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pour couchage quotidien
DIVA Prestige avec Matelas TRECA
Entretien
S
ur son bureau, un bicorne
noir ourlé d’un ruban bleu-
blanc-rouge. Dans sa poche
deveston,unsmartphonequison-
ne sur l’air de Isn’t she lovely, le
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Monde dans son bureau de Bercy.
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Benoît Hamon, son collègue de
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n’est pas nouveau, et cela fait des
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celedogmedel’orthodoxiebudgé-
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d’hui ministre de l’économie, et sa
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menées dans lazone euro – France
y compris, souligne-t-il – pose iné-
vitablement une question politi-
que majeure: celle de son avenir
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bourg, qui n’oublie pas de rester
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tent valables. Il faut provoquer un
électrochoc dans la zone euro.
Dans un contexte de reprise, le
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où les leaders des pays membres
s’obstinentàmenerdespolitiques
quibloquentlacroissanceetempê-
chent le chômage de baisser.
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M.Hollande dit qu’il faut adapter
le rythme. Est-ce que l’adapta-
tion est suffisante?
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cesentermesbudgétaires.Aujour-
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elle rend impossible le rétablisse-
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des ministres, j’en parle souvent
avec mon collègue des finances, je
le dirai jusqu’à ce que je n’aie plus
de souffle: l’Europe est en train de
se mettre dans une impasse à cau-
sedechoixdepolitiqueséconomi-
ques qui s’apparentent à un acci-
dent industriel majeur de l’histoi-
re économique contemporaine.
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notamment en France, depuis
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tion budgétaire?
Cen’estpasmonconstat,c’estle
diagnostic posé par les institu-
tionsfinancièresdumondeentier,
à commencer par le Fonds moné-
taire international qui, par la voix
de sa directrice, Christine Lagarde,
met en garde les dirigeants euro-
péens contre un excès de consoli-
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cauchemar en Europe n’est pas
hypothétique.Lanouvelledelapro-
duction industrielle en panne fait
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tes sont également lancées par les
dirigeants des grandes puissances
mondiales, dont Barack Obama.
Mais n’est-ce pas ce que fait le
gouvernement auquel vous
appartenez?
Je n’excepte pas la France de ce
constat.C’estlaraisonpourlaquel-
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raît en oubliant de combattre l’es-
sentiel, le chômage de masse, sont
surreprésentésàlaBanquecentra-
le européenne [BCE].
La BCE doit changer de braquet
etse mettreà fairecequefonttou-
tes les banques centrales du mon-
de, notamment des pays qui ont
su faire repartir la croissance, à
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que. Nous avons deux problèmes:
la politique budgétaire européen-
ne, avec l’accumulation des plans
d’austérité dans tous les pays de
l’Union, et la politique monétaire,
excessivement verrouillée. Les
leçons des années 1930 devraient
nousfaire comprendrequec’est le
chômage qui provoque un durcis-
sementetunemontéedelaviolen-
ce dans les sociétés européennes.
Le gouvernement s’est engagé à
réaliser 50milliards d’euros
d’économies en trois ans. Cer-
tains économistes trouvent que
c’est trop. Qu’en pensez-vous?
Si des économies doivent être
réalisées,ellesdoiventêtrepartiel-
lement restituées aux Français
pour compenser l’effet récessif
qu’elles pourraient générer. Pour
ma part, je défends la règle des
«trois tiers». J’ai adressé une pro-
position en ce sens au premier
ministreetauprésidentdelaRépu-
blique.Unpremiertiersdeceséco-
nomiesdoitserviràréduireledéfi-
cit, car nous sommes attachés au
sérieux budgétaire. Un deuxième
tiersest déjàaffectéausoutiendes
entreprises, qu’il est nécessaire de
soutenir.Enfin,lederniertiersdoit
être consacré aux ménages pour
stimuler leur pouvoir d’achat et la
croissance. Il serait d’ailleurs très
bon que tous les pays européens
fassent de même, c’est ce qu’a déjà
commencé MatteoRenzi en Italie.
MM.Hollande et Valls ne sem-
blent pas partager votre point
de vue…
Pourl’instant,jefaisdesproposi-
tions.Jesouhaitequ’auseindugou-
vernement et de la majorité nous
puissions lesfaire progresser.
On en est encore loin…
La mi-temps est toujours le
moment de la revue tactique et
stratégique. Il faudra que le débat
progresse.
En France, le problème n’est
donc pas seulement un problème
d’offre mais aussi de demande?
Le problème est double et nous
devons traiter les deux en même
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est urgent d’aider les ménages.
Nous pourrions par exemple ima-
ginerd’intensifierlesbaissesd’im-
pôtsconcernantlesclassesmoyen-
nes et les classes populaires.
Que faut-il faire avec l’Allema-
gne?
Il faut hausser le ton. L’Allema-
gne est prise au piège de la politi-
que austéritaire qu’elle a imposée
àtoutel’Europe.Quandjedisl’Alle-
magne, je veux parler de la droite
allemande qui soutient Angela
Merkel. La France n’a pas vocation
às’alignersurlesaxiomesidéologi-
ques de la droite allemande. Je ne
peux que remercier Sigmar
Gabriel, mon homologue socialis-
teà l’économie, qui poussedans le
même sens que nous.
Mais nous ne pouvons plus
nous laisser faire. Si nous devions
nous aligner sur l’orthodoxie la
plus extrémiste de la droite alle-
mande, cela voudrait dire que le
vote desFrançais n’aaucune légiti-
mité et que les alternances ne
comptent plus. Cela signifierait
que, même quand les Français
votentpourlagauchefrançaise,en
vérité ils voteraient pour l’applica-
tion du programme de la droite
allemande! Nous ne pouvons l’ac-
cepter.
C’est ce qui se passe?
C’est une des raisons pour les-
quelles nous avons une poussée
du Front national, avec le risque
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l’Europe. Nous devons apporter
des solutions alternatives.
A celles que porte le gouverne-
ment auquel vous appartenez…
Pour l’instant, le débat est
ouvert, puisque la loi budgétaire
sera présentée en septembre. Ce
débat est fondé sur un diagnostic
partagé des difficultés prolongées
de la crise française et européen-
ne. Les esprits libres sont fondés à
en tirer quelques conséquences.
Ces idées font leur chemin.
Envisagez-vous de quitter le gou-
vernement si vous n’avez pas
satisfaction sur ces choix?
Je ne me situe pas dans cette
hypothèse. Mon travail, depuis
deux ans, est inlassablement de
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toujours. Mais je suis à mon poste
de combat pour faire évoluer des
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sont pas figés.
Donc changer de cap?
Je pense que je l’ai exprimé
assez clairement. Il y a toujours
une alternative.
Vous avez plaidé pour la nomina-
tion de M.Valls à Matignon. Avez-
vous la même vision de la situa-
tion politique et économique?
Je discute beaucoup avec
Manuel Valls. Je plaide sans relâ-
che auprès de lui et deses équipes.
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trempés dans la franchise. Après,
c’est à lui de décider, il est le pre-
mier ministre.
Vous avez invité à Frangy-en-
Bresse (Saône-et-Loire), diman-
che, ceux que l’on appelle les
«frondeurs» au PS…
J’aiinvitétouslesdéputéssocia-
listes comme tous les ans. Je ne
tiens pas à jour une liste des fron-
deurs. Je discute avec la majorité,
toute la majorité.
Est-ce que ceux qui, au PS,
posent les questions que vous
posez, doivent être qualifiés,
comme l’a fait le premier minis-
tre, d’«irresponsables»?
Dans la Constitution, le Parle-
mentalaresponsabilitédecontrô-
ler l’action du gouvernement et
non l’inverse. Chacun exerce ses
responsabilités. Les députés pren-
nentles leurs. Lepremier ministre
est un républicain convaincu qui
sait l’importance du débat dans
une démocratie.
Y a-t-il un risque d’embrase-
ment de la société française?
La société est exaspérée. Il faut
l’écouter, l’entendre et répondre à
ses demandes. Beaucoup de parle-
mentaires le ressentent. Il est
grand temps de réagir.p
Propos recueillis par
Bastien Bonnefous, Patrick
Roger et Thomas Wieder
«Laréduction
àmarcheforcée
desdéficits
estuneaberration
économiquecarelle
aggravelechômage»
«Nousdevonsapporterdessolutionsalternatives»
Leministredel’économie,ArnaudMontebourg,dénoncedeschoixpolitiquesquimènentàl’impasse
«L’Allemagne
estpriseaupiège
delapolitique
austéritaire
qu’elleaimposée
àtoutel’Europe»
BRUNO LÉVY POUR «LE MONDE»
50123
Dimanche24- Lundi 25 août 2014

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Certes, le cœur de son propos n’est pas nouveau, et cela fait des annéesqueM.Montebourgdénon- celedogmedel’orthodoxiebudgé- taire.Seulementvoilà,ilestaujour- d’hui ministre de l’économie, et sa condamnation des politiques menées dans lazone euro – France y compris, souligne-t-il – pose iné- vitablement une question politi- que majeure: celle de son avenir dans un exécutif dont les deux têtes,FrançoisHollandeetManuel Valls, martèlent qu’ils n’enten- dent pas changer de «cap». Pour l’heure, Arnaud Monte- bourg, qui n’oublie pas de rester prudentmalgrésesairsbravaches, prendbien soindenepasattaquer frontalement les deux hommes. Mais pour combien de temps? La question est désormais posée. Les derniers indicateurs écono- miques sont très inquiétants, la croissance est nulle, le chômage augmente. Que faire? L’honnêteté oblige à dire que la croissance est nulle chez nous, qu’elle est négative chez nos voi- sins et qu’il existe un grave risque déflationniste dans la zone euro. Aujourd’hui, tous les économistes sérieux le disent : la récession menace en Europe pendant que la croissance monte partout ailleurs dans le monde. Il faut donner la priorité à la sortie de crise et faire passerausecondplanlaréduction dogmatique des déficits, qui nous conduità l’austéritéetà lamontée continue du chômage. Au «Monde», en avril2013, vous disiez déjà que ce choix menait à la «débâcle». Nous y sommes? Jenemeplaispasdanslerôlede l’oracle. Mes déclarations d’avril2013 étaient fondées et res- tent valables. Il faut provoquer un électrochoc dans la zone euro. Dans un contexte de reprise, le seul îlot kafkaïen est la zone euro, où les leaders des pays membres s’obstinentàmenerdespolitiques quibloquentlacroissanceetempê- chent le chômage de baisser. Sur la réduction des déficits, M.Hollande dit qu’il faut adapter le rythme. Est-ce que l’adapta- tion est suffisante? Le pas que le président de la République a fait est utile. Il faut maintenantentirerlesconséquen- cesentermesbudgétaires.Aujour- d’hui,laréductionàmarcheforcée desdéficitsestuneaberrationéco- nomiquecarelleaggravelechôma- ge, une absurdité financière car elle rend impossible le rétablisse- ment des comptes publics, et un sinistre politique car elle jette les Européens dans les bras des partis extrémistes qui veulent détruire l’Europe.Jel’aiditdevantleconseil des ministres, j’en parle souvent avec mon collègue des finances, je le dirai jusqu’à ce que je n’aie plus de souffle: l’Europe est en train de se mettre dans une impasse à cau- sedechoixdepolitiqueséconomi- ques qui s’apparentent à un acci- dent industriel majeur de l’histoi- re économique contemporaine. En a-t-on trop fait en Europe, et notamment en France, depuis deux ans, en matière de contrac- tion budgétaire? Cen’estpasmonconstat,c’estle diagnostic posé par les institu- tionsfinancièresdumondeentier, à commencer par le Fonds moné- taire international qui, par la voix de sa directrice, Christine Lagarde, met en garde les dirigeants euro- péens contre un excès de consoli- dation budgétaire. Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, a encore déclaré le 13août: «Le scénario du cauchemar en Europe n’est pas hypothétique.Lanouvelledelapro- duction industrielle en panne fait craindre une nouvelle entrée en récession en Europe, la première raison, c’est l’austérité.» Ces aler- tes sont également lancées par les dirigeants des grandes puissances mondiales, dont Barack Obama. Mais n’est-ce pas ce que fait le gouvernement auquel vous appartenez? Je n’excepte pas la France de ce constat.C’estlaraisonpourlaquel- lejem’emploie àmefaireleporte- parole de ceux, si nombreux, qui appellentàfaireévoluernoschoix politiques dans la zone euro. Aujourd’hui, malheureusement, lesfaucons de l’inflation, qui com- battentl’inflationquandelledispa- raît en oubliant de combattre l’es- sentiel, le chômage de masse, sont surreprésentésàlaBanquecentra- le européenne [BCE]. La BCE doit changer de braquet etse mettreà fairecequefonttou- tes les banques centrales du mon- de, notamment des pays qui ont su faire repartir la croissance, à savoir racheter de la dette publi- que. Nous avons deux problèmes: la politique budgétaire européen- ne, avec l’accumulation des plans d’austérité dans tous les pays de l’Union, et la politique monétaire, excessivement verrouillée. Les leçons des années 1930 devraient nousfaire comprendrequec’est le chômage qui provoque un durcis- sementetunemontéedelaviolen- ce dans les sociétés européennes. Le gouvernement s’est engagé à réaliser 50milliards d’euros d’économies en trois ans. Cer- tains économistes trouvent que c’est trop. Qu’en pensez-vous? Si des économies doivent être réalisées,ellesdoiventêtrepartiel- lement restituées aux Français pour compenser l’effet récessif qu’elles pourraient générer. Pour ma part, je défends la règle des «trois tiers». J’ai adressé une pro- position en ce sens au premier ministreetauprésidentdelaRépu- blique.Unpremiertiersdeceséco- nomiesdoitserviràréduireledéfi- cit, car nous sommes attachés au sérieux budgétaire. Un deuxième tiersest déjàaffectéausoutiendes entreprises, qu’il est nécessaire de soutenir.Enfin,lederniertiersdoit être consacré aux ménages pour stimuler leur pouvoir d’achat et la croissance. Il serait d’ailleurs très bon que tous les pays européens fassent de même, c’est ce qu’a déjà commencé MatteoRenzi en Italie. MM.Hollande et Valls ne sem- blent pas partager votre point de vue… Pourl’instant,jefaisdesproposi- tions.Jesouhaitequ’auseindugou- vernement et de la majorité nous puissions lesfaire progresser. On en est encore loin… La mi-temps est toujours le moment de la revue tactique et stratégique. Il faudra que le débat progresse. En France, le problème n’est donc pas seulement un problème d’offre mais aussi de demande? Le problème est double et nous devons traiter les deux en même temps. On a aidé les entreprises, il est urgent d’aider les ménages. Nous pourrions par exemple ima- ginerd’intensifierlesbaissesd’im- pôtsconcernantlesclassesmoyen- nes et les classes populaires. Que faut-il faire avec l’Allema- gne? Il faut hausser le ton. L’Allema- gne est prise au piège de la politi- que austéritaire qu’elle a imposée àtoutel’Europe.Quandjedisl’Alle- magne, je veux parler de la droite allemande qui soutient Angela Merkel. La France n’a pas vocation às’alignersurlesaxiomesidéologi- ques de la droite allemande. Je ne peux que remercier Sigmar Gabriel, mon homologue socialis- teà l’économie, qui poussedans le même sens que nous. Mais nous ne pouvons plus nous laisser faire. Si nous devions nous aligner sur l’orthodoxie la plus extrémiste de la droite alle- mande, cela voudrait dire que le vote desFrançais n’aaucune légiti- mité et que les alternances ne comptent plus. Cela signifierait que, même quand les Français votentpourlagauchefrançaise,en vérité ils voteraient pour l’applica- tion du programme de la droite allemande! Nous ne pouvons l’ac- cepter. C’est ce qui se passe? C’est une des raisons pour les- quelles nous avons une poussée du Front national, avec le risque que les Français se détournent de l’Europe. Nous devons apporter des solutions alternatives. A celles que porte le gouverne- ment auquel vous appartenez… Pour l’instant, le débat est ouvert, puisque la loi budgétaire sera présentée en septembre. Ce débat est fondé sur un diagnostic partagé des difficultés prolongées de la crise française et européen- ne. Les esprits libres sont fondés à en tirer quelques conséquences. Ces idées font leur chemin. Envisagez-vous de quitter le gou- vernement si vous n’avez pas satisfaction sur ces choix? Je ne me situe pas dans cette hypothèse. Mon travail, depuis deux ans, est inlassablement de convaincre… Je n’y parviens pas toujours. Mais je suis à mon poste de combat pour faire évoluer des politiques qui méritent d’être changées. Les choix politiques ne sont pas figés. Donc changer de cap? Je pense que je l’ai exprimé assez clairement. Il y a toujours une alternative. Vous avez plaidé pour la nomina- tion de M.Valls à Matignon. Avez- vous la même vision de la situa- tion politique et économique? Je discute beaucoup avec Manuel Valls. Je plaide sans relâ- che auprès de lui et deses équipes. Nos rapports sont amicaux et trempés dans la franchise. Après, c’est à lui de décider, il est le pre- mier ministre. Vous avez invité à Frangy-en- Bresse (Saône-et-Loire), diman- che, ceux que l’on appelle les «frondeurs» au PS… J’aiinvitétouslesdéputéssocia- listes comme tous les ans. Je ne tiens pas à jour une liste des fron- deurs. Je discute avec la majorité, toute la majorité. Est-ce que ceux qui, au PS, posent les questions que vous posez, doivent être qualifiés, comme l’a fait le premier minis- tre, d’«irresponsables»? Dans la Constitution, le Parle- mentalaresponsabilitédecontrô- ler l’action du gouvernement et non l’inverse. Chacun exerce ses responsabilités. Les députés pren- nentles leurs. Lepremier ministre est un républicain convaincu qui sait l’importance du débat dans une démocratie. Y a-t-il un risque d’embrase- ment de la société française? La société est exaspérée. Il faut l’écouter, l’entendre et répondre à ses demandes. Beaucoup de parle- mentaires le ressentent. Il est grand temps de réagir.p Propos recueillis par Bastien Bonnefous, Patrick Roger et Thomas Wieder «Laréduction àmarcheforcée desdéficits estuneaberration économiquecarelle aggravelechômage» «Nousdevonsapporterdessolutionsalternatives» Leministredel’économie,ArnaudMontebourg,dénoncedeschoixpolitiquesquimènentàl’impasse «L’Allemagne estpriseaupiège delapolitique austéritaire qu’elleaimposée àtoutel’Europe» BRUNO LÉVY POUR «LE MONDE» 50123 Dimanche24- Lundi 25 août 2014