
leur bateau.
catalogue d’options, mais sur des débits
moins importants (60 l/heure).
L’AVIS DE L’EXPERT (Jean-Baptiste HALLO,
Pochon) : Un dessalinisateur en 12 V est
une bonne idée car il permet évidemment
de le faire fonctionner en toute autonomie,
idéalement en même temps que le groupe.
La question à se poser est toujours la même :
de combien d’eau ai-je réellement besoin,
et pendant combien de temps ai-je envie
d’avoir le bruit de mon « moment énergie »
dans la journée ? À terme, on peut aussi
espérer que les chantiers évoluent vers
le 24 V, plus cohérent avec des bateaux
de cette taille. Dans tous les cas, il faut penser
à l’entretien de son dessalinisateur, assez
facile à réaliser soi-même, et être très
rigoureux pour éviter les pannes. Nous
livrons ce type de modèle avec un calendrier
très précis et les pièces à changer.
Le micro-ondes est une technologie acceptable dès lors
que l’on dispose d’un groupe. Il permet de chauffer
rapidement des aliments qui auraient consommé
beaucoup de gaz. La plancha extérieure est un bonus
très appréciable au mouillage... Reste à pêcher !
Futuriste ?
Le tout solaire est possible ou en tout
cas très sérieusement envisagé
sur le Daedalus 80 américain propulsé
par des moteurs électriques et bardé
de panneaux solaires sur le rouf,
sur le pont et même sur la grand-voile.